L’histoire du droit françois de l’Abbé Claude Fleury (1674)
p. 61-76
Texte intégral
1 L’œuvre de l’abbé Claude Fleury est restée longtemps méconnue. Rééditée plusieurs fois jusqu’à la première moitié du XIXe siècle1, soudainement reléguée par la suite2 , elle couvre pourtant des domaines très variés – langues et littératures ancienne et moderne, droit, institutions de l’Antiquité, philosophie, pédagogie, Écriture sainte, histoire universelle. Cette diversité reflète les nombreuses dispositions de l’auteur, qui sont autant d’empreintes de sa formation. Né en 1640, fils d’un avocat au Conseil privé, le jeune Fleury fait très tôt paraître des dons exceptionnels. Deux personnes ont compté au cours de son instruction : la première, le père Gabriel Cossart, l’encourage fortement à étudier et à approfondir la « jurisprudence » ; dans sa dix-huitième année, Fleury devient avocat au parlement. Mais il continue d’étendre sa curiosité d’esprit bien au-delà de la sphère professionnelle, et se met aux études historiques. Ainsi, son second « mentor », Jean de Gaumont, conseiller au parlement de Paris, l’exhorte à toujours remonter « aux sources », à lire « les ouvrages originaux ». L’élève conjugue les conseils de ses deux maîtres et se prend alors de passion pour l’étude de Papinien et de Cujas.
2Le parcours du jeune Fleury est également riche en amitiés, parmi lesquelles deux sont importantes ; la première est celle de Michel Le Peletier – le frère de Claude, futur contrôleur général des finances. Non seulement leur relation offre à Fleury d’accéder à la grande bibliothèque des Le Peletier – dont la plupart des manuscrits et des livres venaient du jurisconsulte Pierre Pithou –, mais elle permet aussi d’entretenir le futur abbé du projet commun de Michel Le Peletier et de Guillaume de Lamoignon : l’unification du droit français3. En fréquentant assidûment l’« Académie » du premier président, Fleury rencontre Boileau, Bossuet, Bourdaloue, Pellisson, Rapin... La seconde grande amitié est celle du philosophe Géraud de Cordemoy4, qui l’initie à la doctrine cartésienne.
3Après s’être inscrit au barreau pendant neuf ans, Fleury entre dans les ordres et est ordonné prêtre en 1669. Trois ans plus tard, en 1672, vraisemblablement sur la recommandation de Bossuet, il devient précepteur des fils du prince de Conti, puis, en 1680 -après avoir été nommé bibliothécaire du roi-, celui du comte de Vermandois. En 1689, il est désigné sous-précepteur des trois fils du Grand Dauphin, le duc de Bourgogne – auprès de qui il assiste Fénelon –, le duc d’Anjou, futur roi d’Espagne, et le duc de Berry. Fleury consacre tout le temps que lui laissent ces fonctions à rédiger de nombreux ouvrages dont l’un des plus importants, l’Histoire ecclésiastique des origines au début du XVe siècle, en vingt volumes in-quarto5, lui vaut son élection à l’Académie française en 16966. Enfin, après avoir reçu, en 1706, le prieuré de Notre-Dame d’Argenteuil, il est nommé, en 1716, confesseur du jeune Louis XV7. Mais il demande à se retirer en 1722 à cause de sa mauvaise santé, et meurt l’année suivante.
4Parmi l’œuvre de Fleury, les quatre ouvrages juridiques8 prennent une place singulière. De l’ Institution au Droit ecclésiastique9 au Droit public de France10, en passant par l’ Institution au Droit français11 et l’ Histoire du Droit françois, imprimée sans nom d’auteur en 167412, la pensée juridique de l’abbé est originale à plus d’un titre. Cette originalité est plus manifeste pour son Histoire. D’abord en raison de sa publication cinq années avant l’édit de Saint-Germain-en-Laye du mois d’avril 1679 qui institue un enseignement du droit français13. Ensuite, parce qu’il semble que c’est la toute première fois que l’occurrence « histoire du droit français » apparaisse – ou du moins fasse l’objet d’un titre. Une telle appellation démontre que son auteur croit non seulement à l’existence d’un droit français, malgré « la complexité et la diversité de ses sources »14, mais d’un droit qui est « individualisé » à un point tel que sa seule histoire peut être écrite. Autrement dit, le droit romain n’est plus le droit applicable « de droit » en France ; envisager l’histoire du droit français, c’est envisager dorénavant les sources de ce droit – et en premier lieu les sources romaines.
5L’affirmation du droit français contre le droit romain s’est faite, dans la seconde moitié du XVIe siècle, par la négation de sa qualité de droit commun universel et par le rejet de la tutelle du bartolisme15 qui avait contribué à lui assurer cette supériorité. Initié par Du Moulin, poursuivi par les jurisconsultes gallicans, exalté notamment par Étienne Pasquier16, « ordonné » par Louis Charondas Le Caron17 ou par Guy Coquille18, le droit français s’est ainsi peu à peu émancipé de la prééminence du jus commune. Pourtant, le droit romain continue toujours d’inspirer largement le droit français : si le second a été conçu en opposition à la supériorité du premier, une fois la situation acquise – voire même dépassée –, il ne renonce pas pour autant à recourir aux lois romaines.
6L’originalité de l’Histoire du Droit françois repose, ensuite, sur la volonté de s’inscrire dans la recherche scientifique de ces sources. Fleury a, en effet, « le souci de remonter en toute chose aux fondements, tant logiques qu’historiques »19. Sa pensée se révèle ici à la croisée de deux courants : l’humanisme juridique20 et le rationalisme cartésien21. Le premier a commencé, au XVIe siècle, à renouveler en profondeur les méthodes et les perspectives du droit en introduisant une critique philologique et historique des textes22. Ainsi, non seulement l’humanisme a veillé à reconstituer un droit romain authentique, mais en outre, il a été le promoteur d’une histoire écrite avec des sources de première main et soumises à un examen critique – semblable à celui que les gens de justice font subir aux témoignages produits dans les procès23. Par conséquent, l’humanisme historiciste a introduit le relativisme qui, exploité dans le sens d’un « véritable nationalisme juridique », a conduit à élaborer la notion de droit français24. En s’inscrivant parfaitement dans ce courant humaniste25, Fleury fait même figure d’exception. En effet, non seulement sa culture ne se limite pas au domaine juridique – à un moment où les juristes se cantonnent de plus en plus à l’étude du seul « droit positif »–, mais encore, il donne, avec son Institution, le tableau complet du droit français – droit public et droit privé – à une époque où les juristes se limitent aux commentaires de coutumes et d’ordonnances26.
7Par ailleurs – c’est le second courant –, la seconde moitié du XVIIe siècle voit les premières tentatives d’introduction du rationalisme dans le droit. Si ces essais sont en partie dus à Domat avec ses Loix civiles27, ils le sont essentiellement grâce à Claude Fleury et à Gabriel Argou28. L’abbé conforte ainsi la création d’un droit français sur « des bases conformes aux principes de la philosophie moderne »29 et s’inscrit dans les perspectives de Mabillon30 – La Diplomatique est publiée en 168131 –, dans lesquelles la critique des documents d’archives est « définitivement fondée »32. Fleury tente surtout d’opérer une synthèse entre les diverses sources du droit, « sans faveur spéciale pour l’une d’elles, et se réclamant du seul critère de la Raison ». Sa conception d’ensemble des sources lui interdit alors d’« opposer le Droit écrit aux coutumes »33
8La lecture de l’Histoire du Droit français permet de relever l’évolution du droit romain et des coutumes. Pour Fleury, « c’est ce mélange du Droit Romain avec les coutumes qui fait le Droit François d’aujourd’hui »34. Autrement dit, « pour entendre comment s’est formé le Droit nouveau, il faut voir comment l’ancien se réduisit en coutumes, et comment l’étude du Droit Romain se rétablit »35. L’auteur relate chronologiquement – avec un sens critique certain – l’histoire de ces deux sources. Les coutumes se nourrissent du droit romain et constituent ainsi le fondement même du droit français : si le droit romain se présente comme la raison du droit français, les coutumes en sont le fondement.
I – Le droit romain, raison du droit français.
9Dans l’Histoire du droit françois, Claude Fleury consacre de longs développements sur le droit romain ou, plus exactement – dans la lignée de Cujas36-, sur l’histoire du droit romain. L’abbé distingue à ce propos le droit romain dans l’« ancien droit » de celui dans le « nouveau droit ». Le premier renvoie au droit « qui a été en usage jusqu’au dixième siécle ; parce que la suite a tellement été interrompue depuis, qu’à peine en trouve-t-on quelque reste qui soit encore en vigueur ». Quant au second – le « droit nouveau »–, il recouvre « tout ce qui a été suivi sous les Rois de la troisième race ; parce qu’encore qu’il y ait eu de grands changemens, on y voit une tradition suivie de loix et de maximes, que l’on peut conduire jusqu’à nous »37. Dans ce cadre, le droit romain se présente comme « le supplément des Ordonnances et Coutumes des autres pays, sinon comme Loi obligatoire, au moins comme raison »38. En retraçant son histoire, l’abbé montre en quoi le droit français se nourrit du droit romain.
Le rôle du droit romain dans l’« ancien droit ».
10Étudiant l’histoire du droit romain sous les deux premières races royales, Fleury cherche à mesurer son rôle. L’auteur adopte une position plus modérée que celle d’un Étienne Pasquier ou d’un François Hotman qui, tout en se fondant sur des documents de première main, n’écrivaient pas une histoire politiquement neutre, et affirmaient que le droit français avait ses origines propres – c’est-à-dire gauloises, voire celtes39. Prudent, l’abbé se demande « s’il est à propos de remonter jusqu’aux Gaulois, et si on peut croire qu’après tant de changemens, il nous reste quelque droit qui vienne immédiatement d’eux ». Il donne simplement une « idée de leurs mœurs et de leur Police » tirée des écrits de Jules César et affirme qu’« il y a des preuves particulières à la Gaule pour montrer qu’elle devint à la fin toute Romaine » – la langue, la présence pendant cinq siècles. Ainsi, « on ne peut douter que le Droit Romain ne s’observât dans les Gaules »40. Fleury corrige ensuite la perception d’un droit romain statique et intemporel : il précise que c’est le Code Théodosien qui a été « le livre qui se conserva le plus long-temps après la ruine de l’empire d’Occident ». À ceux qui croient que « c’étoit ce qu’ils appeloient simplement la loi Romaine », l’auteur rétorque que ce droit n’était pas celui de Justinien « qui ne fut fait que pour les pays où il commandoit, et environ cent ans après l’entrée des Francs dans les Gaules »41.
11Abordant les rapports entre le droit romain et les « lois » barbares, l’abbé veille, à nouveau, à ne mentionner que « ce qui est certain »42. Si les Francs apportent « un nouveau droit dans les Gaules », néanmoins, comme ils n’ont « aucun usage des lettres en leur langue », leurs lois n’ont été écrites qu’en latin par des Romains43. Ces « Barbares » ont été « obligés en plusieurs rencontres d’avoir recours aux loix Romaines, parce que leurs loix particulières contenoient peu de matieres »44. Par conséquent, la loi romaine a été « universellement observée » sous les rois de la première race45. Elle l’est également à partir de Charlemagne : certes, les capitulaires46 ont été « ajoutés », mais il faut toujours recourir au droit romain en matière de contrats et d’état des personnes47. Ainsi, tout cet ensemble, appelé « ancien Droit François », est fortement dominé par la loi romaine, ce qui explique « le soin que les Rois eurent de la conserver par un article des Capitulaires de Charles le Chauve »48. Loin de voir dans les rapports entre le droit romain et les lois romaines une « opposition radicale »49, il semble plus juste d’observer une complémentarité entre les deux droits – ce qui n’empêche pas une primauté du premier sur le second. Ceci exposé, Fleury aborde, après la mention des désordres du Xe siècle, le renforcement du droit romain à partir de la redécouverte des compilations de Justinien.
L’influence du droit romain dans le « nouveau droit ».
12En retraçant l’histoire du droit romain sous la troisième race, Fleury évoque d’abord les conséquences de son « renouvellement ». Le « Droit de Justinien », peu connu en Occident jusqu’à la seconde moitié du XIe siècle, n’a été entendu, à cette époque, que « très-imparfaitement ». En effet, « jugeant impossible, et même inutile, d’avoir une intelligence parfaite du texte », les « Latins » se sont appliqués à « en tirer des conséquences », et ont étudié ce droit « d’une méthode Scholastique, pleine de chicanes et de fausses subtilités, comme on traitoit alors toutes les Sciences »50. Son étude est passée en France : le droit romain a été enseigné « publiquement à Montpellier, et à Toulouse, avant que les Universités y eussent été érigées ». Enfin. « on voulut aussi l’enseigner à Paris, mais le Pape Honorius III le défendit par une Décrétale » ; l’abbé relate les faits, sans privilégier une explication précise51.
13Fleury préfère s’interroger sur les raisons de l’engouement pour le droit romain. Il s’étonne que « ces livres composés six cens ans auparavant à Constantinople, où ils n’étoient plus suivis », soient reçus avec « tant de vénération dans des pays où jamais l’Empereur n’avoit commandé », comme l’Espagne, la France, l’Allemagne et l’Angleterre, et « sans que les puissances Ecclésiastiques ou Séculières les ayent autorisés par aucune constitution ». De surcroît, non seulement l’abbé conteste que « l’on soit accoutumé » à nommer le contenu de ces compilations « le Droit Écrit, le Droit civil, ou le Droit simplement, comme s’il n’y avoit point d’autres Droit considérable »52, mais en outre, il dénonce que ce droit ait été reçu « comme étant l’ancien droit Romain »53 Si Fleury explique cette situation par la méconnaissance des juristes54, il considère surtout que la raison profonde de la réception du droit de Justinien repose sur la grande « utilité de ces loix ».
14En effet, les « principes de la Jurisprudence » se trouvent, d’abord, bien établis, pour le « Droit particulier des Romains », pour les « Droits qui sont communs à toutes les Nations ». Certes, « il n’y a guéres de maxime du Droit naturel ou du Droit des gens, qui ne se rencontre dans le Digeste », et qui font qu’« on y trouve d’ailleurs un nombre infini de décisions particulieres très judicieuses »55. Mais l’intérêt du droit romain se situe dans la dimension politique qu’il offre : il est, en effet, « principalement avantageux pour les Princes qui y trou voient l’idée de la puissance Souveraine en son entier, exempte des atteintes mortelles qu’elle avoit reçues dans les derniers siécles ». Une telle arme permet de « fonder de belles prétentions » : si l’empereur d’Allemagne a droit à « la Monarchie Universelle, suivant l’application que les docteurs lui faisoient de ce qui est écrit dans ces loix », d’autres docteurs exposent aux rois qu’ils sont « Empereurs dans leurs Royaumes »56. Ainsi, il ne faut pas s’étonner si ce droit, qui a d’abord été « mis au jour par la curiosité de quelques particuliers, et par l’autorité des Sçavans, s’établit insensiblement par l’intérêt des Princes, et par le consentement des peuples »57.
15Enfin. Fleury relate les débats de ses contemporains sur le point de savoir si le droit romain est le droit commun en pays coutumier, « pour les cas qui ne sont point exprimés par les coutumes »58. Sur cette « question fameuse agitée par les Sçavans des derniers temps », le « Président Lizet tenoit l’affirmative ; le Président de Thou la négative »59 et, indique Fleury, sans prendre parti, « je ne sçache pas qu’elle soit encore décidée »60. L’abbé fait surtout remarquer que « l’auteur du Droit de Justinien » a apporté un « grand changement au Droit François, qui ne consistoit alors qu’en coutumes ». Ainsi, le droit romain fut jugé « si nécessaire, tout mal entendu qu’il étoit, que dans toutes les affaires on ne se servoit plus que de ceux qui l’avoient étudié, soit pour juger, soit pour plaider61, soit pour rédiger par écrit les conventions et les traités »62.
16En exposant son histoire avec distance et sens critique, Fleury avoue qu’il a eu « ses avantages aussi-bien que ses inconveniens »63. Néanmoins, il le présente surtout comme la raison d’un « nouveau » droit – le droit français – qui se forme peu à peu à partir d’une autre source : les coutumes. Ainsi, dans les provinces où elles prévalent, le droit romain « n’est point observé dans tous les cas où la coutume y est contraire, qui sont en très-grand nombre »64. Par ailleurs, il semble possible de tirer des écrits de Fleury qu’entre ces deux sources se situe le pouvoir normatif du monarque. En effet, « entre l’autorité du Droit coutumier et celle du Droit romain, on voyait [...] apparaître et grandir une tierce autorité qui devait servir d’instrument et de lien pour rapprocher peu à peu l’une de l’autre : les ordonnances »65. Toutefois, dans la seconde moitié du XVIIe siècle, un tel pouvoir reste limité, ce qui fait qu’il n’est pas tout à fait une source à part entière. Le roi est, en effet, toujours perçu sous le prisme de la juris dictio et Fleury, dans ses Instituiez, écrit que « l’administration de la justice consiste en deux points : à faire les lois, et à les faire exécuter »66. Si le pouvoir de « faire loi » prend son essor à partir du règne de saint Louis – et seulement pour quelques domaines précis –, si « le nombre des Edits a été plus grand, depuis le commencement du régné de François premier que dans tous les temps précédens »67 – bien que « presque toutes regardent le Droit public, et réglent les droits du Roi, et le pouvoir des Officiers »–, néanmoins, « l’utilité du Droit Romain n’est pas moindre »68. Dans la pensée de Fleury, les ordonnances servent ainsi d’intermédiaire entre le droit romain et le droit coutumier, entre la raison et le fondement même du droit français.
Il – Les coutumes, fondement du droit français.
17Abordant les coutumes, Claude Fleury se penche d’abord sur leur formation : sa démarche rigoureuse lui permet de confronter la définition médiévale à la réalité juridique et de reconsidérer les hypothèses jusque là avancées69. Puis, la nécessité de rédiger ce droit s’est rapidement imposée aux juristes avant d’être reprise et solennisée par le pouvoir royal ; une telle évolution permet ainsi la formation progressive du droit français.
La formation des coutumes en France.
18S’interrogeant sur ce qui fonde l’autorité des coutumes, Fleury reprend les éléments de la réflexion juridique médiévale70 – le temps et le consentement du peuple. L’abbé considère d’abord l’élément temporel : après avoir exposé que l’origine des coutumes est « toujours obscure, puisqu’elles ne sont différentes des loix, que parce qu’elles s’observent sans être écrites », il précise que « s’il arrive que l’on les écrive, ce n’est qu’après qu’elles sont établies par un long usage »71. Cependant, l’origine des coutumes en France a « une obscurité particulière » parce qu’elles se sont formées au cours des Xe et XIe siècles, pendant « le tems le plus ténébreux de notre histoire »72. Fleury se montre extrêmement prudent : « Nous n’avons de ce temps que très-peu d’auteurs, et encore peu éclairés, qui ont écrit si confusément et avec si peu de choix que je ne crois pas possible de savoir précisément quel droit s’observoit en France »73. Il tranche ainsi avec la plupart des juristes qui considèrent que les coutumes remontent aux Gaulois74.
19Lors de ces désordres, « l’ignorance et l’injustice abolirent insensiblement les anciennes loix », puis « à force d’être méprisées, elles demeurerent inconnues »75 Si, auparavant, la justice se rendait publiquement au nom de l’empereur, avec les troubles, « chacun se mit en possession de juger, aussi bien que de faire la guerre, et lever des deniers sur le peuples »76. Son hypothèse est proche de celle de Charles Loyseau pour qui seule l’usurpation a donné « origine et commencement » des justices seigneuriales77. En effet, au XVIIe siècle, la doctrine est largement persuadée que l’organisation judiciaire originelle -si ce n’est l’évolution postérieure-, s’est faite par usurpations -ce qui n’est que partiellement vrai-78. Fleury estime que « cette maniere irréguliére de rendre la justice, et l’établissement de ces nouvelles Jurisdictions, contribuerent beaucoup aux coutumes dont nous cherchons l’origine »79. Il reconnaît également que ces désordres ont été à l’origine de la plupart des droits seigneuriaux que « l’on croit s’être formés par des traités particuliers, ou des usurpations »80. Il ne semble pas « vraisemblable que les peuples ayent accordé volontairement à des Seigneurs particuliers tant de droits contraires à la liberté publique, dont la plûpart des coutumes font mention, et dont plusieurs subsistent encore »81 Si l’abbé juge que « tous ces droits sentent la servitude de ceux à qui ils ont été imposés, ou la violence de ceux qui les ont établis », il ne considère pas cependant « qu’ils soient devenus légitimes par le temps, et par l’approbation des Souverains qui ont autorisé les coutumes », même si plusieurs ont été institués « justement »82. Autrement dit, il considère la formation de la coutume avec le regard critique de l’historien83 et se montre dubitatif sur l’effectivité du consentement du peuple.
20Dans un second temps, Fleury évoque les deux causes qui ont fait évoluer la situation : « les droits de coutumes et des bourgeoisies »84 et « l’accroissement de la Jurisdiction Ecclésiastique »85. Sur celle-ci, l’abbé insiste sur le changement qu’elle a apporté à la « Jurisprudence », en donnant « une plus grande étendue » au droit canonique, et en le faisant « entrer dans la composition du Droit François, comme une de ses plus considérables parties »86. Une telle évolution s’est toutefois réalisée sur une longue durée « à cause du peu de commerce de chaque Province, et même de chaque petit pays avec les pays voisins ». Ainsi, toutes les coutumes du royaume se trouvaient différentes en raison de « la diversité qu’il y eut dans les usurpations de la puissance publique, dans les Traités des Seigneurs entr’eux et avec les communes, dans le stile de chaque Jurisdiction dans les opinions différentes des Juges »87. Néanmoins, les difficultés pratiques soulevées par ce système pousse au rapprochement des coutumes, ce que renforce leur rédaction.
La rédaction des coutumes de France.
21Exposant que « le mélange du Droit Romain avec les coutumes » constitue « le Droit François d’aujourd’hui »88, Fleury cherche à « voir en quelle forme ce Droit est venu jusques à nous », c’est-à-dire « comment on a rédigé les coutumes par écrit »89. La rédaction est devenue de plus en plus indispensable à mesure que les provinces ont été réunies à l’obéissance de la Couronne. En effet, la diversité des coutumes se trouve « embarrassante », en raison des appels portés au Parlement qui deviennent de plus en plus fréquents – « les Juges d’appel ne pouvoient sçavoir toutes les coutumes particulières, qui n’étoient point écrites en formes autentiques »90. Si l’abbé suppose même que l’étude du droit romain a contribué à ce dessein91, il indique surtout que « l’écriture étoit le seul moyen de fixer les coutumes, et de les rendre certaines malgré leur diversité »92. Rédigées vers la fin du XIe siècle, « si-tôt que les désordres qui les avoient produites furent un peu calmés ; et que le temps les eut un peu affermies »93, les premières coutumes sont essentiellement de trois sortes : « les chartes particulieres des Villes, les coutumiers des Provinces, et les traités des Praticiens »94. Quant à leur contenu, ces anciennes coutumes rassemblent, certes, « les nouveaux droits établis pendant les temps de désordre », mais surtout « les formalités de justice, et la procédure du temps »95.
22Si les rédacteurs ont toujours « supposé un autre droit, par lequel on se devoit régler dans tout le reste », comme en matière de contrats et de successions, ils ont cependant « prétendu marquer que ce qui dérogeoit au Droit commun »96. De surcroît, ces coutumes ont été écrites en français « comme traitant de matieres qui ne pouvoient être bien expliquées qu’en langue vulgaire, et qui devoient être entendues de tout le monde »97. Néanmoins, de tels écrits n’ont pas empêché que « le Droit coutumier ne fût encore incertain, parce qu’ils étoient sans autorité, ou trop anciens, ou trop succincts ». C’est pourquoi Charles VII a jugé nécessaire de rédiger les coutumes « plus exactement et plus solemnellement »98. Fleury reprend alors le dessein exposé par Du Moulin qui est d’« amasser toutes les coutumes ensemble pour n’en faire qu’une loi générale ». Ainsi la rédaction de chaque coutume en particulier n’est « que provisionnelle, afin que les peuples eussent quelque chose de certain pendant que l’on travailleroit à la réformation générale »99. L’abbé considère que c’est « la meilleure voie qu’on pût tenir pour donner à la France de bonnes loix »100. Le droit coutumier a une place fondamentale dans la formation du droit français101.
23Avec une réelle rigueur scientifique, Fleury livre une étude sur les sources du droit français, établit, sans opposition, les rapports entre le droit romain et les coutumes, et considère, avec un regard distancié, les positions des jurisconsultes de son temps. Il écrit une œuvre résolument moderne, dont plusieurs questions soulevées demandent encore à être éclaircies. À la fin de son œuvre, l’abbé indique que son étude rassemble ce qu’il a « pu recueillir de plus certain de l’histoire du droit françois » ; « si quelqu’un veut s’appliquer à cette recherche, je ne doute pas qu’il ne découvre beaucoup de choses qui me sont échappées faute de lumière et de travail »102. Et de conclure qu’il serait « content si ceux que leur profession oblige à sçavoir notre Droit, sont excités par cet écrit à en connoître les sources »103. L’Histoire du Droit français est, en ce sens, un ouvrage pionnier104.
Notes de bas de page
1 V. not. les Œuvres complètes de l’abbé Fleury [...], Éd. L. Aimé-Martin, Paris, 1837.
2 V. néanmoins F. Gaquère, La vie et les œuvres de Claude Fleury [...], Paris, 1925 (sur les réserves formulées à l’égard de cette thèse, v. N. Hepp et V. Kapp, « Introduction générale », dans C. Fleury, Écrits de jeunesse [...], Paris, 2003, p. 19. n° 6). Dans le dernier tiers du XXe siècle, plusieurs études ont été consacrées à Fleury : N. Hepp, Homère en France au XVIIe siècle, Paris, 1968 ; Id., Deux amis d’Homère au XVIIe siècle. Textes inédits de Paul Pellisson et de Claude Fleury, Paris, 1970 ; R. E. Wanner, Claude Fleury[...] as an educational historiographer and thinker, La Hague, 1975 ; F.-X. Cuche, Une pensée sociale catholique. Fleury, La Bruyère et Fénelon, Paris, 1991 ; F. Hoarau, Claude Fleury (1640-1723) : la raison et l’histoire, thèse droit, Dijon, déc. 2003..
3 V. en dernier lieu : D. Deroussin, « La participation d’un avocat parisien aux efforts de codification du XVIIe siècle : B. Auzanet, les Arrêtés du P.P.G. de Lamoignon et l’ordonnance de 1667 », Cahiers du Centre lyonnais d’histoire du droit et de la pensée politique, n° 2, 2004, p. 211-239 ; J.-L. Thireau, « Les Arrêtés de Guillaume de Lamoignon : une œuvre de codification du droit français ? », Droits, n° 39. 2004, p. 53-68.
4 Ancien avocat auvergnat, Cordemoy fut un familier des cercles cartésiens ; Bossuet le fit nommer, en 1667. lecteur ordinaire du Dauphin. Il publia une Histoire de France en 1685. Cf. J.-F. Battail, L’avocat philosophe Géraud de Cordemoy (1626-1684), La Haye. 1973. Fleury lia également des amitiés avec la famille Le Fèvre d’Ormesson et René de Marillac, avocat au Grand Conseil.
5 Les volumes s’échelonnent de 1691 à 1720.
6 Élu à l’unanimité le 2 juillet au fauteuil 36 en remplacement de Jean de La Bruyère, il est reçu le 16 juillet par François Régnier-Desmarais.
7 V. G. Minois, Le confesseur du roi [...], Paris, 1988, p. 484, 494 et 495.
8 Adde le Traité du Choix et de la Méthode des Études (1686) qui aborde la question de formation des avocats ; v. : G. Dartigues, Le Traité des Études [...], Paris, 1921 ; F. de Dainville, Au sujet du Traité des Études [...], XVIIe siècle, n° 7-18, 1953, p. 37-47.
9 D’abord prudemment publiée en 1677 et 1679 sous le pseudonyme de Charles Bonel, l’Institution paraît en 1687 sous le propre nom de son auteur.
10 Publié par J.B. Daragon en 1769 ; v. : G. Thuillier, « Comment les Français voyaient l’administration au XVIIe siècle ? Le Droit Public de France de l’abbé Fleury », La Revue administrative (RA), n° 103, 1965, p. 20-25 ; Id., « Économie et administration au grand siècle : l’abbé Claude Fleury », RA, n° 58, 1957. p. 348-357.
11 Rédigée entre 1663 et 1668, l’ Institution n’est éditée qu’en 1858 par É. Laboulaye et R. Dareste (Paris, 1858, 2 vol.). Elle a souvent été confondue avec l’Institution au Droit français de Gabriel Argou (publiée sans nom d’auteur en 1692). Or, le plan de Fleury, s’il a pu influencer Argou. s’en distingue toutefois sensiblement :
Institution de G. Argou, divisée en quatre livres :
I. De l’état des Personnes ;
II. Des Choses ;
III. Des Obligations ;
IV. Des Accessoires ;
et Suite des Obligations ;
Institution de C. Fleury :
divisée en huit parties
I. Du Droit public ;
II. Droit privé. - Des Personnes ;
III. Des Choses ;
IV. Des Obligations ;
V. Suite des Obligations ;
VI. De la Procédure civile en première instance ;
VII. De la Procédure civile en cause d’appel ;
VIII. De la Procédure criminelle en première instance.
Argou précise en outre au début de son œuvre : « J’ay prié Monsieur l’Abé Fleury de trouver bon que je joignisse son Histoire du Droit François à cette Institution, il a bien voulu y consentir » (Lyon, H. Molin, 1694, t. I, Préface). ; Cf. : É. Laboulaye, « Avertissement », dans C. Fleury, Institution [...], ouv. cité, t. I, p. XI. ; F. Hoarau, ouv. cité, p. 5-6, 195, n° 81, et p. 217.
12 Paris, M. Petit, 1 vol. in-16. Vraisemblablement rédigé pour l’un de ses élèves, André Lefèvre d’Ormesson, il fut le seul ouvrage juridique publié du vivant de l’auteur. C. Chêne précise que les professeurs royaux y « trouvent un modèle » ; ainsi « Duval y puise largement, Davot estimant même qu’il ne saurait que la répéter, y renvoie tout simplement » (C. Chêne, L’enseignement du droit français en pays de droit écrit [...], Genève, 1982, p. 205).
13 A. de Curzon, « L’enseignement du droit français dans les universités de France aux xviie et xviiie siècles », NRHD, 1919, p. 209-269 et 305-364 ; F. Olivier-Martin, « Les professeurs royaux de droit français et l’unification du droit civil français », Mélanges [...] Sugiyama, Paris, 1940, p. 263-281 ; C. Chêne, L’enseignement [...], ouv. cité.
14 F. Olivier-Martin, « Les professeurs [...] », art. cité, p. 267.
15 V. : Bartolo da Sassoferrato. Studi e documenti per il VI centenario, Milan, 1962, 2 vol., et P. Legendre, « La France et Bartole », t. I, p. 131-172 ; R. Feenstra, « Bartole et la science du droit romain », Atti del seminario romanistico internationale, Pérouse-Spolète-Todi, 1971. Pérouse, 1972, p. 7-17.
16 É. Pasquier, Les Recherches de la France [...], Paris, 1665 ; rééd. critique M.-M. Fragonard et F. Roudaut (dir.), Paris, 1996 ; V. aussi P. Bouteiller, Recherches sur la vie et la carrière d’Etienne Pasquier [...], Paris, 1989.
17 G. Leyte, « Charondas et le droit français », Droits, n° 39, 2004, p. 17-33.
18 N. Warembourg, Guy Coquille et le droit commun coutumier, thèse droit, Lille II, 2005.
19 N. Hepp, v° « Fleury (L’abbé Claude) », dans F. Bluche (dir.), Dictionnaire du Grand Siècle, Paris, 1990, p. 600 ; Fleury est « l’un des écrivains français du XVIIe siècle doté de la sensibilité historique la plus aiguë » (F.-X. Cuche, ouv. cité, p. 396).
20 Cf. D. R. Kelley, Foundations of Modern Historical Scholarship [...], New York – Londres, 1970 ; Piano Mortari, Diritto romano e diritto nazionale in Francia nel secolo XVI. Milan. 1962 ; M. Villey, La formation de la pensée juridique moderne, 3e éd. par S. Rials, Paris, 2003, p. 454-487 ; Id., « L’humanisme et le droit, » Seize essais [...], Paris, 1969, p. 60-72 ; voir également : J.-M. carbasse, Introduction historique au droit, Paris, 3e éd., 2001, n° 86 et 140 s. ; M. Fumaroli, « Aux origines de la connaissance historique du Moyen Âge : humanisme, réforme et gallicanisme au XVIe siècle », XVIIe siècle, n° 114-115, 1977. p. 5-29, not.p. 13 s. ; J. Gaudemet, Les naissances du droit [...], Paris, 3e éd., 2001, p. 347-350 ; D. Gaurier, « La revendication d’un droit national contre le droit romain : le droit coutumier en France », dans J.-H. Michel (dir.), Droit romain et identité européenne, Actes du colloque de Bruxelles, 1992, RIDA, suppl. au t. XLI, 1994, p. 29-47 ; J.-L. Gazzaniga, « Avocats, littérateurs et érudits au XVIe siècle », dans B. Durand et L. Mayali (dir.), Exceptiones iuris : Studies in Honor of André Gouron, Berkeley, 2000, p. 261-281 ; S. Rials, « Veritatis iuris [...] », Droits, n° 26, 1997, p. 101-182 ; M. Reulos, « L’influence des juristes humanistes sur l’évolution du droit en France [...] », La formazione storica del diritto moderno [...], Actes du congrès de Florence, 1977, Florence, 1977, 2 vol., t. I, p. 221-236 ; J.-L. Thireau, Charles Du Moulin [...], Genève, 1980, p. 91 s. et 128 s ; du même auteur voir : Introduction historique au droit, Paris, 2e éd., 2003, p. 219 s. ; « Le comparatisme et la naissance du droit français », RHFD, n° 10-11, 1990, p. 153-191 ; « Le jurisconsulte », Droits, n° 20, ouv. cité, p. 21-30 ; « L’alliance des lois romaines avec le droit français », dans J. Krynen (dir.). Droit romain, jus civile et droit français, Actes de la table ronde de Toulouse. 1998, Toulouse, 1999, p. 347- 374 ; « Droit national et histoire nationale : les recherches érudites des fondateurs du droit français », Droits, n° 38, 2003. p. 37-51.
21 M. Villey, La formation [...], ouv. cité, p. 489 s. ; voir aussi : N. Cornu Thénard. « L’avènement d’une rhétorique « cartésienne », Droits, n° 36. 2002. p. 99-114 ; N. Hepp, « Humanisme et cartésianisme : la guerre ou la paix ? », N. Hepp, R. Mauzi et C. Pichois (dir.), Mélanges [...] René Pintard, Strasbourg, 1975, p. 451-461. Pour F. Hoarau, il existe « un rationalisme, le plus souvent cartésien, dans la pensée de Fleury », même si Descartes y occupe « malgré tout une place relativement modeste ». « Le souci manifeste par Fleury d’enraciner la connaissance dans le réel » rejoint également « les préoccupations exprimées par Descartes dans le Discours de la méthode » (F. Hoarau, ouv. cité, p. 37, 36 et 44 ; v. aussi p. 79 s.).
22 É. Pasquier écrit qu’ayant communiqué ses Recherches à ses amis, « il y en avoit quelques-uns qui trouvoient de mauvaise grace, qu’à chaque bout de champ je confirmasse mon dire par quelque Autheur ancien » (É. PASQUIER, Les Recherches [...], ouv. cité, liv. I. p. 1) ; « Pour Pasquier, comme pour Bodin et De Thou, l’histoire est avant tout “enregistrement des variations du droit” » (C.-G. Dubois, La conception de l’histoire en France au XVIe siècle [...], Paris, 1977, p. 22) » (M.-M. Fragonard et F. Roudaut, Introduction, ouv. cité, t. I, p. 26).
23 J.-L. Thireau, « Droit national [...] », p. 43. Ainsi, « l’histoire cessait d’être purement narrative pour devenir explicative ; elle cessait d’être littéraire pour devenir critique et déjà presque scientifique »
24 J.-L. Thireau, v° « Humaniste (Jurisprudence) ». D. Alland et S. Rials (dir.). Dictionnaire de la culture juridique, Paris, 2003, p. 795-800, p. 799 ; du même, v° « Droit français », p. 484-487.
25 Fleury s’inscrit dans le second humanisme ; sur les deux humanismes, v. J.-L. Thireau, « Droit national [...] ».p. 40-41.
26 J.-L. Thireau, « Le jurisconsulte », p. 28. Ainsi « Domat, Claude Fleury, Daguesseau font figure d’exceptions, en un temps où la plupart des jurisconsultes se consacrent exclusivement à des commentaires de coutumes ou d’ordonnances, ou encore à des synthèses visant à l’unification du droit privé français » (Ibid.) ; voir aussi : W. F. Church. « The Décliné of the French Jurists als Political Theorists, 1660-1789 », French Historical Studies, vol. 5, 1967, p. 1-40.
27 Bien que cette tentative soit modérée parce qu’avant tout chrétienne. Sur Domat. v. spéc. M.-R. Renoux-Zagamé, Du droit de Dieu au droit de l’homme, Paris, 2003, p. 77 s.
28 A.-J. Arnaud, Les origines doctrinales du Code civil françois, Paris, 1969, p. 69 s. ; v. aussi p. 301-302. Sur les rapports entre les œuvres de Claude Fleury et Jean Domat. F. Hoarau, ouv. cité. p. 138, 163-164 et 167-169 ; voir aussi : J.-L. Thireau, « La doctrine [...] », p. 48, du même auteur, « Droit national [...] », p. 38.
29 A.-J. Arnaud, Les origines docrtinales [...]. p. 73.
30 Avec les progrès de l’érudition au sein de la Congrégation de Saint-Maur ; voir ci-dessus la contribution de Gérard Guyon.
31 V. aussi le Traité des Études monastiques [...], 2e éd., Paris, 1692. Sur Mabillon, v. B. Kriegel, L’histoire à l’âge classique, t. I, Jean Mabillon, Paris, 1996.
32 M. Bloch, Apologie pour l’histoire [...], Paris, 8e éd., 1991, chap. 3, p. 65.
33 A.-J. Arnaud, ouv. cité., p. 74-75, qui qualifie également Fleury de « jusnaturaliste rationaliste » parce que « sa conception du Droit naturel n’est plus celle de la tradition classique » (Ibid., p. 158 et 75 ; contra F. Hoarau, ouv. cité, p. 124-132).
34 C. Fleury, Histoire [...], dans G. Argou, Institution [...], ouv. cité, 9e éd. par A.-G. Boucher d’Argis, 1764, t. I, n° XXI. p. 61. Pour É. Laboulaye, seul le texte de 1682 serait « le plus pur » car « les éditeurs d’Argou ne s’étaient fait faute d’encombrer la leçon originale d’additions qui ne sont pas toujours heureuses. On n’y reconnaît ni la netteté ni la justesse de Fleury » (É. Laboulaye, art. cité, p. XVIII).
35 C. Fleury, Histoire [...], ouv. cité, n° XIV, p. 32. Pour une position différente, v. P.-J. Grosley, Recherches pour servir à l’Histoire du Droit français. Paris, 1752. Avant de détailler ses recherches, Fleury demande toute l’indulgence de son lecteur, espérant qu’on lui « pardonnera », s’il « use quelquefois de conjectures, quand on considérera combien cette matière a été peu éclaircie jusqu’à présent » (C. Fleury, Histoire [...], ouv. cité, n° I, p. 2).
36 36Jacques Cujas est le premier jurisconsulte à replacer le droit romain dans son histoire ; v. : J. Flach, « Cujas, les Glossateurs et les Bartolistes », NRHD, 1883, p. 205-227 ; P. Mesnard, « La place de Cujas dans la querelle de l’humanisme juridique ». RHD, 1950, p. 521-537.
37 C. Fleury, Histoire [...], ouv. cité, n° I, p. 2.
38 C. Fleury, Droit public de la France, dans Opuscules [...], Éd. L.E. Rondet. Nîmes, 1780-1783, 5 vol., t. IV, p. 58, cité par F. Hoarau, ouv. cité, p. 162.
39 Sur cet aspect, J.-L. Thireau, « Recherches [...] », art cité, p. 44-45 et p. 48-50 ; voir également : C.-G. Dubois, Celtes et Gaulois au xvie siècle. Le développement littéraire d’un mythe nationaliste, Paris, 1972 ; A. Jouanna, « La quête des origines dans l’historiographie française [...] », dans B. Chevalier et B. Contamine (dir.), La France de la fin du XVe siècle. Rrenouveau et apogée, Actes du colloque de Tours, 1983, Paris, 1985, p. 301-311.
40 C. Fleury, Histoire [...], ouv. cité, n° II-III, p. 2 et 7. « L’un des quatre Préfets du Prétoire y faisoit sa résidence [en Gaule] » et il « rendoit la Justice souverainement à la place de l’Empereur, au-dessus de tous Gouverneurs de Provinces [...] Ajoutez à tout cela que les Romains ont possédé la Gaule paisiblement pendant cinq siécles [...]. Cinq cent ans suffisent pour apporter de grands changemens dans un pays et ce qui s’y est pratiqué pendant un si long tems, ne s’abolit pas aisément. Tenons donc pour certains que quand les Francs assujettirent les Gaulois, ils les trouverent tous Romains, parlant Latin, et vivant sous les loix Romaines » (Ibid., n° III, p. 7-8).
41 41Ibid., n° IV. p. 9 et 8.
42 Après avoir cité les « Loix des Visigots » (Ibid., n° VI, p. 13-15), la « Loi des Bourguignons » (n° VII, p. 15-16), Fleury évoque la « Loi Salique qui fut la Loi particulière des Francs » : « sa préface porte qu’elle avoit été écrite avant qu’ils eussent passé le Rhin, et marque les lieux des assemblées avec les noms des quatre Sages qui en furent les auteurs. Mais cette Histoire est suspecte ; et je crois qu’il est plus sûr de s’arrêter à l’édition que nous en avons, sans trop rechercher si c’est la premiere rédaction, ou une réformation » (Ibid., n° VIII, p. 16).
43 Ibid., n° V, p. 10.
44 Ibid., n° X, p. 24. Fleury évoque également le droit canonique : si les ecclésiastiques « de quelque nation qu’ils fussent », « suivoient tous » les lois romaines, ils obéissaient au « Droit Canonique, c’est-à-dire, les régies des Conciles, comprises dans l’ancien Code des Canons de l’Eglise universelle, et quelques décisions des Papes qui étoient souvent consultés par les Evêques » (Ibid.).
45 « Et on y dérogeoit seulement à l’égard des Barbares dans les cas où leurs loix ordonnoient nommément quelque chose qui n’y étoit pas conforme » (Ibid., n° X, p. 25).
46 Définis comme « loix générales » par Fleury (Ibid.. n° XI, p. 26). Dans son commentaire, l’auteur rapporte la distinction entre les capitulaires qui traitent des « matieres Ecclésiastiques » et ceux qui traitent des « matieres séculieres » (n° XII, p. 26-28 ; v. F. L. Ganshof, Recherches sur les capitulaires, Paris, 1958, not. p. 13 s.). L’abbé fait référence à Étienne Baluze, Capitularia regnum Francorum, Paris, 1677.
47 C. fleury, ouv. cité, n° XIII, p. 31. Ainsi, « on voit ici que la loi Romaine et la loi Salique étoient en vigueur, et que chacune avoit ses Juges différens ; que l’Eglise suivoit la Loi Romaine ; qu’il y avoit des personnes qui faisoient profession de l’enseigner » (Ibid., p. 32). Cf. J. Imbert, « Les références au droit romain sous les Carolingiens », RHD, 1995, p. 163-174.
48 C. fleury, ouv. cité, n° XIII, p. 30.
49 F. Hoarau, ouv. cité. p. 144.
50 C. Fleury, ouv. cité, n° XX, p. 52 ; v. aussi p. 47-52. Sur cet aspect, v. F. Hoarau, ouv. cité, p. 20, 51-54 et 123-124 ; voir aussi : J.-L. Mestre, Introduction historique au droit administratif, Paris, 1985. not.n° 58 ; M. Reulos, « L’interprétation des Compilations de Justinien dans la tradition antique reprise par l’humanisme », L’humanisme français au début de la Renaissance, Actes du colloque de Tours, Paris, 1973, p. 273-286.
51 II « n’examine point quelle a dû être en France l’autorité de cette décrétale, si elle obligeoit les Laïques et si c’est la véritable cause de ce que jusqu’à l’année 1679, il n’y a point eu de Professeur de Droit Civil dans l’Université de Paris » (C. Fleury, ouv. cité, n° XX, p. 52-53). Pour une nouvelle analyse de la décrétale Super speculam (1219), v. : J.-M. Carbasse, Introduction [...], ouv. cité, n° 83 ; du même « Le Royaume et l’Empire : quelques jalons médiévaux », dans Droit germanique, droit français. Approches comparatives [...], Actes de la journée d’études de Paris V, 1997, RHFD, n° 19, 1998, p. 11-33, p. 22 s..
52 C. Fleury, ouv. cité, XX, p. 54-55.
53 Ibid., p. 55.
54 « Les plus doctes de ce temps là n’en sçavoient pas assés pour le distinguer d’avec leur véritable loi Romaine, qui étoit le Code Theodosien, ni pour sçavoir en quel temps Justinien avoit commandé et de quelle autorité étoient ses Constitutions » (Ibid.).
55 Ibid., p. 55-56.
56 « Enfin tout l’esprit de ces loix tendoit à rendre les hommes plus doux, plus soumis aux Puissances légitimes, et à ruiner les coutumes injustes et tyranniques que la barbarie y avoit introduites » (Ibid., p. 56) ; Cf. G. Leyte, Domaine et domanialité publique [...], Strasbourg, 1996, p. 58-59 et 81-82.
57 Ibid.
58 Ibid., n° XXI. p. 58.
59 Ibid., p. 58. Sur Lizet, v. J. Vendrand-Voyer, « Réformation des coutumes et droit romain : Pierre Lizet et la coutume de Berry », Annales de la Faculté de droit et de science politique [de Clermont-Ferrand], 1981, p. 315-381. Sur De Thou, voir R. Filhol, Le premier président Christofle de Thou et la réformation des coutumes, Paris, 1937 ; M. Seong-Hak Kim, « Christophe de Thou et la réformation des coutumes : l’esprit de réforme juridique au XVIe siècle », TVR, 2004, p. 91 -102.
60 C. Fleury, ouv. cité, n° XXI, p. 58. Sur cet aspect, J. Krynen, « Le droit romain "droit commun de la France" », Droits, n° 38, 2003, p. 21-35, p. 25 s..
61 Fleury écrit par la suite que cet « esprit apporta un grand changement dans l’instruction, et dans le jugement des procès » (C. Fleury, ouv. cité, n° XXI, p. 59).
62 « De sorte que tous les Officiers de Justice, jusques aux Procureurs et aux Notaires, étoient gradués en Droit, et Clercs par conséquent ; car les Laïques n’étudioient pas encore » (Ibid., p. 57-59). Cf. M.-F. Renoux-Zagamé, « La méthode du droit commun : réflexions sur la logique des droits non codifiés », RHFD, n° 10-11, 1990, p. 133-152.
63 C. Fleury, ouv. cité, n° XXI, p. 60.
64 Ibid., p. 58.
65 E. Cauchy, « Études sur Domat », Revue critique de Législation et de Jurisprudence. 1851, t. III, p. 335, cité par A.-J. Arnaud, ouv. cité, p. 73. Fleury évoque les ordonnances royales à la fin de son Histoire (n° XXIV, p. 74-78).
66 C. Fleury, Institution au Droit français, ouv. cité, t. I, part. I, chap. VI, p. 86.
67 « Parce que depuis ce temps l’on a établi la plûpart des Subsides, et créé la plûpart des Offices en titre pour les rendre venaux. Il y a aussi grand nombre d’Ordonnances pour régler les procédures, et les formalités de justice ; mais il y en a peu qui contiennent les régles pour les affaires des particuliers, et des maximes de Jurisprudence » (C. Fleury, Histoire [...], ouv. cité. n° XXIV, p. 77).
68 « Toutes les Ordonnances ont été composées par des gens sçavans dans le Droit Romain. Les plus solemnelles sont celles qui ont été faites dans les assemblées d’Etats, comme celle de Moulins et de Blois » (Ibid., p. 77-78).
69 Cf. P. Petot, La formation du droit privé français, Paris, Les cours de droit, 1958 ; réimpr. dans Histoire du droit privé français. La famille, Éd. C. Bontems. Paris, 1992, p. 42 s. V. également : J.-M. Carbasse, Introduction [...], ouv. cité, n° 65-67 ; Id., « Coutume, temps, interprétation », Droits, n° 30, 2000, p. 15-28 ; Id., « Contribution à l’étude du processus coutumier : la coutume de droit privé jusqu’à la Révolution », Droits, n° 3, 1986, p. 25-37 ; J. Gaudemet, Les naissances [...], ouv. cité, p. 32-47 et 51-63. ; du même auteur., « Les persistances du droit romain dans les traditions juridiques occidentales », dans B. Durand et L. Mayali (dir.), Exceptiones iuris [...], ouv. cité, p. 227-260 ; G. Giordanengo, « Jus commune et “droit commun” en France du XIIIe au XVe siècle ». dans J. Krynen (dir.), Droit romain [...], ouv. cité, p. 219-247 ; A. Gouron, « Coutume contre loi chez les premiers glossateurs », dans A. Gouron et A. Rigaudière (dir.), Renaissance du pouvoir législatif et genèse de l’État, Montpellier, 1988, p. 117-130, et « La coutume en France au Moyen Âge », Recueils de la Société Jean Bodin, t. LII, 2e part., La coutume, Bruxelles, 1990, p. 191-217 ; J. Krynen, « Voluntas domini regis in suo regno facit jus. Le roi de France et la coutume », dans A. Iglesia Ferreirós (dir.), El dret comú i Catalunya, Actes du symposium de Barcelone, 1997, Barcelone, 1998. p. 59-89 ; L. Mayali, « La coutume dans la doctrine romaniste du Moyen Âge, » La coutume, ouv. cité, p. 11-31 ; P. Ourliac et J.-L. Gazzaniga, Histoire du droit privé français [...], Paris, 1985. p. 31 s. ; P. Ourliac, « Législation, coutumes et coutumiers au temps de Philippe Auguste », La France de Philippe Auguste [...], Actes du colloque de Paris, 1980. Paris, 1982. p. 471-487.
70 Bartole précise que « ce n’est pas le temps qui fait la coutume, ou du moins il ne la fait pas à lui tout seul : pour passer de l’usus à la consuetudo, il faut une manifestation de la volonté collective »-fût-elle tacite. Ainsi, d’« un point de vue strictement juridique (et non sociologique ou anthropologique), la coutume n’est pas “fille du temps” », parce que « le temps tout seul peut créer des habitudes, des mœurs, des usages, il ne peut créer du droit ». La coutume repose donc « sur le consentement populaire » et « c’est ce consentement qui lui donne sa force, son autorité- y compris, sous certaines conditions, contre la loi » (J.-M. Carbasse, « Coutume [...] », art. cité., p. 21 et 26). Sur l’origine des coutumes, outre les références citées supra, v. : J.-F. Lemarignier, « La dislocation du pagus et le problème des consuetudines (Xe-XIe siècles) » Mélanges [...] Louis Halphen, Paris, 1951, p. 401-410 ; P. Ourliac, « Réflexions sur l’origine de la coutume », Études [...] Josette Metman, MSHDB, 1988. p. 341- 354 ; voir aussi : A. Gouron, « Aurore de la coutume », Coutumes et libertés. Actes des journées de Toulouse, 1987, Recueil [...] SHDE, t. XIV. p. 181-187, et « Sur les origines de l’expression « droit coutumier », Glossae, t. I. 1988, p. 179-188 ; O. Guillot, « Consuetudines, consuetudo : quelques remarques sur l’apparition de ces termes dans les sources françaises », MSHDB, 1983, p. 21-47 ; F. Roumy, « Lex consuetudinaria, Jus consuetudinarium. Recherches sur la naissance du concept de droit coutumier aux XIe et XIIe siècles », R HD, 2001, p. 257-291.
71 C. Fleury, ouv. cité, n° XIV, p. 32-33.
72 Ibid., p. 33.
73 C. Fleury, Histoire [...], Éd. É. Laboulaye et R. Dareste, ouv. cité, t. I. p. 29.
74 Il rejoint, sur cette question, la position d’Eusèbe de Laurière : cf. la contribution de J.-L. Thireau, donnée dans le cadre de ces Journées.
75 C. Fleury, ouv. cité, n° XIV, p. 33, et n° XV, p. 35.
76 76Ibid., n° XV, p. 36 ; v. aussi p. 36 s.
77 Loyseau conclut ainsi qu’il « faudroit toutes abolir, si on y rejettoit la prescription immemoriale ». En effet, comme il n’y a, selon lui, « gueres de Justice, dont on puisse monstrer aujourd’huy la concession du Roy », il convient que « nous sommes contraints de nous accommoder à l’ancien usage des siecles passez, et d’admettre cette prescription immemoriale, qui fait presumer un titre et une constitution legitime » (C. Loyseau, Traité des Seigneuries, dans Œuvres [...], Paris, 1678, chap. IV, n° 64 ; v. également ch. XII, n° 19).
78 En effet, l’usurpation ne concerne que les grandes seigneuries, et non pas les justices inférieures. R. Villers indique que les premières « proviennent de l’usurpation de la justice du roi et de ses fonctionnaires », alors que les secondes « ont eu pour base historique les droits des propriétaires, immunistes ou non » (R. Villers, Questions sur la justice [...], Paris, Les cours de droit, 1964, p. 30).
79 « Mais plusieurs autres droits qui se formerent en même temps y concoururent » (C. Fleury, ouv.cité., n° XV, p. 39).
80 Ibid., n° XVI. p. 40.
81 Comme « les droits de péages, travers, rouage, barrage, et tant d’autres ; comme les droits de giste, de past, de logement et de fournitures, de corvées, de guet et de garde : les bannalités des fours, des moulins, et des pressoirs ; le ban à vin, et les autre défenses semblables » (Ibid.).
82 « Par exemple, pour indemniser un Seigneur de la construction d’un pont ou d’une chaussée » (Ibid.).
83 Selon F. Hoarau, « la collation des différentes œuvres » permet de « mettre en évidence les contradictions qui caractérisent ses définitions, toujours très allusives, du concept de coutume » (F. Hoarau, ouv. cité, p. 171 et 169). Néanmoins, Du Moulin lui-même « ne s’est pas préoccupé de donner une définition complète de cette notion, et l’on doit rechercher et rassembler des éléments épars dans ses écrits » (J.-L. Thireau, Charles Du Moulin [...], ouv. cité, p. 108).
84 En effet, « ce fut vers ce même temps que les habitans des cités et des villes établirent entr’eux des sociétés sous la protection de quelque Seigneur, pour se garantir de la tyrannie des autres, et pour être jugés par leurs Pairs » (C. Fleury, ouv. cité, n° XVI, p. 41 ; v. aussi p. 41-43).
85 85Ibid., n° XVIII, p. 43.
86 86Ibid., p. 45.
87 « Ce sont des conjectures de Dumoulin » (Ibid.. n° XIX, p. 45-46).
88 88Ibid., n° XXI. p. 61 (préc.).
89 Ibid., n° XXII, p. 61. Cf. : R. Filhol, « La rédaction des coutumes en France aux XVe et XVIe siècles », dans J. Gilissen (dir.), La rédaction des coutumes [...], Actes du colloque de Bruxelles, 1960, Bruxelles, 1962, p. 63-85 ; J.-L. Gazzaniga, « Rédaction des coutumes et codification », Droits, n° 26, 1997, p. 71-80 ; D. Gaurier, « La rédaction des normes juridiques », Cahiers du CRHDI, n° 20, 2003, p. 1-97 ; voir aussi la communication de F. Audren sur KJimrath.
90 C. Fleury, ouv. cité, n° XII, p. 61.
91 « Comme il étoit estimé universellement, sans être bien entendu, ni légitimement autorisé, chacun en suivoit ce qu’il pouvoit. D’ailleurs les plus Sçavans en loix n’étoient pas toujours les plus expérimentés dans les coutumes, qui ne s’apprennent que par l’usage des affaires, et toutefois leurs opinions étaient respetées et suivies dans les jugemens, et il y en a grand nombre qui ont passé en coutume » (Ibid., p. 63).
92 Ibid. Si les premiers civilistes – tels Placentin et Azon – considéraient « la coutume comme un droit non écrit », « très vite pourtant ce point de vue a été abandonné : pour Révigny, entre autres, l’oralité n’est pas de l’essence de la coutume » (J.-M. Carbasse, « Coutume [...] », p. 26).
93 C. fleury, ouv. cité, n° XXII, p. 63.
94 Ibid., p. 64. Fleury examine chacune d’entre elles : v. p. 64-68.
95 « Suivant le style de cour laye : car ils ne manquoient jamais d’observer cette distinction, à cause de la Jurisdiction Ecclésiastique qui étoit alors la plus étendue » (Ibid., p. 68-69).
96 « Je ne vois pas quel pouvoit être ce Droit commun, si ce n’étoit le Droit Romain. Aussi le citent-il fréquemment sous [les noms de] loix, et de loi écrite » (Ibid., p. 69).
97 « Bien qu’alors on écrivit presque tout en Latin » (Ibid.). « Ce qui est écrit depuis trois cens ans approche plus du Droit Romain et de la Jurisprudence d’aujourd’hui. On y voit des questions touchant les successions et les testamens, les mariages et les autres contrats, et beaucoup de formalités de procédure. Je me suis étendu sur ces anciens originaux, parce que des personnes très capables jugent que ce sont les meilleurs Commentaires des coutumes, d’autant qu’on y peut voir leur esprit et la suite de leur changement » (Ibid., p. 69-70).
98 Ibid., n° XXIII. p. 70.
99 Ibid., p. 71. La recherche des « bonnes loix » est « celle que les anciens Législateurs ont suivie. Platon dit que, comme les Etats ont été formés de plusieurs familles jointes ensemble, les loix ont été composées des coutumes de ces familles, entre lesquelles quelque sage a choisi les plus raisonnables pour les rendre communes à tout l’Etat, abolissant quelque chose de particulier à chaque famille dans les matieres moins importantes. On eût pû faire la même chose en France, considérant chaque petite Province comme une famille à l’égard de ce grand Etat. C’est ce que Dumoulin dit que l’on vouloit faire, lui qui le pouvoit sçavoir par une tradition prochaine ; et Philippe de Comines semble le prouver, lorsqu’il dit que le Roi Louis XI desiroit fort qu’en ce Royaume on usât d’une coutume, d’un poids, d’une mesure, et que toutes les coutumes fussent mises en François dans un beau livre : ce sont ses termes. Il n’y a eu jusques à présent que la premiere partie de ce grand dessein exécutée, c’est-à-dire la rédaction des coutumes, encore s’est-elle faite fort lentement, et n’a été achevée que plus de cent ans après la mort de Charles VII » (Ibid., p. 71-72). Cf. J.-L. Thireau, Charles Du Moulin [...], p. 114 s.
100 C. Fleury, ouv. cité, n° XXIII, p. 71 ; Cf. J. Gaudemet, « Les tendances à l’unification du droit en France dans les derniers siècles de l’Ancien Régime (XVIe-XVIIIe) », La formazione storica [...], ouv. cité, t. I, p. 157-194 ; V. Guizzi, « Il diritto comune in Francia nel XVII secolo. I giuristi alla ricerca di un sistema unitario », TVR, 1969, p. 1-46 ; J.-Ph. Lévy, « La pénétration du droit romain dans le droit français d’Ancien Régime ». dans C. Bontems (dir.), Nonagesimo anno. Mélanges [...] Jean Gaudemet, Paris, 1999, p. 475-499 ; J. Moreau-David, « La coutume et l’usage en France de la rédaction officielle des coutumes au Code civil », RHFD, n° 18, 1997, p. 125-157.
101 Selon F. Hoarau, « l’absence de développements significatifs sur la coutume de Paris » serait la preuve que l’abbé « n’entendait nullement faire du droit coutumier – quand bien même ce droit aurait fait l’objet d’harmonisations – l’armature d’un droit français rationalisé et uniformisé, et qu’il ne tenta pas non plus de dégager un droit commun coutumier ». Sa démarche resterait ainsi « diamétralement opposée à celle de Coquille, pour qui la coutume constituait une loi formée par le peuple, fondée sur ses usages, sur sa façon de vivre » (F. Hoarau, ouv. cité, p. 175 et 179). Selon Coquille, cependant, si les coutumes constituent « nostre vray droit civil ; droit commun et originaire, et non survenu ou adventice », cela n’interdit pas de se référer au droit romain : « quand nos loix particulières nous défaillent, nous avons recours aux Romains, non pas pour nous obliger précisément ; mais pource que nous cognoissons qu’elles sont accompaignées, imò fondées en toute raison ». Ainsi, il convient de retenir « l’aide dudict droict civil des Romains, qui est fort propre pour exciter, pour exercer, et renforcer le sens, et jugement de chacun ; afin de mieux entendre nos Coustumes, et pour nous servir és cas dont nos Coustumes ne parlent ; afin de reigler nos advis » (G. Coquille, Questions et Responses sur les Coustumes de France, Paris, 1611, Quest. I, p. 3-4).
102 « Joint que ces sortes de connaissances qui dépendent des faits augmentent toujours avec le temps » (C. Fleury, Histoire [...], Éd. É. Laboulaye et R. Dareste, ouv. cité, t. I. p. 69-70).
103 Ibid., p. 70.
104 À cet égard, cf. J. Krynen, « Le droit romain [...] », p. 34 ; v. également ci-dessous la contribution de J. Moreau-David sur Claude-Joseph de Ferrière. Enfin, voir A.-M.-J.-J. Dupin, Précis historique du Droit françois, par Claude Fleury, avec la continuation depuis 1674 jusqu’en 1789, Paris.
Auteur
Maître de conférences à l’Université de Nantes.
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