Un historien du droit au grand siècle : Eusèbe-Jacob de Laurière
p. 47-59
Texte intégral
1 Au XVIe siècle, sous l’influence de l’humanisme, l’histoire et le droit avaient noué d’étroites relations : la recherche des sources du droit français, la découverte de ses origines, différentes de celles du droit romain, fournissaient des arguments en faveur de la spécificité et de l’indépendance des institutions nationales1. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, ces liens se sont relâchés et la doctrine, accaparée par la pratique et marquée, chez certains de ses représentants, par le rationalisme de l’École du droit naturel, s’est moins préoccupée du passé et contentée d’introductions historiques sommaires et convenues, sans incidence sur les analyses juridiques. Il y eut pourtant des exceptions, des auteurs pour qui la connaissance de l’histoire restait la base de toute science juridique : parmi eux, un avocat parisien contemporain de Louis XIV, né en 1659, mort en 1728, Eusèbe-Jacob de Laurière.
2Laurière n’était pas issu d’une famille de juristes : son père, natif de Loudun et cousin des Renaudot, pratiquait la chirurgie2. Élève sérieux et doué, Eusèbe fit d’excellentes études au collège Louis le Grand et montra un goût précoce pour l’histoire. Dès l’adolescence, il commença à réunir une importante bibliothèque et à fréquenter les cercles savants, dont celui de Guillaume de Lamoignon, qui lui prêta un manuscrit des Institutes de Loisel. À la sortie du collège, il se tourna vers le droit et fut reçu avocat en 1679, sans sacrifier pour autant sa passion de l’histoire. Sa carrière au barreau n’eut rien de très remarquable : il fut certes un véritable avocat, qui ne fit pas que porter le titre sans exercer la fonction, mais cette activité dut demeurer secondaire car il a laissé une œuvre trop importante pour avoir pu l’écrire tout en se consacrant à plein temps à la plaidoirie.
3En 1692 parut son premier ouvrage sur L’origine du droit d’amortissement, suivi d’autres traités historico-juridiques : en 1698, une Dissertation sur le ténement de cinq ans et un Texte sur la coutume de Paris, avec les Anciennes constitutions du Châtelet dont il avait retrouvé un manuscrit ; en 1715, un Traité des institutions et des substitutions contractuelles. Avec son confrère Claude Berroyer, il commença la rédaction d’un nouveau coutumier général qui ne fut jamais achevé mais dont l’introduction, une longue Préface [...] avec des conjectures sur l’origine du Droit françois, parut en 1699, en tête d’une Bibliothèque des coutumes. Mais plus qu’à ses écrits personnels, Laurière s’est consacré à la publication de textes, pour la plupart d’intérêt historique : avec Berroyer, il a donné trois éditions posthumes des Traités sur la coutume de Paris de Claude Duplessis ; puis, seul, de nouvelles éditions annotées de l’Indice des droits royaux de François Ragueau, sous le titre de Glossaire du droit françois en 1704, et des Institutes coutumières d’Antoine Loisel en 1710 ; enfin, avec Claude de Ferrière, il a réédité en 1720 le Recueil d’édits et d’ordonnances royaux de Néron et Girard. Son plus grand titre de gloire reste toutefois d’avoir entrepris le célèbre Recueil chronologique des Ordonnances des rois de France de la troisième race, plus connu sous le nom d’Ordonnances du Louvre. Si l’initiative en revient à Louis XIV et au chancelier Pontchartrain, Laurière fut choisi par ce dernier, sur les conseils de D’Aguesseau, pour en assurer la réalisation et on lui doit les deux premiers volumes, parus en 1723 et 1728, contenant les ordonnances promulguées jusqu’au règne de Jean le Bon. Dans ces ouvrages, il ne s’est pas borné à publier des textes anciens mais a ajouté des notes substantielles et des suppléments parfois plus volumineux que les originaux, qui expriment, autant que ses traités, ses idées sur le droit et sur l’histoire.
4Juriste et historien à la fois, Laurière a su concilier sa passion pour la recherche historique et son intérêt pour les activités juridiques en se faisant historien du droit. Digne héritier des grands pionniers du XVIe siècle, Etienne Pasquier, Jean Du Tillet, Pierre Pithou, Claude Fauchet, il a fait progresser leurs recherches et trouve sa place parmi les fondateurs de notre discipline. Aussi n’est-il pas sans intérêt de demander à ce lointain ancêtre quelle conception il avait de l’histoire des institutions, puis d’exposer succinctement les résultats auxquels il est parvenu en retraçant sa vision de l’évolution du droit français.
I – L’histoire au service du droit.
5Le Siècle de Louis XIV fut l’âge d’or de l’érudition. Laurière a eu pour prédécesseurs Jérôme Bignon. André Duchesne, Pierre Dupuy, dom Luc d’Achery ; pour contemporains, Étienne Baluze, Charles Du Cange, dom Jean Mabillon et les Bénédictins de Saint-Maur, dont il partageait la soif de connaissances historiques et l’infatigable activité scientifique. Pourtant, si forte que fût sa passion de l’histoire, il ne l’a pas cultivée pour elle-même et ne s’est pas résigné à être un pur « antiquaire ». Moins qu’une fin, l’étude de l’histoire était pour lui un moyen mis au service du droit, et spécialement du droit français3. Ses buts étaient ceux d’un partisan convaincu du droit national ; mais ses méthodes, celles d’un historien rigoureux, informé des derniers progrès de la recherche.
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Un partisan du droit français.
6Laurière s’inscrit dans la continuité des praticiens humanistes qui utilisaient la recherche historique pour promouvoir le droit coutumier, fonder sa primauté en faisant de lui au moins l’égal du droit romain, et en préparer l’unification4. Il a clairement exposé ses intentions dans la Préface d’un nouveau coutumier général, cosignée avec Berroyer et à laquelle a collaboré aussi un autre avocat, Claude Alexis Loger, mais qui exprime bien ses vues et dont on retrouve l’écho dans ses autres écrits, notamment ses notes sur les Institutes de Loisel : le droit romain, y affirme-t-il d’entrée, ne constituera pas le thème de ses recherches, bien qu’il en ait une bonne connaissance et s’y réfère souvent. Il n’a pas pour intention d’ajouter de nouveaux travaux à tous ceux dont il a déjà fait l’objet, mais de se vouer tout entier à l’étude du droit national, surtout du droit coutumier, dont il déplore qu’il soit encore trop délaissé :
7« Si l’étude du Droit Romain est utile à tout le monde, on ne peut s’empêcher de convenir qu’il est encore plus utile de s’appliquer aux Loix particulières de son Pais, cependant on peut dire que cette étude de nos Loix a presque toujours été négligée en France »5.
8Imperméable au jusnaturalisme qui commençait à pénétrer ses contemporains Domat et d’Aguesseau, Laurière ne partage pas la conviction que le droit romain est le seul à exprimer le droit naturel, et refuse de lui reconnaître la moindre supériorité intrinsèque sur le droit français. Ce qui les différencie encore, en faveur du premier, c’est seulement le nombre et la qualité des travaux qui lui ont été consacrés et ont permis de mieux dégager les principes généraux qu’il renferme. Mais de tels principes, le droit coutumier en recèle autant sous son apparente diversité, et il est urgent de les extraire de ses dispositions, de les mettre en valeur, comme l’ont fait les romanistes à partir de la masse non moins confuse du Digeste, puis d’édifier sur leur fondement un véritable droit commun appelé à servir, en lieu et place du jus commune romain, de critère général d’interprétation des coutumes et de droit supplétoire propre à combler leurs lacunes6.
9L’idée de surmonter la diversité coutumière pour en extraire des principes communs ne constitue pas une nouveauté. Laurière en fait remonter les premières manifestations au Commentaire de la coutume de Paris de Du Moulin, à qui il rend un hommage appuyé, et Lamoignon l’a également mise en œuvre dans ses Arrêtés7. Ce qui est plus original, c’est le rôle décisif réservé à l’histoire dans la réalisation de ce dessein. Si ses prédécesseurs n’avaient pas manqué de faire appel à elle pour établir l’ancienneté et l’indépendance du droit français, ou pour étayer une démonstration, jamais ils ne l’avaient utilisée de manière aussi systématique. Chez Laurière, elle est le fondement de la science juridique, et spécialement de celle du droit coutumier, car elle permet de dégager avec la plus grande exactitude l’esprit et la logique propres de ce droit : y recourir se révèle indispensable sous peine de n’avoir du droit qu’une vision partielle, incomplète, donc inexacte. Comparer entre elles les solutions en vigueur, constater leurs ressemblances et leurs divergences, comme l’ont fait les traditionnelles conférences de coutumes, ne suffit pas : il faut remonter aux sources (c’est l’expression favorite de Laurière), chercher dans le passé les précédents de chaque règle et reconstituer son évolution. Car dégager des normes communes à partir des coutumes existantes suppose une exacte compréhension de leur sens, que seule une étude historique approfondie permet de clarifier. D’où le parti original qu’il adopte dans son Texte des coutumes de la prévôté et vicomté de Paris, titre insolite dont le choix s’explique par la volonté d’éviter le terme commentaire : ce n’est pas un commentaire qu’il entend faire, à la différence de tous ceux qui ont écrit avant lui sur la coutume de Paris, mais une exégèse d’esprit historique qui éclaire le sens de ses articles, que tant d’auteurs ont interprétés sans vraiment les comprendre8.
10La science coutumière, telle que la conçoit Laurière, passe ainsi par l’accomplissement d’une triple démarche intellectuelle : « La première est une recherche exacte de l’origine de nos coutumes et des dispositions qui leur sont propres.
11La seconde, une compilation entière de tout ce que nous avons de Coutumes rédigées par écrit, soit qu’elles ayent présentement force de Loy, soit qu’elles ne l’ayent plus.
12Et la troisième, une conférence des Coutumes les unes avec les autres, des anciennes avec les nouvelles, de celles d’un pays avec celles d’un autre car on peut tirer de cette conférence certains principes généraux qui règnent par toute la France, distinguer ceux qui sont particuliers à certaines Provinces ou à certains pays, et se faire par ce moyen des règles pour interpréter ce qui semble douteux, ou pour décider les questions qui peuvent naître dans les lieux dont les Coutumes n’auront pa prévu ces difficultés. »9 Cette démarche, le nouveau coutumier général dont il avait formé le projet devait la faciliter en offrant, en plus du texte de toutes les coutumes appliquées dans le royaume, celui des coutumes plus anciennes et les documents historiques utiles à leur interprétation10. Car les coutumes désuètes ou abrogées présentent autant d’intérêt que les coutumes en vigueur : désormais dépourvues de leur force positive, elles gardent toute leur valeur explicative, elles constituent les sources du droit actuel et en révèlent le sens en éclairant son passé. Bourdot de Richebourg s’en inspirera.
13On comprend dès lors l’admiration de Laurière pour les Institutes de Loisel et sa décision, longtemps mûrie, d’en donner une nouvelle édition, plus complète et plus exacte que les précédentes. Il y voit la tentative la plus réussie pour dégager les principes du droit français et faire de lui une véritable science, tout en se montrant conscient de ses limites et du caractère trop souvent énigmatique des maximes de Loisel. Aussi, dans son édition des Institutes coutumières, a-t-il cherché à y remédier en remontant aux sources utilisées par Loisel, reconstituées grâce aux notes laissées par celui-ci sur ses manuscrits et à ses propres recherches :
14« J’ai commencé chaque note par marquer avec exactitude la coutume, l’ordonnance, le praticien, etc., d’où la règle a été prise ; et quoique ces renvois ne soient pas toujours absolument nécessaires, on voit cependant sur plusieurs règles que, sans ce secours, elles n’auraient point été entendues [...] Lorsque j’en ai eu l’occasion, j’ai expliqué les origines et les progrès de notre droit le plus nettement qu’il m’a été possible, et j’ai fait voir sur quelques règles que ces premiers principes, que l’on traite sans raison d’antiquités et de curiosités, sont souvent de la dernière nécessité pour bien décider les questions ordinaires Enfin, comme depuis le décès de Loysel, arrivé en 1617. il y a quelques-unes de ces règles qui ont cessé d’être en usage, j’ai eu soin de marquer ce changement et j’ai renvoyé avec exactitude aux arrêts qui ont établi une nouvelle jurisprudence. »11
15En dehors de cette mise à jour liée à des besoins pratiques, les préoccupations historiques occupent la première place dans ce programme et l’histoire joue à plein son rôle de révélateur du sens profond des règles juridiques : retrouver et indiquer les sources où a puisé Loisel doit éclairer la signification véritable des maximes les plus obscures. Et, pour les institutions les plus importantes, Laurière tient toutes ses promesses en donnant d’amples dissertations qui retracent l’ensemble de l’évolution d’où est issue la règle : ses notes sur le douaire, l’institution contractuelle, le principe « Le mort saisit le vif », la représentation, le privilège du double lien, la renonciation à succéder des filles dotées, s’étalent sur plusieurs pages et conservent aujourd’hui encore leur intérêt.
16Trop modeste pour l’avouer, Laurière ambitionnait secrètement d’être le Cujas du droit français et de réaliser pour les coutumes ce qu’avait fait celui-ci pour les lois romaines : en reconstituer avec précision l’origine et l’évolution, non par pur souci d’érudition, même si tous deux partageaient le goût du passé, mais pour en retrouver le sens authentique et servir au perfectionnement du droit. Dire que, chez eux, l’histoire constitue un moyen plutôt qu’une fin ne conduit pas à la dévaloriser, car ce moyen forme la base de toute science juridique digne de ce nom, d’où l’attention que l’un et l’autre ont attachée aux méthodes historiques.
Un historien rigoureux.
17Juriste dans la définition de ses buts, Laurière se comporte en véritable historien dans ses recherches, conduites selon les méthodes les plus rigoureuses de son temps. Comme les praticiens humanistes du XVIe et de la première moitié du XVIIe siècle, comme ses contemporains mauristes, il ne conçoit pas l’histoire comme un genre littéraire, un récit édifiant ou divertissant, mais comme une science fondée sur des procédés stricts d’établissement et d’analyse des faits. Les références citées dans ses ouvrages ou dans ses notes sur les textes qu’il édite sont déjà révélatrices de cette orientation : rares sont celles qui renvoient à des littérateurs comme Mézeray ; la plupart mentionnent les travaux d’authentiques savants, de juristes érudits comme Jacques Godefroy, Pierre Dupuy, Jean Besly, André Favin, Charles Du Cange, d’historiens ecclésiastiques comme Jacques Du Breuil, le R.P. Ménestrier, le P. de Sainte-Marie, le P. Labbe, et bien sûr de Mauristes, dom Luc d’Achery, dom Mabillon, dom Martène. Des historiens qui, comme lui, recherchent et éditent des textes anciens, et qu’il cite davantage pour les documents qu’ils publient que pour leurs propres opinions.
18En effet, Laurière, et c’est une autre preuve du caractère scientifique de sa méthode, éprouve le besoin permanent de recourir aux originaux, aux sources de première main, qui doivent fonder toute étude historique. Héritier des juristes historiens du XVIe siècle, les premiers à avoir écrit l’histoire à partir de documents d’archives, de « preuves » dûment compilées et vérifiées12, il continue leur œuvre mais en professant plus qu’eux encore la religion du texte, qui le conduit à en restituer la lettre avec la plus grande exactitude et, une fois l’acte rétabli dans sa pureté originelle, à s’effacer devant lui, à le laisser parler, tout en apportant des précisions sur le contexte et en éclairant le sens des mots douteux ou vieillis. Comme l’avait fait Cujas pour le droit romain, il rassemble le plus grand nombre possible de manuscrits et, après les avoir confrontés, propose une version qu’il veut exempte de fautes, expurgée des erreurs de transcription et des contresens qui entachaient les textes anciens13. Il n’avance rien qui ne soit étayé par des preuves, par des témoignages extraits des textes et toujours cités avec précision. Laurière fait figure d’historien « positiviste » avant la lettre, et il donne toute sa mesure dans les publications où il livre à ses lecteurs des documents à l’état brut, en se bornant à en éclairer le sens dans des présentations liminaires ou dans des notes infra-paginales, aussi abondantes que dans les travaux universitaires d’aujourd’hui : « Un texte avec des notes », c’est en ces termes qu’il présente son édition de la coutume de Paris14.
19La fidélité aux sources apparaît dans les écrits de Laurière sur le Moyen Âge, sa Préface à la Bibliothèque des coutumes ou ses notes sur Loisel et sur les ordonnances royales : il met toujours en avant les textes d’époque, non les interprétations postérieures. Pour traiter des temps mérovingien et carolingien, il s’aide de l’Histoire des Francs de Grégoire de Tours, des lois barbares, des formulaires, comme celui de Marculf édité par Jérôme Bignon, des recueils de Du Tillet, de Hérold et de Lindenbrog, de la lettre d’Agobard de Lyon sur la personnalité des lois et des capitulaires d’Ansgise édités par Baluze. Pour l’époque féodale, il se fonde sur les chroniques éditées dans la collection bénédictine des Historiae Francorum, celle de Guibert de Nogent, l’Histoire des évêques d’Auxerre, la Vie de Louis VI le Gros de Suger, sur les premiers diplômes capétiens dont il a réuni de nombreuses copies, mais aussi sur les écrits des canonistes Yves de Chartres et Gratien, utilisés pour les témoignages historiques qu’ils recèlent plus que pour les thèses qu’ils soutiennent. Pour la période qui s’étend du XIIIe au XVe siècle, celle qui a sa préférence, il utilise des sources aussi variées que les œuvres littéraires, comme le Roman de la Rose déjà mis à contribution par Loisel, les travaux théologiques ou philosophiques comme ceux de Nicolas de Clamanges, les chroniques et les écrits historiques comme l’Histoire de Joinville, les ordonnances royales puisées dans les recueils de Du Tillet et de Fontanon, les décrétales pontificales, les canons des conciles. Pour le droit privé, il exploite les chartes de franchises et les coutumiers, dont il montre une connaissance approfondie : nombreuses sont les citations des Coutumes de Beauvaisis de Philippe de Beaumanoir et des Assises de Jérusalem de Jean d’Ibelin, éditées par La Thaumassière, du Conseil à un ami de Pierre de Fontaines, des Établissements de Saint Louis, de la Somme rural de Jean Boutil lier et du Grand Coutumier de France. Il les complète par les ouvrages doctrinaux de la même époque, le Speculum juris de Guillaume Durand, les écrits de Jean Faure, les travaux des glossateurs et des commentateurs italiens, là aussi plus pour les témoignages qu’ils rapportent que pour leurs doctrines juridiques15. Il n’ignore pas non plus les actes de la pratique et souligne, dans sa Préface, l’intérêt que présente, pour une meilleure connaissance des coutumes, la consultation des vieux contrats et des jugements des anciennes cours16. Littéraires ou philosophiques, issues de la doctrine savante ou de la pratique, peu importe la nature des sources dès lors qu’elles proviennent de la période étudiée et procurent des témoignages dignes de foi.
20L’attachement aux documents d’époque explique le recours constant aux sciences auxiliaires de l’histoire, expression que Laurière aurait certainement récusée tant ces disciplines revêtaient d’importance à ses yeux, en particulier la philologie, la linguistique, indispensables à la compréhension des textes anciens. « Linguiste passionné »17, il a eu au plus haut point le sens de l’évolution des mots, et l’on peut apprécier la précision et l’exactitude de ses définitions grâce aux références anciennes qu’il a exhumées, qui lui permettent de retrouver la signification première de chaque terme juridique et d’en retracer les transformations, grâce aussi à sa connaissance de l’étymologie, qui n’est pas de pure fantaisie comme chez beaucoup de ses prédécesseurs mais toujours fondée sur des citations et des exemples précis.
21Certes, l’érudition et l’esprit critique de Laurière comportent des failles. La première ne lui est pas imputable : si grande que fût sa curiosité, il n’a pu consulter qu’un nombre limité de documents manuscrits en raison de l’absence de dépôts publics d’archives. Pour l’époque féodale, les chartes et les notices qu’il cite ont presque toutes été publiées à titre de pièces justificatives dans les ouvrages imprimés qu’il a lus. Les plus nombreuses, qui dormaient encore dans les archives ecclésiastiques, lui sont demeurées inaccessibles au même titre que la grande majorité des actes de la pratique des XIVe et XVe siècles. Mais même sur les documents auxquels il a eu accès, il lui est arrivé de commettre des erreurs d’interprétation. La plus grossière concerne les Établissements de Saint Louis, dans lesquels il a persisté à voir un recueil d’ordonnances royales, « une espèce de Loy générale du Droit François et [...] une espèce de Code [...], un Code ancien du Droit François »18, et qu’il a publiés à ce titre dans les Ordonnances des rois de France19, alors que cette thèse traditionnelle avait déjà été contestée par Du Cange dans l’édition qu’il en avait donné en 1668, mais que Laurière, tout en le citant, n’a pas suivi. C’est à partir de ces sources, avec leurs qualités et leurs défauts, que Laurière a entrepris de retracer l’histoire du droit français.
II – L’histoire du droit français vue par Laurière.
22Des textes qu’il a consultés, et pour certains édités, Laurière a tiré des réflexions, des idées, qui ébauchent une vue d’ensemble de l’évolution du droit français. Trois siècles plus tard, ses thèses peuvent sembler simplistes ou dépassées. Elles méritent pourtant d’être exposées parce qu’elles révèlent la vision qu’un historien du XVIIe siècle avait du passé de nos institutions, et aussi parce que, si discutables qu’elles semblent parfois, elle ne sont pas restées sans influence sur les historiens postérieurs. Deux thèmes majeurs s’en dégagent : l’importance de la féodalité, perçue comme une véritable révolution ; le rôle attribué à la royauté dans l’élimination de celle-ci et dans la construction du droit français.
La révolution féodale.
23Dans la Préface d’un nouveau coutumier général, Laurière retrace l’histoire du droit français avec la prudence d’un véritable savant, conscient de l’étendue de son ignorance autant que de celle de ses connaissances : il ne présente pas des certitudes mais des conjectures, des conclusions provisoires, susceptibles d’être remises en cause par des recherches plus approfondies et la découverte de documents nouveaux20. Ces scrupules scientifiques n’excluent pourtant pas l’expression d’opinions personnelles, ni même de convictions politiques, qui percent sous l’analyse en apparence objective des textes et expliquent certains choix. D’abord celui de prendre pour point de départ l’avènement de la dynastie capétienne, alors que ses prédécesseurs remontaient aux sources les plus anciennes et se divisaient entre tenants d’origines franques et partisans d’origines gauloises de nos institutions, débat dans lequel il refuse d’entrer parce que son désir de ne rien affirmer qui ne soit fondé sur des témoignages sûrs le dissuade d’arbitrer une querelle insoluble. Une seule page de la Préface traite de la Gaule, et uniquement pour souligner, sur la foi de Jules César et de Rutilius Namatianus, que les Romains n’imposaient pas leurs lois aux peuples conquis mais que ceux-ci, les Gaulois en premier, s’y soumettaient spontanément, et l’auteur se garde bien d’avancer quoi que ce soit sur le contenu d’un droit gaulois qui n’a laissé aucune trace écrite. Il ne s’étend guère plus sur l’époque franque et, à la différence des historiens « germanistes » des XVIe-XVIIe siècles ou de leurs successeurs du XIXe, n’y trouve pas l’origine du droit français. Entre lois romaines et lois barbares d’un côté, coutumes de l’autre, il ne discerne aucune continuité, non seulement parce que les premières étaient personnelles et les secondes territoriales, mais surtout parce que leur contenu offre peu de ressemblance : « Nos Coutumes n’ont presque rien de conforme aux dispositions du Code Théodosien, des Loix Salique et Ripuaire [...] » ; « Ce seroit une vue très fausse de s’imaginer, par exemple, que les coutumes de Bourgogne sont tirées de la Loi Gombette, parce qu’elle étoit celle des Bourguignons »21. Dans la préface des Ordonnances du Louvre, il justifie la décision de commencer le recueil avec les diplômes des premiers Capétiens, « sans remonter [...] jusques aux Ordonnances des Roys des deux premières Races, soit parce que la pluspart de ces Loix sont si différentes de celles qui sont aujourd’huy en usage parmi nous, qu’il semble qu’elles ayent esté faites pour d’autres peuples, soit parce qu’on ne pouvoit rien ajouter de nouveau aux Recueils imprimez de ces Ordonnances, qui ont esté donnez sous le titre de Loix anciennes et de Capitulaires des Roys de France »22. Aucun lien de filiation n’apparaît donc entre le droit pratiqué sous les deux premières races et le droit français.
24Si Laurière l’affirme, c’est aussi parce qu’il attache une importance extrême à la féodalité : avant Montesquieu, qu’il a influencé, il a contribué à l’élever au rang d’un mythe, non un mythe fondateur mais un mythe destructeur. Car la solution de continuité qu’il croit trouver entre le droit de l’époque franque et le droit français résulte selon lui d’une rupture radicale, d’une révolution qui lui serait tout entière imputable. La Préface, malgré sa brièveté, en retrace longuement le développement, la présente comme un moment décisif de l’histoire de la France, et ceux qui, aujourd’hui, voient dans l’an mil un tournant de l’histoire de la société et du droit pourraient reconnaître Laurière pour maître. Il brosse du régime féodal un tableau très sombre, le décrit comme tyrannique, despotique, arbitraire, et le résume tout entier en deux termes : usurpation et oppression. Usurpation des droits du roi, car Laurière ne croit pas que les seigneurs aient obtenu par concession royale les pouvoirs dont ils usaient et abusaient : ils se les sont arrogé en profitant de l’affaiblissement de la royauté par les partages successoraux au sein des deux premières dynasties et par les conflits entre descendants de Charlemagne, dont les effets délétères ont été amplifiés par l’élection d’Hugues Capet, trop dépendant des grands pour s’opposer à leur volonté d’émancipation. Oppression des peuples, réduits en servitude par les seigneurs, au point que la plupart des Français auraient été privés de toute liberté, soumis à un despotisme sans limite, exposés aux pires abus23. La maxime de Loisel, « Oignez vilain, il vous poindra ; poignez vilain, il vous oindra », suscite son indignation : « Voici un proverbe dont les seigneurs se sont servis autrefois pour piller sans honte les biens de leurs vilains, ou hommes couchants et levants »24.
25Si la féodalité a engendré de profondes transformations sociales, son influence sur le droit privé est restée par contre presque entièrement négative : la révolution féodale a tout détruit sans rien reconstruire. Elle a aboli le droit ancien, fait pour une société où, même s’il existait déjà des esclaves ou des serfs, la plupart des hommes et des terres demeuraient libres, et que l’asservissement général a rendu caduc25. À la place, à l’exception de quelques règles applicables aux fiefs et à leurs détenteurs, donc aux dominants, rien n’a été établi puisque la force et l’arbitraire pesant sur les dominés tenaient lieu de droit. L’idée d’un vide juridique qui aurait régné aux alentours de l’an mil, à laquelle certains se rallient encore aujourd’hui, est déjà présente chez Laurière, qui a bien perçu la dimension non seulement politique, mais aussi sociale et juridique du phénomène féodal, où il voit « un renversement presque entier des anciennes Loix de l’État », à la fois décomposition de l’autorité royale, effondrement de l’ordre social ancien et des règles juridiques qui lui étaient liées. Ce vide, la féodalité était trop anarchique et despotique pour le combler mais, si elle n’a pas créé un droit nouveau, elle a permis son émergence en faisant table rase de l’ancien : « Il y a donc beaucoup plus d’apparence que la source véritable de nos Coutumes est l’oubli et le non-usage de ces anciennes Loix »26.
26La description que donne Laurière de la féodalité pêche sans doute par excès de pessimisme. Quant au vide juridique, il pourrait n’être qu’une illusion créée par le trop petit nombre d’actes de la pratique qu’il a pu consulter pour cette période, et de ce vide documentaire il a trop vite conclu à l’absence de droit. Mais son hostilité foncière à l’égard de la féodalité, et la vision négative qu’elle lui inspire, ont aussi pour origine un attachement profond à l’autorité royale, qui représente l’antithèse de la féodalité, l’unité et l’ordre opposés à l’anarchie, et dont il fait la source principale, sinon unique, du droit français.
Le droit français, œuvre royale.
27À la féodalité a succédé un autre phénomène capital dans l’histoire du droit français : la formation des coutumes territoriales, dont Laurière donne une version révélatrice de ses conceptions historiques mais aussi politiques. Elle lui est en tout point opposée : non plus négative et destructrice mais positive et constructive, elle a comblé le vide qu’avait creusé « cet asservissement général » et produit un effet libérateur. L’émergence des coutumes a mis fin à l’arbitraire seigneurial et instauré, ou restauré, l’état de droit.
28Laurière se montre conscient qu’il s’agit d’un processus complexe et que le contenu de ce droit nouveau se révèle trop divers pour provenir d’une source unique. En nuançant quelque peu ses affirmations précédentes, il concède qu’une partie des solutions coutumières vient d’usages féodaux, de ceux qui régissaient les nobles et les francs-hommes, roturiers titulaires de tenures nobles, et il en exagère même l’importance : ainsi est-ce des usages établis pour les fiefs, donc d’origine noble, que viendraient le droit d’aînesse et l’exclusion des filles dotées, ce qu’on admettra volontiers, mais aussi la règle Paterna paternis, materna maternis, le régime successoral des coutumes souchères et les retraits, tant lignager que féodal, ce qui paraît plus douteux27. Néanmoins la plupart des dispositions coutumières ont une autre origine, qu’il trouve dans les chartes de commune ou de franchises et dans les lois royales.
29Redécouvertes par les historiens du XVIIe siècle, en particulier grâce à la publication de celle de Lorris-en-Gâtinais par La Thaumassière, en 1679, les chartes de franchises ont vivement impressionné Laurière. En elles, il voit l’instrument qui a permis aux bourgeois et aux vilains d’échapper à la servitude féodale, de réintroduire le droit et l’ordre dans un monde où ne régnaient que force et arbitraire. D’elles découleraient de ce fait la plupart des dispositions coutumières : « C’est une vérité qui se prouve par toutes les chartes de commune, qui ont été les premières sources de nos Coutumes générales, et par les Chartes d’affranchissement qui restent, d’où sont venues nos Coutumes locales »28. Aussi faut-il toujours s’y référer pour comprendre le sens des coutumes qui en sont issues, et en pays de droit écrit elles ont même conservé valeur de droit positif en qualité de lois municipales dérogeant au droit commun29. À ces chartes de franchises qui ont été les premières à combler le vide laissé par la féodalité, d’autres éléments sont venus ensuite s’ajouter pour conférer aux coutumes leur physionomie définitive : jugements des cours seigneuriales puis des juridictions royales, qui se sont mués en normes coutumières ; emprunts au droit canonique en matière de mariage, de testaments et de contrats, emprunts aussi au droit romain et aux ordonnances royales. « Voilà, conclut-il, de quelle manière notre Droit Coutumier s’est établi et perfectionné »30. Mais quelle que soit l’importance des ajouts postérieurs, l’acte de naissance du droit coutumier se situe dans ce mouvement d’affranchissement qui a ébranlé la toute-puissance seigneuriale, ou du moins l’a tempérée puisque Laurière déplore le caractère incomplet de cette libération, qui a laissé subsister dans certaines provinces les servitudes de corps et d’héritages, les banalités, corvées et autres abus au détriment des paysans31. De ce point de vue, il fait figure de précurseur de l’historiographie bourgeoise du XIXe siècle : Augustin Thierry s’inspirera de ses conclusions.
30Pourtant Laurière ne poursuivait pas les mêmes buts que ses épigones du XIXe siècle et se souciait peu d’exalter les mérites de la bourgeoisie dans la lutte contre la féodalité. C’est à la royauté capétienne qu’il attribue l’honneur d’avoir terrassé l’hydre féodale, et ses thèses, critiques à peine voilées des courants d’opposition aristocratique de la fin du règne, sont celles d’un partisan convaincu de la monarchie pure incarnée par Louis XIV. Il glisse très vite sur le caractère insurrectionnel qu’a revêtu, à ses débuts, le mouvement communal et ne mentionne qu’incidemment les révoltes des bourgeois de Laon ou d’Amiens contre leur seigneur. Les chartes de commune ou de franchises n’ont pour lui qu’une seule origine : la volonté royale. C’est le roi qui aurait pris l’initiative d’en concéder dans son domaine, avant de le faire ensuite, à l’exemple de Louis VIII, dans les fiefs de ses vassaux pour les affaiblir et affirmer sa pleine souveraineté. Aussi ne voit-il en elles qu’une catégorie particulière d’actes royaux, et même celles que les seigneurs ont octroyées pour calmer les révoltes de leurs sujets résulteraient indirectement de la volonté du roi, les insurgés ayant pris exemple des libertés nouvelles accordées dans le domaine royal pour revendiquer des droits identiques. En mettant au premier plan les chartes de franchises, c’est la politique libératrice des Capétiens que célèbre Laurière32.
31Bien plus, faire du roi l’auteur des chartes d’affranchissement conduit à le présenter aussi comme la véritable source des coutumes, censées en provenir. Certes, Laurière le suggère plus qu’il ne le dit, non sans quelques hésitations ou contradictions, et il ne prend pas ouvertement position dans le débat sur la nature du droit coutumier. Néanmoins, à aucun moment il n’évoque l’origine populaire des coutumes, ni n’oppose un droit coutumier né du consentement tacite ou exprès du peuple aux lois établies par la volonté du souverain. Dès l’origine, il tend à faire de la coutume, comme de la loi, un droit venu du roi, et la mention, chez Beaumanoir et Pierre de Fontaines, d’ordonnances de Philippe Auguste et de ses successeurs portant sur des matières de droit privé comme le douaire ou les successions féodales le conforte dans sa conviction. Sa confusion sur les Etablissements de Saint Louis, coutumier qu’il prend pour un recueil d’ordonnances, tient aussi au fait que, pour lui, la distinction n’a guère de portée, coutumes et lois ayant même nature et même origine. Et si la conformité de certaines dispositions des Établissements avec les coutumes d’Anjou, du Maine, de Touraine et de Loudunois, pays d’origine de sa famille, ne lui échappe pas, il l’explique, à rebours de la vérité historique, par des emprunts supposés à la législation, par la mutation de lois royales en règles coutumières dans des provinces restées à l’écart du mouvement communal et dont les coutumes ne pouvaient donc prendre pour base les chartes de franchises33. Lorsque, par exception, les coutumes n’ont pas été établies à partir de ces chartes, elles procèdent directement de la législation, donc toujours de la volonté du roi.
32Juriste atypique par la place faite à l’histoire, Eusèbe de Laurière n’en partageait pas moins les idéaux de ses contemporains les plus avancés, et sa passion des origines n’a pas fait de lui un homme du passé : par des voies propres, plus pragmatiques, moins systématiques, il rejoignait les positions du courant rationaliste et unificateur illustré par ses amis Lamoignon et d’Aguesseau. En étudiant l’histoire des coutumes, en cherchant à en dégager des principes, en les rapprochant de la loi, c’est à l’unification progressive du droit français qu’il travaillait.
Notes de bas de page
1 V. mon article, « Droit national et histoire nationale : les recherches érudites des fondateurs du droit français ». Droits, XXXVIII, 2003. p. 37-51.
2 Sur la vie et l’œuvre de Laurière. v. l’éloge rédigé par son collaborateur Denis-François Secousse, et publié dans les éditions des Institutes coutumières d’Antoine Loisel, notamment celle de Dupin et Laboulaye, Paris, 1846. t. I, p. LXVIII-LXXX, en tête du Glossaire du droit français de Ragueau (réimp. Paris, 1969) et dans le tome II des Ordonnances des rois de France de la troisième race. Paris, 1727, p. XV-XXIV. Il n’existe qu’une seule étude moderne : P. Ces, Eusèbe de Laurière, Thèse Droit, Paris, 1962, dactyl.
3 Secousse, « Eloge [...] », dans Loisel, Institutes coutumières, éd. Dupin et Laboulaye, Paris, 1846, t. I. p. LXIX-LXX. Les références à l’« Éloge » et aux notes de Laurière sur Loisel seront données d’après cette édition.
4 Dans son épître au roi Louis XV, en tête de l’édition des Ordonnances des rois de France, t. I, non paginée, Laurière affirme que le travail a été entrepris dans un dessein d’unification du droit français : « Le feu Roy vostre Bisayeul, d’immortelle mémoire, conçût le dessein de luy [la France] procurer cet avantage et portant encore plus loin les vues de sa profonde sagesse, le principal objet qu’il se proposa fut de choisir les plus saintes et les plus justes dispositions des Ordonnances que ce Recueil doit renfermer, pour former une Loy générale qui devînt, par sa perfection comme par son authorité, la règle immuable et universelle de son Royaume. »
5 Berroyer et Laurière, Bibliothèque des Coutumes, Paris, 1699, Préface [...], p. I.
6 Ibidem, p. 2 : « Quelque grand que puisse être le nombre des questions qui se décident par le Droit Coutumier, on peut assurer néanmoins que l’étude de ce droit n’est pas infinie, il a ses principes et ses maximes, et les conséquences qu’on en doit tirer dans les occasions, ne sont pas moins naturelles que celles qu’on tire des règles du Droit Romain ».
7 V. mon article, « Les Arrêtés de Guillaume de Lamoignon une oeuvre de codification du droit français ? », Droits, XXXIX, 2004, p. 53-68.
8 Texte des coutumes de la prévôté et vicomté de Paris, nouv. éd., Paris, 1777, t. I. p. VI : Laurière se défend d’avoir publié un nouveau commentaire de la coutume de Paris, alors qu’ils sont déjà si nombreux, par le fait que les ouvrages précédents « se sont contentés de traiter des Questions, et qu’ils ont tous négligé d’expliquer le texte qu’ils commentoient. Ainsi j’ai cru qu’il ne seroit pas inutile de travailler à l’explication littérale des Articles difficiles, afin que tout le texte fût si clair qu’on pût à l’avenir l’entendre aisément. Dans ce dessein, j’ai remonté jusqu’aux sources de notre Droit, en lisant avec soin ce que nous avons de vieux Praticiens ; j’ai marqué les endroits où chaque disposition a été prise, et l’on conviendra peut-être que j’aurai découvert par ce moyen le vrai sens de quelques Articles, entr’autres des 99, 100, 101, 102 et 163, qui avoient passé jusqu’à présent pour très-obscurs [...] »
9 Ibidem, p. 2.
10 À la suite du Texte de la coutume de Paris, nouv. éd., Paris, 1777, t. III, p. 281-399, l’éditeur a publié un « Fragment de la préface que M. de Laurière se proposait de mettre à la tête de son Commentaire sur la coutume de Paris », qui forme une sorte de précis méthodologique de l’interprétation des coutumes. Laurière y consacre quatre paragraphes à « la nécessité de confronter entre eux les articles d’une même coutume », à « la nécessité de consulter les procès-verbaux de réformation des coutumes », à « la nécessité de comparer avec les coutumes voisines ».
11 Note sur les Institutes coutumières, I, p. XXXIX-XL.
12 G. Huppert, L’idée de l’histoire parfaite, trad. franç., Paris, 1973, p. 27 s.
13 Ordonnances, préface, n° 58, p. 8 : « [...] et on a fait au texte [des Établissements de Saint Louis] par ce moyen [en conférant plusieurs manuscrits] plusieurs corrections, sans quoy un bon nombre de chapitres n’auroient peut-estre jamais estés entendus ».
14 Texte de la coutume de Paris, éd. citée, avertissement, p. IX.
15 Préface, p. 32, où Laurière donne la liste de tous les éléments susceptibles d’éclairer le sens des coutumes.
16 Préface, p. 37 : « Enfin il y a une manière d’interpréter une Coutume sans secours étranger, qui est de consulter les anciens Praticiens de chaque Païs, les anciens contrats de mariages, de ventes, d’échanges, et autres semblables, dont les clauses sont des preuves de l’usage ; les Stiles, les Commentaires, les Dissertations sur les questions particulières, et les Arrêts de Réglemens qui les ont décidées, et principalement ceux qui sont intervenus après les enquêtes par Turbes, dont les plus anciens sont dans le registre olim ».
17 P.-Y. Gautier, « Eusèhe de Laurière : un linguiste dans le siècle des Lumières », Revue de la Société internationale d’Histoire de la Profession d’avocat, X. 1998. p. 97-105.
18 Ordonnances [...], t. I, p. VI-VII, n° 46 s., p. IX, n° 60.
19 Ibid., I, p. 107-291.
20 Préface, p. 31 : « Ces réflexions sur notre ancien Droit François, et sur l’origine du nouveau, ne sont ici proposées que comme des conjectures, et comme des premiers fruits d’une étude, et d’une application, qui pourront produire dans la suite une recherche plus exacte et plus approfondie, et peut-être de plus grandes découvertes de ces antiquitez pleines de ténèbres, dont l’éclaircissement seroit d’une extrême utilité ».
21 Préface, p. 6-7.
22 Ordonnances [...], t. I, n° 34, p. V.
23 Préface, p. 10-11, 13.
24 Note sur les Institutes coutumières, XXXI, 49, p. 69.
25 Préface, p. Il : « [...] car il est aisé de juger que les anciennes Loix ont été inutiles, quand les terres ont été sujettes au droit des Fiefs, et quand les Peuples devenus serfs de corps et d’héritages, ont été contraints de suivre aveuglément les volontez de ceux qui leur avaient ravi leurs franchises ». Ibid., p. 25 ; « On ne peut donc pas nier que le pouvoir des Seigneurs ne fût extrême sur leurs Sujets. Or, encore une fois, il n’est pas surprenant qu’un pouvoir aussi absolu des Seigneurs, qui ne reconnaissoient pour toute Loy que leur volonté, n’ait entièrement effacé de la mémoire toutes les Loix précédentes. »
26 Préface, p. 9. Cf. ibid, p. 18.
27 Ibid., p. 27-28. Cf. Texte de la coutume de Paris, éd. cit., t. II. p. 1-10.
28 Ibid., p. 26-27. Cf. p. 35 « On doit encore remonter, pour avoir une intelligence parfaite de chaque Coutume, aux Chartes et aux Privilèges accordez par les Rois et par les Seigneurs, aux Habitans d’une Province, d’une Ville ou d’un Bourg ; parce que suivant la remarque faite cy-dessus, ces Chartes doivent estre considérées comme les véritables sources de ces Coutumes. Il ne faut pas même négliger celles d’un simple Village, quoy qu’il n’ait point aujourd’huy de Coutume locale, parce que tout contribue également a découvrir l’origine et le progrez de nos Coutumes générales et particulières. »
29 Ibid, p. 35-36.
30 Préface, p. 2-30. Cf. p. 35-43.
31 Ibid., p. 21-23.
32 Préface, p. 21-25. Cf. p. 25-26.
33 Préface, p. 23-24.
Auteur
Professeur à l’Université de Paris I (Centre d’Histoire des droits communs).
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