I- Une Faculté à la veille de la Grande Guerre
p. 23-60
Texte intégral
1Toulouse, en ce début de XXe siècle, est un « grand village » (Jacques Godechot). Pour les années d’avant-guerre, les cartes postales des frères Labouche1 témoignent de son activité et de ses monuments, s’arrêtent sur divers moments de la vie de ses habitants : la victoire du Stade toulousain contre le Racing club de France (8-6) le 31 mars 1912 au stade des Ponts Jumeaux2, renommé « Le Wallon » en 1921 à la mort de l’ancien doyen de la Faculté de droit, ou encore la visite du président Poincaré à la mi-septembre 19133 à l’occasion de manœuvres de l’armée et le banquet réunissant quelques 3 000 personnes à l’Arsenal. Elles fournissent également, de manière rare, une vue du parc de la Faculté de droit où posent six personnages, certainement quelques enseignants.
2Au début du XXe siècle, à l’occasion du centenaire de la recréation des Facultés de droit, le doyen Antonin Deloume (1836-1911) retrace les grandes étapes de cette institution4. Il consacre alors, quelques 170 pages à son histoire. Ce récit privilégie les temps médiévaux et la Renaissance. Quelques rapides pages évoquent les « antiques origines », l’enseignement du droit français à partir de 1679, la période révolutionnaire et enfin le XIXe siècle. Cette histoire racontée des hommes et de leurs enseignements au cours des âges constitue un fonds commun dont le doyen Deloume exhume le principe de liberté. Il en rappelle toute l’importance pour son temps5. En bon père de cette famille du droit, Deloume paraît assumer la gestion de ce patrimoine commun de la Faculté. Les juristes toulousains en feront-ils usage au cours du Premier conflit mondial ? Ils ont reçu en legs l’héritage de ces figures du passé (A). Depuis la fin du XIXe siècle, l’Université a connu d’importantes réformes et un renouvellement de la science juridique est à l’œuvre. Héritiers, les professeurs de la Faculté de droit toulousaine sont aussi des acteurs de mutations plus récentes que porte tout particulièrement le doyen Maurice Hauriou (B).
A – Figures du passé
3Au début du mois d’août 1914, l’Université de Toulouse vient de fêter sa 685e année d’existence. Elle s’est forgée, durant ce long passé où ont alterné heures prestigieuses et périodes de reflux, une personnalité plus que marquée ; marquante :
« Paris pour voir, Lyon pour avoir, Bordeaux pour disprendre, Toulouse pour apprendre ».
4Ce médiocre quatrain immodestement composé au XVIe siècle exprime toute la fierté d’une institution faisant remonter sa naissance au traité de Paris, en 1229, date un peu théorique qui en fait néanmoins la seconde de France par l’ancienneté, l’une des plus antiques d’Europe.
5En sa séance du 19 mars 1919, l’assemblée de la Faculté de droit est saisie par le doyen Hauriou d’un projet de dénomination de chacune des salles de la Faculté. Au sortir d’un conflit où les hommes et le droit ont été en guerre, le besoin se manifeste de se rattacher tant à un passé commun de juristes qu’à une mémoire puisant aux sources d’un nationalisme juridique. La liste proposée par Hauriou et acceptée par ses collègues en témoigne : saint Louis, Raymond VII, Cujas, Pothier, Dumoulin, Domat, Turgot, Bodin, Furgole, Deloume, Brissaud, Bonfils, Beudant, Chauveau et Garrigou6. Il fait ainsi référence, par les figures évoquées, aux origines, au rayonnement du temps passé et à son inscription dans le temps présent. Cette chaîne de juristes ne doit pas faire oublier les épreuves traversées par la Faculté. La liste d’Hauriou témoigne d’une volonté de s’inscrire dans la longue période permettant ainsi de surmonter les difficultés récentes.
1 - Aux origines : une naissance douloureuse
6Née d’une guerre, perdue de surcroît, l’entrée de l’Université toulousaine dans l’histoire n’est pourtant pas si glorieuse. Excommunié, comme l’avait été son père avant lui, pour n’avoir pas combattu l’hérésie cathare infectant ses possessions, vaincu militairement dans sa tentative de ressaisir l’ensemble du comté dont il avait été privé, Raymond VII se soumet, le 12 avril 1229, sur le parvis de Notre-Dame de Paris. Il abandonne au jeune roi Louis IX que flanque sa mère la régente Blanche de Castille une bonne part de sa principauté, de même qu’il abandonne Jeanne, sa fille unique et seule héritière de ce qui reste, à un gamin de neuf ans, Alphonse, un frère cadet jusqu’ici à peu près anonyme de Louis. En sa qualité de gendre du comte, Alphonse lui succèdera le moment venu, quand mourra Raymond en septembre 1249. Parachevant la rude mainmise capétienne, le comté sera finalement directement rattaché à la couronne en 1271, à la mort sans enfant d’Alphonse et Jeanne. Entré dans la cathédrale, pieds nus, en chemise, frappé de verges, Raymond y fait amende honorable, est réintégré dans la communauté des chrétiens. L’humiliation publique ne suffit pas. Pour autre prix de la paix, il s’est de plus engagé à entretenir à Toulouse, pendant dix ans, quatre théologiens, deux régents en grammaire et deux décrétistes qui contribueront à éradiquer doctrinalement ce que l’épée ou le feu n’ont pas encore extirpé de l’hérésie. Traduction sonnante et trébuchante de la priorité donnée à la lutte contre le catharisme, les théologiens recevront cinquante marcs par an, les décrétistes trente, les grammairiens vingt à peine7.
7Ils arrivent bientôt, à la suite du légat pontifical, et ce d’autant plus volontiers qu’à Paris sévit, depuis février 1229, la grève de l’Université. Installés en mai 1229, ils sont fort mal accueillis, tant par le comte qui fait de la résistance en ne mettant pas la main à la bourse que par les Toulousains, peu enclins à recevoir plaisamment ces étrangers. Dès la fin de l’année 1232, le maître parisien Jean de Garlande, peut-être déjà échaudé par le caractère méridional après avoir constaté que les Toulousains conservaient pieusement la baliste ayant tué Simon de Montfort en juin 1218, fuit ainsi la ville par la Garonne, déguisé en pèlerin. Ses confrères suivront ou l’ont déjà précédé, peu disposés à s’attarder depuis que, au mois d’avril 1231, les cours ont repris à Paris. À peine deux ans auparavant, Garlande vantait pourtant le climat toulousain tempéré, le coût modéré de la vie : « pour peu on a du pain […], pour peu on a du vin ». Sa « lettre circulaire », peut-être destinée à attirer une clientèle estudiantine qu’il souhaitait nombreuse, venue de tous les horizons du royaume et notamment de Paris où vaquaient les cours, insistait aussi sur la qualité des enseignements que l’on se promettait de développer : les leçons seraient faites avec « soin et exactitude » ; à la différence de l’Université parisienne où l’étude du Code Justinien, instrument de la propagande de l’empereur romain germanique, était proscrite, « ici les décrétistes exalteront Justinien ». La première tentative se solde donc par un échec.
8Il est tout provisoire puisque, le 30 avril 1233, le studium tolosanum renaît cependant, avec des professeurs méridionaux cette fois, protégé par le pape Grégoire IX qui, par la bulle Olim operente illo, en fait un studium generale voué aux études de toutes les Facultés, doté de privilèges égaux à ceux du studium de Paris : autrement dit, tout maître régulièrement examiné et approuvé à Toulouse pourra enseigner dans tout autre studium generale ; les étudiants, les régents, leurs serviteurs, assimilés à des clercs, ne relèvent que de la juridiction ecclésiastique ; le comte Raymond doit veiller à l’approvisionnement des maîtres, les protéger, leur verser jusqu’en 1239 les émoluments promis. Pourtant, en avril 1236, le pape fustige Raymond qui persiste à ne pas honorer ses engagements financiers, sa dette s’élevant à 10 000 marcs, à cause de quoi « le dit studium apparaît dissout et désolé ». Après de vaines tentatives de transactions avec la papauté, le comte purge enfin sa dette au début de l’année 1239. Le 25 septembre 1243, Innocent IV, par la bulle In civitate Tolosana reprenant des dispositions pontificales applicables à Paris, fait enfin du studium toulousain un véritable corps, une universitas au sens plein du terme, en concédant aux maîtres et étudiants le droit d’édicter des statuts sur la façon d’enseigner et les heures de cours, de règlementer la tenue vestimentaire, les obsèques des maîtres et étudiants ; les divers grades universitaires sont également prévus, les loyers taxés en faveur des étudiants, le droit à la substractio reconnu, c’est-à-dire le droit de faire grève. Son successeur, Clément IV, fils de l’ancien chancelier des comtes de Toulouse, répondant ainsi aux plaintes de l’évêque s’alarmant de ce que « dans cité, le bourg, la banlieue de Toulouse où à cause du studium […] une multitude de clercs » multiplie les violences, complètera ces mesures en interdisant, le 8 janvier 1266, aux étudiants que l’on sait donc alors nombreux, de porter les armes à peine d’excommunication.
9L’Université -le terme est désormais pleinement adéquat-, dotée d’une Faculté des arts médiocre et dispersée dans divers couvents de la ville, de droit civil, de droit canon8, peut prendre son essor. La chaîne des temps ne l’exemptera pas de multiples vissicitudes. Pourtant, à la veille du premier conflit mondial, elle pourra se targuer d’un riche passé qu’illustrent, chacune à leur tour, ce que l’on peut qualifier d’« écoles toulousaines du droit ».
2 - Rayonnements des temps anciens
10Du Moyen Âge à la fin de l’Ancien Régime, trois grands moments ponctuent l’histoire de la Faculté de droit avec les doctores Tholosani (XIIIe-XIVe siècles), les juristes humanistes (XVIe siècle) et les professeurs de droit français (XVIIe-XVIIIe siècles).
11C’est avec les doctores Tholosani, dans les années 1270, que s’ouvre la première et d’ailleurs fort brillante époque de la Faculté de droit. Professeurs, consultants, avocats, juges royaux dont le prestige leur vaut d’ailleurs d’être parfois recrutés bien au-delà des limites du royaume par des princes étrangers, ils couronnent souvent leur carrière aux plus hauts niveaux de la hiérarchie ecclésiastique notamment lorsque, au XIVe siècle, la papauté est installée à Avignon. Voici, entre autres, Arnaud Arpadelle (v. 1250-1312), l’un des rares à consacrer sa longue carrière de plus de 35 ans à Toulouse. Il la débute peu avant 1275, date à laquelle il est qualifié de jurisperitus dans le testament de l’un de ses concitoyens qui le désigne comme son légataire et exécuteur testamentaire. Fréquentant longuement le barreau de Toulouse, il porte le titre de doctor legum en 1289 ; juge des appeaux civils de Toulouse, avocat du roi dans la sénéchaussée, il est délégué pour connaître des affaires particulièrement sensibles opposant l’administration royale à l’Église, commente pour la première fois, en 1296, la coutume de Toulouse rédigée dix ans auparavant9, dans le deuxième cours que nous ayons conservé.
12Du point de vue des procédés pédagogiques, si l’école bolognaise influence Arnaud Arpadelle dont le commentaire de la coutume de Toulouse se présente techniquement sous forme d’une glose, cette méthode paraît assez peu adaptée à un enseignement du droit savant lorsqu’il est dispensé à des praticiens ; il recourt donc volontiers à la technique du traité présenté sous forme de questions. Guillaume de Ferrières (mort vers 1295), qui ne néglige pas de gloser, procède de même. Deux fragments de son enseignement nous sont parvenus : un traité de la coutume inséré sous forme de questions dans son commentaire d’un paragraphe des Institutes consacré « à ce qui n’est pas écrit » et un traité des actions, conservé, recopié, tendant à devenir un véritable formulaire utilisé dans les juridictions car il est de toute utilité « pour exercer la profession d’avocat ». Pour chaque action pouvant être exercée en justice que prévoient les Institutes, Ferrières donne en effet un exemple pratique de la marche à suivre devant les tribunaux locaux avec un modèle de la demande, un autre de la réponse du défendeur, un autre encore des articles à rédiger par le juge durant l’audition des témoins, un modèle de jugement et de l’appel éventuel. Ce procédé connaît de plus en plus de succès et, au début du XIVe siècle, il est devenu de tradition de s’arrêter sur telle ou telle loi ou canon pour y insérer le traité. Les auteurs finissent souvent par détacher leurs traités de leur œuvre ; ils seront réunis en corpus regroupés par matières, pratique qui sera reprise au XVIe siècle, lors des débuts de l’imprimerie.
13Outre le traité, les professeurs toulousains recourent au système des questions posées par le maître au cours de sa lecture en complément des explications préliminaires, ce qui lui permet d’initier son auditoire à l’étude de cas pratiques, résolvant ainsi des problèmes précis, par exemple de droit féodal et municipal dont la solution pouvait être difficile à trouver dans le droit romain. La dispute, mentionnée dans les plus anciens statuts de l’Université en tant qu’exercice scolaire est marquée par l’influence italienne. Exercice public durant lequel un maître et l’un de ses disciples débattent d’un cas précis ou d’un texte de loi, lointain ancêtre de l’actuelle soutenance de thèse, elle connaît sa grande période à Toulouse durant le XIIIe siècle et la première moitié du XIVe siècle puis paraît tomber en désuétude. Nostalgique, un arrêt pris par le Parlement en 1470 rappelant que les docteurs-régents avaient « jadis l’habitude de faire de belles disputes », ordonnera qu’en soient de nouveau organisées, édictant des peines de suspension de cours contre les professeurs défaillants. La dispute a influencé les méthodes d’enseignement, le docteur régent commençant par lire la lettre de la loi puis en faisant un résumé, passant enfin au système des questions et oppositions.
14Les consultations, très recherchées lorsqu’elles émanent d’un maître célèbre, transmettent la doctrine enseignée à l’Université, les professeurs dispensant leurs conseils sous la forme du casus et, inversement, introduisant dans leurs cours des cas réglés dans la vie pratique. Elles sont considérées comme si complémentaires de l’enseignement qu’elles seront réunies dans un manuscrit comprenant 150 d’entre elles, les Responsa doctorum tholosanorum10. On citera encore le principium, leçon d’ouverture d’un cours donné par un docteur régent, un nouveau docteur ou licencié, dispensé avec une grande solennité devant un auditoire choisi en présence de la plupart des professeurs : ainsi, le 6 octobre 1292, celui d’Étienne de Multone, le plus ancien docteur en décrets de l’Université qui nous soit connu, prenant la parole devant le chancelier de l’Université, des docteurs régents ès arts et en grammaire, en droit canonique et en droit civil, dont Arnaud Arpadelle ; plus tard celui de Jean de Vayrols intervenant le 12 janvier 1357 dans des circonstances calamiteuses puisque la bataille de Poitiers s’est déroulée quatre mois auparavant et qui retient pour thème la paix, « utile à l’étude ».
15Un prestigieux civiliste, Guillaume de Cunh (mort v. 1336), occupe durant le premier tiers du XIVe siècle une chaire à Toulouse, développe un enseignement marqué au coin de l’indépendance d’esprit, deux de ses cours consacrés au Digeste vieux (1315-1316) et au Code (1316-1317) en attestent. Même si, retenu par sa participation à la vie judiciaire et municipale, il se fait parfois suppléer, même si ces cours sont parfois houleux, s’achevant sous les sifflets des étudiants, sa renommée sera vite assurée en Italie, notamment par Cinus de Pistoia et son disciple Bartole. Favorable à la coutume, il œuvre à la promouvoir au rang de norme de droit essentielle au travers de son enseignement : les leges romaines du code Justinien sont des règles « très anciennes », dit-il ; il faut donc s’affranchir de la lettre des textes et les évaluer concrètement, à l’aune de leur intérêt pour les besoins de l’époque. Inversement, ses commentaires des dispositions du Code relatives au patrimoine de l’Église le montrent très attaché à la défense des intérêts de celle-ci, le démarquant ainsi nettement du sens de l’évolution coutumière, des lois et de la jurisprudence royales11.
16Durant la période des juristes humanistes, la Faculté de droit se distingue particulièrement. Lors de sa venue à Toulouse en 1533, François Ier en rehausse d’ailleurs le rayonnement en parant l’un de ses maîtres, Pierre Daffis, du titre de « comte ès lois »12. L’enseignement s’y est en effet profondément renouvelé avec ceux qui constituent les premiers représentants toulousains de l’« école de l’humanisme juridique » : Jean de Boysonné (1505-1558) qui succède en 1525 à son oncle dans l’une des chaires de droit civil ; son élève Jean de Coras (1512-1572), également professeur de droit civil en 1540, étudiant à Toulouse, Angers, Orléans, Paris, Padoue, Sienne où il obtient le doctorat. Tous deux ralliés à la réforme protestante, opposés aux bartolistes alliant les méthodes exégétique et dialectique dans leur étude du droit savant, tous deux admirateurs de l’Italien Alciat venu enseigner à Bourges en 1527, l’un des tous premiers à unir l’étude de l’histoire à celle des lois afin d’éclairer l’une par l’autre, se livrent à l’examen philologique des textes, accompagnent leurs commentaires de références à l’histoire et à la littérature antiques, emportent l’adhésion de leurs étudiants. Conseiller au Parlement à compter de 1553, Coras innovera de plus en se livrant au commentaire des lois en français.
17Parmi les professeurs les plus prestigieux du temps, que la Faculté ne manquera plus jamais de mettre en exergue bien qu’elle n’ait su ou pu le retenir, un élève de Jean de Boysonné et d’Arnaud Du Ferrier (1506-1585), Jacques Cujas (1522-1590), ce « prince des romanistes », illustre tout particulièrement l’école historique du droit dont il porte les méthodes à la perfection mais dont l’érudition ne fait pas oublier la pratique13. Un autre maître, Pierre Grégoire (1540- 1597), devient si célèbre de son temps qu’il voit son patronyme accolé à celui de Toulouse. Gregorius Tolosanus innove, oriente l’enseignement vers de nouveaux horizons. Le droit public romain étant difficilement applicable au droit public de l’époque, l’enseignement toulousain était jusqu’alors tourné vers le droit privé et la procédure, le droit public n’étant étudié qu’à titre accessoire par les civilistes et les canonistes. Pierre Grégoire lui fait une place importante, apparaissant comme l’un des fondateurs de la science politique en posant les prémices de la doctrine de la monarchie absolue. Il apparait aussi comme l’un des pères de la science du droit comparé, puisque, pour tel ou tel chapitre du droit, il indique la solution romaine ou canonique, puis la solution française et, enfin, les solutions des différents peuples d’Europe sans évidemment omettre la Pologne dont le futur Henri III est alors pour quelques temps roi. La Faculté s’honore aussi d’avoir compté dans ses rangs, pour un séjour plus ou moins long, des étudiants appelés à une particulière renommée : ainsi, Jean Bodin (1529-1596), condisciple de Pierre Grégoire, influencé par Jean de Coras et père des Six livres de la République, théoricien de la monarchie absolue ; Michel de l’Hospital (1507-1573), chancelier de France, principal collaborateur de la régente Catherine de Médicis ; « le plus grand homme de France », selon Voltaire. Autre témoignage du prestige de l’« école de Toulouse », de 1512 à 1588, tous les chanceliers de France seront issus des rangs de la Faculté toulousaine14.
18Avec les dernières décennies du XVIIe siècle, s’ouvre la période des professeurs de droit français. Elle part du constat que la monarchie désormais absolue, administrative, ne pouvait manquer de faire. L’enseignement des Facultés de droit, figé sur le droit civil et canonique, est désormais parfaitement inadapté aux fonctions - magistrats, avocats, notamment- vers lequel il est censé diriger. Les préoccupations royales rejoignent d’ailleurs celles des étudiants. Partout dans le royaume perce, parmi la jeunesse, le sentiment de perdre son temps à des études sclérosées, inutiles, source des comportements relâchés que l’on stigmatise. Louis XIV décide une reprise en main, organise une réforme générale. L’édit de Saint-Germain-en-Laye d’avril 1679 a pour but de participer à sa politique générale d’unification nationale donc d’unification du droit, le roi, promoteur du gallicanisme, recherchant aussi, avec le même objectif, l’appui des Universités dans « l’affaire de la Régale » qui l’oppose violemment à la papauté15.
19Les Facultés de droit doivent devenir un service public chargé de la formation des corps judiciaires et de leurs auxiliaires, ce qui suppose que toutes les Universités soient dotées d’un statut identique. L’Université de Paris où le droit romain n’est pas enseigné est ainsi réformée sur le modèle toulousain (trois chaires en droit canon et trois en droit romain). Les Facultés de droit se voient reconnaître le monopole de l’enseignement de cette discipline, défense étant faite aux Parlements de recevoir dans les offices de judicature ceux qui ne présentent pas un certificat de licence. Surtout, par l’article 14, le roi, « afin de ne rien omettre de ce qui peut servir à la parfaite instruction de ceux qui entreront dans les charges de judicature », ordonne que « le droit français contenu dans nos ordonnances et dans les coutumes soit publiquement enseigné ». Pour la première fois, immense nouveauté, l’enseignement du droit national est explicitement consacré, son autonomie affirmée par rapport à l’ensemble multiséculaire formé par les droits romain et canonique. Directement nommé par le chancelier de France dans chaque Faculté16, le titulaire de la chaire de droit français prête serment en français, sauf à Pont-à-Mousson et Toulouse où la prestation aura lieu… en latin17. Il est d’autant plus mal reçu qu’il siège immédiatement après le doyen dans les assemblées et cérémonies protocolaires ; que, personnalité nouvelle imposée à un corps très fermé, il porte seul le titre de « professeur royal » ; que, praticien isolé en butte à l’hostilité des tenants des doctrines romaines, il enseignera en français -scandale pour les romanistes- le droit coutumier au beau milieu d’un pays de droit écrit, étudiera les ordonnances qui ne se réfèrent plus, désormais, au droit romain ; que, pour obtenir la chaire, il ne sera pas soumis à un concours éprouvant et au versement de droit élevés ; qu’il participera cependant aux examens et à la collation des grades, réduisant ainsi la part des droits répartis entre ses collègues ; qu’il portera la robe des professeurs alors que, choisi parmi les membre du barreau18, il lui suffira donc d’être licencié et non docteur19. Opposer ce dernier argument au premier des dix professeurs qui occuperont successivement la chaire jusqu’en 1792 paraît pourtant particulièrement spécieux ; en effet, Antoine de Martres qui reçoit ses lettres de provision du roi le 1er juillet 1680, s’il est bien avocat est aussi docteur en droit civil depuis le 26 mai 1662. Il en sera de même en 1695 de son successeur, Jean Duval, docteur agrégé depuis 1680 en application de l’édit de 1679 créant cette catégorie pour suppléer les docteurs régents empêchés.
20Compte tenu du rôle stratégique dévolu à la chaire, elle est placée sous l’étroite surveillance du parquet des Parlements chargé de procéder à des inspections et de rendre compte au chancelier. Ce qui vaudra à l’étudiant toulousain Terrade de voir sa thèse de licence, contraire aux libertés de l’Église gallicane, annulée par arrêt du 29 mai 1756. En 1682, le roi impose aux candidats à la licence d’avoir au préalable assisté au cours de droit français pendant l’une de leurs trois années d’études, la preuve de leur assiduité résultant du certificat fourni par le professeur ; à défaut, leur lettre de licence sera annulée. À compter de la déclaration royale du 20 janvier 1700, les étudiants n’ont plus le choix ; ils doivent obligatoirement suivre ce cours en troisième année puisque, leur parchemin de licence une fois en main, beaucoup se destinent au barreau ou à des fonctions judiciaires. Bien vite pourtant, on retombe dans les travers du passé. L’histoire de la chaire de droit français est celle des abus que tente de contrer le pouvoir royal qui ne respecte d’ailleurs pas toujours les règles qu’il a lui-même édictées20. Premier des dix professeurs successivement titulaires de la chaire, Antoine de Martres (1638-1695) suscite un immédiat engouement dénombrant, lors de sa première année de cours en 1681, 229 étudiants et auditeurs libres. Parmi ces derniers, des avocats et autres praticiens du droit venant assister à ses leçons « parce qu’on y dicte en français ». N’y est certainement pas plus étranger le fait qu’il professe un cours, le plus ancien consacré à la matière que l’on ait conservé, datant de 1683, intitulé « Institutions au droit français », une autre version portant le titre d’« Institutions au droit français, accommodées à l’usage de la province de Languedoc et ressort du Parlement de Toulouse ». « Institutions », le mot parle de lui-même. Réflexe de ceux qui ont été formés au droit romain il renvoie aux Institutes de Justinien, manuel introductif et élémentaire du Corpus iuris civilis destiné à faciliter l’étude du droit. Plus tard dans sa carrière, Antoine de Martres lit aussi des « Questions de droit et principes de droit civil tirés des ordonnances et des coutumes », une seconde version étant accompagnée de « Principes du droit canonique français suivis de la transcriptions des édits et arrêts du conseil d’État servant de règlement pour les villes et communauté du Languedoc ». De Jean Duval (1644-1715), on possède des Institutions du droit français publiées en 1725, dix ans après sa mort. François de Boutaric (1672-1733), le plus prestigieux des professeurs toulousains de droit français, troisième titulaire de la chaire de 1715 à 1733, commente les grandes ordonnances de 1667 sur la procédure civile, de 1670 sur la procédure criminelle, de 1673 sur le commerce, l’ordonnance de 1731 sur les donations, le concordat de 1516 et les libertés de l’Église gallicane, etc. ; autant de cours qui seront édités et réédités encore longtemps après sa mort21. On a de son successeur, Anne-Louis d’Astruc (1685-1744) un cours consacré à l’ordonnance sur les donations de 1731 et sur testaments de 1735 ; après sa mort, sont publiés nombre de ses travaux relatifs au droit privé.
21À la fin de l’Ancien Régime, la Faculté de droit figure toujours, parmi « les plus illustres et les plus florissantes d’Europe », attire « par sa réputation un grand nombre d’écoliers des provinces du royaume », en fait « venir plusieurs des royaumes voisins »22 ; l’appréciation, émanant des autorités publiques locales, pourrait laisser dubitatif. Mais, alors que les vingt-quatre Universités du royaume ont eu tendance à « s’enfermer dans une routine maussade, [à Toulouse] l’enseignement du droit y est resté sérieux, en contact avec la pratique, grâce à la chaire de droit français créée par Louis XIV »23, venue rompre l’antique monopole des droits romain et canonique, répondant à des besoins nouveaux. En pays de droit coutumier, certaines Facultés n’auront pas de professeur de droit français avant le milieu du XVIIIe siècle ; aucun professeur de droit français ne se distingue à Nantes, Caen ou Besançon. Dans les pays de droit écrit, à l’exception de celle de Montpellier illustrée par Claude Serres (1695- 1768), les chaires d’Aix, Bordeaux, Cahors, Perpignan restent dans l’ombre24. Celle de Toulouse fait bien figure de très belle réussite, occupée par des avocats de grand talent, deux d’entre eux -Bernard Lapomarède de Laviguerie et Pierre-Théodore Delort (1736-1793), respectivement septième et neuvième titulaires de la chaire- occupant rapidement des fonctions de conseillers au Parlement Maupeou. Et si, en 1791, Jacques-Marie-Rouzet, ultime titulaire de la chaire bientôt engagé en politique et d’ailleurs promis à une étonnante destinée, ne l’occupera que de façon éphémère, il jouera cependant, au comité de législation de la Convention nationale puis au Conseil des Cinq-cents, un rôle que l’on peut estimer non négligeable dans les travaux préparant le futur code civil25.
3 - De la mort au renouveau (Révolution-seconde moitié du XIXe siècle)
22Avec la Révolution vient l’heure de faire table rase de tout ce qui est désormais jugé n’être qu’un « édifice dérisoire et barbare ». Le 15 septembre 1793, la Convention supprime donc les « facultés de théologie, de médecine, des arts et de droit », condamne à l’autodafé « les livres de jurisprudence civile et canonique, ces produits de la superstition, du mensonge et de l’esclavage ». En attendant les mesures de substitution que doivent prendre les conventionnels, à Toulouse est créé « l’Institut Paganel » dans le cadre duquel ne survit qu’un unique cours de droit ; en 1795, doivent y être étudiés « la Déclaration des droits de l’homme, l’acte constitutionnel et les devoirs du citoyen ». L’École centrale qui lui succède en 1796 n’est pas plus ambitieuse ; le cours de « législation » s’y résume à l’examen de la Constitution et de la « morale républicaine », n’attire que trois élèves en 1798. En 1801, on y ajoute quelques éléments de droit civil et criminel, d’économie politique et de droit international ; les effectifs progressent alors jusqu’à 37 élèves. Médiocre, ce nombre et de surcroît trompeur car, pour beaucoup venus de l’enseignement primaire, l’enseignement se limite à une formation « préparatoire » consacrée aux « notions préliminaires sur l’homme, ses besoins et ses facultés, les devoirs des familles dont la réunion forme la grande société, les qualités et les vertus qui font l’homme probe et bon citoyen » ; bref, à des éléments d’instruction civique26.
23Le Consulat et l’Empire27 marquent le temps du renouveau. La loi du 22 ventôse an XII (13 mars 1804) créé dix « écoles de droit » ; Toulouse obtient la sienne, par décret du 4e jour complémentaire an XII (21 septembre 1804). Le succès est immédiat28. Par la volonté de Napoléon Ier, le décret du 17 mars 1808 fait renaître les Facultés dans le cadre de l’Université impériale, structure administrative unique, centralisée, strictement hiérarchisée, fondée sur un ensemble de règles valables pour la totalité de l’Empire et sur le monopole de l’enseignement quel qu’en soit le degré, la carte scolaire reposant sur un découpage en académies, chacune placée sous l’autorité d’un recteur assisté d’un conseil et d’inspecteurs, eux-mêmes subordonnés au Grand-Maître secondé par le conseil de l’Université et d’inspecteurs généraux. Dans cette structure, qui paraîtra un si efficace instrument de gouvernement d’un secteur toujours sensible qu’elle se maintiendra jusqu’à la iiie République, les Facultés d’une même discipline sont théoriquement identiques et toutes, dans une même académie, sont indépendantes les unes des autres. L’organisation de l’enseignement29 contribue à jeter les bases d’une « culture juridique officielle » (J.-L. Halpérin). La Faculté de droit toulousaine inaugurée le 1er janvier 1809 ne se distingue guère de l’École à laquelle elle succède. Limitée à trois chaires comme ses consœurs provinciales (droit romain, code Napoléon, procédure et législation criminelle)30, elle est strictement cantonnée par le pouvoir qui redoute le développement de recherches doctrinales susceptibles de pervertir l’esprit et les dispositions de la législation nouvelle à un rôle d’établissement à vocation professionnelle, aux enseignements relativement légers et au service des examens passablement laxistes « rendu fort lourd par l’accroissement de la population scolaire »31. Pour longtemps, son combat essentiel consistera dans l’obtention de nouvelles chaires32, dans la gestion des flux sans cesse croissants d’étudiants33.
24La réforme des modalités de recrutement du corps enseignant, l’organisation d’un concours fait cependant depuis longtemps débat34. En, 1838 la Commission des Hautes Études du Droit se saisit de la question posée par le ministre de l’Instruction publique Salvandy. L’idée du concours est défendue par Louis Woloski (1810-1876)35. Le recrutement est organisé par le règlement du 22 août 1843 avec des épreuves « de candidature » destinées, pour chaque chaire, à sélectionner trois candidats. Cette réglementation servira ensuite de matrice au statut du 20 décembre 1855 organisant le corps des agrégés issus d’un concours unique.
25Ralliés en nombre à la République proclamée à Toulouse le 25 février 1848, les étudiants n’ont guère le temps de savourer l’éphémère succès des « radicaux politiques ». En décembre, l’élection à la présidence de la République de Louis-Napoléon Bonaparte, qui bientôt rétablira l’Empire, sonne l’heure du retour à l’ordre36. Les professeurs, quant à eux, ne tardent pas à faire l’objet de mesures sourcilleuses traduisant la suspicion que le régime nourrit à leur encontre37. Le professeur de droit administratif, Adolphe Chauveau (1802-1868), dont Maurice Hauriou considèrera que les Principes de compétence et de juridiction administrative (1841-1844) figurent parmi « les ouvrages créateurs » de la doctrine administrative, en fait bientôt les frais38. À quelque chose malheur est bon. Le strict contrôle auquel ils sont soumis dans leurs amphithéâtres où l’uniformité s’impose conduit les enseignants à chercher un exutoire dans la réflexion doctrinale, par le biais de leurs publications. Les « anciens », tenants des méthodes d’enseignement fondées sur l’exégèse et la pratique, subissent l’offensive des « modernes » œuvrant vigoureusement à la rénovation de la science juridique39.
26Le mouvement est particulièrement sensible à Toulouse où a récemment été créée l’Académie de législation40, institution unique en son genre et, plus anciennement (1834) mais participant aussi activement au débat, la Revue de législation et de jurisprudence dont l’un des fondateurs est le professeur Aimé Rodière (1810-1874). Le romaniste Osmain Bénech (1807-1855) qui, en 1855, accède au décanat après qu’Auguste Laurens ait été démis de cette fonction41, est avec Victor Molinier (1799-1887) l’un des fondateurs, en 1850, de la Revue critique et l’artisan essentiel de la création en 1851 de l’Académie de législation. Partisan convaincu de la méthode historique développée par Savigny, ayant appris l’allemand pour s’informer directement des recherches les plus récentes en la matière, replaçant avec ses étudiants les textes romains dans leur perspective historique, Bénech, auquel l’essor des sciences historiques à la Faculté toulousaine doit beaucoup42, introduit avec Gustave Bressolles (1816- 1892) un cours complémentaire consacré à l’histoire du droit français. Ce dernier, jeune suppléant, publie dès 1838 dans la Revue de législation et de jurisprudence un article remarqué critiquant l’isolement de l’histoire et de la philosophie du droit par rapport « à l’ensemble des connaissances humaines »43, participe à la fondation de la Revue d’histoire du droit français et étranger en 1855, devient lui aussi germaniste pour accéder sans intermédiaire aux travaux de la doctrine allemande, occupe en 1859 la chaire de « droit français étudié dans ses origines féodales et coutumières », la première de ce type créée en province par le ministère44. Osmain Bénech, Aimé Rodière, Gustave Bressolles, Constantin Dufour, Charles Ginoulhiac (1818- 1895) forment une nouvelle « école de Toulouse » très active, ouvrant la science du droit aux méthodes en partie empruntées aux juristes allemands, secouant le joug du « temple de l’Exégèse »45 qu’est la Faculté de Paris.
27Les élections législatives de mai-juin 1863 inaugurent de plus une ère de relative ouverture. Face aux progrès de l’opposition libérale, Napoléon III remanie son gouvernement, y appelle Victor Duruy, historien reconnu par ses pairs et réputé libéral, au ministère de l’Instruction publique désormais séparé des Cultes, ce qui manifeste de façon tangible que le régime se détourne de l’alliance exclusive avec l’Église au profit d’un rapprochement avec l’élite intellectuelle. Même si la centralisation administrative demeure, les principes répressifs tendent à disparaître. Duruy pratique largement la concertation, créé en 1868 l’École Pratique des Hautes Études ; exclusivement consacrée à la recherche, elle servira de modèle dans l’évolution des Facultés académiques, où elle puise d’ailleurs l’essentiel de ses enseignants, vers les Universités de recherche. Dans les Facultés, il encourage la multiplication, sur le modèle des Privatdozenten des Universités germaniques, des cours libres ayant vocation à rendre plus efficients les enseignements magistraux, accentuant ainsi la politique inaugurée sous la monarchie de Juillet puis par Hippolyte Fortoul, instigateur des conférences facultatives payantes assurées, en 1859, par des « maîtres chargés de conférences ». Duruy finance aussi de nombreuses missions en Allemagne où elles découvrent de nouveaux modèles d’enseignement, vérifiant par là-même l’inquiétante avance allemande. Gustave Rouland, lors de son bref passage au ministère (août 1856-août 1857), manifestant les mêmes préoccupations, avait déjà chargé Anselme Batbie, professeur d’histoire du droit à Toulouse de 1852 à 1857, d’une mission d’étude de l’enseignement du droit administratif dans les Universités allemandes, belges et hollandaises46. En dépit des résistances des immobilistes, l’ensemble des progrès de la réflexion et des expériences prépare le terrain aux réformes de la IIIe République visant à la modernisation de l’institution universitaire.
B – Acteurs contemporains
28La défaite militaire de 1870 conforte les intellectuels français dans leur conviction de la supériorité du système de formation germanique. Certains même, pessimistes, voient au-delà. Maurice Houques-Fourcade, professeur d’économie politique à la Faculté de droit et directeur de l’École supérieure de commerce de Toulouse fondée en 1902 s’en fait l’écho. Le retard de la France et la sanction sanglante qui en est résulté sont la conséquence du défaut de formations « modernes ». Inversement, « les maîtres d’école » prussiens ont « préparé Sedan après Sadowa ». Loin d’en rester là, le « nouvel Empire » s’est « couvert d’établissements supérieurs d’enseignement professionnel de tous genres ; les Instituts techniques [voient] accourir vers eux des milliers d’élèves, convaincus à juste titre qu’il y [a] d’autres victoire à remporter […], les laboratoires des manufactures se peupl[ent] de docteurs que les esprits superficiels [voudraient voir] confiner dans ceux des Universités ». La compétition économique internationale risque de déboucher sur un nouveau conflit car, « lourds d’aspect peut-être, mais lourds aussi de connaissances et tout imprégnés des méthodes nouvelles », les sujets de Guillaume ii se « répand[ent] à travers le monde, sur mer comme sur terre, l’Allemagne inquièt[e] la Grande-Bretagne en attendant de se mesurer aux États-Unis »47.
1 - S’inscrire dans le présent
29Les progrès de la formation universitaire passent par la liberté des enseignants délivrés de la censure ministérielle pesant sur le contenu de leurs cours. C’est chose faite, du moins en principe, entre 1880 et 1883, à condition de ne point faire de trop hautes vagues48. L’intérêt que la IIIe République porte à l’instruction primaire publique ne lui fait pas oublier l’enseignement supérieur. En témoigne une architecture monumentale. Sur les bases des anciennes « Études », la Faculté de droit qui se veut depuis toujours phare du « quartier latin » toulousain voit ses façades de pierre s’édifier, entre 1878 et 1883, au milieu des vieux immeubles de brique crue. Dans peu de temps, elle devra accepter une très proche puisque mitoyenne voisine, la Faculté des Lettres refaite à neuf49. Le recrutement des professeurs nécessite un rôle actif des Facultés : la loi du 27 février 1880 leur a reconnu le droit, dans le cas de vacance de chaire, de présenter deux candidats concurremment avec la section permanente du Conseil supérieur de l’Instruction publique et, si les chaires nouvelles sont pourvues sur proposition du ministre de l’Instruction publique par le président de la République sans présentation de candidats par les Facultés, la pratique s’est établie de procéder à de larges consultations. Ces quelques frémissements ne sont évidemment pas à la hauteur des enjeux et la Faculté de droit toulousaine avec, au premier chef, son école historique du droit, n’est pas en reste dans le débat qui anime le monde des intellectuels français et, de plus en plus aussi, la communauté internationale des juristes : Jean-Baptiste Brissaud, rédacteur en chef de la Revue générale de droit après 1880, lié au monde universitaire allemand et italien en diffuse les œuvres en les traduisant parfois, publie un très remarqué Manuel d’histoire du droit (1893-1904) ; Gustave Bressolles signe, dans la Revue de législation et de jurisprudence, « De l’histoire et de la philosophie dans l’étude des lois civiles », article qui fait date ; le romaniste Gabriel Demante écrit en historien du droit dans la Revue critique de législation et de jurisprudence, dans la Revue de droit français et étranger ; Henri Saint-Marc, agrégé en 1882, en poste à Toulouse jusqu’en 1885, chargé de mission en Allemagne, produit à son retour une étude sur l’enseignement de l’économie politique, publie dans la Revue critique de législation et de jurisprudence, dans le Journal de droit international privé. À leurs côtés, œuvre Alexandre Mérignhac qui, arrivé à Toulouse en 1887, enseigne le droit international privé et public, signe en 1895 un Traité théorique et pratique de l’arbitrage international, analyse dans un gros ouvrage les travaux de la conférence de la paix de La Haye, collabore à la Revue du droit public et de la science politique en France et à l’étranger, est l’une des figures marquantes de la Revue de droit international public, organise le premier congrès national des sociétés françaises pour la paix qui se tiendra à Toulouse. Sa production scientifique et son militantisme lui valent d’être reconnu comme « l’un des chefs du mouvement pacifique dans notre pays » et d’être nominé en 1909 et en 1913 pour le prix Nobel de la paix50.
30Il y a aussi beau temps que Louis Liard, directeur de l’enseignement supérieur de 1884 à 1902, a précédé Maurice Houques-Fourcade dans son diagnostic. Il prend ainsi une part active dans la préparation des « décrets Goblet51 ». Le premier, en date du 24 juillet 1885, restaure la personnalité civile des Facultés, leur reconnaissant la capacité de recevoir dons, legs et subventions privées dont elles ont la libre disposition, Liard étant l’un des premiers à susciter le mécénat dans le domaine universitaire. Un second décret du même jour, sans leur attribuer un budget propre, donne aux établissements d’enseignement supérieur la possibilité d’employer les subventions que leur attribueront les départements et communes et de les affecter à la création de nouveaux enseignements, aux dépenses des laboratoires et bibliothèques, à la fondation de bourses pour les étudiants. Baptisé « conseil général des facultés », un organe collégial comprend notamment les doyens des différentes Facultés d’une même ville et des professeurs élus par leurs collègues52. Sa compétence se limite d’abord à régler la répartition des libéralités indivises faites à plusieurs Facultés mais il constitue une structure fédérative, première ébauche de ce que seront les futures Universités. Le 28 décembre, un troisième décret étend les compétences du conseil au-delà des intérêts propres à chaque Faculté en le chargeant de veiller à leurs intérêts communs (répartition des crédits pour les services communs, juridiction disciplinaire sur les étudiants, etc.). Dans une troisième étape, la loi de finances du 17 juillet 1889 assure aux Facultés leurs ressources propres en les dotant d’un budget.
31Nouvelle avancée, aux termes de la loi du 28 avril 1893, « le corps formé par la réunion de plusieurs facultés d’un même ressort académique est investi de la personnalité civile. Il est représenté par le conseil général des facultés », les décrets des 9 et 10 août suivants dotant les conseils généraux de Facultés de la personnalité civile. Parachevant l’évolution entreprise depuis 1885, la loi du 10 juillet 189653 dispose enfin que « les corps des facultés institués par la loi du 28 avril 1893 prennent le nom d’universités », l’autorité disciplinaire est transférée des conseils généraux des Facultés aux conseils d’Universités qui disposent de la libre gestion des droits d’inscription et d’études. Le sectionnement de l’agrégation en droit intervient en 189654. Dans chaque Université, avec le décret du 21 juillet 1897, le conseil statue souverainement sur l’organisation générale des cours, conférences et exercices pratiques proposés chaque année universitaire par les Facultés, sauf à y comprendre les enseignements nécessaires à l’obtention des grades établis par l’État. Il reçoit aussi, sous réserve de l’approbation du ministre, le droit d’instituer des « titres d’ordre exclusivement scientifique », distincts des grades délivrés par l’État, dont il détermine le contenu. L’objectif recherché avait été en 1890 exposé au Sénat lors d’un premier projet de loi sur les Universités, présenté par le ministre de l’Instruction publique, Léon Bourgeois : « En France, les grades conférés par les facultés sont des grades d’État. Qu’il y ait là une gêne à la liberté scientifique des universités, nous ne le contestons pas […]. Pour cela, toute latitude est donnée à leurs conseils. Ils pourront créer des certificats d’études et des diplômes, distincts des grades de l’État […], qui seront des preuves d’un savoir acquis en pleine liberté d’études, et qui vaudront d’autant plus en France, et surtout à l’étranger, que la science sera portée plus haut dans l’université qui les délivrera ». Jusqu’en 1968, le statut des Universités n’évoluera plus guère.
2 - Esquisser un portrait de groupe
32De récents travaux biographiques permettent de mieux connaître tant les enseignants55 que les étudiants56 des Facultés de droit à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Pour autant, le groupe des enseignants de la Faculté de droit de Toulouse du début du XXe siècle, exception faite de la figure du doyen Hauriou, n’a guère retenu l’attention. Hormis leurs écrits, leurs discours, cette vingtaine d’enseignants est connue par une représentation du corps professoral. Il en est de même à Paris où l’affichiste et caricaturiste Adrien Barrère (1874-1931) brossait un portrait collectif de la Faculté de droit en 1905-1906. Seize des 43 professeurs alors en exercice se tiennent en pied revêtu de l’habit universitaire57. Semblable portrait de groupe existe pour la Faculté de droit de Toulouse entre 1908 et 190958.
33Placés sous le regard de Jacques Cujas, les seize enseignants en présence de l’appariteur59 de la Faculté participent à l’examen d’un étudiant. Leur représentation révèle quelques intérêts des uns et des autres : le rugby pour Wallon, la pêche pour Vidal. Au cours de la Première Guerre mondiale, vingt enseignants sont en poste. En 1914, ils se répartissent de manière homogène par tranches d’âge entre trente et quarante ans (six), entre quarante-et-un et cinquante ans (cinq), entre cinquante-et-un et soixante ans (cinq) et plus de soixante ans (quatre). La moyenne d’âge est alors de 48 ans et demi. Wallon meurt au début de la guerre, Dugarçon et Rigaud rejoignent le groupe des enseignants à la fin du conflit. Le plus ancien est Campistron, agrégé depuis 39 ans, puis viennent Wallon (36 ans), Bressolles (34 ans), Hauriou (32 ans) et Rouard de Card (32 ans). Les plus jeunes agrégés sont Fliniaux (depuis quatre ans en 1914), Magnol (six ans), Thomas et Polier (huit ans).
34Derrière ce premier rapide portrait de famille statistique, ces juristes toulousains peuvent aussi être saisis collectivement par leur participation à l’Académie de législation60. Un « esprit général » les caractérise : libéral, conservateur, humaniste et jusnaturaliste. Ce collectif s’exprime par sa production scientifique, des controverses aussi comme entre Joseph Declareuil et l’historien Henri Hauser61, ou encore par son implication provinciale et en lien étroit avec les milieux professionnels juridiques. Derrière une entité doctrinale, sans doute pas une unité, des personnalités se dévoilent en différentes occasions et divers écrits. L’évolution de la pensée scientifique de chacun d’eux et la formation de réseaux mériteraient d’être davantage étudiés. Voici par exemple les positions, en droit international, exprimées par Mérignhac à l’encontre de la conception anglaise du droit de la mer. Elles s’effacent ensuite devant la publication par le Grand état-major allemand des Lois de la guerre continentale62. Les souvenirs de jeunesse d’Achille Mestre sont sans concession pour Bressolles, Deloume ou Mérignhac. Le discours prononcé à l’occasion des funérailles de Campistron en 1917 et de celles de Bressolles en 1918 permettent de rendre hommage à des qualités diverses. Ces discours laissent entrevoir des parcours et investissements différenciés. Aux obsèques de Campistron, Declareuil insiste sur les qualités scientifiques (« savant collègue », « pur universitaire »), les succès de son enseignement à l’encontre des « bavardes pédanteries tudesques » mais aussi son engagement patriotique (financement d’un hôpital pour les blessés) et son autorité morale. Se dessine ainsi en creux, un modèle de professeur à rebours de celui dominant et généralement défendu dans les Facultés de droit du civiliste en relation avec le monde judiciaire et les opportunités ainsi offertes. Le discours prononcé par Hauriou en 1918 à la mort de Bressolles est bien différent. Le doyen toulousain insiste sur l’importance de cet « homme social », de son investissement dans des œuvres sociales et charitables, de son implication dans les académies locales. Presque rien sur son enseignement, encore moins sur son activité scientifique. Hauriou dresse ainsi un portrait qui n’est pas loin d’être à l’opposé de ce qu’il a promu depuis le début du XXe siècle, à savoir un nouveau magistère « professoral juridico-scientiste » (G. Sacriste). Ce discours du professeur de droit public toulousain n’est pas sans rappeler le jugement porté, quelques années plus tard, par Mestre sur Bressolles.
35Mestre admire Rouard de Card et Hauriou. Il ne tarit pas d’éloges sur les qualités pédagogiques et humaines du premier. Il est impressionné par l’envergure scientifique du second, « celui qui a suscité [en lui] l’admiration la plus sincère, un enthousiasme intellectuel sans mélange ». En 1890, Hauriou est mal noté par l’inspecteur général Calixte Accarias qui l’estime certes « fort intelligent [mais] extraordinairement froid, n’a pas le don de communiquer sa pensée et doit exercer peu d’action sur ses étudiants »63. Il a suscité quelques inimitiés, se brouillant « avec tous ses doyens »64, ce qui lui vaudra de voir ses candidatures rejetées par la Faculté de droit de Paris. Il joue un rôle essentiel dans la mobilisation de ses collègues de province, à la suite du projet de réforme de la licence en 1902, pour former un collectif contre la Faculté parisienne, son doyen et sa « proximité physique avec le ministère ». Son ambition est moins d’obtenir un meilleur statut professionnel que de permettre l’accès plus partagé, entre la province et Paris, à des « rémunérations symboliques scientifiques et administratives »65. Il développe sa pensée dans la brochure Les Facultés de droit et les élections de 1904 (au Conseil supérieur de l’Instruction publique)66, invitant à dépasser « la définition civiliste du modèle d’excellence professoral » (G. Sacriste) liée aux opportunités, notamment pécuniaires, offertes par les liens avec le monde judiciaire, dont ne jouissent pas en ce temps les professeurs de droit public. Guillaume Sacriste a particulièrement analysé l’implication d’Hauriou pour « désenclaver les marchés scientifiques locaux des facultés provinciales de telle manière que leurs professeurs puissent accéder à des positions scientifiques concurrentielles par rapport à celles de professeurs parisiens »67. Cette proposition de réforme portée par Hauriou est un échec relatif. Il n’arrive pas à organiser une association collective pour la promotion d’un nouveau magistère professoral. En accédant au décanat, deux ans plus tard, en 1906, il propose cependant de nouvelles initiatives qui participent concrètement à la mise en œuvre de cette conception renouvelée.
3 - Bâtir l’avenir
36Après ses doctores tholosani du XIIIe siècle, ses humanistes du XVIe siècle, ses professeurs de droit français des XVIIe et XVIIIe siècles, l’école toulousaine qui fleurit à compter du mitan du XIXe siècle s’est enrichie d’un nouveau défricheur, Maurice Hauriou. Né en 1853 en Charente, il a fait ses études à la Faculté de droit de Bordeaux68. Il obtient sa licence en 1876 et son doctorat en 1879. Echouant par deux fois à l’agrégation en 1880 et 1881, il est reçu premier en 1882. Son histoire avec la Faculté de droit de Toulouse débute avec sa nomination le 1er janvier 1883. Il enseigne les Pandectes puis dispense, de 1883 à 1888, un cours complémentaire en histoire du droit français public et privé69. Professeur titulaire d’une chaire, il assume à partir de 1888 le cours de droit administratif jusqu’en 1920 et finit sa carrière en ayant la charge de l’enseignement du droit constitutionnel. Son œuvre scientifique a suscité de nombreuses études70. Il investit pleinement dans les années 1880-1900 le champ sociologique71, terre nourricière de ses futures conceptualisations doctrinales. En 1892, son Précis de droit administratif marque le point de départ d’un renouvellement profond de la matière. Il connaît en 1906 une sixième édition qui expose une théorie d’ensemble du droit public. Les Principes de droit public en 1910, La souveraineté nationale en 1912 confirment son statut de maître de l’école de Toulouse, aux tout premiers rangs des fondateurs d’une théorie nouvelle de l’État et de l’Institution72 liée à la « promotion d’une sociologie catholique »73.
37À Toulouse, il contribue à l’ouverture du droit à la science sociale en 1894-1895 par un enseignement libre qui rencontre le succès et qui nourrit de premières publications en France et en Italie74. Même si le ministère refuse trois ans plus tard de maintenir ce cours au sein de la Faculté75, Hauriou a participé au mouvement de promotion des écrits sociologiques par des juristes. Pour lui, l’esprit scientifique gagne à s’ouvrir : « un peu de sociologie éloigne du droit, beaucoup y ramène ». La Faculté de droit, estime-t-il, doit développer de nouvelles pratiques pédagogiques, aménager de nouveaux lieux indispensables à la réussite des étudiants de plus en plus nombreux. Ses réflexions s’inscrivent dans ce mouvement d’évolution et d’ouverture des enseignements dans les Facultés de droit durant le dernier quart du XIXe siècle76. L’économie politique est introduite dans le programme de deuxième année de licence (décret du 26 mars 1877). L’histoire générale du droit français public et privé est enseignée en première année, le droit international privé en troisième année (décret du 28 décembre 1880). On fait passer les examens uniquement à l’oral, on supprime la thèse de licence et la composition écrite pour le second examen en troisième année. L’ouverture à d’autres enseignements, mieux à même de préparer les étudiants à ne pas devenir seulement avocat ou magistrat, se poursuit. Les « sciences politiques et administratives » sont introduites par le décret du 24 juillet 1889 avec des enseignements en droit constitutionnel, en économie politique (1ère année), de droit international public (2e année), des options nombreuses sont proposées en 3e année en plus des cours communs (droit civil, droit commercial et procédure civile), l’étudiant devant choisir trois cours semestriels77. La licence est à nouveau réformée, le décret du 30 avril 1895 restreignant les choix des étudiants. Il spécialise aussi le doctorat en distinguant entre sciences juridiques et sciences politiques et économiques. Le développement de la place de l’économie politique au sein des Facultés de droit est renforcé en 190578 au détriment du droit romain devenant alors facultatif (2e année). C’est le même décret du 1er août 1905 qui donne accès à la licence en droit à tous les bacheliers.
38Hauriou promeut un projet ambitieux qui sera temporairement remis en cause par le premier conflit mondial. Sa démarche résulte du constat d’un fréquent échec des étudiants, des critiques formulées à l’encontre de l’enseignement magistral et, plus encore, de l’enseignement en doctorat79. En 1901, il évoque cette relation où le professeur-jardinier récolte peu80. Le niveau des étudiants81 est, écrit-il, un élément encore plus essentiel82. De façon plus globale, Hauriou s’interroge sur une possible évolution permettant d’éviter la déperdition importante d’étudiants du fait de leurs résultats. Il pose alors la question du recours à une sélection à l’entrée de la Faculté dans son rapport pour l’année 1910-191183. Toutefois le doyen toulousain émet quelques réserves84.
39Dans le rapport du Conseil de l’Université de 1911, Hauriou affirme alors qu’« il faut d’abord perfectionner notre enseignement »85. Il s’agit aussi de le diversifier en proposant de nouveaux enseignements ou diplômes86. Ainsi déjà, en 1906, à la fin du décanat Deloume, le conseil de la Faculté se déclare-t-il favorable à l’organisation d’un cours de droit anglo-américain ainsi qu’à la création d’un certificat d’études pénales87. Des cours spéciaux sont prévus pour les officiers préparant l’École de guerre ainsi que des conférences pour les officiers88. En 1911, on discute d’un projet de certificat de sciences juridiques appliquées à l’industrie et à l’agriculture89 puis, en 1912, d’un certificat d’études administratives et financières90. Toujours en 1912, un cours de législation du travail et de prévoyance sociale ainsi qu’un cours d’institutions et services administratifs sont créés91. Afin de parer aux difficultés rencontrées par les étudiants débutant dans les études de droit, Hauriou plaide pour l’instauration d’une « institution spéciale » comportant des interrogations facultatives92. « Répétition inoffensive et salutaire » avant l’examen de juillet, elles sont organisées de janvier à mai et ouvertes à tous les étudiants. Un bilan concernant celles qui ont été mises en œuvre en première année donnera des résultats très encourageants : 120 étudiants se sont montrés intéressés et 90 de ceux qui les ont suivies « ont fourni des réponses généralement satisfaisantes » en droit civil et droit romain93. Le doyen réaffirme « que nous ne demandons qu’à les aider et à les guider. Mais pour cela il faut qu’ils viennent à nous »94. Dans la même optique, la Faculté organise des conférences facultatives95 destinées à favoriser le « travail et la continuité de l’effort […], l’assiduité à ses exercices, condition première d’une bonne formation […], stimuler le travail personnel et la réflexion »96. Mais Hauriou n’entend pas se cantonner aux seuls étudiants de licence. Après expérimentation auprès de ceux qui suivent ses conférences facultatives, il se fixe pour objectif d’étendre ces nouvelles méthodes pédagogiques au cours de doctorat en droit administratif spécial97. Par ailleurs, intimement convaincu que rien ne peut se faire sans l’aménagement de locaux spécifiques, il propose à la Faculté la création d’une salle de travail disposant de la documentation indispensable98. La configuration traditionnelle des locaux suscite en effet de sa part une critique générale car « les bâtiments de nos Facultés ont été conçus de telle sorte qu’il n’y a point de cabinet du professeur : en dehors des amphithéâtres et de quelques salles d’examen, où nul n’est chez soi, il n’y a rien »99. Enjeu essentiel, l’identification spatiale d’un lieu propice aux échanges, son appropriation collective et sa permanence dans le temps constituent une illustration des « institutions-corps » correspondant à une organisation sociale et collective100 dont il rend compte dans la Revue internationale de l’enseignement en 1901101. Il y décrit avec force détails cet espace en définitive réservé aux étudiants inscrits aux cours de doctorat102. Dès le début de son décanat, Hauriou prévoit aussi l’établissement d’une bibliothèque destinée à recevoir codes et livres affectés à un usage usuel103. Une pièce est mise à disposition d’un groupe d’étudiants originaires de Montauban104. Des locaux particuliers sont progressivement attribués à des formations spécifiques. Des salles d’examens sont réaménagées au rez-de-chaussée de la Faculté et des salles de conférences installées à l’étage105. En avril 1908, il présente un plan d’aménagement du premier étage de la Faculté avec une redistribution des salles après le départ de la bibliothèque universitaire106.
40Au début du XXe siècle l’Université de Toulouse connaît, dans son ensemble, un développement général concrétisé par des investissements liés à la création de différents Instituts107. La Faculté de droit y prend sa part avec un Institut technique de droit composé d’une École de notariat dépendant depuis 1905 du ministère de la Justice et d’une École pratique de droit comprenant deux sections, l’une judiciaire et l’autre administrative108. En mai 1908, le doyen Hauriou fait état de la nécessité d’engager des travaux pour la loger convenablement109 puis du retard pris dans son édification du fait d’une grève des charpentiers110. L’institut technique, initialement créé sous forme d’une association loi de 1905, sera ensuite rattaché à la Faculté de droit par décret du 16 décembre 1926 permettant de maintenir son autonomie financière et administrative111. Après la Première Guerre mondiale, l’année 1924 verra naître deux nouveaux Instituts : d’une part l’Institut de criminologie et de sciences pénales112 et, d’autre part, l’Institut de droit comparé des pays latins113. Le premier, qui dispense des cours de science pénitentiaire, de droit pénal spécial, de médecine légale et de médecine mentale114, attire rapidement nombre d’étudiants. Le second développe une activité soutenue, consacrée à la publication de Constitutions étrangères : celle de Pologne, de Dantzig, de l’Estonie, de Finlande, de Lettonie et d’Autriche dès la première année de son existence puis un quatrième et cinquième volume consacrés aux Constitutions de Lituanie et de l’Uruguay. La Faculté, s’ouvrant au monde extérieur, noue aussi des contacts avec des établissements étrangers. Une délégation de l’Université de Barcelone est ainsi reçue en juin 1907115 tandis que, au printemps 1912, la fondation d’une École pour les étudiants égyptiens est envisagée116.
41L’énergie multiforme déployée par son doyen et le bel élan de vitalité qui en résulte pour la Faculté sont subitement mis à rude épreuve. Après l’optimisme du temps de paix, c’est à Maurice Hauriou que revient le lourd fardeau de guider la Faculté durant la guerre qui se déclenche au début du mois d’août 1914.
Notes de bas de page
1 Fondée en 1848, la maison Labouche est l’une des anciennes maisons d’édition de Toulouse. A partir de 1900, plusieurs milliers de cartes postales sont imprimées (Phototypie Labouche frères).
2 Arch. départementales de la Haute-Garonne, 26 FI 31555 391.
3 Arch. départementales de la Haute-Garonne, 26 FI 31555 358.
4 A. Deloume, Faculté de droit de Toulouse fondée en 1229. Centenaire de la réorganisation de 1805. Histoire sommaire de la Faculté, Toulouse, 1905.
5 Ibid., p. 187 : « La création de nos Universités provinciales a été, à la vérité, un progrès vers la décentralisation, et la reconnaissance de la liberté de l’enseignement supérieur a plus avancé encore dans le sens d’une organisation libérale. Or, il faut bien le dire, cette dernière et importante innovation n’a produit que des effets de peu d’étendue, surtout hors de Paris. Elle a mis au jour et soutenu quelques savants de premier ordre […]. Mais quelque restreints que soient ces résultats, aujourd’hui, le principe de liberté doit être maintenu. Sagement ordonné, dans son exercice, il contient le germe de la concurrence et de l’émulation, ordinairement généreuse, dans ces hautes régions du travail. Et pour en revenir à nos Facultés, nous dirons surtout, que ce qui doit être aussi très précieusement conservé comme gage nécessaire de l’indépendance, de la dignité et du succés des maîtres, c’est le concours au début et l’inamovibilité des fonctions telles qu’ils existent. C’est ce qui assure, comme de plein droit, l’autorité de la parole même à nos plus jeunes recrues. C’est la meilleure garantie de notre liberté. Nous voulons garder cette sage indépendance de l’esprit sans laquelle il ne saurait y avoir d’enseignement, d’enseignement supérieur surtout vraiment digne de ce nom ».
6 Archives de l’Université des sciences sociales – Toulouse 1, 2Z2-16, p. 281.
7 Sur l’histoire de l’Université de Toulouse durant la période médiévale, nous renvoyons évidemment à H. Gilles, Université de Toulouse et enseignement du droit XIIIe-XVIe siècles…, op.cit., auxquels les développements qui suivent doivent beaucoup ; voir aussi P. Arabeyre, J.-L. Halpérin, J. Krynen (dir.), Dictionnaire historique des juristes français XIIe-XXe siècle, PUF, 2014 (2e éd.). Sauf mention contraire, nous renvoyons à ces deux ouvrages pour tout ce qui concerne les indications biographiques relatives aux professeurs de droit et juristes. On consultera encore Toulouse universitaire 1229-1279, Toulouse, Imprimerie du commerce, 1990. Pour une étude générale de l’histoire des Universités, J. Verger (dir.), Histoires des universités en France, Toulouse, Bibliothèque historique Privat, 1986.
8 Pour la théologie, il n’y aura de Faculté de plein exercice qu’en 1360.
9 H. Gilles, Les coutumes de Toulouse (1286) et leur premier commentaire (1296), Toulouse, 1969.
10 E.-.M. Meijers, « Responsa doctorum tholosonarum », Haarlem, 1938.
11 J. Krynen, « L’Église dans la Lectura super Codice de Guillaume de Cunh », L’Église et le droit dans le Midi (XIIIe-XIVe s.), Cahiers de Fanjeaux, 29, 1994, p. 101-116.
12 Le titre de « comte ès lois » était autrefois décerné aux professeurs de droit civil et de droit canon ayant enseigné plus de 20 ans.
13 X. Prévost, Jacques Cujas (1522-1590), jurisconsulte humaniste, Genève, 2015.
14 A. Rousselet-Pimont, Le chancelier et la loi au XVIe siècle d’après l’œuvre d’Antoine Duprat, de Guillaume Poyet et de Michel de l’Hospital, Paris, 2005.
15 En 1673, soutenu par le clergé français gallican, Louis XIV décide d’étendre à tous les évêchés du royaume la régale spirituelle permettant au roi de nommer, en lieu et place des évêques, aux bénéfices ne comportant pas charge d’âmes, s’opposant ainsi violemment à Innocent XI. La Déclaration du clergé de France rédigée par Bossuet et approuvée par l’assemblée générale extraordinaire du clergé (19 mars 1682) est aussitôt érigée en loi du royaume (dans les affaires temporelles, les rois ne sont pas soumis au pape qui ne peut les déposer et relever leurs sujets de l’obéissance ; le pouvoir pontifical sur les choses spirituelles est limité par celui des conciles œcuméniques ; le pouvoir pontifical doit s’exercer en France selon les usages de l’Église gallicane ; le jugement du pape n’est irréformable qu’après consentement de l’Église universelle). Elle envenime encore les relations, Louis XIV choisissant les nouveaux évêques parmi les signataires de la Déclaration, le pape leur refusant l’institution canonique. Pour éviter le schisme, Innocent XI puis Alexandre VIII retardent la condamnation de la Déclaration, Louis XIV en suspendant finalement l’application en 1693 tandis que la papauté cède sur la régale spirituelle.
16 A compter d’un arrêt du conseil d’État du 16 juillet 1681, le professeur de droit français est nommé par le roi sur proposition du procureur général qui peut présenter trois noms. A. Deloume, Facuté de droit de Toulouse…, op. cit., p. 132.
17 Sauf mention contraire, on se reportera désormais à J. Poumarède, « La chaire et l’enseignement du droit français à la Faculté des droits de l’Université de Toulouse (1681-1792) », op. cit., p. 41-127.
18 Selon un arrêt du conseil du 16 juillet 1681 les avocats doivent avoir 10 ans d’exercice au moins. Les professeurs de droit français peuvent aussi être recrutés parmi les individus ayant exercé pendant le même délai « avec honneur une charge de judicature ». A. Deloume, Facuté de droit de Toulouse…, op. cit., p. 141.
19 Selon la déclaration du 26 janvier 1680 qui leur accorde une contre-partie, les professeurs de droit civil et de droit canonique ayant exercé au moins 20 ans peuvent être reçus dans toutes les charges de judicature sans examen. Les doyens de ces Facultés ayant 20 ans d’ancienneté ont entrée et voix délibérative dans l’un des sièges présidiaux ou de bailliage. Ibid., p. 129-130.
20 Jusqu’à la déclaration de 1700, la délivrance de l’attestation d’assiduité donnait lieu au versement d’un droit de 6 livres au profit du professeur. Étant la seule source de revenu que lui octroyait l’édit de 1679, il se montrait donc particulièrement sourcilleux. Mais, le roi ayant amélioré sa siuation matérielle en le faisant participer aux émoluments des autres régents tels que les gages provenant de divers revenus fiscaux et les droits perçus sur la promotion aux grades, à charge de partager avec eux le droit de 6 livres (arrêt du conseil d’État du 14 décembre 1683), il est désormais moins exigeant ; bien des licenciés postulent alors au barreau ou à des fonctions judiciaires sans pouvoir fournir leur attestation. Louis XIV réagit en ordonnant que, chaque année entre le 1er juillet et le 7 novembre, ils subissent un examen public d’une heure portant sur « la jurisprudence française » devant un jury de deux professeurs et deux agrégés tirés au sort, présidé par le professeur de droit français (déclaration du 20 janvier 1700). La dispute est donc en principe revivifiée mais, en 1789, la monarchie aura accordé plus de 200 dispenses en tous genres, y compris des dispenses totales d’étude du droit français octroyées à des candidats à l’avocature. Louis XIV lui-même s’affranchit volontiers de la procédure de désignation du titulaire de la chaire, fixée par l’édit de Saint-Germain-en-Laye, en donnant au professeur trop âgé et fréquemment absent un « coadjuteur » en survivance. Outre le caractère héréditaire formellement proscrit par une déclaration royale du 10 juin 1742 que cette mesure peut conférer à la chaire, elle risque aussi d’encourager le professeur à plus d’absentéisme encore. Ce qui ne rebute pas Louis XV, désignant, le 18 mars 1775, le Toulousain Pierre-Théodore Delort à la survivance de son père Jean-Marie nommé en juin 1774 ; pendant quatorze années, jusqu’en 1788, Delort père ne paraîtra jamais aux assemblées de la Faculté pas plus qu’il ne participera à la colation des grades, sytématiquement représenté par « Delort le fils » qui dictera aussi le cours à sa place.
21 La bibliothèque de l’Institut de droit privé de l’Université Toulouse Capitole a été baptisée « Bibliothèque François de Boutaric ».
22 Devis estimatif des travaux à effectuer aux bâtiments de la Faculté, 1792, dans O. Devaux, La Pique et la Plume. L’enseignement à Toulouse pendant la Révolution, Toulouse, Eché-Edisud, 1988, p. 17.
23 J. Dauvillier, « Le rôle de la Faculté de Droit de Toulouse dans la rénovation des études juridiques et historiques aux XIXe et XXe siècles », op. cit., p. 343-354.
24 Il vaut cependant de rappeler que des professeurs de droit français s’illustrent à Bourges (Gaspard Thaumas de la Thaumassière, Jean de Rabot), à Dijon (Gabriel Davot), à Rennes (Poullain du Parc), à Reims (Claude de Ferrières), à Paris (François de Launay), plus encore à Orléans (Prévot de la Jannès et surtout Robert-Joseph Pothier).
25 Éminent membre du barreau toulousain, gagné aux idées nouvelles, nommé professeur de droit français le 3 novembre 1791, il succède à Pierre-Théodore Delort qui a refusé de prêter le serment civique. Le directoire du département de la Haute-Garonne le charge, le 19 novembre, « d’expliquer et enseigner spécialement la Constitution française ». Officier municipal puis procureur syndic du district, il est élu député à la Convention nationale en septembre 1792 ; membre du comité de législation, il présente plusieurs rapports dans des domaines variés : fiscalité, droit privé, projet de Constitution. Il s’oppose à la mise en jugement du roi à l’issue du procès duquel il refuse de voter la mort, faisant publier son discours pour ses commettants de la Haute-Garonne, est décrété d’arrestation pour avoir signé la protestation du 6 juin 1793 contre Robespierre après l’arrestation des Girondins. Emprisonné, il échape à la guillotine et réintègre la Convention après thermidor. Elu au Conseil des Cinq-cents, il y intevient à de nombreuses reprises sur des questions de droit privé. Après le coup de force du 18 fructidor an V (4 septembre 1797) de trois des cinq directeurs contre le Conseil des Cinq-cents et celui des Anciens intervenu à la suite des élections qui ont donné la majorité aux royalistes et aux républicains modérés, Rouzet quitte le Conseil des Cinq-cents, est arrêté à la frontière espagnole alors qu’il cherche à rejoindre la duchesse d’Orléans, mère du futur roi Louis-Philippe et veuve de Philippe Egalité, dont il a été le conseil alors qu’elle était emprisonnée à Paris. Finalement libéré, il rejoint la duchesse, ne rentant en France qu’en 1814 lors de la première Restauration, sa protectrice lui ayant obtenu la croix de Malte, l’ordre de Saint-Charles de Naples puis le titre de comte de Folmond. Lorsqu’il meurt en 1820 au château d’Ivry, la duchesse le fait enterrer sous une dalle de marbre blanc identique à celle qu’elle a prévue pour elle et où elle est inhumée quelques mois plus tard, dans la crypte de la chapelle de Dreux qu’elle a fait édifier pour recueillir les restes des membres de la famille d’Orléans dont les sépultures ont été violées en 1793. Devenu roi des Français, Louis-Philippe fera édifier autour de la chapelle une église où, pour reprendre la formule de G. Lenotre (Vieilles maisons, vieux papiers, 1ère série, Paris, 1914, p. 361), « tous les tombeaux, remontés de la crypte trouveront place sauf un qui resta en pénitence dans le sous-sol, celui du comte de Folmon ».
26 Sur l’Institut Paganel et l’École centrale de la Haute-Garonne, O. Devaux, La Pique et la Plume… op. cit., p. 52-61 et p. 88-111.
27 Sur l’École puis Faculté de droit, O. Devaux, L’enseignement à Toulouse sous le Consulat et l’Empire, Presses de l’Institut d’études politiques de Toulouse-Centre d’histoire contemporaine des institutions, 1990.
28 186 inscriptions en 1806, 237 en janvier 1807, 284 en janvier 1808 tandis que, phénomène favorisé par la loi du 22 ventôse dispensant nombre d’individus de prendre leurs inscriptions dans les nouveux établissements, 2 certificats de capacité, 36 baccalauréats et 192 diplômes de licence sont délivrés dès 1805.
29 Loi du 22 ventôse an XII (13 mars 1804) relative aux Écoles de droit ; décret du 4e jour complémentaire an XII (21 septembre 1804) concernant l’organisation des Ecoles de droit ; instruction du 19 mars 1807 pour les Ecoles de droit.
30 Seule la Faculté de Paris en étant dotée de cinq, par ajout des cours de Code Napoléon approfondi et de Code de commerce.
31 Toulouse, son passé son présent (1229-1929), Toulouse, 1929, p. 127.
32 Droit commercial, seconde chaire de droit romain (1822), cette dernière étant supprimée par le régime de Louis-Philippe, droit administratif (créée très peu de temps avant la Révolution de 1830, vacante par démission de son titulaire lors des « Trois Glorieuses », elle ne retrouve de titulaire qu’après 1837). D. Espagno et O. Devaux, « Avant Maurice Hauriou : l’enseignement du droit public à Toulouse du XVIIe au XIXe siècle », Histoire de l’enseignement du droit à Toulouse, O. Devaux (dir.), coll. EHDIP, n° 11, Toulouse, 2007, p. 327-375.
33 300 inscrits en 1806, 493 en 1813, entre 500 et 550 durant la Restauration, 600 en moyenne durant la monarchie de Juillet. Ce qui, « considéré sous le nombre des élèves », en fait toujours, « lorsque celle de Paris n’est point prise pour terme de comparaison, le plus important établissement scientifique de ce genre » du pays. O. Devaux, L’enseignement à Toulouse sous la Restauration, Presses de l’Université des sciences sociales de Toulouse, 1994 (p. 175-185 pour ce qui est de la Faculté de droit).
34 A.-S. Chambost, « Une controverse au long cours. La réforme du concours et des études de droit dans les revues Foelix et Woloski », Revue d’Histoire des Facultés de Droit, 2013, n° 33, p. 261-382.
35 L. Woloski, « De l’enseignement du droit et des concours », Revue de législation et jurisprudence, 1838, p. 241-283.
36 Hippolyte Fortoul, professeur à la Faculté des lettres de Toulouse de 1841 à 1846, est appelé au ministère de l’Instruction publique et des Cultes en 1851. En 1858, il n’hésitera pas à imposer aux étudiants en droit l’obligation de suivre deux cours dans les Facultés des lettres et des sciences afin d’accroître, bien artificiellement, les forts maigres effectifs de ces établissements.
37 Une circulaire du 20 mars 1852 pousse la brimade jusqu’à les contraindre de raser leur barbe, manifestation pileuse supposée de sentiments républicains. Les nouveaux conseils académiques instaurés dans chaque chef-lieu d’académie reçoivent pour mission de veiller au respect des méthodes pédagogiques prescrites par le ministère. Une circulaire ministérielle de 1858 contraint chaque professeur à produire un « programme » de son cours dont le conseil de Faculté devra supprimer « toutes les choses inutiles ». Un règlement de la même année ordonne que, dans chaque salle de cours, une place soit réservée au recteur ou à son représentant, spécialement chargé de la surveillance de l’enseignement supérieur. Les professeurs doivent se couler dans le moule à peine d’être démis puisque, selon le décret du 9 mars 1852, « le « Président de la République […] nomme et révoque », tandis que le rétablissement de l’Empire se traduit par l’obligation de prêter serment à Napoléon III.
38 En 1856, un inspecteur général juge que le contentieux tient une place excessive dans son cours. Lors de la rentrée universitaire 1863-1864, il doit en retrancher « certains sujets […] qui n’en font nullement partie », soit la totalité des développements consacrés au droit constitutionnel dont l’étude, ouvrant la porte aux analyses critiques, a été procrite par arrêté du 31 décembre 1862.
39 J.-L. Halpérin, « Exégèse (École) », Dictionnaire de la culture juridique, Paris, 2003, p. 681-685.
40 P.-L. Boyer, Un cercle intellectuel au cœur de l’évolution de la doctrine juridique. L’Académie de législation de Toulouse, LGDJ, Bibliothèque d’histoire du droit et de droit romain, 2014.
41 Le bonapartisme fervent d’Auguste Laurens ne l’aura pas mis à l’abri des foudres de l’inspecteur général réclamant purement et simplement la révocation de ce « professeur médiocre […] au dernier rang pour la science dans l’école confiée à ses soins ». Si Laurens conserve en définitive sa chaire de code civil, il est en revanche démis du décanat.
42 Ses centres d’intérêt, peut-être non toujours dépourvus de chauvinisme local, se manifestent, entre autres publications, dans un ouvrage paru en 1846 visant à démontrer au long de 146 pages que les régents médiévaux n’ont jamais rejeté l’une des plus belles illustrations de l’école historique du droit : Cujas et Toulouse ou Documents nouveaux constatant que Cujas n’a jamais échoué dans la dispute d’une régence de droit à l’Université de Toulouse (1842).
43 « De l’histoire et de la philosophie dans l’étude des lois civiles », Revue de législation et de jurisprudence, t. VIII.
44 Les Toulousains en réclament la création avec insistance en 1838, 1845, 1857. Ph. Nélidoff, « La création de la chaire toulousaine d’histoire du droit (1859) », Histoire de l’histoire du droit, J. Poumarède (dir.), n° 10, 2006, p. 145-161.
45 J. Poumarède, notice « Bressolles Gustave-Jacques-Denis », dans Dictionnaire historique des juristes français…, op. cit., p. 173.
46 Batbie s’est en effet dès sa jeunesse distingué par son intérêt pour les méthodes allemandes, ce que certains de ses maîtres toulousains, assez peu visionnaires, ne goûtaient d’ailleurs pas particulièrement, notant dans son dossier : « Étudiant laborieux, passionné pour l’étude, doué d’une intelligence d’élite » mais tendant « peut-être trop à fronder les opinions reçues et à adopter les opinions des auteurs étrangers quand elles s’écartent des doctrines de l’école française ».
47 Rapport présenté à la Chambre de commerce, 13 mars 1902. O. Devaux, « Aux origines de l’École supérieure de commerce de Toulouse : 1898-1918 », Enseignements et recherches en gestion. Evolutions et perspectives, Presses de l’Université des sciences sociales de Toulouse, 1996, p. 154.
48 Joseph Declareuil, professeur à la Faculté de droit de Toulouse, accusé d’avoir tenu des propos antisémites en chaire dans l’ambiance tendue de l’affaire Dreyfus, ce qui ira jusqu’à faire l’objet d’une interpellation parlementaire, devra faire amende honorable auprès du ministre de l’Instruction publique.
49 Les bâtiments de la Faculté de lettres sont édifiés entre 1888-1892, ceux de la Faculté des sciences en 1885-1889, ceux de la Facuté de médecine et de pharmacie en 1887, le président de la République Sadi Carnot inaugurant l’ensemble en 1891.
50 J. Begliuti, « Un juriste pacifiste avant 1914 : Alexandre Mérignhac », Ch. Mengès-Le Pape (dir.), Enseigner la guerre ?, Toulouse, 2016, p. 233-249.
51 René Goblet, ministre de l’Instruction publique en 1885-1886.
52 Il est composé du recteur (président), des doyens et directeurs et de deux délégués de chaque établissement, élus par leurs collègues.
53 Sur l’appréciation critique de cette loi, voir par exemple, A. Prost, Histoire de l’enseignement en France 1800-1967, Paris, 1968, p. 239 et J.-J. Bienvenu, « La fabrication d’une loi sur l’Université. La loi du 10 juillet 1896 », R.D.P., n° 6, p. 1551 : cette loi « a créé des corps sans vie dont on s’est acharné à affirmer la vitalité ».
54 J.-M. Carbasse, « L’agrégation des Facultés de droit », Revue de Droit Public, n° 2, 2009, p. 300-319.
55 Voir Dictionnaire historique des juristes français XIIe-XXe siècle…, op. cit. Grâce à l’action de Catherine Fillon, une base de données (SIPROJURIS) est disponible à partir du Système d’information des professeurs de droit (1804-1950) sur : http://siprojuris.symogih.org/siprojuris/enseignants.
Un travail sur les agrégés de droit entre 1856 et 1914 à partir des procès-verbaux des concours d’agrégation est mis à disposition par Patrica Ducret : http://rhe.ish-lyon.cnrs.fr/?q=agregdroit-list.
56 Voir notamment le travail important de P. Ferté, Répertoire géographique des étudiants du Midi de la France (1561-1793), 7 tomes, Toulouse, 2002-2015.
57 Voir la couverture et les premières pages de l’ouvrage de G. Sacriste, La république des constitutionnalistes. Professeurs de droit et légitimation de l’État en France (1870-1914), Paris, 2011.
58 Les modèles peuvent permettre de préciser la datation entre ceux deux années : Cézar-Bru chargé de cours à Toulouse à partir de 1908, Declareuil professeur titulaire arrivé en 1908 alors que Fliniaux n’est pas présent (chargé de cours à partir de 1909), Vidal mort en 1911. On note que Léon Polier est absent.
59 Jules Dubarry (1839-1919), il part à la retraite à l’automne 1919 à 80 ans après 47 années passées au service de la Faculté comme appartiteur, Registre du conseil (séance du 2 décembre 1918), cf. Infra, Transcription, p. 276 et p. 289.
60 P.-L. Boyer, Un cercle intellectuel de province au cœur de l’évolution de la pensée juridique. L’Académie de législation de Toulouse (1851-1958)…, op. cit.
61 R. Descimon, « Declareuil (1913) contre Hauser (1912). Les rendez-vous manqués de l’histoire et de l’histoire du droit », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 57e année, n° 6, 2002, p. 1615-1636.
62 S. Audoin-Rouzeau, A. Becker, Ch. Ingrao et H. Rousseau (dir.), La violence de guerre 1914-1945, coll. « Histoire du temps présent », Paris, 2002, p. 51-52.
63 Cité par G. Sacriste, La république des constitutionnalistes…, op. cit., p. 397, note 99.
64 Ibid., p. 398 note 101.
65 Ibid., p. 399 et s.
66 Ibid., p. 382 et s.
67 Ibid., p. 400.
68 J.-M. Blanquer, « Hauriou Maurice », Dictionnaire historique des juristes français…, op. cit., p. 516-519. Voir les renseignements sur SIPROJURIS http://siprojuris.symogih.org/siprojuris/enseignant/56873 (consulté le 25/02/2016).
69 P. Ourliac, « Hauriou et l’Histoire du Droit », La pensée du doyen Maurice Hauriou et son influence, Paris, 1969, p. 79-90. Voir plus récemment : C. Argyriadis-Kervegan, « Le droit au miroir de l’histoire », La pensée du Doyen Maurice Hauriou à l’épreuve du temps : quel(s) héritage(s) ?, Ch. Alonso, A. Duranthon, J. Schmitz (dir.), Aix-Marseille, 2015, p. 31-44 et N. Cornu-Thénard, « Le modèle romain du corps de droit administratif dans la pensée de Maurice Hauriou », Revue Française d’Histoire des Idées Politiques, 2015/1, n° 41, p. 209-229.
70 Parmi une riche bibliographie : G. Gurvitch, « Les idées maîtresses de Maurice Hauriou », Archives de Philosophie du Droit, 1931, p. 155-194. L. Sfez, Essai sur la contribution du doyen Hauriou au droit administratif français, Paris, 1966. La pensée du doyen Maurice Hauriou et son influence, Journées Hauriou (Toulouse, 1968), Paris, 1969. É. Millard, « Hauriou et la théorie de l’institution », Droit & Société, 1995, p. 381-411. M. Hauriou. Ecrits sociologiques. Préface de F. Audren et M. Milet, coll. Bibliothèque Dalloz, Paris, 2008. N. Foulquier, « Maurice Hauriou, constitutionnaliste, 1856-1929 », Le renouveau de la doctrine française. Les grands auteurs de la pensée juridique au tournant du XXe siècle, Études réunies sous la direction de N. Hakim et F. Melleray, Paris, 2009, p. 281-306. C. Javanaud, « Bibliographie du Doyen Hauriou », Les Facultés de droit de province au XIXe siècle. Bilan et perspectives de la recherche, Études d’histoire du droit et des idées politiques, n° 15, Toulouse, 2011, p. 185-196. J. Schmitz, La théorie de l’institution du doyen Maurice Hauriou, Paris, 2013. M. Touzeil-Divina, « Des premiers ouvrages scientifiques de droit administratif. Eléments de patristique : des traités aux manuels (1800-1880). Exhumation d’écrits (traités & manuels) trop tôt inhumés par la République scientifique », Histoire des manuels de droit. Une histoire de la littérature juridique comme forme du discours universitaire, A.-S. Chambost (dir.), Paris, 2014, p. 219-233. La pensée du Doyen Maurice Hauriou à l’épreuve du temps : quel(s) héritage(s) ?, Ch. Alonso, A. Duranthon, J. Schmitz (dir.), Aix-Marseille, 2015. J.-M. Blanquer et M. Milet, L’Invention de l’État. Léon Duguit, Maurice Hauriou et la naissance du droit public moderne, Paris, 2015.
71 J.-M. Blanquer, « Hauriou Maurice », Dictionnaire historique des juristes français…, op. cit., p. 516-519. L. Sfez, Essai…, op. cit., p. 181-187. Maurice Hauriou, Ecrits sociologiques…, op. cit., passim.
72 Y. Tanguy, « L’institution dans l’œuvre de Maurice Hauriou. Actualité d’une doctrine », Revue de droit public, 1991, p. 61-79. É. Millard, « Hauriou et la théorie de l’Institution », Droit et société, n° 30-31, 1995, p. 381-412. J.-A. Mazères, « La théorie de l’institution ou l’oscillation entre l’instituant et l’institué », Pouvoir et liberté. Études offertes à Jacques Mourgeon, Bruxelles, 1999, p. 239-293.
73 Maurice Hauriou, Ecrits sociologiques…, op. cit., p. XXIV-XXXV.
74 Ibid, p. XXVI.
75 Devenu doyen, il lui arrive de prendre parfois position contre le ministre et le recteur, voir J.-M. Blanquer et M. Milet, L’Invention de l’État, op. cit., p. 209- 210 et p. 219-220.
76 F. Audren, Les juristes et les mondes de la science sociale. Deux moments de la rencontre entre droit et science sociale au tournant du XIXe et au tournat du XXe siècle, thèse pour le doctorat en droit, Université de Bourgogne, 2005.
77 Procédure civile (voies d’exécution), droit international privé, droit maritime, législation commerciale comparée, droit administratif, droit international public, législation industrielle, législation coloniale, législation financière.
78 M. Miaille, « Sur l’enseignement des Facultés de Droit en France. Les réformes de 1905, 1922 et 1954 », Procès. Cahiers d’analyse politique et juridique, 1979, n° 3, p. 78-107.
79 M. Hauriou, « Création de salles de travail pour conférences et cours de doctorat à la Faculté de Droit de l’Université de Toulouse », Revue internationale de l’enseignement, p. 547-558 spécialement p. 554.
80 Ibid. En 1901, la Faculté de droit de Paris comme celle de Toulouse prennent position. Ferdinand Larnaude (1853-1942) fait part de pistes pour une réforme des modalités d’enseignement du droit tant pour la licence que le doctorat (F. Larnaude, « Les formes de l’enseignement dans les Facultés de droit et des sciences politiques », Revue internationale de l’enseignement, vol. 41, 1901, p. 229- 237). Le doyen de la Faculté de droit de Paris envisage alors la création de cours semestriels, l’évolution des habitudes professionnelles avec un travail davantage collectif au sein de « laboratoires véritables » pour des « recherches méthodiques, coordonnées, combinées, organisées » et une rénovation des méthodes pédagogiques, formulant une critique des cours magistraux : le professeur, « […] à certains jours de la semaine, […] monte en chaire, comme un prédicateur, et pendant une heure environ, parle devant un auditoire souvent très considérable, absolument passif, qui se borne à écouter, avec plus ou moins d’attention, et prend fiévreusement ou distraitement des notes… ». F. Larnaude, ibid., p. 235.
81 Bibliothèque universitaire de Toulouse, 90227, Rapport annuel du Conseil de l’Université avec les comptes rendus des travaux des facultés et des observatoires : Rapport 1909-1910, p. 35-36 et Rapport 1910-1911, p. 32.
82 Ibid., p. 36. Le conseil de la Faculté délibère au cours de la séance du 25 avril 1912 sur le passage d’un système de notation par boules à un système de notation en chiffres ; le système ancien est maintenu. Archives de l’Université des sciences sociales-Toulouse 1, 2Z2-16, p. 124-126, p. 168-169, p. 172 relatif au décret du 26 février 1913 modifiant le système de notation dans les examens de licence et de doctorat d’Université, p. 181, adoption du système de notation en chiffres.
83 Bibliothèque universitaire de Toulouse, 90227, Rapport 1910-1911, p. 33 : « Nos examens de passage d’une année à l’autre seraient assurément meilleurs si l’élimination des incapables se faisait tout à fait au début par un examen d’entrée sévère, ou si les Facultés étaient recrutées au concours comme les grandes Écoles ».
84 Ibid., p. 33 : « Mais je ne sais pas si, finalement, nous y gagnerions. Il n’y a pas de science plus proche de la vie que la science du Droit. Elle doit, comme la vie, pouvoir être saisie par tous les bouts et non pas seulement par un seul. Tel qui n’a pas mordu aux matières de première année mordra à celles de deuxième année ou de troisième et tout le morceau y passera. S’il y avait un examen d’entrée sévère, certains étudiants seraient écartés qui aujourd’hui reçoivent la révélation en seconde ou en troisième année et, après avoir mal débuté, finissent par faire de bons étudiants ».
85 Ibid., Rapport 1911-1912, p. 24.
86 C. Barrera, Étudiants d’ailleurs…, op. cit., p. 114-118, la création de diplômes d’Université date de 1897 dont use la Faculté de droit à partir de 1899.
87 Archives de l’Université des sciences sociales – Toulouse 1, 2Z2-14, p. 350.
88 Ibid., p. 370 (20 novembre 1906).
89 Archives de l’Université des sciences sociales – Toulouse 1, 2Z2-16, p. 96.
90 Ibid., p. 160.
91 Ibid., p. 150.
92 Rapport annuel du Conseil de l’Université…, 1907-1908, p. 34.
93 Archives de l’Université des sciences sociales – Toulouse 1, 2Z2-14, p. 375.
94 Rapport annuel du Conseil de l’Université…, 1907-1908, p. 35.
95 Outre les cours magistraux assurés par les titulaires de chaire rémunérés par l’État dont le nombre limité ne permet pas de prendre en charge la totalité des enseignements prévus par les textes, sont créés des cours complémentaires qui apparaissent aussi, officieusement, comme une première étape vers l’obtention de nouvelles chaires ; certains sont financés par l’État d’autres par les municipalités, les Facultés bénéficiant d’une assez large liberté mais les enseignants étant nommés par le ministre (décret du 21 septembre 1876). Préfigurant les travaux dirigés modernes puisque devant porter « sur le développement et l’application des principes exposés dans les leçons orales », s’y ajoutent des conférences facultatives (décret du 22 août 1854 et arrêté du 10 janvier 1855). Contrairement aux cours complémentaires, elles ne doivent pas réunir plus de quinze étudiants dont le travail est noté et figure sur le bulletin semestriel adressé aux parents. Confiées aux agrégés et chargés de cours (deux séances par semaine, d’une heure chacune), elles sont d’abord payantes, le tiers de la somme acquittée par les étudiants étant versé aux chargés de conférences. Elles deviennent ensuite gratuites (arrêté du 27 décembre 1881), puis de nouveau payantes (50 francs par semestre, loi du 28 juillet 1895) ; elles seront supprimées après la Première Guerre mondiale, puis rétablie en 1920 pour les deux premières années de licence.
96 Rapport annuel du Conseil de l’Université…, 1908-1909, p. 40 ; Rapport annuel du Conseil de l’Université…, 1912-1913, p. 30.
97 M. Hauriou, « Création de salles de travail pour conférences et cours de doctorat à la Faculté de Droit de l’Université de Toulouse », Revue internationale de l’enseignement, op. cit., p. 555-556.
98 Ibid., p. 555-556. Hauriou « assis à la même table que [ses] auditeurs et sans costume officiel » parle, on se livre à des lectures d’arrêts, un commentaire libre s’instaure. Dans le cadre de la conférence de droit administratif, il met en place deux groupes pour organiser le travail avec « une section qui parle » et « une section qui écoute », ibid., p. 553. Pour en fixer le contenu, le professeur charge un des auditeurs de prendre des notes in extenso et de les mettre au propre après les corrections du maître au sein de « cahiers officiels » de conférences ou de cours constituant une « source de devoirs écrits », Ibid., p. 557 et note 1. Hauriou précise qu’il existe déjà une telle salle à l’École des Hautes-Études mais aussi pour des conférences d’histoire du droit à Nancy avec Gavet, Ibid., p. 557-588.
99 Ibid., p. 548.
100 M. Boul, « Maurice Hauriou, pédagogue. Propos sur la création des salles de travail de doctorat », La pensée du Doyen Maurice Hauriou à l’épreuve du temps…, op. cit., p. 689-702 spécialement p. 700-702.
101 Ibid., p. 547-558 en particulier p. 550 : « la salle de travail telle que l’a conçue la Faculté de Toulouse est le laboratoire d’une conférence et par là-même d’un maître de conférence (sic), elle est, pendant l’année, le lieu de réunion et pour ainsi dire le domicile de tous les membres de la conférence, enfin elle contient des instruments de travail ».
102 M. Hauriou, « Création de salles de travail pour conférences et cours de doctorat à la Faculté de Droit de l’Université de Toulouse », Revue internationale de l’enseignement…, op. cit., p. 551 : « La salle choisie est relativement étroite, mais d’une belle hauteur, elle est bien exposée et largement éclairée par une grande fenêtre, elle a été repeinte à neuf, elle a son poêle et ses becs Auer. Elle contient seulement une table longue autour de laquelle peuvent s’asseoir le professeur et une douzaine d’élèves, un meuble de bibliothèque, forme bahut, pouvant enfermer deux cents volumes, les chaises indispensables, enfin accrochés au mur, d’un côté des porte-manteaux, de l’autre un rayon de douze cases fermant à clef. Ce dernier appareil, dont l’idée revient à notre secrétaire, est fort utile, chacun des membres de la conférence aura pendant l’année la clef d’une de ces cases, dans ce compartiment réservé, il pourra laisser ses notes, ses livres, ceux qu’il aura empruntés à la bibliothèque universitaire, de sorte que quand il viendra travailler il retrouvera immédiatement ces outils de travail ; et puis, dans ce domicile corporatif, il aura sa petite concession individuelle. Tout le mobilier est en sapin ou en bois blanc et se détache avec vigueur sur le fond gris bleu des murailles donnant une impression d’ensemble agréable, ce qui est essentiel, car il faut se plaire chez soi ».
103 Archives de l’Université des sciences sociales – Toulouse 1, 2Z2-14, p. 365 (17 novembre 1906).
104 Ibid., p. 389-390.
105 Rapport annuel du Conseil de l’Université…, 1909-1910, p. 36-37.
106 Archives de l’Université des sciences sociales – Toulouse 1, 2Z2-16, p. 10-11 (12 mai 1908).
107 Rapport annuel du Conseil de l’Université, 1912-1913, p. 8-9.
108 Ibid., 1908-1909, p. 28.
109 Archives de l’Université des sciences sociales – Toulouse 1, 2Z2-16, p. 5-6 (1er avril 1908).
110 Rapport annuel du Conseil de l’Université…, 1909-1910, p. 37.
111 Ibid., 1923-1924, p. 17 et Rapport 1924-1925, p. 13. Le projet de convention est discuté au début de l’année 1924, Archives de l’Université des sciences sociales – Toulouse 1, 2Z2-16, p. 395.
112 Rapport annuel du Conseil de l’Université…, 1923-1924, p. 17, arrêté ministériel du 18 mars 1924. Archives de l’Université des sciences sociales – Toulouse 1, 2Z2- 16, p. 373, projet présenté en séance du 6 juillet 1923, son règlement est adopté au cours de la séance du 20 décembre 1923, p. 385-387 et 2Z2-17, p. 11.
113 Rapport annuel du Conseil de l’Université…, 1923-1924, p. 17, arrêté ministériel du 20 octobre 1924. Archives de l’Université des sciences sociales – Toulouse 1, 2Z2-16, p. 373, projet présenté en séance du 6 juillet 1923, son règlement est adopté au cours de la séance du 16 novembre 1923, p. 381-382 et 2Z2-17, p. 10.
114 Archives de l’Université des sciences sociales – Toulouse 1, 2Z2-17, p. 25-26.
115 Ibid., 2Z2-14, p. 383.
116 Ibid., 2Z2-16, p. 134, p. 142 (impression d’une « feuille de propagande » traduite en arabe et distribuée en Egypte).
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les Facultés de droit de province au xixe siècle. Tome 1
Bilan et perspectives de la recherche
Philippe Nélidoff (dir.)
2009
Les Facultés de droit de province au xixe siècle. Tome 2
Bilan et perspectives de la recherche
Philippe Nélidoff (dir.)
2011
Les désunions de la magistrature
(xixe-xxe siècles)
Jacques Krynen et Jean-Christophe Gaven (dir.)
2012
La justice dans les cités épiscopales
Du Moyen Âge à la fin de l’Ancien Régime
Béatrice Fourniel (dir.)
2014
Des patrimoines et des normes
(Formation, pratique et perspectives)
Florent Garnier et Philippe Delvit (dir.)
2015
La mystique déracinée. Drame (moderne) de la théologie et de la philosophie chrétiennes (xiiie-xxe siècle)
Jean Krynen
2016
Les décisionnaires et la coutume
Contribution à la fabrique de la norme
Géraldine Cazals et Florent Garnier (dir.)
2017
Ceux de la Faculté
Des juristes toulousains dans la Grande Guerre
Olivier Devaux et Florent Garnier (dir.)
2017