L’utilisation de la coutume dans un recueil de jurisprudence aurillacois (1692-1730)
p. 345-363
Texte intégral
1Le manuscrit intitulé « Livre de remarques et recueil pour servir à Jean Charmes advocat au bailliage et siège présidial d’Aurillac » est une sorte de recueil de jurisprudence privé1, commencé en 16922 par un jeune avocat d’environ 23 ans3. Son père Hugues avait exercé les fonctions de greffier au bailliage et siège présidial d’Aurillac, puis de notaire et enfin de procureur postulant à partir du mois de juillet 1677. Jean Charmes s’inscrit donc dans une phase d’ascension sociale de sa famille dont il est le premier membre à accéder au barreau – et peut-être le seul4. Au début des années 1690 le père et le fils représenteront souvent ensemble les mêmes plaideurs, le premier en qualité de procureur, le second en qualité d’avocat avant que Jean ne reprenne pendant quelques temps l’office de son père pour le céder enfin à son propre fils, Pierre. Pendant plus de trente ans, de 1693 à 1726, notre auteur exerce donc les deux fonctions d’avocat et de procureur postulant.
2Comme l’indique fort bien le titre de son ouvrage, il s’agit d’un document de travail5. L’un de ceux que les avocats d’Ancien Régime avaient pour habitude de se constituer, contraints qu’ils étaient de se former au contact de la pratique « en l’absence d’une véritable formation professionnelle et parfois même d’une université locale »6. Ce modeste cahier, au format 29x20 cm, ne contient cependant pas moins de deux cent cinquante-six pages rédigées. Le manuscrit commence par une table semi-alphabétique7 des matières que l’auteur souhaitait traiter (environ trois cents), réalisée probablement a priori puisque toutes ne figurent pas dans les développements dont la présentation ne suit plus l’ordre alphabétique, mais plutôt chronologique si l’on en croit la date des décisions judiciaires locales citées. Deux cents thèmes environ sont abordés, certains à plusieurs reprises. L’auteur renvoie parfois d’une entrée à l’autre. Différentes nuances d’encre traduisent les modifications et les ajouts, donnant vie à ce travail évolutif. La présentation pour partie alphabétique est proche du style des premiers Dictionnaires qui apparaissent dans la seconde moitié du XVIIe siècle8. Le cahier de Jean Charmes oscille entre le recueil de jurisprudence et le dictionnaire de pratique. Bien que géographiquement éloigné des universités et des cours souveraines durant ses années d’activité professionnelle notre auteur s’intègre plutôt bien dans les usages des juristes de son temps9.
3Les sujets étudiés concernent principalement le droit privé, mais aussi les droits canon et féodal, ainsi que quelques questions de procédure civile. Pour chaque thème traité, notre auteur invoque les « autorités » comme il l’écrit lui-même, ainsi que le droit romain, canonique, la législation royale, le droit coutumier et la jurisprudence. Les décisions citées sont bien souvent des arrêts des cours souveraines simplement repris à la suite d’arrêtistes célèbres. Il s’agit donc essentiellement d’un exercice de compilation. Mais ce document répertorie également, de manière inédite, une trentaine de décisions du bailliage et siège présidial d’Aurillac pour illustrer les questions de droit traitées. Si cette œuvre est bien plus modeste que le recueil de jurisprudence rédigé par Amable-Louis Montanier, conseiller au siège présidial de Riom au XVIIe siècle ou encore les deux imposants volumes réalisés par le lieutenant particulier de la sénéchaussée et siège présidial de Clermont-Ferrand, Jean Champflour, au milieu du XVIIIe siècle – travaux également restés manuscrits – le cahier de Jean Charmes n’en demeure pas moins une source intéressante pour la connaissance de la pratique judiciaire en Haute-Auvergne.
4En effet, l’Auvergne d’Ancien Régime, qui dispose de sa coutume générale rédigée en 1510, recèle cette particularité d’être partagée entre bas et haut pays, le premier – au nord – étant majoritairement coutumier, le second – aux confins sud du ressort du parlement de Paris – essentiellement de droit écrit. Cependant, si le ressort du bailliage et siège présidial d’Aurillac, qui s’étend sur une grande partie de la Haute-Auvergne suit donc principalement le droit romain, ce n’est pas le seul droit appliqué dans cette partie de la province. En effet, lors de la rédaction de la coutume en 1510, tout en soulignant « que leur pays n’avoit rien de commun avec le bas pays d’Auvergne », les représentants du haut pays n’en ont pas moins accepté neufs articles10 ainsi que deux titres dans leur intégralité11.
5 Ainsi, sur six cent cinquante-neuf lieux de Haute-Auvergne pour lesquels le droit suivi est connu, trois cent soixante-trois appartiennent au moins partiellement au ressort du siège présidial d’Aurillac et sur ces trois cent soixante-trois lieux, soixante-huit appliquent au moins en partie la coutume. Trente-trois la suivent entièrement et trente-cinq suivent pour partie le droit écrit et pour partie le droit coutumier, ce partage se réalisant soit ratione loci – un village, une rue, une maison – soit ratione materiæ, Jarry et le Meynial suivent la coutume, sauf pour les testaments et successions, pour lesquels le droit écrit est appliqué ; à l’inverse La Chapelle-d’Alagnon, Murat et Chastel-sur-Murat suivent le droit écrit sauf pour les actes judiciaires pour lesquels la coutume était utilisée. Ces lieux font partie du ressort ordinaire du bailliage de Vic puis du ressort présidial d’Aurillac, sauf le lieu de Jarry qui est pour moitié du ressort ordinaire de Vic et de Riom, et donc pour moitié du ressort présidial d’Aurillac et pour moitié de celui de Riom.
6Cela signifie que les avocats et les magistrats de la juridiction aurillacoise devaient parfois appliquer la coutume d’Auvergne, comme en témoignent d’ailleurs certains mémoires du XVIIIe siècle12. Il est donc frappant de constater que, dans son cahier, Jean Charmes ne cite jamais la coutume de 1510 alors qu’il utilise à diverses occasions le droit coutumier. Cette absence semble témoigner d’une certaine distance voire d’un rejet de la coutume d’Auvergne. Ce qui contribue à accentuer la césure et même l’opposition entre les deux parties de la province puisque la sénéchaussée de Riom utilise très majoritairement la coutume dans la Basse-Auvergne si l’on en croit les propos tenus par Guillaume-Michel Chabrol dans son commentaire publié au cours de la deuxième moitié du XVIIIe siècle13.
7L’étude de ce manuscrit pose donc la question du statut de la coutume d’Auvergne et plus largement de la place du droit coutumier dans la culture juridique et les travaux des juristes aurillacois, traditionnellement plus habitués à utiliser le droit écrit en raison de la situation de la juridiction auprès de laquelle ils exerçaient leur activité.
8En cela, il est indispensable de situer cette source dans son contexte historique. En effet, sa rédaction débute à peine vingt ans après l’enregistrement des grandes ordonnances de Louis XIV et la création des chaires de « droit français contenu dans les ordonnances et dans les coutumes »14 ainsi que dans la jurisprudence comme le prévoit l’édit de Saint-Germain de 1679. Né dix ans plus tôt, Jean Charmes a donc vraisemblablement pu suivre ces nouveaux enseignements lors de son passage à l’Université et cela transparaît dans son propos, expliquant probablement le statut réservé au droit coutumier dans son recueil (I) ainsi que ses choix quant à la confrontation de la jurisprudence locale à un certain droit coutumier (II).
I - Le statut du droit coutumier dans le recueil de Jean Charmes
9Au préalable, il convient de signaler que Jean Charmes ne fait aucune dissertation sur la notion de coutume. Si deux entrées du manuscrit s’intitulent « coustume », elles ne contiennent aucune véritable théorie sur le droit coutumier.
10La première est un très bref rappel – huit lignes seulement – de la position du droit canonique sur les mauvaises coutumes inséré entre deux développements beaucoup plus longs sur des thèmes très différents15. Charmes se réfère au décret de Gratien16 et à l’introduction par les canonistes de la référence à la vérité et à la raison : « la coustume ne peut aller contre la raison d’autant que la coutume sans la veritté vetustas erroris est »17. Il n’en tire pas de conséquence particulière et ne cite aucune jurisprudence. Si cette question lui a été inspirée par sa pratique, il semble difficile de la rattacher à une affaire précise.
11Il en va tout autrement pour la seconde entrée de la table des matières intitulée « coustumes ». Elle renvoie en réalité au développement sur la « cédule ». Il n’y est pas question du droit coutumier du royaume de France mais de la « coutume » d’Espagne au sens d’usage, et de son application en France. Ce thème est longuement développé à travers l’étude d’une affaire dans laquelle Charmes a plaidé pour les défenderesses. En l’espèce, un certain Pierre Guisalmon réclamait le paiement d’une promesse non écrite ni signée par Pierre Manhes, mari et père des défenderesses. Le demandeur prétendait que la promesse était valable car elle avait été
passée au Royaume d’Espagne & signée à la priere dudit Manhes par trois temoins […] que telle estoit la coustume au royaume d’Espagne, [et] qu’elle debvoit estre observée en France18.
12Charmes expose les principaux points de sa plaidoirie, citant la novelle 73 chapitre 219, Ferrière sur les écrits publics et privés20, Brodeau sur Louët21, Simon d’Olive22, Guy Pape23 et Cujas. Le lecteur reste malheureusement sur sa faim puisque l’auteur termine son propos sur la mise en délibéré de l’affaire :
Cette cause fut appointée après une plaidoyrie solannelle plaidans Leigonye le Jeune po[ur]le d[emandeu]r et Charmes po[ur] les deff[enderess]ces.
13En dehors de ces deux références particulières, notre auteur renvoie à différentes coutumes générales du royaume et à leurs plus fameux commentateurs.
14Naturellement, il réserve une place essentielle au droit romain : sur 213 thèmes traités environ, un peu plus de 70 seulement n’y font aucune référence24. Pour avoir un aperçu quantitatif de l’utilisation des différentes sources juridiques nous pouvons dire que dans 68 % des cas le droit romain est invoqué, la législation royale est utilisée pour un peu plus de trente matières soit plus de 14 % environ du recueil – mais avec près de 70 citations – et le droit coutumier dans 22 matières environ, soit un peu plus de 10 % des sujets abordés. Quant au droit canonique, il est finalement cité à propos de quinze thèmes seulement et apparaît donc comme minoritaire, avec 7 %.
15Il va de soi que toutes les matières ne se prêtent pas à l’utilisation de l’ensemble des sources du droit, ce qui amène à nuancer la portée de ces chiffres. Cependant, il faut les garder présents à l’esprit afin de ne pas surestimer l’importance – quantitative – des coutumes dans le travail de Jean Charmes, ce qui n’empêche pas de s’intéresser à leur statut par rapport aux autres sources du droit.
16La jurisprudence est omniprésente, surtout celle des cours souveraines. Il y a plus de quatre cents références à des arrêts de différents parlements du royaume. Cependant, Charmes ne fait souvent que reprendre les citations d’autres auteurs. Nous verrons plus loin ce qu’il en est de la jurisprudence locale. Le choix des coutumes alléguées et la singulière absence de la coutume d’Auvergne posent question.
17Nous essaierons tout d’abord de comprendre les raisons de cette singulière absence de référence à la coutume d’Auvergne dans ce recueil (A) avant de souligner la prépondérance de la coutume de Paris (B).
A - La singulière absence de la coutume d’Auvergne
18Jean Charmes ne cite donc jamais la coutume d’Auvergne rédigée en 1510. Tout au plus fait-il une seule et unique référence au droit coutumier auvergnat, en citant la Practica forensis de Jean Masuer, antérieure de plus d’un demi-siècle à la rédaction officielle de la coutume25, au sujet de la « donation mutuelle entre mary et femme par contract de mariage ». Après avoir cité les règles du code Justinien26, Charmes rappelle qu’
en traité du Má[ri]age on peut apposer telles conditions convantions paction doná[ti]ons et autre contrat qu’on veut […]. Memes les futurs conjoints peuvent convenir que le survivant sera heritier du predecedé en tous les biens qui luy appartiendront au jour de son deceds comme dit Mansuerius in suá praxi tit. de societ[ate] § 727.
19Le manuscrit ne fait pas davantage allusion aux coutumes locales de la Haute-Auvergne.
20Ces constatations peuvent surprendre puisque le ressort du siège présidial d’Aurillac comportait des enclaves de droit coutumier et que plusieurs mémoires judiciaires du XVIIIe siècle témoignent encore de l’utilisation de la coutume d’Auvergne28. Ainsi, l’un d’entre eux énonce une « jurisprudence constante du bailliage d’Aurillac » selon laquelle, en l’absence de contrat de mariage « et par conséquent de conventions », « les biens de la femme existants au temps du mariage, étaient réputés dotaux suivant l’article 8 du titre 14 de la coûtume d’Auvergne »29. Le plus remarquable est que cet article ne fait pas partie de ceux qui ont été acceptés par les représentants de la Haute-Auvergne lors de la rédaction officielle de 1510.
21La consultation de quelques inventaires de bibliothèques de juristes aurillacois contemporains de Jean Charmes montre que la coutume d’Auvergne ou ses commentaires ne sont pas légion. Ainsi, il ne s’en trouve aucun chez l’avocat Antoine Cabrespine en 1699 alors que celui-ci possédait en revanche un commentaire de la coutume de Paris par Brodeau en deux volumes30. Certains magistrats détenaient néanmoins des éditions de la coutume d’Auvergne, comme le lieutenant particulier Pierre de Cébié d’après son inventaire après décès du 24 octobre 163131. Il n’est cependant fait mention que d’un seul exemplaire, sans aucune précision sur son auteur, alors que cette information est toujours donnée pour les autres commentaires de coutumes32. Nous pouvons supposer que Pierre de Cébié avait personnellement acquis ce livre puisqu’il est absent de l’inventaire des biens d’Antoine, son frère et prédécesseur dans la charge, dont il avait hérité33. Il en va de même pour l’ensemble des commentaires de coutumes tout comme de la « Pratique de Masuer par Antoine Fontanon », signalés dans la bibliothèque de Pierre et non dans celle d’Antoine.
22Cette rareté des ouvrages concernant le droit auvergnat corrobore le peu d’intérêt, sinon le rejet de la coutume de la province par certains juristes aurillacois. Jean Charmes s’inscrirait-il donc dans cette même « tradition » locale ? Se poursuivrait ainsi la volonté soulignée lors de la rédaction de 1510 de se démarquer de la Basse-Auvergne. Le conflit toujours latent entre la sénéchaussée de Riom et le siège d’Aurillac paraît trouver ici une nouvelle illustration. Cette frilosité à l’égard de la coutume d’Auvergne s’accompagne d’un attachement marqué au droit romain, droit naturel de cette partie de la province malgré un usage croissant du droit coutumier, comme semble l’indiquer l’apparition de plusieurs commentaires de coutumes dans la bibliothèque de Pierre de Cébié entre 1628 et 1631.
23En revanche, la prépondérance de la coutume de Paris sur les autres coutumes dans le travail de Jean Charmes traduit probablement une certaine adhésion de l’auteur au mouvement d’unification du droit défendu par certains de ses contemporains.
B - La prépondérance de la coutume de Paris
24Si la coutume d’Auvergne est absente, les coutumes voisines faisant partie de la même aire coutumière (Berry, Nivernais, Bourbonnais et Bourgogne) ne sont guère mieux représentées. La coutume de Berry est évoquée à quatre reprises, mais il ne s’agit que de références à des avis de Charles Du Moulin34 dont une fois au côté de la coutume de Paris à l’occasion d’un débat sur les rentes constituées. Ce thème est étudié à plusieurs reprises35 dans le recueil notamment sur le fait de savoir si elles sont meubles ou immeubles et si l’on peut en demander les lods et ventes. On peut également signaler une référence à la coutume de Bourgogne mais cette fois encore Charmes ne fait que reprendre les propos de Claude de Ferrière sur la novelle 118 chapitre 236 – sur la succession des ascendants – Ferrière citant à cette occasion l’opinion de Chassaneuz (Chassaneux)37. Cette citation est donc très indirecte. Quant aux coutumes de Bourbonnais et de Nivernais, il n’en figure aucune mention. Charmes évoque enfin deux fois la coutume d’Anjou à travers Peleus et Choppin et une fois Denis Dupont sur celle de Blois.
25Dans seize des vingt-deux cas où la coutume est invoquée il est question de la coutume de Paris, dont on retrouve vingt-neuf occurrences dans tout le document. En réalité, elle seule est citée directement et non par l’intermédiaire d’un arrêtiste ou d’un commentateur. Elle constitue donc la principale référence coutumière de notre auteur.
26Au XVIIe siècle, « une bonne partie de la doctrine s’est mise à rechercher le droit commun coutumier dans la coutume de Paris »38. Jacques Poumarède souligne les mérites dont Brodeau parait la coutume de Paris,
cette coutume, dont l’air doux et salubre est respiré par MM. du Parlement, est comme maîtresse coutume ordinairement étendue par les arrêts aux autres coutumes et principalement ès matières qui sont du pur droit français.
27Or, Jean Charmes ne fait pas moins de quarante-quatre références à Brodeau dans son écrit, c’est dire s’il s’est inspiré de cet auteur qui plaçait la coutume de Paris au-dessus des autres. Il en va de même de Du Moulin, invoqué douze fois par Charmes. Or, depuis Du Moulin, certains commentateurs reconnaissent le caractère de droit commun coutumier à la coutume de Paris39.
28En 1580, les réformateurs de la coutume de Paris avaient la volonté d’en faire un modèle. Charmes paraît – dans une certaine mesure – s’être glissé dans ce moule. Il appartient aussi à la première génération qui a pu étudier le « droit français » à l’Université et il cite encore davantage les ordonnances des rois de France que n’importe quelle coutume. Mais il ne faut pas surestimer l’impact de cet enseignement car pour Jean Charmes, le droit romain reste fondamental. Le droit coutumier demeure une source secondaire presqu’exclusivement envisagée à travers le prisme de la coutume de Paris.
II - La confrontation de la coutume à la jurisprudence locale
29Le droit coutumier est essentiellement utilisé dans les entrées suivantes : aliénation des biens dotaux, compensation, querelle d’inofficiosité, privilège des apothicaires, testament mutuel, notaires, seigneurs, lods, mineur, vente, rentes constituées (à trois reprises), déguerpissement, éviction, succession d’ascendants, contrelettres en contrat de mariage, bestiaux, préférence entre les créanciers, enfants (et plus spécialement l’action en supplément de légitime ou l’action en partage), prescription de six mois contre les livres des marchands et estimation d’office.
30Dans certaines de ses discussions, Jean Charmes illustre son propos à l’aide de décisions du bailliage et siège présidial d’Aurillac. Trente-huit décisions de la juridiction aurillacoise sont citées dans trente-cinq entrées différentes. Les dates extrêmes des références sont 1632 et 1732. Plusieurs sentences sont évoquées sans information sur la date. La plupart des jugements ont été rendus en 1691 et 1692 puis de 1726 à 1730, soit au début et à la fin de la carrière de Jean Charmes.
31Ce large intervalle entre les deux périodes correspond aux trente-quatre années de cumul d’activités d’avocat et de procureur postulant, auxquelles vient encore s’ajouter un mandat de deuxième consul en 1716, ne lui laissant peut-être pas suffisamment de temps pour répertorier assidument la jurisprudence du siège aurillacois. Ses démêlés judiciaires consécutifs au règlement de la succession de son père n’y sont probablement pas non plus étrangers. On sait par des pièces de procédure de 1733 qu’après son décès, son fils Pierre devra lui-même encore souffrir des conséquences de ces contentieux et que Jean Charmes avait tout fait pour éviter la saisie des biens familiaux40.
32Dans la plupart des sentences locales inventoriées, Jean Charmes était l’avocat d’une des parties. Donc, même si son opinion reste souvent en retrait, son expérience d’avocat est bien au cœur de son ouvrage. Quand il n’a pas lui-même plaidé, il s’autorise parfois des suggestions sur d’autres angles d’attaque que ceux choisis par ses confrères.
33Deux thématiques seulement donnent lieu à la confrontation entre le droit coutumier et la jurisprudence aurillacoise. Il s’agit de l’aliénation des biens dotaux à l’occasion de deux sentences de 1691 (A) et de la compensation dans un jugement de la même année (B). Dans chaque affaire, la coutume invoquée est celle de Paris.
A - L’aliénation des biens dotaux
34Charmes rappelle tout d’abord que l’aliénation des biens dotaux fut « deffandue au mary sans le consantement de la femme »41 puis même avec le consentement de celle-ci. Il se réfère alors aux évolutions du droit romain : loi Julia puis Code42 et Institutes de Justinien43, cite l’opinion de Bartole et mentionne également les commentaires des arrêtistes Simon d’Olive44 pour le parlement de Toulouse puis ceux de Julien Brodeau sur les Mémoires de Georges Louët45 pour le parlement de Paris. Il évoque ensuite l’exception permettant à une femme d’aliéner ses biens dotaux pour doter un de ses enfants à l’occasion de son mariage en précisant qu’elle doit être
authorisée de son mary, et cella conformemant à ce qui est generallement observé dans ce royaume où il faut qu’une femme soit authorisée de son mary pour pouvoir valab[lement] contracter46.
35Il s’appuie alors sur l’avis de Louis Le Caron47. Toutes ces références correspondent à la culture classique d’un juriste de son temps et la préférence pour le droit romain semble normale pour un avocat des pays de droit écrit.
36Charmes présente ensuite deux décisions rendues par le bailliage et siège présidial aurillacois. Dans la première48, les magistrats ont jugé qu’une femme était toujours « restituée du consantement qu’elle auroit pu preter à cette alienation » ce qui appuie le développement de l’avocat sur le sujet et reste conforme au droit de Justinien. Dans la seconde en revanche, il a été décidé que la constitution de dot faite par une mère à sa fille dans son contrat de mariage était valable même si la femme n’avait pas été autorisée par son mari, celui-ci se trouvant absent de la province49. Charmes souligne que cette dernière sentence est « entieremant contraire à l’article 223 de la coutume de Paris qui dit que tout contrat de femme mariée non authorisée ny séparée est nul »50.
37Jean et Hugues Charmes étaient les avocat et procureur du défendeur, qui a perdu le procès. Nous pouvons imaginer le dépit de ce jeune avocat d’autant qu’il s’agit d’une sentence présidiale rendue au premier chef de l’édit, donc en dernier ressort51. Peut-être s’était-il appuyé sur la coutume de Paris. En toute hypothèse, il n’a pas été suivi par les conseillers présidiaux mais en l’absence de motivation de la décision, il est impossible de savoir sur quel fondement juridique les magistrats se sont prononcés. Ces deux sentences rendues à guère plus d’un mois d’écart l’une de l’autre paraissent contradictoires. Or, cette contradiction illustre parfaitement les interrogations et les opinions divergentes des juristes sur la propriété de la dot jusqu’à la fin de l’Ancien Régime52. En réalité, même si Charmes et les sentences elles-mêmes ne donnent que peu de détails sur les deux procès, il semble bien que les cas d’espèce que l’avocat réunit dans son recueil étaient fort différents. En effet, dans la première affaire, la femme n’avait probablement pas aliéné ses biens dotaux à l’occasion du mariage de sa fille, circonstance considérée comme une juste cause d’aliénation en droit romain53 ainsi que dans la coutume d’Auvergne54. Quant à l’autorisation du mari, nécessaire selon Charmes se fondant sur la coutume de Paris, elle ne paraît l’avoir été ni dans la coutume d’Auvergne, ni dans le droit romain55. Charmes ne pouvait donc pas s’appuyer sur ces sources pour défendre son client qui n’avait guère d’espoir d’obtenir gain de cause puisque, suivant Chabrol,
l’usage des pays de droit écrit d’Auvergne, surtout de la Haute-Auvergne, est que les femmes mariées disposent journellement, à titre de donation, de leurs biens dotaux, en faveur des mariages de leurs enfans fils et filles56.
38Le partage de l’Auvergne entre coutume et droit écrit pouvait certes permettre aux praticiens d’invoquer une pluralité de sources pour défendre leurs clients et la coutume de Paris avait peut-être une certaine influence en dehors de son ressort naturel d’application, il n’en demeure pas moins vrai que dans ce dernier cas, les magistrats aurillacois semblent avoir conservé une ligne classique dans leur jugement.
B - La compensation
39Le cahier contient deux développements successifs sur la compensation mais seul le premier comporte une référence à une sentence du bailliage et siège présidial d’Aurillac. En préambule, Charmes rappelle que selon les lois romaines57 « la compansation ne peut estre opposée lors qu’il s’agit d’alimans pour l’avenir ». Il rapporte ensuite une décision du siège présidial aurillacois du 19 juillet 1691 ayant jugé en ce sens58. Dans l’espèce, les demandeurs avaient précédemment été condamnés par une sentence à payer une certaine somme d’argent aux défendeurs à titre de provision alimentaire. Voulant échapper à cette obligation, ils ont opposé que les défendeurs leur devaient également de l’argent et qu’il y avait lieu de compenser. Le tribunal n’a pas tenu compte de la compensation et a condamné les demandeurs à payer.
40Malgré cette décision, favorable aux défendeurs, Charmes suggère que l’avocat de ces derniers aurait également pu repousser la compensation en invoquant l’article 105 de la coutume de Paris selon lequel la « compensation a lieu d’une dette claire & liquide, à une autre pareillement claire & liquide, & non autrement » :
Ainsi, écrit Charmes, les prétendues créances [du demandeur en compensation] pouvant estre contestées elles ne pourroient estre offertes en compansation [sic], quand même il n’auroit pas été question d’exécuter une sentence qui ordonne une provision alimentaire.
41Si notre auteur ne fait aucune allusion à la coutume d’Auvergne, soulignons qu’elle applique la même règle tout en ajoutant qu’en plus d’être liquide, la dette doit être écrite59.
42L’exposé se poursuit par la présentation de deux exceptions – tirées du droit romain – au principe de compensation entre deux choses liquides : l’exception du sénatus-consulte Macédonien interdisant au créancier d’un fils de famille de réclamer le paiement de la dette60 puis l’exception concernant les obligations sous condition ou à terme qui ne peuvent pas davantage faire l’objet de compensation avant l’arrivée de la condition ou l’échéance du terme61.
43Dans aucune des affaires aurillacoises rapportées par Charmes la coutume de Paris ne semble avoir été appliquée par les magistrats. En l’invoquant dans son manuscrit, Charmes ne fait que nourrir ses développements et enrichir ses connaissances. Les mentions du droit coutumier dans son cahier semblent bien plus traduire les premiers résultats d’un enseignement qui devait permettre encore davantage aux avocats d’utiliser toute la palette des sources du droit quel que soit leur lieu d’exercice que la réalité de la pratique locale. Ainsi, Jean Charmes s’inscrirait peut-être, plus ou moins volontairement, dans le courant d’uniformisation du droit voulu par Louis XIV et Colbert.
44Si le droit romain demeure omniprésent dans son recueil, cet avocat distille prudemment quelques références au droit coutumier, avec une nette préférence pour la coutume de Paris. Celle-ci progressait en effet à travers l’enseignement du droit français et un mouvement qui cherchait à en faire « le vrai droit commun de la France »62 malgré le courant de résistance mené par les défenseurs du droit romain « droit commun de la France »63 comme Boutaric, Bretonnier ou Bouhier.
45La modeste place qu’occupe le droit coutumier par rapport au droit romain dans le document de travail de Jean Charmes paraît naturelle au regard des besoins d’un avocat plaidant devant une juridiction qui applique principalement le droit écrit. Cependant, la prépondérance de la coutume de Paris face à la mise sous silence de celle d’Auvergne mérite d’être soulignée et pourrait peut-être traduire l’expansion du droit coutumier parisien.
Notes de bas de page
1 S. Dauchy, « Les recueils privés de ‘jurisprudence’ aux Temps Modernes », Case-Law in the Making. The Techniques and Methods of Judicial Records and Law Reports, dir. A. Wijffels, Berlin, Duncker & Humblot, 1997 (Comparative Studies in Continental and Anglo-American Legal History, bd. 17/1), vol. 1 : Essays, p. 238.
2 Aurillac, Arch. dép. du Cantal, 1 B 8, en cours de publication.
3 Jean Charmes est vraisemblablement né le 31 juillet 1669 (Aurillac, Arch. dép. du Cantal, 5 Mi 511/3 fol. 47 v.) et probablement mort le 4 octobre 1730 à l’âge de 61 ans (Aurillac, Arch. dép. du Cantal, 5 Mi 512/3, fol. 261 v.).
4 En effet, les recherches menées sur la proche descendance directe de Jean Charmes montrent que son fils n’a exercé que les fonctions de procureur postulant mais non celles d’avocat.
5 Ce recueil est rédigé « pour servir à Jean Charmes ». Cette formule associée à d’autres indices peut semer le doute sur le réel auteur de ce document. S’agit-il de Jean Charmes lui-même – les indications « moi plaidant » dans le corps du cahier le laissent penser – ou bien d’un assistant qui aurait pris ces notes pour lui comme les mentions « Jean Charmes plaidant » peuvent le suggérer ? Peut-être ne faut-il y voir que des formules de style même si certaines différences d’écriture peuvent évoquer l’œuvre de plusieurs auteurs.
6 S. Dauchy, « Introduction », Les recueils d’arrêts et dictionnaires de jurisprudence (XVIe-XVIIIe siècles), dir. S. Dauchy et V. Demars-Sion, Paris, La Mémoire du droit, 2005, p. 12.
7 À l’intérieur de chaque lettre, les entrées annoncées ne sont plus présentées par ordre alphabétique.
8 V. Demars-Sion, « Les recueils d’arrêts et les dictionnaires ou répertoires de jurisprudence à l’épreuve de la pratique : l’exemple des mariages à la Gaulmine », Les recueils d’arrêts, op. cit., p. 284.
9 Son travail n’est pourtant pas très éloigné de documents médiévaux tels que les « Notes d’audiences prises au parlement de Paris de 1384 à 1386 par un praticien anonyme », F. Olivier-Martin, « Notes d’audiences prises au parlement de Paris de 1384 à 1386 par un praticien anonyme », RHDFE, 1923, p. 513-603 ; B. Auzary-Schmaltz, « Les recueils d’arrêts privés au Moyen Âge », Case-Law in the Making, op. cit., p. 230.
10 L’article 22 du titre XVI « des achapts, lods et vente », l’article 17 du titre XVII « des prescriptions », les articles 7, 12, 13, 22, 23 et 24 du titre XXVIII « des pasturages et dommage du bestail » et l’article 4 du titre XXIX « des injures, crimes et delicts publics et privez, confiscations et peines d’iceux ».
11 Le titre XXIV « des exécutions, ventes et subhastations » qui comporte 72 articles et le titre XXXI « d’assiette de rente » qui en compte 74. La coutume d’Auvergne contient 613 articles répartis en 31 titres de taille inégale ; 155 articles ont donc été admis par le haut pays, soit un quart de l’ensemble de la coutume. B. Fourniel, « L’utilisation du droit coutumier en Haute-Auvergne à l’époque moderne (XVIIe-XVIIIe siècles) », La Coutume d’Auvergne. Formation et expression d’un patrimoine juridique, dir. F. Garnier, La Revue d’Auvergne, 595, 2011, p. 139-149.
12 Il convient ainsi de souligner que la plupart des factums consultés sont postérieurs d’une cinquantaine d’années à la rédaction du recueil de Jean Charmes même si cela n’induit pas nécessairement une profonde transformation de la pratique. Cf. infra.
13 G.-M. Chabrol, Coutumes générales et locales de la province d’Auvergne, À Riom, chez Martin Dégoutte, 4 volumes, 1784-1786.
14 Édit de Saint-Germain en Laye de 1679 article 14 (enseignement du « droit français contenu dans les ordonnances et les coutumes » dans toutes les universités du royaume). « Et afin de ne rien omettre de ce qui peut servir à la parfaite instruction de ceux qui entreront dans les charges de judicature, nous voulons que le droit françois, contenu dans nos ordonnances et dans les coutumes, soit publiquement enseigné ; et à cet effet, nous nommerons des professeurs qui expliqueront les principes de la jurisprudence françoise, et qui en feront des leçons publiques, après que nous aurons donné les ordres nécessaires pour le rétablissement des facultés de droit canonique et civil ».
15 Le sujet précédent traite en une page et demi de la juridiction volontaire des notaires et le thème suivant est un développement de trois pages concernant un procès entre deux communautés religieuses aurillacoises sur des faits de réparations et de construction d’une église. Il n’est nullement question du droit coutumier dans ces deux développements.
16 D. 8, c. 3.
17 Aurillac, Arch. dép. du Cantal, 1 B 8 fol. 101. D. 8 c. 3, D. 8 c. 8. Voir J. Krynen, « Entre science juridique et dirigisme : le glas médiéval de la coutume », CRM, 7, 2000, p. 170-187, mis en ligne le 3 janvier 2007, consulté le 29 décembre 2016. URL : http://crm.revues.org/892 ; DOI : 10.4000/crm.892.
18 Rappelons qu’il y avait des échanges fréquents avec l’Espagne en raison d’une migration régulière des habitants de la Haute-Auvergne vers l’Espagne.
19 « Sed et si quis aut mutui instrumentum aut alterius cuiuspiam faciat et noluerit hoc in publico conficere (quod et in deposito definivimus), non ex ipso videatur credibile quod scribitur super mutuo documentum, nisi etiam testium habeat praesentiam fide dignorum non minus trium, ut sive veniant et propriis subscriptionibus attestentur sive alii quidam testificentur, quia praesentibus eis confectum est documentum, fidem causa ex utroque percipiat, etiam litterarum examinatione penitus non repulsa, sed sola non sufficiente, augmento autem testium confirmanda ». – « Si quelqu’un fait un prêt ou tout autre contrat, sans vouloir le rédiger en acte public, ce contrat, comme nous venons de le disposer à l’égard du dépôt, n’aura point de foi par la simple écriture, s’il n’est fait en présence de trois témoins au moins qui en attestent la vérité par leurs propres souscriptions, ou qui attestent que l’acte a été passé en leur présence ; l’acte fera foi de l’une et de l’autre manière : car si l’examen des écritures n’est pas entièrement rejeté, il ne suffit cependant pas seul, et il doit être confirmé par l’autorité des témoins », A. Berenger, Les novelles de l’Empereur Justinien, Paris-Metz, Rondonneau-Behmer et Lamort, vol. 5, 1807, p. 74.
20 C.-J. de Ferrière, Dictionnaire de droit et de pratique, Paris, chez la Veuve Brunet, t. 1, 1769, p. 34. Jean Charmes a nécessairement utilisé une précédente édition.
21 J. Brodeau, G. Louet, Recueil d’aucuns notables arrests donnez en la cour de parlement de Paris, pris des mémoires de feu monsieur Me Georges Louet, conseiller du roy en icelle, 5e éd., à Paris, chez la veuve Abel L’Angelier, 1616, p. 175 et s.
22 S. d’Olive, Questions notables du droit décidées par divers arrests de la cour de parlement de Toulouse, Toulouse, Camusat, 1682, p. 494.
23 G. Pape, Decisiones Guidonis Papæ, Lyon, Gabiano, 1607, p. 465.
24 Sur ce nombre, quelques-unes contiennent des références au droit canonique.
25 La Practica forensis de Jean Masuer a vraisemblablement été rédigée au milieu du XVe siècle. J. Vendrand-Voyer, « Jean Masuer », Dictionnaire historique des juristes français XIIe-XXe siècle, P. Arabeyre, J.-L. Halpérin et J. Krynen (dir.), Paris, PUF, 2007, p. 546.
26 C. 5. 12. 4 ; C. 2. 3. 10.
27 Aurillac, Arch. dép. du Cantal, 1 B 8, fol. 9 ; J. Masuer, Practica forensis, Francfort, Basse, 1571, p. 153. In contractu societatis & matrimonii an valeat pactum, quod alter alteri succedat insolidum non obstante consuetudine. J. MAsuer, La practique de Masuer, ancien jurisconsulte & praticien de France, mise en françois, par Antoine Fontanon, trad. A. Fontanon, Lyon, Thibaud Ancelin, 1603, p. 477.
28 Fonds privé, Mémoire pour Messire Jacques Philippe de Metivier Ecuyer, Seigneur de Vals, Demandeur, & Défendeur contre Dame Jeanne Froquières son Epouse, Défenderesse, & Demanderesse en séparation de Biens, Aurillac, Viallanes, 1771 ; Mémoire pour Jean-Annet Vigier, […], Marie-Anne Lacarrière sa femme […], demandeurs contre Pierre et autre Pierre Armandies père et fils, défendeurs, Aurillac, Viallanes, 1773 p. 8 « ce privilege de nos contrats de mariage a pris sa source dans quelques coûtumes & singulierement la nôtre » ; dans cette dernière affaire, signalons que sur un autre moyen, la partie adverse utilise la coutume de Paris « Si la prescription est appellée odieuse, ce n’est qu’en haine de ceux qui méprisent leurs droits, […] & elle est au contraire si favorable, qu’elle subsiste par elle indépendamment de la bonne foi & du titre, & qu’elle forme elle seule un bon & légitime titre, comme le décide l’article 118 de la Coûtume de Paris, en haine des paresseux qui négligent et abandonnent leurs droits […] », Mémoire pour Pierre & autre Pierre Armandies […] défendeurs contre Jean-Annet Vigier et Marianne Lacarrière, sa femme demandeurs en désistements et contre Marie Lacarrière, fille majeure, demanderesse en intervention ; et encore contre Toinette Lacarrière et Antoine Graves, son marie, aussi intervenants et demandeurs, Aurillac, Viallanes, p. 7.
29 Fonds privé, Mémoire pour Messire Jacques Philippe de Metivier, ibid., p. 40.
30 Aurillac, Arch. dép. du Cantal, 3 E 32 90, fol. 184.
31 Aurillac, Arch. dép. du Cantal, 3 E 30 4, fol. 264 v., 24 octobre 1631. La bibliothèque de Pierre de Cébié comptait ainsi plusieurs commentaires de coutumes référencés comme suit par le notaire Martial Dabernard : « les coustumes generalle des pais et duché de Berry en un tome », « le droit françois et coustume de la prevosté et viscomté de Paris en un tome », « le commentaire sur les coustumes d’Auvergne », « la conférance de la coustume de Paris avec les autres coustumes de France par G. Fortin advocat en Parlement », « les coustumes du bailliage de Troyes en Champaignes par Mr Pierre Pithou advocat en Parlement », « les questions et responses sur les coustumes de France par Mre Guy Coquille », « les coustumes du duché bailliage et prevosté d’Orléans par Mr Jean Duray [Duret] jurisconsulte », « commentaire sur les coustumes généralles de la ville de Bourdeaux et pais Bourdelois », « les coustumes du duché de Nivernois avec les annotations et commentaires dudit sieur Coquille », « les commentaires de Charles Dumolin sur les coustumes du Parlement de France », « le commentaire de Dargentré sur les coustumes de la duché de Bretaigne », « Nicolas Boer [Bohier, Boerius] des coustumes de Bourges ». La variété des ouvrages de droit coutumier, bien avant l’édit de Saint-Germain de 1679, témoigne bien de l’utilisation déjà très large de toutes les sources du droit par les juristes aurillacois du début du XVIIe siècle même si la part réservée au droit romain demeure la plus large. 11 publications de droit coutumier sur 166 (166 références dont certaines comptent plusieurs volumes).
32 Ibid.
33 Aurillac, Arch. dép. du Cantal, 3 E 30 1, fol. 61, 4 mai 1628.
34 Ou Charles Dumoulin.
35 L’importance de ces constitutions que l’on retrouve à foison chez les notaires et qui ont permis de pallier l’absence de système de crédit bancaire, explique probablement l’intérêt que leur porte notre auteur.
36 C. de Ferrière, La jurisprudence des novelles, Paris, Cochart, t. II, p. 430.
37 B. de Chassaneux, Consuetudines ducatus Burgundie, Lyon, 1523, 1535, 1543.
38 J. Poumarède, « Coutumes et droit écrit », Dictionnaire de l’Ancien Régime, dir. L. Bély, Paris, PUF, 1996, p. 370.
39 J. Moreau-David, « La coutume et l’usage en France de la rédaction officielle des coutumes au Code Civil : les avatars de la norme coutumière », RHFD, 18, 1997, p. 137.
40 Aurillac, Arch. dép. du Cantal, 216 F 23.
41 Aurillac, Arch. dép. du Cantal, 1 B 8 fol. 1r.
42 C. 5. 13. 1. 15.
43 Inst. II. 8.
44 S. d’Olive, Questions notables, op. cit., p. 508.
45 J. Brodeau et G. Louet, Recueil d’aucuns notables arrests, op. cit., p. 245.
46 Aurillac, Arch. dép. du Cantal, 1 B 8 fol. 1 r.
47 L. Le Caron, Responses du droict François, confirmées par arrests des cours souveraines de France et rapportées aux loix Romaines, Lyon, Soubron, 1596, p. 95.
48 Aurillac, Arch. dép. du Cantal, 1 B 229 fol. 126 v., audience du 31 mars 1691.
49 L’auteur du recueil ne donne pas la date de la sentence mais il se pourrait qu’il s’agisse du 1 B 229 fol. 128 v., samedi 5 mai 1691.
50 Aurillac, Arch. dép. du Cantal, 1 B 8 fol. 1 r. Article 223 de la coutume de Paris « La femme mariée ne peut vendre, aliener ne hypothequer ses heritages sans l’authorité & consentement exprès de son mary. Et si elle fait aucun contract sans l’authorité & consentement de sondit mary, tel contract est nul tant pour le regard d’elle, que sondit mary, & n’en peut estre poursuivie, ny ses heritiers, après le decès de sondit mary ». C.-A. Bourdot de Richebourg, Nouveau coutumier général, ou corps des coutumes générales et particulières de France, et des provinces connues sous le nom des Gaules, Paris, chez Claude Robustel, 1724, t. III, p. 45-46.
51 S’il s’agit bien de la sentence rendue le 5 mai 1691 (Aurillac, Arch. dép. du Cantal, 1 B 229 fol. 128 v.).
52 J.-P. Agresti, Les régimes matrimoniaux en Provence à la veille de la Révolution. Contribution à l’étude du droit et de la pratique notariale en pays de droit écrit, Aix-en-Provence, PUAM (Collection d’histoire du droit, « Thèses et Travaux », n° 16), 2009, p. 219.
53 « La loi […] cod. de rei uxoriæ actione (C. 5. 13. 1. 15), […] n’a […] défendu […] l’aliénation du bien dotal, qu’au mari, quand même sa femme y consentiroit, et elle ne l’a pas défendue à la femme elle-même. […] la loi constante 21, cod. de donationibus (C. 8. 53. 21) […] réprouve la donation qu’une femme mariée avoit faite : l’empereur dit, dotem penes maritum constitutam avia tua tibi donare non potuit : d’où l’on peut tirer la conséquence, que la prohibition cesse, lorsque l’intérêt du mari ne se trouve pas blessé ; ce qui se rencontre, lorsqu’il donne son consentement, & encore plus dans le cas où la femme pourvoit à la subsistance de leurs enfans communs ».
54 La coutume d’Auvergne retient bien l’inaliénabilité des biens dotaux, chapitre XIV article III : « Les mary et femme, conjointement ou separément, constant le mariage ou fiançailles, ne peuvent vendre, aliener, permuter, n’autrement disposer des biens dotaux de ladite femme, au préjudice d’icelle : Et sont toutes dispositions & alienations nulles & de nul effet & valeur, & ne sont validées par serment », tout en prévoyant qu’une femme peut valablement doter ses descendants lorsque son mari ne le peut pas, chapitre XIV article VI : « Femme constant son mariage peut disposer, par contrats entre-vifs, de la quarte partie de ses biens dotaulx, & au dessouls, pour le mariage de ses filles & autres descendans là où son mari n’auroit de quoi marier sesdictes filles ou autres descendans, selon son état ».
55 C. 8. 55. 6.
56 G.-M. Chabrol, Coutumes générales et locales, op. cit., t. III, p. 246.
57 C. 2. 4. .8 ; C. 4. 31. 4 ; D. 50. 8. 2. 2.
58 Aurillac, Arch. dép. du Cantal, 1 B 230, fol. 3 v.
59 C.-A. Bourdot de Richebourg, Nouveau coutumier général, op. cit., t. IV, p. 1169, chapitre XVIII, article VI « Compensation n’a point de lieu, si n’est quand la debte que l’on veut compenser est liquide et par escrit ».
60 D. 14. 6. 1.
61 D. 16. 2. 7.
62 J. POUMARÈDE, « Les professeurs de droit français dans le mouvement d’unification de l’ancien droit », Itinéraire(s) d’un historien du droit. Jacques Poumarède, regards croisés sur la naissance de nos institutions, éd. J.-P. Allinne, Toulouse, Collection « Méridiennes », FRAMESPA, CTHDIP, 2011, p. 213.
63 J. Krynen, « Le droit romain ‘droit commun de la France’ », Droits, 38, 2003, p. 21-35.
Auteur
Maître de conférences à l’Institut national universitaire Jean-Francçois Champollion
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