Du droit et des coutumes dans les Arrests et Plaidoyez de Claude Expilly (1561-1636)
p. 245-319
Texte intégral
1Bien qu’issu d’une autre génération que celles de Du Fail (v. 1520- 1591) et de Loisel (1536-1617), Claude Expilly (21 décembre 1561-21 ou 25 juillet 1636) reçoit, comme eux, et peut-être même plus encore qu’eux, une formation humaniste1. Il faut dire qu’après avoir commencé ses études au collèges de Tournon (jusqu’en 1577) puis à l’université de Paris (jusqu’en 1580), le jeune juriste originaire de Voiron, en Isère, fait ce voyage d’Italie qui s’avère être, aux plans juridiques et savants, pour tous les jurisconsultes qui y sacrifient au XVIe siècle, un voyage proprement initiatique, « une sorte de sacre érudit »2. Au cours des trois années qu’il passe pour l’essentiel à Turin (2 ans) et Padoue (1 an) mais au cours desquelles il visite aussi Venise, Bologne, Ravenne, Rome, Sienne, Florence et Milan, Expilly suit les enseignements des plus célèbres interprètes du droit du moment, Marco Mantova Benavides (1489-1582), Guido Panciroli (1523-1599) et Jacopo Menocchio (1532-1607). Déjà, il s’acquiert une certaine réputation d’éloquence et de savoir. Il côtoie le petit cercle de Savoisiens et Dauphinois qui font là leur droit, rencontrant l’un des fils de Catherin Pobel, premier président du sénat de Chambéry3, peut-être aussi Antoine Favre (1557-1624)4 sinon François de Sales (1567- 1622) lequel, plus jeune que lui, n’arrive en Italie qu’en 15865. Il fréquente les académies, visite à plusieurs reprises Torquato Tasso (1544-1595) dans l’hospice Sainte-Anne de Ferrare où il se trouve reclus6 et rencontre Sperone Speroni (1500-1588), lequel l’introduit auprès de Gian Vincenzo Pinelli (1535-1601). Dans la demeure de ce dernier, à Padoue, il découvre une bibliothèque pour le moins exceptionnelle : la plus belle de l’Italie de l’époque, comptant près de 10 000 volumes imprimés et plusieurs centaines de manuscrits, certains réunis par Bessarion (1403-1472), Hermolao Barbaro (1454- 1493), Pietro Bembo (1470-1547), les Manuce, Lilio Gregorio Giraldi (1479-1552) et Francesco Maria Molza (1489-1554)7. Dès son retour en France, à peine s’est-il inscrit à l’université de Bourges que Cujas, qui « le traite, non pas en disciple, mais en compagnon d’étude », lui décerne le bonnet de docteur, en octobre 15838. Sa carrière comme ses œuvres s’inscrivent dans la continuité de ces illustres débuts. À Grenoble, avocat postulant au Parlement, Expilly attire sans tarder l’attention de Jean de Bellièvre (1524-1584), seigneur d’Hautefort, alors premier président9. D’après son biographe et petit-neveu Boniel de Catilhon, il se montre alors très appliqué à l’étude de la jurisprudence, lisant avec assiduité, « depuis le mois de septembre 1589 jusques en l’année 1592 », « toutes les loix du Code avec les gloses, les lectures de Balde, et de plusieurs autres docteurs »10. Ses plaidoiries font les délices des juges comme des auditeurs, voire d’une audience plus large selon Boniel qui affirme que l’« on accourait en foule au Palais, lorsqu’Expilly plaidait avec Jean de La Croix, seigneur de Chevrières (†1619), alors avocat général, depuis president au Parlement, et enfin évêque de Grenoble »11. Après avoir un temps soutenu le parti de la Ligue, Expilly se rallie à la cause d’Henri IV et se rapproche de François de Bonne, duc de Lesdiguières (1543-1626), aux côtés duquel il combat à Pontcharra le 18 septembre 159112. L’amitié et la protection de ce dernier facilitent dès lors son accession à de plus hautes fonctions13, même si des soucis de santé (la maladie de la pierre) comme des difficultés personnelles (les décès de divers membres de sa famille) contrarient son ascention. Élu comme substitut puis comme procureur général du parlement de Grenoble, il est régulièrement choisi par Henri IV puis Louis XIII pour différentes missions et négociations en Savoie, Piémont, comme dans le comtat Venaissin ; il se rend souvent à Paris où il fraye avec le milieu robin le plus cultivé. En 1600, Henri IV le nomme procureur général du conseil souverain nouvellement créé (pour peu de temps) à Chambéry (dont le président est Lambert puis bientôt Jean de La Croix, seigneur de Chevrières) ; en 1608, il est nommé conseiller d’État ; de 1604 jusqu’en 1616, il exerce au parlement de Grenoble la charge d’avocat général. Ayant résigné cette dernière en 1616 pour celle de président au Parlement, il prend finalement en 1630 la tête du conseil souverain qu’instaure Louis XIII en Savoie14. De cette vie en grande partie passée en Dauphiné, au parlement de Grenoble, reste, outre des poésies15, une œuvre majeure : un recueil de 39 plaidoyers et de 266 arrêts qui reste l’un des plus notables imprimés issus de la cour delphinale. Attestant la culture encyclopédique qui était la caractéristique, voire l’obsession, de certains juristes humanistes et notamment de décisionnaires de la Renaissance16, ces œuvres, ayant connu pas moins de sept éditions et quatorze tirages jusqu’en 166217, sont de nombreuses fois citées et utilisées sous l’Ancien Régime – voire même pillées si l’on en croit Expilly, qui accuse dans sa préface l’auteur des Treze livres des parlemans de France d’en avoir copié des pages entières18– avant de sombrer dans un oubli quelque peu dédaigneux au XIXe siècle19. Bien que le Dauphiné ne soit pas un pays de coutume, et, à vrai dire aussi, justement pour cette raison, il a paru intéressant de s’intéresser au regard que déploie Expilly sur les coutumes. Sur les coutumes, et non pas sur la coutume, car, il faut le constater, c’est une vision plurielle, et protéiforme, des coutumes qu’adopte le Voironnais. Ce jurisconsulte humaniste, qui ne cesse d’affirmer qu’il exerce en pays de droit écrit, et s’abreuve à des sources juridiques et doctrinales pour le moins multiples, accorde en effet aux coutumes une place pour le moins différenciée dans ses écrits juridiques, développant une approche qui tend à les identifier à des caractères culturels mais non systématiquement normatifs, en accord avec les usages sémantiques historiques de la consuetudo20. Dans son travail arrestographique, Expilly n’accorde ainsi qu’une place pour le moins restreinte aux coutumes, reléguant à l’arrière plan de l’ordre juridique qu’il privilégie les quelques normes et traditions coutumières, pour l’essentiel françaises, qu’il est amené à évoquer (I). Dans ses Plaidoyez, en revanche, il multiplie les références à des usages et coutumes propres au royaume comme venus de la plus haute antiquité et de toutes parties du monde connu, se montrant tout autant curieux de la diversité de coutumes que de leur « mythologie » et de leur évolution (II).
I - Droit, pratique et coutumes dans les Arrêts
2Substitut, procureur, avocat général puis président du parlement de Grenoble, Expilly se montre très attaché à la préservation et au maintien des droits du Dauphiné, pays de droit écrit21. Cherchant, dans son recueil d’arrêts, à « fére voir la justice » de ces derniers, leurs fondements juridiques ou rézons, c’est l’immense culture du jus commune qui lui sert en premier lieu de guide. Une immense culture qui, loin de s’être heurtée à la Renaissance aux préoccupations humanistes des jurisconsultes du XVIe siècle, a tout au contraire continué sa course via leurs travaux, se trouvant revivifiée par les perspectives plurielles qui s’y trouvaient représentées. Dans l’ordre juridique que se trouve appelé à récapituler l’arrestographe du parlement de Dauphiné, le droit écrit, la doctrine savante ainsi que la littérature classique, puis l’arrestographie, occupent les premiers rangs, reléguant à l’arrière-plan des coutumes françaises qui ne se voient reconnaître qu’une place restreinte, essentiellement dans le cadre d’une pratique juridique française (gallica praxi) clairement distinguée des normes applicables dans le ressort du parlement de Grenoble.
3Expilly le répète à de nombreuses reprises dans son recueil d’arrêts : « Transporté aus rois de France, et à leurs fis énez avec cete condition (autre autres) qu’il demeureroit regy suivant le droit écrit », le Dauphiné est un pays de droit écrit22. S’il concède ailleurs que ce pays « êt regi par le droit écrit, par vos ordonances, et par quelques coutumes »23, il fait donc, dans l’immense majorité des cas qu’il évoque, primer le droit écrit. Dès son retour à Grenoble, prêt à embrasser sa carrière d’avocat, c’est en pleine connaissance de cause qu’il se plonge dans la lecture de « toutes les loix du Code avec les gloses, les lectures de Balde, et de plusieurs autres docteurs ». Au terme des trois années qu’il consacre à cette activité entre 1589 et 1592, d’après Boniel de Catilhon :
Estant heureusement arrivé à la fin de son entreprise, c’est à dire au bout de la lecture de son Code, quand au dernier feüillet il découvrir la fin du Livre, il y mit de sa propre main, Italiam Italiam laeto clamore salutant […], sic ego finem voluminis hujus, voulant dire que tout ainsi que dans Virgile les Troyens ayant découvert l’Italie qu’ils avoient tant cherché parmy les périls, et les ennuys d’une tres-longue navigation ; et dans Xenophon au 4. Livre de l’Expedition de Cyrus, les Grecs ayant gagné le haut de cette fameuse Montagne nommée Techés, du sommet de laquelle il découvrirent la mer, qui leur marquoit le voisinage de leur Païs, pousserent des cris, et des chants d’allegresse ; de mesme luy voyant la fin de son Livre, et de son travail, ne pouvoit s’empescher d’en témoigner une joye extraordinaire, comme il se justifie encore par ces autres termes couchez pareillement de sa propre main : Anno 1592. Immensum opus exegi improbo labore24.
4Cet immense travail lui est sans nul doute très rapidement d’un grand secours. Son recueil d’arrêts en témoigne encore : « sans se détourner de son train ancien », le parlement de Grenoble juge « selon les lois »25, éventuellement « par l’ordonnance et le droit »26 lorsqu’il suit les normes produites par les ordonnances royales, dont toutes cependant (loin s’en faut) n’ont pas été reçues en Dauphiné27. Parmi les décisions qu’il a choisies de rapporter, très nombreuses sont donc celles qui ont été traitées et décidées par les lois du Corpus juris civilis28 qu’il qualifie de « nôtre droit civil »29. Attentif à recueillir le droit et les « rézons » sur lesquels ces décisions se fondent, il ne manque pas d’indiquer les références du Code ou du Digeste qui ont été suivies, faisant systématiquement montre en l’espèce de précision, et n’omettant pas au besoin les noms des jurisconsultes ou empereurs romains ayant joué un rôle en l’espèce, Justinien – 21 occurrences dans la table finale des Plaidoyez et Arrets –, Ulpien – 20 –, Tertullien – 13 – ou Papinien – 4 –. Et, presque à chaque arrêt, cherchant à préciser le sens et la portée des normes en question, ce sont les docteurs s’étant attelés au commentaire de ce droit civil romain qu’il allègue.
5Sans vouloir faire ici la liste complète de l’ensemble des sources auxquelles il se réfère en ce sens, il semble décisif d’en souligner l’importance, tant la doctrine issue de la culture romaniste conserve à ses yeux une autorité centrale. C’est une lecture des plus attentives qu’Expilly a faite des anciens ou « vieus » docteurs médiévaux30, comme le montrent les multiples allégations de Bulgarus (†1166), Martinus (†v. 1167), Rogerius (†1195), Azo (1190-v. 1233), Dinus Mugellanus (†1303), Accurse (v. 1182-1260) (dont il cite cependant rarement le nom, bien qu’il le qualifie au passage de « nôtre bon Accurse »31), Odofredo (†1265), Hostiensis (v. 1200-1271), Oldradus (†1335), Lucas de Penna (†v. 1390), Henri Bohic (1310-1390), Cino Da Pistoia (1270-1336), Jean d’André (v. 1275-1348), Saliceto (†1411), et surtout Balde (1327-1400) et Bartole (v. 1314-1357), auxquels la table des matières renvoie respectivement 80 et 91 fois, sans encore rendre compte du nombre de références réelles présentes dans le corps total de l’ouvrage (concernant donc ensemble les Arrets et les Plaidoyez)32. Fin connaisseur en outre des travaux des juristes qui, dans toute l’Europe, depuis le XVe siècle, avaient continué à cultiver ce droit commun, les yeux souvent rivés sur un droit romain qui leur semblait tout autant utile que nécessaire, il n’ignore pas, et a souvent scrupuleusement lu33, pour ne citer qu’eux et sans prétendre à l’exhaustivité, les travaux de Lorenzo Valla (1407-1457), Angelo Gambiglioni – Aretino – (†v. 1451) – 26 renvois dans la table finale –, Niccolo Tedeschi, dit Panormitanus (1386-1445) – 27 –, Francesco Porcellini (†1453), Bartolomeo Cipolla (v. 1420-1475), Alessandro Tartagni (1424-1477) – aussi référencé à Imola et à Alexander –, Felino Maria Sandeo (1444-1503), Étienne Aufréri (v. 1458-1511) – 9 –, Étienne Bertrand (v. 1424-1516) – 22 –, Guillaume Benoît (1455-1516) – 9 –, Giovanni Francesco Balbi (v. 1479-1518), Giasone del Maino (†1519) – 51 –, Claude de Seyssel (v. 1450-1520), Matteo D’Afflitto (v. 1447-1523) – 32 –, Juan Lopez de Palacios Rubios (v. 1450-1524), Antonio Negusanti (1465-1528), Nicolaas Everaerts (v. 1462-1532), Filippo Decio (1454-1535) – 22 –, Giovanni Francesco Sannazari della Ripa (1480-1535) – 23 –, Ulrich Zazius (1461-1536) – 9 –, Nicolas Bohier (1469-1539) – 42 –, Giovanni Nevizzano (†1540), Guillaume Budé (1468-1540) – 8 –, Barthélemy de Chasseneuz (1480-1541) – 20 –, Andrea Alciato (1492-1550) – 22 –, Emilio Ferreti (1489-1552), Catelliano Cotta (1484-1553), Antonio Capece (fin du XVe-XVIe s.), Pierre Rebuffi (†1557) – 26 –, André Tiraqueau (1488-1558) – 24 –, François Le Douaren (1509-1559), Domingo de Soto (1494-1560), Rollando Della Valle (†1561), Aires Pinhel (v. 1512-1562) – 8 –, le « grand jurisconsulte »« reconu (an fait de jurisprudance) pour l’un des plus intellijans au droit, qui ait écrit, il y a lon tans » Charles Du Moulin (1500-1566)34 – 25 –, Johann Oldendorp (v. 1486-1567), Antonio Massa (1500-1568), Marco Antonio Natta (†1568), Aimone Cravetta (1504-1569) – 13 –, Antonio de Torquemada (v. 1507-1569), Fernando Vázquez Menchaca (1512-1569), Pardoux Du Prat (v. 1520- 1570), Pierre de La Ramée (v. 1515-1572), Antonio Gomez (1500- 1572), Giovanni Bolognetti (1506-1575), Diego de Covarruvias y Leyva (1512-1575) – 25 –, Giulio Claro (1525-1575) – 5 –, Giovanni Cefali (1511-1580), Nicolas Sanders (v. 1530-1581), Charles de Grassaille (†1582), Marco Bruno dalle Anguille (1530-1583), Andreas von Gail (1526-1587) – 5 –, Joachim Minsinger von Frundeck (1514- 1588) – 14 –, Petrus Peckius l’ancien (1529-1589) – 5 –, François Hotman (†1590), Jacques Cujas (1522-1590), « claire lumiere de la jurisprudance, et la gloire du parlemant de Grenoble, auquel il fut conseiller », tubam veritatis35 – 26 –, Jaime Cancer (1520-1592), Girolamo Magoni (1530-1593), Alvaro Valasco (1526-1593), Jacques Michael Grass der Ältere (1541-1595), Antoine (v. 1530-1595), Pierre Grégoire (1540-1597), Giovanni Pietro Sordi (†v. 1598), Aurelius Corbulus (1539-1598), Juan Yañez Parladorio (1500-1599), Giovanni Battista Lupi (XVIe s.), Vincenzo De Franchis (1530-1601), Peter Binsfeld (1540-1603), Giacomo Menochio (1522-1607), Henricus Henriquez (1536-1608), Andrea Fachinei (1549-1609), Francesco Mantica (1534-1614) – 7 –, Francisco Suarez (1548-1617), Prospero Farinacci (1554-1618), Gaspare Antonio Tesauro (1563- 1628) – 11 –, Giacomo Antonio Marta (1559-1629), Juan Pedro Fontanella (1576-1640), Feliciano de Solis (XVIe-XVIIe s.), Pedro Peralta (XVIe-XVIIe s.), Andrea Capano (XVIe-XVIIe s.), Juan Garcia Saavedra (XVIe-XVIIe s.), Juan de Solorzano Pereira (1575-1655) ou Petrus Barbosa (XVIIe s.).
6Fort de cette immense culture européenne, fondée sur un droit commun renouvelé par l’humanisme comme par la seconde scolastique, Expilly prend soin de recueillir à l’occasion les divergences ou les opinions dissidentes exprimées sur tel ou tel point36. Mais l’arrestographe le note avec insistance, distinguant l’École du Palais : son propos n’est point de rentrer dans les querelles et subtilités doctrinales. Bien souvent, c’est une position univoque qu’il recherche, une communis opinio reposant sur des principes dont il estime que certains sont tout aussi intemporels qu’universels37. Dans cette quête, ce sont alors non seulement le Code ou le Digeste et la doctrine juridique qu’il allègue, mais aussi les auteurs classiques et les Saintes-Écritures qui lui montrent le chemin, et bien souvent des arrêts qui interviennent pour trancher les débats.
7Illustrant son goût et sa connaissance des humanités, de nombreuses citations, bien souvent latines ou grecques, ainsi que des extraits de vers viennent émailler ses arrêts. L’autorité de Plutarque – 89 occurrences dans la table globale des Plaidoyez et Arrets –, celle de Tite-Live – 53 –, Cicéron – 51 –, Pline l’Ancien – 47 –, Aristote – 35 –, Pline le Jeune – 26 –, Valère Maxime – 23 –, Cassiodore – 23 –, Pausanias – 20 –, Martial – 18 –, Démostènes – 17 –, et celles de bien d’autres auteurs encore (bien qu’ils soient dans les Arrets bien moins mobilisés que dans les Plaidoyez), viennent renforcer son raisonnement et servir les thèses qu’il défend. Dans les commentaires dont il assortit les décisions qu’il a recueillies, les extraits de Cicéron ou de Diogène Laërce viennent ainsi s’ajouter aux « titres et lois » selon lesquels le père ou mari pauvre doit être nourri par ses fils et femme38 ; ceux tirés de Plutarque, Photios, Denys d’Halicarnasse et à sa manière Olivier de La Marche confirment que « C’êt une leçon aus sujets d’obeïr aus commandemans de justice, et ne faire de rebellions et insolances contre les oficiers », principe que montrait déjà l’exemple antique d’Achille commandant à Patrocle de délivrer sa Briseïs aux sergents :
Cet example, puisé chez Homere au premier de l’Iliade, êt digne d’être imprimé an l’esprit de plusieurs de nôtre noblesse, pour leur aprandre qu’ils doivent honorer et obeir aus mandemans de justice, ne faire ou dire aucune chose qui puisse ofanser l’oficier, qui fait son exploit et execution : et croire que batre un serjant n’êt acte, ny de prudance, ny de valeur39.
8L’histoire et la littérature – antiques, médiévales, et parfois modernes – fournissent à Expilly un arsenal infini de récits et d’exemples, lesquels interviennent dans ses arrêts comme autant de normes ou précédents normatifs. Dans certains cas les accumulations de citations et d’extraits d’auteurs classiques sont telles qu’il semble que toute l’histoire, et en particulier l’histoire antique, vienne asseoir sa démonstration, selon un procédé argumentatif que l’on retrouve et qu’il assume dans ses Plaidoyez, concluant : « Voyla donques toutes l’Antiquité qui a vuidé cete querele par ces prejugez »40. Et aux exemples tirés de l’histoire viennent aussi parfois s’ajouter ceux provenant des Saintes Écritures41 voire l’autorité de quelques docteurs de l’Église, saint Augustin – 11 renvois – ou saint Thomas d’Aquin – 9 – principalement. C’est une « tres-belle loi au Deutéronome », qui vient conforter la règle romaine illustrée par divers précédents, selon laquelle « Meules de moulin ne peuvent être saisies pour dete publique, ou particulière »42. Ce sont les histoires antiques, grecques, romaines et d’autres encore, ainsi que le Deutéronome, qui viennent démontrer la nécessité d’avoir des magistrats « exans de toute perturbation et vice », règle dont il note qu’elle a donné lieu à plusieurs lois expresses43. Diverses allusions historiques qui servent la démonstration qu’il conduit sur les usures44 et maintes références aux auteurs romains qui alimentent ses réflexions sur l’obligation de résidence des curés45. Les exemples pourraient être ici démultipliés, à l’instar de cet arrêt dans lequel, défendant l’idée que « les inscriptions de monumans antiques font preuve », contre le Code mais en suivant Bartole, Balde, Saliceto, puis, entre autres autorités, Godefroy et Gui Pape, Expilly amasse les exemples trouvés dans les Antiquités judaïques de Josèphe, chez Tacite, Tite-Live, Pline ou Dion Chrysostome, rapportant comme il l’a lu chez ce dernier que des Égyptiens, « écrivoient leurs histoires partie dans les Tamples, partie an des colonnes, pour an conserver la memoire » ou comme il l’a lu chez l’historien danois Saxo Grammaticus que les peuples de Danemarc « écrivoient leurs annales et histoires contre les rochers, pour être mieus conservées »46. Toutefois, si l’histoire et la littérature viennent ainsi régulièrement donner à l’auteur des arguments tendant à « vuider » la controverse ouverte par la doctrine juridique, c’est bien souvent en réalité par des arrêts que l’arrestographe tranche les débats.
9Critique à l’égard des disputes des Écoles et des docteurs qui, « contredisans les uns aus autres, randent bien souvant les choses plus cleres, pleines de tenebres », Expilly croit que les juges, en effet, assument un tout autre rôle :
Les magistras suivent une autre voye : ils tienent la boussole, avec laquele ils prenent garde aus bans, et aus ecueils, et les evitent, recherchant la plus comune Du droit et des coutumes dans les Arrets et Plaidoyez de Claude Expilly opinion et resolution : c’êt là où ils se tienent, notammant si ele ét autorizée de quelques jugemans, et arrets47.
10En telle espèce, désireux de ne point rentrer dans des débats trop agités par la doctrine48, il préfère donc alléguer « dis, ou douze arrets, et decisions formeles », s’en remettant à l’autorité des choses jugés, lesquelles, note-t-il,
doivent servir de fare à ceux qui cherchent un port asseuré, pour sortir des vagues, et tampétes, que les fantesies de divers docteurs font bien souvant mouvoir à plésir an la jurisprudance49.
11Sans surprise, le décisionnaire accorde dans son recueil une place consistante aux précédents existants sur les questions posées par les arrêts qu’il rapporte. Il n’ignore pas la règle non exemplis sed legibus50 ; mais il en appelle à l’autorité des jurisconsultes romains pour justifier l’autorité toute spéciale qui peut leur être confiée, pourvu que plusieurs conditions soient réunies :
Le jurisconsulte Paulus nous aprand combien on doit deferer à l’autorité des arrets ; quand une matiere se presante, pareille à celle qui a êté jugée. Car, donnant son avis sur une question dificile, il la resout, parce qu’il an a trouvé avoir êté jugé par le Senat, an cas pareil. Sic enim inveni Senatum censuisse, dit-il, in l. filius emancipatus in princ. D. ad leg. Cornel. de fals. Et de vrai, puis qu’on void une çhose avoir êté jugée par arret, il ne faut douter qu’an pareil sujet ne s’ansuive méme jugemant : la balance des parlemans êt toujours une méme, leurs reigles sont infaillibles, et jamais ils ne varient an leurs jugemans, s’il n’y a notable diferance. Ce n’êt pas d’eus qu’on tire le çhaud et le froid ; si le fait êt tout samblable, ils suivent le chemin batu. Aussi le méme jurisconsulte Paulus dit in l. minimè. 12. D. de leg. non esse mutanda quae interpretationem certam semper habuerunt : et rien ne peut être plus certain que le cas qui paroit avoir êté une fois jugé : omnia apertius à quotidiano judiciorum usu in ipsis rerum documentis apparent. C’êt Justinian qui le remarque, in § quae omnia penult. Instit. de satisd. et c’êt un grand point gaigné, quand un avocat peut dire, Il an a êté ainsi jugé : solet hoc in usu observari : ainsi parle Ulpian, in l. i. § imperat D. ad sc. Syllania. ou bien, Hoc jure utimur, come le dit le méme Ulpian, in l. si non sortem in princip. D. de condict. indeb. et autres lieus samblables51.
12Extrêmement attaché au maintien de jurisprudences continues et à l’autorité des choses jugées, Expilly estime que cette dernière ne peut intervenir qu’en « pareil sujet », « quand une matiere se presante, pareille à celle qui a êté jugée ». Sachant par ailleurs que tout jugement est le fruit des circonstances particulières, il considère essentiel d’en connaître l’espèce comme d’en comprendre les raisons et les « mouvemans des juges »52, en identifiant et isolant le cas échéant les événements permettant de les expliquer53. Si les arrêts peuvent servir de repère, de phare, ou de guide, ce n’est que sous réserve d’en considérer le fait, les motifs, et les raisons.
13En matière de précédents judiciaires, tout aussi attentif aux cas d’espèces avérés qu’aux fondements juridiques potentiels, Expilly se montre donc curieux d’avoir autant que possible une bonne connaissance des décisions alléguées. Ayant scruté avec attention les archives du parlement de Grenoble et étudié les travaux conduits par les arrestographes de ce parlement, il prend un soin tout particulier pour s’informer des jugements arrêtés dans d’autres cours souveraines, de France comme d’ailleurs, interrogeant à cet égard les très nombreux recueils de jurisprudence qui pouvaient paraître à l’échelle européenne54.
14L’arrestographe de Voiron fait dans son recueil une place de premier plan aux décisions précédemment prises dans le ressort du parlement de Grenoble au sein duquel il officie. Contrairement à d’autres décisionnaires, il ne se contente pas de compiler des sentences auxquelles il a pu participer au titre des différentes fonctions qu’il a pu exercer au sein de l’institution à partir des années 1580. Nombreux sont en effet les arrêts qu’il a pris soin de recueillir et qui s’avèrent bien antérieurs à cette date. Les 266 décisions recensées et commentées dans le recueil qu’il publie en 1636, datées entre 1386 et 1636, sont le fruit d’un travail de compilation au long cours, le résultat d’une enquête conduite dans des fonds d’autant plus divers que l’arrestographe s’est heurté à d’importantes lacunes au sein des archives parlementaires locales, ce qu’il regrette, notant que :
méme an ce païs, où il n’y a point de gardenotes, et où mémes les registres des grefes du Parlemant, et moins ancore des sieges inferieurs ne se peuvent trouver avant l’an 1540, d’autant que les Grefiers amportoient les actes, et que tout cela change de main an peu de tams55.
15Les plus anciennes décisions qu’il donne, issues du Conseil Delphinal dont il estime qu’il « tenoit lieu de Parlement », ont ainsi été trouvées dans d’anciens recueils conservés aux archives de la Chambre des comptes du Dauphiné ou dans les trésors et archives de la ville, notamment « en la boite de fer quarrée »56. D’autres ont été tirées des œuvres de ceux qui, tels Étienne Bertrand (1434-1516)57, Aymar Du Rivail (1485/1495-1557/1566)58, Aimone Cravetta (1504- 1569)59 et Étienne Ranchin (v. 1510-1587)60, « ont êté signalez an la conoissance du droit an Daufiné »61, des volumes de Filippo Decio, un temps conseiller au parlement de Grenoble62, des travaux (disparus semble-t-il) de Louis d’Aragon63, de notes prises par Philippe Du Rivail, « sieur d’Argentenant », sur son Bartole64, peut-être encore des ouvrages d’André d’Exea (†1575)65. Surtout, Expilly a puisé dans les recueils de ceux dont le travail s’était focalisé sur les arrêts du parlement de Grenoble : les Decisiones de Gui Pape (†1477)66, qu’il juge de bien plus grande autorité que ses Conseils67, et qui lui ont en premier lieu servi de guide – 88 renvois dans la table – tant ces arrêts, maintes fois suivis par la Cour, sont à ses yeux « des oracles non seulemant an France, mais aussi an Italie, an Espagne, Portugal, Allemagne, et par tout où le droit écrit êt coneu »68 ; les Novae decisiones de François Marc (†1522/1523)69 ; les commentaires et annotations faites sur l’œuvre de Gui Pape par Laurent Rabot et Nicolas Bonneton (qu’il rectifie à l’occasion70), Antoine Rambaud, François Pisard, Pierre Mathieu (1563-1621), Hugues de La Porte (1500-1572) et Jacques Ferrières, dont les ajouts se trouvaient souvent édités conjointement à ceux d’Étienne Ranchin déjà cités ; ou enfin le recueil du conseiller Antoine Fabri, qu’il a sauvé de l’oubli par l’édition partielle qu’il en donne71.
16S’inscrivant dans la continuité de ces différents travaux, Expilly se montre tout autant désireux de poursuivre le travail de fonds mené sur la jurisprudence édifiée par le parlement de Grenoble que soucieux de développer des perspectives mémorielles sur l’institution. Soulignant à de multiples reprises l’importance de ces précédents, qu’elle qu’en soit la date, il n’hésite pas à les accumuler pour appuyer ses raisonnements72. S’il lui arrive de chercher à préciser certaines décisions, voire, très exceptionnellement, de contester certaines d’entre elles, en indiquant même à l’occasion à ses lecteurs le moyen de contourner une jurisprudence constante de la Cour73, en règle générale, qu’il ait recueilli des arrêts résolvant des problèmes juridiques particulièrement aigus en Dauphiné ou qu’il en consigne d’autres dont les perspectives semblent pour le moins anecdotiques74, il s’en remet à leur autorité, expliquant, soutenant et légitimant la position prise. Il défend la souveraineté appartenant à cette dernière, la possibilité offerte aux « ordonnances de la Cour » de déroger « au droit ancien »75, comme les latitudes dont elle bénéficie pour atténuer la rigueur des lois :
Summum jus, summa injuria. C’êt pourquoi il êt loisible aus Parlemans (come disoit Caepio chez Pline le Jeune, lib. 4 epist. 9) mitigare leges, et intendere : et come a dit saint Augustin, epist. 158 ad Marcellinum) mollire sententiam, et mitius judicare, quam leges. Passage, qu’Ives Evéque de Chartres alegue an son epitre 17176.
17Sensible à une idéologie parlementaire qui n’oublie de glorifier ni l’institution, ni ses membres77, ni la royauté78, il défend âprement la place du parlement de Grenoble comme troisième parlement du royaume, dévoilant ce faisant des perspectives politiques récemment réactivées par l’actualité79. La dimension politique et mémorielle que l’on retrouve dans bien d’autres travaux arrestographiques se révèle ainsi à maints égards dans son propre recueil. Expilly cherche ici et là à inscrire la jurisprudence qu’il a recueillie dans un cadre historique, en appelant à « l’amour de la patrie » et au « devoir qui nous oblije à nos concitoyens, et à ceus qui nous doivent suivre » pour s’autoriser certaines digressions « hors des afaires du Palais », inspiré en cela, note-t-il, par l’exemple de Gui Pape, « lequel parmi ses decisions s’êt quelquefois écarté sur les accidans de son tams »80. Suivant le travail des jurisconsultes antiquaires qui, à l’instar de l’avocat grenoblois Étienne Barlet (XVIe s.)81, avaient pris soin de recueillir les inscriptions trouvées parmi les vestiges archéologiques de la ville82, il s’y intéresse à l’histoire de Grenoble, relevant notamment la manière dont s’inscrit dans le paysage urbain la présence parlementaire, magnifiée par le caractère remarquable des constructions édifiées par les grands magistrats et avocats locaux83. À l’égard des décisions recueillies, pour les plus récentes, dont il a une connaissance plus précise, il prend soin de noter, outre parfois son propre rôle en la matière84, les noms des plaideurs, ceux des rapporteurs et conseillers, le cas échéant leur élévation au sein de la hiérarchie parlementaire, l’autorité de certains d’entre eux – tels Félix de La Croix dont les « responses êtoient des oracles » et son père Jean, auquel est rendu un hommage appuyé85– voire donne la liste de tous les « grans et savans magistras » présents au jugement, attentif à souligner que
La memoire de ces messieurs, qui ont opiné an l’un et l’autre arret, êt ancor honorable, et venerable, et le sera toujours audit parlemant, tandis qu’on féra cas des letres, et de la vertu86.
18Faisant ainsi des arrêts notables le témoignage, et l’illustration, de la vertu et de la doctrine des magistrats, Expilly ne manque pas de s’intéresser à la jurisprudence produite par les autres cours souveraines du royaume, et même, à celle de nombreuses autres juridictions européennes. Disposant pour ce faire des nombreux imprimés qui, depuis la fin du XVe siècle, assuraient leur diffusion à l’échelle européenne, il se montre ici encore soucieux de veiller à l’authenticité des arrêts, ne manquant pas à l’occasion d’en vérifier la lettre ou d’aller voir lui-même certains registres.
19Ce recours à la jurisprudence d’autres juridictions souveraines du royaume lui est d’autant plus nécessaire que certains arrêts par lui rapportés ont pu être précédemment jugés par d’autres parlements français, ceux de Toulouse, de Dijon ou d’Aix par exemple87. Aussi prend-il soin de consulter la plupart des recueils qui pouvaient en diffuser les décisions. Sa connaissance des arrêts du parlement de Paris – lesquels (notamment ceux prononcés en robe rouge) sont encore à ses yeux « des oracles »88– se nourrit de la lecture de la plupart des recueils d’arrêts de ce parlement comme de celle des œuvres intégrant des références à ses arrêts, telles celles de Jean Papon (1507-1590) – 17 renvois –, Jean Du Luc (XVIe s.), Pierre Guénois (1520-1600), René Choppin (1537-1606), Georges Louet (v. 1540-1608), Louis Le Caron (1536-1614) – 20 –, Anne Robert (†1619), Julien Pillieu (†1625), Jean Chenu (1559-1627), Julien Brodeau (v. 1585-1653) ou encore Antoine Le Maistre (1608-1658). La jurisprudence toulousaine suscite également son intérêt, qu’il s’agisse des Decisiones Capellae Tholosanae qu’il mentionne régulièrement ou des arrêts du parlement de Toulouse – eux aussi « tenuz pour oracles », comme issus de l’un des « plus renommez [parlement] de l’Europe » – à propos desquels il connaît les travaux de Jean de Coras (1512-1572) (« tres-grand jurisconsulte et tres digne conseiller audit parlemant »), Jean Bodin (v. 1529-1596) et surtout Géraud de Maynard (1537-1607) – 26 renvois –, même s’il note incidemment au sujet des décisions rendues par ce parlement (car il ne veut suivre en l’espèce les décisions alléguées par Maynard) « si est-ce qu’il ne faut pas tant regarder ce, qui s’y fét, que ce qui se doit fére »89. Celle du parlement de Bordeaux, qu’il connaît via les œuvres de Nicolas Bohier (1469-1539) – 42 –, Arnoul Le Ferron (1515-1563) et Bernard Automne (1574-1666), lui sert également souvent de référence, de même que celle de la cour des Aides de Montpellier sur laquelle il a consulté avec profit les Responsa juris et les Édits et ordonnances composées par Jean Philippi (XVIe s.). Une attention particulière est encore prêtée aux Decisiones de maître Jean Grivel (1560-1624) pour Dôle, ainsi qu’au Codex du « tres-docte et judicieus » présidant Antoine Favre (1557-1624) – 28 – dont il se souvient avec émotion du décès survenu en 162490.
20Cette connaissance approfondie des décisionnaires français, renforcée par la lecture de sources complémentaires, dont certains arrêts imprimés91, voire par la consultation d’autres documents demeurés inédits dans lesquels certains arrêts pouvaient avoir été consignés92, se double de celle de la jurisprudence des cours souveraines européennes. Dans les œuvres issues du jus commune médiéval comme dans celles élaborées par les auteurs modernes qu’il connaît si bien, Expilly a ici et là trouvé des arrêts. Il a en outre conduit à l’occasion quelques investigations personnelles dans des archives qu’il a pu être amené à fréquenter dans le cadre de ses fonctions, comme dans celles du sénat de Turin – aux séances duquel il indique aussi avoir assisté du temps de ses études93. Surtout, il puise dans les recueils de décisions judiciaires dont la fortune à l’échelle européenne est alors immense : ceux de Marco Antonio Belloni (XVIe s.), Marcantonio d’Amato (XVIe–XVIIe s.) et Girolamo Magoni (1530-1593) pour les Rotes de Gêne, Ferrare, Florence et Lucques, ceux de Matteo D’Afflitto (v. 1447-1523), Antonio Capece (†v. 1535), Vincenzo De Franchis (1530-1601) et Tommaso Grammatico (†1556) pour le Conseil royal de Naples, celui de Gaspare Antonio Tesauro (1563-1628) pour le Sénat de Piémont, celui de Franciscus Vivius (v. 1532-1616) pour celui de Naples, celui de Giovanni Pietro Sordi (†v. 1598) pour celui de Mantoue, celui de Leonardo Cimino (v. 1531-v. 1593) pour la Sicile, celui de Jaimes Cancer (1520-1592) pour la Catalogne, celui d’Antonio da Gama (1520-1595) pour le Portugal, ceux de Joachim Minsinger von Frundeck (1514-1588) et Andreas von Gail (1526-1587) pour la Chambre impériale, sans compter enfin l’importante compilation intitulée Digesta novissima totius juris controversi ex omnibus decisionibus orbis universi de Giacomo Antonio Marta (1559-1629), laquelle réunit des decisions provenant de nombreux tribunaux d’Europe94.
21Pour attentif qu’il soit à ces différentes jurisprudences, compte-tenu de la nécessité de prendre en compte les spécificités qui leur sont propres, Expilly ne se sent en aucune manière tenu par elles. En matière jurisprudentielle comme en matière législative, le Parlement doit à ses yeux conserver entière sa souveraineté :
Anfin les arrets des autres parlemans, quoy que dignes de respect, et de grande consideration, n’obligent pas celuy-cy à les suivre, par necessité. Aristide l’orateur a fort bien dit au comancement de l’orézon, qu’il a fette contre Platon, pour la Retorique, qu’il ne faut s’arreter à l’avis de ceus, qui ont jugé autresfois d’une afére, an sorte que sur pareil sujet on ne puisse être de contrére avis, si on reconoit le droit, et la rézon tourner de ce côté-là. Ce qui a êté remarqué an la premiere partie de ce livre, au plédoyé 27 n. 3195.
22L’arrestographe peut donc comme le fait l’avocat dans ses plaidoyers user des précédents judiciaires à sa guise, en fonction des cas d’espèces et des perspectives qu’il entend servir. Sur une question concernant la légitime, désireux de couper court à toute controverse doctrinale, il accumule ainsi des arrêts et « decisions formeles » issus de la plupart des grandes cours européennes96, prenant aussi la peine de réfuter les arrêts allégués par la partie adverse en soulignant les circonstances particulières qui ont pu présider à l’édiction des uns ou en s’étonnant du « mouvemans des juges » qui a pu inspirer le dernier d’entre eux, provenant du parlement de Grenoble97.
23En toute hypothèse, Expilly recommande la plus grande précaution dans le recours à la jurisprudence des arrêts, citant à nouveau la règle non exemplis sed legibus pour en appeler à une analyse critique des décisions judiciaires, fondée sur des sources authentiques, comme il le relève en évoquant l’incertitude qui plane sur certains textes recueillis de seconde main, non confirmés par les registres de la Cour98. Particulièrement réservé à l’égard des arrêts « n’êtans fortifiez de loy, ny d’aucune autorité, ou doctrine », qu’il juge partant « fort suspets »99, il se montre ainsi pour le moins réticent à l’égard de la jurisprudence établie « an païs coutumiers »100. Si les arrêts du parlement de Paris sont eux aussi « des oracles », « ne se deliberant an cete compagnie, et autres de pareille autorité, que çhose bien et meuremant pesée et considerée »101, s’ils « servent de loy », « specialement »« ceus qui sont prononcez an robes rouges », c’est, note-t-il, « an cas pareil », et « au ressort dudit parlemant ». Bien que l’autorité de ce parlement soit si grande, « et peze si justemant toutes çhoses à la balance, qu’il faut croire, que ces arrets n’ont point êté fets sans grandes et puissantes rézons », il considère que cela relève d’une pratique différente de celle ayant cours dans les parlements où le droit écrit est observé : « Tout cela neantmoins êt fet gallica praxi »102. Dès lors, comment s’en étonner : dans l’ordre juridique privilégié par l’arrestographe de Voiron, les coutumes n’occupent qu’une place pour le moins restreinte. Si elles ne sont pas totalement absentes de son recueil d’arrêts, force est de constater qu’elles s’y font fort discrètes, et qu’elles y jouent un rôle d’autant moins évident à saisir qu’Expilly peine manifestement à appréhender la coutume comme un concept juridique clair, envisageant plutôt cette dernière comme un usage, une pratique ou des traditions de natures diverses.
24Le terme de coutume, en effet, est utilisé pour désigner des normes aussi différentes que la technique de la récusation des juges (qu’il estime suivant Panorme introduite non seulement « par la faveur du droit écrit et des jans : mais aussi du droit de nature »)103, d’anciennes coutumes romaines en matière matrimoniale104, des « coutumes générales » propres à l’Église105, comme encore des usages contemporains dont le caractère contraignant ou l’origine ne sont pas précisés, à l’instar des harangues faites par les avocats en faveur des criminels présentant des lettres de grâce106.
25Les allusions faites aux normes coutumières françaises s’avèrent en règle générale assez vagues, et fort imprécises107. Alors qu’il prend toujours soin de quoter assez précisément ses évocations du droit et de la doctrine savante, Expilly ne renvoie guère à l’existence de coutumiers dont les éditions étaient pourtant fort nombreuses depuis le XVIe siècle108, allant parfois jusqu’à faire totalement l’impasse sur les sources coutumières à sa disposition. Sur la question du droit d’avenage, pourtant traité en maintes coutumes (Blois, Anjou, Maine ou Dunois), il ne mentionne aucun des textes qui auraient pu lui servir de référence et se contente de renvoyer sur un point annexe à ses Plaidoyez109 ; sur « le Statut de Toulouse, et coutume (qu’on apele gardiage) », il reste laconique110 ; sur des questions testamentaires, faites « selon les coutumes du pays », il donne la « raison » d’un arrêt en s’en référant à la doctrine111, et s’en tient à l’autorité de certains commentateurs ou arrestographes ainsi qu’aux ordonnances royales112 ; sur la matière des fiefs, qu’il sait « conduite par la coutume » mais traitée « diversemant, selon l’uzage des lieus et provinces », il cite la doctrine, la jurisprudence et les ordonnances113. Lorsque, tout à fait exceptionnellement, en une affaire portant sur des armoiries, il mentionne un arrêt dans lequel la cour grenobloise juge, note-t-il, suivant la « coutume generale de France », il renvoie en premier lieu à Tiraqueau, Chasseneuz et Ulisse Aldrovandi (1522- 1605)114. Et une autre occurrence de l’expression, dans le cadre d’une cause relative à la prescription trentenaire des rentes en Dauphiné, montre à quel point la signification portée par le terme de coutume s’avère sous sa plume fluctuante, et complexe, puisqu’Expilly y relève chez Bohier (Decis. 336) « que par la coutume generale de France, l’opinion de Bulgarus êt suivie »115.
26Lorsqu’il est amené à évoquer les coutumes et les spécificités du Dauphiné116, Expilly cherche de la même manière, et autant que possible, à rattacher en premier lieu les normes en question à des textes de nature législative, doctrinale ou jurisprudentielle. Cela lui est évidemment aisé lorsqu’il peut s’en référer aux « lois formeles du droit écrit, dont on uze an Daufiné », ou le cas échéant à toute loi « expresse », explicitement dérogatoire, « qui dispose et ordone le contrére »117, à l’instar du Statut delphinal118, des ordonnances locales telles l’ordonnance d’Abbeville119, de l’édit de Chateaubriand120, des ordonnances et du style de la Cour121, voire des arrêts précédents du parlement de Grenoble sur les questions posées (ainsi par exemple sur les questions de fideicommis ou les criées122). À défaut, il lui arrive de renvoyer à la jurisprudence et notamment aux arrêts de Gui Pape attestant « la coutume de ce païs de Daufiné », ainsi sur les « excez fait à un serjant »123. Il cherche aussi à établir lorsqu’il le peut des parallèles entre les « coutumes » dont il traite et d’anciennes normes romaines. S’opposant à la « coutume » consistant à faire des remontrances et éloges pour ceux qui presentent des lettres de grâce, récemment appliquée au parlement de Grenoble, il rappelle qu’une ancienne « coutume » romaine analogue a autrefois été abolie par Pompée, avant d’évoquer que l’édit de Villers-Côterêts va également dans ce sens124. Traitant des abus portant sur la « coutume » en vigueur « an la vile de Grenoble, et an quelques autres de Daufiné (je ne sçay, si elle êt point ailleurs) », concernant les habits portés aux pauvres pour certaines cérémonies funèbres, il mentionne les règles ayant mis fin à des excès similaires à Rome, suggérant par le parallèle l’issue qu’il souhaite voir adopter par la Cour125. Parfois enfin, il semble réduit à faire des allusions générales à « l’uzage et coutume du païs de Daufiné »126.
27Ailleurs le terme de coutume est encore employé pour désigner des traditions dont la nature juridique demeure manifestement douteuse, ainsi dans ce passage inspiré de Plutarque et tiré de Guevara, dans lequel se trouve rapportée la question posée par Ptolomée aux sept ambassadeurs venus le visiter aux fins de savoir « lequel de leurs royaumes ou de leurs republiques estoit la mieux gouvernée » et ainsi quelles étaient « les trois loix, ou les trois coustumes, ou les trois conditions qu’il estimoient les meilleures de leur Estat » :
L’ambassadeur romain dit qu’à Rome les tamples êtoient fort honorez, les magistras bien obeïs, et les méchans bien punis. Le Cartaginois, que chez eus les nobles ne cessent de combatre, le peuple de travailler, et les filosofes d’anseigner. Le Sicilien dit, qu’an son isle on y fait justice, qu’il se negotie franchemant, et que l’egalité y êtoit gardée. L’Atenien dit que chez eus on ne soufroit aucune partialité antre les riches, que le peuple fut oisif, ny les magistras ignorans et niaiz. Le Lacedemonien, qu’an leur vile ne regnoit ny ambition, ny avarice, ny oisiveté. Le Sicionien dit, qu’an leur Etat on ne retenoit aucun étranger qui aportat nouveauté, ny medecin qui tuat les sains, ny avocas qui plaidassent. Et le Rodien dit, qu’an leur ile les vieillards y êtoient honetes, la jeunesse vergnoigneuse, et que les fames y parloient peu127.
28Négligeant la conclusion initiale de l’extrait128, Expilly ne s’y intéresse que pour traiter de la babillardise des femmes, ajoutant sur ce point divers commentaires inspirés du Cantique des cantiques, de Plutarque, Plaute, Bérolade, Apulée, ainsi que l’évocation d’une coutume des peuples de Haute-Guinée qu’il a lue dans l’Histoire des Indes orientales du jésuite Pierre Du Jarric (1566-1617)129 :
On raporte qu’an la Haute Guinée an Afrique il y a des peuples qu’on apele Buramos, qui habitent le long de la riviere de Jarim, autremant de Saint Dominique : là les fames pour s’acoutumer à n’être babillardes, prenent de bon matin une bouchée d’eau, et la tiennent an la bouche, tandis qu’elles s’ocupent au service necessaire de la maison, jusques au diner, et pour ne la jeter dehors elles ne parlent point130.
29Reflétant une mysogynie de bon aloi parmi les jurisconsultes de la Renaissance, l’anecdote montre bien la pluralité que lui inspire la coutume. Elle révèle aussi l’intérêt porté par Expilly à l’endroit de coutumes provenant de pays « orientaux » et contemporains, intérêt que l’on retrouve dans un autre arrêt portant sur le droit de sépulture, dans lequel, après avoir évoqué sur ce point « l’anciene coutume de Marseille », il fait allusion à la grande diversité de règles et à la bibliographie relative à « la façon et cerimonies d’ansevelir les mors, et des diverses coutumes des peuples, tant anciens, que modernes ». La liste des auteurs dont il a vu les œuvres en dit long sur la curiosité que suscite en lui cette question comme sur le soin qu’il prend à actualiser ses connaissances en la matière par la lecture des récits et ouvrages relatifs aux grandes découvertes, bien qu’il prenne soin justement de ne pas consigner dans ce passage « les historiens et geografes, qui ont fét description des royaumes, Étas, et dominations diverses de plusieurs peuples, et nations, et de leurs meurs, et coutumes, où ils n’ont pas oublié celes d’ansevelir les mors »131.
30Illustrant l’intérêt manifesté par Expilly à l’égard des rites funéraires, ce passage éclaire le goût tout particulier qui est le sien à l’endroit des traditions, juridiques ou non, des peuples de toutes nations, antiques ou modernes. Celui-ci certes ne perce que très marginalement dans ses Arrêts, où les coutumes, bien qu’envisagées de manière polysémique, constituent la portion congrue de l’argumentation juridique, loin derrière le droit romain, la doctrine savante et l’arrestographie qui constituent pour l’auteur de véritables refuges. Mais il se révèle avec force dans les Plaidoyez, favorisé par le genre et la nature même de l’exercice oratoire qui s’y déploie. Au point d’entraîner un changement de paradigme dans l’appréhension des phénomènes normatifs.
II – Diversité, « mythologie » et évolution des coutumes dans les Plaidoyez
31Dans les Plaidoyez, la culture qui perce déjà dans le recueil d’arrêts de Claude Expilly se trouve décuplée. Alors que prévaut encore au Parlement un style oratoire imprégné de la rhétorique des citations132, la nature de l’œuvre favorise l’expression des curiosités intellectuelles manifestées par l’auteur dès son jeune âge133. Le choix des plaidoyers y a du reste été manifestement réfléchi. Plusieurs portent sur des questions récurrentes de l’activité des parlements d’Ancien Régime134, ayant déjà donné lieu à diverses publications135. Certains ont été prononcés lors d’audiences spéciales du Parlement, données en présence de délégations étrangères136. Certains s’avèrent aussi particulièrement polémiques, à l’instar des « tres humbles remontrances au roy […] sur le procez intanté par le tiers état, contre la noblesse dudit païs » par lesquelles Expilly répond aux demandes du tiers état relatives à la réforme de la taille, « paroles execrables, indignes d’être ouyes, et dignes d’un fer chaud »137. D’autres encore relèvent de l’activité qu’il exerce de 1604 à 1616 en tant qu’avocat général requérant l’entérinement d’édits royaux importants, tel le plaidoyé portant sur l’édit des duels du 13 juillet 1609138. Dans ces différents plaidoyers l’argumentation de l’auteur fait l’objet d’un report très complet, selon une méthode éprouvée consistant à traiter une question en recherchant, comme il l’explique sur la question des fiefs, « la source des fiefs, leur nature, leur sujet, et leur êtat, ou coutume, selon laquelle on s’y conduit aujourd’huy en ce païs »139. La publication accompagnant son ascention au parlement de Grenoble comme à la Cour140, les plaidoyers ne figurent pas là tels qu’ils ont été réellement prononcés à l’audience. Dès la première édition, en 1608, de l’aveu même d’Expilly, le texte en est « elevé et grossi » pour être rendu plus digne d’obtenir les faveurs du chancelier Nicolas Brulart de Sillery (1544-1624) qui venait de succéder à Pomponne de Bellièvre141, et le volume sera jusqu’à son décès retravaillé et augmenté142. L’éloquence de l’avocat plaidoyant se déployant là plus à son aise que le raisonnement de l’arrestographe commentant les décisions du parlement de Grenoble, ces pièces font une plus large place aux coutumes et usages qu’il qualifie de coutumiers. Et Expilly s’y montre plus disert en la matière, alléguant non seulement des coutumes du royaume mais aussi des normes et traditions venues d’ailleurs, et notamment du Nouveau Monde, non pas à titre purement « ornemental », mais bel et bien dans le cadre d’une argumentation juridique soigneusement réfléchie, incluant l’analyse des raisons et de l’évolution des coutumes.
32Rédigés à l’occasion de plaidoiries prononcées au parlement de Grenoble, ces Plaidoyez font naturellement place à un certain nombre de règles et spécificités propres à la province ou à l’institution143 que Claude Expilly est appelé à défendre dans le cadre de ses fonctions. On l’y voit plaider en faveur du « privilege special, que le droit et la coutume donne à la noblesse en Daufiné », selon lequel les « fermiers, grangers, et metayers (come on les apele) ne payent aucune taille, pour les biens et fruits du jantil-home, qu’ils tienent à ferme, ou cultivent à moitié »144 ; soutenir la thèse selon laquelle, en droit, suivant la « coutume de ce païs », le seigneur dominant peut prescrire le fief immediat145 ; prôner la « coutume generale de France gardée an Daufiné » selon laquelle « meubles an hypoteque n’ont point de suite »146 ; souligner encore qu’en matière de fiefs, bien que cette « coutume » soit générale en France, où elle fut « apportée » par Charlemagne, des règles spécifiques sont là en vigueur, l’opposition restant en la matière marquée entre les « diverses coutumes locales de France, et sur l’autorité des practiciens coutumiers », et le droit commun en usage en Dauphiné147.
33L’idée de coutume est par ailleurs régulièrement évoquée pour renvoyer à des usages, modes ou autorités consacrés par le temps et pour la plupart en vigueur dans le royaume. Il s’agit de la coutume de Champagne, « qui dure ancor » disposant que « le vantre anoblit »148, de la coutume « si sainte et utile », prenant la suite des lois romaines, relativement à l’enregistrement des naissances, qui a inspiré l’ordonnance de Villers-Cotterets (art. 51) et l’ordonnance de Blois (art. 181) avec l’institution des registres de baptèmes149, de la coutume romaine de bailler caution par le père de la fille « nomine dotis »150 de l’« invantion et la coutume » de parler des choses grasses151, de la coutume generale de France selon laquelle « l’Autantique licèt, et la loy si qua illustris, sont abrogées »152, de « la coutume de France » selon laquelle « le batard êt incapable de succeder aus biens de pere et mere »153, d’un jugement fait « selon la coutume de Venise »154, de la coutume du Parlement, qui « ne leve jamais la balance, que le contrepois n’y soit, et que les raisons de toutes les parties n’ayent êté deduites, et bien antanduës »155, de « la coutume des fiefs »156, de la « coutume des duels », déjà en usage sous les « les anciens François » et alors « si bien receuë, que méme par l’autorité des princes souverains, et de leurs oficiers elle êtoit pratiquée »157, de la coutume réglant « le fait des dîmes »158, ou de celle tendant à faire peser la charge de la réparation des paroisses sur les paroissiens contre les dispositions du droit canonique portant que les seuls ecclésiastiques percevant les dîmes ou les fruits des bénéfices pouvaient être contraints à ces réparations159.
34Attentif, dans le cadre de ces allégations souvent sommaires, au fond des normes évoquées, il révèle un intérêt marqué à l’égard de leur origine et de leur histoire, se livrant à diverses spéculations en la matière. Sur certaines questions, il recourt aux textes coutumiers pour donner des précisions terminologiques ou grammaticales, ainsi sur les tonlieux160 ou la leyde161. Il fait montre de curiosité à l’égard de coutumes désormais désuètes, comme l’ancienne coutume « de festiner », qu’il croit possiblement venue d’anciennes traditions grecques (la dîme offerte à Hercule)162, ou encore la peine d’essorillement qu’il sait avoir été pratiquée chez les Gaulois puis au Moyen Âge comme il l’a lu chez César, dans les « nouvelles chroniques » et additions de Monstrelet (mais sans indiquer aucun coutumier ni aucune loi alors que jusqu’au début du XVIe siècle les rédactions de coutumes incluaient encore l’essorillement, tout comme plusieurs textes royaux)163 et qu’il cherche à expliquer164. Il mentionne que de son temps, en Béarn, « le peuple tient que c’êt une grande meçhanceté de tuer un veau, pource qu’il doit un jour labourer la terre », chose qu’il trouve conforme à la loi ne quis vitulorum carnibus vesceretur, utilitati agriculturae providens de l’empereur Valens165. Il montre enfin une curiosité inédite à l’endroit des règles formelles liées à certaines coutumes, telles celles ayant trait à l’usage des clés, évoquant notamment les formes prises par la renonciation à la communauté, ou celles exigées en cas de répudiation d’héritage :
An plusieurs androis de France, par la coutume, quand le mari êt decedé, la fame, voulant renoncer à la communauté, met sa ceinture, sa bourse et les clefs sur la fosse du trespassé, ou antre les mains de la justice, come on peut voir au grand coutumier. An l’an 1404, Filipes le Hardy duc de Bourgongne, êtant decedé à Hal en Hainaut, fut conduit an Bourgongne par Arras : où êtant, la duchesse Marguerite de Flandres sa fame renonça à ses biens meubles, pour la doute qu’elle ne trouvat de trop grans detes, an metant sur sa presantation sa ceinture, avec sa bourse, et les clefs, come il êt de coutume : et de ce demanda instrumant à un notaire public, qui êtoit là presant. Ainsi le dit Monstrelet au premier livre de ses Chroniques, çhap. 17, Paradin au livre 13 des Annales de Bourgongne souz l’an 1404 et Pontus Heuterus lib. 2 rerum Burgundicarum an parle ainsi : Cumque rei familiaris statum magno aere alieno gravatum Margareta reperisset, ne à creditorius vexaretur, matronales feretro claves, cingulum, marsupiumque, secundum regionis leges, imposuit. Autrefois an ce païs quand on repudioit un heritage on metoit les clefs souz la porte de la maison d’habitation du defunt, dont le proverbe nous êt demeuré, qui ne voudra l’heritage, qu’il mete les clefs souz la porte166.
35Distinguant ces différents rites, il cherche à en comprendre les raisons, déduisant de divers textes de droit romain ou d’Artémidore que « les clefs sont invantées ad custodiam », pour la « garde et seureté » et qu’ainsi, par la tradition des clés on transfère la possession, ce dont il donne de nombreux exemples, français, mais aussi espagnols, italiens, et turcs167, accumulant les références comme il le fait dans la plupart de ses autres plaidoyers à propos de nombreuses coutumes et traditions étrangères.
36Car c’est une connaissance tout à fait exceptionnelle des mœurs et des coutumes de contrées extérieures au royaume, et même, de territoires récemment découverts que révèlent ces Plaidoyez. Cette connaissance s’inscrit logiquement dans le cadre du déploiement du savoir du jurisconsulte humaniste168, illustrant la curiosité presque insatiable qui caractérise ce dernier, comme dans le cadre du développement de ce que l’on a pu qualifier de regard « exotique » sur ces civilisations169. Elle illustre cette rhétorique des citations qui se nourrit comme dans les Arrêts d’innombrables références savantes, mais qui se trouve ici bien davantage nourrie d’extraits tirés de la littérature classique170. Elle trouve sa place dans les plaidoyers un peu à la manière dont les mirabilia venus des Nouveaux Mondes avaient depuis les années 1550-1560 pris place aux côtés des raretés et prodiges de la nature sur les étagères des plus riches cabinets de curiosités et chambres des merveilles de la Renaissance171. Elle n’en reste pas moins exceptionnelle au regard des pratiques des auteurs de plaidoyers contemporains172, et ceci d’autant plus qu’elle joue là un rôle tout à fait central, tant Expilly insiste, quasiment dans chacun de ses plaidoyers, pour évoquer ces mœurs et coutumes avec des perspectives qui sont loin d’être là seulement « ornementales ».
37Cette présence de coutumes étrangères, sinon « exotiques », dans ce volume se dévoile dès le premier plaidoyer, lequel porte sur la question de savoir « Si une damoiselle de race, véve d’un docteur et avocat non noble d’extraction, mais qui jouissoit d’examtion de taille durant sa vie (decedé avant l’arret du roy, du 15 d’avril 1602) retient sa qualité de damoiselle »173. Plaidant pour cette dernière, Expilly accumule en effet les exemples de normes tendant à reconnaître à la mère un rôle premier dans la transmission de la noblesse. Développant l’idée que la preuve naturelle de la filiation est très difficile, voire impossible à faire (11ème point de l’argumentation), il donne l’exemple suivant, trouvé dans l’œuvre du Portugais Jeronimo Osorio (1506- 1580)174 :
A ce propos Osorius en l’Histoire de Portugal, livre 2 dit que les Naires, jantis-homes de Calecut, font toujours heritiers les anfans de leurs seurs, et non les leurs, pource qu’ils ne savent si ceux que leurs fames leur ont faits sont à eux, et ils sont au moins asseurez que ceux de leurs seurs les touchent de ce coté-là175.
38Poursuivant le débat sur les difficultés de prouver la filiation comme la noblesse, puis sur diverses questions liées au cas, il s’interroge plus loin sur la femme noble et (23ème point de son argumentation) montre que « Noblesse parmy quelques peuples se tire du coté maternel », accumulant les exemples et évoquant, outre la référence précitée à la coutume de Champagne, diverses anecdotes relatives à d’anciens Romains, au roi des Parthes Artabanus, ajoutant des exemples venus des Lyciens, Xantiens, Locres, des peuples d’Ilion, de Delphes et de Pont, les habitants de certaines îles fréquentées par les Phéniciens, comme encore, pour en venir aux temps présents, l’évocation des règles en vigueur à Louvain qu’il a trouvées chez Juste Lipse (1547- 1606), ou celle lue dans les Voyages du marchand breton François Pyrard (v. 1578-v. 1623)176 sur les îles Maldives :
Aux iles des Madines les fames nobles, quoy que mariées à persones de condition inferieure et non Nobles, ne perdent leur rang : méme les anfans qui an sortent sont nobles, par le moyen de leur mere, bien que leur pere fut de vile condition177.
39Ce n’est que fort de cette universelle démonstration qu’il en vient pour finir aux moyens précis par lesquels il espère obtenir la réintégration de son statut initial par sa plaignante.
40Dans les textes suivants, de tels parallèles sont presque systématiquement reproduits. Un plaidoyer portant sur l’exécution du contrat signé par un horloger, prétexte à un débat sur les techniques, les origines et l’histoire de l’horlogerie, amène Expilly à comparer l’ancien usage romain, more romano, qui « l’amporte parmy nous, parmy les Alemans, Espagnols, Anglois, et tous les Occidanteux et Septantrionaux », sur d’autres pratiques en vigueur chez les Athéniens, Juifs, Babyloniens ou Ombriens178. La question de la validité d’une gageure est l’occasion d’évoquer les différentes formes prises par ces dernières depuis l’antiquité et à l’échelle universelle, en mentionnant au passage les combats de coqs pratiqués par les Anglais attestés par le docteur Andrés de Laguna (1499-1559) et les usages relatés par Olaus Magnus (1490-1558)179 et Antonio de Torquemada180 à propos d’une province appelée « Scrifinnia » où « les habitans sont fort adroits à monter sur les sommitez des montagnes chargées de neige, avec certains bâtons », et « font cela par gajeure antre eux, artis magisterio contendentes »181. Un cas incluant un précepteur donne lieu à d’importants développements sur la « coutume loüable des anciens de donner des gouverneurs à la jeune noblesse », le rôle de la fidélité et le respect dûs aux maîtres par leurs disciples, dans lesquels l’évocation de l’amour porté par Bartole à ses élèves précède le récit de l’adoration vouée aux précepteurs à Calecut ou aux îles Maldives d’après les relations de Fernão Lopez de Castanheda (v. 1500-1559) et Pierre Du Jarric182. Une affaire relative à « l’otroy des letres de marque et represailles, de la contrainte solidaire, et du privilege du bétail de labourage » donne lieu à l’allégation d’innombrables traditions révélant à quel point, pour un grand nombre de peuples antiques, médiévaux ou modernes (Israëlites, Athéniens, Égyptiens, Frigiens, Romains, Indiens, Troglodytes, Scythes, Turcs), « ce sont choses come sacrées, que le betail et instrumans aratoires »183. Entre toutes les anecdotes ici rapportées plusieurs peuvent être relevées : celle, ci-dessus mentionnée, relative aux croyances encore en vigueur en Béarn concernant les veaux ; celle lue chez Jan Harmensz Van Bree (†1604)184, disant qu’« an l’ile de Zeilon, an l’ile de Sumatra, aus Indes », « c’est chose execrable de tuer et manger un beuf » ; celle lue chez Plutarque concernant les immolations pratiquées à Rome où « c’êtoit la coutume aus triomfes d’immoler des beufs »185 ; celles relatives aux déifications du bœuf pratiquées par les Égyptiens à Memphis ou au royaume de Malabar en l’Inde orientale selon Marco Polo (1254-1324)186 ou Pierre Du Jarric ; comme enfin le récit de la cérémonie du bœuf roti en usage chez les Scythes en matière d’insultes, trouvé chez Lucien :
Chez les Scytes, dit Lucian an son Toxaris, quand quelqu’un êtant ofansé d’un autre, desire de s’an vanger, il immole un beuf, l’égorge, et fait cuire la çhair an petis morceaux : puis étandant an terre le cuir s’assied dessus, metant les mains derriere le dos, qui êt une façon de suplication fort humble : la çhair du beuf an morceaus êt là presantée à qui an veut : ceus qui an prenent marchent du pied droit sur le cuir, s’oblijant par là de luy preter, nourrir, et soudoyer, qui cinq, qui dis, qui plus d’homes armez à cheval, où à pied : celuy qui êt pauvre se promet soy-méme, dont bien souvant se dressent de grosses armées, et d’avoir marché sur le cuir, vaut autant que jurer solennellemant187.
41L’intérêt prononcé attesté par ce plaidoyer à l’égard des cérémonies sacrificielles, des rites symboliques et du rôle du sacré en matière politique et juridique se retrouve dans un autre texte à propos de l’« adoration du bouc » pratiquée par divers peuples, suivant Hérodote, Strabon, Diodore de Sicile ou Maxime de Tyr188. Mais, de fait, les exemples du goût montré par l’auteur à l’endroit des coutumes, usages et traditions de tous genres, et de toutes origines, pourraient être multipliés à l’envi, tant Expilly cherche, dans ces plaidoyers, à situer les normes dont il traite dans des perspectives temporelles et géographiques dépassant systématiquement le temps présent et les frontières du royaume, qu’il s’agisse de commerce189, de temples190, de tailles191, de fiefs192, de châtelains193, de galères194, de duels195, d’impositions196 ou encore de trésors, ultime occasion dans ce recueil d’évoquer des rites funéraires, en l’occurrence ceux concernant l’ensevelissement des seigneurs et rois du Pérou qu’il sait rapportés par le Milanais Girolamo Benzoni (né en 1519), le conquistador espagnol Piedro Cieza de Léon (1518-1554), mais qu’il a également pu connaître par le livre des Funérailles de Claude Guichard (1545-1607)197.
42Ce faisant, Expilly ne se contente pas seulement de rapporter des éléments lus ou trouvés chez d’autres auteurs. Ici et là il apporte des compléments d’analyse, voire se livre à des tentatives d’explications de ces rites qui le fascinent, comme il le fait à propos des coutumes françaises. Ainsi, lorsqu’il évoque l’usage des serrures et des clés dans diverses sociétés, de leur invention et des premiers témoignages que l’on en a à partir d’Homère, relève-t-il, outre leur signification et les formes prises par la traditio en la matière, l’importance de certains textes non évoqués sur la question par Cujas et Amyot pour discuter leur opinion, alimentant le débat en rectifiant un élément de ponctuation du grec qui appelle une nouvelle interprétation des sources198. Ainsi, dans l’affaire d’oreille coupée, se lance-t-il dans d’importants développements sur l’oreille, signé de liberté, brûlant manifestement de rapporter l’ensemble des traditions non seulement ornementales mais aussi juridiques, et notamment pénales, liées à cet organe, évoquant en particulier la coutume consistant à tirer les oreilles d’une personne pour faciliter la mémorisation d’un événement et multipliant les exemples attestant de la gravité des mutilations portant sur l’oreille, exemples surgis de l’histoire antique ou moderne mais aussi des pratiques que Jan Harmensz Van Bree lui a appris être en usage « au royaume d’Achein, qui êt an l’Isle de Trapobane aujourd’huy dite Sumatra »199. Ainsi à propos des rites de passages, notamment athéniens, qui le captivent, réfléchissant au rôle et à la symbolique des cheveux dans différentes civilisations, cherche-t-il à donner la « Raison ou mythologie de cet coutume » avec des analyses tout à fait étonnantes d’un point de vue anthropologique :
[2. Raison ou mythologie de cete coutume]. Nous croyons que le poil, sortant de la teste, au dessuz et autour du cerveau, êt pris pour l’antandement : la mytologie s’an void chez Homere, au premier de l’Iliade, où il est dit que Minerve print Achille par les cheveus […] c’êt à dire, la raison entra dans le cerveau, dans l’antandement d’Achille. Les jeunes jans donc, come ils sortoient d’anfance, qu’ils commançoient à devenir capables de raison, ils portoient à Phoebus les premices de leurs cheveus, c’êt à dire le symbole, la figure de la conoissance, qu’ils prenoient de la raison. Nous sçavons bien qu’Eustatius sur le passage sus alegué du 23 de l’Iliade, et après luy Claude Guyçhard au second livre des funerailles des anciens, çhap. 6, l’explique autremant, disant que c’êt pour marquer que l’être de tout ce qui prand nourriture au monde, vient de la chaleur et de l’humidité, raportant le chaud au soleil et l’humidité aux fleuves. Le sieur de Sponde sur le méme passage, dit qu’on fézoit cet honeur à l’eau, comme à la mere de la nourriture, conservant la vie, alimoniae parenti, vitaeque conservatrici. Mais nôtre explication samble aprocher de plus pres au sans d’Homere200.
43Pour la plupart des biographes et analystes qui se sont à ce jour penchés sur ces Plaidoyez, ce que de tels passages révèlent, c’est une « érudition aussi vaste qu’indigeste », l’empreinte « du mauvais goût, de la froideur et de l’absence complète d’inspiration », un « étalage pédantesque d’érudition », des « divagations savantes et bouffonnes », des « digressions oiseuses », « savantes mais quelque peu ridicules dont l’abus devait tant exciter la verve mordante de Racine dans les Plaideurs »201. Certes, il faut reconnaître que, comme en l’espèce, ce type de commentaires paraît intervenir dans les plaidoyers de manière pour le moins abrupte, le lien avec le problème juridique à traiter s’avérant a priori plus que ténu, puisque l’auteur se plaît ici à s’interroger sur les rites initiatiques portant sur la chevelure, alors qu’il est question d’une affaire portant sur le paiment de la dîme du pastel, simplement parce que l’avocat adverse plaide pour la première fois, et qu’Expilly voit dans cette première plaidoirie, comme il l’écrit aux juges, le fait que ce jeune docteur,
vous aporte les premices de ses cheveux, c’êt à dire de son esprit, et les consacre à vos piez, dans le tample de Temis, à vous qui Dii estis selon le Psalmiste, et qui êtes les vrais sacerdotes de la justice, qui justitiam colitis, ainsi que dit Ulpian an la premiere loy des Digestes202.
44Il faut reconnaître aussi que l’auteur lui-même semble à l’occasion prendre acte de la superfluité de certains de ces développements, indiquant après y avoir sacrifié souhaiter revenir à l’histoire et aux traditions françaises « sans aller si loin chez les Etrangers »203, sans vouloir, comme il l’écrit encore, « perdre la Tramontane »204. Mais ne nous y trompons pas. Les références aux rites initiatiques permettent à l’auteur d’insister sans en avoir l’air sur la jeunesse de l’orateur adverse, d’insinuer que son inexpérience induit des faiblesses dans son raisonnement comme dans sa plaidoirie. Les assertions tendant à recentrer l’argumentation sur les normes françaises sont énoncées, opportunément, pour couper court aux moyens contraires avancés par ses adversaires. Et force et de constater que même lorsqu’il semble avoir perdu le lien avec son propos initial et le cas à traiter, évoquant telle ou telle tradition de tel ou tel peuple obscur ou éloigné, ses allégations s’inscrivent en réalité à dessein dans le cadre d’un discours savamment construit, et toujours finalisé, intervenant directement ou indirectement fort à propos pour soutenir et illustrer les thèses qu’il cherche à défendre.
45La logique suivie par Expilly est en réalité bien souvent la même : la démonstration de l’antiquité et de l’universalité d’une norme contribue en effet à asseoir sa légitimité. Tous exemples antiques ou modernes peuvent à ces fins servir de « préjugez » pour contribuer à « vuider » la controverse et servir son argumentaire205. Et ceux provenant du Nouveau Monde contribuent à lui donner une assise géographique tout à fait inédite. L’accumulation des faits historiques et coutumes reconnaissant à l’échelle universelle un rôle à la femme dans la transmission de la noblesse va dans le sens de la défense de la demoiselle noble désireuse de retrouver après le décès de son mari roturier sa qualité première206. L’attestation de la reconnaissance des gageures non seulement « en nos loix et chez les jurisconsultes », mais aussi via un usage « reconu an tout tams, et an toute nation », même chez les Indiens, habitants de la province appelée « Scrifinnia », lui permet de plaider la validation d’une gageure207. L’évocation détaillée et argumentée du caractère sacré du bœuf, d’innombrables traditions sacrificielles et juridiques à l’appui, l’aide à expliquer le droit qui lui est applicable208. Le récit de pratiques propres à la Haute-Guinée conforte sa condamnation du duel209. Son insistance sur la sévérité des châtiments portant sur les oreilles, la haute fonction symbolique et juridique reconnue à ces dernières par de nombreuses civilisations doit convaincre les juges de punir lourdement celui qui a mutilé l’organe de son client210. Le rôle attribué aux clés et serrures par la très grande majorité des peuples du monde lui permet d’insister sur la gravité d’un cas de contrefaçon, tant « le crime êt d’importance, et digne de chatimant »211. De plus de sens se trouve la notion de « feu » qu’il trouve corroborrée par le récit des tractations passées entre le frère de Christophe Colomb et le roi de Xaraga Anachancoa212. De plus de poids se montrent la jurisprudence et les lois qu’il sait conformes à ce qui s’« use » en Italie, Espagne, voire aux Indes orientales213.
46Dès lors, et bien que l’utilisation de ces référents s’avère pour le moins variable, Expilly passant toujours rapidement sur ceux qui peuvent parfois rompre l’harmonie de ses démonstrations214, il faut souligner à quel point la multiplication de ces exemples venus d’ailleurs donne le sentiment que ce jurisconsulte évolue dans un monde qui n’est plus désormais, loin s’en faut, recroquevillé sur la vieille Europe. Un monde pluriel. Non seulement au plan géographique mais aussi au plan juridique.
47Bien sûr sensible à la théorie des climats215, Expilly comprend d’autant mieux les différences présentées par les coutumes, traditions et normes des différents peuples que ces derniers s’avèrent éloignés216. Même lorsqu’il rapporte des traditions contraires à ses sentiments ou aux normes qu’il défend il n’est que rarement critique à l’égard des civilisations qu’il évoque. Certes, influencé par ses lectures comme par les lieux communs de son temps, il continue de véhiculer une image stéréotypée de certains peuples. Zélés à l’égard de la religion, « vaillans et belliqueux », dont les gestes se peuvent égaler « aus plus fameuses nations de la terre », les Juifs sont un peuple « farouche, non sociable » ; pour s’être peu ouverts au « trafic » et aux communications nées du commerce, ils ont vu leur nom « demeuré ansevely dans les tenebres »217. Les Lombards sont également une « nation farouche et sauvage » ayant les premiers fait des lois sur le duel218. Surtout, les Turcs, « excellans ouvriers en cruauté », représentent pour lui un « peuple de bronze et de fer, anjance et rejetons des Scytes, dont les barbares meurs et la cruauté n’égale pas, mais surpasse celle des Lestrygons, Cariges, Cafres, et des peuples les plus decriés »219. Ces remarques mises à part, Expilly ne manifeste aucun jugement de valeur à l’endroit des coutumes et traditions qu’il rapporte. Son propos se situe ainsi aux antipodes des jugements radicaux que les Thevet, Vitoria ou Oviedo portaient alors, qualifiant les Indiens de fous, de brutaux, de bêtes sauvages voire d’animaux, de « singes des habitants des Indes »220.
48Au contraire, la connaissance et l’analyse des pratiques juridiques des peuples éloignés sert à Expilly de point de comparaison, lui permettant d’envisager en retour avec un certain recul les normes et usages français ou européens. Ainsi en est-il à propos de « la coutume » des duels. S’il n’ignore pas que ce type de pratique (qu’il tend cependant à assimiler généralement aux combats) a existé de tout temps et en toute civilisation, il voit bien que c’est en France qu’elle a pris, au XVIe siècle, une ampleur inédite :
Courez tout le monde et faites autant de chemin que la navire Vittoria, pour trouver l’abus des duëls, il faut revenir an France, il ne se trouve point ailleurs : toutes les autres nations sont calmes, on ne s’y bat qu’an tams de guerre, on ny voit point tonner an tams serein et clair La France seule êt infectée et corrompuë de ce vice et la seule Afrique n’êt mere des monstres, la France an produit plus qu’elle : et an quel tams ? et souz quelle domination ? au tams plus reposé qu’elle ait onques veu [… ]221.
49La barbarie, il en a conscience, n’est pas le propre de peuples reculés, qui peut s’insinuer dans les pratiques de toute civilisation222. Il sait que des cas d’anthropophagie ont été observés en France au moment des guerres de religion223. Il sait quelles tortures ont pratiqué les conquistadores espagnols sur les Indiens du Pérou. Ayant lu les méfaits du navigateur, explorateur, gouverneur des Indes portugaises de 1509 à 1515, Afonso de Albuquerque (1453-1515) chez Jeronimo Osorio et Fernão Lopez de Castanheda, il en analyse le comportament suivant les perspectives renversées de l’histoire du chrétien d’origine Maure Miguel de Luna224. Dès les années 1595, déjà lecteur de Montaigne, il s’insurge dans ses poèmes contre les abus de la colonisation225.
50Expilly ne saurait tolérer de telles cruautés, bien qu’il sache que lorsque l’enracinement des coutumes dans les mœurs est profond, leur évolution ou leur éradication s’avère difficile. Un passage de ses plaidoyers l’illustre à propos de la réforme de l’orthographe dont il s’est fait le chantre en suivant les tentatives de Louis Meigret (v. 1510-1558), Jacques Peletier Du Mans (1517-1582) et Honorat Rambaud (v. 1516-1586)226 :
Les premieres impressions sont mal-aisées à déraciner. Les peuples qui mangeoient leurs peres morts, abhorroient ceus qui les brûloient : et ceus qui les brûloient, abhorroient les autres, sans pouvoir être persuadez à changer de coutume, tant ele a de force sur les esprits humains : neantmoins les lois veulent qu’étant vicieuse ele soit corrigée227.
51En l’espèce, il avoue « avoir êté longuemant deceu de cete opinion, qu’il faloit suivre l’anciene ortografe ». Ne parvenant pas à imposer les changements qu’il préconise, contraint d’en rester aux usages orthographiques en vigueur, il le regrette : « mais la violence de l’usage m’amporte comme un torrant, contre mon gré […] » ; « avec regret, et par force je me suis accomodé à l’usage comun »228. Ce passage le montre cependant : il sait que les coutumes parfois peuvent évoluer et il est favorable à la « correction » des normes « vicieuses ».
52Observant que parfois « les lois vieillissent et meurent », que quelquefois elles « dorment ou se taisent », il juge nécessaire « de corriger et amander les defaus qui se sont glissez parmy les peuples » pour redonner à ces lois « leur robe de pourpre » ou au contraire les changer ou les abolir229. Au même titre que celle du droit positif qui les inclut230, l’évolution des coutumes peut être le fruit de plusieurs facteurs, et résulter du passage des ans comme de la nécessaire marche des civilisations. Le temps fait son usage : en cent ans, note-t-il en citant le De lingua latina de Varron, il emporte tout : « Tout se çhange, reçhange, et remuë an un si lon tans »231. « La disposition du temps » requiert dès lors une certaine adaptabilité, que le caractère non écrit des normes peut faciliter, raison pour laquelle Lycurgue ne voulut selon Plutarque faire mettre ses lois par écrit232. Le développement des échanges entre les peuples accroit quant à lui considérablement le changement des mœurs. Expilly s’en réjouit plus ou moins en fonction des cas d’espèces. Ayant à plaider « Sur les edits portans prohibitions et defanses du commerce aus pays du roy d’Espagne et archiducs de Flandres, an l’an 1604 », il souligne, parmi les nombreux avantages procédant des échanges commerciaux233, à quel point ceux-ci facilitent la communication entre les hommes des vertus, arts, civilités, religions, mœurs et coutumes :
[12. Les meurs, les arts, la religion s’aprenent et s’épandent par le moyen du commerce] Le commerce aporte ancore aus homes plusieurs choses fort agreables et utiles : premieremant, outre l’aprentissage que les voyageurs font des vertus, des arts et civilités étrangeres, s’habilitant aus affaires, comme Ulysse chez Homere, vers. 3 Odyss. […] traduit par Horace,
qui mores hominum multorum vidit et urbes.
Ils an raportent bien souvant des meurs et coutumes, qui s’introduisent parmy le peuple, pour le contenir an plus de devoir, de zele et d’obeissance. D’avantage, par le moyen du commerce nôtre religion chrétiene passe et s’épand aux quatre fins de l’Univers. Avant que le monde fut ouvert par le commerce, chacune nation se forjoit des creances, des religions, et des dieux à plaisir : Minutius Foelix le dit in Octavio234.
53Le « trafic libre des marchandises licites », issu du « droit des jans », tel un « bien nécessaire » nous apporte des choses et biens étrangers, nous donne l’occasion de publier les gestes des hommes valeureux, nous « apprend des mœurs », contribuant à « contenir » le peuple ou à « épandre » la religion chrétienne. Mais le « revers de la médaille » n’est pas mince qui explique le nouvel édit royal. Par le commerce s’est trouvée favorisée la propagation par les Perses et Arabes de la « superstition de Mahomet » aus îles Moluques, ainsi que la diffusion aux étrangers d’informations politiques fragilisant l’État235. Par le commerce, Expilly l’a aussi écrit dans ses Poëmes, les Européens devaient contribuer au dérèglement des mœurs des Indiens236. Ainsi conclut-il à la corruption des mœurs par le commerce :
[16. Nos meurs se corrompent par les étrangeres] D’ailleurs, bien souvant les meurs étrangeres se mélant aus nôtres, come dit Aristote liv. 7 çhap. 6 de ses Politiques, an lieu de les randre meilleures, les corrompent. Et pour cete cause Lycurgue defandit aus Lacedemoniens tout trafic et commerce avec les étrangers : ce que les rois de la Chine observent ancore à presant fort rigoureusemant, ne laissant aller aus pays étranges leurs sujets, et ne soufrant (que fort malaisémant) que les étrangers penetrent dedans leurs Etats, sous quel pretexte que ce soit : ainsi le dit le méme Leonard au livre second237.
54Considérant en définitive que : « [17. Chacune region se peut passer du commerce] », il se prononce en faveur de la mise en place d’un protectionnisme économique238. Avant de plaider en sens contraire quelques temps après « Sur l’Edit portant revocation des Edits, par lesquels le commerce êtoit prohibé aus terres du roy d’Espagne, et Archidus de Flandres »239.
55En toute hypothèse, Expilly se félicite de la disparition des coutumes iniques et soutient le rôle interventionniste du prince en la matière. La trop dure peine d’essorillement a heureusement été remplacée en France par d’autres peines, qu’il estime moins sévères, telle la flétrissure240 et les coutumes anciennes sur le duel ont été au Danemarc comme en Guinée éradiquées241. Défendant l’enregistrement du nouvel édit royal publié sur le duel le 13 juillet 1609, et bien que sachant que « l’air et l’humeur des François les porte à vivre parmy les armes : leur repos êt an l’agitation et au branle »242, il ne veut se résoudre à l’irréductibilité de ces humeurs à la raison, à l’impossibilité pour le roi de réformer cette malheureuse coutume que constitue la « fureur des duels » :
Mais quoy ? seroit-ce point que les François sont logez an un climat si intamperé, sous la planete de Mars courroucé, sous un air si chanjant et inconstant, qu’il ne puisse detramper leur bile ? Que leur humeur impatiante, impuissante, leur sang boüillant et chaud, et trop pront à la colere, assamblé et échaufé à l’antour du cœur alume des desirs de vanjance si furieus, qu’il n’y a moyen de les éteindre qu’avec le sang ? La faculté irascible de leur ame a-t-elle tant gaigné sur la raisonable ? Seront-ils du naturel et de la trampe de ces peuples, chez léquels cete malheureuse coutume êtoit tellemant anracinée, que leurs rois ne la peurent jamais arracher [… ]243.
56En l’espèce, il espère que ce nouvel édit « ne soit une toile d’airagnée, ains une çhaine d’aimant, qui lie si bien le cœur des François, qu’ils n’ayent plus de quereles, sinon à qui d’afection et de fait servira mieus sa Majesté »244.
57Relativement aux usages et coutumes qu’il considère comme justes et bien ordonnés, Expilly défend en revanche avec fermeté qu’il faut « garder les vieilles lois et coutumes ». Ainsi en est-il par exemple sur la question controversée de l’imposition du pastel aux dîmes245, à l’occasion de laquelle il livre même une anecdote qui suggère l’importance de la consultation du peuple pour l’établissement des dîmes246. C’est surtout la question du maintien des privilèges fiscaux de la noblesse en Dauphiné qui le conduit à faire un réquisitoire enflammé en faveur de l’immuabilité des lois et des coutumes, garantie de la stabilité de l’État247. À l’appui de sa thèse, la promesse faite par le Dauphin de « garder et tenir à toujours perpetuellemant les libertez et françhises, privileges, bons uz et bonnes coutumes de Daufiné »248 ; le risque d’anarchie que fait courir à l’État l’arrogance d’un tiers état jugé jamais content et haïssant la vertu249 ; l’existence de précédents ayant conclu à la nécessité de suivre « les anciennes coutumes sans permettre que rien se fit de nouveau » ; sans oublier les enseignements de Cicéron et de Prudence :
Ceus-là se resouvenoient du dire ancien :
moribus antiquis stat res romana, vigétque.
Il n’y a que quelques-uns, qui peschent an cete eau trouble : les autres leur diroient,
servemus leges patris, infirma minoris
vox cedat numeri, parvaque in parte silescat250.
58Expilly en appelle à l’autorité d’Aténée, Dion Chrysostome, Aristote, Platon pour défendre en toute hypothèse l’autorité de la coutume, plus forte que la loi, et dont rien ne doit être changé251. C’est ici, pour contrer l’argumentation adverse qu’il rejette sans ambages toute allégation du droit d’Italie et rejette sans détours toute violation des coutumes de Dauphiné252.
59Dans ce plaidoyer comme plus généralement dans l’ensemble de l’œuvre, Expilly se montre donc favorable au maintien de la diversité des coutumes et, surtout, à la stabilité du droit coutumier, malgré les importantes divergences propres au royaume :
Il n’êt point de province an cete vôtre monarchie, qui n’ait ses lois particulieres, avec léquelles elle se maintient an vôtre obeïssance.
Omnes lingua, institutis, legibus inter se differunt. [Caes. Lib. I. De bell. Gallic. Ammian. Marcell. Lib. 15].
Et come dit un autre, temporibus priscis, cum laterent hae partes, ut barbarae, tripartitae sunt in Celtaes, eosdemque Gallos divisae, et Aquitanos, et Belgas lingua, institutis, legibusque discrepantes [Thucyd. Lib.3]. Or l’Etat êt beaucoup meilleur et plus asseuré, qui use de mauvaises lois et ordonances, mais immuables ; que celui qui use de bonnes lois, mais variables et muables253.
60Loin de lui l’idée de plaider en faveur d’une forme d’unification du droit coutumier254. S’il s’étonne de ce que, dans certaines provinces peu éloignées, telles le Languedoc, la Provence, ou le Dauphiné, « Les peuples sont plus éloignez de meurs que de lieu », il observe que « neantmoins leurs formes de se gouverner vont d’un autre air que les nôtres »255 ; il sait qu’il « seroit mal-aisé, voire impossible de les ramener à ces principes » pour faire changer ce qui semble relever de leur « propre » ou « naturel »256, non seulement en raison des humeurs propres à chaque contrée mais aussi car il connaît l’importance du poids de la coutume et qu’il sait pour l’État l’importance de la stabilité des normes.
61Sa conviction relative à l’importance de préserver les normes de changements et altérations se montre plus ferme encore à l’endroit des « bonnes lois », « lois divines » et « lois de nature » :
Mais les bonnes lois ne sont et ne doivent être sujetes à ces çhangemans et alterations, come les lois divines, les lois de nature, quae semper firmae et immutabiles permanent. Ce sont lois auquelles l’univers êt soumis. Seneque in consolat. ad Martiam, cap. 18 dit qu’on trouve an naissant la cité du monde certis aeternisque legib. devinctam : de celles-cy aprochent les loïs qui sont faites pour le bien et police de l’Etat, que nous apelons lois perpetuelles et irrevocables : c’êt une clause contenuë an nos Edits, que les Ampereurs apelent leges perpetuas, perpetuo valituras, perpetuo mansuras, l. 2. C. ubi quis de Curia, vel cohortali condit. convenia. l. 3. C. de quadrien. praescr. lib. 6. c. de instit. et subdit. cum simil. ainsi par les lois des Perses et Medes, les Edits des Rois ne se pouvoient changer ni revoquer. Daniel çh.6 verset 15. Ciceron au 3 de sa Republique, raporté et suivy par Lactance, que nous avons nagueres alegué, lib. 6. de vero cultu, cap. 8 tréte de cete matiere. Aussi disoit Symmachus, lib.10 epist. 21. Solae leges quae in bonum commune procedunt, numquam patiuntur occasum : et plus bas an la méme epitre il dit, ut placita cunctis immortali lege solidentur. Bodin au livre I. de sa republique, çhap. 8 dispute amplemant si les lois et Edits peuvent être çhangez et revoquez quelles clauses qu’ils contienent, et resout par l’afirmative qu’on les peut çhanger et revoquer257.
62Il use en l’espèce d’une terminologie toujours fluctuante, parlant tour à tour de coutumes ou de lois, de « coutumes generale » de toutes nations ou de tous États « bien policez », ou des lois universelles. Il est question de cette loy perpetuelle de la Nature, voulant « que le plus foible obeisse au plus puissant, et que le plus fort commande au plus foible », de laquelle découle « la coutume de toutes nations de s’atribuer les biens des vaincuz, et que le plus foible obeït au plus fort »258, selon laquelle il défend que « par la coutume de ce païs de Daufiné »« le seigneur dominant peut prescrire le fief immediat, ou partie d’iceluy contre son vassal »259. Il y est question de la coutume ou loi « telemant usitée » selon laquelle « les ofices et privileges concedez par un Prince souverain, doivent être confirmez par son successeur, avant qu’on s’an puisse servir »260. Il est ailleurs fait mention de ces lois universelles « trouvées en naissant », entre lesquelles figurent bien sûr les normes relatives à « la façon et cerimonies d’ansevelir les mors, et des diverses coutumes des peuples, tant anciens, que modernes » sur lesquelles il a beaucoup lu. Suivant la Gerusalemme liberara du Tasso, il voit là des « lois natureles, qui apartienent à la sepulture des mors », et doivent être preferées aux commandements des rois et des princes ; avec l’Antigone de Sophocle, il parle d’« une loy comune, et generale, quoy que non écrite, que Dieu, et la justice eternele ont êtablie de toute eternité, depuis que le monde êt fét »261. À défaut de permettre une identification claire de ce que l’auteur entend par la coutume, ces usages sémantiques pour le moins aléatoires confirment l’importance accordée par Expilly à cette dernière comme source de droit, en dépit de l’antagonisme suggéré ici et là par l’usage d’expressions qui semblent distinguer « la coutume et le droit »262. Ils montrent s’il en faut à quel point au contraire il est prêt à user du terme pour désigner les règles fondamentales qu’il estime communes à toutes les sociétés humaines. Loin d’incarner les spécificités de sociétés particulières, d’être l’indice de la diversité la plus totale, la coutume ici se veut donc sous sa plume universelle et immuable, constituant le socle éthique sur lequel la société et la civilité peuvent s’édifier.
63Pour conclure, il faut relever le positionnement particulier qui est celui d’Expilly à l’endroit des coutumes dans ses Arrets et dans ses Plaidoyez. Dans la première de ces œuvres, attentif à l’autorité des arrêts dans la construction d’un droit ferme et assuré pouvant servir de boussole pour le parlement de Dauphiné, il ne leur accorde qu’une importance secondaire, loin derrière le droit savant, la doctrine issue du jus commune et l’arrestographie qui restent les référents centraux de son travail d’arrestographe et du travail qu’il conduit au sein du Parlement, lequel se veut avant tout pratique. Dans ses plaidoiries, en revanche, et bien qu’il faille en considérer la lettre avec d’autant plus de prévention que ce type d’écrit est nécessairement orienté en fonctions des fins poursuivies par l’avocat, il faut constater qu’il fait aux coutumes une place de premier plan, non seulement dans le cadre d’une argumentation juridique soignée, mais aussi dans le cadre d’une réflexion théorique qui démontre que l’horizon juridique qui est désormais le sien est loin de se réduire ni au ressort du parlement de Dauphiné, ni à l’orbe d’un droit écrit envisagé à l’échelle européenne, et que dans ce cadre les coutumes ont un rôle central à jouer.
64De ce constat sans doute faut-il retenir deux choses : la première, qui s’impose d’évidence mais sur laquelle il sera ici passé rapidement, tient à la nécessité de ne jamais négliger, dans l’appréhension d’une œuvre juridique, sa nature et ses finalités, lesquelles conditionnent un type d’écriture et une narrativité spécifiques, avec des conséquences fondamentales pour l’analyse de la pensée juridique d’un auteur. La seconde, concernant plus spécifiquement le cas étudié, tient à la richesse de l’œuvre d’Expilly, de laquelle ne transparaît dans le cadre de ce travail qu’un aspect, trop rapidement évoqué, mais qui appelle et mérite bien d’autres analyses.
65Jurisconsulte savant, infatigable lettré, connaisseur de Galilée et correspondant de Peiresc263, bibliophile passionné264, Expilly est l’un des juristes les plus au fait des découvertes géographiques de son temps265. Sa connaissance des mœurs et des traditions des peuples de la terre entière l’incite ainsi à prendre en considération des normes étrangères, notamment coutumières, dans la construction de son argumentation juridique. La coutume apparaît ce faisant sous sa plume comme source de droit génératrice de normes s’insérant dans l’ordre juridique auquel il se trouve confronté dans ses arrêts, tout autant que comme un objet de réflexions conceptuelles que ses plaidoyers nous livrent de manière plus approfondie. On y voit poindre une appréhension de la coutume qui tend parfois à se rapprocher de la notion contemporaine d’usage juridique consacré par le temps qui le prescrit et dont l’acceptation par la population peut assurer la légitimité, et dont n’est pas négligée, outre la dimension proprement technique, la dimension culturelle. Observateur scrupuleux des coutumes, Expilly cherche en effet à les analyser pour en comprendre la signification la plus profonde, les valeurs sociales qu’elles légitiment, voire les ressorts psychologiques qui les expliquent, pour ne pas parler des « mentalités » qui les fondent. Dès lors il semble, déjà, chercher à mettre en perspective « les liens intimes et complexes de la culture juridique et de la culture tout court, trait d’union et signe de différenciation des sociétés humaines »266.
66Le tout s’avère d’autant plus intéressant que ce jurisconsulte ne se contente pas justement d’évoquer les coutumes du royaume de France mais fait appel à l’extraordinaire connaissance qui est la sienne des découvertes de son temps. Il procède ce faisant, en permanence, à la confrontation de normes juridiques venues d’horizons extrêmement diversifiés, usant d’une forme de « comparatisme culturel » qui interroge les dogmes et les certitudes acquises. Dans ce cadre, il se montre tout disposé à considérer qu’en dépit de fondamentales divergences, les sociétés envisagées, dont celles appartenant aux Nouveaux Mondes, peuvent être intégrées à l’aire culturelle au sein de laquelle il questionne les problèmes juridiques. Cette aire englobe donc la totalité des sociétés humaines, quelle que soient leur temporalité, et quelle que soit leur origine géographique, sans que soit affirmée la prééminence historique ou culturelle d’aucune des civilisations considérées. En retour, par un phénomène de basculement, le temps de la mise en question des sociétés européennes est venu, avec, en perspective, une réflexion fondamentale sur l’Homme et son droit, comme cela est apparant dans d’autres œuvres contemporaines, à commencer par celle de Montaigne.
67Comment en effet, au terme de cette enquête, passer sous silence le nom de l’auteur des Essais. Si Expilly ne cite « Michel de la Montagne » qu’une fois dans ses Plaidoyez267, il est évident qu’il a bel et bien, et fort attentivement lu ses œuvres268 s’il ne l’a pas personnellement connu269. Les considérations de ce dernier sur la coutume l’ont certainement influencé, de même que, plus globalement, son sentiment sur l’expérience de l’altérité, dont Montaigne estimait que, travaillant les consciences dans un mouvement de maturation réciproque, elle devait servir « pour frotter et limer nostre cervelle contre celle d’autruy »270. Son œuvre, à l’instar de celle de ce dernier, constitue indéniablement l’un des jalons essentiels de l’histoire de la pensée et de l’anthropologie juridique à la Renaissance. À bien des égards, toutes deux ne font cependant sans doute que refléter des sentiments que partageaient probablement un certain nombre de magistrats de la fin du XVIe et du début du XVIIe siècle. Si l’on se contente de jeter ici un œil à l’entourage d’Expilly, il faut en effet le constater : ce sont de bien savants magistrats qui entourent ce dernier, et des magistrats dont l’horizon politique, culturel et géographique dépasse largement le royaume. Le début du XVIIe siècle est une période cruciale du développement de la diplomatie et du droit international, avec d’essentielles conséquences pour l’appréhension intellectuelle du droit. Les cercles les plus cultivés que côtoie Expilly en Italie, à Paris, en Dauphiné ou en Savoie, en sont les témoins. Ses proches participent eux aussi de ce mouvement qui pousse les juristes à jeter leur regard bien au-delà des frontières, puis à développer de nouvelles perspectives sur le droit français271. D’une curiosité sans doute aussi insatiable que la sienne, le père de son ami et confident Denis Salvaing de Boissieu était réputé connaître le chaldéen, l’arabe, l’hébreu, le grec, le latin, l’italien, l’espagnol, l’anglais et l’allemand272. Claude de Fassion, sieur de Brion, son gendre et successeur à la charge d’avocat général puis à celle de président au parlemant de Grenoble, intègre lui aussi dans ses plaidoyers des références aux cérémonies, « lois morales et civiles » du royaume de Calecut273. Il n’est pas impossible enfin que le jurisconsulte de Voiron ait compté dans sa descendance le fameux abbé Jean-Joseph Expilly, auteur du Dictionnaire géographique de la France274. Nul doute que, dans son entourage comme parmi les innombrables lecteurs de ses Plaidoyez, beaucoup furent passionnés par ses raisonnements, et convaincus de la nécessité d’intégrer la connaissance historique et analytique des coutumes, prises dans leur diversité, dans l’appréhension du droit.
Notes de bas de page
1 Sur la biographie de Claude Expilly et sur ses œuvres, voir A. Boniel de Catilhon, La vie de messire Claude Expilly, chevalier, conseiller du roy en son Conseil d’Estat, et président au parlement de Grenoble, Grenoble, P. Charvys, 1660 ; G. Allard, La bibliothèque de Dauphiné, Grenoble, L. Gilibert, 1680, p. 95- 96 ; P. Taisand, Vie des plus celebres jurisconsultes de toutes les nations, tant anciens que modernes, Paris, L. Sevestre, 1721, p. 180-181 ; La Croix du Maine et Du Verdier, Les Bibliothèque françoises, III, Paris, Saillant et Nyon, Lambert, 1772, p. 340-341 ; J.-C. Martin de Clansayes, Histoire et vie de Claude Expilly, chevalier, conseiller du roi en son Conseil d’État, et président au parlement de Grenoble, avec notes, Grenoble, J. H. Peyronard, 1803 ; Biographie universelle ancienne et moderne, XIII, Paris, Michaud, 1815, p. 567 ; J. Ollivier, « Expilly », Revue du Dauphiné, VI, 1839, p. 65-94 ; M. Nadaud, Expilly. Discours prononcé à la rentrée de la cour royale de Grenoble, le 15 novembre 1847, Grenoble, Baratier, 1847 ; L. Vallentin, Rapport sur la biographie d’Expilly par M. Nadaud, lu à la Société de statistique de l’Isère le 3 janvier 1848, Grenoble, Baratier, 1848 ; A. Blanc, Étude sur Expilly. Lue à la séance de rentrée des conférences de l’ordre des avocats de Grenoble le 16 décembre 1861, Grenoble, 1862 ; A. Rochas, Biographie du Dauphiné, Paris, Charavay, 1858-1860, réimpr. Genève, Slatkine, 1971 ; G. Vallier, « Numismatique du parlement de Grenoble », Bulletin de la Société d’archéologie de la Drôme, 1878, p. 359-375 ; M. Bailly, Un magistrat français en Savoie sous Henry IV et Louis XIII (le président souverain Claude Expilly). Discours prononcé à l’audience solennelle de rentrée le 3 novembre 1880, Chambéry, Imprimerie savoisienne, 1880 ; H. Vaschalde, Claude Expilly, président au parlement de Grenoble et les eaux du Vlas, Grenoble, Librairie dauphinoise, 1899 ; F. Mugnier, Claude Expilly, président au conseil de Chambéry et au parlement de Grenoble, ses œuvres, ses portraits, ses médailles, Chambéry, Ménard, 1902 ; Ed. Maignien, Bibliographie des Plaidoyers de Claude Expilly, Grenoble, Allier frères, 1913 ; R. Le François, « Le président Claude Expilly, avocat, historien, grammairien et poète dauphinois », Bulletin mensuel de l’Académie delphinale, 8e s., 4e année, 6, 1965, p. 169-178 ; M. Virieux, Les parlementaires grenoblois au XVIIe siècle. Étude sociale, thèse dactyl., Université Paris IV, 1986 ; Y. Quenot, « Une lettre de Jean de La Ceppède à Claude Expilly », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, 50, 1988, 1, p. 81-86 ; A. Preda, « Le poète correcteur de ses œuvres : les deux éditions des poèmes de Claude Expilly », D’un siècle à l’autre : littérature et société de 1590 à 1610, éd. P. Desan, G. Dotoli, Fasano, Schena editore, PUPS, 2001, p. 153-188 ; Id., « ‘Les siècles à venir te loueront à bon droit’ : Montaigne et Claude Expilly », Montaigne Studies, 13/1-2, 2001, p. 187-205 ; Id., « Notes, corrections et sonnets. La lecture créative de Claude Expilly », La lecture littéraire, 7, 2003, p. 65-76 ; Id., « Tra Tasso e Montaigne : il petrarchismo di Claude Expilly », Les poètes français de la Renaissance et Pétrarque, éd. J. Balsamo, Genève, Librairie Droz, 2004, p. 429- 443 ; Id., « Scrivere tra i versi altrui : la lezione italiana nell’opera di Claude Expilly », Seminari di storia della lettura e della ricezione, tra Italia e Francia, nel Cinquecento, vol. 3, a cura di A. Bettoni, Padoue, CLEUP, 2014, p. 85-102 ; Dictionnaire historique des juristes français (XIIe-XXe siècle), P. Arabeyre, J.- L. Halpérin, J. Krynen dir., Paris, PUF, 2015 – désormais DHJF – (J. Ferrand) ; G. Cazals, « ‘Le voilà dans l’Éthiopie’. De l’ailleurs dans les Plaidoyers de la Renaissance », Les Plaidoyers à la Renaissance. Actes du colloque d’Avignon, 5- 6 juin 2014, G. Cazals, S. Geonget éd., Genève, Librairie Droz, 2017, sous presse.
2 Jacques-Auguste de Thou (1553-1617) : écriture et condition robine. Actes de la journée d’études, 16 mars 2006, Cahiers V.-L. Saulnier, 24, 2007, F. Lestringant éd., p. 47. Voir sur la question J. Balsamo, « Le voyage d’Italie et la formation des élites françaises », France in Italy/La France dans l’Italie, Renaissance and Reformation/Renaissance et Réforme, nouv. sér., 27/2, Printemps 2003, p. 9-21.
3 F. Mugnier, Claude Expilly, op. cit., p. 24.
4 Après avoir été l’élève des jésuites au collège de Clermont à Paris, Antoine Favre obtint son doctorat in utroque jure à l’université de Turin en 1579. DHJF (B. Barbiche). Il entretenait avec Expilly, qui renvoie souvent à son fameux Codex Fabrianus, et se souvient avec émotion de son décès dans ses plaidoyers (voir infra note 90), des relations dont la nature mériterait d’être mieux connue.
5 Bien que R. Le François note qu’Expilly se serait lié lors de ce voyage avec Antoine Favre et François de Sales (R. Le François, « Le président Claude Expilly », art. cit., p. 169-178). François de Sales en effet ne partit pour l’Italie qu’après ses études parisiennes, et après être un temps repassé par la Savoie. En supposant qu’il soit resté cinq années outre-monts, temps nécessaire pour obtenir en théorie le grade de docteur que lui décerna la faculté de Turin le 5 novembre 1591, il y serait seulement parti en 1586. À son retour en France François de Sales figura jusqu’en 1598 au rôle des avocats inscrits au parlement de Chambéry, mais il est bien souvent noté défaillant. F. Mugnier, Saint François de Sales, docteur en droit, avocat, sénateur. Sa correspondance inédite avec les frères Claude et Pilippe de Quoex, documents divers, Chambéry, C.-P. Ménard, 1885, p. 15 et 27.
6 Tasso, malade, y fut interné entre 1579 et 1586. Poème épique en vingt chants relatant la fin de la première croisade conduite par Godefroi de Bouillon ainsi que la reconquête de la ville sainte, la Gerusalemme liberata avait connu un immense succès dès avant sa première publication (en 1581). Le poète recevait la visite d’admirateurs venus de toute l’Europe. Montaigne y vint en novembre 1580 (M. de Montaigne, Essais, Livre II, chap. XII). Admirateur des « poësies incomparables » du Tasso (Plaidoyers, p. 801), Expilly lui récitait lors de ses visites des strophes de la Gerusalemme liberata. La scène a été immortalisée dans une toile signée par Hébert, http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/joconde_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_98=LOCA&VALUE_98=La%20Tronche%20&DOM=All&REL_SPECIFIC=3
7 A. Nuovo, « The Creation and Dispersal of the Library of Gian Vincenzo Pinelli », Books on the Move : tracking copies through collections and the book trade, G. Mandelbrote et al. éd., Newcastle/Londres, Delaware/UK Oak Knoll Press-British Library, 2007, p. 39-68.
8 J.-C. Martin, Histoire et vie de Claude Expilly, op. cit., p. 5-6 : « Cujas le traite, non pas en disciple, mais en compagnon d’étude ; il le fait participer à ses bonnes grâces, à son estime et à sa familiarité. Cet illustre jurisconsulte l’appelait son Scévola, soit parce qu’il profitait beaucoup de ses leçons, soit enfin parce qu’il était gaucher ». Expilly rend hommage à Cujas à diverses reprises, voir infra note 35.
9 Comme leur père Claude (1487-1557) avant eux, Jean de Bellièvre et son frère Pomponne (1529-1607) avaient effectué une partie de leurs études en Italie. Ayant obtenu un office au parlement de Grenoble en 1554, Jean en devint le président en 1571, après avoir exercé différentes missions et commissions pour le roi, tandis que Pomponne, après avoir été conseiller au parlement de Chambéry, poursuivait la carrière qui le conduisit aux fonctions de chancelier, qu’il exerça de 1599 à sa mort (bien que les sceaux lui aient été retirés en 1605). Voir l’introduction de Jean Tricou dans C. Perrat, Claude Bellièvre. Souvenirs de voyages en Italie et en Orient, notes historiques, pièces de vers, publiés par Charles Perrat, précédés d’une notice sur C. Bellièvre, sa famille et son œuvre, Genève, Librairie Droz, 1956 ; O. Poncet, Pomponne de Bellièvre, Paris, Champion, 1998.
10 A. Boniel de Catilhon, La vie de messire Claude Expilly, op. cit., p. 38-39.
11 Ibid., p. 32 : « les juges et les auditeurs estoient également ravis de la beauté de son expression, et de la grandeur de sa capacité : que s’il luy arrivoit de plaider dans les mesmes causes sur lesquelles messire Jean de La Croix, seigneur de Chevrieres, lors advocat general, depuis president dans ce parlement, et enfin evesque de Grenoble, devoit apres parler, c’estoit vrayment alors que l’on accouroit en foule dans le Palais, pour voir entrer en lice ces deux braves champions, qui disputant par une noble emulation de la gloire du bien dire, et n’ayant principalement pour objet que l’honneur et la dignité de la justice, déployoient avec une grace merveilleuse les thresors, et toutes les lumières de leur esprit, et ne se rendoient pas moins inimitables, qu’ils estoient dignes d’etre imitez. En effet le sieur de Chevrieres avoit une memoire excellente, un jugement si clair, et une si profonde doctrine, qu’on pouvoit dire de luy que c’en estoit un abysme, et ne meritoit pas moins le nom d’Olympien, que ce fameux orateur d’Athenes, qui tonnoit, qui éclairoit en haranguant, et portoit, disoit-on, sur la langue une foudre terrible, ce n’est pas une petite perte pour le public, que celle qu’on a faite de leurs plaidoyez de ce temps-là, dans lesquels le sieur de Chevrieres paroissoit autant plein, docte et résolu qu’Expilly, à qui le sang boüilloit encore dans les veines, jetoit des feux et de lumieres dans l’ame de ceux qui l’écoutoient, et qui les pouvoient raisonnablement comparer l’un et l’autre, à ces vaillants Athletes du poëte latin, dont l’un n’établissoit pas moins la gloire sur la reputation de ses victoires passées, la force de ses membres, et la pesanteur de ses gestes, que l’autre tiroit d’avantage de la vigueur de son âge, et de l’agilité de sa personne » ; l’anecdote est également évoqué par J.- C. Martin, Histoire et vie de Claude Expilly, op. cit., p. 8. Sur Jean III de La Croix, seigneur de Chevrières, encore conseiller ordinaire puis conseiller d’État ordinaire de Marie de Médicis voir G. Allard, Histoire généalogique des familles de La Croix de Chevrières, de Portier, d’Arzac, de Chissé, de Sayve et de Rouvroy, Grenoble, L. Gilibert, 1678, p. 12 sq.
12 La victoire signait la défaite de l’armée hispano-savoyarde conduite par don Amédée, frère du duc Charles-Emmanuel de Savoie. Expilly la célébra par un récit poétique composé le 18 septembre 1591, édité dès 1595 (voir infra note 15), dont la Bibliothèque municipale de Grenoble conserve une version manuscrite autographe, datée du 20 septembre 1595, consignée à la suite du Registre delphinal du conseiller Mathieu Thomassin (XVe-XVIe s.), ainsi qu’une autre copiée sur les feuillets formant les gardes du plat inférieur du Liber semestrium de Pierre Du Faur de Saint-Jory (Paris, Jean Bienné, 1570), ayant appartenu à Claude Expilly. Sur François de Bonne, dernier connétable de France entre 1622 et 1626, voir récemment S. Gal, Lesdiguières. Prince des Alpes et connétable de France, Grenoble, PUG, 2007. Philippe Desan déduit de la relation entre Lesdiguières, qui se présentait alors comme un « humble et affectionné serviteur » de Genève, et Expilly le passage de ce dernier au protestantisme. P. Desan, « Montaigne d’un siècle à l’autre : les éditions genevoises des Essais (1595, 1602, 1609) », D’un siècle à l’autre, op. cit., p. 117- 132, notamment p. 126 et 132. Voir aussi de P. Desan, Montaigne dans tous ses états, Fasano, Schena editore, 2001, p. 241-243.
13 D’après Preda, Lesdiguières lui permet d’obtenir la charge de procureur général à la Chambre des Comptes le 11 juillet 1585. A. Preda, « Le poète correcteur de ses œuvres », art. cit., p. 166. Expilly fait son éloge dans le Plaidoyé 20, C. Expilly, Plaidoyez, p. 210-211.
14 Outre les charges ci-dessus mentionnées de procureur général du conseil de Chambéry en 1600 et de président du conseil souverain établi à Chambéry en 1630, Expilly exerce celles d’arbitre chargé de déterminer les limites entre la Savoie et la France en 1606 ; de commissaire envoyé en Avignon en 1612 pour veiller à l’adjudication des travaux destinés à réparer le pont de Saint-Bénézet ; d’intendant de justice, de police et de finances de Pignerol et de ses dépendances ; de commissaire chargé de négocier avec le duc Victor-Amédée de Savoie les droits, revenus et frontières du territoire de Pignerol ; de commissaire chargé de déterminer avec les commissaires du duc, les limites du Dauphiné et de la Savoie. Sur l’importance des rôles dévolus au président du parlement de Grenoble, bien que sur une période postérieure, voir C. Coulomb, « Le premier président du Dauphiné commandant en chef de la province, 1659-1715 », Les Parlements de Louis XIV. Opposition, coopération, autonomisation ?, G. Aubert, O. Chaline dir., Rennes, PUR, 2010, p. 241-257 ; id., « Les registres du commandement : une source originale pour l’étude du premier président. Le cas du parlement de Dauphiné (1724-1765) », Histoire, économie & société, 31/1, 2012, p. 53-67.
15 D’après Ollivier, repris par Rochas, Expilly était atteint d’une telle « fureur de la versification, que l’incident le plus frivole était pour lui l’occasion favorable de vaticiner avec une intarissable fécondité. Ses amis n’avaient le crédit de se marier, de faire des enfants et de trépasser, sans qu’il ne vint les accabler d’épithalames, d’odes et d’épitaphes ». J. Ollivier, « Expilly », art. cit. ; A. Rochas, Biographie du Dauphiné, op. cit., p. 361. Les poëmes du sieur d’Expilly [A madame la marquise de Monceaux] [A messire Françoys de Bone seigneur de Lesdiguières], furent publiés pour la première fois en 1596 (Paris, Abel L’Angelier) puis réédités dans une édition remaniée en 1624 (Grenoble, P. Verdier) qui atteste autant de son souci d’en parfaire la lettre pour satisfaire à des exigences accrues de précision et de clarté que de celui d’en organiser les signifiés pour en faire le témoignage des différentes étapes de sa vie et de sa carrière. Voir à ces différents égards les travaux précités d’Alessandra Preda. Plusieurs pièces issues de ses poèmes ont également été éditées par ailleurs, à l’instar de La Bataille de Pontcharra et journée de Sal-Bertrand, gagnées par d’Esdiguières (Grenoble, Marniolles, 1621) et de certains passages des poèmes relatifs au chevalier Bayard, inclus dans l’édition donnée en 1650 de l’Histoire du chevalier Bayard, et de plusieurs choses mémorables advenues sous le règne de Charles VIII, Louis XII et François I, avec son supplément […] et les annotations de Théodore Godefroy, augmentées par Louis Videl [le président Salvaing de Boissieu] (Grenoble, J. Nicolas, 1650 ; réimpression en 1651). Ces œuvres poétiques attestent le maintien de l’influence de Ronsard au début du XVIIe siècle, en particulier chez les juristes, comme le révèlent encore les travaux de l’avocat au parlement Nicolas Richelet (†1624), proche d’Expilly – lequel lui confie son testament poétique et est dédicataire d’une de ses pièces en 1624 –, connu pour ses commentaires des œuvres de Ronsard (voir l’édition – la quatorzième – des Œuvres de Pierre de Ronsard […]. Reveues et augmentees et illustrees de commentaires et remarques […], Paris, Nicolas Buon, 1623 [comprenant en outre les commentaires de M.-A. de Muret, R. Belleau, N. Richelet, P. de Marcassus].
16 Voir notamment D. R. Kelley, « Jurisconsultus perfectus : The lawyer as Renaissance man », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 51, 1988, p. 84-102 ; J.-L. Thireau, « Le jurisconsulte », Droits, 20, 1994, p. 21-30 ; et sur les décisionnaires récemment ‘Des arrests parlans’. Les arrêts notables à la Renaissance entre droit et littérature, G. Cazals et S. Geonget éd., Genève, Librairie Droz, 2014 ; Des plaidoyers à la Renaissance, op. cit.
17 Maignien distingue sept éditions : la première donnée à Paris, chez Abel L’Angelier, en 1608 (tandis qu’Expilly se faisait opérer de la maladie de la pierre) ; la deuxième à Paris, chez Abel L’Angelier, en 1612 (3 tirages) ; la troisième à Paris, chez Abel L’Angelier, en 1619 (retirage en 1621) ; la quatrième à Lyon, chez Simon Rigaud, en 1628 (édition « rafraîchie » en 1631) ; la cinquième à Lyon, chez Laurent Durand, en 1636 ; la sixième à Lyon, chez Simon Rigaud, en 1651 (retirages par Simon Rigaud en 1652 puis par Jean Radisson en 1657) ; la septième à Lyon, chez Nicolas Gay, en 1662 (retirage à Lyon, chez Antoine Tomas, en 1694). Ed. Maignien, Bibliographie des plaidoyers, op. cit. La première édition ne comptait que 25 plaidoyers et 40 chapitres ou arrêts mais l’œuvre fut en permanence revue et augmentée du vivant de l’auteur. L’édition de 1662 fit encore l’objet de remaniements, comme l’éditeur le signale précisant qu’elle a été reveue, corrigée et augmentée, « outre les précédentes impressions, de plusieurs passages et allegations, plusieurs chapitres transposés remis en leur place sur les memoires de l’autheur ; le tout remis en meilleur forme et plus correcte : ouvrage très util non seulement à ceux qui frequentent le barreau, mais encore qui se meslent rescrire et parler en public ». Considérant la difficulté d’attribuer ces modifications à la volonté de l’auteur lui-même, nous avons toutefois préféré travailler sur l’édition de 1636, la cinquième et dernière préparée par l’auteur, dont sont tirées toutes les références qui précèdent et qui suivent : Plaidoyez de Mre Claude Expilly, chevalier, conseiller du roy an son conseil d’Etat, et presidant au parlemant de Grenoble, ansamble plusieurs arrets et reglemans notables dudit parlemant : le tout divisé an deux parties. Cinquieme edition, reveuë et augmantée, outre les precedantes impressions, de plus d’un tiers, tant d’Arrets, que de Plaidoyez, et reglemans ajoutez par l’auteur. Avec trois tables, l’une, des titres et chapitres ; l’autre, des auteurs alleguez ; et la derniere, des matieres principales, Lyon, Laurent Durand, 1636.
18 C. Expilly, Plaidoyez, ibid., « Avertissemant au lecteur », non folioté : « Le livre de mes Plaidoyez, avec les Arrets par moy recueillis, ayant esté imprimé an l’an 1608, et pour la deuxiéme fois en l’an 1612, il est arrivé cinq ans après an l’an 1617 que le sieur de la Rocheflavin a mis au jour un gros volume, avec ce titre, Treze livre des Parlemans de France, auquel, an le parcourant n’a gueres, j’ay decouvert des pages toutes antieres, et plusieurs articles et periodes, tirées mot à mot de mon œuvre, sans qu’il m’ait fait l’honeur de te témoigner qu’il ampruntoit cela de moy. Que s’il m’a allegué deux ou trois fois, ce n’êt pas pourtant an sorte qu’on puisse reconoitre qu’il ait pris aucunes de ces allegations dans mon livre. Je l’auroy dissimulé tres-volontiers, mais son livre et le mien pouvant être imprimez diverses fois (comme le mien l’a êté depuis en l’an 1619 et deux fois ancore après) il pourroit arriver que ceux qui prandront la peine de le lire me pourroient accuser d’avoir pris et dérobé de luy les termes et passages qu’il a tirez, et tient de moy, qui m’ont couté plus de tans et de peine qu’à luy. Je ne le veux pas traitter comme Tiraquel fit autrefois Chassanée, pour avoir transcrit dans son Catalogus gloriae mundi plusieurs passages et doctrines prises dans ses Œuvres. Je veux croire que c’êt par mégarde, et pour n’y avoir bien pansé, que ledit sieur de la Roche-Flavin s’êt servy de ces passages, extrais mot à mot de mon livre (fors ce que j’y ay depuis ajouté an quelques-uns) sans me randre ce qui m’apartient. J’ay marqué à la marge les androis que j’ay trop aparammant reconuz : afin que le lecteur sache, que ce peu que j’ay fait, êt tout mien, et non du labeur d’autruy. Fait le 17 de may 1635 ». Voir ainsi par exemple p. 27 en marge : « La Rocheflavin a pris cela au livre 2 chap. 24 num 9, 14 et 18 » ; p. 29 en plein texte : « pris par La Roche-Flavin au lieu susdit num. 19 » ; p. 242 en marge : « tout cecy êt pris par le méme Rocheflavin » ; p. 366 en marge : « La Roche-Flavin a ancore passé icy, livre 13 chap. 43 n. 7 et a tout pris, fors ce que nous avons ajouté depuis ».
19 Depuis le XIXe siècle en effet le style de l’œuvre a été âprement critiqué. Voir infra note 201.
20 L. Assier-Andrieu, « Coutume et usage », Dictionnaire de la culture juridique, D. Alland, S. Rials dir., Paris, PUF, 2003, p. 317-326. Voir également, Id., « Penser le temps culturel du droit », L’Homme, 160, octobre-décembre 2001 [En ligne] ; Id., « La formation historique du concept de coutume et les origines de l’anthropologie sociale, XVIIIe-XIXe siècles », La coutume au village dans l’Europe médiévale et moderne, M. Mousnier et J. Poumar. d e éd., Toulouse, PUM, p. 229-246.
21 Sur le parlement de Grenoble et les spécificités du Dauphiné, voir notamment É. Berger, Le parlement de Dauphiné, Grenoble, Baratier, 1869 ; J. Égret, Le parlement de Dauphiné et les affaires publiques dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, thèse de doctorat, Université de Paris, Grenoble, Imprimerie de Allier père et fils, 1942 ; G. Chianéa, La condition juridique des terres en Dauphiné au XVIIIe siècle : 1700-1789, Paris-La Haye, Mouton, 1969 ; G. Giordanengo, Le droit féodal dans les pays de droit écrit : l’exemple de la Provence et du Dauphiné (XIIe-début XIVe siècle), Rome-Paris, École française de Rome-De Boccard, 1988 ; id., Féodalités et droits savants dans le Midi médiéval, Aldershot, Variorum, 1992 ; Le parlement de Dauphiné : des origines à la Révolution, R. Favier dir., Grenoble, PUG, 2001 ; R. Favier, « L’administration de la justice en Dauphiné sous l’Ancien Régime », Revue drômoise, 94/504, 2002, p. 188-193 ; Rendre la justice en Dauphiné : exposition présentée par les Archives départementales de l’Isère, au palais du parlement de Dauphiné du 31 octobre 2003 au 17 mai 2004, O. Cogne dir., Grenoble, PUG, 2003, notamment P. Didier, « Le parlement de Dauphiné : prérogatives et limites de ses pouvoirs », p. 17-21 ; les travaux de Clarisse Coulomb notamment C. Coulomb, Les pères de la patrie : la société parlementaire en Dauphiné au temps des Lumières, Grenoble, PUG, 2006 ; id., « Le parlement de Dauphiné et la tentation de l’absolutisme éclairé », Les parlements et les Lumières, O. Chaline dir., Bordeaux, Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, 2012, p. 275-292.
22 À titre d’exemple, C. Expilly, Plaidoyez, Arrêt CLXXI, p. 730. Sur le transport du Dauphiné et ses conséquences, voire encore J.-J. Guiffrey, Histoire de la réunion du Dauphiné à la France, Paris, Académie des bibliophiles, 1868 ; mais plus récemment Dauphiné, France. De la principauté indépendante à la province (XIIe-XVIIIe siècles), V. Chomel dir., Grenoble, PUG, 1999 ; A. Lemonde, Le temps des libertés en Dauphiné : l’intégration d’une principauté à la couronne de France : 1349-1408, Grenoble, PUG, 2002 ; Id., « Des libertés au droit public, le processus juridique en Dauphiné (1340-1410) », L’Enquête en questions. De la réalité à la « vérité » dans les modes de gouvernement (Moyen Âge-Temps modernes), A. Mailloux et L. Verdon dir., Paris, CNRS éditions, p. 231-240 ; Id., « Non est enim potestas, nisi a Deo… Les fondements contractuels du pouvoir en Dauphiné à la lumière du Statut de 1349 », Avant le contrat social. Le contrat politique dans l’Occident médiéval (XIIIe-XVe siècle), F. Foronda dir., Madrid, 2011, p. 291-326 ; Id., « Autour du transport du Dauphiné à la Couronne de France (1349) », Annexer ? Les déplacements de frontières à la fin du Moyen Âge, P. Savy et S. Pequignot dir., Rennes, PUR, 2016, p. 115-139.
23 C. Expilly, ibid., Plaidoyé 31, p. 332.
24 A. Boniel de Catilhon, La vie de messire Claude Expilly, op. cit., p. 38-39. D’après R. Le François, « Le président Claude Expilly », art. cit., p. 177, lequel note que la bibliothèque de la cour d’appel de Grenoble possédait encore un Digestum vetus (1549), un Digestum novum et un Infortiatum (1550) annotés et signés de sa main.
25 C. Expilly, Plaidoyez, Arrêt CLXXI, p. 733.
26 Ibid., Arrêt XLVI, p. 556.
27 Ainsi à titre d’exemple sur l’édit de Crémieux « car il n’a jamais êté receu », ibid., Arrêt XLVI, p. 557 ; sur l’art. 42 des ordonnances de Moulins qui « n’êt suivy », Arrêt LXXXVII, p. 598 ; Arrêt XCI, p. 601, « la Cour ne suit du tout la rigueur des ordonnances de Molins, art. 34, et de Blois, art. 190 ny de l’Edit d’Amboise de l’an 1572, art. premier ».
28 À titre d’exemple, ibid., Arrêt XXIX, p. 544.
29 Ibid., Plaidoyé 28, p. 289.
30 L’expression figure, ibid., Arrêts CXC, p. 786 ; CCXI, p. 815. Expilly indique par exemple p. 770 avoir cherché en vain certains conseils de Balde mentionnés par Pier Filippo Corneo (v. 1420-1493). Sans doute ces lectures scrupuleuses lui avaient-elles laissé l’habitude d’annoter les marges et blancs des livres de sa bibliothèque. Un magistrat de Grenoble avait au XIXe siècle relevé, dans un Corpus juris, une série de courts souvenirs historiques, de notes de familles, de sentences françaises ou latines édités par G. Vallier, « Numismatique du parlement de Grenoble », art. cit., p. 359-375. Il serait intéressant de voir si de telles annotations marginales figurent encore dans certains exemplaires de ses œuvres conservées à la BM de Grenoble, telles les œuvres de Guillaume Benoît, Cosme Guymier, Étienne Aufreri, Étienne Bertrand, Cipolla, Bolognetti, Giuseppe Ludovisi, Valasco, Barbosa, Tedeschi ou Gui Pape (Guido Papa super codice Lectura subtilis et aurea, Lyon, Jean Marion, 1517 ; Guido Pape super decretales Lectura singularis et aurea, Lyon, Simon Vincent, 1517.
31 C. Expilly, ibid., Plaidoyé 27, p. 269 notamment, où il relate une anecdote rapportée par Accurse, lequel, note-t-il, « ne vouloit laisser rien de vuide an ses gloses ».
32 Pour utile qu’elle soit, il faut en effet relever que la table des matières n’est pas complète et omet un certain nombre d’auteurs comme un certain nombre de références à ces derniers. Par ailleurs elle a été constituée sans beaucoup de rigueur, certains auteurs étant mentionnés à deux reprises sous des entrées différentes (ainsi par exemple pour « Bodin », aussi répertorié à « Jean Bodin » avec une référence non mentionnée précédemment.
33 Faisant parfois de très précises allusions à certains passages de leurs œuvres, ainsi (à titre d’exemple) lorsqu’il indique que Cujas « dit avoir veu un Tréte d’un ancien moine Marculphus de formul. publicorum privatorumque negotiorum, où se voit la forme d’une testamant mutuel fét par le mari et la fame, an une méme carte », ibid., Arrêt CLXXIII, p. 736 ; lorsqu’il remarque « en passant » que les références faites par Alciat à un extrait du serment d’Hippocrate sont erronées, Arrêt CCXX, p. 831 ; lorsqu’il relève dans les additions de Thesauro que la mention d’un conseil de Bertrand indique « Bart. » pour Bertrand, Plaidoyé 9, p. 103 ; lorsqu’il discute les analyses de Zazius sur des questions de vocabulaire grec, Plaidoyé 16, p. 159 ; lorsqu’il estime qu’Alciat s’est « ampêtré » en un passage, Plaidoyé 17, p. 179, « bien qu’il eut avec le droit, une grande conoissance des letres humaines ».
34 Ibid., Arrêt CCXXVI, p. 871.
35 Ibid., Arrêt CLVI, p. 684 ; Plaidoyé 17, p. 175. Jacques Cujas porta un temps le titre de conseiller au parlement de Grenoble. Mais, nommé par des lettres de Charles IX portant création et provision d’un office honoraire de conseiller le 15 mai 1573, il fut dispensé de résidence, et lorsque Henri III lui octroya un office ordinaire, le 17 septembre 1574, une autre dispense lui fut délivrée le 16 janvier 1575. Une résignation de cet office en faveur d’Antoine de Dorne, autre élève de Cujas, intervint le 20 octobre 1582. Sur ces charges et les difficultés posées par la réception de Cujas, M. Mathieu, « Le professeur et les magistrats : la réception de Cujas au parlement de Dauphiné », RHFD, 22, 2002, p. 7-32 ; X. Prévost, Jacques Cujas (1522-1590). Jurisconsulte humaniste, Genève, Librairie Droz, 2015, p. 66- 69.
36 À titre d’exemple, C. Expilly, ibid., Arrêt CXXXIV, p. 649, à propos de l’opinion de Dinus.
37 Nombreux sont les passages allant en ce sens, voir notamment, ibid., Arrêt CLXXVI, p. 745-746, 753 ; Arrêt CLXXXIX, p. 785 ; Plaidoyé 17, p. 184 ; Plaidoyé 19, p. 203 ; Plaidoyé 29, p. 299 ; Plaidoyé 36, p. 434. Sur l’importance encore accordée au XVIe siècle à la communis opinio voir S. Lepsius, « Communis opinio doctorum », Handwörterbuch zur deutschen Rechtsgeschichte, 1/4, 2006, col. 875-877 ; I. Maclean, Interpretation and meaning in the Renaissance. The case of law, Cambridge, Cambridge University Press, 1992 ; C. Bazan, « Aequitas, aequalitas et auctoritas chez les maîtres de l’école espagnole du XVIe siècle », Aequitas, aequalitas, auctoritas. Raison théorique et légitimation de l’autorité dans le XVIe siècle européen, Paris, Vrin, 1992, p. 172-185 ; V. Crescenzi, « La communis opinio doctorum e l’auctoritas rerum similiter iudicatarum nell’esperienza di diritto comune vigente nella Repubblica di San Marino », Revista catalana d’historia del dret, 3, 1998, p. 587-609.
38 C. Expilly, ibid., Arrêt LXXXIV, p. 595-596.
39 Ibid., Arrêt XCI, p. 602.
40 Ibid., Plaidoyé 31, p. 339.
41 « doctrine plus sainte, et bien expresse », ibid., Plaidoyé 21, p. 221-222.
42 Ibid., Arrêt CXIX, p. 627 sq. Voir également sur la question de la saisine du bétail de labourage le Plaidoyé 16, p. 155 sq.
43 Ibid., Arrêt CLIII, p. 671-673.
44 Ibid., Arrêt CXLIX, p. 665-667.
45 Ibid., Arrêt CXLVII, p. 661-664.
46 Ibid., Arrêt LXXX, p. 588-590.
47 Ibid., Arrêt CLXXVI, p. 745-746. Sur l’idéologie de la magistrature ancienne à laquelle il est ici fait écho, voir spécialement J. Krynen, L’État de justice : France, XIIIe-XXe siècle, 1, Paris, Gallimard, 2009.
48 Voir supra, note 37.
49 C. Expilly, Plaidoyez, Arrêt CLXXVI, p. 753.
50 Ibid., Arrêt CCXV, p. 859 « Pour le regard de l’arret tiré de monsieur le conseiller Maynard, l’auteur dit, qu’il ne faut pas juger exemplis, sed legibus : habent enim sua sydera causae ». Voir également la règle citée Arrêt CCXX, p. 833-834 ; Plaidoyé 29, p. 303-304. Sur la question, N. Warembourg, « Non exemplis sed legibus. L’autorité des arrêts à la lumière des droits savants », ‘Des arrests parlans’, op. cit., p. 225-240.
51 C. Expilly, ibid., Arrêt LXVIII, p. 576-577.
52 Ibid., Arrêt CLXXVI, p. 753 au sujet d’un arrêt allégué par Vincenzo de Franchis.
53 Ibid., Arrêt CCXV, p. 859, ainsi sur le temps particulier de la Ligue « Quant aus arrets du parlemant de Paris, le tans, auquel ils furent féts (qui êtoit au plus fort de la Ligue, que la plus grand partie de messieurs les presidans, conseillers, et jans du roy êtoient à Tours), nous avertit assés, qu’il ne les faut tirer à consequance. D’ailleurs, on ne sét, ni le fét, ny les motifs, ny les rézons, qui les ont fét passer ».
54 Sur l’arrestographie voir encore E. Meynial, « Les recueils d’arrêts et les arrêtistes », Le Code civil, livre du centenaire, Paris, 1904 ; reprod. en fac-similé, Paris-Francfort, Duchemin-Sauer und Auvermann, 1969, t. 1, p. 173-204 ; C. Chéne, « L’arrestographie, science fort douteuse », MSHDE, 1985, p. 179-187 ; Case-Law in the Making. The Techniques and Methods of Judicial Law Records and Reports, A. Wijffels éd., Berlin, Duncker and Humblot, 1997, 2 vol. ; A. Lefebvre-Teillard, « Naissance du droit français : l’apport de la jurisprudence », Droits, 38, 2003, p. 97-110 ; G. Leyte, « Le droit commun de la France. Observations sur l’apport des arrêtistes », Droits, 38, 2003, p. 53-68 ; Les recueils d’arrêts et dictionnaires de jurisprudence (XVIe-XVIIIe siècle), S. Dauchy et V. Demars-Sion dir., Paris, La mémoire du droit, 2005 ; S. Dauchy, « L’arrestographie, science vraiment douteuse », Sartonia, Sarton Chair of History of sciences, Ghent University, 23, 2010, p. 87-100 ; Id., « L’arrestographie, un genre littéraire ? », RHFD, 31, 2011, p. 41-53 ; ‘Des arrests parlans’, op. cit., notammant G. Cazals, « Les arrêts notables et la pensée juridique de la Renaissance », p. 203- 224.
55 C. Expilly, Plaidoyez, Arrêt XXIII, p. 532. Sur la question, A. Lemonde, « De l’inventaire de 1277 à celui de 1346 : l’évolution du statut de l’archive dans la principauté delphinale », Les archives princières (XIIe-XVe siècles), X. Helary, J.- F. Nieus, A. Provost, M. Suttor dir., Arras, Artois Presses Université, 2016, p. 225-238.
56 Soit dans des registres mentionnés de manière vague soit dans des volumes plus spécifiquement désignés : « Dedans un livre intitulé Liber compositionum, marqué par letre E, fueil. 114 et 128, que le 3 d’aout 1386 et le 11 de mars 1387 », C. Expilly, ibid., Arrêt I, p. 483 ; « in 8 libro memoralium fol. 69 an date du 6 de juin 1467 » ; Arrêt II, p. 485 ; « Plusieurs autres jugemans concernant lédites libertez, sont au tresor et arçhives de ladite ville an la boite de fer quarrée, num. 53, 54, 55 et ailleurs », ibid., Arrêt II, p. 487.
57 Bien qu’ayant passé sa vie à Carpentras, Étienne Bertrand demeurait une référence centrale en Dauphiné où son œuvre était considérée comme « l’un des monuments les plus précieux du droit provençal et dauphinois ». P. Ourliac, Droit romain et pratique méridionale au XVe siècle. Étienne Bertrand, Paris, Sirey, 1937. Expilly indique que ses conseils influençaient jusqu’au sénat de Turin, ibid., Plaidoyé 9, p. 103 (bien qu’en l’espèce, ni Bertrand ni Natta, dont il cherche à écarter les conclusions, n’alleguent « ny loy, ny glose, ny doctrine »).
58 Tout en étant chargé d’un certain nombre de missions par François Ier et Henri II, Aymar Du Rivail siégea au parlement de Grenoble de 1521 à 1556. Peu de traces de ses activités au sein de l’institution semblent avoir été conservées. Voir P.- É. Giraud, Aymar Du Rivail et sa famille. Notes extraites tant de ses écrits que de son testament et de diverses pièces jusquici inédites, Lyon, Perrin, 1849. Il a composé une histoire du Dauphiné qui a été publiée à Vienne en 1844 par M. de Terrebasse.
59 Aimone Cravetta était passé par Grenoble entre 1538 et 1545. Dizionario Biografico degli Italiani, vol. 30, 1984 (A. Olmo) [en ligne].
60 Étienne Ranchin, connu pour avoir été professeur à l’université de Montpellier, a laissé des annotations sur les Decisiones de Gui Pape : Decisionum parlamenti Delphinatus pars prima, quibus adjectae sunt recens Stephani Ranchini [...], Lyon, P. Tinghi, 1577.
61 C. Expilly, Plaidoyez, Arrêt CLXXVI, p. 750.
62 Decio avait été nommé par Louis XII au parlement de Grenoble. Ed. Maignien, « Le jurisconsulte Decius, son séjour en Dauphiné », Petite revue des bibliophiles dauphinois, 12, 1910, p. 92-103 ; G. di Renzo Villata, « ‘Pro tenui facultate mea et temporis angustia...’ : Noterelle intorno a Filippo Decio grande consulente ‘parsimonioso’ », Amicitiæ pignus. Studi storici per Piero Del Negro, U. Baldini et G. P. Brizzi dir., Milan, Edizioni Unicopli, décembre 2013, p. 11-30. Expilly fait référence à Decio dans ses Plaidoyez, ibid., Arrêt XXI, p. 529, renvoyant aux Consilia 398 in fine, et ajoutant : « il le pouvoit atester, il êtoit conseiller audit parlemant ; on le void an ses euvres et an sa vie écrite et inserée à la fin de ses lectures sur le Code : come l’a êté Monsieur Cujas, tous deus claires lumieres du droit ».
63 C. Expilly, ibid., Arrêt CLXXVII, p. 757 : « Le sieur Louys d’Aragon, qui fut un tres-docte et renommé jurisconsulte, a lésse par écrit, an ses Notes et recueils, que de son tans il se jujoit ainsi, sans dificulté ».
64 Ibid., Arrêt CLXXVIII, p. 759 : « ([…] in l. in his rebus § servus uxoris D. solut. matrim. où il a inseré l’arrêt susdit, donné à son raport) ».
65 Professeur à l’université de Valence entre 1524 ou 1526 et 1562, Exea avait semble-t-il en vain brigué un office de conseiller au parlement de Grenoble. Ses œuvres n’en étaient pas moins fameuses dans son ressort. DHJF (P. Arabeyre).
66 Gui Pape qui avait été nommé au conseil delphinal en 1440, fut membre du parlement érigé en 1453 jusqu’en 1471, date à laquelle il fut destitué par Louis XI qui ne pardonnait pas aux conseillers de ne pas l’avoir soutenu lorsque son père Charles VII lui avait repris la province. Ses Decisiones Parlamenti Delphinali, imprimées dès 1475 ou 1490, ont connu 42 éditions jusqu’en 1667. DHJF (G. Giordanengo). Expilly s’y réfère très fréquemment.
67 C. Expilly, Plaidoyez, Arrêt CLXIX, p. 721.
68 Ibid., Plaidoyé XXXI, p. 334 : « […] Guid. Pap. ce grand et celebre conseiller an vôtre cour de parlemant de Daufiné, de qui le nom et l’autorité s’êt randuë si venerable par toutes les regions du monde, que l’Espagne, le Portugal, l’Italie, l’Alemagne et les peuples plus reculez l’ont an honeur et l’aleguent come un oracle de doctrine » ; voir également Arrêt CXXIV, p. 637 : « Nous avons de lui plusieurs euvres imprimées, ses Decisions, un volume de ses conseils : item varios tractat. […] : où paroit un clair jugemant, un solide sçavoir, et une constante preud’homie : qui montre que quand les letres et sciances sont conduites par des mains ingenuës et nobles, come la siene, elles ont bien plus de lustre : ainsi que Plutarque a remarqué ». Suit un éloge de la noblesse de cette famille et notamment du sieur de Saint Auban, contemporain d’Expilly, illustré de vers de Ronsard évoquant Philippe de Commines : « Qui d’un cœur vertueux fait à la France voir, / Que c’êt honneur de joindre aus armes le sçavoir ».
69 François Marc, Novae decisiones supremae curiae parlamenti Delphinalis, Grenoble, 1531-1532. L’œuvre connut, sous différentes appellations, une dizaine d’éditions (Lyon, 1562, 1564-1579, 1579-1586, 1584-1585 et 1600 ; Venise, 1561 et 1566 ; Francfort, 1624 ; jusqu’à la dernière : Cologne, 1685). DHJF (P. Arabeyre).
70 C. EXPILLY, Plaidoyez, Arrêt XXVIII, p. 541 : « De cet arret font mantion les sieurs Rabot et Bonneton an leurs annotations, sur la question de Gui Pap. 110. Il y a erreur an l’impression, touçhant la date dudit arret […] ».
71 Cela apparaît dès la table, qui indique que « Les arrets suyvans ont ete tirez, an partie, des memoires du sieur Antoine Fabri, jadis conseiller au parlemant de Grenoble », non folioté. Il s’agit de 34 chapitres correspondant à autant d’arrêts, numérotés CCXXII-CCLXVI, ibid., p. 885 sq.
72 Ibid., Arrêt CLXXXIII, p. 774-775, il allègue six arrêts du parlement de Grenoble.
73 Ibid., chapitre « Si les bagues et joyaus, donez à la fame an contrat de mariage par le mary, sont deuz à ses heritiers, si elle meurt devant que sondit mary », p. 760 : « Pour donc eviter ces dificultez, les mieus conseillez ajoutent aus donations des bagues et joyaus, qu’ils apartiendront à la fame, soit qu’ele survive à son mary, ou soit qu’ele premeure. Et an ce cas, sans dificulté, les heritiers de la fame amportent les bagues et joyaus ».
74 La constitution du recueil reflète cet éclectisme, certains arrêts étant traités de manière très approfondie, donnant lieu à des divisions en points, d’autres se résumant au strict délibéré de l’espèce. La division en deux parties de l’édition de 1636 accentue le caractère désordonné dans la mesure où certains thèmes sont traités à plusieurs reprises dans chacune des parties. Voir par exemple, au sujet de la question des pensions et rentes, les arrêts CVI et CXIIII, des 11 décembre 1589 puis 17 mars 1594, p. 618 et 623 (où il renvoie à l’arrêt précité).
75 Ibid., Arrêt XLII, p. 553.
76 Ibid., Arrêt XXX, p. 547.
77 Comme cela apparaît particulièrement dans les plaidoiries, pour d’évidentes raisons utilitaires : « Vôtre dite cour de Parlemant, que l’on peut dire être un cors sans reproche, où l’amour, la haine, l’anvie, la crainte, le profit, et tout ce qui peut faire pancher la balance, n’a jamais eu de part, où la justice paroit an sa plus vive majesté, l’asyle, le refuge, et l’asseurance des bons, la terreur et l’opression des méchans, de qui les arrets sont receuz, et servent de loy, non seulemant an l’étanduë de vôtre obeïssance, mais par tout où la raison et le droit êt suyvi, s’êtant si longtams conservée an sa premiere pureté, sans alteration aucune, n’ayant jamais eu autre but (après l’honeur de Dieu) que de maintenir la grandeur de vôtre sceptre, et distribuer la justice à vos sujets, an toute droiture et equité […] ». Ibid., Plaidoyé 31, p. 331. Sur cette idéeologie voir notamment les travaux de Jacques Krynen et de Francesco di Donato.
78 Voir également à cet égard certaines plaidoiries (et notamment le plaidoyé 31 sur le procès des tailles, p. 326-364, et infra), comme la dédicace au chancelier Sillery : « Ces corps, composez de personnages nourris parmi les letres et la vertu, ne sont portez qu’à la conservation de l’autorité du Roy. C’ét là où la Raison preside, où la justice tient le glaive menaçant contre la rebellion et l’insolance, et d’où sortent tous les jours tant d’Arrets, qui sont autant d’oracles, pour avertir et contenir les peuples an leur devoir […] », ibid., « A Monseigneur de Sillery », [fol. [a 3]], daté du 2 juin 1619.
79 Des « discours imprimez » avaient voulu « metre celuy de Bourdeaus devant celuy de Grenoble » puis, lors de l’assemblée des notables tenue à Rouen, les parlements dont l’érection était postérieure avaient entendu contester la position de celui de Grenoble. L’arrêt du Conseil du roi trancha la querelle en faveur du parlement de Grenoble le 3 décembre 1617. Expilly donne un extrait des registres du Conseil d’État, ibid., Arrêt CLXI, p. 698-701.
80 Ibid., Arrêt CLVIII, p. 691.
81 Plusieurs manuscrits de ses travaux subsistent dans lesquels on trouve, outre l’histoire des Allobroges, un grand nombre de dessins à la plume, représentant des autels votifs gallo-romains, avec inscriptions, des temples, des églises, des tombeaux, et notamment des informations sur la porte Traine (ancienne porte jovienne de la ville). Des extraits ont été copiés par Chorier. Voir notamment É. Chatel, « Étude sur les portes de l’enceinte gallo-romaine de Grenoble d’après deux dessins du XVIe siècle », Cahiers archéologiques, 38, 1990, p. 17-24.
82 Expilly fait également des références à certaines observations faites sur d’anciennes inscriptions de la ville. C. Expilly, Plaidoyez, Plaidoyé 18, p. 194-195.
83 Ibid., Arrêt CLVIII, p. 692 sq. Sur l’habitat parlementaire comme sur les écrits d’histoire urbaine, C. Coulomb, « L’habitat parlementaire à Grenoble dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Héritages familiaux, solidarités professionnelles et théâtre politique », Histoire urbaine, 5/1, 2002, p. 5-25 ; Id., « Écrits et prestige des gens de justice sous l’Ancien Régime », Histoire de la justice, 20, 2010/1, p. 43-56, et plus généralement les travaux du même auteur, notamment dans le numéro spécial d’Histoire Urbaine, Écrire l’histoire de la ville à l’époque moderne, 28, 2010.
84 Même si, dans l’ensemble du recueil, les allusions au rôle qu’il a personnellement pu jouer dans certains arrêts restent rares et furtives. Voir par exemple C. Expilly, ibid., Arrêt CXLV, p. 659, mentionnant une requête par lui signée en 1609 ; Arrêt CLII, p. 670, indiquant au vu de sa désaprobation à l’égard d’une « coutume » récente prise par les avocats du parlement de Grenoble, que « nous resolumes de la faire perdre, et remontrames an audiance, à la premiere ocasion qui s’ofrit, que c’êtoit chose contraire au droit et à l’ancien usage […] » ; Arrêt CLV, p. 681, notant que « j’ay actes an main, qui font voir que […] ».
85 Ibid., Plaidoyé 14, p. 143 : « Quant au pere messire Jan de la Crois, baron de Clerieu, cy devant incomparable avocat general du roy, et aujourd’huy tres-digne presidant ceans, qui sçavoit si bien faire ce que dit Arnobius, loqui suadenter in litibus, son sçavoir eminant, son jugemant solide, sa memoire excellante, non eloquance nompareille, ses vertus et merites infinis nous ferment la bouche, nous otant l’espoir d’an pouvoir dignemant parler […] ».
86 Ibid., Arrêt CLXXVI, p. 749-750. Voir encore à titre d’exemple Arrêt XIV, p. 518 (indiquant 17 juges présents au jugement mais donnant seulement 16 noms) ; Arrêt XC, p. 600. Voir aussi sur l’éloge de la vertu des magistrats du parlement de Grenoble le Plaidoyé 20, p. 210 : « […] la reputation de ce parlemant tant renommé, par le sçavoir et preud’homie de ceus qui ont passé et de ceus qui sont an ces sieges relevez, a rampli d’admiration tout le monde, voyant que parmi tant de çhangemans, parmi tant de corruptions du siecle, il s’êt conservé antier et sans rouille ; tout de méme que le plus noble metal : et peut-on dire de luy ce que Demostene disoit de l’Areopage, contre Aristocrate, que jamais nul demandeur ou defandeur condamné n’a seu faire voir avec raison que ses arrets fussent donnez contre le droit : duquel Aristide disoit aussi, que celui qui a êté condamné sortoit aussi contant, que celuy qui avoit obtenu. Le chef de ce corps Messire Artus Prunier, seigneur de Saint André, tenant le gouvernail du vaisseau, sage et docte, experimanté et versé an la conoissance de toutes langues et sciances, et plus ancore au manimant des afaires d’Etat et de justice, fait voir combien sa Majesté a pris soin de nous, l’ayant établi premier presidant d’une si digne compagnie » ; Plaidoyé 25, p. 432 : « Or come cete province a êté fleurissante an braves guerriers, elle ne l’a moins êté an grans personages pour la justice : on a veû et on le void tous les jours que ce parlemant sert à toute la France come les Amphictions à toute la Grece, on y accourt de toutes pars, du fons de la Normandie, de la Bretagne et Guyenne. Quant à la Provance, Bourgongne et Languedoc, nos registres sont plus chargez, de leurs causes que de celles de ce païs […] ».
87 Tel procès, « évoqué du parlemant de Tolouse », est « ranvoyé à celui de Grenoble » ; tel autre, du parlement de Dauphiné, est évoqué au parlement de Dijon ; tel autre l’est du parlement de Provence, ibid., Arrêts CXXXIV, p. 648 sq., CL, p. 667 sq., CCI, p. 779 sq.
88 Ibid., Arrêt XXVIII, p. 543. Voir aussi sur la question infra.
89 Ibid., Arrêt CCXX, p. 834. Voir infra.
90 Ibid., Arrêt CLXXXIII, p. 773-774 : « Qu’on voye donc le tres-docte presidant Favre an la definition susdite 19 qui met cete question hors de controverse. Hé ! mon dieu ! écrivant cecy il me resouvient de son decez, n’agueres arrivé. An ce triste mois de mars de l’an 1624 cete clére lumiere de la jurisprudance s’ê eteinte. Ce grand personage an toutes vertus et fiances s’an êt alé, laissant à la posterité l’admiration de ses ouvrages, et le regret de ne voir achevez ses Rationalia, sur léquels il a finy ses jours, la plume à la main, et presque debout ».
91 Expilly mentionne en avoir consulté, ibid., Arrêt CCXXV, p. 867 : « Le parlemant de Paris a fét des arrets samblables, dont j’an ay veu deus. L’un du 30 janvier 1631 imprimé […]. L’autre êt du 23 de novambre 1632 […] ».
92 Il évoque ainsi par exemple le commentaire par Jean Boissel, avocat au siège presidial de Poitiers, de l’article 54 de l’ordonnance de Moulin, ibid., Arrêt CLXXI, p. 726.
93 Ibid., Plaidoyé 37, p. 451 : « Nous avons veû un pareil procez par devant le senat de Turin, an l’an 1581, lors que nous y êtions aus estudes du droit, sous les docteurs Pancirole et Manos […] » ; Arrêt CLXXVI, p. 750 : « J’ay dépuis trouvé un autre arret du senat de Turin (qui fera icy l’onziéme). An l’an 1633, j’eus l’honeur d’être comis par le roy intandant de la justice, police et finances, et presidant au conseil souverain de justice à Pinerol. Durant mon sejour, j’eus la curiosité de voir les procez, et jugemans sur ce intervenuz, qui se trouvent aleguez an l’adition du seigneur presidant Gaspar Thesaure, sur cele du seigneur Antoine son pere, decision 172 […] ».
94 Voir aussi plus tard A. Fontana, Amphitheatrum legale, seu Bibliotheca legalis amplissima, Parme, 1688, réunissant plus de 800 décisions dont plus de la moitié provenant de collections italiennes. A. Padoa-Schioppa, A history of law in Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 2017, p. 318.
95 C. Expilly, Plaidoyez, Arrêt CCXXV, p. 859-860 ; voir aussi le Plaidoyé 27, n. 31, p. 286-287.
96 Ibid., Arrêt CLXXVI, p. 746 sq. Des douze arrêts mentionnés, le premier est cité par le « fameux docteur » Pietro Antonio Pietra (1512-1608) (« In rota placentina, l’an 1525 ») ; le deuxième est allégué par le « grand magistrat » napolitain Giovanni Francesco de Ponte (1541-1616) (« Conseil 68, num. 1et 2 ») ; le troisième se voit « in Decisiones rotae romanae » (du 2 décembre 1588), et se trouve fort prisé par Giacomo Antonio Marta (« un des premiers docteurs d’Italie ») ; le quatrième se trouve chez Franciscus Vivius (« In decisiones regni neapolitani ») comme encore chez Marta ; le cinquième, de la Rote romaine, se trouve rapporté per Mercuriale Merlini (1597-1657) (« De legitima »), mais aussi chez Stephani Gratiani Romani (†1625) (« Disceptationes forenses ») et Ercole Mariscotti (†1621) (« Liber variarum resolutionum ») (lesquels datent cette décision du 23 et non du 28 janvier susdit) ; le sixième est rapporté par le président Tesauro (« Decisiones 172 ») et encore prisé par Marta (« aussi doit-il être bien consideré, ayant êté concerté, et conclu de l’avis de toutes les chambres, an un senat composé de personages pleinemant versez an la conoissance du droit. Le docteur Surdus pourtant n’apreuve nullemant ces distinctions ») ; le septième se tire du commentaire sur les coutumes de Bordeaux d’Arnaud Ferron (sachant que Bernard Automne sur les mémes coutumes « art. 57 an certifie autant, et cote des arrets ») ; le huitième a été recueilli par le Presidant Favre (« in suo Cod. tit. de impuberis ») ; le neuvième a été enregistré au grefe du parlemant de Grenoble (seconde chambre, le 8 juillet 1569) ; le dixième, daté du 2 mars 1579, provient aussi de ce méme parlemant ; puis le onzième du sénat de Turin (9 août 1608).
97 Ibid., Arrêt CLXXVI, p. 754-755 : « je ne say, quels purent être les mouvemans des juges, ny s’il y avoit quelque circonstance au fét, qui les fît tomber de ce coté-là : mais je say bien, que de huit, qu’ils êtoient, ils ne furent pas tous d’un méme avis : et que s’il an eût êté comuniqué, et pris celuy des autres chambres, comme il avoit êté propozé an la premiere, l’arret auroit passé au contrére, come il a êté dit depuis assez ouvertemant. Et de vray, aus cas, qui peuvent souvant arriver, on a acoutumé an tous les parlemans, de prandre l’avis de toutes les chambres, afin que, selon la pluralité des vois, l’arret s’an ansuive : autremant il arriveroit, qu’aus autres chambres on pourroit juger diversemant. Si les deus arrets susdis eussent êté aleguez, et produis par les parties, et veuz an jugant le procez, il êt impossible de croire, que ce dernier arret eût passé de la sorte. Messieurs, qui l’ont jugé, et qui sont assis sur les mémes chéres, où leurs devanciers ont decidé an faveur de la mere, n’eussent voulu prononcer contre un autre, et montrer, que les premiers avoient mal antandu le droit. Cela n’arriva jamais, où c’êt bien raremant ». Ces conjectures illustrent les difficultés posées par la non motivation des décisions de justice sous l’Ancien Régime. S. Dauchy, V. Demars-Sion, « La non-motivation des décisions judiciaires dans l’Ancien droit : principe ou usage ? », RHDFE, 82/2, 2004, p. 171- 188.
98 C. Expilly, ibid., Arrêt CCXX, p. 833-834.
99 Ibid., Arrêt CXXXIX, p. 655, à propos de deux arrêts rapportés par Papon.
100 Ibid., à propos d’une décision rapportée par Afflitto, Arrêt CLXXI, p. 729 : « Quant à la decision de Matth de Afflict. 166 elle êt fette an un païs coutumiers, come au ressort de Paris : d’ailleurs il ne raporte aucun arret du senat, ou conseil de Naples. C’êt son opinion seule, laquele peut être ne seroit suivie des autres juges, si la question se prezantoit pardevant ledit Senat ».
101 Ibid., Arrêt XXVIII, p. 543-544.
102 Ibid., Arrêt CLXXIII, p. 736. Voir également l’emploi de la même expression « gallica praxis », et sa traduction française, Arrêt CLXXIII, p. 743 : « Que si le parlemant de Paris le juge ainsi, et que ce soit la pratique de France, Gallica praxis, c’êt pource qu’aus païs coutumiers les testamans n’y sont an grand credit, et que toutes les coutumes ont retranché la pleine liberté de tester. Ce sont les termes du sieur Brodeau ».
103 Ibid., Arrêt CLIV, p. 675. Relatant le silence assumé par Auguste, suivant le conseil du Sénat, lors du procès d’accusation d’empoisonnement portée contre son ami Nonius Asprenas (lu chez Suétone et Pline), Expilly note que « C’êtoit la coutume des juges, qui êtoient jans de bien, de n’atandre pas qu’on les recusat, quand ils se santoient suspets. Nous l’aprenons de Tacite, s’il êt l’autheur du livre De oratoribus, sive de causis corruptae eloquentiae ». Sur l’affaire, C. Badel, « L’empereur romain, un témoin impossible », Les témoins devant la justice. Une histoire des statuts et des comportements, B. Garnot dir., Rennes, PUR, § 14-17.
104 Ibid., Arrêt CXXXIV, « Si les dommages et interets peuvent être demandez à faute d’épouser, soit qu’ils ayent êté promis et stipulez, ou non », 649 : « par la coutume gardée an la partie d’Italie, qui s’apeloit Latium, aujourd’huy la campagne de Rome, celuy qui avoit promis d’épouser une fille, ou cele qui avoit promis de prandre un home an mariage, si l’un ou l’autre manquoit de promesse êtoit condanné aus dommages et interets […]. Cete coutume fut gardée jusques an l’an 662 de la fondation de Rome, que le droit de bourgeoisie fut donné à tout ce païs là par la loy Julia. Mais depuis ny là ny ailleurs tels dommages et interets n’ont êté demandés, et aujourd’hui on ne les doit non plus demander ». Voir aussi le Plaidoyé 2, p. 17, cité infra.
105 Ibid., Arrêt XXVIII, sur la question de savoir à qui appartiennent les fruits et arrérages d’un bénéfice (à l’héritier du bénéficier usufruitier ou à son successeur au bénéfice), la Cour juge le 4 août 1546 « selon la coutume », p. 540-544.
106 Ibid., Arrêt CLII, p. 670 : « Les avocas du parlemant de Grenoble ayant depuis quelques tams pris une coutume de faire des remontrances et eloges pour ceux qui presantent des letres de grace à la Cour, nous resolumes de la faire perdre, et remontrames an audiance, à la premiere ocasion qui s’ofrit, que c’êtoit çhose contraire au droit et à l’ancien usage, et n’êtoit raisonnable […]. Nous sçavons bien que cete coutume fut quelque tams an usage à Rome : mais Pompée an son troisiéme consulat l’abolit […]. Nous an avons une loy an nos Digestes […]. A quoy les ordonnances de nos rois répondent, qui font la méme defanse. Villiers-Coterets art. 162 ».
107 Ibid., Arrêt CLXXIII, p. 743, sur la validité d’un testament, « que si le parlemant de Paris le juge ainsi, et que ce soit la pratique de France, Gallica praxis, c’êt pource qu’aus païs coutumiers les testamans n’y sont en grand credit, et que toutes les coutumes ont retranché la pleine liberté de tester ».
108 A. Gouron, Bibliographie des coutumes de France, Genève, Librairie Droz, 1975.
109 C. Expilly, Plaidoyez, Arrêt CCIX, p. 812. Indiquant simplement que « ce droit d’avenage êt deu par les habitans taillables du lieu de Beau-samblant, come an plusieurs autres androis et terres de la Province […] ». Expilly ne donne en l’espèce aucune source, relevant seulement sur les exemptions relatives aux nobles, qu’il en a « amplemant trété au 21e de mes Plédoyez, num. 21 22 et 23 qui me gardera d’an dire d’avantage icy ». Sur le droit d’avenage (redevance annuelle en avoine que les habitants rendaient à leur seigneur pour le droit d’envoyer paître leurs bestiaux dans les bois et marais de la seigneurie), voir Guyot, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, 11, Paris, Panckoucke, 1777, p. 124 sq.
110 C. Expilly, ibid., Arrêt CLXXVI, p. 754.
111 Ibid., Arrêt LXXVIII, p. 585-586.
112 Ibid., Arrêt CLXXI, p. 726.
113 Ibid., Arrêt CLXXXIII, p. 769-770 : « La matiere des fiefs êt conduite par la coutume : on la tréte diversemant, selon l’uzage des lieus et provinces. Cele des anfiteotes et directes, qui sont une espece de fief, n’êt par tout trétée d’une méme façon, notammant an Daufiné […] », avant de mentionner diverses ordonnances royales, de traiter de la question en suivant les analyses de la doctrine, et avant d’évoquer six arrêts de la cour de parlement de Dauphiné.
114 Ibid., Arrêt CLXIII, « Que par la coutume generale de France, l’ainé seul a droit de porter les armes plaines, et que les puinés sont obligez de se diferantier par des brisures », p. 709 sq., « La Cour par son arrêt […]. Ce fut suivant la coutume generale de France, de laquelle fét mantion Tiraquellus […] », p. 711.
115 Ibid., Arrêt CCXI, p. 816.
116 Sur lesquelles voir supra, notes 21 et 22.
117 Car, suivant Bartole, Castro, Fabri et Maynard, Expilly estime que « Nul edit, nulles patantes, ne peuvent abolir et abroger le droit écrit, non un privilege, moins le droit public, sans an fére speciale mantion ». C. Expilly, Plaidoyez, Arrêt CLXXI p. 731 ; voir aussi p. 733.
118 Parue dès 1508, la première édition semble avoir été rare. Il fallut ensuite attendre 1619 pour qu’une réédition intervienne : Statuta delphinatus […], [s. n.], [Grenoble], 1508 ; Statuta Delphinalia […], Grenoble, P. Charuys, 1619. Expilly renvoie par exemple au Statut sur le droit de clame, où il allègue également des arrêts, une ordonnance de Louis XII et, pour expliquer l’origine du terme, le Code, Yves de Chartres, puis Gui Pape, ibid., Arrêt CIX, p. 620 ; voir également sur la question des rentes constituées, où il indique « qu’an nôtre statut delphinal, il y a un arret, qui […] », avant de mentionner une ordonnance de la Cour, des réglementations royales sur le taux des rentes, et un arrêt précédent, Arrêt CXXII, p. 630.
119 L’ordonnance de Villers-Cotterêts n’ayant pas été enregistrée par le parlement de Dauphiné, François Ier promulgua l’ordonnance d’Abbeville le 23 février 1540 pour régler un certain nombre de difficultés concernant les juridictions et le personnel judiciaire de la province. L’ordonnance signe en réalité l’abandon de certaines spécificités locales garanties par le Statut delphinal. Expilly s’y réfère régulièrement dans ses arrêts, voir, à titre d’exemple, ibid., Arrêts XV, p. 518-520 ; Arrêt CXXVII, p. 641-642.
120 Exemple, ibid., Arrêt CCXX, p. 829, mentionnant l’édit « qui êt local et municipal, ét pour ce païs de Daufiné an l’an 1532 […] ».
121 À titre d’exemple ibid., Arrêt CL, p. 668, indiquant que sur le point traité, une ordonnance de la Cour est tirée du statut delphinal « et n’y a autre diferance, sinon que le statut êt an latin, et l’ordonnance an François ».
122 Ibid., Arrêt CXXIV, p. 631-637 ; Arrêt CL, p. 668.
123 Ibid., Arrêt XCI, p. 601 : « la Cour ne suivit du tout la rigueur des ordonnances de Molins, art 34 et de Blois, art. 190 ny de l’edit d’Amboise de l’an 1572 art. Ier, ains s’arreta à la decision de Gui Pape, quaest. 557, qui ateste que, par la coutume de ce païs de Daufiné, les coulpables de ce crime Pecuniariter puniuntur, aut alias arbitrio judicis, secundum qualitatem personarum, et delicti exigentiam ».
124 Ibid., Arrêt CLII, p. 670-671. Voir supra.
125 Ibid., Arrêt CLXII, p. 704-706. À propos de cette coutume « an la vile de Grenoble, et an quelques autres de Daufiné (je ne sçay, si elle êt point ailleurs) », dénonçant l’abus constituant à dépouiller les pauvres des habits qui leur avaient été portés pour certaines cérémonies funèbres, Expilly évoque les abus « semblables » ayant eu cours à Rome, réglés par Justinien (« loi unique § sed & qui domini funus. C. de lat. libert. toll. ») et renvoie à une déclamation de Quintilien sur le sujet.
126 Ibid., Arrêt CCXVII, relativement aux dires de l’inthimé, p. 824.
127 Ibid., Arrêt CXVII, p. 610.
128 À savoir que « Ptolomée, et ceux qui estoient auprés de luy ayans entendu les coustumes et les loix qu’ils avoient rapportées, les apreuverent extremement, asseurant qu’elles estoient toutes si bonnes et si raisonnables, qu’il leur estoit impossible de juger celles qui estoient les meilleures ». A. de Guevara, Le mespris de la cour, imité de l’espagnol de Guevarre, par Molière, Paris, Toussainct du Bray, 1621, p. 189.
129 Pierre Du Jarric, Histoire des choses plus memorables advenues tant ez Indes orientales, que autres païs de la descouverte des Portugois, en l’establissement et progrez de la foy chrestienne et catholique, 1608-1614, 3 vol.
130 C. Expilly, Plaidoyez, Arrêt XCVII, p. 611.
131 Ibid., Arrêt CCI, « Que le droit de sepulture apartient à tous les desçandans de celuy, qui a bâti le sepulcre, tant du côté des mâles, que des fames », p. 798 sq. : Expilly renvoie à Giglio Gregorio Giraldi (De Sepulchris et vario sepeliendi ritu libellus, 1539), Coelius Rhodiginus (Lectiones antiquae, 1516), Alexander Ab Alexandro (Genialium dierum libri sex, 1532), Marco Antonio Maioragio (Epistolicarum quaestiorum libri duo, 1563), Gerolamo Cardano (De sapientia, 1544), Pierre Du Faur de Saint-Jory (Semestrium liber secundus, 1601), Sebastiano Medici (De sepulturis, 1580), Tomaso Porcachi (Funerali antichi di diuersi popoli, et nationi, 1574), Claude Guichard (Funérailles et diverses manières d’ensevelir, 1581), Johannes Meursius (De funere liber singularis, 1604), Jacques Gouthière (De Jure manium, seu de Ritu, more et legibus prisci funeris, libri III, 1615), Jean Guenebauld (Reveil de Chyndonax, 1621), Joan Kirchmannus (De funeribus romanorum libri quatuor, 1605), Mathias Mareschal (Traité des droits honorifiques des seigneurs ès églises, 1623 – avec des arrêts), Dom Polycarpe de La Riviere (Des excellences et perfections immortelles de l’âme, 1626), Charles Loiseau (Traité des seigneuries, 1608), Gaspare Antonio Tesauro (Quaestionum forensium libri quatuor, 1607), Jean-Jacques Chifflet (Geminiae matris sacrorum titulus sepulcralis explicatus, 1634), Antonio Bozio (Roma Sotterranea, 1632). Cet intérêt pour les funérailles se retrouve dans de nombreux plaidoyers notamment 1, p. 7 ; 5, p. 48 ; 35, p. 443.
132 Sur les plaidoyers et les pratiques oratoires de la Renaissance et de l’âge classique, voir spécialement A. François, « Origine et déclin du ‘bel usage’ parlementaire », Revue d’histoire littéraire de la France, 25 (1918) ; C. E. Holmès, L’éloquence judiciaire de 1620 à 1660, reflet des problèmes sociaux, religieux et politiques de l’époque, Paris, A. G. Nizet, 1967 ; M. Fumaroli, L’âge de l’éloquence : rhétorique et res literaria de la Renaissance au seuil de l’époque classique, Genève, Librairie Droz, 1980 ; rééd. Paris, 1994 ; Histoire de la rhétorique dans l’Europe moderne : 1450-1950, Paris, PUF, 1999 ; J. Jehasse, La renaissance de la critique, l’essor de l’humanisme érudit de 1560 à 1614 (1976), éd. revue, Paris, Champion, 2002 ; D. Dutton, Le plaidoyer de l’âge classique – Olivier Patru, Antoine Le Maistre et Claude Gaultier, Paris, L’Harmattan, 2007 ; Les plaidoyers à la Renaissance, op. cit.
133 Voir supra.
134 Ainsi par exemple sur la réparation des églises (Plaidoyé 9), sur la défense de nourrir des bêtes (Plaidoyé 13, « Du domage des betes, specialemant des chevres », dont Expilly indique qu’il fut « fait et premieremant imprimé an l’an 1608 », « assez souvant, trois fois à Paris et deus à Lyon », p. 137), sur la bâtardise (Plaidoyé 17), sur les legs et testaments (Plaidoyé 19), les tailles (Plaidoyé 21), sur la prescription criminelle (Plaidoyé 22), sur les enfants naturels (Plaidoyé 23), le fief (Plaidoyé 27), la mort civile (Plaidoyé 29).
135 Expilly prend soin de ne pas donner le texte exhaustif d’un plaidoyer, « deus doctes personages de ce tams » ayant déjà fait « des elegans plaidoyez sur pareil sujet », ibid., Plaidoyé 22, p. 226.
136 Ibid., Plaidoyé 32, p. 365-366, daté du 12 décembre 1594. Ce plaidoyer a été prononcé à l’occasion de la réception d’une délégation d’ambassadeurs vénitiens par le parlement de Grenoble. En l’honneur de cette séance particulière, le président Ennemont Rabot demanda à Expilly « de dire quelque chose », alors même « qu’il n’avait encore l’honneur d’être avocat du roi » : « il s’y traita du fait d’une grace […] presantée par Angelon Platel de Varse, duquel j’êtois avocat et conseil ». Sur Ennemont Rabot voir notamment S. Gal, Le verbe et le chaos, les harangues d’Ennemond Rabot d’Illins, premier président du parlement de Dauphiné (1585- 1595), Grenoble, PUG, 2004.
137 C. EXPILLY, ibid., Plaidoyé 31, « Ou tres humbles remontrances au roy […] sur le procez intanté par le tiers Etat, contre la noblesse dudit païs », p. 326-364, en 49 points, daté du 10 juillet 1601. Ce « grand procès des tailles » couvait depuis les années 1540. Il avait été ouvert par la requête formulée à genoux, le 19 septembre 1595 à Lyon, par Marchier, avocat du tiers état de Dauphiné. Claude de Lagrange, Jean Vincent et Antoine Rambaud publièrent tous trois de fervents plaidoyers en faveur de la cause du tiers état. Expilly leur répondit par une véhémente défense de la noblesse, « sang plus pur du cors de l’Etat », dénonçant un tiers état désireux, dans sa « temerité », de « reduire à sa mesure ceus qui par diferance de qualitez sont relevez par dessuz luy » avec la volonté de mettre en place un état « populaire ». Le procès fut tranché par l’arrêt du conseil d’État du 15 avril 1602, qui, révoquant les anoblissements antérieurs à 1598 et restreignant le nombre des exemptions fiscales, consacrait l’immunité, au regard de la taille, des deux premiers ordres tant pour les biens déjà en leur possession que pour les biens qui seraient acquis à l’avenir. Le succès qu’il remporta à cette occasion valut à Expilly d’être désigné le 19 janvier 1604 comme avocat général. Mais la victoire fut provisoire. « Harcelant » les deux premiers ordres, Claude Brosse réitéra la demande du tiers état en 1632, réclamant la cadastration des biens possédés par les privilégiés, et, les 31 mai 1634 et 24 octobre 1639, deux arrêts du Conseil d’État proclamèrent cette fois les tailles réelles et présidiales en Dauphiné, prescrivant l’instauration du cadastre dans toute la province. D. Hickey, The Coming of French absolutism : the struggle for tax reform in the province of Dauphiné : 1540-1640, Toronto-Buffalo-Londres, University of Toronto press, 1986 ; id., « Taille, clientèle et absolutisme : le Dauphiné aux XVIe et XVIIe siècles », RHMC, 39/2, Avril-juin 1992, p. 263-281 ; id., Le Dauphiné devant la monarchie absolue : le procès des tailles et la perte des libertés provinciales, 1540-1640, éd. V. Chomel, Moncton-Grenoble, Éditions d’Acadie-Presses universitaires de Grenoble, 1993.
138 C. Expilly, ibid., Plaidoyé 30, p. 305-325.
139 Ibid., Plaidoyé 27, « Si le roy, come seigneur superieur, dominant peut prescrire le fief immediat, ou partie d’iceluy contre son vassal », p. 273. Les plaidoyers sont dans l’ensemble assez longs, couvrant jusqu’a plusieurs dizaines de pages, et étant divisés en de nombreux points. Le plus long est le n. 31 relatif au procès des tailles, mentionné ci-dessus.
140 C’est l’année où Expilly, jusqu’alors simple avocat général au parlement de Dauphiné, est nommé conseiller d’État, en 1608, que paraît la première édition de ses Plaidoyez. Rééditée en 1612, l’œuvre connaît un succès immédiat puisque trois retirages sont faits la même année et les rééditions par la suite s’enchaînent. Voir supra note 17.
141 C. Expilly, Plaidoyez, « A monseigneur de Sillery, Chancelier de France et de Navarre » : « J’ay desiré d’élever et grossir mes Plaidoyez, pour les ramener an votre presance mieux assortis, et les randre plus dignes de votre œil favorable », fol. [a 2]. Des lettres à Sillery ont été conservées dans les manuscrits de l’Institut de France, Ms Godefroy 267, fol. 130.
142 Au décès d’Expilly, d’après Antoine Boniel de Catilhon, l’on trouva encore parmi ses papiers et manuscrits « plusieurs fragments de plaidoyez, de harangues, de traittez, et de Poësies, qu’on n’a voulu mettre sous la presse, ny leur faire voir le jour, parce qu’ils n’ont pas esté retouchez par luy, et qu’il n’a pas eu le loisir d’y mettre la dernière main ». A. Boniel de Catilhon, La vie de messire Claude Expilly, p. 141.
143 C. Expilly, Plaidoyez, Plaidoyé 14, « Pour la presantation des docteurs ez droits, pour être receuz avocas an parlemant », p. 138 sq. : « Coutume observée au parlemant de Grenoble, lors de la presantation des docteurs ez droits pour être receuz an l’ordre des avocas ».
144 Ibid., Plaidoyé 21, voir notamment les p. 222 et 215.
145 Ibid., Plaidoyé 27, p. 273.
146 Ibid., Plaidoyé 10, p. 111 et 113, suivant « tous nos praticiens françois ».
147 Ibid., Plaidoyé 27, p. 277.
148 Ibid., Plaidoyé 1, p. 1 sq.
149 Ibid., p. 5.
150 Ibid., Plaidoyé 2, p. 17, déduit d’un passage de Macrobe.
151 Ibid., Plaidoyé 8, p. 79.
152 Ibid., Plaidoyé 17, p. 174.
153 Ibid., p. 181.
154 Ibid., Plaidoyé 19, p. 207.
155 Ibid., Plaidoyé 27, p. 267.
156 Ibid., p. 278.
157 Ibid., Plaidoyé 30, p. 309 sq.
158 Ibid., Plaidoyé 33, p. 388-389.
159 Ibid., Plaidoyé 9, p. 101 sq.
160 Ibid., Plaidoyé 6, p. 66 : « an la coutume des fiefs on les apele telonca, an meilleur latin evectiones, portoria, an grec […], an la loy des Lombards, lib.10. transitorium tributum ».
161 Ibid., Plaidoyé 15, p. 152, évoquant différentes terminologies : « leide », « cosse », « droit de minage, d’etalage, ou stelage, ou mesurage, come on peut voir aus coutumiers ».
162 Ibid., Plaidoyé 33, p. 380 : « De la coutume de festiner, après avoir payé la dixme à Hercule, et de faire bonne chere au peuple, lequel on ranvoyoit choucher […] cum corona laurea, êt peut-être venuë celle qui êtoit an plusieurs androis de la France, où les beneficiers, aprés avoir recueilli les dixmes, êtoient tenuz de faire un festin à leurs paroissiens : ce qui a êté aboli par l’ordonance de Blois, article 50 ». La thèse est contredite par P. Viard, Histoire de la dîme ecclésiastique en France au XVIe siècle, Lille-Paris, Giard-Picard, 1914, p. 107-108.
163 Ainsi dans celles du Loudunois (art. 12), d’Anjou (art. 148) et de La Marche (art. 337). Encore mentionnée dans deux ordonnances de mars 1498 et juillet 1534, la peine, qui condamnait principalement au Moyen Âge le vol, le blasphème, le parjure et le port illégal d’armes subsista dans les colonies à l’encontre des esclaves fugitifs. Voir les édits du mois de mars 1685 (art. 38) et de mars 1724 (art. 32). M.- L. Le Bail, « Le droit et l’image sur un cas d’essorillage », Médiévales, 1985, p. 103-117 ; P. Beuvier, S. Defarge, M. Saraf, J. Serceau, « L’ablation des membres et des organes en tant que peine », Séminaires d’histoire du droit pénal, Y. Jeanclos dir., Strasbourg, Université Robert Schuman-Strasbourg III, 1999, p. 141-166.
164 C. Expilly, Plaidoyez, Plaidoyé 25, p. 248-249. Sur les développements et analyses dont il accompagne ce commentaire, voir infra.
165 Ibid., Plaidoyé 16, p. 162.
166 Ibid., Plaidoyé 26, p. 260.
167 Ibid., p. 261.
168 D. R. Kelley, « Jurisconsultus perfectus », art. cit., p. 84-102.
169 F. Lestringant, L’atelier du cosmographe ou l’image du monde à la Renaissance, Paris, Albin Michel, 1991 ; Id., « L’exotisme en France à la Renaissance, de Rabelais à Léry », Littérature et exotisme. xvie-xviiie siècle, D. de Courcelles dir., Paris, École des Chartes, 1997, p. 5-16 ; A. Flechet, « L’exotisme comme objet d’histoire », Hypothèses, 11/1, 2008, p. 15-26.
170 Relevons la fréquence des renvois (comptabilisés d’après l’index global, mais qui concernent en réalité pour l’essentiel les Plaidoyers) faits à Ammian Marcellin – 15 – , Apulée – 16 –, Aristides – 19 –, Aristote – 35 –, Arnobius – 15 –, Aulu-Gelle – 18 –, César – 9 –, Cassiodore – 23 –, Cicéron – 49 –, Claudian – 15 –, Demosthènes – 17 –, Dion – 10 –, Diodore de Sicile – 13 –, Diogène Laerce – 8 –, Dyonisius Halicarnass – 8 – , Eusèbe – 8 –, Eusthatius – 6 –, Homère – 27 –, Hérodote – 23 –, Horace – 26 –, Josèphe – 26 –, Juvénal – 26 –, Tite-Live – 53 –, Macrobe – 14 –, Martial – 18 –, Nicephorus – 6 –, Ovide – 32 –, Pausanias – 20 –, Philostrate – 7 –, Platon – 19 –, Pline l’Ancien – 47 –, Pline le Jeune – 26 –, Plutarque – 89 –, Polybe – 10 –, Procope – 7 –, Quintilien – 22 –, Ronsard – 8 –, Saxo Grammaticus – 14 –, Sénèque – 26 –, Sénèque « poete » – 5 –, Sidoine Apollinaire – 11 –, Stace – 13 –, Strabon – 12 –, Suétone – 26 –, Symmaque – 12 –, Tacite – 36 –, Tertullien – 13 –, Thucydide – 8 –, Valère Maxime – 23 –, Varron – 13 –, Virgile – 45 –, Xénophon – 11 –.
171 P. Falguières, « Les inventeurs des choses. Enquêtes sur les arts et naissance d’une science de l’homme dans les cabinets du XVIe siècle », Histoire de l’art et anthropologie, Paris, coédition INHA/musée du quai Branly (« Les actes »), 2009 [En ligne].
172 G. Cazals, « ‘Le voilà dans l’Éthiopie’ », art. cit.
173 C. Expilly, Plaidoyez, Plaidoyé 1, p. 1-14.
174 Jeronimo Osorio, De rebus Emmanuelis Regis invictissimi virtute et auspicio gestis Libri XII, Olyssipone, 1571 ; trad. fr. par Simon Goulart (comprenant plusieurs histoires du Portugal dont celle de Lopez de Castanheda), Histoire de Portugal, contenant les entreprises, navigations et gestes memorables des Portugalois, tant en la conquête des Indes Orientales qu’aux guerres d’Afrique depuis l’an 1496 jusqu’en 1578, Simon Goulart, 1580.
175 C. Expilly, Plaidoyez, Plaidoyé 1, p. 6.
176 François Pyrard, Discours du voyage des François aux Indes Orientales, Paris, D. Le Clerc, 1611. Cité également ibid., Plaidoyé 18, p. 193.
177 C. Expilly, ibid., Plaidoyé 1, p. 13.
178 Ibid., Plaidoyé 3, p. 21-35.
179 Andrés de Laguna, Annotationes in Dioscoridem Anazarbeum, Lyon, G. Rouillé, 1554 ; Olaüs Magnus, Historia de gentis septentrionalibus, Rome, 1555. Cité ibid., Plaidoyé 4, p. 38 et 315.
180 Antonio de Torquemada, Hexameron, Lyon, A. de Harsy, 1582 (trad. Gabriel Chappuys). Cité par C. Expilly, ibid., p. 38.
181 C. Expilly, ibid., p. 38.
182 Fernão Lopez de Castanheda, Ho primeiro livro da Historia do descobrimento e conquista da India pelos Portugueses, Coimbra, J. de Barreyra et J. Alvarez, 1552- 1561 ; trad. fr. par Nicolas de Grouchy, Le Premier Livre de l’histoire de l’Inde, [Paris], Vascosan, 1553 ; Pierre Du Jarric, Histoire des choses plus memorables, op. cit. ; C. Expilly, ibid., Plaidoyé 18, p. 193 : « Bartole aimoit ses disciples et écoliers autant que s’ils eussent êté ses anfans. Discipulos, filiis amore pares, haeredes reliquit. Au royaume de Calecut les disciples adorent leur maitre et precepteur, toute leur vie, et tant grand seigneur que soit le disciple, il faut qu’il an use ainsi, par la loy du païs, au raport de Fernant Lopez de Castagnede, au libre premier de l’histoire de l’Inde Oriantale, chap. 14, et aus iles Maldives, qui sont an la méme Inde Oriantale, les disciples portent tous grand honeur et respet à leurs maitres, tel qu’à leurs propres peres : pour raison de quoy ils ne peuvent contracter mariage ansamble, come êtans liez d’une afinité : ainsi le raconte François Pirard an ses voyages, çhap 13. A ceci samble repondre ce que Solon ordonna an la ville d’Atenes, au raport de Plutarque an sa vie, et de Vitruve an la preface du livre 6 de son Architecture […] », et p. 196 : « au royaume de Gusarate, qu’on apele aujourd’huy de Cambaja, païs qui êt sujet au grand Mogor, et que conquis par Echebar l’un des braves et justes rois qui furent onques ; an ce royaume (dis-je) auprés d’une belle vile qu’on nomme Amadaba, il y a un sepulchre bati par un roy à son precepteur, qui pourroit aler du pair avec le Mausolée tant renommé : ainsi qu’il êt represanté par l’histoire du P. Pierre Du Jaric Jesuite, au libre 4 de l’histoire des Indes oriantales, chapitre 13 ».
183 C. Expilly, ibid., Plaidoyé 16, p. 155-170. Outre les nombreux travaux par ailleurs mentionnés, il indique avoir depuis les premières impressions de ses Plaidoyez avoir beaucoup appris de la lecture de De quadrubipedis Bisulcis d’Ulisse Aldovrandi, imprimé en 1621.
184 Le récit du voyage de Jan Harmensz Van Bree en Asie du Sud et du Sud-Est (Pakistan, Bengladesh, Maldives, Malaisie, Philippines et Singapour) figure dans la collection India Orientalis, ou Petits voyages, éditée par Theodor de Bry et ses frères entre 1598 et 1619 : Indiæ Orientalis pars octava, Francfort, W. Richter, 1607.
185 C. Expilly, Plaidoyez, Plaidoyé 16, p. 163.
186 Le Devisement du monde (rédigé en 1298, édité dès 1477) de « Paul Venitien », est cité ibid., p. 164 et 520.
187 Ibid., Plaidoyé 16, p. 165. Le passage tiré du Toxaris (48) est cité avec une grande précision, bien qu’il ne soit pas complet.
188 Ibid., Plaidoyé 13, p. 134.
189 Ibid., Plaidoyé 6, p. 60 sq. : « La premiere sorte de commerce se faisoit par la seule permutation, témoin Aristote au premier de ses Politiques, çhap. 6 et 7 et Filostrate en la preface de ses Heroïques […] ».
190 Ibid., Plaidoyé 9, p. 91 sq.
191 Ibid., Plaidoyé 21, p. 214 sq.
192 Ibid., Plaidoyé 27, p. 266 sq.
193 Ibid., Plaidoyé 28, p. 288 sq.
194 Ibid., Plaidoyé 29, p. 293 sq.
195 Ibid., Plaidoyé 30, p. 305 sq.
196 Ibid., Plaidoyé 31, p. 326 sq.
197 Ibid., Plaidoyé 37, p. 437 sq., notamment p. 443 concernant Girolamo Benzoni, La Historia del Mondo Nuovo, Venise, F. Rampazetto, 1565 ; trad. fr. par Urbain Chauveton, Histoire nouvelle du nouveau monde, Genève, E. Vignon, 1579 ; Piedro Cieza de Leon, La Chronica del Peru, Anvers, M. Nucio, 1553 ; Claude Guichard, Funérailles et diverses manieres d’ensevelir des Romains, Grecs, et autres nations, Lyon, J. de Tournes, 1581.
198 Ibid., Plaidoyé 26, p. 257 et 261 notamment. Notons qu’il évoque au passage certaines pratiques turques qu’il connaît via les Annales sultanorum ou Historiae musulmanae Turcorum de Johannes Löwenklau – Leunclavius – (1541-v. 1593) ou la Chine puisque L’histoire generale des Indes lui a appris « qu’an tous ces païs-là, non mémes an la Chine, on n’a aucun usage de serrures ».
199 Ibid., Plaidoyé 25, notamment p. 245 et 242. Sur les Gaulois il renvoie à La guerre des Gaules et aux Institutions forenses d’Imbert.
200 Ibid., Plaidoyé 33, p. 377-378. Voir pour une interprétation contemporaine de ces rites T. Derks, « Les rites de passage dans l’empire romain : esquisse d’une approche anthropologique », Anthropologie de l’Antiquité. Anciens objets, nouvelles approches, P. Payen, É. Scheid-Tissinier éd., Turnhout, Brepols, p. 43-80 ; Les rites de passage. De la Grèce d’Homère à notre XXIe siècle, coord. P. Hameau, Bresson, Imprimerie des Deux-Ponts, 2010.
201 Voir les jugements portés par A. Rochas, Biographie du Dauphiné, op. cit., p. 360, 361 ; J. Ollivier, « Expilly », art. cit., p. 91 ; M. Bailly, Un magistrat français en Savoie, op. cit., p. 12 ; H. Vaschalde, Claude Expilly, op. cit., p. 15 ; R. Le François, « Le président Claude Expilly », art. cit., p. 175-176.
202 C. Expilly, Plaidoyez, Plaidoyé 33, p. 378.
203 Ibid., Plaidoyé 18, p. 196. Aussi p. 357-358, sur la Pologne, pour contrer l’argumentation adverse « A quoy donc avoir êté pécher an pays étrange des examples qui n’ont ny force ny raison ? ».
204 « Mais de se servir du droit d’Italie, pour oter le sien à la noblesse, c’êt perdre la Tramontane, et choper des quatre piez », ibid., Plaidoyé 31, p. 351.
205 Pour reprendre une formule du Plaidoyé 31, ibid., p. 339, citée supra.
206 Ibid., Plaidoyé 1, p. 12.
207 Ibid., Plaidoyé 4, p. 44.
208 Ibid., Plaidoyé 17, p. 167.
209 Ibid., Plaidoyé 30, p. 309 sq. : « An la Guinée, qui êt an la cote d’Afrique, il s’an fait presque de méme, les procez se vuident souvant par les armes : mais ce n’êt sans peine et peril des lois [M. Gotard an la description de l’Inde Oriant. Par. 6. Cap. 26]. Notre Saint Louis, vrayemant saint, prohiba cete barbarie après lui Filipes Le Bel [...] ».
210 Ibid., Plaidoyé 25, p. 236 sq.
211 Ibid., Plaidoyé 26, p. 265.
212 Ibid., Plaidoyé 31, p. 337 : « Pierre Martyr milanois, au libre cinquiéme de ses Decades de l’Ocean, dit que Bartelemy Colomb, frere de Christofle, ayant êté laissé lieutenant general aus Indes Occidantales, traita avec Benchin Anachancoa, roy de Xaraga, que ses sujets luy payeroient par feus le tribut de Coton et Chanvre dont ils avoient convenu. Ainsi ce mot de feu regarde vrayemant les familles, et non les fons […] ».
213 Ibid., Plaidoyé 33, p. 389.
214 Ainsi concernant les peuples qui n’ont pas érigé de temples, ceux qui n’ont pas connu l’usage des clés ou ceux qui n’ont pas préconisé le développement du commerce. Ibid., Plaidoyé 9, p. 96 ; Plaidoyé 26, p. 256-257 ; Plaidoyé 7, p. 75-76.
215 Sur la théorie des climats à la Renaissance, M.-D. Couzinet, Histoire et méthode à la Renaissance. Une lecture de la Methodus de Jean Bodin, Paris, Vrin, 1996.
216 Aussi note-t-il ici qu’« Il faut avoir égard au lieu, à la coutume, et à la commodité », C. Expilly, Plaidoyez, Plaidoyé 34, p. 403, point 37 ; ailleurs « que la question des tresors trouvez êt diversemant trétée et par les loix et par les docteurs, selon la diversité des lieus, des tams et des coutumes […]… », Plaidoyé 37, p. 441. Il s’étonne en revanche de ces différences en des régions proches, Plaidoyé 35, p. 427. Voir infra note 255.
217 Ibid., Plaidoyé 7, p. 75 ; Plaidoyé 6, p. 62.
218 Ibid., Plaidoyé 30, p. 311.
219 Plaidoyé 25, p. 244 ; Plaidoyé 30, p. 320. Voir également p. 166.
220 F. Lestringant, L’atelier du cosmographe, op. cit., p. 83-85, 86.
221 C. Expilly, Plaidoyez, Plaidoyé 30, p. 320-321. Suit un éloge appuyé de Louis XIII : « Du plus grand roy, du plus prudant, du plus valeureus et clemant qui fut onques Roy, dont le lustre eface celuy de tous les autres […] Roy, le soucy du ciel, les delices du janre humain, l’amour de ses sujets, l’example et le miroir des vertuz heroïques, et le plus digne d’être obeï qui fut onques […] ».
222 Ibid., Plaidoyé 5, p. 55 : « [20. C’êt un acte barbare de refuser une tutele]. Il n’y a que les barbares et denaturez qui le refusent, ou se prevalent des dépoüilles de leurs neveus, pupils ou mineurs : ancore Satyrus, le plus cruel de tous les tyrans, êtant tuteur des anfans de Clearque tyran d’Heraclée Pontique, parmy toutes ses mechancetez, ne passa point jusques à cete-là, de frauder ses neveux […] ».
223 Dans le cadre de l’évocation des cruautés engendrées par les famines : « A quoy nous devons ajouter la famine de Sancerre, assiegée en l’an 1573, où tout de mémes qu’an Jerusalem, une fille fut mangée par son pere et mere. Ce fut une famine horrible, décrite an peu de mots par le sieur d’Aubigné, au livre premier du deuxième tome de son histoire ». Ibid., Arrêt VI, p. 501. Sur le siège de Sancerre, la source la plus complète était cependant l’Histoire mémorable du siège de Sancerre de Jean de Léry, non citée par Expilly. Voir la rééd. par G. Nakam, Paris, Anthropos, 1975 ; A. Malfuson, F. Lestringant, R. Vérard, 1573 Sancerre, L’Enfer au nom de Dieu (1573), Orléans, Regain de lecture, 2008.
224 C. Expilly, Ibid., Plaidoyé 25, p. 242. Miguel de Luna (Abulcacim Tariff), traducteur de Philippe II, présente la conquête de l’Espagne par les Arabes comme un juste châtiment du ciel favorisant l’établissement de ponts entre les deux civilisations. Almanzor, le conquérant de l’Espagne, est présenté comme un prince modèle, vivante antithèse de Rodrique dont l’image est très négative. A. Redondo, « L’image du morisque 1570-1620, notamment à tragers les pliegos sueltos. Les cariations d’une altérité », dans Les représentations de l’Autre dans l’espace ibérique et ibéro-américain, II, A. Redondo dir., Paris, La Sorbonne nouvelle, 1993, p. 17-31.
225 C. Expilly, Les poëmes, op. cit., notamment dans les « Meslanges » le « Discours à Monsieur Forget seigneur de Fresnes, conseiller et secretaire d’Estat », dénonçant la vanité et les méfaits de la quête des richesses : « De Fresnes, quand je voy les mortels miserables, / Brusler d’ardante soif de thresors perissables, Quand je voy l’esperance indiscrette, qui vole / Tantost aux bors dorez du Lydien Pactole, / Tantost vers ce grand fleuve aux indiens connu : / Puis, cherchant par les mers maint rivage inconnu, / Passe au goulphe d’Abile, aux vagues s’abandonne, / Et d’un aspre desir qui sans fin l’esperonne, / Courant à la mercy des vagues et des vents / Devans le vaste sein d’infinis océans, / Descouvre l’Amerique en sa premiere enfance, / Et ravit tout son or par force et violence, / Court, retourne et ne veut pour les flots s’arrester / Que le grand Magellan premier osa tenter, / Puis d’un cœur forçenant apres ceste avarice, / Par un nouveau chemin s’en va chercher l’espice […] ». Voir également le passage signalé infra, note 236. Selon Philippe Desan, Expilly « embrasse à l’époque la cause des enfants de la nature, à savoir celle des indiens du nouveau monde ». L’édition genevoise, dont le texte est considérament revu et remanié (selon A. Preda, il s’agit du texte « le plus déformé de toutes les éditions des Essais avant les deux succinctes reductions à la fin du XVIIe siècle ») a la particularité de donner une place plus visible aux chapitres « Des cannibales », « Des coches » et « De la coustume », qui pouvaient être lus comme de violents réquisitoires contre l’Église catholique. P. Desan, « Montaigne d’un siècle à l’autre », art. cit., ici p. 126 ; A. Preda, « ‘Les siècles à venir te loueront à bon droit’ », art. cit., p. 187-205.
226 C. Expilly, L’ortographe françoise selon la prononciation de notre langue, Lyon, 1618, in-fol. Mentionné autrefois comme très rare, l’œuvre a semble-t-il aujourd’hui disparue.
227 Id., Plaidoyez, « Avertissemant au lecteur », non folioté.
228 Ibid.
229 Ibid., Plaidoyé 13, p. 128 : « suffragio legislatoris, aut tacito consensu omnium per consuetudinem, dit la loy de quibus D. de legib. Aulus Gell. Lib. II cap. 18 et lib. 12 cap. 13 ou bien selon la variation ou changemenant des dominations, et pro temporum moribus, pro rerum publicarum generibus, ac pro utilitatum praesentium rationibus, proque vitiorum, quibus medendum est, fervoribus ».
230 Ibid., Plaidoyé 33, p. 388 : « […] donc les dixmes ne sont deües du precepte divin et evangelicque, ains seulemant du droit positif : numina nulla premunt. Il samble par consequant qu’il n’y a aparance de les demander du pastel. Chacun sçait que de plusieurs espaces on ne paye la dixme an France come de prez, des bois, des étans des moulins, fruis d’arbres […] et autres çhoses samblables, qu’il y a plusieurs androis où l’on ne paye aucue dixme ; […] De là il faut tirer une consequance certaine, que les dixmes ne sont du précepte divin […] Et de là il faut dire que la coutume règle le fait des dixmes ».
231 Ibid., Arrêt CLXXXIII, p. 771 ; Varron, De la langue latine, livre IV, 6, « Tout change avec le temps : de là toutes ces discordances entre la signification ancienne et la signification actuelle des mots […] ».
232 Ibid., Plaidoyé 13, p. 129 : « [8. Dieu méme a changé au nouveau Testament quelque çhose du vieil] […] Et Plutarque dit que la raison, pour laquelle Lycurgue ne voulut que ses lois fussent mises par écrit, fut afin qu’on y peut çhanger ou ajouter selon que l’occurrance, ou la disposition du tams le requerroit : vous an avez un example in l. dudum 14. C. de contrah.empt. Saint Augustin lib.I. de libero arbitrio c. 6 dit qu’une loy, bien que juste, peut selon le tams être justemant changée. Idem Epist. 5 ad Marcellum ».
233 Lesquels obligent les peuples « à une perpetuelle amitié », apportent « en nos havres, au pied de nos murailles et par maniere de dire, dedans nos logis les thresors de l’Orient et de l’Occident ». Ibid., Plaidoyé 6, p. 40 sq. Est-ce un écho aux thèses d’Émeric Crucé, sur lesquelles voir G. Cazals, « Une paix générale et la liberté du commerce par tout le monde : le grand dessein d’Émeric Crucé », Les échanges maritimes et commerciaux de l’antiquité à nos jours. Actes du colloque de La Rochelle (27-28 septembre 2012), dir. P. Sturmel, vol. 1, Paris, L’Harmattan, 2014, p. 113-191.
234 C. Expilly, ibid., Plaidoyé 6, p. 62.
235 Ibid., p. 63-64.
236 Id., Les poëmes, op. cit., p. 123 : « Que ces avides mots de tien et mien nous coustent ! / Voyez ces Indiens innocens, qui ne goustent / Que le laict de nature, ils jouyssent de tout, / Car leurs possessions n’ont limite ne bout / Que cher vous coustera, pauvre gent abusée, / De nos mœurs et nos loix la pratique rusée ! / L’esclair de nos miroirs, l’usage des habits, / Vous sera, pauvres gens, d’inestimable prix. / Le bruit de nos tembours, le son de nos trompettes, / Et le vain passetemps des luths, et des sonnettes, / Qui vous va decevant, ne vous rendra jamais / Au sein de la nature, où vous estiez en paix ».
237 id., Plaidoyez, p. 64. Bartolomé Leonardo de Argensola (1562-1631), Conquista de las Molucas, Madrid, 1609.
238 Ibid., p. 68 : « Or de la defanse du commerce, il nous an peut revenir un grand bien, par deus moyens : l’un, que les marçhandises demeurant an France, elles seront à meilleur conte aus sujets du roy. L’autre, que l’arjant de France n’ira point an Espagne […] ».
239 Ibid., Plaidoyé 7, p. 71.
240 Ibid., Plaidoyé 25, p. 248.
241 Ibid., Plaidoyé 30, p. 308, 309-310.
242 Ibid., Plaidoyé 31, p. 345.
243 Ibid., Plaidoyé 30, p. 308-309.
244 Ibid., p. 322. Notons qu’en matière de lois nouvelles heurtant possiblement d’anciennes coutumes, Expilly préconise la pédagogie : Arrêt CCXXV, p. 853-854 : « Ajoutez, qu’il faut toujours expliquer les loix nouveles, les edis, an fasson qu’ils choquent, et blessent, le moins qu’il se peut, le droit ancien, et vieilles coutumes : et moins ancore le droit, et interet des particuliers ».
245 Ibid., Plaidoyé 33, p. 391, 401 : « La coutume et l’usage donques doivent être suivis : par la coutume et l’usage on ne paye la dixme de l’herbe : et le pastel êt une herbe, il n’an êt donc deu aucune dixme » ; « […] aussi ne sçauroit-on faire voir que par l’usage et coutume on paye an quelque part la dixme de chose qui ne soit propre à la nourriture de l’home ».
246 Ibid., p. 390-391 : « Lors que les chretiens de l’Inde Oriantale, qu’on apelle de saint Thomas, au païs de Malabar, distribuez an divers royaumes, se rangerent sous l’autorité de l’Eglise romaine, quitant celle du patriarche de Babylone, et les erreurs de Nestorius : l’archevéque de Goa tint un concile à Diamper, au mois de juin 1599. An l’action 7, on traita de l’antretenemant des cassanores ou pretres, léquels au paravant ne vivoient que de simonie, vandans les sacremans. Là il ne fut point parlé d’établir le payement des dixmes, à quoy on n’auroit manqué si on eut creu qu’ils fussent du droit divin : ains ce grand archevéque Alexis de Menezes, personnage de grand renom an sainteté de vie, profond sçavoir et grande experiance, ne resolut autre chose fors qu’il consulteroit avec le peuple, ce qu’il voudroit donner pour l’antretenemant des eclesiastiques : les deputez des provinces et communautez promirent çhacun pour le lieu, duquel il êtoit anvoyé, qu’ils bailleroient certain revenu tous les ans, selon ce qui seroit necessaire. Pierre Du Jarric le raconte au livre 6 chap. 12 de l’hist. de l’Inde ».
247 Ibid., Plaidoyé 31, p. 332-333 : « [10. lois immuables sont meilleures] Or l’Etat êt beaucoup meilleur et plus asseuré, qui use de mauvaises lois et ordonances, mais immuables ; que celui qui use de bonnes lois, mais variables et muables. Depuis douze çans ans, que Dieu ayant fait naitre ce grand Etat, l’a preservé de tant de cheutes et perils, et l’a randu le plus illustre et glorieus de toute la terre habitable, on n’a point veû abolir ou changer an aucun androit les lois, usages et coutumes que l’on y trouve diferantes : Charlemagne seul, qui surmonta tous ses annemis, voulant établir le droit romain au pays coutumier de ce royaume, n’an peüt venir à bout, et ayant reconeu que c’êtoit ruiner ses peuples, et les perdre, rompit son dessein, et confirma aus provinces leurs coutumes et privileges. Aussi l’ampereur Justinian, quand il voulut que par toute l’étanduë de l’ampire les lois du code fussent receuës et gardées, il reserva neantmoins les privileges des particuliers cors et communautez. Cela ne fut pas oublié au transport du Daufiné : il y fut par exprés convenu que le Daufin seroit tenu garder et tenir à toujours perpetuellemant les libertez et françhises, privileges, bons uz et bonnes coutumes de Daufiné ».
248 Ibid., p. 333.
249 Ibid., p. 348-349 : « [19. Temerité du Tiers Etat. Vinçant an son premier plaidoyé]. Qui pourra soufrir cete arrogance ? […] Ils disent que les rois les ont receus comme assesseurs et compagnons de leur puissance et autorité royale. Puis que le tiers Etat êt vôtre compagnon, Sire, et s’êt vanté d’être tel, quel remede aus affaires du monde ? Ce n’êt plus Monarchie, c’êt Democratie, c‘êt Anarchie […]. S’ils veulent êtablir des nouvelles lois et coutumes, puis qu’ils sont assesseurs et compagnons des roys ? Il les faut donc reprimer et leur aprandre à parler modestement […]. De là il faut juger que ce tiers Etat ne sera jamais contant. Les sages ont dit, que le vulgaire haït les magistras et la noblesse, pource qu’il haît la vertu ».
250 Ibid., p. 350. Voir Cicéron, De Republica, V, 1.
251 Ibid., p. 350-351, « [32. Il faut garder les vieilles lois et coutumes] Atenée note que Agatarchides disoit, que les Beotiens sacrifioient des anguilles d’une excessive grandeur et les immoloient avec vœux et prieres, comme hosties. Et quelque étranger leur demandant tout étonné pourquoy ils faisoient cela, ils répondirent, qu’il faloit garder les ordonnances de leurs Majeurs, et qu’ils ne devoient randre autre raison de leur coutume. Et Dion Chrysostome dit, que la coutume êt plus forte que la loy : nos lois mémes y consantent : consuetudo vim legis habet. Aristote remarque que la çhose publique qui êt bien tamperée ampéche que rien ne soit çhangé des lois et coutumes, c’êt la loy des Thuriens. An quoy Platon louë si fort les Sicyoniens, qui jamais ne voulurent soufrir qu’a leur cité fut introduite aucune nouveauté ».
252 Ibid., p. 350-351.
253 Ibid., p. 332-333.
254 Il s’avère ainsi tout à fait étranger au mouvement qui poussait ses contemporains en quête d’un droit commun coutumier. Voir les travaux de Jean-Louis Thireau, à la suite de Charles Du Moulin, Genève, Librairie Droz, 1981.
255 C. Expilly, Ibid., Plaidoyé 35, « Ou remontrance faite an l’an 1614 lorsque les Etas du païs de Daufiné vindrent au Parlemant randre conte aus commissaires deputez par le roy de leurs deliberations et conclusions prises an leur assamblée », p. 426 sq., notamment : « Nous voyons des provinces circonvoisines, qui sont païs d’Etas come celuy-cy, mais bien diferans an façons et meurs : les Etas s’y tienent peut-être une fois l’an […]. D’où vient donc que l’on ne suit les formes anciennes sans faire un corps d’Etat perpetuel, soit par les assamblées des dis villes, soit par le moyen des commis ? Cela ne se fait an nulle part qu’an Daufiné. Si la Provance et le Languedoc, païs d’Etas, çhargent les peuples de si peu de despance, qu’ils ne font point oberez en cors d’Etat : pourquoi n’an sera-il fait autant an Daufiné ? [8. Les peuples sont plus éloignez de meurs que de lieu]. S’ils êtoient éloignez de nous de plusieurs climas, sous autre domination, où il n’y eut point eu de guerres ny d’afaires, on pourroit dire que les nôtres sont cause de cete diferance. Mais quoy ? Ils vivent souz mémes lois, mémes meurs, et méme langage, et neantmoins ils sont bien fors diferans de nos formes, ou nous le sommes des leurs. C’êt ce que disoit Agatarchides au 22. çhapitre du livre qu’il a fait de la mer rouge, et Diodore Sicilien, livre 3 çhap. 15. Les homes sont plus éloignez de leurs formes de gouvernemant, les uns des autres, qu’ils ne le sont de la distance des lieus, et le montre ainsi : depuis les paluz Meotides jusques à Rodes, il n’y a que dis journées de chemin par mer : de Rodes an Alexandrie, quatre : de là au fons de l’Ethiopie, dis : de sorte qu’an 24 jours, on va de l’extreme froid à l’extreme chaud ; et an si peu d’intervalle il y a une si diferante façon de vivre et de se gouverner, que les uns ne peuvent ny imiter, ny apreuver, non méme croire la façon et meurs des autres. Or il y a bien moins de distance d’ici an Languedoc, il n’y a point de mers à passer, il n’y a que le Rhone, et la Provance nous touche. Neantmoins leurs formes de se gouverner vont d’un autre air que les nôtres. Nous an pourrions autant dire de Bourgongne et de la Bretagne, s’ils n’êtoient si loin de nous : veritablemant, il faut dire que nous sommes éloignez de nous mémes […] ».
256 Ibid., p. 428 : « Nous sçavons bien qu’il seroit mal-aisé, voire impossible de les ramener à ces principes : il y faudroit des remedes trop fors : et le cors êtant afoibly, n’êtant plus an la disposition vigoureuse qu’il souloit être, il se faut acommoder au tams et à ce qu’il peut porter. […] Puis donc qu’une autre forme êt introduite, qu’à presant il y a des commis et des oficiers etablis, ils doivent prandre garde au tams qui se perd avec gros frais en tenant les Etas trop longuemant : qu’on retranche ces assamblées des dis villes hors de saison, léquelles aportent autant de dépance au païs que les Etats mémes : qu’ils ayent toujours devant les yeus publica commoda, oubliant les leurs propres, et qu’ils ne soient du naturel de la Pantere qui êt toujours alterée ; ains plutot de celui de l’épervier qui n’a jamais soif. […] Ou plutot qu’il ressamblent à ces peuples qui habitent le long de la mer rouge qui n’ont jamais de soif : on les apelle Ichthyophages, pour ce qu’ils ne vivent que de poisson : qu’ils se gardent que la ferme du sel ne les altere ; que plutot le sel êtant annemy de la corruption les preserve de corruption. […] Au reste quelques uns estiment qu’il y a une grande cabale an la conduite et direction de la ferme du sel […] ».
257 Ibid., Plaidoyé 13, p. 129.
258 Ibid., Plaidoyé 27, p. 275-276 : « La plus ancienne loy qui soit au monde, abandonne toujours au plus fors ce qui êt aus plus foibles, commançant aus Dieux et finissant aus bétes, léquelles ont cela de nature, que les plus puissantes veulent toujours avoir avantages sur les plus foibles » ; « La coutume êtoit ordinaire de donner, pour recompanse, aus jans de guerre les biens conquis sur les annemis. Tite-Live […] ».
259 Ibid., p. 273.
260 « Ce fut Tibere qui premier l’ordona, et les ampereurs qui le suivirent an userent ainsi jusques à Titus qui par un edit general confirma tous privileges aus successeurs de l’Ampire. […] Cete loy êt telemant usitée, que les Gantois firent mourir leurs vint-sis juges, pour avoir condamné un home à mort, après le decez du duc Charles, avant qu’avoir eu confirmation de leurs ofices. Filipes de Commines, an Louys XI chap. 105 ». Ibid., Plaidoyé 15, p. 147.
261 Ibid., Arrêt CCI, p. 800 : « Ledit Guichard au livre I çhap. I dit seulemant, que l’antiquité avoit referé l’invantion à l’un de ses dieus, savoir à Pluton : c’êt après Giraldus, qui dit, que pour celà Pluton fut deifié, et tenu pour le Dieu des anfers, pource qu’auparavant les sepulcres n’êtoient point an uzage parmi les homes. Guthier au çhap. 2 du I livre, a dit, que les Pontifes l’ont instituée : et au çhap. 36 du 2 livre il dit an passant, que la sepulture apartient au droit de nature. Les uns et les autres se pouvoient êtandre d’avantage sur ce sujet, et dire, que c’êt une loy comune, et generale, quoy que non écrite, que Dieu, et la justice eternele ont êtablie de toute eternité, depuis que le monde êt fét, et aleguer ce que dit Sofocle an la tragedie d’Antigone. Pour l’expliquer, il faut savoir qu’Adraste, roy des Argiens, ayant dressé une grosse armée, afin de remetre Polynice son jandre au royaume de Thebes, perdit la bataille. Creon, qui s’êtoit amparé de l’Etat, fit defanse sur peine de la vie, d’ansevelir les cors des annemis. Antigone pourtant ne léssa de couvrir de terre celuy de Polynice son frere : sur quoy Creon luy demandant, si elle ne savoit pas les defanses ; ele repondit ainsi : Jupiter ne me l’a pas defandu, ni la justice : qui habite avec les dieus infernaus, qui ont ordoné le contrére : je n’estimoy pas, que tes edis et ordonances eussent tant de force, ni qu’un homme mortel peût contrevenir à celes des Dieus, qui sont tres-fermes, quoy que non écrites ; car eles ne sont pas fétes d’aujourd’huy, ni d’hier, mez de toujours, et nul ne sét dés quel tans eles ont êté établies […] ».
262 Il faut relever en effet l’emploi régulier d’expressions qui, tout en jouant sur une logique cumulative, contribuent à distinguer « le droit et la coutume » (Ibid., Plaidoyé 16, p. 170 ; Plaidoyé 21, p. 221-222 ; Plaidoyé 27, p. 273, Arrêt CXXV, p. 638) ; « nos lois, nos coutumes et nos arrets » (Plaidoyé 21, p. 221-222) ; « le droit écrit, vos ordonances, et quelques coutumes », « les lois, usages et coutumes », « le droit écrit, les coutumes et lois municipales » (Plaidoyé 31, p. 332), « le droit, et la coutume, et l’usage des lieus » (Arrêt, CXXVI, p. 642).
263 M. Champollion-Figeac, Lettre inédite de Peiresc, suivie d’observations historiques, Paris, J.-B. Sajou, 1811, donne une lettre du 11 août 1626, accompagnant l’envoi d’une édition de Du Vair de longue date promis par Peiresc à Expilly mais qui avait été retardé par la reddition de Pouzin.
264 Sont encore conservés à la Bibliothèque municipale de Grenoble bon nombre d’ouvrages manuscrits et imprimés, dont des incunables, issus de sa bibliothèque, tel le précieux exemplaire des Essais de Montaigne qu’il a annoté de sa main (voir infra note 268) et de nombreux autres textes juridiques (voir supra note 30).
265 G. Cazals, « ‘‘Le voilà dans l’Éthiopie‘‘ », art. cit.
266 L. Assier-Andrieu, « Coutume et usage », art. cit., p. 317.
267 C. Expilly, Plaidoyez, Plaidoyé 26, p. 262, renvoyant aux Essais, livre II, chap. 3, sur le décès du connétable Du Guesclin, et les clés remises sur sa bière.
268 L’exemplaire de l’édition de 1588 des Essais annoté par Expilly témoigne d’une lecture constante et rigoureuse de l’œuvre. BM Grenoble, RES V 28564, M. de Montaigne, Essais, Paris, Abel L’Angelier, 1588, Cinquiesme édition, augmentée d’un troisiesme livre et de six cens additions aux deux premiers, contenant le fameux sonnet autographe : « Les siècles à venir te loueront à bon droit. // Montagne par luy mesme enseigna comme on doit // Et bien dire, et bien vivre, et bien mourir encore ». Voir A. Preda, « ‘Les siècles à venir te loueront à bon droit’ », art. cit., p. 192-194 ; aussi O. Millet, La première réception des Essais, Paris, Champion, 1995, p. 27, 128-129.
269 L’hypothèse d’une rencontre n’a plus aujourd’hui la faveur des spécialistes, n’étant accréditée par aucune source. A. Preda, ibid., p. 189.
270 M. de Montaigne, Essais, I, 26, éd. 1588, fol. 56 v. : « A cette cause le commerce des hommes y est merveilleusement propre, et la visite des pays estrangers, non pour en rapporter seulement, à la mode de nostre noblesse françoise, combien de pas a Santa rotunda, ou la richesse des calessons de la Signora Livia, ou, comme d’autres, combien le visage de Neron, de quelque vieille ruyne de là, est plus long ou plus large que celuy de quelque pareille medaille, mais pour en raporter principalement les humeurs de ces nations et leurs façons, et pour frotter et limer nostre cervelle contre celle d’autruy ».
271 Sur la culture des parlementaires grenoblois, voir M. Virieux, Les parlementaires grenoblois au XVIIe siècle, op. cit., ainsi que les travaux de Clarisse Coulomb cités supra.
272 Sur Denis Salvaing de Boissieu, « entre les bras duquel il rendit le dernier soupir », également proche de Lesdiguières, J.-C. Martin, Histoire et vie de Claude Expilly, op. cit., p. 18 ; P. Pluchot, Denis de Salvaing de Boissieu, 1600-1683 : un Dauphinois du Grand siècle, Le Moutaret, Éditions Autrefois pour tous, 2016 ; sur son père H.-J. Martin et M. Lecocq, Les registres du libraire Nicolas (1645- 1668), t. I, Genève, Librairie Droz, 1977, p. 14.
273 Du moins dans le Plaidoyé 38, daté de décembre 1617, intégré dans le recueil de C. Expilly, Plaidoyez, p. 458 sq.
274 L’abbé lui-même l’indique sans cependant donner aucune preuve de ses assertions. Ed. Esmonin, « L’abbé Expilly et ses travaux de statistique », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 4/4, Octobre-décembre 1957, p. 241-280, ici p. 241.
Auteur
Professeur à l’Université de Rouen, membre de l’Institut universitaire de France
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