Les ‘Paix d’Aurillac’ : un pacte sur la coutume rédigé à trois mains (1277-1347)
p. 45-162
Texte intégral
Observare consuetudienes, usus, franquesias et libertates dicte ville juxta contenta in lege municipali que pax ville nuncupatur, olim concordata, facta et habita inter sindicos, procuratores et actores domini abbatis qui erat pro tempore et conventus et monasterii, pro se et pro domino abbate et conventu et monaterio et successoribus eorundem, ex una parte, et certos sindicos, procuratores et actores consulum et consilariorum qui erant pro tempore ville, pro se et pro eisdem consulibus, universitate, communitate et hominibus dicte ville et successoribus eorundem ex parte altera, sub pena ducentarum marcharum argenti solvendarum per partem inhobedientem […] que pax fuit per curiam parlamenti Parisius confirmata [… ]1.
1Lorsque, en août 1362, les consuls d’Aurillac en conflit avec leur seigneur, l’abbé de la puissante abbaye de Saint Géraud, chargeaient Raymond Labroa, notaire impérial au diocèse de Saint-Flour, de lui remettre une lettre faisant état de leurs griefs à son encontre, ils lui rappelaient dans l’extrait ci-dessus et en termes vifs, ce qu’était la lex municipalis. Elle n’était autre que cette pax jadis conclue de longue haleine et sous l’œil vigilant du pouvoir, entre l’un de ses prédécesseurs et les consuls alors en exercice, puis ratifiée par le Parlement. Ensemble complexe et lourd né du commerce étroit de trois textes successifs, son devenir est mal connu, même si tout laisse à penser que cette lente mise par écrit de pratiques politiques, administratives et coutumières a sans doute été pour l’essentiel consigné dans cet énigmatique « libre de la paix » que Jean Dubantin, ancien lieutenant du maire d’Aurillac, dépose avec les « libres de délibérations depuis son temps », sur la table du conseil de ville réuni en séance les 2 et 3 octobre 14802. Au même moment, Raymond du Ferradour, lieutenant par intérim « a presté serment audit mere et cappitaine de garder ses droits et prérogatives et a la dite ville de garder les privilèges et franchises »3. Imaginer, même si rien n’en est dit, que ce serment fut prêté sur le « libre de la paix » est une hypothèse plus que fondée. « Libre de la paix » sans doute devenu, comme en tant d’autres villes, livre juratoire et sanctuaire conservatoire des lois et coutumes de la ville4. Particulièrement discrètes sur son existence, les archives de la cité géraldienne ne semblent jamais en faire d’autre mention jusqu’à ce que des recherches à venir ne révèlent peut-être un jour de nouveaux indices de son existence et permettent de mieux cerner sa nature5.
2Quoi qu’il en soit, cette mention fugace d’un « libre de la paix » qui aurait traversé les siècles prouve à quel point les Aurillacois et leurs gouvernants conservaient toujours, à l’automne du Moyen Âge, la mémoire fidèle de leurs « Paix » dont la laborieuse élaboration avait profondément marqué les esprits tout au long des dernières décennies du XIIIe siècle. Paix désormais bien connues et d’accès aisé depuis la magistrale publication et la savante étude que leur a consacrées Roger Grand en 19456. Trois textes des 15 juillet 1280, 23 août 1298 et 3 mai 1347 dont l’objectif était de mettre un terme aux conflits permanents qui opposaient une communitas en quête de reconnaissance et un seigneur abbé très avare de ses prérogatives. Destinés à fixer et plus encore à figer tout un bloc coutumier urbain perpétuellement mouvant, ils ont en même temps vocation à trouver un point d’équilibre entre ces deux pouvoirs contraints de parvenir à un accord très largement dicté par le pouvoir. Cette mission première qui leur est dévolue d’être porteurs de paix dans une cité déchirée au lendemain de luttes acerbes tout au long de la décennie 1260, leur a tout naturellement valu la qualification de Pax. Essentielle assurément, elle ne leur est néanmoins attribuée qu’avec parcimonie au détriment d’appellations pléthoriques telles que amicabilis compositio, arbitralis sentencia, pactio, transactio, ordinatio, pax seu compositio, pax et concordia, conventum, pactum. Assez rare dans ces trois textes, le terme pax n’y qualifie au mieux qu’une idée, un état et un idéal à atteindre, jamais un texte, à l’exception peut-être de la traduction en occitan, au début du XIVe siècle, de l’accord du 15 juillet 1280. Il y est fait par exemple mention de l’article de las enquestas de la patz et surtout de la confermatios et l’aproamens et sagelamens de la patz7. Données quelque peu contradictoires qui laissent à penser que c’est à l’issue d’une longue pratique que les termes pax ou patz ont progressivement servi à qualifier tout autant le contenu que le support matériel de ces trois accords. Voilà qui pourrait inciter à porter le regard vers l’histoire de la cité phocéenne du XIIIe siècle où, dans un contexte foncièrement différent, Charles d’Anjou imposa aux Marseillais en 1252, 1257 et 1262 trois traités successifs progressivement intégrés aux statuts sous la rubrique Capitula pacis, traditionnellement qualifiés par la suite de Chapitres de paix8.
3En dépit de cette sémantique à double face et quelque peu fluctuante, la tradition est depuis longtemps parfaitement ancrée dans la mémoire des Aurillacois de voir avant tout, dans ces trois Paix, les trois textes fondateurs de leur histoire et les trois piliers du régime juridique de leur cité. À les décrypter avec acribie, ils offrent à leur lecteur bien d’autres champs d’investigation, parfaits reflets qu’ils sont de cette volonté qui s’affirme partout au cœur des villes du XIIIe siècle d’imaginer un nouveau mode de construction de l’autorité en empruntant résolument la voie de la révolution du « gouvernement par l’écrit »9. Convaincus de l’impérieuse nécessité de cette inévitable mutation et artisans zélés de son aboutissement, les inventeurs de ces trois Paix se sont avant tout attachés à recenser puis à mettre en forme d’innombrables pratiques coutumières qui avaient jusque-là façonné l’être et la gestion de la cité. Les transformer en un corps rigide de normes écrites à partir d’enquêtes d’envergure finement conduites s’imposait à eux comme mission première. Apaiser tensions et confits nés d’interprétations divergentes de ce carcan coutumier pour en faire en même temps un instrument de paix civique valait second objectif à leur mission. Il s’agissait donc, pour les rédacteurs de ces textes, d’appréhender au mieux un bloc coutumier primaire fort complexe en vue de parvenir à une synthèse qui devait être tout à la fois garante de sécurité juridique, génératrice d’équilibre politique et porteuse de concorde. Opération d’envergure eu égard à l’ampleur et à la variété des données à traiter, mais aussi en considération de la double mission assignée à l’entreprise, écrire la coutume et l’ériger en instrument de régulation sociale.
4Opération qui ne devait pas laisser indifférent un pouvoir encore insuffisamment ancré au cœur d’une Auvergne dont le droit lui échappait pour l’essentiel. Mais aussi entreprise technique difficile que ne pouvaient guère envisager de conduire seuls les deux pouvoirs en conflit pour la domination de la cité géraldienne. Un seigneur abbé aux commandes de la puissante abbaye de Saint-Géraud10 et remarquablement rompu aux joutes juridiques face à des consuls eux-mêmes solidement entourés de conseillers sans doute moins experts dans la gestion quotidienne d’une universitas en plein essor. Dans ce contexte de crise, sagesse l’emporta qui incita les deux protagonistes à se tourner vers le pouvoir qui n’en attendait pas autant, mais qui n’en fut pas moins prompt à répondre à un tel appel. C’est ainsi que s’ouvrit, dans le courant de la décennie 1270, cette phase nouvelle de l’histoire de la cité tout entière placée sous le signe de la révolution de l’écrit, qu’il soit politique, administratif ou juridique. Révolution jalonnée par l’élaboration de ces trois Paix dont la troisième, bien plus tardive (1347) et confirmative des deux précédentes, n’est autre qu’un ensemble de règlements visant à réguler la vie administrative et économique de la cité11. Transaction de nature tout autre, elle autorise à concentrer la réflexion sur les deux seuls textes de 1280 et 1298, tous deux vecteurs du passage de l’oral à l’écrit et en même temps annonciateurs de nouveaux conflits entre une règle trop fraichement normée et une pratique enracinée de longue date. C’est bien en ce dernier quart du XIIIe siècle que pouvoir seigneurial menacé, forces communales en plein essor et agents royaux en recherche d’existence sont contraints d’œuvrer en commun pour doter la cité d’une authentique armature juridique. Ils le firent en trois temps. Le premier eut rapidement raison de l’entêtement abbatial et consulaire tant seigneur et communauté urbaine eurent l’heur de comprendre que seul un recours au compromis leur ouvrirait la voie d’une éventuelle transaction (I). Difficile néanmoins à concrétiser, elle n’avança que dans un second temps et au prix de la mise en route d’une vaste enquête (II), seul moyen de parvenir à un pacte final jugé équitable pour tous et étroitement contrôlé par le pouvoir (III).
I - Compromettre : dominus abbas […] et consules dicte ville […] compromiserunt in nobilem virum Eustachium de Bellomerchesio, militem, senescallum Tholose et Albiensem12
5Que le Parlement prenne acte dans un arrêt de 1258 qu’une conjuration avait pu être ourdie à Aurillac contra antiquum statum de la vénérable cité de Saint Géraud laisse à penser que la ville était au mieux régie par un bloc sommaire de normes coutumières non écrites qui valait à sa communia un ensemble de libertés encore bien mal définies en l’absence de toute codification13. Constitutives de cet antiquum statum lentement construit par la pratique, depuis longtemps inscrites dans la mémoire des Aurillacois et celle de leurs administrateurs, elles constituaient davantage un patrimoine juridique immatériel amortisseur des conflits qu’un code aux prescriptions rigides destinées à régir la vie quotidienne de la cité. C’est pour pallier ce manque que la cité géraldienne emboîte alors le pas de sa lente révolution de l’écrit. Pour l’heure, une révolution limitée à ne livrer au papier que les seules modalités jusque-là coutumières du gouvernement urbain tout en y fixant au mieux les règles qui présidaient aux difficiles rapports entre la cité et son seigneur abbé. Règles qui, en raison de l’ampleur de la matière ainsi régie, sont aussi bien souvent porteuses d’incidences sur le statut des biens et des personnes, même s’il n’en est jamais directement traité. Autant de données qui font des Paix, par delà leur vocation première à régler les conflits entre la communauté urbaine et son seigneur, tout à la fois un instrument de gestion de la cité et une manière de spicilège fort incomplet des droits et devoirs de ses habitants. Un document complexe dont la difficile genèse a débuté au cours de la décennie 1250 dans un climat de vives tensions entre la communitas et son seigneur abbé (1), tensions régulièrement entretenues par d’itératives revendications de part et d’autre (2) avant de parvenir à une transaction annonciatrice d’un compromis pour un temps porteur d’apaisement (3).
1) Tensions
6Même si une documentation fortement défaillante autorise à n’en saisir que de trop rares épisodes, elle n’en révèle pas moins les grandes lignes de fracture qui valent marqueurs des points autour desquels se cristallise la compétition des trois pouvoirs en lutte pour le contrôle de la fixation progressive des droits et libertés de chacun. La villa Aureliaci qui n’a de cesse de rendre toujours plus opératoires les pouvoirs de son consulatus, l’abbas monastrerii Sancti Geraldi en permanence prompt à faire valoir toute atteinte portée à son dominium sur la ville et un pouvoir royal qui, même encore fort lointain, incite en toute circonstance son custos Montanorum Arvenie à se montrer vigilant quant au règlement des conflits en cours et, plus encore, au droit alors effectivement appliqué. C’est ainsi, qu’à partir des années 1250, ce que le Parlement qualifie d’antiquus status devient l’enjeu de tous les conflits.
7Encore non codifié et non écrit, ce status de la cité impliquait néanmoins que soit impérativement observé un corps de règles parfaitement enraciné dans la gestion quotidienne des affaires de la communitas, au premier rang desquelles l’annalité de l’élection consulaire. Principe dont l’abbé encourage cependant la violation au cours de l’année 1257 en apportant ouvertement son soutien et en prodiguant consilium seu auxilium à une conjuration dont les membres s’étaient liés par serment (conjuratio seu confederacio nova facta per juramentum) en vue d’élire de nouveaux consuls et recteurs (consules et rectores) alors que ceux qui exerçaient légalement leur fonction (in officio) n’avaient pas atteint le terme de leur mandat appelé à durer per annum et diem. Mieux encore leur était reconnu le droit de le proroger d’une année supplémentaire à condition que la communitas, ou à tout le moins sa major pars, y consente. Recours au Parlement s’ensuivit qui, après enquête conduite sur les lieux, confirma tous les dires des plaignants et cassa l’élection des nouveaux élus, motif pris que les conjurés avaient violé tout à la fois l’antiquum statum et franchisiam consulatus et communis ejusdem ville. Décision de poids qui valait non seulement consécration de l’existence juridique de la communitas Aureliaci et reconnaissance officielle de son consulat par la haute juridiction, mais aussi en même temps insertion dans un texte combien officiel et à l’abri de toute contestation, de la règle de l’annalité de l’élection doublée de la possibilité de prorogation du mandat consulaire, sans oublier le rappel de l’existence d’une franchesia dont le contenu demeurait certes pour l’heure fort incertain. Il y avait là néanmoins une authentique mise par écrit, par une autorité officielle très fortement dépendante du pouvoir, de quelques dispositions fondamentales qui constituaient de toute évidence une des pièces maîtresses de cet emblématique antiquus status jusque-là pour l’essentiel non écrit, mais désormais en passe de prendre pied dans un mode de gouvernement par l’écrit, gouvernement dès lors en position de s’appuyer sur un premier embryon de constitution municipale écrite14.
8Une constitution municipale dont le pouvoir royal modèle à tout instant la genèse en veillant en permanence à un juste équilibre des pouvoirs. Informé dans le courant de l’année 1266 de ce qu’il considère comme un abus de pouvoir des consuls à l’encontre de leur seigneur abbé, saint Louis demande aussitôt à Raoul de Trappes son sénéchal de Périgord, Quercy et Limousin, de se rendre à Aurillac. Mandat lui est donné d’enquêter, assisté d’un bonus vir15, sur la création par les consuls de pacificatores qui auraient été investis, au détriment des attributs de l’abbé, du pouvoir de régler eux-mêmes tout conflit susceptible d’advenir dans la ville. Novelleté (novitas) aussitôt présentée comme portant gravement atteinte tout autant aux prérogatives de l’abbé qu’aux droits de son église (in prejudicium juris sui et ecclesie Aureliaci)16. Mission rapidement menée au terme de laquelle les trois consuls donnèrent l’assurance validée par plusieurs bourgeois de la ville, en présence de l’abbé et devant le sénéchal, qu’ils n’avaient pas récemment créé de nouveaux pacificatores, ce qui pouvait néanmoins laisser planer un doute sur le fait qu’il en existait peut-être encore. Quoi qu’il en soit, ils reconnurent sans la moindre réserve que l’abbé était seigneur à part entière de la ville (dominus dicte ville) et que lui revenait de plein droit entière juridiction temporelle (omnem temporalem jurisdictionem) sur toute la cité17. Un pas supplémentaire était ainsi franchi dans la mise en place des pouvoirs. Même si cette reconnaissance n’était pas écrite dans un acte officiel, elle n’en restait pas moins le résultat d’une intervention spectaculaire du pouvoir royal qui se trouvait ainsi en situation d’arbitre, tout en prenant position pour l’avenir.
9L’atteste un nouveau conflit qui devait déclencher l’intervention du Parlement dans le courant de l’année 1271 et le transformer une fois encore, en scripteur occasionnel mais toujours aussi vigilant, de quelques principes fondateurs des rapports de la communitas avec son seigneur pour tout ce qui touchait à la maîtrise du sol urbain. Particulièrement sourcilleux sur ce point, l’abbé avait concédé en emphythéose une place à un simple particulier qui l’avait aussitôt entourée d’une clôture. Clôture que les consuls et la commune (consules et commune) firent démolir et détruisirent à nouveau en la brûlant, alors même que l’abbé avait fait procéder à sa reconstruction, non sans avoir renouvelé toute interdiction de destruction et accepté qu’un sergent royal soit mandaté pour assurer la protection de tous les biens de l’abbaye. Saisi de l’affaire, le Parlement ordonne une enquête dont le résultat incite immédiatement ses juges à condamner les consuls à une amende de six cent livres à partager entre le souverain et l’abbé, avec obligation faite aux édiles et à leurs hommes de reconstruire18. Par delà cette condamnation, c’est tout un droit en gestation de l’espace urbain qui se profile avec au cœur, le contrôle des espaces communs dans la ville. Enjeu fondamental, il intéresse aussi le pouvoir royal tant il est pour lui un moyen parmi tant d’autres de garder la main sur le devenir du sol citadin. Un sol sur lequel les rapports entre l’abbaye et la ville se tendent chaque jour davantage, comme ils le font aussi souvent que sont en jeu les coutumes et les libertés de la ville.
10Telle est bien l’impression qui ressort de la lecture d’une importante décision des consuls rédigée en langue d’oc et arrêtée dans le courant de l’année 1274 in domo consulatus. Précision d’importance tant elle veut signifier que, même en l’absence de texte, le consulat est bien une réalité avec sa maison, attribut matériel et signe tangible de son existence. Un consulat dont certaines des décisions qu’il prend doivent être impérativement rédigées en langue vulgaire, langue du commun dressée comme un rempart face au latin, langue de l’abbé et de ses gens. Langue d’oc de ces cossols da Orlhac qui se posent en uniques défenseurs du profeih et utilitat de tota la communiltat da Orlhac19 en vue de guardar et defendre las franquezas et las bonas costumnihas e las drechuras de la vila20. Le thème est clamé, le ton est donné. C’est bien effectivement de la défense des droits et coutumes de la cité dont il s’agit, corpus qu’il faut désormais inventorier, connaître et défendre. Et c’est bien dans ce but, qu’au cours de cette délibération, les consuls font établissement (establimen), forts de l’appui et de l’avis non pas de leur seul conseil de ville, mais aussi de saints et probes hommes (per auctoriat de nostre cosseil, aut cosseil de sins homes et de pros homes). Établissement qui vaut texte de combat pour le maintien de la ville dans ses droits. Désormais, tout membre de la cominaltat, quel qu’il soit – consul, conseiller ou simple citoyen – qu’il agisse seul ou de concert en vue de soutenir ou conseiller le cossolat pour l’aider à défendre et sauvegarder les droits et franchises de la ville et qui pour cela serait inquiété devant un quelconque juge ou arbitre, doit pouvoir compter sur la solidarité de chacun. Il convient en outre de l’assurer que les frais alors occasionnés par un éventuel procès à son encontre en ces circonstances seront obligatoirement pris en charge par la cominaltat. Cet engagement solennel, indéfectiblement scellé par le serment des consuls, reflète à souhait les tensions nées de la lutte désormais ouverte entre la communauté des habitants et l’abbé autour des coutumes, droits et libertés de la ville. En l’absence de texte, chaque partie se prémunit et fait valoir ses revendications afin que soient prises en compte ses positions dès que le temps sera venu d’une mise par écrit de la norme coutumière.
2) Revendications
11Particulièrement attentifs à tous ces confits qui secouent la cité depuis la décennie 1250, le Parlement, saisi à plusieurs reprises décide de sommer les protagonistes de s’expliquer en dépêchant sur les lieux plusieurs de ses juges et administrateurs qu’il investit de missions précises d’investigation. À cette occasion, chacun se dévoile et les revendications éclatent au grand jour, laissant ainsi apparaître de profondes divergences aussi bien sur le contenu des règles coutumières en vigueur que sur leur interprétation et les voies à suivre en vue de les rendre plus sûres et plus accessibles, sans que soit pour l’heure envisagé un quelconque passage à l’écrit, fût-il partiel. Ce que souhaite avant tout le pouvoir dans ce premier temps, c’est recevoir des informations afin de permettre à ses juges d’être en mesure de mieux juger. Dans ces conditions, il se fixe deux objectifs. D’abord, saisir l’impact réel de la coutume sur le terrain. Ensuite, analyser ce que les Aurillacois perçoivent du système coutumier dans lequel ils vivent. Convaincus de cette double nécessité, les maîtres du Parlement s’engagent dans une double voie à l’occasion d’un nouveau contentieux entre l’abbé et les « consols de la commune de la ville d’Orlac ». Décision est alors prise au printemps 1277 de confier à Henri de Godonvilliers grand bailli d’Auvergne assisté d’Aimar de Cros chantre de l’église de Clermont, une double mission21. Celle d’organiser sur le terrain un « jour de vue » ou « monstrée »22 en présence des parties afin de situer, voir et apprécier tous les points litigieux d’application de la coutume, aussi bien sur le territoire de la cité que sur l’ensemble des terres dans la mouvance de l’abbé23. Celle de procéder aussitôt après à une vaste enquête24, en présence d’« un prodome du païs »25, auprès de témoins représentant les deux parties afin d’entendre leur dires sur les coutumes et pratiques invoquées26.
12Les opérations de « vue ou monstrée » furent promptement conduites dans les meilleures conditions le 23 mai 1277, rapidement suivies par la mise en chantier de l’enquête. Commencée le 15 novembre 1277, elle connut bien des avatars et rebondissements qui seront plus tard évoqués. Bien que très différentes dans leur esprit et leur méthode, ces deux approches de la vérité sont à part égale révélatrices des intentions, prétentions et revendications des pouvoirs en concurrence dans la ville, chacun les faisant connaître avec autant de conviction que parfois de brutalité au moment où débute la procédure, qu’il s’agisse de la « monstrée »27 ou de l’enquête. À la veille de cette enquête, chacune des parties ne fait que reprendre – et parfois en termes presque identiques – les positions exprimées à l’occasion de la « vue ou monstrée », si bien qu’il n’y a pas lieu de les évoquer séparément pour chacune des deux confrontations, mais bien plutôt d’en regrouper le contenu autour des quatre grands thèmes débattus en comparant le point de vue de chacun. Organisation et répartition des pouvoirs, perception et maîtrise de l’espace, statut des biens et des personnes, choix du droit applicable sont autant de points sur lesquels se focalisent les deux camps.
Pouvoirs
13La confrontation qui s’organise fait éclater au grand jour un conflit qui révèle une conception opposée du pouvoir aussi bien dans sa nature que dans sa répartition. Ce qu’une sourde pratique coutumière avait jusque-là quelque peu occulté. Si consigner par écrit cette pratique n’est pas encore à l’ordre du jour, la clarifier et l’exprimer clairement sont désormais d’actualité. Clarification qui se manifeste dès les premiers moments de cette joute par une qualification rigide des deux protagonistes et qui ne sera jamais plus contestée. Un « abbes […] sires d’Orillac » et dominus face aux « conseus et commun d’Orillac » à la tête de leur communia et consulatus. Qualifications certes admises par tous, mais que les pouvoirs dont elles sont chargées et que revendiquent leurs bénéficiaires ne sont pas à l’abri de violentes controverses.
14L’abbé et son monastère ne se départent jamais de ce qu’ils considèrent être le pilier de leur position dans la ville en se posant en permanence comme les domini ville Aureliaci, pertinentiarum et districtus ejusdem. Autour de ce pilier fondateur gravitent tous leurs pouvoirs que, domini soli et in solidum, ils exercent depuis le temps de Saint Géraud qui fut plenus dominus dès la fondation de l’abbaye. Position coutumière incontestée qui, même en l’absence d’écrit, leur confère une prééminence qui ne saurait être en aucune situation remise en cause dans la mesure où elle est réalité parfaitement admise a tempore cujus memoria non existit. Voilà qui induit sans la moindre réserve droit de justice haute et basse avec totale juridiction (jurisdictionem) sur la ville et son districtus élargi jusqu’aux terres voisines de la cité28. Et s’ensuivent, sans avoir à les justifier – parce qu’ils sont dus ab antiquo par les hommes de l’abbaye – toute une kyrielle de charges militaires, de services multiples et d’innombrables redevances (seugam seu exercitum, multa servitia redeventiasque, deveria et alia)29.
15Pareille dépendance par rapport à l’abbé-sire postulait qu’elle se manifestât à travers un acte officiel. Symbole obligé de cette soumission, le serment n’a été qu’évoqué en creux par le procureur de l’abbé puisque, à la veille de la journée de « vue ou monstrée », il lui est reproché d’avoir soutenu que « les consols avaient avoé faussement et de nouvel les murs et les fossez et les places communes au roi »30. Position logique du procureur et tout naturellement reprise dans l’argumentaire des juristes de l’abbaye lors de l’enquête, sans jamais dire toutefois que serment devait lui être prêté par la ville31. Sur ce point capital, les consuls se montrent tout autrement incisifs en soutenant sans concession que depuis toujours (per longum tempus et ab antiquo), serment de fidélité a bien été prêté au roi et qu’ils n’ont aucune réserve à affirmer qu’ils ont de tout temps reconnu et reconnaissent qu’ils tiennent bien directement de lui et en toute légitimité (juste advoant et advoarent) clés, murs et portes de la ville32. Situation que conteste sans plus attendre l’entourage abbatial en faisant valoir que les clefs furent rendues à l’abbé ut domino ville lors de son intronisation, pratique courante depuis toujours dans toutes les villes où la configuration des pouvoirs est semblable, ce qui est notoire33.
16Voilà qui posait ouvertement la question des symboles et des attributs matériels du pouvoir, débat dont les consuls se saisissent avec empressement non seulement en clamant qu’ils sont les seuls dépositaires des clefs, mais aussi que leur droit d’avoir consulat (tenere consulatum) leur vaut de posséder sceau, arche et maison commune, sans oublier que leur sont aussi attachés des crieurs publics munis de leurs trompettes34. Revendication sitôt écartée d’un revers par les services de l’abbé qui ne voient, dans l’utilisation de ces instruments de pouvoir, qu’usurpation téméraire et simple usage de fait (usurpaverunt, temeritate propria et de facto)35. Face à une réplique aussi vive, la réponse consulaire ne se fait attendre. Tous ces attributs matériels ne sont autres que les emblèmes visibles d’un consulat qui fonctionne parfaitement avec ses consuls habilités à recevoir, au moment de leur entrée en fonction, le serment de tous les habitants de la communitas, signe aussi de leur capacité à les convoquer en assemblée aussi souvent que nécessaire. Et de tous ces droits, le consulat n’en est-il pas titulaire per decem, per viginti, trigenta et quadraginta annos et tempus de quo non extat memoria et tantum temporis quod sufficere eis potest et debet36 ?
17Tout aussi vive est la passe d’armes dès que viennent à discussion nature et étendue des pouvoirs dont les parties se disputent l’exercice. Pour les consuls, rien ne s’oppose à ce qu’ils puissent à tout moment donner ordre à leurs crieurs de publier toute mesure par eux édictée et de sanctionner par voie de contrainte ou d’amende les contrevenants, tout comme ils sont aussi en droit de le faire en cas de refus de paiement des tailles par eux imposées. De même affirment-ils avoir pleine capacité à décider de toute mesure à prendre, aussi bien pour assurer la garde des portes et remparts que pour organiser la défense de la ville ou procéder à des levées d’hommes en vue d’expéditions militaires, sans oublier de mentionner que leur est depuis toujours reconnu le droit de port d’armes. Ce sont là, à leurs yeux, autant de droits dont ils jouissent publice, pacifice, continue et bona fide depuis un temps immémorial, ce qui les place hors de toute contestation37 et renforce d’autant une saisine qu’ils ne manquent jamais d’invoquer en matière immobilière.
Espaces
18C’est sans aucun doute autour de la perception et de la maîtrise de l’espace que se cristallisent les tensions. La première des revendications des consuls est de poser le principe absolu de leur possession des murs, fossés, remparts, portes forteresses, espaces vacants et communs en dépit là encore de toute absence de texte écrit, mais de bona fide et continue saisina. Saisine présentée comme immémoriale38, tout à la fois fondatrice et justificatrice de leurs interventions sur ce vaste ensemble immobilier, qu’il soit ou non bâti. À ce titre, aucune de leurs opérations n’a à être justifiée aussi souvent qu’il s’agit de construire, démolir, réparer murs, portes et forteresses ou de clore la cité. Les fossés sont aussi, à les entendre, entièrement placés sous leur maîtrise tant pour le creusement que pour l’entretien ou la pêche avec en même temps la possibilité d’user de leur pouvoir de ban pour en règlementer l’utilisation et d’infliger des amendes à tout contrevenant. Bien plus encore et comme pour bien convaincre de leur maîtrise absolue sur tout le système défensif, ils affirment que relève d’eux exclusivement pouvoir de donner licence d’adosser des constructions aux remparts et même d’y pratiquer des ouvertures39.
19Prétentions exorbitantes réplique aussitôt le clan abbatial qui oppose immédiatement une avalanche de principes contraires. Non seulement murs, portes et places relèvent directement de la mouvance abbatiale, mais l’abbé y exerce sans partage tous ses droits de dominus, qu’il s’agisse de construire, démolir ou donner autorisation d’adosser des constructions aux remparts, voire de pratiquer des ouvertures en vue de permettre le passage de l’eau nécessaire au fonctionnement quotidien de l’abbaye40. Exigences qui s’éclairent à la lecture des répliques avancées par les consuls à quelques jours de la « vue ou monstrée ». Elles donnent à voir les gens de l’abbé accusés d’avoir construit pour l’abbaye un moulin adossé aux murs de la ville sans avoir demandé la moindre autorisation et « contre la deffense des borgois et du roi ». Moulin qu’il est immédiatement demandé de « tout abatre et fondre » avec peine de « bone amende et grosse »41. Requête balayée dans l’instant par les abbatiaux tout empressés à rappeler que, depuis toujours (ab antiquo), toutes les terres sont tenues à cens de l’abbé, y compris murs et fossés qui ont tous été construits in terra censuali ipsius monasterii. Mieux encore, quiconque dans la ville et ses dépendances tient une terre ou « propriété » (terram vel aliam proprietatem), la tient du monastère et doit un cens annuel à l’abbé. Insister en même temps sur le fait que toutes les places vides et inoccupées (vacuae) étaient soumises au même régime, fait éclater au grand jour la lutte sans merci qui s’engage entre l’abbé et les consuls pour la maîtrise d’un sol urbain devenu rare42. Pour les défenseurs des prérogatives abbatiales, de telles places, qu’elles se situent en ville ou au dehors, ne peuvent être que concédées à cens et pour une année seulement avec droit pour le concédant de les clore, en assurer la gestion et y exercer tout pouvoir de police par voie de contrainte ou d’amende à l’encontre des contrevenants43. Solides revendications certes, mais dont le bien-fondé restait à prouver, le contenu à négocier et la réalité de la règle à écrire, comme il en allait aussi pour le sort réservé aux personnes et aux biens.
Personnes et biens
20En se posant en seigneur plein (dominus plenus) de la ville, l’abbé estime n’avoir aucune difficulté à faire de tous ses habitants des hommes de poesté et jurés du monastère (homines potestatis et jurati ipsisus monasterii) en qui il ne voit que des sujets et des justiciables (subditi et justiciabiles), tout autant pour ce qui concerne leurs affaires personnelles que réelles. Situation qui les a toujours (ab antiquo) contraints à assumer obligations militaires diverses ainsi que services et redevances multiples44. Autant de charges contraires à un statut de liberté dont les conséquences sont particulièrement dommageables pour ceux qui les portent et qui en font à ses yeux des homines potestatis et persone singulares. Des personnes en quelque sorte particulières au regard du droit et qui, en raison de leur nature et condition (natura et conditio) sont frappées d’incapacité d’agir et de posséder45. Arguments de poids, ou que l’abbé prétendait être tels et réels, pour l’autoriser à soutenir que tous ces hommes constitutifs de l’ensemble de la communitas avaient par témérité et de fait (de temeritate et de facto) usurpé consulat, sceau et maison commune, droit de convoquer le populus, de recevoir serment, d’imposer, de contraindre et de porter armes en violation de toute interdiction. Rien de tout cela ne pouvait leur être acquis tant en raison de leur statut que de l’impossibilité dans laquelle ils se trouvaient de prescrire contre l’absolu dominium de l’abbé, ce qu’ils avaient tenté de faire de mauvaise foi (male fide). Face à ce maître et seigneur de la ville (magistratus et dominus), ils ne sauraient former corps ou université (corpus vel universitas) parce que non est corpus sine capite46. Une tête qui les transcende avec refus absolu de les fédérer, mais volonté de les tenir en une totale dépendance matérielle. Puisque tout bien ne pouvait être que tenu à cens de l’abbé parce que situé in terra censuali, tous les habitants lui étaient redevables d’un cens annuel et se trouvaient perpétuellement soumis à droits de mutation (vendas) à l’occasion de chaque transaction47. Plaidoyer inacceptable pour les consuls et la communitas tout entière qui soutiennent à l’unisson que tous les hommes de la ville sont des personnes libres et des bourgeois, francs et quittes de tout statut servile et qu’ils sont en outre depuis bien longtemps en saisine de le leur franchises et libertés, ce qu’ils sont en mesure de prouver en invoquant les coutumes d’Aurillac48.
Droits
21À supposer qu’abbé et consuls aient été entourés de solides conseillers et de bons juristes, leur nom et moins encore leur qualité n’apparaissent au cours des dépositions de chacune des parties et pas davantage dans les échanges qui les ont précédés. Cités, les noms des cinq consuls ne sont guère connus et pas mieux celui de leur procureur Guillaume Rolland, tandis que du côté abbatial la discrétion est presque toujours de mise. Voilà sans doute qui contribue à expliquer pourquoi les prétentions de chacun valent davantage invectives contradictoires et parfois incisives qu’elles ne sont porteuses de solides raisonnements juridiques49. De toute évidence, les belligérants des deux camps connaissent mal ou peu les coutumes locales qu’ils invoquent parfois, mais de manière toujours superficielle, alors que le climat est à une mise par écrit à venir des pratiques évoquées, même si pour l’heure il n’en est pas officiellement question.
22La forte présence et l’investissement constant du pouvoir par l’entremise de son Parlement dans ce long processus de négociation invitent les protagonistes à poser, dès leurs premiers échanges, la question du droit applicable. Débat crucial en ces terres auvergnates que les caprices de la géographie, les hasards de l’histoire et le vouloir des hommes ont placées sur les franges du droit coutumier et du droit écrit50. Choix capital aussi à opérer en cette seconde moitié du XIIIe siècle profondément marquée par une poussée régulière du pouvoir en direction des terres d’oc si fortement empreintes de droit romain. Alors, quel droit choisir pour trouver solution aux contentieux aurillacois ?
23À peine les débats ouverts que Guillaume Rolland, par erreur ou dessein de placer le camp consulaire en difficulté, se range ouvertement à la position défendue par les abbatiaux favorables à ce que tout procès engagé devant le Parlement entre la ville d’Aurillac et son abbé soit jugé secundum stilum et usum curie domini regis. Prise de position qui n’eut pas l’heur de plaire aux cinq consuls présents dont la préférence allait clairement au droit écrit et aux coutumes locales. Les points de vue restèrent bloqués en dépit de l’intervention de conciliation d’un des consuls. À ses yeux, tout contentieux porté au Parlement pourrait être jugé secundum stilum et usum curie domini regis pour la procédure, tandis que le fond de l’affaire serait obligatoirement traité secundum jus scriptum quo regitur villa Aureliaci et consuetudine loci dicte ville51. On en resta là et le débat n’avança guère au cours des dépositions de chacune des parties.
24S’il y est de temps à autre fait allusion à l’un ou l’autre droit, ce n’est jamais pour le pénétrer au cœur, ni citer une référence précise accompagnée de son contenu, qu’il s’agisse du corpus romain ou de quelque coutume locale. Pauvreté d’un débat juridique qui n’en vient jamais au texte comme l’atteste cette affirmation péremptoire et toute gratuite des consuls plaidant que villa Aureliaci et homines ejusdem ville utuntur et reguntur jure scripto, motif pris que la ville serait un municipium, ce qui l’autoriserait à avoir consulat avec tous ses attributs52. Comment ne pas s’attendre ici à quelques références précises aux municipes romains dans les textes de Justinien ? Les allégations à la coutume demeurent tout aussi vagues et superficielles. Soutenir sans autre précision, comme le font les consuls, que les hommes de la ville d’Aurillac sont libres de consuetudine loci de Aureliaco et cicumstantium partium et terrarum demeure pétition de principe53, comme aussi les entendre affirmer que le sceau de leur consulat est réputé être authentique de usu terre54. L’entourage de l’abbé ne se montre pas plus convainquant. Sauf à affirmer une nouvelle fois – ce qui ne saurait surprendre – que tout contentieux entre l’abbaye et la ville porté devant le Parlement devait être jugé secundum usum et stylum curie domini regis55, ou bien encore que les consuls ne peuvent prétendre de consuetudine patrie etiam regni Francorum être en saisine de la plupart des droits qu’ils revendiquent56.
25Les arguments avancés par les uns et les autres pour justifier leur bon droit et asseoir leur position en matière de saisine ne sont guère plus et mieux construits. Sans jamais opérer de distinction nette quant à la nature du droit dont ils réclament protection, ni sans trop se soucier du rôle fondamental du juste titre et de la bonne foi en la matière, tous déballent dans le désordre et en des listes impressionnantes, les arguments susceptibles de fonder une saisine ou une prescription qui leur seraient favorables. Alors sont tour à tour invoqués le temps, la mémoire, la fama. Voici que les consuls soutiennent tenir du roi les clés de la ville per longum tempus et ab antiquo57, tandis que les gens de l’abbé leur rétorquent qu’ils sont en possession de tous les éléments constitutifs de la seigneurie a tempore quo non extat memoria58. Mémoire aussi invoquée à deux reprises par le consulat afin d’accréditer la validité et l’utilisation de leur sceau auquel même l’abbaye a parfois recours, usage qui est publice a tempore de quo non extat memoria observatum59. Enfin, mettant tout en œuvre pour justifier le bien-fondé de son dominium et de certaines de ses manifestations, l’abbé en appelle à la connaissance que chacun en a tant il se dit convaincu que hoc est notarium et fama publica in patria60. La jouissance d’un droit fondamental ou la réalité d’un statut personnel viennent elles à devoir être prouvées ? Alors les protagonistes avancent tout à la fois les prescriptions de dix ou de vingt ans, renforcées par la trentenaire et la quarantenaire61, sans oublier d’y joindre le poids du temps long et de la mémoire. C’est bien sur ce terrain que les consuls engagent la lutte pour démontrer que les habitants d’Aurillac sont depuis toujours des hommes libres62.
26Mais, comme bien souvent, leur argumentation est battue en brèche par les gens de l’abbé qui leur reprochent de ne jamais pouvoir avancer un juste titre (justum titulum) ou, à défaut, la preuve ininterrompue et immémoriale de la possession (possessio diuturna) des droits et coutumes qu’ils revendiquent. Bien au contraire, elle n’a jamais été publiquement reconnue et s’est souvent trouvée interrompue (interrupta multipliciter impedita et interpellata), non fondée qu’elle était en raison de l’absence de toute concession royale des privilèges revendiqués63. Argument que les consuls rejettent, mais sans succès, en offrant de prouver en toute bonne foi per famam vel eo modo qu’ils ont bien reçu jadis leurs privilèges par charte royale. Charte hélas perdue à leur dire, comme toutes les autres carta et privilegia en leur possession à l’occasion d’un incendie ravageur dont la fama apud Aureliacum et in provincia et in locis cicumstantibus a conservé toute la mémoire64. Peine perdue qui rendait encore plus criante l’absence de tout écrit pourtant si utile à la connaissance des coutumes et des modalités de gestion de la cité géraldienne. Situation bloquée et dialogue sans échange qui rendaient nécessaire le recours à une autre voie.
3) Transaction
27La mise en œuvre de la décision du Parlement de conduire sur le terrain une opération de vue « vue ou monstrée » doublée en parallèle d’une vaste enquête devait à terme conduire à rapprocher les positions des protagonistes et, plus encore, à favoriser une lente prise en main par le pouvoir d’une remise en ordre d’un bloc coutumier tout à la fois destiné à fixer les cadres de gestion de la cité et à régir le statut de ses habitants et de leurs biens.
28Les opérations de « vue ou montrée » (mostram seu veudam) placées sous la responsabilité de Pierre de Villemon, gardien (custos) de la circonscription des Montagnes d’Auvergne65 et réalisées dans la journée du 23 mai 1277, en présence de l’abbé assisté de son procureur maître Jacques Gaustard d’une part et d’autre part du consul Bertrand Auguste avec à ses côtés son procureur Jacques Serein, contribua à apaiser fortement les tensions66. Sans doute parce qu’en l’absence d’écrit, les parties avaient accepté de se transporter sur le terrain et d’y travailler ensemble sur du concret afin de réaliser sinon une vue figurée des droits de chacun, à tout le moins se forger une représentation géographique mentale des points litigieux en les fixant dans une sorte de « vue-mémoire » que chacun garderait de sa présence sur les lieux et dont le représentant du pouvoir saurait tirer profit le moment venu. Localiser coutumes et pratiques et saisir leur impact réel sur la portion de territoire que chacun contrôlait, telle était la philosophie de l’entreprise.
29Point n’est surprenant alors le souci des abbatiaux de montrer en tout premier lieu, avec une insistance non dénuée d’une certaine condescendance (montraverunt et ostenderunt), l’ensemble des places dont ils revendiquent le dominium. Il n’est, pour s’en convaincre, que de rappeler cette pénurie d’espace qui contraint chacun des protagonistes à une course effrénée pour maîtriser toutes les platee vacue dans l’aire si restreinte qu’enserrent remparts, tours et portes. C’est avec un soin méticuleux que le maître de l’abbaye et son procureur s’attachent à montrer à leurs interlocuteurs, tout au long d’un minutieux parcours de la ville, pas moins de quatorze places. Toutes sont nommées de manière très précise et chacune est toujours située, le plus souvent par rapport à un bâtiment qu’elle jouxte, telle la platea Sancti Geraldi sita ante majorem portam monasterii Aureliacencis, quelquefois par la mention du nom d’un de ses habitants bien connu, telle la platea de la Ymbertia in qua est quidam Terondellus. Les faire visiter en dominus absolu – tel se comportait l’abbé – suscite néanmoins quelques réserves de la part des représentants du consulat qui, pour au moins quatre d’entre elles, exigent que soit rapportée la preuve de leur « avoerie » à l’abbé et même, pour une autre, la preuve de paiement d’un cens. Puis viennent, toujours déclinés avec autant de précisions, mais sans réserves particulières, une prairie, un petit pré et plusieurs gravières dont l’énumération clôt le parcours choisi par l’abbé pour faire mémoire de son emprise sur la ville et montre de sa parfaite maîtrise du sol urbain. Maîtrise dont il tient à présenter la voix par laquelle elle s’exprime chaque jour, celle de Pierre son crieur public (lo trompaïre), en permanence investi du pouvoir de procéder à toutes les « criées » de l’abbaye67.
30Entrent alors en scène les consulaires, bien décidés à prouver que tous les droits et attributs dont le consulat soutient être en possession sont bien, à défaut d’écrit pour les prouver, une réalité tangible, vérifiable et vivante sur le terrain. Au maître de l’abbaye, ils montrèrent murs et fossés de la ville. Sans commentaire, tant ils étaient enjeu permanent de pouvoir. Mais bien plus encore et avec beaucoup d’assurance quadam domum sitam in villa Aurelicensi dans laquelle ils tiennent conseils et assemblées (concilia et congregationes), traduction vivante de leur volonté de former un corps ayant capacité de se réunir, délibérer et décider. Incitant leurs interlocuteurs à pénétrer dans cette maison commune, ils les invitèrent à voir, occulata fide, tous les attributs matériels de leurs pouvoirs, archives, arche, clés, armes de la ville et sceau. Autant de symboles porteurs de capacité à gérer et traduction de leur action concrète et quotidienne en faveur de la communitas.
31Enfin, après que les deux parties eurent marqué la ville de ce long parcours fondateur68, l’abbé et son procureur, sans doute accompagnés des gens du consulat, souhaitèrent désigner à partir d’un point élevé (in quodam loco eminenti) et en manière de conclusion, l’ensemble des biens dont « monstrée » avait été faite. Biens sur lesquels ils affirmaient avoir et avoir toujours eu (ab antiquo) toute juridiction avec haute et basse justice, non sans rappeler en même temps que dans cette ville, certains – allusion à peine voilée aux consuls – s’étaient arrogé le droit de faire prêter serment, lever des tailles et imposer des gages à ceux qui ne les payaient pas. Le tout au détriment du monastère. Alors, sans doute d’un grand geste qui se voulait aussi protecteur que rassembleur et quelque peu menaçant, l’abbé embrassa du regard l’ensemble de la ville en balayant murs, fossés, places et tous autres biens appartenant à l’abbaye69.
32Ainsi prenait fin cette marche-inventaire, de toute évidence héritière d’un passé proche, celui de la montrée du fief comme cela a été parfaitement souligné70. En réalité, elle était bien davantage, annonciatrice qu’elle se voulait de procédures neuves en pleine gestation. Celle en particulier de l’enquête de terrain préparatoire au règlement d’un contentieux et surtout d’une enquête souvent doublée de la réalisation d’un document figuré pour servir de preuve devant les tribunaux. Cette séquence aurillacoise de « jour de vue » et de « montrée » n’en dit mot, mais rien n’interdit de supposer qu’une telle opération si minutieusement préparée et mise en œuvre de manière aussi rigoureuse fut peut-être accompagnée de quelque croquis destiné à fixer les droits de chacun et constater sur le terrain les limites qu’en disait la coutume. Comme pourrait le donner à penser une tendance toute nouvelle de la recherche. Pour une période quelque peu postérieure il est vrai71.
33Conduite à son terme et parfaitement réussie, l’opération de « vue ou monstrée » ne fut autre que la confirmation sur le terrain des positions divergentes des parties. Il convenait dès lors d’en venir à la seconde étape annoncée, celle de l’enquête. Destinée à faire avancer l’instruction du dossier et mise en chantier dès novembre 1277, elle tourna court puisqu’au terme de quatre jours de discussion, abbatiaux et consulaires décident de ne pas persévérer dans cette voie et la désertent pour plusieurs années72. Surpris de cette décision pour laquelle aucune motivation n’est exprimée, les commissaires l’enregistrent et font immédiatement savoir sans autre précision que, suite à l’intervention de prudhommes (probi viri), les protagonistes avaient décidé de s’en remettre à l’arbitrage d’un tiers après avoir négocié puis conclu un traité de paix et de concorde (pacis et concordie tractatu incepto […] firmato)73. Ce tiers n’était autre que le chevalier Eustache de Beaumarchais, sénéchal de Toulouse et d’Albigeois74. Choix très vraisemblablement suggéré par ces probi viri, hommes sans doute proches des centres de décision et qui voyaient en son intervention un efficace moyen de remettre une fois de plus entre les mains du pouvoir le règlement de ces interminables contentieux aurillacois autour de la connaissance, interprétation et application de si insaisissables pratiques coutumières. C’est bien ce que laisse à penser le contenu très large du mandat qui lui est confié75. Il y est rappelé avec insistance qu’après une longue suite de litiges et de controverses (diversa litigia et contentiones)76, l’abbé et son syndic-procureur Guillaume de Clavières d’une part et d’autre part Durand Rolland, Durand Dupont, Mathieu Brun, Pierre de Borne et Vital Fabre consuls de la ville, avaient choisi d’un commun accord (communiter electus) comme arbitre et amiable compositeur (arbiter, arbitrator et amicabilis compositor) ce grand administrateur qu’était Eustache de Beaumarchais77. Engagement pris de part et d’autre sous la foi du serment avec promesse d’accepter toute solution qui serait dictée par lui ou par tout autre que lui susceptible de le remplacer et quel qu’en soit le jour. Acceptation aussi était mentionnée de refuser toute exception, qu’elle soit fondée sur le droit canonique ou civil ou bien encore sur un quelconque usage ou disposition coutumière. Rien que de très classique dans ces clauses bien connues et partout appliquées en matière d’arbitrage78. Encore que celui-ci ne soit pas des plus classiques dans la mesure où l’arbitre désigné, si proche du pouvoir, faisait quelque peu figure de juge et partie pour le règlement de conflits dans lequel le souverain et son Parlement s’étaient depuis longtemps investis. Peut-être faut-il voir là une des causes de la lenteur avec laquelle furent si difficilement conclus ces accords pro bono pacis et concordia que compliqua singulièrement l’enquête très tôt commencée mais bien tardivement terminée.
II - Enquêter : « que ils enqueissent comme li cosse […] de la ville d’Orlhac avient [sic] acostumé d’estre aveque l’abé »79
34Mandat clair avait été ainsi donné, sans que la date en soit connue avec précision, aux commissaires enquêteurs Henri de Godonvilliers bailli d’Auvergne et Aimar de Cros chantre de l’église de Clermont de se rendre à Aurillac pour y enquêter sur les différents entre l’abbé et les consuls en insistant tout particulièrement sur leur droit à participer aux enquêtes conduites par l’abbé, droit dont il se disaient « ensasiné quome de lor dreit ». Devait aussi être examiné, avec attention, le contentieux né de la construction par l’abbé d’un moulin contre les remparts dans lesquels il avait en même temps pratiqué une ouverture80. La réalité fut tout autre puisque l’enquête fut en réalité conduite par Élie Gautier chanoine de Périgueux et Guillaume Roux clerc de Clermont auxquels Philippe le Hardi ordonne le 30 août 1277 de recevoir le serment des parties et de réunir toutes les preuves qu’elles pourraient fournir en vue de leur présentation lors de la prochaine session du Parlement81. Ce que firent immédiatement ces deux nouveaux commissaires, non sans prendre grand soin de préciser leur qualité d’auditores seu inquisitores deputati a serenissimo principe Philippo ainsi que le contenu de leur mandat afin de persuader chacun que la main du pouvoir était bien présente. La première phase de leur mission – mander les parties à comparaître – ne se heurta à aucune difficulté. L’abbé et son procureur se présentèrent rapidement, immédiatement suivis de Guillaume Rolland bourgeois d’Aurillac et représentant des consuls, assisté de son syndic. Tous déposèrent leurs procurations dûment scellées du sceau de l’abbaye ou du consulat, puis lecture fut donnée du mandat donné aux commissaires82.
35C’est alors que s’ouvrit pour plusieurs jours une violente joute oratoire entre les abbatiaux et ceux qu’ils qualifient, avec quelque condescendance, d’illi qui gerunt se pro consulibus et communitate dicte ville Aureliaci. Joute au cours de laquelle reproches mutuels et incidents de procédure sont si nombreux83 qu’ils finissent par décourager les deux camps et les persuader de s’en remettre à leur arbitrator dont le compromis qu’il leur proposa rendit obsolète tout projet. Il ne reprit que bien des années plus tard quand, en février 1284, Philippe le Hardi adresse en ce sens un mandement à deux de ses deux mêmes maîtres du Parlement, Guillaume de Trappes chanoine d’Orléans et Jean de Maurançais chanoine de Reims, afin que soit relancée la procédure84. Alors s’ouvrit enfin ce vaste chantier dont les résultats devaient être quelque peu compromis en raison d’une vraisemblable défaillance consulaire (1) qui surprend tant en raison de la présence massive des témoins en faveur de l’abbé (2) que de la qualité de leurs témoignages (3).
1) Défaillance ?
36Sitôt convoqués, les abbatiaux désignent leurs procureurs qu’ils présentent immédiatement le 11 mai aux enquêteurs en détaillant comme il est d’usage le contenu de leur mandat principalement destiné à les représenter tout au long de l’enquête et devant le Parlement à l’occasion du procès qu’ils y conduisent contra gerentes se pro consulibus et communitate Aureliaci. Ce groupe de huit procuratores, syndici et actores – tous clercs – entend se montrer aussi solide qu’il est solidaire dans la défense des intérêts de l’abbé85. Face à lui, les consuls en position de faiblesse ne peuvent opposer que leur ancien procureur Guillaume Rolland avec en main sa procuration à l’encre bien palie et vieillie de ses sept ans depuis la précédente confrontation. Procuration que l’abbé conteste avec véhémence, tout en profitant de l’occasion pour rappeler, qu’avec sa cour, il est depuis toujours le seul (ab antiquo, solus et in solidum) à être investi du droit de conduire toute enquête en matière criminelle et que si les consuls peuvent être éventuellement admis à y participer, c’est seulement à titre d’amis et de conseillers et à condition d’y être appelés par lui86. Forts d’une telle expérience en matière d’enquête, les abbatiaux se plaisent à montrer qu’ils ne rencontrent aucune difficulté à convaincre leurs témoins de comparaître rapidement et en grand nombre devant les commissaires. Ce qu’ils firent et sans que la moindre observation ne soit formulée à leur encontre comme l’atteste le long procès-verbal qui s’ensuivit.
37Tel ne fut pas le cas du côté des consulaires pour lesquels les archives semblent n’avoir conservé aucune trace de dépositions de leurs témoins. Situation qui laisse planer un doute sur leur participation effective à cette vaste opération de vérité. Doute que vient quelque peu accréditer l’assertion des gens de l’abbaye quand, pour justifier la solidité de leur position, ils affirment que lors des tentatives d’enquête conduites depuis déjà sept ans par le grand bailli d’Auvergne, les consuls avaient alors renoncé à produire des témoins devant le Parlement87. Il n’y aurait pas là argument suffisant pour faire réellement douter de leur participation aux opérations de 1284 si l’abbé et son entourage n’avaient récusé presque une quarantaine de leurs témoins, les seuls dont les noms nous soient connus. Chiffre qui est loin d’être neutre dans la mesure où il correspond à l’effectif du premier groupe de témoins produits par l’abbé. Lourd incident de procédure qui les a peut-être effectivement conduits à remettre à plus tard leur participation, voire à renoncer effectivement à cette grande enquête en raison de la gravité des reproches retenus à l’encontre de leurs témoins éventuels. Reproches qui valent d’être analysés tant ils sont parfaitement identifiés et clairement exprimés, même s’il est difficile de les faire entrer dans des catégories désormais bien connues88. Insérés dans le procès-verbal d’enquête et quelque peu en désordre au milieu d’autres pièces, il n’est pas aisé de dire à quel stade exact de la procédure ils ont été formulés. Tout laisse néanmoins à penser que ce fut au moment de la production des témoins, pratique la plus courante89.
38La grande majorité de ces témoins reprochables le sont eu égard à la totalité des articles présentés par les abbatiaux, tandis que neuf autres au moins ne le sont principalement qu’en considération de l’article dans lequel l’abbé conteste aux consuls la capacité qu’ils revendiquent de siéger à ses côtés et de plein droit dans les enquêtes criminelles. En réalité, il n’y a guère lieu de distinguer reproches formulés dans l’un et l’autre cas tellement ils sont semblables et se recoupent, battant ainsi en brèche toute tentative de construction d’une liste qui se voudrait systématique. C’est dire combien il serait vain de vouloir étudier cet épisode aurillacois si atypique au filtre d’un catalogue prédéterminé de reproches. Dans la cité géraldienne et à l’occasion de ce grand passage d’un ordre coutumier à un ordre écrit des modes de gestion des hommes, des biens et des pouvoirs, ces reproches se construisent autour de deux critères très fortement destructeurs des qualités requises par les abbatiaux pour porter à leur encontre un témoignage à charge. Celui de la résidence dans la ville et de l’attachement dont chacun fait preuve à son endroit, celui du poids de la fama qui le talonne et les taraude en permanence.
Être de la ville
39Être natif de la cité et faire ostensiblement montre de sa sympathie pour le consulat et les consulaires constituaient aux yeux de l’abbé et de ses gens un vice attentatoire et absolu à l’exercice de la fonction de témoin appelé à contester les prétentions abbatiales. Voilà pourquoi la qualité d’oriundus de villa Aureliaci, d’y avoir son domicile et d’y habiter est toujours dénoncée avec force tant elle emporte aux yeux des abbatiaux des conséquences incompatibles avec la qualité de témoin90. Tout simplement parce que, être né à Aurillac et y habiter, implique le plus souvent d’y être marié91 et d’y avoir parents92, affins93 et amis94, d’y posséder des biens95 et des héritiers potentiels (successores) appelés à voir leur patrimoine grossi de biens hérités de gens hostiles à l’abbé96. Autant de données objectives qui font de tous ces Aurillacois des contribuables du consulat dont ils renforcent chaque jour les capacités financières rendant ainsi plus fragiles les positions de l’abbé dans l’exercice et la défense de ses droits. Pis encore, ne voit-on pas parfois nombre de ces Aurillacois participer directement et financièrement à toutes les opérations en cours conduites par les consuls à l’encontre du pouvoir abbatial97 ? C’était ainsi tomber dans une situation de conflit d’intérêt que l’abbé et ses gens réfutent d’un revers de main, sans même avoir à fonder leur position sur cette affectio ad causam98 dont ils chargent lourdement beaucoup de ces témoins en qui ils voient de fidèles participes dicte cause99 apportant ouvertement consilium et auxilium aux consulaires100 qui, parfois même, n’hésitent pas à leur verser un salarium101 pour les rétribuer de leur collaboration102. Guillaume Rolland, principal procureur et syndic des consuls, était bien dans ce cas avec plusieurs des ses confrères, ce qui autorise les abbatiaux à leur signifier vertement que sunt et debent esse in deffectu in causa seu negotio inquestarum103. Par delà ces motifs de récusation d’envergure, l’abbé et son entourage poursuivaient un autre but qui était de tout mettre en œuvre afin de parvenir à rompre la solidarité profonde qui unissait tous ces témoins à leurs consuls et, par delà, faire échouer l’enquête en cours auprès des témoins présentés par la ville.
Fama
40Bien souvent aussi, la mise en cause de la situation personnelle et de la fama104 de ces témoins les y aidait fortement. Que la fortuna ne sourie pas à certains et fasse d’eux des pauvres, contribuait pour une bonne part à les exclure du témoignage. Pauvreté qui les poussait irrésistiblement vers le groupe des personnes fragiles susceptibles de céder facilement à la corruption et de ce fait reprochables car pauperes, viles et infames persone105. Que le sort s’acharne aussi sur quelques exclus de la société pour en faire des incendiaires, des voleurs, voire des criminels, faisait en même temps d’eux des marginaux du témoignage. Les abbatiaux ne se privent pas de recenser avec rigueur toutes ces failles du comportement parmi tous ceux qu’ils jugent être des témoins reprochables. Et pourtant, il arrive bien souvent que ces fautes ne soient pas des plus graves, qu’elles soient commises par un incendiarius106, un raptor accusé d’avoir dérobé un trousseau ou plusieurs furatores tantôt soupçonnés de vol d’habits, tantôt d’avoir distrait de l’argent à l’occasion de la quête et subtilisé des cierges dans l’église Sainte-Marie107. Plus lourds et de ce fait porteurs de disqualification absolue de la fonction de témoin étaient les crimes et homicides que les abbatiaux pointent avec toute la sévérité qui se doit afin de pouvoir déclarer que tel de leurs auteurs non potest jurare nec testimonium ferre pro hominibus ville Aureliaci contra abbatem et conventum monasterii Aureliaci ou que tel autre non est admittendus in testem ferre pro hominibus ville Aureliaci contra dictum monasterium108. Dans cette liste, le parjure qui arrive en bonne place est toujours entendu dans son sens le plus large avec effet permanent et irréversible109. Parfois simplement mentionné sans indication de cause110, il est le plus souvent clairement identifié avec mention précise des faits qui en sont à l’origine, qu’il s’agisse d’un religieux qui renonce pour vivre maritalement111, de promesses non tenues112, de débiteurs qui n’honorent pas leurs engagements113 ou de vassaux qui ne respectent pas la foi jurée114. Autant de manquements graves au code de l’honneur et au droit de la féodalité qui s’inscrivent sans le moindre recours à l’encontre de la capacité à témoigner. La situation réservée aux excommuniés paraît plus incertaine115 et le seul cas rencontré, celui d’A. de Valette certes excommunicatus majori excommicatione auctoritate apostolica, parjure aussi et effectivement frappé d’interdiction de témoigner, ne permet guère de conclure tellement il est comptable de tant d’autres crimes et fautes graves116.
41Au-delà de ces chefs d’accusation bien ciblés et toujours très destructeurs de la capacité à témoigner, les abbatiaux s’ingénient à jouer du cumul de reproches sur la tête d’un même témoin qui se trouve ainsi immédiatement rejeté dans le monde des reprochables. Accablé alors de toutes les fautes, de tous les délits et de tous les crimes, les gens de l’abbé ne voient en lui qu’un inimicus capitalis et persecutor monsaterii117. Restait à agrémenter et noircir ces titres déjà peu flatteurs d’autres qualificatifs porteurs sinon de haine, à tout le moins de discrédit. Alors, l’imagination des abbatiaux se fait débordante dans l’échelle de la rigueur jusqu’à l’inscrire dans un cercle de sanction absolue. Voici trois témoins, qu’aucune donnée particulière ne permet de situer, taxés d’à peu près les mêmes interminables reproches dont la liste laisse à penser qu’ils étaient vraiment perçus comme très fortement indésirables. A. de Valette est vilis persona, lusor, ebriosus et frequentator tabernarium, parjurus et criminel en de multiples occasions, raptor aussi. Dossier pour le moins impressionnant qui lui a valu d’être excommunié. P. Sirven rivalise en qualifications dégradantes, non sans que soient ajoutées à ses méfaits sa participation à des guerres privées (fayditus), ses dégradations notoires de chemins publics et de terres privées, ses incendies et homicides multiples, sans oublier son bannissement qui l’a souvent conduit à se cacher dans les bois. Quand à P. Fournier, dire de lui qu’il est inhoneste vite et perverse et qu’il vit en concubinage dont il a eu filles et fils, le renvoie sans appel au groupe des reprochables118. Puis voilà plusieurs prêtres ou moines qui, désormais loin des ordres, ne trouvent guère de clémence auprès des abbatiaux qui les récusent avec force. Tel Bertrand Lacoste, prêtre de son état, qui est male vite et reprobate conversationis et usurarius manifestus, convaincu de vols aussi et ne craignant pas d’étaler publiquement sa vie avec un ménagère la Cabreria (tenet focariam pala et publice). Ou encore Guibert de Marcenat ancien moine, parjure, convaincu d’homicide puis contraint de quitter le monastère pour vivre désormais maritalement avec une femme d’Aurillac entourée de parents et neveux. Quant à Pierre Janen, sa conduite de prêtre paraît bien être, aux yeux des abbatiaux, tout aussi dissolue. Ils ne voient mieux en lui qu’un individu de male et diffamate vite, usurarius manifestus qui n’hésite pas à commettre toutes sortes d’excès119.
42On le voit, la liste était longue et lourde des reproches adressés à ces quelque quarante témoins qui se trouvèrent ainsi écartés de la procédure pour laquelle ils avaient été convoqués. Alors, pourquoi ne pas voir là l’explication plausible de l’absence complète de procès-verbal d’enquête relatant les dires de ces mêmes témoins appelés à déposer en faveur des consuls, alors qu’est si volumineux et si remarquablement précis celui dans lequel ont été consignées les dépositions des témoins présentés par l’abbé ? Il y a plus encore. Alors que du côté des abbatiaux existe le procès-verbal des dépositions de onze témoins complémentaires sans doute interrogés dans un second temps120, le même document n’existe pas davantage du coté des consuls. Est simplement annexée, à ce même procès-verbal, la liste de neuf témoins alors convoqués par les consuls et récusés au même moment par l’abbé. Les motifs invoqués y sont les mêmes que précédemment, rapportés en un saisissant condensé. Au dire de l’abbé, tous ces témoins sont originaires de la ville, y possèdent des biens et y ont de nombreux parents tous aussi très liés aux intérêts des consuls et de la communitas121. De là à conclure que l’enquête a été totalement abandonnée du côté des consuls, il n’y a qu’un pas bien facile à franchir. Une chose au moins est certaine. Nulle trace n’a pu être retrouvée jusqu’à ce jour dans les divers dépôts d’archives d’une telle enquête et d’éventuelles dépositions de témoins présentés par la communitas Aureliaci.
2) Témoins
43Les informations recueillies sur les témoins présentés par les consuls et tous récusés n’allant jamais au-delà des reproches formulés, seul le long procès-verbal d’enquête rédigé suite à l’interrogatoire des témoins sollicités par l’abbé permet de saisir tout à la fois quelques modalités de cette enquête, comme aussi la personnalité et le rôle de ses différents acteurs122. Après le projet avorté de 1277, peu de renseignements permettent de caractériser l’opération d’envergure réalisée en 1284. L’ordre donné par le souverain à ses commissaires enquêteurs le 6 février de reprendre l’opération leur enjoint simplement de procéder à la recherche des témoins et des preuves que les parties auront produits, puis de transmettre pour la prochaine session du Parlement, les pièces ainsi collectées et dûment sellées. Opération qui devait être conduite secundum traditam formam, c’est-à-dire selon la procédure transmise aux précédents commissaires123. Mention bien sibylline que cette forme de procédure à observer et comme déjà venue d’en haut. Sans doute y avait-il là allusion directe au mandement adressé en 1277 par Philippe le Hardi à ses enquêteurs auxquels il avait demandé de procéder aux mêmes opérations secundum articulos quod vobis mittimus124, mention dont tiennent immédiatement compte ces mêmes enquêteurs en convoquant abbé et procureur des consuls secundum traditam a dicto domino rege nobis formam125. Forma et articuli s’appliquent à n’en pas douter à cette enquête que le souverain souhaite voir conduite selon des règles bien précises, mais dont rien n’est dit et que ses enquêteurs sont censés connaître depuis longtemps. Mais alors, quelle procédure ? Et le pouvoir n’entretient-il pas volontairement un certain flou autour de cette enquête ex officio dont il souhaite peut-être finalement que ses enquêteurs l’adaptent eux-mêmes au terrain à défaut de vouloir ou de pouvoir leur donner des instructions précises ? Hypothèse très vraisemblable en raison des incertitudes et des hésitations, voire du doute, qui régnaient alors dans les sphères du pouvoir et du Parlement au lendemain de l’ordonnance de 1270 sur l’enquête par turbe et en des années où sa mise en œuvre se fait bien hésitante face à la résistance de la tradition126. Comme pris en tenaille entre l’héritage de l’inquisitio carolingienne et le legs romano-canonique, le pouvoir et ses juges ont tendance à s’en remettre davantage à la base en laissant aux parties le soin d’apporter elles-mêmes toutes les preuves qu’elles souhaitent avancer en vue de trouver, par le biais d’une enquête à la forme malléable, fondement aux coutumes alléguées et contestées par la partie adverse127. Telle fut bien la forme souple qui devait dominer cette quête aurillacoise de la vérité et à laquelle la constitution de procureurs par l’abbé ne changea rien alors qu’elle était sur le point de débuter128.
44Le compte-rendu très détaillé du contenu des dépositions sont les seules sources qui permettent de glaner quelques rares indications sur la manière dont fut conduite cette opération. Interrogé à part et successivement, chaque témoin est appelé à jurer puis à répondre sous la foi du serment aux questions qui lui sont posées. Les formules utilisées en tête de chaque déposition sont figées et rappellent invariablement que un tel, testis juratus, requisitus super […] dixit per juramentum…, ou que tel autre testis productus, juratus et requisitus super […] dicit quod…, sans alors préciser que déposition est faite sous serment129. Il y a là manifestation de toutes les mesures qui ont été prises afin de bien prouver que tous ces témoins ont été requis, qu’ils ont effectivement comparu librement et qu’ils ont répondu aux questions posées hors de toute contrainte (diligenter requisitus), tout en se pliant à l’obligation qui leur est faite de témoigner en vue d’apporter leur contribution à la découverte de la vérité130.
45Se pose alors, dans tous les cas, la question du nombre de témoins autorisés et celle de ceux qui ont effectivement comparu. On sait la tendance de la doctrine et des juges toujours prompts à s’effrayer de l’effrenata multitudo des témoins et de tout mettre en œuvre pour limiter leur nombre. C’est dans ce contexte, et après bien des tergiversations, que le Parlement finit par se ranger à « une pratique constante de limitation du nombre des témoins » et par adopter la possibilité pour chacune des parties de présenter au plus dix témoins par article, tout en laissant à la pratique une grande liberté dans l’interprétation et l’application de cette position à simple valeur incitative131. Dans un tel contexte, le chiffre de quarante témoins présentés dans un premier temps par les abbatiaux132, puis celui des onze autres soumis à interrogation dans un second temps, relèvent d’une position moyenne et d’un choix raisonnable dans la mesure où les positions de l’abbé, comme celle des consuls aussi, avaient été arrêtées en treize articles133.
46Tous ces témoins sont identifiés avec indication de leur âge presque toujours arrondi à la dizaine sauf mention vel circa pour quelques uns, rarement de leur profession et qualités, très exceptionnellement de leur domicile ou région d’origine. Ce qui frappe dès l’abord dans le groupe des quarante, c’est l’absence à peu près complète de jeunes134. À l’exception de sœur Aygline âgée de vingt ans, aucun n’y a moins de quarante ans, tandis qu’un centenaire, cinq octogénaires et deux septuagénaires se disputent le sommet de la pyramide. Si on fait abstraction de ces tranches extrêmes, c’est donc à un âge relativement avancé qu’ont été recrutés ces témoins avec une très forte représentation de treize sexagénaires, suivis de près par onze autres âgés de cinquante ans, puis un plus petit groupe de quarante ans135. Un tel choix traduit une volonté affichée de s’entourer d’un groupe dont la mémoire, tout en permettant de remonter assez loin dans le temps, demeure parfaitement apte à rapporter des faits précis et à en rendre compte avec exactitude. Du côté des onze témoins interrogés dans une seconde phase, selon toute vraisemblance suite à une autorisation spéciale délivrée par le Parlement136, la moyenne d’âge est de beaucoup moins élevée et les années indiquées avec une bien plus grande précision. Un seul témoin échappe à cette précision, tandis qu’un de ses pairs n’a que vingt ans, deux autres trente, trois la quarantaine, puis trois autres quarante-cinq ans et le dernier quarante-huit. Ciblage sûrement voulu tant en raison des questions posées que des qualités très spécifiques des intervenants de ce groupe.
47Sur les qualités et les activités professionnelles des témoins du premier groupe, les indices étant le plus souvent fort minces, il serait bien vain de vouloir tenter une sociologie à partir d’un groupe aussi restreint. Une certitude au moins, celle d’une écrasante présence des hommes. Ils sont trente-huit, face à deux femmes, religieuses de leur état, sœur Béatrice abbesse de l’abbaye du Buis et sœur Aygline moniale de la même abbaye137. Une seconde constatation est d’évidence. Pour tous les témoins dont le nom est suivi de quelques précisions, les titres l’emportent de loin sur les qualifications professionnelles. Des titres, oui. Mais que recouvrent-ils dans la réalité quotidienne alors que bien souvent ils ne sont accompagnés d’aucune mention spéciale ? Apprendre que sept de ces témoins sont des chevaliers (miles) et que pour six d’entre eux ce titre s’accompagne aussi de celui de dominus ne permet pas de conclusions saisissantes138, sauf à dire que près de 18 % de cette première catégorie de témoins appartient à la noblesse de la ville ou, à tout le moins, à un groupe qui se présente comme tel auprès des commissaires enquêteurs et qui, à l’exception de Savary Moisset viguier de l’abbé, ne paraît exercer aucune autre activité que celle des armes139. Un peu plus instructif sans doute est de constater que parmi les douze témoins qui portent le titre de dominus, dont sept sont bien les miles déjà signalés, deux autres au moins sont marqués d’un titre qui leur vaut d’exercer une fonction ecclésiastique, tels Astorg Laconque, recteur de Crandelles et Pierre du Gué presbyter, tandis que trois autres sont seulement qualifiés de dominus140. Puis vient un unique damoiseau (domicellus), Astorg de Messac141. Figure aussi parmi les personnalités marquantes un magister, Géraud de Montal chanoine de Mende142. S’insèrent enfin dans cette hiérarchie un doyen, au moins quatre prêtres (presbiter), plusieurs curés et moines ainsi que le bailli et plusieurs sergents de l’abbé, sans oublier deux anciens baillis abbatiaux eux aussi et un notaire de la cour d’Aurillac143. Cette présentation même sommaire – et il ne pouvait en être autrement en raison des sources – de ce premier groupe de témoins sollicités par l’abbé autorise une double conclusion. D’une part, l’abbé s’appuie avant tout pour défendre sa cause sur une solide aristocratie aurillacoise peut-être en butte à un consulat quelque peu rigide et agité. D’autre part, il mobilise pour les sensibiliser à sa cause de fortes personnalités et serviteurs de son entourage qui font bloc autour de lui et lui sont personnellement dévoués. Ils le sont d’autant plus qu’ils résident, à de rares exceptions près, presque tous à Aurillac ou bien tout près comme à Ayrens, Crandelles et Saint-Simon, c’est-à-dire à quelques kilomètres de la ville. Un seul semble être venu de loin, Géraud de Montal chanoine de Mende, à supposer qu’il y réside effectivement144.
48Le second groupe des onze témoins interrogés est tout à l’opposé du premier. Tous sont connus, soit par leur titre nobiliaire, soit en raison de leurs fonctions administratives ou ecclésiastiques. Miles et dominus, Guillaume de la Rivière est bailli d’Auvergne et Pierre de Villemenon armiger est bailli royal de Guines. Simonet de Cambous et Savary Moisset, peut-être fils du viguier de l’abbaye, s’enorgueillissent tous deux du tire d’armiger, tandis que trois magistri dont l’un est chanoine et l’autre est clerc, viennent avec un moine, un clerc et un chapelain clore la liste à laquelle se joint assez curieusement Géraud Hugues d’Aurillac, ancien consul de la ville. En s’adressant à ces onze témoins pour qu’ils témoignent en sa faveur, l’abbé avait parfaitement conscience d’avoir constitué un groupe d’élites dont il connaissait parfaitement le dévouement et la confiance qu’ils lui portaient. Ce que confirme bien plus encore le fait que cinq de ces témoins déclarent avoir été présents au Parlement pour y soutenir l’abbaye lorsqu’elle dut s’y défendre à l’occasion d’un conflit qui l’opposait aux consuls. Conflit que chacun s’accorde à dire qu’il était ancien de quatorze à dix-huit ans. Sauf Frère Bernard moine de Saint Martial de Limoges dont la mémoire, sans doute moins solide, le situe à decem anni vel circa ou decem anni et plus. Voilà qui pose toute la question de la qualité du témoignage145.
3) Témoignages
49Pas une seule déposition des témoins convoqués par l’abbé ne manque à l’appel et il n’en est pas une qui ne soit de qualité. C’est dire combien ces cinquante et un témoignages, dont certains sont souvent longs et extrêmement précis146, constituent un document exceptionnel tout autant pour la vie quotidienne de la cité géraldienne que pour son droit et ses coutumes dans la seconde moitié du XIIIe siècle147. Certains témoins, emportés par l’enthousiasme du moment, vont même au-delà de ce qui leur est demandé tant « l’utopie contribue à libérer la parole des informateurs »148. C’est dire qu’un document d’une telle ampleur et d’une telle richesse ne saurait être que très partiellement exploité ici en attendant qu’une étude exhaustive puisse un jour lui être consacrée qui prendrait en compte l’ensemble des informations toujours fourmillantes qu’il livre. À s’en tenir au fil de la réflexion en cours, il permet d’apporter des réponses solides à deux questions fondamentales. Quels mécanismes ont dominé l’expression de ces témoignages (a) et pour quels contenu (b) ?
a) Mécanismes : dicere, videre, audire, scire, credere, recordare
50Chacune des parties ayant résumé en treize articles ses prétentions, c’est autour de ces dires que chaque témoin organise et argumente ses réponses, non sans préciser toujours à quelle date remontent les faits qu’il allègue. Précision importante qui ne figure pas de manière systématique dans tous les procès-verbaux d’enquête, elle permet d’estimer la durée de la mémoire de chacun et de savoir ainsi à quel âge il estime avoir été capable d’y graver les faits dont il dit se souvenir. L’enquête aurillacois est particulièrement fiable sur ce point tant y sont rares les déclarations qui peuvent être mises en doute à ce sujet. Celle de Pierre de Boussac est sûrement de celles-là quand, âgé de soixante-dix ans, il affirme à plusieurs reprises pouvoir invoquer avec précision des situations vécues par lui bene sunt sexaginta anni vel circa ou bien encore circa predictum tempus sexaginta annorum149. Voilà qui ferait de lui – et de manière assez constante – un témoin capable de se souvenir en permanence d’événements survenus alors qu’il avait l’âge de dix ou douze ans150. Pierre de Besse, également âgé de soixante-dix ans, fait lui aussi état de souvenirs qui se situent dans une même zone d’incertitude151. Hormis ces deux cas extrêmes et discutables, il est à souligner que chaque témoin précise presque toujours, à propos de tous les événements rappelés, la durée de sa mémoire et parfois même jusqu’à dix à douze fois avec des chiffres variables en fonction des faits évoqués. Le plus souvent il est vrai, en chiffres arrondis à la dizaine, mais cependant pas de manière systématique, même s’il arrive parfois que la précision ne soit pas toujours au rendez-vous avec des mentions telles que vel circa152, a tempore quo se recolit153 ou a tempore a quo non existit memoria154.
51Cette exigence de vérité transparaît avec éclat à tous les instants de l’interrogatoire auquel sont soumis tous les témoins. Poussés jusqu’au tréfonds de leur mémoire, ils sont contraints de mentionner les moindres détails susceptibles d’étayer leurs dires tant on veut faire d’eux les titulaires d’une manière d’office public qui les contraint à dire la vérité en raison de la dignitas dont on considère qu’ils sont porteurs155. Dire est le réflexe immédiat de chacun en réponse aux questions posées et on ne compte pas les centaines de fois au cours desquelles le verbe dicere revient au cours des témoignages recueillis. Mais dire quoi ? Sinon affirmer que l’on sait ce que l’on dit. Ce qui fait du verbe scire un terme tout aussi familier du discours des témoins. Mais « dire savoir » ne fait guère avancer la cause de la vérité si précision n’est pas donnée du contexte dans lequel s’est forgé ce savoir mémoriel. Silence que ne manquent pas de lever les commissaires enquêteurs, aussi souvent qu’il existe, en posant invariablement la question « Quomodo scit ? » à tout témoin jaloux et avare de dire le comment de son savoir156. Sollicité de la sorte et contraint alors de répondre, il se trouve dans l’obligation d’en dire la cause, causa dont certains juristes savants ont parfois fait de son énonciation « une condition sine qua non de la validité du témoignage »157. Dans cette déclinaison de la vérité, une constatation s’impose d’emblée. Les deux verbes videre et audire qui reviennent à profusion à la lecture de cet ensemble de dépositions prouvent à l’envi la place de choix qu’occupe le sensitif dans la réponse à la question du « Quomodo scit ». Ils participent ainsi de l’importance première du rôle joué par les sens dans la perception des faits et des événements qui sont la base de tout témoignage.
52Comme partout, ils s’imposent en deux piliers de la validité reconnue à la parole testimoniale. « Avoir vu » est à lui seul la reine des preuves d’un témoignage de qualité, tandis que « avoir entendu » doit être aussi souvent que possible renforcé par l’attestation incontestable de la présence physique du témoin au déroulement des faits qu’il rapporte. Trois causes fondatrices de la qualité du témoignage – vue, ouïe, présence physique – qui, au fil de ces dépositions aurillacoises, se côtoient en permanence pour s’entrechoquer bien souvent et conférer ainsi à l’enquête un surplus de légitimité, d’authenticité et de vérité. Une véritable plus-value d’autant nécessaire qu’était en jeu la preuve de coutumes et de pratiques coutumières politico-administratives dépourvues de tout fondement écrit. Le vidit est foisonnant. Accompagné ou non d’un verbe, il permet au témoin de décrire avec précision l’événement qu’il évoque. Tel a vu les hommes de la ville prêter serment à l’abbé (vidit fieri juramentum fidelitatis abbati Aymari)158, tel autre a vu conduire des condamnés aux fourches (vidit quod dictus dominus Ramondus Moiseti duxit ad furchas Aureliaci duos homines et quamdam mulierem)159, tel autre aussi atteste d’un usage judiciaire qu’il a toujours constaté (hoc ita vidit usitari a tempore quo se recolit)160 et tel autre enfin affirme avoir vu l’abbé et ses juges tenir plaid en l’abbaye ou à l’extérieur pour rendre justice161. Et quel témoin n’aurait-il pas le réflexe rapide d’asséner la formule lapidaire et la plus percutante qu’il imagine pouvoir être : « hoc scit quia vidit »162 ?
53Conforter la vue par l’ouïe va toujours de soi aussi souvent que les circonstances le permettent. Ce qui fait de l’association vidit/audivit une manière courante de percevoir l’événement, comme aussi d’en rendre compte. Il ne s’agit nullement ici de l’« entendre dire » (audivit dici) dont il sera traité, mais de la perception auditive directe par le témoin de l’événement ou de la chaîne des faits qu’il rapporte, perception qui peut soit être unique, soit confortée par la vue. Rares sont en effet les témoins qui fondent uniquement leur témoignage sur l’ouïe dont on sait la valeur toujours seconde en matière de preuve. Je n’en ai guère relevé d’exemples que pour les publications et les bans, tel celui d’Astorg Laconque qui audivit precognizari [sic] apud Aureliacum et cridam seu precognizationes [sic] fieri apud Aureliacum ex parte abbatis et ex parte consulum dicte ville163, ou encore celui parfaitement concordant d’Étienne de Boussac qui semper audivit preconizari ex parte abbatis et consulum ville de Aureliaco164. Si certains témoins se limitent à leur unique expérience visuelle en ce domaine où celle de l’oreille est pourtant fondamentale, comme Raymond du Gué qui déclare simplement vidit precognizari apud Aureliacum [… ]165, bien plus nombreux sont ceux qui se reposent sur le recours aux deux sens pour relater l’événement. Ainsi Pierre de Boussac qui, en plus de son témoignage précédent, vidit et audivit preconizari apud Aureliacum ex parte abbatis et consulum166 ou Guillaume Ernaud qui déclare à propos d’un condamné au bannissement vidit et audivit eum banniri167, comme aussi Girard Conci attestant qu’il a vu et entendu convoquer un prévenu (vidit et audivit vocari)168. Guillaume de Lostau emprunte la même voie et se plaît toujours à associer le videre/audire dans ses déclarations par exemple à propos de condamnés qui fuerunt banniti ut vidit et audivit apud Aureliacum, ou au sujet de Pierre du Broc convaincu d’homicide et condamné à la même peine, ce dont il ne saurait douter car vidit et audivit publice et communiter coram omnibus banniri apud Aureliacum169.
54S’il est toujours souhaitable de voir avec ses propres yeux et d’entendre avec ses propres oreilles, rien ne vaut mieux que de voir et entendre sur le terrain. Tout témoin capable de prouver qu’il était physiquement présent au moment de l’événement qu’il relate est assuré de mieux convaincre. Nombreux sont ces témoins aurillacois qui l’ont parfaitement compris et qui ne manquent jamais, aussi souvent que cela est possible, de faire porter sur leur déclaration la mention « presens fuit ». C’est le plus souvent à la vue qu’est associée la présence et ceci dans des circonstances les plus diverses comme lorsque Savary Moisset, témoin des opérations militaires qui permirent à l’abbé et à ses hommes de reprendre un château au comte de Rodez, affirme prout vidit ipse qui loquitur et fuit presens170. De même, Étienne d’Omps se plait à insister sur sa présence lors de la saisie de biens infligée à un délinquant, biens qui furent mis en dépôt à l’abbaye quod vidit et presens fuit171. Ce que ne manque pas non plus de faire remarquer Guillaume Ernaud décrivant plusieurs opérations de contrôle du poids des pains conduites par le viguier de l’abbé, opérations pour lesquelles il est dit à son sujet vidit duabus vicibus vel tribus et presens fuit172. Il n’est guère d’usage, semble-t-il, d’associer la présence au seul fait d’entendre, alors qu’elle vient souvent renforcer vision et ouïe lorsque les deux sens opèrent ensemble. Pouvoir témoigner en faveur de l’abbé en invoquant un procès au Parlement qu’on a pu suivre pour y soutenir les intérêts de l’abbaye et y entendre les déclarations des consuls vaut d’être mentionné. Ainsi s’exprime maître Thomas Rosemonde quand il précise quod presens fuit in camera consilii domini regis Parisius et ibi vidit et audivit quod [… ]173. Son collègue Géraud de la Coste, présent lui aussi pour la même affaire, adopte semblable attitude quand il rappelle que in pleno palamento vidit et audivit et interfuit [… ]174.
55Tout comme la présence, l’absence est aussi parfois mentionnée, soit que le témoin souhaite préserver sa neutralité, garder une certaine distance par rapport à l’événement ou ménager sa liberté de parole. C’est bien souvent l’attitude qu’adoptent certains de ces témoins associés de près ou de loin au déroulement de procès pénaux, très courants et parfois retentissants en la cour abbatiale. Hugues de Clavière en vécut plusieurs de la sorte et rapporte avec une extrême précision ce qu’il en vit, en entendit et aussi ce dont il fut privé en raison de son absence. Témoin du grand procès engagé à l’encontre de deux femmes – les Brigonnes bien connues dans la cité et convaincues d’infanticide – il déclare les avoir vues dans la prison de l’abbé, puis conduites jusqu’aux fourches par son viguier qui les soumit ensuite à la peine du feu (ibi fecit eas igne comburi), ce qu’il ne vit pas, absent qu’il fut de ce dernier épisode (sed non fuit combustioni nec judicio ipsarum). De même, il vit (vidit) à une autre occasion conduire aux fourches deux hommes et une femme, mais apprit seulement (audivit dici quia non interfuit executioni nec judici) qu’ils furent effectivement pendus et que la femme dut subir l’enfouissement175. La même affaire est aussi rapportée par Raymond du Gué qui affirme lui aussi avoir vu conduire ces trois condamnés aux fourches au milieu d’une importante foule (cum multitudine hominum) pour y être exécutés. Ils y furent effectivement suspendus par le viguier (eos fecit ibi suspendi), scène qu’il ne put voir car non interfuit suspensioni nec judicio, mais dont il put juger du résultat prout vidit eos suspensos176.
56Des cinquante et un témoins interrogés, rares sont ceux qui mettent en avant leur scientia comme cause fondatrice de leur savoir. Guibert Bonenfant est de ceux-là. Invité à se prononcer sur plusieurs articles, il répond les considérer comme esse vera en raison de sa scientia qu’il tient des dires d’un témoin précédent sur le même sujet et avec lequel il est en plein accord177. C’était en quelque sorte répondre scio quia scio et ne pouvoir aller au-delà à défaut de cause à invoquer, sinon celle d’une sciencia personnelle qui n’aurait pas eu à s’exprimer. C’était ne pouvoir se présenter en témoin direct de l’événement relaté. C’est bien pour palier cette faiblesse que nombre de témoins se réfugient derrière un credit verum esse pro certo178 sans autre justification que la confiance placée en ce qu’on croit être sa propre vérité, ou que tel autre, pour se persuader qu’il est sur le chemin de cette même vérité, répond sans argumentation particulière sicut credit, et per hoc credit quod ita audivit dici a pluribus179. Mais croyance ne saurait être vérité dans la mesure ou le credere si souvent avancé, même avec sincère conviction, n’apporte aucune justification sur la réalité des événements ou des faits en cause180. C’est pourquoi, afin de ne pas en rester à un simple témoignage de credulitate qui ne dépasserait pas le stade d’un sec credere autorisant au mieux à mettre en avant un scire tout aussi incertain, bien des témoins pris au jeu de cette incontournable nécessité d’énoncer une causa à leur dire, déroulent en chaine des témoignages indirects par ouï-dire ou fondés sur la fama. Alors, les dépositions sont légion qui se réfugient derrière des assertions telles que prout communiter dicebatur181, prout scit et ita dicebatur communiter182, prout audivit dici183, prout scit de visu ou mieux encore scit de visu et auditu184. Restait à expliciter ces assertions et de quelle vérité elles pouvaient être porteuses, ce qui ne vient jamais.
57Invoquer la fama en marge du dicitur communiter ou du scire de auditu n’apporte guère davantage à la recherche de la vérité185. Comme l’attestent les trois témoignages suivants. Interrogé sur la réalité et l’étendue de la seigneurie de l’abbé sur la ville et sur le fait de savoir s’il y était vraiment plene dominus, Pierre le Chapelain répond credit ea vera esse firmissime […] per hoc quod ita audivit dici communiter et super hoc est fama. Puis d’ajouter pour toute explication que l’abbé exerce bien effectivement une justice pleine et entière sur la ville, mais sans expliciter ce que pouvait être le contenu de la fama à ce sujet186. Les réponses sont tout aussi décevantes d’Astorg de Messac invité à donner un avis sur la même question et sur le statut d’homines de potestate des habitants de la ville. À ses yeux, il ne fait aucun doute que tout ce que soutiennent les abbatiaux à ce sujet esse vera prout communiter audivit dici et super hoc est fama187. Même position donc que son prédécesseur, plus médiocrement encore accompagnée de remarques sans le moindre intérêt pour saisir le poids de la fama. Géraud Richard reprend la formule, qui semble parfaitement figée, en des termes identiques mais ne fait guère progresser ce qu’apporte de plus, à son témoignage, l’invocation de la fama pour plaider la cause de l’abbé en dépit des nombreuses preuves qu’il fournit pour justifier ses vastes compétences en matière de justice pénale188.
58C’est bien dans un tel contexte que se pose la question de la qualité de tous ces témoignages. Incontestablement fournis et souvent très détaillés quant aux faits rapportés, ils sont parfois victimes d’une mémoire quelque peu défaillante, ce qui leur vaut de temps à autres certaines imprécisions. En principe et comme il a été dit, chaque témoin indique toujours avec grand soin la durée qu’il donne à sa mémoire pour les faits qu’il relate. Il arrive néanmoins que ces données se fassent plus vagues. Voici tels témoins qui se risquent tout au plus à évoquer des faits que la prudence leur dicte de dire qu’ils ne remontent qu’a tempore quo se potest recordari ou a tempore quo se recolit189, ou tel autre qui dépose pour certifier que l’abbé et le monastère sont bien seigneurs in solidum de la ville a tempore quo memoria non exixtit ut dicitur communiter et hoc vidit pacifice et quiete a tempore quo non recolit190. Témoignage quelque peu surprenant qui contribue à brouiller les pistes en évoquant une situation qui échappe à toute mémoire et en même temps ramenée à celle d’un témoin qui déclare lui-même la borner aux limites de ses propres souvenirs, limites qu’il dit ignorer et qu’il refuse en d’autres circonstances d’avouer alors qu’il dit parfaitement les connaître : hoc ita vidit usitari a tempore quo se recolit191. Dans ces conditions, cette mémoire se fait parfois imprécise. Aveu est alors franchement fait, sans dissimulation, d’une défaillance sèchement exprimée par un non bene recolit192. C’est bien souvent la mémoire des noms qui fait défaut. Avouée elle aussi sans détour, elle revient assez souvent et témoigne de la volonté des déposants de faire montre de leur bonne foi, de leur honnêteté et de leur souci affiché de donner des réponses de qualité. Nul n’hésite à dire qu’il ne se souvient pas de certains bourgeois d’Aurillac cités à comparaître devant la cour abbatiale et qu’il en ignore même le nom193, ou qu’il a tout simplement oublié celui de certains condamnés (non recolit de nominibus ipsorum)194, ou bien encore après être parvenu à se remémorer le nom d’un prévenu, reconnaître que la mémoire lui fait défaut pour citer le nom des autres (de aliorum nominibus, non est bene memor)195.
59Le plus souvent d’importance mineure et sans conséquences graves, de tels oublis peuvent parfois contribuer à l’altération de la qualité du témoignage, même si dans la plupart des cas elle est garantie par la concordance souvent soulignée entre plusieurs dépositions sur des questions de tout premier ordre. Mention expresse en est alors portée au procès-verbal, par exemple ainsi formulée concordat cum Petro de Boussac teste immediate precedente196, ou plus simplement concordat cum teste precedente197, comme aussi concordat in omnibus cum teste precedente198. Existe-t-il quelques différences mineures ? Elles sont alors notées et toujours introduites par des formules adaptées telles que excepto quod, addit quod vidit199, hoc addito quod200, suivies des modifications souhaitées. Plus rares sont les différences tranchées d’appréciation, voire des points de vue franchement opposés. Les uns et les autres sont immédiatement et clairement signalés, accompagnées de la mention discordat cum teste immediate precedente201. Revient alors aux commissaires enquêteurs le soin d’apprécier. Et ceci d’autant plus que, parfois au-delà de bien des certitudes affichées telles que credit contenta in ipsis articulis pro certo esse vera202, ou bien credit quod habet pro certo et ita dicitur communiter et est notorium203, se cachent bien des hésitations propres à jeter quelque doute sur la valeur qu’il convient d’attacher à certaines dépositions. Rares il est vrai. C’est le plus souvent quand il est demandé à un témoin de décrire une chaîne d’événements successifs que sa narration de la situation peut se faire incertaine. Pierre de Boussac dont les dépositions sont nombreuses et le plus souvent fiables, chancelle néanmoins quand il lui est demandé de préciser certaines opérations militaires conduites par l’abbé. Il a certes vu, mais non entendu (vidit et non audivit) les opérations de cri de convocation des bourgeois pour suivre l’abbé dans une campagne militaire contre des chevaliers dont il ignore le nom (quorum nomina ignorat) et vers une ville dont il ne sait rien (nescit qualiter et nescit quid factum fuit). Et il ne sait pas davantage ce que les bourgeois aurillacois ainsi enrolés firent au cours de cette campagne (nescit quod faciebant seu fecerunt in dictis exercitibus)204. Étienne d’Omps, pourtant bailli de l’abbé, n’est guère plus précis quand il doit justifier les compétences pénales de la justice abbatiale. Pour ce faire, il évoque les fourches dont dispose l’abbé et les exécutions dont elles sont le théâtre. Il sait parfaitement (scit de visu) qu’à ces fourches ont été suspendus deux meurtriers et une femme qu’il a vus en cet état, mais dont il a oublié le nom, dont aussi il n’a pas vécu l’arrestation et pour lesquels il n’a pas été présent au jugement, mais dont on dit pourtant (tamen dicebatur) qu’ils avaient tué près de la ville un homme étranger et qu’ils étaient eux-mêmes étrangers205. Sollicité lui aussi sur l’étendue de la justice pénale abbatiale, Raymond du Gué rappelle que Raymond Moisset, viguier de l’abbé, amputa bien d’un pied, pour vol (ut dicitur) un homme dont il ignore le nom et qui aurait été arrêté dans la ville (prout dicebatur). Absent du jugement au cours duquel fut décidée cette peine (ut pes sibi amputaretur), il n’a pas davantage assisté à l’acte d’amputation (non fuit ipso acto), mais il a pu juger du résultat (quando pes fuit sibi amputatus) et dire comme on le dit (ut dicebatur) que cette décision a bien été prise et exécutée au nom de l’abbé206. Informations à la fois fourmillantes et lacunaires qui posent en même temps la question du contenu de ces témoignages.
b) Contenu
60Il est extrêmement dense tant en raison de la discipline qui a présidé à la conduite de cette enquête que de la qualité qui, à quelques exceptions près, caractérise les réponses des témoins. Enquête riche par son contenu, certes. Mais un contenu fort biaisé, à sens unique et univoque en raison de l’unique présence des témoins sollicités par l’abbé, manière de témoins à décharge. On ne saurait donc s’attendre à trouver dans ces dépositions la moindre image dévalorisante des droits, comme aussi des coutumes et pratiques qui règlementent les rapports de l’abbaye avec un consulat en combat permanent pour l’affirmation de sa précaire existence. C’est dire que la lecture de cette somme d’informations doit être conduite avec un constant souci de rééquilibrage qu’opèrent seulement parfois de rares témoins. Toujours de manière très prudente et timide. Souci de tri et de choix aussi au cœur de ces dépositions souvent surabondantes jusqu’à devenir parfois redondantes et dont ne peuvent être retenus que les arguments les plus saillants et les plus percutants. Ils prouvent assez combien ces témoins – que se muer trop souvent en porte-paroles soumis à l’abbé ne gène en rien – sont en permanence guidés par deux obsessions. Sauvegarder coutumes et droits qui font de l’abbé le plenus dominus ville Aureliaci et pertinentiarum et districtus. Contenir toute pratique susceptible de contribuer à fonder juridiquement l’existence de la communitas Aureliaci.
61Croire que rien n’a changé depuis le temps où le bon comte Géraud était dominus solus et in solidum de la cité, voilà le premier credo207. Nombreux sont les témoins qui s’en disent convaincus et qui veulent seulement voir, dans les abbés qui sont leurs contemporains, de simples héritiers et fidèles continuateurs de la seigneurie géraldienne208. Et ceci à un tel degré de perfection que nullus alius preter abbatem et conventum predictos, dominium, seigneuriam et justiciam habet in villa Aureliaci nisi ab ipsis abbate et conventus209. Comme si la communitas des habitants était toujours aussi peu organisée et toujours si peu apte à revendiquer des droits sur la cité. Rien alors n’interdit les affirmations les plus radicales pour venir au secours du maître de l’abbaye. Il n’est pas surprenant dans ce contexte de croyance en un passé figé dans la coutume de lire, au fil des dépositions de Savary Moisset viguier abbatial en fonction, que l’abbé et l’abbaye sont bien domini ville Aureliaci et pertinentiarum de Aureliaco. Précis sur la consistance géographique du noyau urbain, il l’est beaucoup moins sur ses appendances dont il ne semble pas maîtriser vraiment la consistance, même s’il dit se fonder sur ce qu’il a entendu dire depuis toujours (audivit dici ab antiquis)210. Déposition que conforte en tous points Pierre de la Ville. Moine attaché à l’abbaye il rappelle que, présent au Parlement lors d’une séance au cours de laquelle comparurent les consuls et leur procureur, il les vit et les entendit reconnaître que toute la ville tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des remparts relevait bien depuis toujours de la justice de l’abbé, justice haute et basse tout à la fois sur les murs, fossés et espaces vacants211. C’est bien sous cet angle, celui de la justice, que les abbatiaux se placent avant tout autre, pour convaincre de la maîtrise absolue des successeurs de Géraud sur l’ensemble de la cité. Les témoignages en ce sens se succèdent, mais nul n’est sans doute aussi complet que celui d’Hugues des Monts. Rappelant que l’abbé et son couvent sont toujours domini ville Aureliaci in solidum pertinentiarum et districtus ejusdem, il insiste sur le fait qu’il s’agit bien de la haute et basse justice sans aucune restriction (totalis jurisdictio), pouvoir dont ils sont en saisine, a tempore cujus memoria non existit et qu’il n’a jamais vu personne d’autre que les titulaires cités, l’exercer212. Mais alors l’exercer où, dans quelles conditions et pour quelles causes ?
62Sur ces trois points, les dépositions se font extrêmement précises. Aucun des témoins sollicités ne donne jamais l’impression de se sentir pris au dépourvu, laissant même à penser qu’il va quelquefois bien au-delà de ce qui lui est demandé. Tous sont d’accord pour affirmer que l’abbé tient régulièrement curiam et assisiam213, assisias et placita214, ou encore placita ou assisias215. Tenir cour est une chose, y faire comparaître des justiciables, y rendre des jugements et en assurer l’exécution est une toute autre mission dont dépend pour une bonne part la position du juge abbé dans la cité. Voilà sans doute pourquoi les témoignages ici se bousculent, tous plus pointus et incisifs les uns que les autres, pour rendre compte de l’intense activité de la cour abbatiale, particulièrement en matière pénale. Tout est mis en œuvre pour démontrer que, même en l’absence de texte mais preuves à l’appui, l’abbé jouit en raison d’une longue pratique coutumière de omnimoda jurisdictione alta et bassa in villa Aureliaci. Ce que soutient avec force Guillaume de l’Ostau pour l’avoir entendu dire par son père et ses ancêtres et en être lui-même le témoin direct depuis une quarantaine d’années216. Le chanoine maître Pierre d’Aurillac confirme avec une aussi forte conviction ces assertions. Tout en martelant lui aussi que l’abbé est bien dominus ville Aureliaci et habet ibi jurisdictionem altam et bassam, il ajoute qu’il a lui-même vu la cour abbatiale traiter plusieurs causes criminelles et civiles, ce que font aussi les viguiers abbatiaux partout dans la ville217. Sans doute parce que fort discret sur le fonctionnement de cette cour, d’autres témoins le relayent, soucieux de déverser un flot d’exemples de causes traitées depuis l’arrestation des coupables jusqu’à leur jugement et bien souvent aussi leur exécution, tout particulièrement en matière pénale où le théâtre public de la mutilation ou de la mort vaut preuve d’une justice effective, fonctionnelle, efficace et exemplaire218. De tels exemples cités pour avoir été vécus par divers témoins ne sont pas rares, tel celui du publicus malefactor Raymond André condamné à la peine de mutilation des yeux219. Peine qui lui fut effectivement infligée en public, après qu’invitation d’assister à cette exécution ait été lancée par cri officiel auprès de tous les hommes de la ville de venir voir justice être rendue. Ce qui fut fait et que vit de ses propres yeux le témoin Étienne Bonenfant220, comme ce fut le cas aussi pour Raymond du Gué témoin en des circonstances semblables d’un appel public à assister et venir voir pendre aux fourches plusieurs condamnés. L’appel fut entendu et l’exécution suivie par une foule d’hommes221.
63Ces deux exemples prouvent à quel point l’abbé et son entourage ont voulu faire de la justice pénale, de sa machine implacable et de son fonctionnement parfaitement réglé, le cœur de l’enquête. Une justice qui, à défaut de texte qui lui servirait de fondement, doit être vue dans toute sa puissance par le public, vécue dans toutes ses dimensions et toute sa rigueur par les condamnés. Point alors n’est surprenant d’entendre les témoins décliner – parfois jusqu’à la répétition – le contenu des grandes affaires qui, tout au long des dernières décennies, sont parvenues au tribunal abbatial dont la compétence ne saurait à aucun moment être mise en doute. Innombrables, elles permettent de saisir la panoplie et bien souvent aussi l’extrême lourdeur des peines que, depuis le bon comte Géraud, tous les abbés successifs ont imposées sans faiblir aux délinquants aurillacois. Ainsi s’est construite une échelle coutumière des sanctions que tous les témoins s’appliquent à évoquer en la replaçant toujours dans un contexte extrêmement précis. De cet océan de témoignages, qu’il suffise d’extraire seulement quelques unes des affaires qui ont le plus marqué les esprits et donnent un éclairage très cru du pouvoir abbatial. Estimer avec précision le nombre exact d’exécutions capitales – presque toujours par les fourches – décrites par les témoins demanderait une recherche affinée tant les diverses situations évoquées reviennent souvent et s’entremêlent parfois sans toujours pouvoir les distinguer, en particulier en l’absence de désignation précise du condamné. Néanmoins il est possible de relever, sans trop de risque d’erreur, au moins neuf cas d’exécution capitale recensés et parfaitement identifiés par des témoins dont la mémoire remonte en moyenne à une quarantaine d’années222. C’est dire que la sévérité de la cour abbatiale aurillacoise n’est pas légende pour la seconde moitié du XIIIe siècle. Deux affaires suivies de condamnation à mort avec exécution effective ont particulièrement marqué les Aurillacois et valent d’être rappelées tant elles sont emblématiques.
64La première, rapportée par au moins sept témoins, met en scène deux hommes et une femme accusés d’avoir tué un homme, puis condamnés à mort pour meurtre et exécutés. Si chacun des témoins est d’accord sur cette version générale des faits et déclare ne pas connaître les noms des assassins ni celui de la victime, les dépositions divergent parfois sur des points importants. La narration la plus complète est celle de Savary Moisset, viguier de l’abbé, qui dépose selon les dires de son père, ancien viguier et témoin direct des événements. Deux hommes (homines) et une femme (mulier) avaient été arrêtés l’un près de la ville et à deux lieues (apud Aureliacum per duas lieucas), l’autre non loin de la cité et la femme à Polminhac, soit à quelques kilomètres. Conduits à Aurillac par les sergents et le bailli de l’abbé, ils avouèrent en place publique (in platea communi) avoir tué un homme (quemdam hominem). Ils furent ensuite jugés et condamnés à mort par la cour de l’abbé où avaient été appelés en renfort et pour la circonstance, plusieurs nobles et bourgeois (milites et burgenses). En exécution de ce jugement, Savary Moisset dit les avoir pendus lui-même aux fourches de l’abbé sur ordre de son père qui siégeait toujours à la cour abbatiale à titre d’ancien viguier. Et d’ajouter que personne ne s’y opposa (nec vidit quod homines dicte ville se opponerent in aliquo), manière de bien persuader ses interlocuteurs qu’il s’agissait là d’une coutume parfaitement inscrite dans la pratique pénale et admise par tous depuis toujours223. Les autres témoins apportent quelques précisions complémentaires ou restent silencieux sur certains éléments de la déposition de S. Moisset. Attitude qui n’est pas dépourvue de signification. Pierre de Boussac ajoute que les trois meurtriers étaient étrangers à la ville (extranei) et que tous trois furent arrêtés extra villam, sans oublier de mentionner qu’ils furent bien pendus et qu’il les a vus de ses yeux dans cet état (fuerunt suspensi ad furchas abbatis, prout vidit eos suspensi). Étienne d’Omps évoque deux murctrores et une latronissa, tous trois étrangers (extranei) qui ont tué un étranger (extraneus) à proximité (propre) de la ville, tous trois pendus qu’il a effectivement vus, mais seulement après leur exécution. Guillaume Ernaud qualifie lui aussi les trois prévenus d’étrangers en ajoutant qu’ils ont été arrêtés pour homicide (homicidium) suite au meurtre commis sur un pèlerin (quemdam peregrinum extraneum). Puis il affirme les avoir vus tous trois suspendus par le bailli lui-même (manu propria), la femme au milieu. Hugues de Clavière précise que seul un des prévenus fut arrêté hors de la ville, tandis que le second et la femme le furent à l’intérieur des murs. Puis il confirme à peu près tous les dires de ses prédécesseurs, sauf sur un point capital quand il affirme avoir entendu dire (audivit dici) car il ne fut pas présent à l’exécution, que seuls les deux hommes furent pendus tandis que la femme dut subir la peine de l’enfouissement. Affirmation qui ne paraît pas invraisemblable, cette peine ayant été pendant longtemps réservée aux femmes qui ne devaient pas alors être pendues224. Mais dans ce contexte, à quels témoignages faire crédit ? À ceux dont les auteurs disent avoir vu les trois meurtriers effectivement pendus ou à celui qui affirme avoir entendu dire que la femme a été soumise à l’enfouissement ? Il est bien difficile de répondre, même si le vidit vaut toujours mieux que l’audivit dici. Puis viennent les témoignages de Raymond et Pierre du Gué qui n’apportent guère de précision supplémentaire, n’était-ce celle de révéler que ce meurtre avait été commis dans un bois et que la victime était bien un pèlerin (quemdam peregrinum)225. Affaire d’importance donc que l’exécution des ces trois meurtriers. Elle l’est en soi bien sûr, mais aussi parce qu’on y mesure le souci des témoins de fonder en droit la compétence de l’abbé en la matière. Que la plupart d’entre eux insistent sur le fait que les trois prévenus, deux ou au moins un aient été arrêtés hors des limites de la ville, témoigne de leur détermination à prouver que la justice pénale de l’abbé – et plus spécialement sa haute justice – s’étend tout à la fois sur la villa Aureliaci et pertinentiarum de Aureliaco. Et elle ne doit pas se heurter à davantage de limites s’agissant des personnes. L’atteste le fait que, tant meurtriers que victime, paraissent bien avoir été tous quatre des étrangers. Voilà qui, vu par les abbatiaux, était de pratique courante. Une pratique qui restait à écrire dans un texte à venir.
65La seconde affaire qui fit aussi grand bruit est celle, déjà évoquée, des Brigonnes, ces deux femmes convaincues d’infanticide et sur lesquelles la justice abbatiale déploya toute sa rigueur. Quatre témoignages en font état, mais qui sont loin d’être totalement concordants. Étienne Bonenfant rapporte que deux femmes ayant étranglé leurs enfants (strangulaverant filios suos) furent immédiatement traduites devant la cour abbatiale et condamnées à mort. Décision que le viguier exécuta aussitôt en les soumettant à la peine du feu, tout près des fourches (fecit eas ibi comburi et igne extingui), scène à laquelle ce premier témoin déclare avoir assisté (vidit) même, précise-t-il, s’il n’avait pas eu connaissance qu’un ban ait pu être crié pour inciter les habitants à venir voir justice se faire (visuri fieri justitiam)226. Hugues de Clavière emboîte le pas, confirme en termes à peu près identiques l’accusation portée contre les Brigonnes (strangulaverant liberos suos) et la peine infligée (fecit eas igne comburi), tout en précisant que s’il les a vu conduire ces deux femmes aux fourches, il n’a pas pour autant assisté au supplice227. Le témoignage de Pierre de Besse qui dit avoir vu l’exécution par le feu (fuerunt igne combuste) entouré de plusieurs personnes, donne une version bien différente du crime commis qui selon lui n’a fait qu’une seule victime en la personne d’un jeune enfant (quemdam puerum)228. Ce que confirme Jean Langais (strangulaverant infantem), comme il rapporte en même temps que les Brigonnes furent bien soumises toutes les deux à la peine du feu (fuerunt combuste), non sans préciser avec quelque insistance que les gens de l’abbé avaient pressé le viguier, dès l’affaire connue, d’intervenir au plus vite pour que justice soit faite229. Que la peine du feu – sanction particulièrement redoutable et atroce réservée aux femmes en cas de meurtre – ait été en vigueur dans la cité géraldienne prouve assez combien la justice abbatiale était à la fois rigoureuse et efficace dans la mesure où elle n’hésitait pas, non seulement à la décider, mais aussi à l’appliquer, ce qui est loin d’être courant par ailleurs230.
66À la pendaison, l’enfouissement et le feu, il ne manque que la décapitation – réservée il est vrai aux seuls crimes de lèse-majesté et de trahison231– pour apporter la preuve d’un arsenal répressif de très haut niveau entre les mains de l’abbé et de ses juges. Arsenal à tout moment renforcé par le recours constant à bien d’autres peines, qu’elles soient corporelles, afflictives ou patrimoniales. Nombre de témoins en font régulièrement état. Les évoquer seulement suffit à se persuader de leur application et de l’impact effectif qu’elles ont auprès de la population en raison de la publicité qui leur est souvent donnée. Publicité qui se veut communication persuasive et moyen de donner corps à un ordre coutumier, toujours en prévision d’une coutume à écrire qui serait à tous égards favorable à l’abbé. Savary Moisset, aussi actif à témoigner qu’à assumer sa fonction de prévôt comme l’avait fait avant lui son père, se plait à dire l’intense activité que connut de tout temps la cour abbatiale fustigando, amputando pedes et auriculas in multis casibus, en marge des crimes passibles de la peine de mort232. C’est ainsi qu’assistée de plusieurs nobles et bourgeois appelés en raison de la gravité de l’affaire, elle inflige à Giraud de la Tiaullade l’amputation d’un pied et presque au même moment, à un certain Favas, sanction identique lourdement aggravée par un bannissement immédiat. Rebelle et de retour presque aussitôt, Favas n’échappa pas alors à un marquage au fer rouge sur le visage233. Trois peines en une dont preuve est bien donnée qu’elles furent effectivement appliquées. Comme ce fut aussi le cas d’un autre condamné pour vol dont l’identité n’est pas révélée, mais à propos duquel Raymond du Gué affirme : vidit dictum hominem quando pes fuit sibi amputatus234. Parallèlement à l’amputation du pied, la mutilation des yeux est aussi pratiquée, comme ce fut le cas déjà signalé de Raymond André qui put ainsi échapper à une condamnation à mort235. Il en est de même de l’essorillement, le plus souvent infligé en cumul avec d’autres peines, telle la fustigation. Double sanction que dut souffrir Pierre Deffage pour avoir furtivement mis la main sur une malheureuse vache236. Les peines infamantes ne sont pas non plus exclues de cette longue liste, telle la course237 imposée à un prévenu attaché nu à une perche en plein froid ut diceret veritatem per vim frigoris238. Le patrimoine n’est pas non plus épargné de saisies et confiscations répétées239, d’abattis de maisons240 ou de portes enlevées241. Enfin dans cette vaste panoplie, tous les témoins réservent une place de choix au bannissement dont on a l’impression qu’il est pour la cour abbatiale une peine perpétuellement adaptable et à modulation variable. Tantôt prononcé à perpétuité ou pour un longue période à l’encontre de criminels et alors accompagné de saisie des biens et de destruction de maison242, il est aussi d’une utilisation courante en bien d’autres circonstances. Le faux par exemple, comme ce fut le cas pour le clerc Durand Frerat banni propter suspicionem falsarum litterarum243, ou bien comme alternative à la prison. Situation vécue par un clerc qui, après avoir été détenu pendant dix-sept mois dans la prison abbatiale, fut banni sans autre condition244.
67Tableau saisissant que cette évocation de la compétence de la justice abbatiale et de la longue liste des affaires dont elle se saisit en permanence. Tableau éclairant aussi pour comprendre pourquoi tous ces témoins présentés par l’abbé ont fait bloc dans leurs dépositions afin de démontrer que, dans ce domaine si majeur de justice de la justice et en même temps si faiseur de solus dominus, l’abbé et son abbaye ne souffraient depuis longtemps d’aucune concurrence et qu’aucun autre pouvoir que le leur ne pouvait prétendre rendre justice dans la villa Aureliaci. Et pas davantage dans son districtus que de longue coutume ils étaient aptes à contrôler. Une coutume comme inscrite dans le marbre et la pérennité de la justice. Position habile qui permettait aux abbatiaux de ne traiter que dans un second temps de la situation juridique de leur abbé par rapport à la communitas Aureliaci et à ses consuls en conquête de leur existence.
68Contenir toute pratique susceptible de contribuer à fonder juridiquement l’existence de la communitas Aureliaci, tel est le second credo. Sur ce terrain, pratiques et coutumes sont moins balisées et moins sûres que sur celui de la justice. Ce qui conduit la plupart des témoins à refuser la qualité de personne morale à la communitas Aureliaci et à admettre parfois un partage de l’exercice du pouvoir entre l’abbé et les habitants, tout en y voyant le plus souvent une simple situation de concurrence.
Refus
69D’usage courant, l’expression communitas Aureliaci pose problème à tous les témoins dont la plupart se montrent réticents à voir dans ces deux mots l’existence affirmée d’une authentique personne morale dotée de droits et d’institutions aptes à la représenter et à agir en son nom. Problème qui se pose en particulier dans deux situations bien différentes. Celle où la communauté est appelée à reconnaître ou non la seigneurie de l’abbé par le biais du serment et celle où elle entre en conflit avec lui. Aucune de ces deux situations n’étant régie par le moindre texte, tous les témoins mirent autant d’ardeur que de passion à exposer leur point de vue en multipliant les exemples, afin de donner à la répétition de certains comportements valeur de coutume susceptible d’être intégrée dans une lex municipalis à venir. Que la communitas ait été depuis longtemps un véritable corpus, mais sans statut particulier et pendant de longues décennies dépourvue de consuls est une situation défendue par beaucoup. En ce sens plaide maître Guibert de Cic […] quand, âgé de quatre-vingt ans, il affirme avec certitude qu’il y a cinquante ans, « consules non erant in villa quia communitas erat ibi et […] dicta communitas respondebat coram abbate, prout vidit, sed nescit in quibus casibus »245. Une communitas dépourvue d’organisation et d’institutions représentatives qui, pendant longtemps, se confond avec ceux qui la composent. Comme l’attestent bien des expressions courantes telles que burgenses ville Aureliaci seu communitas246, burgenses de Aureliaco aut eorum communitas247, homines de Aureliaco videlicet tota communitas248, ou encore hominnes ville seu communitas de Aureliaco249.
70Cette question se pose toujours avec acuité à chaque changement d’abbé, moment crucial où le serment est requis de la part de la communitas, mais alors au nom de qui et par qui est-il prêté ? Ici encore, aucun texte ne peut faire foi et seule domine une pratique coutumière aussi imprécise qu’elle est diversement observée. Tous les témoignages qui abordent ce point évoquent naturellement l’abbatiat de Guillaume (1262-1291) alors en fonction, mais aussi celui de ses deux prédécesseurs Bertrand (1233-1252) et Aymard de Valette (1252-1262) pour lequel les dépositions sont de loin les plus nombreuses. Tous les témoins, à une exceptions près250, sont d’accord pour affirmer qu’à chaque mutation, le nouvel abbé a toujours reçu sans la moindre contestation le serment des habitants de lui être fidèles, le plus souvent dans un cimetière et rarement une église251. Ils mentionnent aussi qu’il l’a lui-même prêté à la ville252, mais dans des conditions beaucoup moins spontanées. Alors que Bertrand accepte sans réticence de s’exécuter le premier (fecit primo sacramentum)253, Aymard déclare bien vouloir se plier à cette formalité, tout en déclarant ne pas y être tenu (non tenebatur eisdem prestare)254, voulant bien montrer par là qu’il n’existait aucune coutume en ce sens qui puisse le contraindre. Ce qui ressort pour l’essentiel des dépositions de tous ces témoins, c’est leur volonté de prouver que l’abbé ne considère pas qu’il reçoit ce serment d’une communitas qui serait une personne morale, mais tout au contraire des habitants qui la composent, considérés comme un groupe de simples individus. L’expression qui revient de loin le plus souvent pour désigner ceux qui prêtent serment est celle d’homines ville, d’homines Aureliaci ou d’homines de Aureliaco255. Rare est celle de communitas ville ou communitas Aureliaci256. Exceptionnelle celle de burgenses257. Une seule fois voit-on les consules ville de Aureliaco prêter serment, accompagnés de la minor pars seu quedam pars magna pars populi pro hominibus de villa Aureliaci258. Et encore s’agit-il de ce temps heureux de l’abbatiat où les hommes de la ville étaient fideles et amici et où abbé et consuls erant amici et concordes ou amici259.
71Bien des témoins vont plus loin pour faire de tous ces homines de simples individus entièrement dépourvus de toute capacité juridique et membres d’un groupe étroitement soumis à l’abbé. Hugues de Clavière ne voit dans tous ceux qui jurent fidélité à l’abbé que des subditi et justiciabiles sur lesquels pèsent de nombreux servitia et debita qui les placent dans un statut proche de la servitude260. Plus aggravant encore sont les témoignages qui font de tous ces hommes des homines de potestate, des hommes de poesté donc entièrement sous la férule de l’abbé et inaptes à faire de leur communitas un authentique corpus capable d’agir juridiquement. Le témoignage de Raymond du Gué va dans ce sens quand il affirme, sans hésitation, que tous sont bien des homines potestatis et que jurati de l’abbé, ils lui doivent multa servitia et deveria, sans qu’il puisse pour autant leur imposer des services qui seraient contraires au statut de libre, statut qu’ils conservent donc (credit quod sunt liberi), tout en restant des simplices burgenses261 ou des singulares personnae262. Peu de témoins cependant se montrent aussi rigoureux. Certains disant ne pas savoir si les Aurillacois sont francs et libres de toute condition servile263, d’autres avouant ignorer ce qu’est un homo potestatis264, d’autres enfin – les plus nombreux – préférant ne pas se prononcer sur cette délicate question des statuts personnels, tel Raymond du Gué qui nescit si sunt homines potestate265. Quoi qu’il en soit de ces flottements, tous les témoignages convergent pour faire de ces Aurillacois de la fin du XIIIe siècle des hommes dans l’incapacité juridique de conduire une action commune et concertée. L’attestent les nombreuses allégations qui les décrivent plaidant devant la cour abbatiale toujours tanquam singulares persone et quelle que soit la nature de l’affaire266. Si bien que la cour abbatiale juge et condamne tous les délinquants tanquam singulares personas, non ratione communitatis267. En conséquence, les homines Aureliaci pouvaient certes à tout moment saisir la cour abbatiale d’une action personnelle, mais en leur simple qualité de personne privée, ce qui les plaçait hors d’état d’agir au nom de la communitas ou du consulat, tous deux ainsi frappés d’une interdiction permanente de toute action en justice268. Et les consuls eux-mêmes ne peuvent en aucune hypothèse comparaître devant la cour à l’occasion de litiges concernant la communitas269, même s’il peut arriver qu’ils y soient convoqués à un tout autre titre.
Partage
72La volonté affichée par la plupart des témoins du soutien sans faille qu’ils entendent apporter aux abbatiaux est néanmoins traversée par quelques lignes de fracture qui laissent entrevoir un mince espace d’existence reconnu à la communitas au cœur d’un système de pouvoirs auquel la coutume concède toujours une grande souplesse de fonctionnement. Ici encore, rien n’est écrit. Ce qui contraint certains témoins, même les plus favorables à l’abbé, à prendre acte de pratiques nouvelles favorables à une timide association de la communitas à l’exercice du pouvoir.
73Évolution particulièrement sensible dans le domaine judiciaire où certains membres de l’entourage de l’abbé entendent pourtant ne rien céder comme le prouvent plusieurs dépositions. Au moins en apparence. Tel est le point de vue fermement exprimé par la dernière série de témoins interrogés. Unanimement favorables à l’abbaye et présents à la séance du Parlement lors du contentieux qui l’opposa aux consuls, ils veulent tous en retirer la certitude d’un abbé souverain justicier sans la moindre réserve à l’image qu’en donne Simonet de Combrous, un de ses plus fidèles soutiens. Nommé pour un temps par le roi défenseur et gardien de l’abbaye, il dit y avoir vu un abbé en pleine possession de la haute et basse justice avec tous les attributs que comporte un pouvoir aussi entier270. Et pourtant, la réalité n’est pas toujours aussi favorable au maître de l’abbaye souvent contraint d’accepter à ses côtés, la présence au moins de mandataires de la communauté. Même un de ses plus proches officiers, le viguier Savary Moisset en convient. Au cours de sa très longue déposition, il fait allusion à plusieurs jugements en matière pénale rendus en présence de bourgeois, voire des consuls appelés par l’abbé. Appel souvent entendu et accepté par les intéressés, mais parfois aussi refusé271. Dans la pratique, consuls et représentants de la communitas sont convoqués par les autorités abbatiales sans règle vraiment précise. Ainsi les voit-on souvent assister à des jugements infligeant la peine capitale comme le rapporte Guillaume de Lostau à propos de plusieurs prévenus qui fuerunt judicati ad suspensionem per consules hominum de Aureliaco et viguerium abbatis272. De même Étienne d’Omps qui fait état de la condamnation à mort d’un certain Raymond par le viguier et plusieurs habitants de la ville appelés à ce jugement, mais sans que les consuls le soient aussi273, comme l’attestent plusieurs jugements évoqués par Pierre de Boussac274.
74La question d’une certaine forme de participation de la communitas au prononcé de la peine de bannissement se pose en termes assez identiques. Il n’est pas rare de constater qu’elle relève du seul abbé comme ce fut le cas pour plusieurs criminels tous ensemble bannis ex parte abbatis Bertrandi qui tunc erat275. L’hypothèse de loin la plus courante est néanmoins celle d’un bannissement décidé conjointement par l’abbé ou son viguier assisté des consuls. Dans sa déposition, Étienne Bonenfant cite au moins trois cas de meurtriers qui furent, à des moments différents, bannis ex parte abbatis et consulun ville Aureliaci276. De telles situations sont courantes qui témoignent d’une pratique fluctuante et sans cesse modulable en fonction des autorités en présence et de la nature des affaires à régler. C’est dire qu’il y avait là tout un champ ouvert à une indispensable codification porteuse de clarification et de stabilisation des rapports entre un pouvoir ancien et dominant mais en sursis et un pouvoir neuf et encore mal affirmé, mais conquérant. Il est deux autres domaines où le partage ne s’opère pas toujours selon des lignes clairement définies.
75Le premier est celui des enquêtes. Une bonne dizaine de témoins déposent avec une grande précision sur cette question à laquelle ils se limitent le plus souvent et concluent de manière nuancée. La déposition de Pierre du Guet, prêtre, est de loin la plus précise et la plus intéressante. Notaire aussi à la cour abbatiale pendant une dizaine d’années tout au long desquelles il était en charge de la rédaction des procès-verbaux des enquêtes civiles, il cite un grand nombre d’affaires de vol en particulier et analyse les enquêtes alors ouvertes que l’abbé Aymard avait conduites lui-même, sans que les consuls fussent appelés à participer à la plupart d’entre elles. Quand, de manière tout à fait exceptionnelle ils le furent, ce fut à titre de conseillers (non tanquam consules sed tanquam consiliarios) et seulement afin d’éviter que le moindre soupçon de partialité ne pesât sur l’abbé. Sans doute jugée indésirable, cette association exceptionnelle ne semble guère avoir duré, au moins sous cet abbatiat, puisque P. du Guet croit utile de rappeler que l’abbé récusa à un moment précis les consuls, motif pris qu’ils soutenaient devoir être présents en se fondant sur le droit de la communitas et de la ville (de jure communitatis et ville). Droit non écrit bien sûr, mais de toute évidence usage bien ancré que l’abbé ne voulait à aucun prix voir devenir coutume susceptible d’être intégrée à la future lex municipalis277. Et Pierre du Guet d’avouer alors qu’il ne sait rien de la présence des consuls lors d’enquêtes conduites en matière criminelle, tout en relevant que suite à leur exclusion, réaction immédiate de leur part ne se fit pas attendre puisqu’ils ils entrèrent aussitôt en procès contre l’abbé. Les dépositions du chevalier Guillaume des Moulières, favorable lui aussi à l’exclusion des consuls, s’appuient sur des exemples assez proches. En particulier, celui de l’enquête à conduire suite à un vol de blé par une certaine Percevaude quatorze ans auparavant. Alors que les consuls avaient demandé avec insistance à y jouer un rôle de premier plan en soulignant qu’elle ne saurait se dérouler nisi essent vocati, l’abbé avait immédiatement rejeté leur demande et conduit seul l’enquête ipsis non vocatis nec presentibus278. En dépit de ces exemples précis de refus de l’abbé de collaborer avec les consuls ou des représentants de la communitas quels qu’ils soient, la position moyenne exprimée par le témoin Pierre de Foysac semble néanmoins assez bien correspondre à la réalité quand il affirme n’avoir jamais vu les consuls être appelés ou intervenir tanquam consules, mais tout au contraire souvent tanquam amicos et consiliarios279. Ce que confirme au moins pour une autre affaire Géraud Couci qui dit avoir eu connaissance alors de la présence des consuls sollicités par l’abbé en qualité d’amici et consiliarii280. Point de vue sûrement dominant, mais que la timidité ou la réserve interdisent à certains témoins de confirmer en répondant qu’ils ne savent pas281 ou ne se souviennent pas282. Les témoignages au sujet des enquêtes criminelles sont beaucoup moins nombreux, mais parfaitement concordants comme l’attestent les deux qui ont pu être retrouvés. Tant Pierre de Villemenon bailli royal que Simonet de Combous écuyer sont d’accord pour affirmer, sans la moindre réserve, que l’abbé refuse aux consuls toute compétence en la matière283. Voilà qui clarifiait singulièrement la situation. Pour les enquêtes en matière civile, une place pouvait éventuellement être accordée dans certains cas aux consuls à titre seulement consultatif, alors que leur était refusé tout droit de regard sur le déroulement des enquêtes pénales. Quelle que fût la place qui leur ait été réservée, ils n’y étaient jamais considérés comme représentants d’une communitas dotée de personnalité, mais comme de simples probi homines dont l’avis pouvait au mieux être écouté.
76Le second domaine où pouvait, selon plusieurs témoins, intervenir un certain partage de compétences est celui des cris (crida) et publications (preconisatio). Partage qui s’opère selon des modalités variées, mais le plus souvent en fonction de l’objet du cri. Néanmoins, nombre de témoins ne s’en soucient guère et présentent comme une évidence le fonctionnement permanent d’un système de publication conjointe dans lequel abbé et consuls procèdent ensemble à tout type de publication284. Ainsi témoigne le viguier Savary Moisset qui atteste avoir toujours vu abbé et consuls intervenir conjointement dès qu’il convenait de procéder à un cri et quel qu’en soit le contenu285. Système qui semble aux yeux de certains n’avoir fonctionné que lorsque consuls et abbé entretenaient de bonnes relations et bien mieux encore quando erant amici et concordes286. Tel est le point de vue de Géraud de Lostal, non sans préciser aussitôt qu’en situation de discorde, chacun doit reprendre sa liberté de publication. Liberté qui devenait obligation faite aux consuls pour toute publication concernant les affaires du consulat, qu’ils soient alors en bonne ou mauvaise relation avec l’abbé287. Hypothèse qui paraît avoir été cependant assez rare tant sont encore timides les pouvoirs autonomes des consuls288. C’est dire que les cas les plus courants sont ceux de publications conjointes289, tout particulièrement en matière de justice290, de police291, mais aussi dès que doit être mise sur pied une opération militaire, fût-elle au seul profit de l’abbé292. Abbé qui jouit cependant bien souvent du privilège de publier seul en ce domaine293, comme il en dispose aussi pour tout ce qui touche à l’exercice de ses droits seigneuriaux294. Autant dire que le partage est ici une nouvelle fois très inégalitaire tant l’abbé solus dominus sait en permanence mettre à profit l’étendue de ses droits pour envelopper, dans les rets d’un redoutable maillage coutumier, son art à contrôler toujours de plus près les divers modes de publication devenus, dans la cité géraldienne comme ailleurs, un authentique moyen de communication au service d’un pouvoir dominant tout disposé à l’ériger en loi. Attitude qui ne pouvait susciter que de rudes tensions souvent génératrices de vrais monopoles.
Concurrence
77Contrôler le sol urbain et dominer les hommes constituent les deux pôles majeurs d’affrontement entre le dominium traditionnel de l’abbé et les pouvoirs en genèse de la jeune communitas Aureliaci. Les témoins sont nombreux qui en font état et livrent ici, peut-être plus que sur des sujets plus neutres, des dépositions sans doute trop souvent empreintes de partialité, mais qu’il est bien difficile d’écarter en raison de l’absence complète de témoignages venus de la communitas. À les lire, même avec l’acribie la plus critique, il apparaît sans le moindre doute possible que gérer le territoire de la cité est progressivement devenu un monopole presque exclusif de l’abbé, tandis que le tout récent pouvoir consulaire se mobilise pour tenter d’organiser et dominer la communitas.
78Gérer le territoire. Tous les témoignages concordent pour reconnaître que l’ensemble du territoire de la cité est tenu à cens de l’abbé et qu’il y exerce un droit absolu. Une hésitation cependant transparaît à travers plusieurs dépositions dont les auteurs émettent quelque doute au sujet des murs et fossés en affirmant à l’instar de Raymond du Guet qui nescit si muri et fossata sunt in censiva dictorum abbatis et conventus295. Peu d’entre eux cependant partagent cette hésitation, tel Hugues de Clavière qui croit lui au contraire que les murs et fossés sont bien dans la censive de l’abbé296. Mais tous, sans la moindre voix discordante, sont persuadés que la totalité du sol de la ville, y compris les terres les plus proches des murs, relèvent bien de l’abbé et que tous ceux qui les détiennent lui doivent un cens annuel297. Quoi qu’il en soit des doutes et des hésitations, les commissaires enquêteurs enregistrent une avalanche de témoignages qui, chacun à leur manière, convergent en vue de démontrer une maîtrise absolue et de fait l’abbé sur les remparts. Seul et lui seul procède régulièrement toujours à ses frais à leur entretien, interventions qui ne lui sont jamais contestées298 et auxquelles les consuls ne participent que de manière vraiment exceptionnelle299. Dans ces conditions, les remparts sont tenus par les abbatiaux pour un secteur de la ville sur lequel l’abbé est le seul à exercer un pouvoir sans limite au point de pouvoir librement construire sur ces murs ou y adosser toute construction300 qu’il souhaite ou y appuyer toitures, poutres et planchers301. Dans ces conditions, toute initiative lui est loisible en vue de jouir comme il l’entend de la muraille, jusqu’à y pratiquer régulièrement des ouvertures afin de mieux alimenter en eau ses moulins au cœur de l’abbaye302 et même de les agrandir au fur et à mesure des besoins303. Opération qui fait toujours grand bruit, mais à laquelle nul ne saurait tenter de s’opposer. Érigée en coutume, elle vaut droit comme l’atteste la venue sur les lieux, à l’occasion de l’élargissement d’un de ces percements, de représentants de la communitas qui semblent n’avoir donné aucune suite judiciaire à l’affaire qu’ils ont davantage constatée que contestée304. Moins rigide, le statut coutumier réservé aux fossés paraît avoir été plus largement ouvert à l’usage des habitants, même si le dominium de l’abbé y reste en théorie tout aussi absolu. Il y accorde parfois de libérales autorisations de pêcher305, de planter et couper des arbres306, sans demander le plus souvent de paiement systématique d’un cens en contrepartie, sauf pour autorisation de construire307.
79Autorisation de construire qui doit toujours être obtenue de lui dès que se présente un projet de construction sur une platea vacua, entendez un espace libre de toute occupation plutôt qu’une place. Rares à l’intérieur des murs en raison de la surface restreinte qu’ils enserrent, ces places sont dans toutes les villes objet de convoitise permanente et d’une rude lutte entre les diverses parties prenantes308. La cité géraldienne n’y échappe pas où s’est, depuis le début de l’histoire de l’abbaye, enracinée une coutume très favorable à l’abbé et au monstère qui leur reconnaît l’entière maîtrise de tous ces espaces dont ils peuvent user librement, qu’ils soient extra ou intra muros309. C’est alors à l’abbé qu’en revient la police, comme aussi l’aménagement éventuel en permanence contrôlé par le biais du permis de construire (licencia edificandi) qu’il est le seul à pourvoir délivrer, tantôt moyennant le versement d’un cens annuel plus ou moins élevé310, tantôt mais rarement à titre gracieux311. La question est moins simple quand de tels espaces ont été affectés à l’usage commun (plateae vacuae quae sunt usui communi, ou platea communi usui deputata). Une pratique bien établie semble dominer cependant qui interdit à l’abbé d’y accorder alors la moindre licencia edificandi312, mais qui n’est pas sans souffrir quelques exceptions, à condition que ce soit à titre gratuit313. Cette licencia edificandi est tout aussi indispensable pour contruire en dehors des places et quel qu’en soit le lieu, y compris les fossés, qu’il s’agisse de maisons ou de tout autre bâtiment314. C’est dire que nul ne pouvait prétendre construire où il voulait, même en bravant l’obligation d’obtention de la licencia edificandi, faute qui était immédiatement sanctionnée par la destruction du bâtiment construit315.
80Au-delà de cette mainmise absolue sur l’ensemble du sol urbain que tous les témoins sont unanimes à défendre, les abbatiaux donnent le sentiment de se montrer moins combatifs autour des autres prérogatives seigneuriales de leur abbé. Contrairement à ce qui pouvait être redouté, les revendications se sont considérablement apaisées autour de la question de la remise et de la garde des clefs316. Hormis deux dépositions discordantes sur ce point317, tous les témoins s’accordent à reconnaître qu’ils n’ont jamais vu remettre les clefs par les consuls à l’abbé au moment de sa prise de fonction318. Et pas davantage, semble-t-il, se souvenir que l’abbé ait pu les avoir en garde319.
81Dans l’ensemble, ils sont assez peu diserts et rarement précis – contrairement à ce qu’étaient les revendications de l’abbé – sur les conséquences pratiques de l’exercice de son dominium seu seigneuria. Sans peut-être trop savoir ce qu’il implique. Serait-ce parce que tous les droits qui en découlent sont tellement inscrits depuis si longtemps dans le maillage coutumier qu’il serait à peine besoin de les évoquer ? On peut en douter et se demander pourquoi si peu de ces témoins signalent que l’abbé est en droit de percevoir cens et rentes sur les maisons, jardins, prés et terres de la ville comme aussi de toutes ses appartenances320. Quelques autres dépositions font état, mais toujours de manière sommaire et parfois seulement allusive, des droits de mutations (vendas) qui sont dus à l’abbé à l’occasion de la vente d’un bien immobilier321. À cela, il convient d’ajouter la leude ou péage (leuda seu pedagium) sur le vin322 ainsi que des taxes sur la viande323. Même si les unes et les autres ne sont que très brièvement évoquées, mention est faite du contrôle qui s’exerce tout autant sur leur perception que sur la qualité des produits qui en sont l’assiette, ce qui implique un large pouvoir de police reconnu à l’abbé. Pouvoir que quelques témoins se plaisent à rappeler, qu’il s’agisse de vérifier le poids du pain, du poivre et de la cire324, ou de contrôler la conformité des mesures et l’usage qui en est fait325. Autant de pouvoirs dévolus à l’abbé qui l’autorisent à prendre toute sa part dans la gestion d’une économie loyale. Gestion qui est à lui seul presque entièrement dévolue tant sont rares les situations où il intervient conjointement avec les consuls, comme le relève Guibert du Pont, à l’occasion d’un banal contrôle de mesures326.
82Il n’est guère qu’un droit seigneurial que les témoins s’évertuent à mettre en avant tant l’abbé et ses gens donnent le sentiment de lui être profondément attachés. C’est le banvin, toujours présenté comme aussi fondé qu’inviolable. Voici Étienne Bonenfant qui consacre beaucoup de son temps de parole à rappeler, comment trente ans plus tôt il assista à la publication d’un cri, au moins quinze fois répété, aussi bien de la part de l’abbé que des consuls, pour rappeler aux hommes de la ville qu’ils devaient non seulement vendre leur vin à la juste mesure, mais surtout l’impérative obligation de ne pas le faire aussi longtemps que durait le ban de l’abbé (durante banno abbatis). Peine perdue puisque certains, dont les noms sont donnés, crurent ne pas devoir se plier aux injonctions abbatiales et furent aussitôt sanctionnés327. Et voici Hugues de Clavière qui rapporte avec un soin méticuleux tout ce qu’il sait du ban abbatial, de son respect obligatoire et des sanctions en cas de violation, tout en précisant à l’attention de ceux qui feindraient de l’ignorer que personne ne peut vendre du vin à Aurillac durant tout le mois d’août, sauf autorisation abbatiale, mesure cette fois publiée par le seul abbé et ses gens328. Était ainsi démontrée l’omniprésence de l’abbé face à la communitas Aureliaci en quête permanente d’identité.
83Organiser et dominer la communitas. On regettera ici encore davantage l’absence de témoignages venus des rangs consulaires et, en même temps, le très petit nombre de témoins présentés par l’abbé qui ont déposé sur cette question. Comme si peut-être pour eux elle ne se posait plus guère et comme s’il leur paraissait évident que l’acharnement des abbatiaux à nier toute personnalité juridique de la communauté avait suffisamment fait œuvre et rendu inutile tout témoignage en ce sens. Bien connue, la position de l’abbé et de ses juristes est de réfuter en bloc l’existence d’une quelconque coutume qui aurait lentement consacré l’existence d’un consulat en faveur de la communitas. Bien au contraire, ce consulat a été usurpé et exercé de fait par quelques uns qui ne sont que des singulares et homines potestatis et jurati ipsius monasterii. De même sceau, maison commune et droit de convoquer le populus ne sont que des attributs factices qui ne reposent sur aucun droit, comme aussi recevoir tous les ans serment des habitants, lever sur eux des tailles et porter des armes dans la ville de jour et de nuit. La position des juristes abbatiaux demeurait donc toujours aussi ferme, l’abbé est magistratus et dominus in villa Aureliaci, tandis que la communitas ne saurait être un corpus vel universitas, mais un simple groupe de singulares personae329. Position qu’ils soutiennent pouvoir prouver en s’appuyant sur plusieurs textes anciens contenus en divers livres en leur possession. Mais qu’ils n’ont pas pour le moment l’intention de montrer330. On peut douter qu’ils ne l’aient jamais fait et que cette allusion à un éventuel texte réglementaire qui aurait alors régi les rapports de l’abbé avec les consuls n’ait eu acune existence.
84Face à une telle obstination, le lecteur de ce dossier fleuve éprouve quelque surprise à constater que bien rares sont les témoins qui se précipitent pour soutenir franchement l’abbé dans son plaidoyer si passionné. Un seul déclare ne rien savoir à ce sujet331 tandis qu’un autre, Girard Conci ancien bailli de l’abbé Adhémar, fait une déposition en demi-teinte d’où il semble bien découler que la communitas et ses consuls n’ont reçu aucune reconnaissance de la part de l’abbé. Après avoir affirmé que les homines ville Aureliaci sont bien en saisine de ce qu’ils revendiquent, mais sans donner plus de précision, il ajoute ignorer si c’est de fait ou de droit (de jure au de facto). La suite de sa déposition est néanmoins très claire sur ce point. Rappelant, qu’il y a trente deux ans, il vit les hommes d’Aurillac présenter à l’abbé Adhémar les consuls qu’ils venaient de désigner (creare), il précise aussitôt que l’abbé refusa de les reconnaître et fit savoir qu’il était opposé au droit pour la ville de se doter d’un collège consulaire. Réponse sèche s’ensuivit des consuls qui, se fondant sur leur désignation toute récente, dirent leur intention de rester consuls quelle que soit la décision de l’abbé. Et Girard Conci d’ajouter qu’il ignore tout de la suite de cette affaire (nescit quid postea factum fuit)332. Plus net, le témoignage d’Étienne Bonenfant va dans le même sens. À ses yeux, il n’y a pas à douter que les homines de Aureliaco soient bien en saisine de leur consulat avec sceau, maison commune, droit de convocation du populus et de recevoir le serment des habitants, tout comme de les imposer et cela depuis environ cinquante ans. À ceci près que, depuis une dizaine d’année, l’abbé leur a interdit de jouir de tout cet ensemble de prérogatives, interdiction à laquelle ils ne se sont nullement soumis333. C’est dire que ceux qui prétendaient être consuls et pouvoir représenter la communitas se trouvaient dans une position juridique pour le moins incertaine. Ce que confirme sans le moindre doute Hugues de Clavière qui, tout en reconnaissant l’existence d’un consulat, s’interroge sur la réalité de son fondement juridique334.
85Tout à l’opposé, trois témoins au moins se désolidarisent sans la moindre hésitation des abbatiaux. Le prêtre Pierre de Boussac confirme en tous points les revendications de la communias pour tout ce qui touche au consulat, à ses droits et attributs dont il reprend la liste exacte en précisant que tout ce qu’il dit avoir constaté à ce sujet a au moins l’âge de sa mémoire (a tempore quo se potest recordari)335. Déclaration que soutient de manière globale Géraud Hugues d’Aurillac, non sans préciser que les homines dicte ville jouissent de tous ces droits pacifice et sine contradictione, ce qui laisse à penser qu’il n’a aucun souvenir d’un quelconque refus opposé par l’abbé ou qu’il préfère ne pas en faire mention336. Le chanoine Pierre d’Aurillac enfin, un des derniers à prendre la parole sur cette question, apporte un appui sans faille aux revendications des consuls tout en enrichissant la liste de leurs doits et attributs puisque mention y est faite de l’arche commune, des armes de la ville ainsi que de sa capacité à faire procéder à des cris par l’entremise de ses crieurs publics (precones)337. Si telle est la situation, on comprend facilement les tentatives répétées de l’abbé de s’opposer à l’exercice de tous ces droits et prérogatives afin que ne puisse jouer la moindre prescription acquistive et que ne s’instaure pas ainsi une coutume pour laquelle il serait contraint d’accepter qu’elle soit intégrée à un quelconque texte écrit. Et pourtant, tel fut bien le dénouement de cet interminable conflit.
III - Pactiser : Omnia et singula sic facta, dicta, conventa, pacta, ordinata et declarata et promissa inter easdem partes […] tenere, servare, attendere et complere […] juraverunt ad sancta Dei evangelia338
86Un pacte dont la conclusion dura près d’un quart de siècle en vue de mettre fin à un conflit vieux de plus d’un demi-siècle ne pouvait être l’affaire des deux seuls belligérants. Trop opposés étaient leurs points de vue sur le contenu et l’application du bloc coutumier dans lequel s’inscrivait le quotidien de la cité géraldienne. Foncièrement divergente était aussi leur analyse sur son devenir. Il y fallait une troisième main. Celle du pouvoir comme il a déjà été dit, mais dont il convient de mesurer maintenant le poids qui alla sans cesse en s’allégeant au fur et à mesure que la coutume passa de l’oral à l’écrit. Moyen d’affirmer pour les parties au conflit qu’un temps nouveau était venu pour la cité. Celui de la gouverner autrement en gravant, dans ses tables, les normes de son administration. Ainsi devaient succéder aux pratiques coutumières de gestion d’un groupe d’hommes, les règles de conduite d’une communitas désormais soumise à la pratique d’un écrit destiné à devenir « livre du gouvernement urbain »339. Car c’est de cela qu’il s’agit avant tout, bien plus que de la mise par écrit des coutumes destinées à régir le statut des hommes et des biens, question pourtant si débattue au moment des enquêtes, mais rapidement laissée pour compte comme en témoignent les textes des deux Paix de 1280 et de 1298 qu’il n’y a pas lieu d’examiner à part mais au contraire conjointement, leurs dispostions étant complémentaires et s’emboitant admirablement. L’analyse de ce long processus de mise par écrit permet de mesurer combien il fut un chemin partagé (1) avant tout destiné à atteindre un objectif, celui de la reconnaissance du consulat (2) afin de pacifier l’exercice du pouvoir dans la cité, difficile compromis au devenir incertain (3). Trois thèmes dont le propos est avant tout d’évaluer dans quelle mesure les revendications des deux parties ont été prises en compte et non de procéder à une analyse complète et détaillée de toutes les dispositions contenues dans ces deux textes tant nombre d’entre elles posent des règles nouvelles pour la gestion de la cité, sans lien aucun avec l’écriture de la coutume.
1) Écrire la coutume : un chemin partagé
87Chemin partagé, il le fut entre un abbé solidement campé sur ses privilèges, une communitas en quête de reconnaissance et un pouvoir en permanence aux aguets sur ses terres auvergnates. Si, au terme d’un contentieux aux multiples facettes rappelées avec un luxe de détails dans le prologue de la Première Paix340, les parties acceptent de s’en remettre à l’arbitrage d’Eustache de Beaumarchais, c’est sans doute moins en raison de ses admirables qualités de grand administrateur et de fin juriste que de son excellente connaissance du terrain en tant qu’ancien gardien de l’abbaye d’Aurillac et jadis bailli des Montagnes d’Auvergne. Les conditions de sa désignation et de sa nomination en qualité d’arbitre à la fin de l’année 1277 ayant été rappelées, il convient désormais de saisir la place effective qui lui revient dans ce travail de rédaction vraisemblablement étalé sur plus de deux années, jusqu’à juillet 1280, date de la publication officielle de cette Première Paix. Réponse difficile tant cette séquence pourtant capitale semble avoir complètement échappé à la documentation. Une certitude cependant, celle de la faible implication de l’arbitre dont le choix avait pourtant soulevé de si grands espoirs. Sans doute très occupé pendant ces années-là par ses fonctions de sénéchal de Toulouse et d’Albigeois341, il semble avoir été peu présent à Aurillac. Ce qui pose la difficile question de la fréquence de ses interventions tout au long du processus de rédaction qu’à ce jour aucun document ne permet d’évaluer, ni de connaître quels conseillers et jurisperiti auraient pu l’entourer. Alors, peut-on sans hésitation admettre que « son esprit et ses directions dominaient les négociations qu’il vint au moins les terminer à Aurillac dans l’été 1280 », négociations dont il aurait fait « rédiger la conclusion »342 ? Rien n’est moins sûr en l’absence de toute preuve, sauf à constater qu’il fut effectivement présent à Aurillac le 15 juillet 1280 pour apposer sur le document son sceau après qu’abbé et consuls eurent aussi apposé le leur et au préalable approuvé le contenu de cet arbitrage en prêtant serment d’en respecter les clauses. Cérémonie solennelle et publique dont le théâtre fut le cimetière de Saint Géraud, lieu sous l’entière maîtrise de l’abbé et puissant symbole d’une paix à la fois retrouvée et destinée à durer343. Une importante foule (multitudo populi) s’y pressait, venue pour entourer l’abbé Guillaume et son prieur Pierre auxquels s’étaient tout naturellement joints les consuls Durand Roland, Durand du Pont, Mathieu Brun, Pierre Borne et Vital Fabre aussi soucieux que fiers de rappeler que leur présence n’était autre que la traduction, sur le terrain, du consentement de leurs conseillers et de l’assentiment de toute la communitas ville. De la forme et de la solennité du serment prêté par chacune des parties, rien n’est dit, alors qu’il est pourtant un « acte crucial du processus de paix »344. Tout juste est-il souligné – et avec une lourde insistance – que chacun des signataires accepte, approuve, confirme et ratifie tout ce qui a été décidé, dit et ordonné (pronunciata, dicta et ordinata) par Eustache de Beaumarchais toujours présenté comme l’arbiter, arbitrator seu amicabilis compositor sans qu’il en soit précisé davantage sur sa participation active à la mise par écrit de ce bloc coutumier. Écrit dont on imagine mal qu’il ait pu être lu à la foule tant en raison de sa complexité que de sa longueur, mais dont chacun se plait à répéter qu’il a été rédigé ad utilitatem et tranquillum statum de tous345. Intention déjà hautement proclamée dans le prologue qui veut aussi voir dans ce texte une bona pax et concordia pour laquelle Eustache de Beaumarchais lui-même souligne qu’elle a été conclue après qu’il ait entendu questions et demandes que les parties avaient bien voulu lui adresser, puis s’être assuré qu’aucune ne faisait plus débat, le tout garanti par le conseil de nombreux prudents (peritorum plurium consilio requisito)346. Mais lesquels ? Sur ce point, le silence paraît avoir été bien gardé qui laisse à penser combien abbé et consuls entourés de leurs conseillers furent sans doute la cheville ouvrière d’une rédaction au mieux supervisée, ou à tout le moins cautionnée par celui qui n’en fut qu’un lointain arbitrator sans doute tout enorgueilli d’assumer une fonction aussi porteuse dans la marche vers les honneurs. C’est dire combien il était important, dans cette perspective, d’évoquer le souverain et de ménager ses droits. Ce qui fut fait dans l’avant dernier article de l’accord dont la rédaction ne dût pas échapper, celle-là, à la vigilance d’Eustache de Beaumarchais. Posant le principe selon lequel tout ce qui n’avait peut-être pas pu être réglé à ce jour restait de sa compétence, il ajoutait aussitôt que tout ce qui avait été décidé et arrêté jusqu’alors devait être considéré comme l’ayant été par le souverain en personne. Souverain dont les droits devaient en toute circonstance être sauvegardés347. Il est aussi stipulé que si quelque doute venait à poindre au sujet des mesures édictées, ou si quelque événement imprévu surgissait sans pouvoir trouver de solution pour les résoudre au cœur même du dispositif arrêté ou en application des coutumes notoires de la ville (notarie dicte ville consuetudines)348, l’abbé et sa cour devraient en connaître avec obligation d’avoir recours au droit écrit (jus scriptum)349. Il y avait là victoire insigne du corps consulaire qui avait fait de l’application du droit écrit à la cité géraldienne une de ses revendications phare. Enfin était clairement posé le principe d’un dominium et d’une juridictio absolus de l’abbé sur l’ensemble de la cité. Attributs qui lui revenaient pleno jure, étant toutefois posé comme règle intangible le respect sans limite des dispositions arrêtées ou à venir, comme aussi celle tout aussi fondamentale de l’observation des consuetudines, usus, libertates et franquesie de la ville350. C’était accepter de restreindre quelque peu la portée qui se voulait très régalienne de la formule introductive placée en tête de presque tous les vingt-quatre articles de la Paix et à peu près invariablement énoncée en ces termes : dicimus, volumus et ordinamus, ou dicimus, volumus et ordinamus et arbitrando pronunciamus, ou bien encore dicimus, precipimus et arbitrando pronunciamus351. Alors, faudrait-il voir, dans l’emploi et la présence du gérondif arbitrando, une volonté affichée d’insister sur le poids de la fonction arbitrale qui aurait été plus présente à l’occasion de discussions plus tendues entre les parties ? Réponse difficile.
88Quoi qu’il en soit, l’accord fut unanime autour de ce texte dont chacun s’accordait à penser qu’il marquait le temps d’un nouveau futur pour la cité géraldienne désormais dotée d’un ordre juridique jusque-là en pleine mutation. Optimisme d’autant plus justifié que la vigilance bienveillante du souverain ne s’était jamais démentie tout au long des négociations. L’atteste cette missive de Philippe le Hardi du 3 octobre 1279 adressée à l’abbé et aux consuls pour les assurer qu’il ne s’opposerait en rien à l’accord qui pourrait être conclu suite aux négociations en cours sur les murs, fossés, portes et clés de la ville. Mieux encore, il déclarait n’avoir pas l’intention de tirer un quelconque profit de l’aveu que les consuls avaient jadis fait à ses prédécesseurs de cet ensemble urbain, étant précisé que ses droits de souverain et ceux de ses successeurs devraient en toute circonstance être sauvegardés352. Position d’autant plus claire qu’elle fut renouvelée en termes parfaitement identiques le 29 novembre suivant353.
89Et pourtant, voilà que dès le lendemain de la belle unanimité qui avait présidé à la cérémonie de scellement de ce pacte solennel, quelques abbatiaux des plus combatifs, sûrement pris de grand remord, contestent devant le Parlement le contenu même de ce texte fondateur qu’ils jugeaient trop favorable à la communitas Aureliaci dont il consacrait libertés et bonnes coutumes. Pour des raisons bien différentes, le Parlement prêta vite une oreille attentive à leurs revendications, tant certains de ses membres ne durent pas voir d’un œil favorable la reconnaissance d’une juridictio plena sur la ville au profit de l’abbé et au détriment des droits du souverain. Idée qui fit rapidement son chemin jusqu’à inciter la haute cour à annuler la pax, motif pris sans doute qu’elle n’était autre qu’une sentence arbitrale que le souverain restait à tout moment maître de contrôler354. Telle fut bien vraisemblablement l’argument mis en avant par la haute cour, même si l’arrêt qu’elle rendit à cette occasion n’a pu être retrouvé355. Confirme ce sentiment le mandement que Philippe le Hardi adresse le 2 février 1283 à ses commissaires enquêteurs en leur demandant de reprendre l’enquête en raison de l’annulation récente de la pax par la cour (per arrestum curie nostre extitit adnulla). Accord en forme d’arbitrage qui ne pouvait être ratifié que dum tamen pax nostre placeret voluntati356. C’est dire combien l’engagement pris par le souverain en 1279 avait volé en éclat et combien aussi avait fait son chemin la clause de sauvegarde de ses intérêts introduite par l’arbitre dans une des dispositions finales du texte de la pax. Situation saisissante que tout historien du fait coutumier ne peut s’empêcher de rapprocher du processus de mise par écrit de la coutume à Toulouse, exactement au même moment. Et plus encore de la même rigoureuse attention que lui porte le pouvoir dans le mandement qu’il adresse à ses enquêteurs toulousains le 19 octobre 1283 ! Comment ne pas mettre en regard le dum tamen pax nostre placeret voluntati destiné aux Aurillacois du non placet que Philippe le Hardi fait apposer au même moment en marge des articles toulousains qu’il entendait rejeter357 ? Autres lieux, même vigilance du pouvoir, même prévention à l’égard de l’introduction trop rapide et non contrôlée de normes coutumières dans un ordre juridique qui devait en toutes circonstances et à tout prix devenir royal. Tel était bien la philosophie de cette décision rapide d’annulation qui, en peu de temps, dût semer bien des troubles dans l’esprit des Aurillacois. Mais des troubles et des intrigues que le silence de la documentation ne permet pas de cerner et pas davantage de comprendre pourquoi le Parlement finit par rétablir et ratifier de manière définitive la pax par un arrêt du 1er novembre 1288. Arrêt fort instructif dans lequel il rappelle la décision d’annulation originelle, mais aussi et surtout comment ses juges avaient été déjà une nouvelle fois conduits à rendre un nouvel arrêt de remise en vigueur de la pax à une date qui n’est pas précisée. Arrêt que l’abbé et son entourage contestent une fois encore violemment, ce qui conduit la haute cour à entendre les positions de chacun avant de conclure fermement que cette sententia arbitralis était définitivement rétablie pour être à jamais observée358. Ce qui advint et permit par la suite d’intégrer de nombreuses dispositions de ce texte – désormais qualifié de pax antiqua ou patz anciana – à celui de la Deuxième Paix, pax nova ou patz noela.
90C’est au terme de multiples conflits et contentieux, dont l’enquête reprise à partir de 1284 se fait souvent l’écho, qu’est rédigée cette seconde Paix. Destinée à mieux cerner un bloc coutumier encore parfois mal identifié et imparfaitement rédigé, elle devait aussi mettre un terme définitif à toutes les contestations nées de l’application et de l’interprétation à donner à la Première Paix, tout en conservant aussi bien l’esprit de concorde que les nombreuses dispositions ayant fait leur preuve. Il convenait aussi d’aller plus loin en y intégrant certaines pratiques coutumières que les rédacteurs précédents avaient négligées et de faire en même temps de ce nouveau texte une manière de code de gestion municipale dont bien des règles nouvelles étaient totalement étrangères à la coutume et ne sauraient être prises en compte dans le cadre de cette réflexion. Définitivement scellé le 23 août 1298, ce second pacte sur la coutume qui se veut en même temps porteur d’innovations dans les modes de gestion de la cité n’est pas, contrairement au précédent, rédigé avec le secours d’une main aussi prestigieuse que celle d’Eustache de Beaumarchais. Y est seulement appelé le bailli des Montagnes d’Auvergne afin d’y associer un pouvoir toujours soucieux de contrôler ce nouvel ordre juridique local en gestation et de veiller à sa cohérence obligée avec la lente construction d’un droit royal.
91En dépit de ce souci affiché, tout laisse à penser que revint seulement au bailli Guillaume d’Eschilleuses un rôle bien second tant en honneur qu’en pouvoir, sans commune mesure avec la mission qui avait été confiée, au moins sur le papier, à Eustache de Beaumarchais. La première phrase du prologue occitan de cette Deuxième Paix – phrase qui ne se trouve pas dans sa version latine – annonce au lecteur que lui est présentée « la patz noela aordenada entre mosenhor l’abat e’l covent del mostier e’ls cossol da Orlhac »359. Annonce quelque peu surprenante qui laisserait à penser que les négociations porteuses de ce nouvel accord, puis sa mise par écrit, seraient l’œuvre exclusive des seuls consuls et abbé. Impression il est vrai aussitôt démentie dans l’une et l’autre version qui donnent immédiatement la parole à Guillaume d’Eschilleuses. Bailli pour le roi aux Montagnes d’Auvergne et dépositaire de son sceau, il fait savoir que de nombreuses dissensions, questions et controverses (dissensiones, questiones, controversie) ont pendant longtemps opposé l’abbé et ses gens aux consuls et à l’« université des hommes de la ville d’Aurillac » (consules et universitas hominium ville Aureliaci). Puis vient la liste, immédiatement et sèchement déclinée en vingt-sept points, des divers sujets de tension dont la plupart concernent tout autant l’écriture de la coutume que la répartition des pouvoirs entre l’abbaye et le tout jeune consulat (consulatus). Points sur lesquels s’engage une difficile négociation dont le bailli ne fut pas cette fois-ci l’arbitre, mais simplement le médiateur et en partie seulement un timide artisan (mediantibus et tractantibus nobis baillivo predicto) dont la mission principale était de cautionner le contenu de l’accord une fois conclu et de le sceller au nom du roi. C’est entouré de trois juristes pour lesquels les sources paraissent demeurer fort discrètes – Hugues de Camburat, Étienne de Rémuzat tous deux docteurs en droit et Bernard Bastide jurisperitus – que Guillaume d’Eschilleuses participe à cette négociation tout au long de laquelle abbatiaux et consuls parviennent au terme de multiples réunions et discussions (colloquium et tractatum) à se mettre d’accord sur le contenu de cette pax nova, en permanence hantés par le souci d’assurer à la cité situation stable et bon gouvernement (ville statum et regimen tranquillum) dans le respect le plus strict tout à la fois des anciennes coutumes (consuetudines antique) et des règles posées par la pax antiqua.
92Alors seulement pouvait être apposé le sceau royal pour donner force juridique à cet accord et lui conférer valeur perpétuelle. Acte solennel auquel se livre le bailli au cours d’une importante cérémonie, entouré de ses juristes et en présence d’une forte délégation de l’abbaye conduite par son prieur Guillaume de Merle, ainsi que deux consuls Guillaume d’Issarz et Guy de Guynhac assistés de Guillaume Cazals et du jurisperitus Durand du Moulin. C’est alors que les deux parties s’engagent à faire (intendunt facere) de ces accords une réalité. Accords si difficilement négociés et surabondamment qualifiés de compositiones, ordinationes et concordationes, mais très heureusement aussi de pactiones360, comme pour souligner la ferme volonté de ces mêmes parties de conclure de trop longs débats et de témoigner ainsi tant de l’existence que de la force d’un pactisme raisonnablement calculé en vue de doter le droit coutumier d’un support destiné à le faire basculer vers l’écrit. Opération qui était néanmoins soumise, comme aussi le serment des parties, à l’obligation d’en respecter toutes les clauses, à une condition. Celle du placet nobis du souverain énoncée cette fois sans la moindre réticence par le représentant du pouvoir : si placuerit domino nostro regi […] confirmari361. Ce n’est qu’une fois cette garantie de la regia celsitudo362 obtenue que pax antiqua et pax nova obtiendraient perdurabla fermetat en vue d’être érigées en authentique « livre du gouvernement urbain » dépositaire des usages et antiques coutumes auxquels il est si souvent fait référence363. Ce principe du contrôle hautement proclamé du souverain sur la marche du processus de rédaction et la nécessaire validation de son résultat atteste du chemin parcouru depuis la place relativement modeste qui lui était réservée dans les clauses finales de la Première Paix. Il prouve la capacité du souverain, non pas encore d’ordonner la rédaction de la coutume, mais à tout le moins de pouvoir à tout moment affirmer son aptitude à la contrôler, voire à la diriger par l’entremise de ses agents. Néanmoins, l’action de son bailli ne paraît avoir été que bien modeste dans le cas présent et la confirmation royale bien tardive de cette Deuxième Paix en décembre 1305 traduit encore d’évidentes hésitations de la part de la main souveraine364.
93Événement considérable pour les Aurillacois, la rédaction de cette Deuxième Paix permit que soit atteint sans plus tarder un de ses objectifs, celui de doter à nouveau la cité géraldiennne d’un tranquillum statum, c’est-à-dire d’un corps de règles stables destinées à fixer de manière irréversible les règles de gestion de la cité et le devenir de sa communitas. Ce qui fut fait, abbé et consuls renonçant aussitôt à toutes les actions en cours, comme aussi à commettre toute fraude et abus à l’encontre de ce qui valait à la cité constitution municipale. Ce faisant, ils déclaraient en même temps accepter toutes les clauses des accords conclus en prenant l’engagement de les respecter. Engagement était en même temps pris par l’abbé de prêter serment dans les six mois qui suivraient l’approbation donnée par le souverain, serment que prêteraient aussi tous les habitants dans le respect des conditions prévues par la Première Paix. Il ne restait plus qu’à l’abbé et aux consuls à apposer leurs sceaux respectifs à côté de celui du bailli, tout en déclarant ordonner que le texte de l’accord soit transcrit sur deux parchemins cousus ensemble ad memoriam et idem omnium et cujuslibet premissorum365. Une mémoire qui valait aussi reconnaissance.
2) Reconnaître le consulat
94Quel que soit le sens qui puisse être donné au terme consulat366, il ne fait aucun doute que les Paix n’y voient rien d’autre qu’un régime urbain de liberté dont les magistrats – les consuls – assurent, dans une relative autonomie, organisation, gestion et responsabilité. Que ce consulat soit reconnu à l’occasion de la rédaction de ces deux textes ne saurait faire de doute, pas moins l’évidence selon laquelle cette reconnaissance ne saurait être assimilée à l’instauration officielle d’un nouveau régime. Le consulat n’est nullement institué à cette occasion, il résulte simplement de la consécration d’usages en vigueur lentement et laborieusement imposés par la communitas hominum Aureliaci pour la gestion de la cité tout au long des décennies précédentes. C’est dire qu’il s’agit bien, là encore et avant tout, de la fixation par l’écrit tout à la fois de strates de comportements des Aurillacois et d’un bloc de pratiques coutumières nées de la volonté d’un groupe désireux d’affirmer son existence et son autonomie face à un pouvoir abbatial englobant. Désireux aussi de faire « de l’universitas urbaine la source de la norme et l’horizon de l’exercice du pouvoir consulaire »367. Autant dire que consuls et consulat affleurent à tout moment dans les textes par touches successives et comme à fleuret moucheté, ce qui est particulièrement net dans la Première Paix. Certes il y est bien mentionné, avec insistance et dès le début, que le consulatus et la communitas sont au cœur du conflit368, mais à aucun moment il n’en est traité de manière systématique et globale par la suite. Le temps semblait pourtant venu de préciser statut, pouvoirs et mode de fonctionnement d’un collège consulaire qui n’est jamais mentionné en tant que tel, comme aussi de poser le principe de la personnalité de la communitas, question qui avait tellement fait débat, les abbatiaux reprochant en permanence à cette communitas de ne pas constituer un corpus. Dans ces conditions, les rédacteurs de la Paix constatent davantage l’existence de fait d’une communitas organisée en consulatus qu’ils ne l’instituent quand, par la voie de leur arbitre, il est décidé (precipimus) que la dite communauté habeat perpetuo et libere consulatum et consules et qu’ils prennent en même temps acte du fait que ces mêmes consuls sont habilités à recevoir le serment des habitants et à jouir de tous les droits et franchises comme il est de coutume (est antiquitus observatum)369. L’écriture de la coutume consacre. Elle ne crée pas. Elle prend effectivement acte d’une mécanique de pouvoirs considérée comme figée depuis longtemps et qui implique que les consuls (consules) reconnaissent, à chaque changement d’abbé, tenir depuis le temps de l’abbé Géraud et de lui seul puis de ses successeurs, libere et quiete, murs, fossés et consulat (consulatus) ainsi que tous les droits appartenant à la communauté (communitas) avec toutes libertés, usages et franchises qui leur sont depuis toujours rattachés (quas habent et quibus usi sunt ab antiquo)370. Patrimoine juridique que tous nouveaux abbés, dès leur prise de fonction, promettent et jurent (elevata manu jurent et promittant) aux consuls de garantir, sauf obligation pour eux et pour l’ensemble de la communitas de lui prêter immédiatement serment de fidélité371. Voilà qui enchâssait dans ce livre à venir du gouvernement de la cité, en la rigidifiant mais sans rien y ajouter, une structure parfaitement construite par la pratique. À une exception près cependant qui traduisait une évidente montée en puissance du consulat en même temps qualifié de commune (comuna) dans la version occitane du texte. Consuls ou conseillers viennent-ils à commettre quelque délit ou excès ? Alors, que leur consulat ou un quelconque droit de la communitas ne puissent en aucun cas tomber en commise. Un procès s’ouvre-t-il à ce sujet ? Alors, c’est à la justice du souverain (superior dominus) à en connaître et non à la cour de l’abbé dont la qualité de dominus solus se trouve ainsi quelque peu mise à l’épreuve. Heureuse adaptation – contrainte aussi – de la coutume sous les coups de boutoir d’une communitas qui, enhardie par cette reconnaissance, se sent en même temps assez forte pour affirmer que non poira ni devra perir lo cossolatz et pour tout mettre en œuvre afin que la dicha comuna non puesco perir372. L’écrit meilleur conservatoire des droits nouveaux que la coutume ! Tel fut bien sans doute le point de vue de ces consulaires trop à l’étroit dans un carcan coutumier qu’ils jugeaient ne plus être désormais un habit à leur mesure. Il y fallait davantage, comme l’atteste la reconnaissance officielle des attributs matériels de leur pouvoir dont ils ne jouissaient jusque-là que de façon précaire et dont l’usage est si capital pour incarner la personne morale qu’est l’universitas373.
95Que cette Première Paix consacre l’existence d’une maison commune, valide l’usage jusque-là souvent contesté du sceau de la communitas et reconnaisse à ses consules un pouvoir sur les clefs de la ville traduit avec force l’intégration par l’écrit, dans la sphère d’un droit parfaitement normé, l’usage d’instruments et de biens immobiliers qui n’étaient jusqu’à ce jour que de timides témoins d’une action qui se voulait fondatrice de la communitas. Signes désormais vivants et visibles de son existence, ils deviennent à la fois symbole, lieu et instrument de pouvoir. La maison commune répond tout particulièrement à cette vocation multiforme. Les rédacteurs de la Première Paix en ont pleinement conscience et en tout premiers les représentants de la communitas, empressés à faire reconnaître la libre disposition de deux maisons qu’un certain Bertrand leur avait léguées avec insistance de les voir en permanence demeurer in perpetuum dicte communitatis, comme pour fonder matériellement la réalité d’un pouvoir encore fragile et dont l’écrit n’avait toujours pas consacré l’existence. Revendication aussitôt satisfaite et possession reconnue de ces deux immeubles au bénéfice de la communitas avec toutes les garanties demandées, étant bien précisé qu’elles étaient et devaient rester in perpetuum entre les mains des consuls et de la communauté374. Mieux encore, leur affectation était mentionnée. Exclusivement destinées ad officium consulatum, c’est-à-dire à se réunir, délibérer et décider ou, plus symboliquement exprimé, « faire maison commune »375. Assise matérielle du pouvoir et siège de ceux qui le détenaient, elles devenaient le symbole vivant et visible par tous d’une communitas confortée dans ses droits, sauf à ne pas y adjoindre une tour ou y aménager une prison376. C’eût été aller à l’encontre de la seigneurie pleine de l’abbé.
96Il en allait de même de la consécration officielle de la possession et de l’usage d’un sceau consulaire. Ce qu’a parfaitement pointé Jean-Luc Chassel pour qui, dans la ville, « l’enjeu de la possession du sceau est non seulement de répondre aux pratiques diplomatiques courantes, mais aussi d’user des mêmes signes d’identité que ceux adoptés par les autres puissances, à commencer par les seigneurs laïcs ou ecclésiastiques »377. Contestée jusque-là par les abbatiaux, l’utilisation du sigillum communi par les consuls ne s’était jamais vraiment imposée dans la pratique. Pratique fragile donc, mais dont la communitas ne s’était jamais départie jusqu’à la voir définitivement et largement consacrée par la Première Paix. Est ainsi reconnu aux consuls le droit de sceller et donc d’authentifier tout acte écrit qui leur serait présenté par quiconque, qu’il s’agisse d’affaires personnelles ou réelles telles que ventes ou hypothèques, sans même établir de distinction entre celles qui relevaient ou non de la censive de l’abbé. Une seule limite était posée, territoriale celle-là et qui tenait sans doute grand compte des conclusions tirées de la « monstrée » de la ville puisque était formellement interdit aux consuls d’instrumenter hors des limites fixées par les croix et oratoires378. Pareille reconnaissance de compétence en matière de scellement et d’authentification vaut aussi à la communitas confirmation de l’existence de son notaire (scriptor consulatus) qui, en marge de la rédaction de certains actes, reçoit mission permanente de signaler à l’abbé le prix de tout bien immobilier vendu (precium rerum immobilium vendarum) afin que puissent être perçues, par les services abbatiaux, les taxes de mutation (vendas) habituelles. Notaire dont les compétences devaient sûrement dépasser le bien médiocre champ d’action qui lui était ainsi offert et qui dut rapidement s’élargir à la tenue des registres du consulat naissant, fonction si capitale dans la lente mise en place de tout un gouvernement par l’écrit379.
97Il est enfin un autre attribut du pouvoir urbain – la garde et l’utilisation des clefs de la cité – qui avaient été jusque-là, comme en bien d’autres villes, l’enjeu de lourdes tensions et n’avaient engendré que confusions et pratiques contraires380 auxquelles les rédacteurs de la Première Paix apportent une solution tranchée. Désormais, les consuls seront tenus de remettre les clés à l’abbé au lendemain de leur prise de fonction, mais seulement en signe de soumission à son pouvoir (tan solamen e signe de senhoria), étant bien précisé qu’elles doivent leur être immédiatement rendues afin de bien montrer qu’elles appartiennent à la communitas381. La conséquence était évidente qui faisait des consuls, gardiens des clefs, ou des agents qu’ils pouvaient choisir pour remplir cet office, les maîtres des portes comme le voulait depuis toujours la coutume (sicut acthenus usi sunt / coma a estat acostumat al jorn d’oi), mais aussi en même temps des murs et fossés382.
98En dépit des demandes réitérées de la part des consuls avant même que ne soit engagé le processus de mise par écrit de la coutume et sans doute aussi des pressions qu’ils ne manquèrent pas d’exercer tout au long des négociations, il ne réussirent à obtenir qu’une confirmation aussi sèche que sommaire de leur droit à posséder une arche commune (archa communis) et des armoiries (arma comunia)383. Nulle description n’est donnée pour aucun de ces marqueurs pourtant si symboliques du pouvoir consulaire et communal384. Mais cela ne doit guère surprendre dans la mesure où aucune pratique coutumière avérée ne semble avoir au préalable plaidé en faveur de l’existence de ces attributs matériels dans lesquels les rédacteurs des Paix ne durent pas voir un élément susceptible de troubler les efforts déployés en vue d’apaiser les tensions qui régnaient autour de l’exercice du pouvoir.
3) Pacifier un exercice partagé du pouvoir
99Reconnaître consuls et consulat dont la pratique coutumière avait déjà fait une réalité était un premier pas. Mais une avancée qui risquait néanmoins de ne rencontrer que des blocages si arbitres et négociateurs avaient négligé de prendre en compte l’héritage façonné par la coutume dans la gestion quotidienne de la cité. C’est tout le contraire qu’ils firent et on ne peut que regretter ici, une fois de plus, l’absence – ou moins probablement, la perte – des dépositions des témoins présentés par les consuls. Elle interdit d’apprécier la vision qu’avait le tout jeune corps consulaire de la gestion de la communitas. Elle devait être déjà très affinée si on en juge par tout ce qu’en disent les Paix en marge de ce qu’apporta l’épais dossier constitué à partir des seuls témoignages recueillis par les abbatiaux. Tout laisse donc à penser que les représentants de la communitas surent se montrer très actifs au cours des négociations qui dominèrent la phase de rédaction des Paix tant ces deux accords sont la traduction sur le papier d’une volonté de pacifier l’exercice du pouvoir en y associant progressivement le corps consulaire à la lumière de tout l’acquis coutumier. Un premier pas est accompli en ce sens dès la rédaction de la Première Paix dont bien des dispositions sont entièrement reprises dans la Deuxième qui regorge de renvois à ce texte fondateur385. Des renvois qui ne sont le plus souvent que référence à des coutumes de gestion et d’administration qu’une collaboration de fait avait en partie forgées depuis la décennie 1230 au cours de laquelle commence à prendre timidement corps l’institution consulaire. Le lecteur n’est guère alors surpris de voir les rédacteurs des Paix invoquer la coutume ou se réfugier derrière elle pour bien fonder l’existence de telle pratique ou de tel usage. Ainsi les pièces de draps devront-elles avoir à la fabrication même longueur que celle que sera acostumat o establit386, tout comme les portes de la ville devront être gardées sicut acthenus usi sunt ou coma a estat acostumat al jor d’oi387 et les murs maintenus in […] statu in quo nunc sunt perpetuo permansuris, sine novitate quacumque in eisdem facienda ou devo estar en l’estamen en que so aoras e per tos temps, ses neguna noeltat far en els388. Les consuls sont-ils contraints de reconnaître qu’ils tiennent murs, fossés et consulat de l’abbé, alors c’est avec tous les usages, libertés et franchises quibus usi sunt ab antiquo389. Et comme pour mieux encore témoigner de la réalité de la coutume et des garanties absolues que représente son strict respect, les signataires de la Deuxième Paix déclarent leur accord complet en apposant leur sceau au bas de ce texte attentis et consideratis usibus, observantiis et consuetudinibus antiquis dictarum monasterri et ville. Ensemble coutumier qu’ils s’engagent à valoriser au mieux et à observer strictement en toutes circonstances et toujours390.
100Cette pacification de l’exercice d’un pouvoir partagé, née tout à la fois de la place reconnue à la coutume dans les rouages de la gestion de la cité, tout comme de la volonté affichée d’en respecter le contenu, se lit à toutes les pages des deux Paix. Tous les grands domaines d’activité de la ville en bénéficient, qu’il s’agisse de la justice, de la police entendue dans son sens le plus large ou de la diffusion des décisions prises. À tous ces niveaux, le jeune collège consulaire porté par les acquis de la pratique coutumière des décennies précédentes, trouve sa place. Reconnu désormais comme le mandataire désigné et légitime d’une communitas dont la personnalité morale ne peut plus être mise en doute, sa vocation s’affirme à participer à tous les organes de gestion. Il n’est plus un secteur auquel il ne se trouve associé de manière directe ou indirecte, qu’il s’agisse des enquêtes, de la procédure, de la justice civile ou pénale, de la police, du contrôle de l’économie ou de la communication. Autant d’évolutions capitales et parfaitement mesurables dont l’étude exhaustive ne saurait trouver place ici, mais que la seule réflexion suggérée par l’examen des modalités de publication des preconisationes ou criées (cridas) et l’unique analyse des mesures prises pour assurer une économie loyale permettent d’évoquer à titre d’exemple.
101En toutes les villes, la question des modalités de diffusion des décisions arrêtées par le gouvernement municipal constitue un point de friction permanent entre les différents pouvoirs qui se partagent la gestion de la cité391. Peu surprenant que, dans un tel contexte, les négociateurs des Paix aient mis grand soin à régler avec minutie les procédures de publication à mettre en œuvre pour porter à la connaissance de la population aussi bien les mesures prises pour la gestion de la cité – preconisationes – que celles découlant du droit de ban. Les rédacteurs de la Première Paix ne s’aventurent guère dans ce maquis de la communication et se limitent à poser quelques principes généraux. Toutes les preconisationes ou criées portant convocation de l’assemblée des habitants (parlamentum) ou des conseillers du consulat, ainsi que celles destinées à une levée d’hommes, à assurer la garde de la ville ou l’aménagement ou entretien des murs et remparts doivent être faites sans mention de leur émetteur, qu’il s’agisse d’un nom, d’une dignité (dignitas) ou d’un office. Pour toutes les autres au contraire, il sera mentionné qu’elles émanent conjointement de l’abbé et des consuls avec précision de leur nom et de leur dignité. Procédure déjà en usage depuis bien longtemps dans la ville, comme se plaisent à le rappeler les rédacteurs : prout est in dicta villa Aureliaci hactenus usitatum (segon que es e la dicha vila gardat o auzat troi al jor d’oi)392. Avec la Deuxième Paix est mis sur pied un système complexe d’utilisation de l’outil de communication que constituent les crieurs publics. Crieurs qui peuvent être mis à disposition tantôt des simples particuliers, tantôt de l’abbé ou des consuls et le plus souvent des deux à la fois, étant bien précisé qu’il s’agit là d’un système parfaitement éprouvé et qui doit fonctionner prout est consuetum. Les rédacteurs de cette Deuxième Paix allèrent jusqu’à y introduire la liste complète et en langue d’oc – y compris dans la version latine – de tous les cris correspondant à des situations précises et mis à la disposition de ceux qui souhaitaient les utiliser. Ainsi le cri à l’usage de toute personne ayant perdu un menu objet et qui est à sa recherche. Elle reçoit alors autorisation de recourir directement, sans avoir à en référer à quiconque, à un crieur habilité à procéder à un tel un tel cri quatre fois dans la ville, mais sans trompette ou autre instrument393. De même et dans des conditions semblables, chacun peut faire crier son intention de vendre produits et marchandises quelconques sans avoir à en demander l’autorisation au pouvoir, quel qu’il soit. Il en va de même pour faire procéder au cri de joutes et de jeux, avec ou sans trompette394. Avec les ventes aux enchères (subastationes) de biens saisis ou appartenant à des mineurs, le régime est tout autre. Entrent alors en scène les sergents de l’abbé investis de la mission d’annoncer un dimanche et sans intervention consulaire, en l’église Notre Dame ou celle du monastère, la mise en vente du bien d’un tel avec fixation d’un prix, puis de suivre les enchères les dimanches suivants jusqu’à épuisement des offres (donec subastatio fuerit consummata)395. S’agit-il au contraire de la vente à l’encan (ad incantum) d’un bien quelconque appartenant à un particulier ? Le régime est alors tout autre et le processus confié à deux crieurs spécialisés (incantatores). Désignés par l’abbé en sa cour en présence des consuls, ils ont à travers les rues et places de la cité, le monopole de l’opération auquel nul vendeur ne peut échapper396. Procédure toute autre est suivie pour la publication des foires et marchés auxquelles il est procédé avec trompette, conjointement par l’abbé et les consuls, après que demande leur en ait été faite397. Un régime bien particulier est enfin organisé pour les cris et citations concernant la procédure par défaut et le bannissement. Après défaut de comparution au terme de plusieurs citations adressées à un prévenu, il est prévu de lui adresser un ultimatum à comparaître que les crieurs sont chargés par la cour de l’abbé d’annoncer par quatre fois dans la ville et en présence des consuls s’ils ont bien voulu répondre à l’appel qui leur a été lancé. En cas d’échec de cette ultime tentative, et s’il y a faute grave prouvée, le bannissement peut être prononcé à l’encontre du prévenu par la cour de l’abbé et après consultation des consuls tenus d’assister à la publication de la sentence s’ils le veulent bien, publication assurée par les crieurs au son de la trompe ainsi qu’au nom de l’abbé et des consuls398.
102Consuls et abbé dont les deux Paix consacrent aussi la collaboration en matière de police économique. Domaine infiniment vaste que tentent de réglementer dans leur ensemble les rédacteurs de ces deux textes, aussi bien pour la production, la commercialisation et la consommation des produits les plus divers que pour le contrôle des marchés et l’honnêteté des transactions. Dans tous ces secteurs, c’est à fixer et à faire triompher nombre de pratiques coutumières en vigueur que s’attachent les négociateurs afin de rendre tangible et effective toute une réglementation restée jusque-là d’application incertaine. Volonté clairement exprimée en toutes occasions comme en témoignent avec éclat deux exemples. Celui d’abord du contrôle qui pèse sur la draperie et la fabrication des pièces de drap. La seconde Paix lui consacre un important article qui renvoie à la règlementation (ordinatio) qu’avaient déjà élaborée les rédacteurs de la Première segon que sera acostumat et establit399. Réglementation encore confuse qui n’avait pas clairement posé les règles d’une effective collaboration consulaire et abbatiale. Tout juste avait elle prévu que deux probi homines élus selon la coutume par l’abbé et les consuls auraient mission de procéder à tous contrôles utiles. La Deuxième Paix va plus loin en imaginant que ces deux prudhommes puissent ne pas tomber d’accord. Alors doit être désigné, par l’abbé et en présence des consuls s’ils le souhaitent, un troisième probus vir chargé de proposer une solution sur laquelle la cour de l’abbé est appelée à se prononcer, non sans avoir appelé les consuls dont la présence demeure facultative400.
103Le second exemple qui peut être appelé à la barre pour illustrer ce souci de codification d’une collaboration effective des pouvoirs en matière de police économique est celui du contrôle du prix du vin dont la fixation revient de toute ancienneté à l’abbé et aux consuls appelés à se concerter. La Deuxième Paix va plus loin et imagine, là encore, une situation de conflit bloquant tout accord. Alors abbé et consuls doivent désigner, chacun de leur côté, un bonus vir. Deux prudhommes donc qui, après avoir prêté serment à l’abbé en présence des consuls, ont obligation de proposer un prix raisonnable. Puis, dans l’hypothèse d’un nouvel échec, c’est à un troisième homme choisi par eux sous contrôle de la cour abbatiale que revient de mener à bien la mission en concertation avec eux et de conclure, y compris sous la contrainte. Le prix ainsi fixé est immédiatement crié dans toute la ville au nom de l’abbé et des consuls dont la présence est obligatoire. Puis s’ensuivent, selon las costumas acostumadas, toutes les sanctions (penas consuetas) qui s’imposent en cas de non respect de la décision annoncée. « Coutumes accoutumées », comment mieux les consacrer que de les figer dans ces Paix devenues lex municipalis de la communitas Aureliaci ?
104Magnifique exemple de « recherche de pérennité de la coutume par la transcription »401, les Paix d’Aurillac permettent de saisir tous les mécanismes et les ressorts cachés de cette entreprise dont la complexité n’eut d’égal que l’étonnant résultat. Celui de doter la cité géraldienne d’une véritable constitution municipale dont les Aurillacois n’ont jamais perdu le souvenir. Né de conflits répétés depuis la décennie 1230 entre la puissante abbaye de Saint Géraud et la communitas de ses sujets en recherche de reconnaissance, un impérieux besoin de droit contraint ces deux forces antagonistes à pactiser. Mais pactiser sur quoi ? Sinon sur ce qui jusque-là avait été la raison de leur vivre en commun à travers leurs pratiques, leurs gestes et leurs modes d’existence. Autant de comportements constitutifs tout à la fois de leur être et de leur communitas toute entière, mais des comportements si régulés par une pratique le plus souvent inconsciente qu’il convenait d’en rechercher les fondements et les règles. Des règles de vie pour l’essentiel non écrites qu’il fallait exhumer d’un passé souvent lointain. Parfois d’un héritage plus récent, mais incertain. Alors, le défi lancé aux Aurillacois se révéla de poids, tant il fallait cerner l’espace de vie offert à la communitas, le parcourir et le nommer, répertorier les pratiques en cours en retrouvant leur raison d’être, analyser actes et gestes402 pour en saisir la portée et les écrire. Car c’est bien de ce vouloir écrire que furent construits les longues années de genèse des Paix.
105Un vouloir né de la volonté commune des abbatiaux et des consulaires, mais qui se mua aussitôt en mission impossible assignée à ces deux protagonistes. Un vouloir rapidement mis en tutelle d’un pouvoir qui y vit une occasion inespérée de s’immiscer dans un détroit qu’osaient à peine investir la règle mollement posée par ses agents et la justice encore bien timide de son Parlement. Un vouloir en conséquence immédiatement partagé entre trois pouvoirs. Celui d’un abbé toujours prompt à imposer ses vues, celui d’une communitas mal armée pour lui répondre et celui d’un centre encore piètre « législateur » qui sut fort habilement ne revendiquer qu’une position d’arbitre. Mais d’arbitre vigilant. Voilà bien le contexte qui fit des Paix une coutume rédigée à trois mains. Certes, mais trois mains qui n’œuvrèrent pas à parts égales. Celle des abbatiaux y fut entière et lourde sitôt le processus engagé avec une participation massive aux enquêtes et une vigilance de tous les instants tout au long de la rédaction. Celle de la communitas y fut aussi très active, mais amputée d’une défaillance remarquée aux enquêtes et amoindrie aussi sans doute en raison du manque d’expérience et de moyens d’un trop jeune collège consulaire. Celle du pouvoir n’y fut que lointaine, mais toujours très présente à tous les moments clefs que furent le lancement de la procédure, la conclusion finale de l’accord, puis son enregistrement. Autant de moments stratégiques autorisant à imprimer à ces textes la marque du souverain et sa volonté de « royaliser » un ordre juridique auvergnat en gestation, à défaut de pouvoir en faire une « coutume royale ».
106La tâche était immense comme l’attestent les prétentions de départ des deux protagonistes. À les lire, il ne fait aucun doute que les intentions affichées étaient bien de saisir, en vue de l’écrire en un corps de règles structurées, l’ensemble du bloc coutumier qui régissait non seulement le statut des terres et des hommes de la cité, mais aussi l’ensemble des règles en genèse qui ouvraient la voie à une reconnaissance juridique de la communitas en posant en même temps les premiers principes de sa gestion. Le résultat fut plus modeste, mais néanmoins d’envergure et de qualité. Si l’essentiel de ce qui aurait dû être une mise en forme du statut des hommes et des terres n’a finalement guère été pris en compte par les rédacteurs, c’est tout un système de gouvernement de la communitas, enfin juridiquement reconnue, qui est mis sur pied et un mode de coexistence policée entre abbatiaux et consulaires qui est clairement défini. Instrument de concorde porteur de règles de vie en commun et cadre d’une gestion urbaine apaisée, les Paix ne tardèrent pas à devenir, pour de longs siècles, la lex municipalis de la cité géraldienne. Plus de deux siècles plus tard, le notaire Jean Palach, lieutenant second du bailli des Montagnes d’Auvergne ne s’y est pas trompé. Alors qu’il rédigeait en 1516 son recueil de Statuz de la ville d’Orillac et confirmation de consulat et desdits statuz pour le sindic des consuls manans et habitans d’Aurilhac, il y plaçait au tout début les Paix auxquelles il donnait ainsi leurs lettres de noblesse en les élevant au rang de statuts et en reconnaissant, à ce bloc coutumier désormais écrit, valeur de loi pour la cité.
Notes de bas de page
1 R. Grand, Les « Paix » d’Aurillac. Étude et documents sur l’histoire des institutions municipales d’une ville à consulat (XIIe-XIVe siècle), Paris, Sirey, 1945, p. 339-340, procès-verbal du 16 août 1362.
2 Arch. mun. Aurillac, BB 4, registre des délibérations de 1480-1481, fol. 2r°, délibérations des 2 et 3 octobre 1480.
3 Ibid., La situation n’est pas simple et la main du scribe assez malhabile à la décrire dans ce qui n’est que le second registre de délibérations conservé. Raymond du Ferradour a reçu mandat provisoire de lieutenant du maire en remplacement de Jacques Courrant absent et tout récemment nommé pour succéder à Jean Dubutin dont les services n’avaient pas dû être exemplaires. Voilà pourquoi il est sommé de restituer le « libre de la paix » qu’il avait conservé par devers lui, ainsi que plusieurs registres de délibérations tenus « depuis son temps », sans oublier des commissions pour la levée des tailles.
4 Par exemple pour Agen, H. Tropamer, La coutume d’Agen, Bordeaux, Cadoret, 1911, p. 7-9 et surtout F.R.P. Akehurst, The costuma d’Agen. A Thirteeenth-Centurey Customary Compilation in old Occitan Transcribes from the Livre juratoire, Turnhout, Brepols, Publications de l’Association internationale d’études occitanes, 2010, p. XIII-XX qui analyse en détail date, nature et contenu de cette source. O. Kammerer, « Statuts et livre de serments de la ville de Mulhouse (1551) », Annuaire historique de Mulhouse, 8, 1997, p. 7-17, qui relève aussi l’existence de tels documents pour la ville de Mulhouse : « Règlements et recueil des serments et des offices de la ville de Mulhouse » ainsi que L. Buchholzer et O. Richard, « Jurer et faire jurer. Les serments des secrétaires municipaux (Rhin supérieur, XVe-XVIe siècles) », Histoire urbaine, 39, 2014, p. 64 et suiv. qui analysent en détail le contenu des Eidbücher (livres de serment) pour plusieurs de ces villes.
5 Il n’est pas impossible que la copie faite en 1516 par Jean Palach des « Statuz de la ville d’Orillac et confirmation du consulat et desdits statuz » en fasse mention (Arch. mun. Aurillac, AA1, registre de 64 fol.).
6 R. Grand, Les « Paix », op. cit. Cet ouvrage ne se limite pas à la seule publication des Paix. Une foule d’autres documents de toute nature y sont joints, sources de première valeur pour l’histoire d’Aurillac au Moyen Âge (p. 1-380) qui sont précédées d’une étude très fouillée des institutions de la cité médiévale (p. ICCXIX). La présente étude, essentiellement conduite sur la base de ces documents, leur doit beaucoup. Ils seront désormais cités avec leur titre et leur pagination dans l’ouvrage sous la référence abrégée Paix.
7 Paix, p. 32 et 48. R. Grand, op. cit., p. X, pense qu’il n’est peut-être « pas téméraire d’en inférer que le peuple avait spontanément dénommé paix, patz, l’acte qui consacrait les ‘bonnes coutumes, franchises et libertés’ de la ville ». Rien n’est moins sûr dans la mesure où ce même texte évoque la « tranquillitat et patz de nosre estamen » (version latine : tranquillitatem et pacem statum nostri) ainsi que « nostre profieh et la patz et la tranquillitat de nostre estamen » (texte latin : utilitatem nostram et tranquillum statum nostrum). Sur ces objectifs assignés à toute paix : N. Offenstadt, Faire la paix au Moyen Âge. Discours et gestes de paix pendant la guerre de Cent Ans, Paris, O. Jacob, 2007, p. 71-74 (« le bien ce la chose publique »).
8 Sur ce point V.-L. Bourrilly, Essai sur l’histoire politique de la commune de Marseille : des origines à la victoire de Charles d’Anjou (1264), Marseille, Société anonyme du Sémaphore, 1926, p. 189-202, puis p. 407-427. Texte du premier traité de paix des 27 et 30 juillet 1252 en 33 articles où il est question à la p. 408 de pax et concordia, de pactum et conventio super facto pacis et à la p. 409 de pactum et conventio pacis. P. 449-474 : deuxième traité de paix du 6 juin 1257 en 63 articles où sont évoqués p. 450, le tractatum pacis ainsi que la compositio et concordia et pax, p. 451, pax, pactum et conventio ; pacem et concordia, et p. 473 où est mentionnée la séance au cours de laquelle fut « recitata de verbo ad verbum in pleno parlamento predicta pax et compositio », sans oublier de souligner que « dominus comes juravit dictam pacem et libertatem et franquesias et omnia capitula in dicta pace contenta », capitula qui avaient été exposés et lus au préalable. P. 473-483 : troisième traité de paix des 12-13 nov. 1262 où il est fait mention de la pax et concordia (p. 475) ainsi que de la bona pax (p. 477). R. Pernoud, Les statuts de Marseille, Monaco-Paris, Archives du Palais-Picard, 1949, en particulier p. XXII sq. Th. Pécout, « Le prince et la ville : une domination consentie », coordin. Th. Pécout, Marseille au Moyen Âge, entre Provence et Méditerranée. Les horizons d’une ville portuaire, Méolans-Revel, Désiris, 2009, p. 203-204, voit dans les chapitres de paix de 1252 et 1257 un moyen pour le prince « d’imposer son autorité à la ville basse de Marseille qui s’efforce encore un temps de préserver les attributs de son pouvoir ».
9 Cette nouvelle et féconde orientation de la recherche en histoire urbaine est très largement tributaire en France des travaux pionniers de P. Chastang et tout particulièrement de son maître livre : La ville, le gouvernement et l’écrit à Montpellier au Moyen Âge (XIIe-XIVe siècle). Essai d’histoire sociale, Paris, PUPS, 2013.
10 Pour une synthèse de l’histoire médiévale de l’abbaye : Chanoine E. Joubert, L’abbaye bénédictine de Saint-Géraud d’Aurillac 894-1561, Aurillac, Union sociale de la Haute Auvergne, 1981.
11 Paix du 3 mai 1347, texte intégral avec une analyse de son contenu dans Paix, p. 307-380.
12 Paix, 15 juillet 1280, p. 30.
13 Olim, vol. 1, p. 74, arrêt du Parlement de la Chandeleur 1258. Texte aussi reproduit dans Paix, p. 11.
14 Ibid.
15 Th. Dutour, Sous l’empire du bien. « Bonnes gens » et pacte social (XIIIe-XVe siècle), Paris, Garnier, 2015, en particulier, p. 209-278.
16 Paix, p. 140-141, vidimus du mandement du 29 juin 1266 adressé par saint Louis à Raoul de Trappes.
17 Paix, p. 139-140, procès-verbal du 10 août 1266 de l’enregistrement par Raoul de Trappes de la déclaration des consuls assistés de quelques bourgeois de la ville.
18 A. N., X 1A 1, fol .74, arrêt du Parlement de la Toussaint 1271, transcrit dans Olim, t. I, p. 385 et Paix, p. 12.
19 Sur ces notions J. Gaudemet, « Utilitas publica », RHDFE, 1951, p. 465-499 ; M. S. Kempshall, The Common Good in late medieval political thought, Oxford, Clarendon Press, 1999 ; G. Naegle, « Bien commun et chose publique : Traités et procès à la fin du Moyen Âge », Histoire et archives, 19, 2006, p. 87-111 ; P. von Moos, « Le ‘bien commun’ et ‘la loi de conscience’ (lex privata) à la fin du Moyen Âge », Entre histoire et littérature. Communication et culture au Moyen Âge, Florence, Galluzzo, 2005, p. 475 et suiv. K. Weidenfeld, Les origines médiévales du contentieux administratif (XIVe-XVe siècles), Paris, de Boccard, 2001, p. 63-65.
20 Paix, p. 13, délibération du conseil de ville dans le courant de l’année 1274 sous la conduite des cinq consuls alors en exercice, R. Rotlans, P. Bertols, R. de Salviac, W. d’Arpajon, P. del Born et P. de Viers qui font au terme de cette séance sagramen de tener et guardar las dichas causas.
21 Arch. mun. Aurillac, FF1, Procès-verbal d’audience du Parlement d’avant Pâques 1277, dans Paix, p. 21-22 et Vidimus du 27 septembre 1277, dans ibid., p. 14-18.
22 La procédure est courante et ancienne comme l’attestent par exemple coutume et pratique normandes. Sur ce point, D. Angers, « Voir, entendre, écrire : les procédures d’enquête dans la Normandie rurale à la fin du Moyen Âge », édit. C. Gauvard, L’enquête au Moyen Âge, Rome, EFR, 2008, en particulier p. 175-178 où D. Angers analyse très justement cette « vue » comme une « descente sur les lieux du contentieux ».
23 Compte-rendu du 23 mai 1277, dans Paix, p. 19-20.
24 Sur le développement et la pratique de l’enquête au Moyen Âge, édit. C. gauvard, L’enquête…, op. cit., p. 1-10, l’Introduction d’A. Boureau qui note p. 7, qu’« au Moyen Âge, l’enquête entre aussi dans des tentatives de paix et d’arbitrage », propos qu’illustre à souhait la situation aurillacoise de la seconde moitié du XIIIe siècle. H. Pissard, Essai sur la connaissance et la preuve des coutumes en justice, dans l’ancien droit français et dans le système romano-canonique, Paris, Rousseau, 1910, p. 108 avait déjà insisté sur le fait que de telles enquêtes « servirent de bonne heure à préparer la rédaction des chartes et des coutumes ».
25 Paix, p. 16. Sur les probi homines, en tout dernier lieu, Th. Dutour, Sous l’empire du bien, op. cit., p. 279-308 et J.-L. Lefebvre, Prud’hommes, serment curial et record de cour. La gestion locale des actes publics de Liège à l’Artois au bas Moyen Âge, Paris, de Boccard, 2006, en particulier p. 101-201.
26 Vidimus du 27 septembre 1277, Paix, p. 21-22. En plus de la « monstrée » et de l’enquête, le Parlement prévoit des « jours de conseil » vraisemblablement destinés à favoriser la négociation entre les consuls et la ville et de même aussi des « jours de vue et de plet » ainsi que des « jours du plet » sans doute consacrés à tenter de trouver un accord, Procès-verbal d’audience de 1277, Paix, p. 16-18.
27 C’est bien ainsi qu’il est procédé en Normandie où la « procédure de la ‘vue’ ne pouvait être suivie que si les parties avaient déposé devant la cour, avant la descente sur les lieux, leur ‘mémorial’ rapportant leur vision écrite du litige, celui-ci devant être lu sur les lieux de la ‘vue’ », D. Angers, « Voir, entendre, écrire », art. cit., p. 178.
28 Pour une bonne analyse de la notion de districtus, N. Leroy, Une ville et son droit. Avignon du début du XIIe siècle à 1251, Paris, de Boccard, 2008, p. 499-558.
29 Sur tous ces points, Arguments avancés par l’abbé et le couvent (nov. 1277), Paix, p. 60 (principalement art. 1-4).
30 Procès-verbal d’audience du Parlement d’avant Pâques 1277, Paix, p. 14.
31 Arguments avancés par l’abbé et le couvent (nov. 1277), ibid., p. 61, art. 11.
32 Arguments avancés par les consuls (nov. 1277), ibid., p. 56, art. 3.
33 Arguments avancés par l’abbé et le couvent (nov. 1277), ibid., p. 61, art. 9. Il est à noter l’insistance avec laquelle le clan abbatial, en l’absence d’écrit, s’appuie sur la pratique, le temps et la fama publica pour justifier que l’abbé puisse agir ut dominus alicujus ville talibus potest et consuevit uti, et per tantum temporis quod sufficiet eis ad acquirendum jus vel dominium in premissis, etiam si jus vel dominium alias non haberent et hoc est notarium et fama publica in patria.
34 Ibid., p. 56, art. 4. Consuls et communitas réfutent avec vigueur le point de vue du procureur de l’abbé qui leur reproche de minus juste tenere consulatum, sigillum commune, archam communem, domum communem, precones communes, trompas seu buccinas. Sur cette importante question des attributs matériels du pouvoir, voir le bel ouvrage de dir. É. Jean-Courret, S. Lavaud, J. Pétrowiste, J. Picot, Le bazar de l’hôtel de ville. Les attributs matériels du gouvernement urbain dans le Midi médiéval (XIIe-XIVe siècle), Bordeaux, Auzonius, 2016.
35 Arguments avancés par l’abbé et le couvent (nov. 1277), Paix, p. 61, art. 12.
36 Arguments avancés par les consuls (nov. 1277), ibid., p. 57, art. 6.
37 Ibid., art. 6 et 7.
38 Ibid., art. 1er, est ici reprise la justification précédente d’une jouissance ininterrompue per decem, per viginti, trigenta et quadraginta annos et tempus de quo non extat memoria et tantum temporis quod sufficere eis potest et debet.
39 Ibid., art. 1er et 2 où les consuls et leur procureur exposent avec plus de détails l’ensemble des droits qu’ils prétendent pouvoir exercer sur le sol et les ouvrages défensifs de la ville. Revendications qui génèrent bien des conflits semblables en toutes les villes, en particulier pour tout ce qui touche aux remparts. Pour une solide synthèse sur ce point A. Levasseur, Droit de l’urbanisme et domaine de la ville médiévale (XIIIe-XVe siècle), Thèse, Droit, dactyl., Université Paris II Panthéon-Assas, 2008, en particulier p. 216 sq. et 330 sq.
40 Arguments avancés par l’abbé et le couvent (nov. 1277), Paix, p. 60-61, art. 6.
41 Procès-verbal d’audience de 1277, ibid., p. 15. L’enquête qui suivra plus tard apprend que les ouvertures pratiquées par les gens de l’abbé avaient principalement pour fonction de permettre l’alimentation en eau du moulin qui venait d’être construit, élément dont ne semblent pas faire état les prétentions d’aucune des parties.
42 R. Grand, « Notes et observations sur les règlements d’urbanisme et de voirie dans les villes à consulat au XIIIe siècle », Bulletin monumental, 105, 1947, p. 10-11 a bien perçu les causes de cette situation. C’est bien parce qu’il n’y a pratiquement plus de baux à cens perpétuels dans la cité « qu’il n’y a plus d’emplacements vides non encore appropriés, platee, aree vacue, en dehors des places publiques ».
43 Arguments avancés par l’abbé et le couvent (nov. 1277), Paix, p. 61, art. 7 et 8.
44 Ibid., p. 60, art. 4.
45 Ibid., p. 61, art. 11. La position de l’abbé est nettement exprimée : in respectu eorum natura et conditio habere seu possidere non possint.
46 Ibid., p. 61-62, art. 11 et 12.
47 Ibid., p. 60-61, art. 6 et 7.
48 Ibid., p. 56-57, art. 4. de jure […] et consuetudine loci de Aurliaco et circumstantium patrium et terrarum.
49 Voilà qui ne permet guère de partager le point de vue de R. Grand, Les Paix, op. cit., p. LXXVI, quand il écrit « que l’on avait affaire à des gens préparés de part et d’autre et solidement endoctrinés par des juristes rompus à toutes les arguties du droit et de la procédure ».
50 J. Hilaire, « Coutumes et droit écrit : recherche d’une limite », La Coutume, Congrès Arbois-Frontena, 1982, MSHDB, 40, 1983, p. 153-175 ; A. Rigaudière, « La royauté, le Parlement et le droit écrit aux alentours des années 1300 », CRAIBL, 1996, p. 885-908 ; J. Hilaire, « Coutume et droit écrit au parlement de Paris d’après les registres d’Olim », dir. J.-M. Augustin et V. Gazeau, Coutumes, doctrine et doit savant, Paris, LGDJ, 2007, p. 65-88 ; Id., La construction de l’état de droit dans les archives judiciaires de la cour de France au XIIIe siècle, Paris, Dalloz, 2011, p. 107-115 ; et surtout, B. Fourniel, Du bailliage des montagnes d’Auvergne au siège présidial d’Aurillac. Institution, société et droit, Toulouse, PUSST, 2009, en particulier p. 326-330 et 330-403.
51 Audience de préliminaire de procédure (nov. 1277), Paix, p. 54-55.
52 Ibid., p. 57.
53 Arguments avancés par les consuls (nov. 1277), ibid., p. 57, art. 4. Citation en partie reprise (de consuetudine loci de Aureliaco) dans Audience de préliminaire de procédure (nov. 1277), ibid., p. 59.
54 Arguments avancés par les consuls (nov. 1277), Paix, p. 57, art. 9. Sur ces diverses expressions couramment utilisées au XIIIe siècle par le Parlement pour nommer et alléguer la coutume dans son expression locale ou territoriale, J. Hilaire., La construction de l’État de droit dans les archives judiciaires de la cour de France au XIIIe siècle, Paris, Dalloz, 2011, p. 95-106, qui en donne un exhaustif et savant recensement.
55 Arguments avancés par l’abbé et le couvent (nov. 1277), Paix, p. 61, art. 11.
56 Ibid., p. 62, art. 13.
57 Arguments avancés par les consuls (nov. 1277), ibid., p. 56, art. 3 et p. 58, 11 pour les autres attributs matériels tenus per longum tempus.
58 Arguments avancés par l’abbé et le couvent (nov. 1277), ibid., p. 60, art. 5.
59 Arguments avancés par les consuls (nov. 1277), ibid., p. 57-58. Situation qui dure depuis que trigenta et quadraginta anni sunt elapsi et amplius et per tempus de quo non extat memoria.
60 Arguments avancés par l’abbé et le couvent (nov. 1277), ibid., p. 61, art. 9.
61 Sur les diverses modalités de la prescription, J. Bart, Histoire du droit privé de la chute de l’Empire romain au XIXe siècle, Paris, Montchrestien, 2009, p. 241-243, ainsi que J.-Ph. Lévy et A. Castaldo, Histoire du droit civil, Paris, Dalloz, 2002, p. 612-616.
62 Arguments avancés par les consuls (nov. 1277), ibid., p. 57, art. 4 : per decem, per viginti, trigenta et quadraginta annos et tempus de quo non extat memoria et per tantum temporis quod sibi sufficere potest et debet.
63 Arguments avancés par l’abbé et le couvent (nov. 1277), Paix, p. 61, art. 13.
64 Arguments avancés par les consuls (nov. 1277), Paix, p. 58, art. 10.
65 Sur la genèse du bailliage des Montagnes d’Auvergne, B. Fourniel, Du bailliage, op. cit., p. 33 sq.
66 Compte rendu au roi par Pierre de Villemon de la « vue ou montrée » le 23 mai 1277, Paix, p. 19-20.
67 Sur la personne, la fonction et le rôle du crieur dans la ville médiévale voir les travaux de M. Hébert, « Voce preconia, notes sur les criées publiques en Provence à la fin du Moyen Âge », dir. É. Mornet et F. Morenzoni, Milieux naturels, espaces sociaux. Études offertes à Robert Delort, Paris, PS, 1997, p. 689-701 ; N. Offenstadt, « Les crieurs publics à la fin du Moyen Âge. Enjeux d’une recherche », dir. Cl. Boudreau et alii, Information et société à la fin du Moyen Âge, Paris, PS, 2014, p. 203-217 et Id., En place publique : Jean de Gascogne, crieur au XVe siècle, Paris, Stock, 2013 ; N. Offenstadt et D. Lett, Haro ! Noël ! Oyé ! Pratiques du cri au Moyen Âge, Paris, PS, 2003.
68 Sur l’importance de tels gestes, dir. P. Boucheron et J.-Ph. Genet, Marquer la ville : signes, traces, empreintes du pouvoir, XIIIe-XVIe siècle, Paris, PS et EFR, 2013.
69 Compte rendu au roi par Pierre de Villemon de la « vue ou montrée » le 23 mai 1277, Paix, p. 19-20.
70 R. Grand, Les « Paix », op. cit., p. LXXVI.
71 Sur ce point, les travaux particulièrement novateurs de J. Dumasy, Le feu et le lieu. La baronnie de Sévérac-le-Château à la fin du Moyen Âge, Paris, CTHS, 2011 et Id., « Entre carte, image et pièce juridique : la vue figurée de la baronnie de Séverac-le-Château (1504) », RH, 2009/3, p. 621-644 témoignent avec une grande maîtrise de l’utilisation de plus en plus courante de ces vues figurées à l’occasion de divers procès à la fin du Moyen Âge. La thèse toute récente de P. Fermon, Le peintre et la carte. Les représentations des espaces locaux dans les documents juridiques et iconographiques entre Alpes et Rhône du début XIVe siècle au début du XVIe siècle, Th. Lettres, dactyl., Paris, EPHE, 2016 s’inscrit dans la même perspective avec plusieurs développements fondés sur le dépouillement de documents figurés des XIVe-XVe siècles consacrés, entre autres, à des règlements à l’amiable de litiges portant sur la propriété foncière, à des enquêtes de délimitation de juridictions ainsi que sur l’évolution de la pratique du « jour de vue » devant les cours.
72 Procès-verbal d’audience du 19 nov. 1277, Paix, p. 60.
73 Procès-verbal du 19 nov. 1277, ibid., p. 60. Y. Jeanclos, L’arbitrage en Bourgogne et en Champagne du XIIe au XVe siècle. Étude sur l’influence du droit savant, de la coutume et de la pratique, Dijon, Centre de recherches historiques, 1977, p. 1, insiste sur le fait que l’arbitrage « est aux XIIe, XIIIe, XIVe et XVe siècles, un moyen fort prisé de règlement des différends dans de nombreuses régions ».
74 M. Boudet, Dans les Montagnes d’Auvergne de 1260 à 1325. Eustache de Beaumarchais, seigneur de Calvinet et sa famille, Aurillac, Bancharel, 1901, extrait de RHA, 1899, 1900, 1901 ; Y. Dossat, « Restauration du domaine du roi par Eustache de Beaumarchais sénéchal de Toulousain et d’Albigeois », Actes du 96e congrès national des sociétés savantes, 1971, t. 1, Paris, BN, 1978, p. 261-324 ; Ch. Higounet, « Eustache de Beaumarchais et les bastides de Gascogne », Homenaje a José María Lacarra, Pamplona, Institución Príncipe de Viana, 1986, p. 1-9.
75 L’original de ce mandat n’ayant pu être retrouvé, il faut attendre le texte du préambule de la Première Paix (1280) pour le connaître avec précision, Paix, p. 29- 31.
76 Sont aussi tour à tour évoquées des contentio et controversia, ou bien encore multae altercationes, ibid., p. 30.
77 Tous ces termes font partie du vocabulaire de l’arbitrage médiéval et sont véritablement porteurs de sens. Y. Jeanclos, L’arbitrage, op. cit., p. 100, insiste sur l’importance que revêt le choix de l’arbitre par les deux parties et souligne combien l’utilisation des termes communiter, concorditer ou unanimiter témoignent de volonté conciliatrice des parties.
78 Sur tous ces points, ibid., en particulier p. 143 sq. et p. 214 sq.
79 Rappel le 3 sept 1277 du contenu de la commission royale aux enquêteurs de procéder à une enquête à Aurillac, Paix, p. 21-22.
80 Ibid.
81 Mandement de Philippe-le-Hardi du 30 août 1277, ibid., p. 52.
82 Convocation, par les commissaires, de l’abbé et des représentants du consulat, 15 nov. 1277, ibid., p. 51-52.
83 Pour ne citer que les principaux : contestation par l’abbé de la validité du sceau apposé par les consuls à la procuration donnée à leurs syndics, assignations irrégulières, citations inexactes, désaccord sur le droit applicable, place respective du droit écrit et de la coutume. Sur tous ces points, Comptes-rendus des audiences des 17 nov. 1277 et jours suivants, ibid., p. 53-55.
84 Mandement du 6 fév. 1284, ibid., p. 62.
85 Constitution des procureurs de l’abbé de Saint Géraud, 11 mai 1284, ibid., p. 63- 64.
86 Protestation de l’abbé avant l’ouverture de l’enquête en mai 1284, ibid., p. 64, précisant que si gerentes se pro consulibus ville Aureliaci interfuerunt in aliquibus inquestis factis per ipsum abbatem vel curiam suam, fuerunt ibi ut amici et consiliarii et vocati et requisiti per eundem abbatem vel curiam suam.
87 Protestation annexée au procés-verbal d’enquête de 1284, Paix, p. 157 : « renuntiaverunt productioni testium in curia domini regis ».
88 Sur ce point voir l’analyse exhaustive et pénétrante qu’en fait Y. Mausen, Veritas adiutor. La procédure du témoignage dans le droit savant et la pratique française (XIIe-XIVe siècles), Milan, Giuffrè, 2006, p. 387-675.
89 Pratique assortie de multiples variantes comme l’expose Y. Mausen, ibid., p. 404 sq.
90 De telles mentions ne manquent pas. Ainsi pour Pierre Fressard et son fis, Mathieu Serein et Jean de Calsac qui sunt oriundi de villa Aureliaci et […] morantur in villa, Paix, p. 152, ou bien Bernard La Coste et plusieurs autres qui sunt oriundi de villa et ibidem resident et morantur, ibid., p. 152-153 ou bien encore Étienne Delsol et plusieurs de ses proches dont il est dit ipsi sunt de villa et morantur in ea, ibid., p. 157.
91 La mention de l’épouse est courante, par exemple pour G. Moisset et P. Bocatel qui habent ibidem uxores, fratres et amicos, ibid., p. 151.
92 Sur ce point, voir la pénétrante réflexion de C. Gauvard, « De grâce especial ». Crime, État et société en France à la fin du Moyen Âge, Paris, PS, 1991, p. 603-662.
93 Y. Mausen, Veritas adiutor, op. cit., p. 561-577 donne une analyse détaillée de ces différents reproches qu’il classe dans la catégorie des reproches relatifs. Il insiste (p. 561) sur le fait que suite aux travaux des commentateurs médiévaux qui préconisent une acception la plus large possible du terme « parens », les interdictions se multiplient (ascendants, descendants et tous degrés de parenté en ligne directe). Parmi les réserves formulées par les abbatiaux, les exemples fourmillent de témoins taxés de tels reproches. Ainsi Guillaume Roland et autres habent fratres, nepotes, parentes ; G. Boisseti et P. Boscatelli […] sunt layci et burgenses ipsius ville et habent ibidem uxores, fratres et amicos et parentes uxorum suorum, Paix, p. 151 ; G. Escrit habet fratres et sorores, nepotes, parentes et amicos, ibid., p. 153 ; G. Bonenfant habet filios et filias, nepotes et neptes, amicos, ibid., p. 154 ; V. de Rialhac et autres sunt oriundi de villa et habet uxorem de villa et affines et amicos et dictus Vivianus […] habet parentes commorantes in villa, Paix, p. 158.
94 J.-M. Turlan, « Amis et amis charnels d’après les actes du Parlement au XIVe siècle », RHDFE, 47, 1969, p. 645-698 ; C. Gauvard, « De grâce especial », op. cit., p. 674-682. La notion d’ami et plus encore le degré d’amitié qui lie la partie à ses témoins sont largement débattus par les juristes, Y. Mausen, Veritas adiutor, op. cit., p. 574. Nombreux sont les témoins reprochables aurillacois enserrés dans de solides réseaux d’amis. Il est aisé d’en recenser une bonne quinzaine tels P. Frésard et autres qui sunt oriundi de villa Aureliaci et qui morantur in villa et habent parentes et amicos […], Paix, p. 152, ou G. Gyron qui à côté des ses parents, neveux et nièces, a de nombreux amici, ibid., p. 152. Il est à noter que les « amis » sont presque toujours mentionnés avec les parents.
95 Mention en est très souvent faite, telle pour G. Roland et autres qui habent etiam domicilia, hereditates, possessiones et bona, ibid., p. 151, ou G. Gyron qui lui aussi habet etiam ibidem domicilia, hereditates, possessiones et bona, ibid., p. 152.
96 Ces témoins ayant des héritiers potentiels sont soigneusement signalés avec la mention habet futuros successores. Par exemple G. Gyron ou G. Escrit, ibid., p. 152- 153. Y. Mausen, Veritas adiutor, op. cit., p. 535, note que « dans les coutumes du Midi, peu d’articles sont consacrés au problème des héritiers ».
97 Les reproches formulés à ce sujet sont souvent violents. Voici G. Roland et autres dont les hereditates et possessiones astricte sunt et honorate ad contributionem omnium expensarum quas faciunt homines dicte ville in prosecutione ipsius cause et in aliis commodis et incommodis spectantibus ad eos, Paix, p. 151 (même reproche adressé à Gyron, ibid., p. 152). Et voilà G. Escrit dont les les bona, hereditates et que astricte sunt et honorate ad contributionem omnium expensarum quas faciunt homines dicte ville in executione istius cause et aliarum causarum et negotiorum eorumdem et ipsemet contribuit in predictis et est particeps cause et habet affectionem ad causam pro villa et commodum et incommodum spectat ad ipsum et sic ferret testimonium in causa sua, ibid., p. 153. P. Fressard et autres contribuunt in expensis prosecutionis istius cause contra dictum abbatem et conventum et sunt participes cause, ibid., p. 157.
98 Il est très souvent fait état de cette affectio ad causam qui traduit tout l’intérêt que les témoins récusés portent aux conflits en cours entre l’abbé et les consuls qu’ils soutiennent. Par exemple pour G. Gyron dont il est dit habet affectionem ad causam pro ipsa villa, ibid., p. 152 ou pour B. La Coste et autres qui eux aussi habent affectionem ad causam pro villa, ibid., p. 153, ou bien encore G. Escrit qui est particeps cause et habet affectionem ad causam pro villa et commodum et incommodum ad ipsum spectat, ibid., p. 153.
99 Voir par exemple P. Fressard et autres qui sunt participes cause, ibid., p. 157 et S. Delsol et autres qui eux aussi quam alii sunt participes dicte cause, ibid., p. 157.
100 Ainsi G. Roland et autres sunt de villa et eisdem hominibus in causa ista assisterunt et assistunt consilio et auxilio et de ordinatione et consilio eorum causa ista regitur per ipsos homines, ibid., p. 151. Magister Stephanus Delsol dictis hominibus in ista causa constitit et astitit consilio et auxilio, ibid., p. 158.
101 Magister P., procurator et sindicus in ipsa causa fuit pro dictis gerentibus se pro consulibus et communitate et recipiebat certum salarium pro causa ipsa et pro aliis negotiis eorundem, ibid., p. 151.
102 Sur ce point voir les développements précis qu’Y. Mausen, Veritas adiutor, op. cit., p. 536-543 consacre aux « personnes officiant dans l’affaire » en faisant remarquer (p. 543) que « c’est moins l’engagement du témoin qui est ici en jeu que la volonté d’interdire à l’une des parties de tirer avantage d’une relation privilégiée dont elle bénéficie ».
103 Mention qui revient régulièrement et aussi souvent qu’il convient de signifier à un témoin qu’il est reprochable. Elle peut être parfois exprimée dans une forme un peu différente, par exemple : imo sunt et esse debent in deffectum nec sunt admittendi amodo ad probandum, ou bien encore plus simplement : sunt et esse debent in deffectu eo quod […], Paix, p. 150.
104 Sur la fama, C. Gauvard, « La fama, une parole fondatrice », Médiévales, 24, 1993, p. 5-13 et Id., « De grace especial », op. cit., 1991, p. 135-143 ; Y. Mausen, Veritas adiutor, op. cit., p. 482-510.
105 Tel est le cas de P. Fressard et autres, Paix, p. 152-157. Y. Mausen, ibid., p. 478- 479 remarque avec finesse que dans de tels cas « il faut plutôt chercher la raison de ce rejet dans la crainte que celui qui vit dans la pauvreté puisse plus facilement être corrompu qu’une personne qui ne manque de rien. C’est pourquoi seuls doivent être refusés les pauvres que l’on peut soupçonner de trahir la vérité pour de l’argent ».
106 Tel P. Sirven effectivement qualifié d’incendarius qui fecit publice incendia et depredationes in terra monasterii de Tuela, Paix, p. 154.
107 J. de Calsac […] furatus fuit cuidam mulieri, dicte La Morga, mantellum suum, ibid., p. 152. A. de Valeta […] rapuit duos trossellos cuidam burgensi Usercensi, ibid., p. 152. B. Lascostas […] est fur eo quod furatus fuit de questa quam facit ad opus edificii Beate Marie de Aureliaco, ibid., p. 153. P. Janen […] furatus fuit cereum de ecclesia Beate Marie de Aureliaco, ibid., p. 153.
108 Ibid., p. 154. Les cas d’homicide ne sont pas rares : G. de Marcena […] est homicida et de homicidio convictus pro eo quod ipse occidit G. Durandi, consanguinum suum germanum, manu propria, ibid., p. 154. P. Sirven […] est homicida pro eo quod occidit quemdam hominem, ibid., p. 154. A. de Aureliaco […] occidit Jordanetum, janitorem domini abbatis monasterri Aureliaci et G. Lafutas hominem dicti monaterii, ibid., p. 154. D. de Bron […] est homicida et de homicidio convictus pro eo quod ipse interficit R. Ogerdi apud Aureliacm ibid., p. 157.
109 Y. Mausen, Veritas adiutor, op. cit., p. 498-499, insiste sur le fait que « le rejet pour parjure est en tout cas un motif de reproche qui ne peut être effacé par une réparation quelconque, au contraire précisément des autres crimes ». C. Leveleux, La parole interdite. Le blasphème dans la France médiévale, XIIIe-XVIe siècles. Du péché au crime, Paris, de Boccard, 2001.
110 Cette situation paraît avoir été la plus rare : J. de Calsac […] est parjurus et convictus de parjurio, ibid., p. 152. A. de. Valeta […] est parjurus de même que V. de Rialhac […] est parjurus diversis pajuriis convictus, ibid., p. 158.
111 G. de Marcena […] est parjurus et de parjurio convictus ex eo quod ipse fuit monachus et professus in monasterio Aureliaci a quo postea recessit et monasterium dimisit et accepit et habet uxorem de villa Aureliaci […], ibid., p. 154.
112 D. De Croseto […] parjurus eo quod venit contra ordinationem factam et juratam per ipsum cum Durando Vedilha presbitero, super contentione que vertebatur inter ipsos et de hiis fuit convictus et condemnatus, ibid., p. 153. Ou bien encore J. Lancart quod ipse est parjurus eo quod non servavit compositionem factam et juratam per ipum et Geraldum Verat, clericum super contentione quam ipsi habebant […], ibid., p. 153.
113 P. Gaucelini […] parjurus et de parjurio convictus ex eo quod juravit solvere quamdam summam pecunie Androcheo de Montibus, generi suo, pro dote uxoris sue et non fecit, ibid., p. 153. Item, dicti P. Fessart et B. ejus filius sunt parjuri et de parjurio convicti pro eo quod ipsi juraverunt redere Durando Rispaldi et quibusdam aliis certis personis quasdam summas pecunie et etiam curie abbatis Aureliaci quamdam aliam summam pecunie pro expensis certis terminis jam elapsis, quod non fecerunt, ibid., p. 157.
114 P. Gaucelini […] parjurus et de parjurio convictus […] quia pro dicto castro [de Veteribus Campis] juravit fidelitatem domino comiti et postea ipsum reddidit domino Astorgio […], ibid., p. 153. A. de Aureliaco […] est parjurus […] eo quod juravit fidelitatem et homagium de castro Conroez domino abbati Aureliaci, quod cum postea reddidit domino comiti Ruthenensi et fecit sibi fidelitatem homagium de eodem, ibid., p. 154.
115 Sur ce point, Y. Mausen, Veritas adiutor, op. cit., p. 506-508, analyse finement la situation et fait entre autre remarquer que « de fait à Paris, les juges royaux refusent d’admettre ce reproche », p. 509.
116 C’est une avalanche de reproches qui pleut sur A. de Valeta qui est vilis persona, lusor, ebriosus, et frequentator tabernarum, parjurus multis parjuriis, raptor, sans oublier qu’il est aussi meurtrier et sorcier, Paix, p. 152.
117 De telles appréciations sont courantes. Ainsi G. Roland et autres sunt inimici et adversi monaterii, ibid., p. 151. A. de Valeta, […] inimicus et persecutor monasterii, ibid., p. 152 et 158, tandis que G. Bonenfant et A. d’Aurillac sont tous deux présentés comme étant inimicus capitalis et persecutor monsaterii, ibid., p. 154.
118 Sur ces trois cas particulièrement évocateurs et auxquels bien d’autres pourraient facilement être ajoutés, Paix, p. 152, 154 et 158.
119 Sur ces trois exemples et d’autres qui pourraient être évoqués, ibid., en particulier p. 153-154.
120 Aucune précision n’est donnée sur ce second train d’interrogations sans doute ordonné par le Parlement, mais dont on ignore les raisons et les délais dans lesquels il fut mis en œuvre. Toujours envisageable « afin d’élargir le plus possible la faculté de prouver des parties ». Cette possibilité est particulièrement bien étudiée par Y. Mausen, Veritas adiutor, op. cit., p. 77-89 (Les productions supplémentaires).
121 Paix, p. 169. Désormais bien connu, l’argumentaire abbatial y est ainsi résumé : ipsi sunt de villa Aureliaci et habent ibi possessiones, fratres, sorores, nepotes, et alios qui sunt de genere suo, qui sunt consortes ejus litis et contribuunt in expensis, propter que habent affectionem ad partem gerentium se pro consulibus et communitate dicte ville […].
122 D’intéressantes comparaisons pourraient être conduites avec d’autres enquêtes assez semblables et qui ont été étudiées, par exemple S. Bepoix, Une cité et son territoire. Besançon, 1391. L’affaire des fourches patubulaires, Besançon, PUFC, 2010.
123 Mandement de Philippe le Hardi du 6 février 1283, ibid., p. 62 […] mandamus vobis quatinus, in causis predictis, requisitionem testium et probationum quos predicte partes coram vobis produxerint, secundum traditam predictis auditoribus alias a nobis formam procedatis […].
124 Mandement de Philippe le Hardi du 25 juin 1277, ibid., p. 51-52.
125 Convocation de l’abbé et des procureurs des consuls, nov. 1277, ibid., p. 52.
126 Sur tous ces points H. Pissard, Essai, op. cit., p. 98-112 qui évoque, p. 103, « un flottement de la pratique » et « une absence de forme précise ». J.-F. Poudret, « Connaissance de la preuve par la coutume en Europe occidentale au Moyen Âge et à l’époque moderne », La coutume, 2e partie, RSJB, 52, 1990, Bruxelles, De Boeck université, 1990, p. 511-545, maintenant dans Coutumes et libertés, Lausanne-Dijon, Société académique Vaudoise-SHDB, 2009, en particulier p. 74-85 et p. 82 où il est parfaitement démontré comment, à l’occasion de l’arrêt de règlement bien connu de 1269, « la juridiction royale paraît tout d’abord avoir hésité » sur la forme à donner à l’enquête. Voir aussi Id., « Réflexions sur la preuve de la coutume devant les juridictions royales françaises aux XIIIe et XIVe siècles, notamment le rôle de l’enquête par turbe », RHDFE, 65, 1987, p. 71-86, maintenant dans Coutumes et libertés, ibid., en particulier p. 103-112.
127 Telle est bien la constatation de J.-F. Poudret, « Connaissance de la preuve », art. cit., p. 81 quand il écrit « le Parlement n’a plus voulu ou même pu se charger lui-même d’établir les droits locaux invoqués par les parties ».
128 Constitution de procureurs par l’abbé du 11 mai 1284, Paix, p. 63. Longue et touffue, elle est des plus classiques et contient toutes les clauses habituelles en matière de procuration.
129 L’une ou l’autre de ces formules est de règle et précède toujours le compte-rendu de chaque déposition, qu’il s’agisse du premier groupe de témoins ou des onze qui le furent par la suite, Paix, p. 64-169 et 149-159. Rien de plus n’est dit de ce serment dont la prestation est sèchement et seulement rappelée. Pour une riche analyse du sens, de la fonction et la portée d’un tel serment, Y. Mausen, Veritas adiutor, op. cit., p. 190-214.
130 B. Lemesle, « L’enquête contre les épreuves. Les enquêtes dans la région angevine », éd. C. Gauvard, L’enquête, op. cit., p. 63, insiste sur le fait que la référence au serment est parmi d’autres un critère de « véridicité et d’authenticité ». J.-Ph. Lévy, La hiérarchie des preuves dans le droit savant au Moyen Âge depuis la renaissance du droit romain jusqu’à la fin du XIVe siècle, Paris, Sirey, 1939, p. 133- 137, insiste néanmoins sur « le caractère licite, mais subsidiaire du serment ».
131 Pour une étude détaillée de cette question : Y. Mausen, Veritas adiutor, op. cit., p. 89-95, ici résumée.
132 R. Grand, Les Paix, p. LXXXIX, n. 2, a vu dans ce chiffre de quarante « le nombre que la coutume permettait à chaque partie de produire », assertion qui est sûrement à nuancer.
133 Paix, p. 55-62.
134 Sur cette question, B. Guenée, « L’âge des personnes authentiques : ceux qui comptent dans la société médiévale sont-ils jeunes ou vieux ? », Prosopographie et genèse de l’État moderne, édit. Fr. Autrand, Paris, École normale supérieure de jeunes filles, 1986, p. 249-279. L’absence de jeunes est aussi une caractéristique de l’enquête conduite à Besançon en 1391 où sont présents « beaucoup de paysans àgés », ce qui ressort du très instructif tableau destiné à recenser résidence, âge, mémoire, condition, statut et origine des quatre-vingt-dix-neuf témoins convoqués, S. Bepoix, Une cité, op. cit., p. 38-46.
135 J.-F. Poudret, « Une enquête inédite sur la coutume du pays de Vaud (1512) », Coutumes et libertés, op. cit., p. 135-136, fait une constatation assez voisine, même si les témoins de cette enquête sont un peu plus jeunes et « dans la force de l’âge entre trente et cinquante ans ». Tout à l’opposé, l’enquête conduite en Bordelais en 1236-1237 révèle que les cent vingt jurati qui y participent « sont considérés, à deux reprises, comme les plus anciens de cette terre (seniores terre) ou de chaque paroisse », F. Boutoulle, « L’enquête de 1236-1237 en Bordelais », dir. Th. Pécout, Quand gouverner c’est enquêter. Les pratiques politiques de l’enquête princière (Occident, XIIIe–XIVe siècles), Paris, de Boccard, 2010, p. 126.
136 Autorisation toujours possible, mais délivrée par le juge dans des conditions bien spécifiques comme le démontre Y. Mausen, Veritas adiutor, op. cit., p. 83 sq.
137 Paix, p. 133. Cette extrême sous représentation des femmes paraît bien être une tendance forte. Ainsi par exemple en Lauragais où, lors d’une enquête conduite dans la décennie 1240, « les hommes sont très largement majoritaires (70 %), et font des dépositions souvent plus abondantes que les femmes », ce qui est aussi le cas à Aurillac, L. Albaret, « Une enquête inquisitoriale dans le Lauragais du XIIIe siècle ou la pratique de l’enquête sur le grand nombre », éd. C. Gauvard, L’enquête, op. cit., p. 201.
138 Comme le note justement L. Albaret, ibid., p. 202, à propos de l’enquête étudiée où « les mentions de titres sont trop aléatoires ou générales (dominus, miles) » et « les métiers et les charges ecclésiatiques sont rarement notés ».
139 Outre Dominus Savaric Moisset, miles, viguerius, ce groupe réunit dominus Guillemus Ernaudi, miles ; dominus Hugo de Tessariis, miles ; dominus Bertrandus de Villa, miles ; Dominus Hugo de Valeta, miles ; Guillelmus de Moleriis, miles. Le seul à n’être qualifié que de miles est Hugo de Caveria, Audition des témoins, passim, Paix, p. 64-164.
140 Aux sept domini susmentionnés, il convient d’ajouter dominus Astorgius Lacomqua, rector ecclesie de Corandella ; dominus Raymundus de Messac ; dominus Petrus de Vado, presbiter ; dominus Guibertus de Cic…, Audition des témoins, passim, ibid., p. 64-164.
141 Ibid., p. 87.
142 Magister Geraldus de Altomonte, canonicus et sacrista de Mimuatensis, ibid., p. 83.
143 Tous les titulaires de ces fonctions sont mentionnés sans ordre particulier au fil des témoignages et en qualité de témoins. Il n’a pas paru utile d’entrer dans le détail des noms tant le nombre et le rôle de ces témoins n’apparaît pas avoir été de premier plan, Audition des témoins, passim, Paix, p. 64-164.
144 J.-F. Poudret, « Une enquête », art. cit., p. 135, fait à peu près la même constatation pour un enquête de 1512 en pays de Vaux où de nombreux témoins sont originaires de la ville ou d’une localité voisine.
145 Tous ces renseignements sont extraits du procès-verbal des dépositions de ce second groupe de témoins, Paix, p. 159-169.
146 Celui de Savary Moisset, viguier de l’abbaye est un modèle d’exhaustivité et de précision, en particulier pour tout ce qui touche à la seigneurie et aux droits de l’abbé pour lesquels des justifications juridiques et données factuelles sont toujours apportées avec minutie et à propos, Paix, p. 64-70.
147 Pour prendre la mesure, l’ampleur et la qualité de cette enquête, R. Grand, Paix, p. LCCCIX, qui décrit cet « immense rouleau de trente-sept peaux de parchemin mesurant plus de vingt mètres » et qui surtout le publie dans son intégralité, p. 50- 169.
148 F. Boutoulle, « L’enquête », art. cit., p. 126.
149 Paix, p. 70-77. Des durées de 58 ans sont aussi à plusieurs reprises mentionnées ainsi que, parfaitement acceptables, de 43 ans à 27 ans.
150 J.-F. Poudret, « Une enquête », art. cit., p. 136, relève aussi des situations semblables et note qu’elles sont « l’appréciation la plus répandue faisant remonter les souvenirs jusqu’à l’âge de dix ans ». C’est aussi la conclusion qui ressort de l’enquête de Besançon où les deux tiers des personnes interrogées situaient à 10 ans l’âge où pouvaient remonter leurs souvenirs, S. Bepoix, Une cité, op. cit., p. 48.
151 Paix, p. 112, bene sunt sexaginta anni quod ipse qui loquitur vidit […].
152 Par exemple, Astorg de Messac, ibid., p. 87 et bien d’autres, passim.
153 Hugues de Clavière, ibid., p. 104 et qui dit encore : a tempore quo erat serviens abbatis.
154 Bernard de la Ville, ibid., p. 105. Sur cette question de la précision du souvenir et de la date des faits, voir Y. Mausen, Veritas adiutor, op. cit., p. 602 sq.
155 Sur ce point, J.-Ph. Lévy, La hiérarchie, op. cit., p. 70.
156 Par exemple, Pierre de Besse est « requisitus quomodo scit quod ipsi erant viguerius et bajulis ipsius abbatis […] » et Pierre du Gué est requisitus quomodo scit quod predicta sunt vera […], ou encore requisitus quomodo scit quod ille qui bannivit dictos homines hoc faceret ex parte dicti abbatis, Paix, p. 112, 118, 119.
157 Y. Mausen, Veritas adiutor, op. cit., p. 610-650 consacre à cette question des développements majeurs auxquels ces lignes et celles qui suivent sont grandement redevables.
158 Paix, p. 78, témoignage de Guillaume de Lostau. Témoignage concordant d’Hugues de Clavière qui vidit quod homines Aureliaci prestiterunt dicto abbati sacramentum fidelitatis, ibid., p. 103.
159 Paix, p. 102, témoignage d’Hugues de Clavière.
160 Ibid., p. 107, témoignage de R. du Gué. Bien d’autres exemples abondent comme celui d’Astorg Laconque qui, évoquant le sort de condamnés, vidit eos suspensos, ibid., p. 82, d’Hugues de Tessières qui vidit arrestari pluries per gentes abbatis equos militum et aliorum pro debitis que debebant, ibid., p. 89, ou encore celui très riche d’Étienne Bonenfant qui vidit quod servientes abbatis qui tunc erat venerunt ad domum dictorum fratrum apud Aureliacum et bona in dicta domo existentia ceperunt et ea secum apportaverunt et domum predictam funditus diruerunt prout vidit, ibid., p. 91.
161 Témoignage extrêmement précis en ce sens de Pierre de Boussac qui vidit abbatem et conventum Aureliacensis monasterii aut eorum mandatum tenere in curia sua, in abbatia, assisias suas et placita inter homines ville Aureliaci et extra villam indifferenter et levare deffectus et emendas ab ipsis hominibus, et ibi respondebant dicti homines, prout vidit, coram mandato dictorum abbatis et conventus, dicens quam nunquam vidit nec audivit dici quod aliquis, nisi abbas et conventus, reclamaret in dicta villa Aureliaci aliquam justiciam seigneuriam nec dominium, ibid., p. 70-71.
162 Par exemple Savary Moisset, ibid., p. 69.
163 Ibid., p. 81.
164 Ibid., p. 76. On peut y ajouter le témoignage de Guibet du Pont qui audivit preconisari et bannun [fieri] ex parte abbatum et consulum, ibid., p. 124.
165 Ibid., p. 158. Voir aussi le témoignage de Pierre de Boussac : dicit quod semper vidit quando preconizatur in villa Aureliaci quoquo modo quod crida seu preconizatio est facta ex parte abbatis et ex parte consulum, ibid., p. 72.
166 Ibid., p. 71.
167 Ibid., p. 86.
168 Ibid., p. 98.
169 Ibid., p. 77. Ce même témoin affirme aussi : iste qui loquitur vidit et audivit quod dictus Petrus bannitus fuit, ou bien encore iste qui loquitur vidit et audivit banniri apud Aureliacum publice et coram populo Giraudetum Ramundi de Aureliaco, et enfin vidit et audivit Stephanum de Jourdergues de Aureliaco, prout scit de visu banniri apud Aureliacum publice et communiter.
170 Ibid., p. 69.
171 Ibid., p. 81.
172 Ibid., p. 86.
173 Ibid., p. 163.
174 Ibid., p. 165, mention répétée dans la même déposition : vidit, audivit et interfuit.
175 Ibid., p. 102.
176 Ibid., p. 108. Les témoignages fourmillent d’exemples semblables comme celui de Guibert du Pont qui vit effectivement arrêter un meurtrier D. de Nugon. Condamné à mort par jugement dont il fut absent (non interfuit judicio), il assista ensuite à sa conduite jusqu’aux fourches (vidit eum duci ad furchas) pour y être suspendu, exécution à laquelle il fut présent (ibi fuit suspensus prout vidit), ibid., p. 123.
177 Ibid., p. 84. À son cas peut être ajouté celui de Guillaume Ernaud […] de causa scientie concordat cum teste immediate precedente quantum ad clamores et deffectus et quantum ad hoc quod litigabant coram abbate et ejus mandato, ibid., p. 87. De même celui de Géraud Saunier, ibid., p. 84.
178 Témoignage de Pierre de Boussac interrogé au sujet des murs et fossés, ibid., p. 75.
179 Témoignage de Pierre de la Ville au sujet des litiges en cours qui opposaient au Parlement abbé et consuls, ibid., p. 109.
180 Sur ce point, Y. Mausen, Veritas adiutor, op. cit., p. 631 sq.
181 Expression courante, par exemple Guilllaume de Lostau rapporte qu’Eustache de Beaumarchais donna plusieurs fois ordre au nom du roi aux hommes d’Aurillac de partir en armes avec l’abbé prout communiter dicebatur, Paix, p. 78. Hugues de Clavière affirme que murs et fossés sont en saisine de l’abbé prout dicitur communiter, ibid., p. 104. Bernard de la Ville interrogé sur la seigneurie de l’abbé répond qu’il est bien, comme le fut Géraud, dominus solus et in solidum dicte ville prout dicitur communiter, ibid., p. 106.
182 Astorg Laconque affirme que des sergents dont il ignore le nom sont bien des sergents de l’abbé prout scit et ita dicebatur communiter, ibid., p. 82.
183 Ainsi s’exprime Astorg Laconque pour justifier sa connaissance de plusieurs exécutions, ibid., p. 82.
184 Raymond du Gué affirme que l’abbé et le couvent sont bien domini soli et in solidum ville Aureliaci et ejus pertinentiarum prout scit de visu et auditu, ibid., p. 107.
185 Sur la fama, outre les travaux signalés à la n. 104, J. Théry, « Fama : l’opinion publique comme preuve judiciaire. Aperçu sur la révolution médiévale de l’inquisitoire (XIIe-XIVe siècle) », dir. B. Lemesle, La preuve en justice de l’Antiquité à nos jours, Rennes, PUR, 2003, p. 119-147.
186 Ibid., p. 85.
187 Ibid., p. 87.
188 Ibid., p. 130, Formule utilisée par : prout audivit dici communiter et hoc est fama.
189 Attestations assez nombreuses de ce genre de formules par exemple pour Pierre de Boussac quand il évoque le système de criée en vigueur dans la ville, ibid., p. 72, ou encore pour Hugues de Clavière sur le même sujet, ibid., p. 104.
190 Témoignage de Raymond du Gué, ibid., p. 107.
191 Ibid.
192 Elle est assez courante, par exemple dépositions de Guillaume de Lostau, ibid., p. 80 ou de P. de La Ville : dicit quod non recolit, ibid., p. 128.
193 Déposition d’Hugues des Monts : burgenses Aureliaci de quibus non recolit […] quorum nomina ignorat, ibid., p. 116.
194 Déposition d’Hugues de Clavière, ibid., p. 102.
195 Déposition de Géraud de Montal, ibid., p. 83. Des dépositions allant dans le même sens ne manquent pas, par exemple Guillaume de Lostau, p. 79 ; Étienne Bonenfant, p. 94 et Pierre Chapelain qui avouent ignorer les noms des sergents de l’abbé, p. 85.
196 Déposition de Guillaume de Lostau, ibid., p. 77.
197 Déposition de Raymond de Messac, ibid., p. 90.
198 Déposition de sœur Aygline, p. 133.
199 Pour ces deux formules : déposition de Guillaume de Lostau, ibid., p. 78 et 80.
200 Déposition de Guillaume Ernaud, ibid., p. 86.
201 Déposition de Pierre du Gué, ibid., p. 121.
202 Déposition d’Astorg Laconque, ibid., p. 81.
203 Déposition de Géraud de Montal, ibid., p. 83. À ces exemples débordants d’assurance on peut ajouter celui de Gérard Saunier dicens tamen quod de predictis omnibus de quibus supra deposuit est fama publica prout audivit dici communiter, ibid., p. 84, ou celui de Guibert Bonenfant qui requisitus super quatuor primis articulis, contenta dicit in eis esse vera et reddit eamdem causam scientie ad factum Astorgii de Senilles, ibid., p. 84 et enfin celui de Guillaume Ernaud : super quatuor primis articulis, super quibus fuit tantummodo productus, quantum ad contenta in tribus articulis, dicit vera esse contenta in eis, prout vidit et audivit dici communiter et super hoc est fama quadraginta sunt anni et a dicto tempore citra, ibid., p. 86.
204 Ibid., p. 75.
205 Ibid., p. 80. Étienne Bonenfant fait à peu près les mêmes réponses sur la même question en précisant qu’il ne fut présent ni à l’interrogatoire ni au jugement, qu’il ignore qui a jugé et en quel lieu les meurtriers furent arrêtés, ibid., p. 90.
206 Déposition de Raymond du Gué, ibid., p. 108.
207 Par exemple Pierre du Gué qui dicit quod beatus Girardus […] erat dominus solus et in solidum prout dicitur communiter et super hoc est fama, ibid., p. 119.
208 Comme Guibert de Cic […] qui déclare : de jurisdictione quam beatus Giraldus habebat in dicta villa dicit […] quod habent vel quasi possident ibi premissa et quelibet premissorum et alia ad dominium ville pertinentia exercent et exercerunt tam ipsi quam eorum predecessores, per se vel per alios, ab antiquo prout vidit, ibid., p. 122.
209 Déposition de Savary Moisset, ibid., p. 68.
210 Cette description correspond sans doute à ce qu’était l’ancienne sauveté et en énumère dans le détail les limites faites de croix et d’arbres facilement reconnaissables sur le terrain, de bâtiments, telle la léproserie et tout naturellement les eaux de la Jordanne. Tout laisse à penser que Savary Moisset avait parfaitement en tête le contenu du compte-rendu de la « vue et montrée », ibid., p. 68.
211 Déposition de Pierre de la Ville, dicit etiam quod ipse vidit et audivit quod homines et consules ville Aureliaci recognoscebant villam generaliter, inter et extra, esse de justitia dicti monasterii et hoc antequam iste abbas esset Aureliaci, prout vidit et audivit et audiverit, ibid., p. 105.
212 Déposition d’Hugues des Monts, ibid., p. 114.
213 Déposition de Savary Moisset qui, évoquant plusieurs abbés prédécesseurs et celui dont il est le viguier actuel, affirme à leur propos : esse dominos in solidum ville Aurliaci et tenebant curiam suam et assisias suas in curiis ipsorum et explectabant seu explectari faciebant per gentes, nullo ibiden habente dominum, seigneuriam nec justiciam aliquam sine ratione ipsorum et ab ipsis abbatibus, ibid., p. 69.
214 Déposition de Pierre de Boussac : vidit abbatem […] tenere in curia sua, in abbatia, assisias suas et placita inter homines ville Aureliaci et extra villam indifferenter, ibid., p. 71.
215 Déposition de Pierre du Gué qui déclare avoir été assessor in curia abbatis et avoir tenu pour lui placita inter homines dicte ville. Il précise aussi que Guillelmus de Molleriis, miles, tenuit assisias suas pro abbate apud Aureliacum coram ulmo, ibid., p. 119.
216 Déposition de Guillaume l’Ostau, ibid., p. 76.
217 Déposition de Pierre d’Aurillac, ibid., p. 161-162.
218 J.-M. Carbasse, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, Paris, PUF, 2000, p. 253-254. C. Gauvard, R. Jacob, Les rites de la justice. Gestes et rituels judiciaires au Moyen Âge occidental, Paris, Le Léopard d’Or, vol. 9, 2000. Pour un exemple particulièrement emblématique, C. Gauvard, « Pendre et dépendre à la fin du Moyen Âge : les exigences d’un rituel judiciaire », dir. J. Chiffoleau, L. Martines et A. Paravicini-Bagliani, Riti e rituali nelle società medievali, Spoleto, Centro italiano di studi sull’alto medioevo, 1994, p. 191-211.
219 Exemple d’autant plus marquant que « cette peine ne paraît pas avoir été d’application courante en France » comme le fait remarquer Y. Bongert, Histoire du droit pénal. Cours de doctorat, rééd. J.-L. Lefebvre, O. Descamps, L. de Carbonnières, Paris, Éditions Panthéon-Assas, 2012, p. 175.
220 Déposition d’Étienne Bonenfant : Item dicit quod eodem tempore de quo ipse deposuit quod ipse vidit precognizari apud Aurelaicum ex parte abbatis et consulum dicti loci, quod homines dicti loci venirent visuri fieri justitiam Ramondi Andree et sic fecerunt prout vidit et tunc dominuis Ramundus Moiseti, bajulus dicti abbatis, duxit extra Aureliacum dictum Ramondum Andree et sibi occulos extraxit seu eruit, prout vidit et presens fuit et plures de quibus non recolit, Paix, p. 91.
221 Déposition de Raymond du Gué : […] ipse vidit precognizari apud Aureliacum ex parte abbatis Bertrandi tantum quod homines Aureliaci venirent visuri fieri justitiam abbatis et sic fecerunt ut vidit, et tunc ipse vidit quod dominus Ramondus Moiset, miles, viguerius Aureliaci pro abbate, duxit cum multitudine hominum duos homines et unam mulierem ad furchas Aureliaci et eos fecit ibi suspendi, ibid., p. 158.
222 Ces cas sont les suivants, mentionnés ici avec le nom du témoin qui en fait état, l’âge éventuel de sa mémoire ou la durée à laquelle remonte l’événement, le nom celui du condamné s’il est connu, le motif de la condamnation à mort et les modalités d’exécution. Savary Moisset : événement remontant à 45 ans, deux hommes et une femme au nom inconnu, meurtre d’un homme, pendus aux fourches (événement aussi relaté avec variantes par Pierre de Boussac, Étienne d’Omps, Guillaume Ernaud, Hugues de Clavière, Raymond du Gué et Pierre du Gué), Paix, p. 64, 72, 80, 86, 102, 1085, 119. Savary Moisset : événement remontant à 18/20 ans, un homme Aymercic de Macrizit, pendu aux fourches pour vol, ibid., p. 65. Pierre de Boussac : un homme Bernard de Nugon, événement remontant à 48 ans, pendu aux fourches pour meurtre (événement aussi relaté par Guibert du Pont), ibid., p. 71, 123. Raymond de Messac : un homme nommé Raoul, événement remontant à 15 ans environ, pendu aux fourches pour vol, ibid., p. 90. Étienne Bonenfant : événement remontant à 50 ans, un homme Durand Danegan, pendu aux fourches pour meurtre, ibid., p. 90. Étienne Bonenfant : événement remontant à 45 ans, deux femmes dites les Brigonnes, exécutées par le feu pour infanticide (événement aussi relaté par Hugues de Clavière), ibid., p. 80, 102. Gérard Conci : événement remontant à 25 ans, homme Bertrand Nicholai, pendu aux fourches pour vol, ibid., p. 98. Gérard Conci : événement remontant à 14 ans, un homme nommé Rodolphe, pendu aux fourches pour vol, ibid., p. 99. Géraud Richard : événement remontant à 25 ans, homme nommé Aprimeric, pendu aux fourches pour vol, ibid., p. 130.
223 Paix, p. 64-65.
224 Sur ce point, Y. Bongert, Histoire du droit pénal, op. cit., p. 158-159, apporte de très utiles précisions et note que les Registres criminels du Châtelet fournissent la preuve d’une utilsation assez courante de cette peine.
225 Sur l’ensemble de ces témoignages, Paix, p. 64-65, 72, 80, 86, 102, 106, 119.
226 Ibid., p. 91.
227 Ibid., p. 102.
228 Ibid., p. 112.
229 Ibid., p. 129.
230 Y. Bongert, Histoire du droit pénal, op. cit., p. 167-168, en traite tout particulièrement pour l’infanticide en insistant sur son utilisation modulée.
231 À nuancer cependant pour certaines régions comme l’Allemagne et la Flandre par exemple, ibid., p. 151.
232 Déposition de Savary Moisset, Paix, p. 67.
233 Ibid., p. 65.
234 Déposition de Raymond du Gué, ibid., p. 108. Le même sort est réservé à un certain voleur dénommé Ruine amputé du pied par le viguier en personne : amputavit pedem cujusdam latronis, Ruine nomine, pro furto quod fecerat, ut dicebatur, et hoc fecit dictus vigerius nomine […] in quadam platea juxta forchas Aureliaci, Déposition de Géraud Richard, ibid., p. 130.
235 Déposition de Pierre de Boussac, ibid., p. 72 et d’Étienne Bonenfant, ibid., p. 92.
236 Déposition de Savary Moisset, ibid., p. 65. Y. Bongert, Histoire du droit pénal, op. cit., p. 170 précise que cette peine sanctionnait des vols peu importants, souvent commis pour la première fois et qu’elle pouvait être infligée seule ou avec d’autres peines comme le bannissement ou le pilori.
237 Pour une réflexion sur cette peine et des exemples, J.-M. Carbasse, « ‘Currant nudi’, la répression de l’adultère dans le Midi médiéval », dir. J. Poumarède et J.- P. Royer, Droit, histoire et sexualité, Lille-Malakoff, L’espace juridique, 1987, p. 83-102.
238 Déposition de Savary Moisset, Paix., p. 66 et de Pierre de Boussac, ibid., p. 73.
239 Par exemple déposition d’Hugues de Clavière qui mentionne plusieurs cas en particulier pour des criminels en fuite, tel Guillaume Astorg. Alors qu’il avait quitté la ville au lendemain de son crime, viguier et bailli iverunt ad domum dicti Guillelmi, que erat apud Aureliacum et bona ibidem existentia ceperunt et fecerunt apportari in abbatiam […] et ibi remanserunt. Même exemple pour Astorg Lebouige et Durand Fournier, eux aussi criminels en fuite, Paix, p. 102-103. Voir aussi déposition d’Hugues de la Valette : iste qui loquitur vidit quod abbas Aureliaci fecit capi apud Aureliacum bona cujusdam hominis dicti Jolac pro eo quod dicebatur quod dictus Jolac, interfecerat quemdam hominem et fuerunt portata in abbatiam, ibid., p. 127-128.
240 Déposition de Pierre de Boussac à propos d’un certain Jean de Boussac bourgeois d’Aurillac et criminel fugitif : vidit iste qui loquitur domun dicti Johanni dirui per viguerium […] et postea vidit eam diruptam, ibid., p. 71. Suite à coups et blessures, Mathieu et Guillaume du Moulin sont condamnés : vidit eos et audivit condemnari ex parte abbatis et consululum ville Aureliaci et remanserunt bona ipsorum abbati confiscata et domus eorum fuit dirupta, ibid., p. 72. Pour d’autres exemples : déposition d’Étienne Bonenfant (saisie des biens et destruction de maison des frères Boucat, criminels fugitifs), ibid., p. 91. Déposition de Pierre du Gué (saisie des biens et destruction de maison d’Astorg de Senilles convaincu de meurtre), ibid., p. 119. Pour une analyse précise de l’aire géographique et les cas d’application de cette peine d’utilisation très courante, Y. Bongert, Histoire du droit pénal, op. cit., p. 227-230.
241 Déposition de Guillaume Ernaud qui signale des enlèvements de porte par le viguier pour refus de paiement d’amende : ipse amovebat ostia et portas domus sue quousque solveret vel fidejuberet, Paix, p. 86.
242 Déposition d’Étienne Bonenfant qui cite trois exemples parfaitement identiques de criminels ou de criminels fugitifs tous bannis avec saisie de leurs biens et destruction de leurs maisons, ibid., p. 93.
243 Déposition d’Étienne Bonenfant, ibid., p. 96.
244 Déposition de Pierre de Boussac précisant que le prévenu avait été conduit en prison ligatum per brachia ad modum crucifix, ibid., p. 74.
245 Déposition de Guibert de Cic […], ibid., p. 123.
246 Déposition de Savary Moisset, ibid., p. 69, qui s’exprime ainsi lorsqu’il évoque les obligations militaires de la ville à l’égard de l’abbé.
247 Déposition de Pierre de Boussac, ibid., p. 74, à propos d’une participation des Aurillacois à une expédition militaire conduite par l’abbé.
248 Déposition de Guillaume de Lostau, ibid., p. 78, rappelant que les hommes d’Aurillac ont coutume de rejoindre en armes l’armée de l’abbé quand demande leur en est faite.
249 Déposition de Géraud Richard, ibid., p. 69, évoquant l’expédition militaire organisée par les abbatiaux à Turlande avec participation des hommes de la ville.
250 Ainsi Géraud Richard : « non vidit quod dicti homines juramentum aliquod facerent abbati », ibid., p. 130.
251 Sur l’importance des « espaces sacrés », tels cimetières et églises comme lieux porteurs de paix et de concorde, N. Offenstadt, Faire la paix, op. cit., p. 160 et suiv. qui fait remarquer que « les églises servent tant à la négociation qu’au prononcé de la sentence, à la prestation des serments, voire à l’accomplissement de la peine ».
252 Seul Hugues de la Valette apporte un témoignage contraire : « non vidit quod dictus abbas dicti communitati faceret sacramentum fidelitatis », ibid., p. 127.
253 Déposition de Guibert Dupont, ibid., p. 124. Raymond du Gué témoigne dans le même sens en précisant que les habitants avaient réclamé que l’abbé s’exécute le premier, ce qu’il fit, ibid., p. 109.
254 Déposition d’Hugues des Monts, ibid., p. 114.
255 Voir par exemple de nombreuses dépositions en ce sens, ibid., p. 78, 99, 100, 103, 109, 114, 120, 122, 124.
256 Déposition de Géraud de Lostal, ibid., p. 125 : communitas ville predicte prestitit in cimiterio dicte abbatie sacramentum fidelitatis et dictus abbas similiter dictum sacramentum fidelitatis prestitit dicte communitati. Déposition d’Hugues de Valette, ibid., p. 127 : vidit quod communitas ville Aureliaci fecit sarramentum fidelitais abbati Adhamero in cimiterio abbatie predicte, sed non vidit quod dictus abbas dicte communitati faceret sacramentum fidelitati.
257 Déposition d’Étienne Bonenfant, ibid., p. 92 de Pierre du Cellier, p. 117 : burgenses Aureliaci.
258 Déposition d’Hugues de Tessières, ibid., p. 88.
259 Sur ces points : Dépositions d’Hugues des Monts, ibid., p. 114 ; d’Hugues de Clavière, p. 104 et de Guibert du Pont, p. 124.
260 Déposition d’Hugues de Clavière, ibid., p. 103 ; de Géraud de Lostal, p. 126 (subditi et justitiabiles) et d’Hugues de Valette, p. 127 (subditi et justitabiles).
261 Déposition de Pierre du Gué, ibid., p. 120-121. Le témoignage de Guibert de Cic […] va dans le même sens : dicit quod sunt de potestate […] et subditi sunt abbatis et conventus.
262 Déposition de Raymond de Messac, ibid., p. 89 affirmant qu’hommes et bourgeois de la ville ne peuvent plaider devant l’abbé que tanquam singulares personas. Guibert de Sic […] soutient lui aussi sans nuance que tous ces hommes sunt homines potestatis […] et subditi sunt abbati et conventus, ibid., p. 122.
263 Ainsi Géraud Hugues d’Aurillac : dicit se nichil scire quod sint franchi et libere persone ab omni statu servilis conditionis, ibid., p. 160.
264 Déposition de Pierre de Besse, ibid., p. 112 : dicit quod non scit quod est homo potestatis. Géraud de Lostal dit lui aussi quod nescit quid vocant homines potestatis, ibid., p. 125.
265 Déposition de Raymond du Gué, ibid., p. 109. Dans le même sens Guillaume Ernaud : dicit quod nescit si sint jurati vel homines potestatis, p. 87.
266 Dépositions d’Astorg Laconque et de Raymond de Messac, ibid., p. 82 et 89.
267 Déposition de Géraud Hugues d’Aurillac, ibid., p. 161.
268 Déposition d’Hugues de Valette, ibid., p. 127 : dicit quod homines Aureliaci litigant inter se tam in actionibus personalibus quam in realibus coram abbate aut ejus mandato, prout vidit a quo tempore quo se recolit primo, sed nunquam vidit quod ibi responderent pro actione tangente communitatem seu consulatum ipsius ville.
269 Déposition de Simonet de Combrous, ibid., p. 161 : nunquam vidit consules dicte ville Aureliaci respondere coram ipsis abbate et conventu vel eorum mandato in casibus pertinentibus ad consulatum.
270 Déposition de Simonet de Combrous, ibid., p. 160 : […] ipse vidit dictos abbatem et conventum vel eorum mandatum uti et explectare in villa Aureliaci de omnimoda juridictione et justitia alta et bassa, adjornando homines dicte ville coram se, levando ab ipsis emendam et omnes redditus dicte ville, malefactores capiendo, eosdem puniendo, mutilando, fustigando et omnia alia faciendo que pertinet ad justiciam. Pourraient être cités aussi tous les autres témoins qui comparaissent avec lui et qui partagent entièrement son analyse, par exemple Pierre de Villemon bailli royal, maître Pierre d’Aurillac chanoine, Géraud de la Coste clerc, ibid., p. 160-166.
271 Déposition de Savary Moisset, ibid., p. 65 sq. Ce long témoignage regorge d’exemples qui illustrent ces différentes situations. Participation effective : […] ipse qui loquitur in domo sua propria facit, nomine domini abbati, judicia de malefactoribus captis apud Aureliacum et alibi in justicia dicti abbatis et ad dicta judicia vocat ipse qui loquitur burgenses de Aureliaco vel aliquos ipsorum et milites patrie et alios. Refus partiel de participation : […] ipse qui loquitur vocavit plures milites, burgenses et consules ville Aureliaci ut consulerent ei ad faciendum judicium de dicte latrone, et venerunt sed prediciti consules noluerunt interesse judicie et recesserunt et, die crastina, vocavit plures milites et burgenses ad dictum judicium faciendum, quod fecerunt. Participation obligatoirement sollicitée par l’abbé ou ses gens : Requisitus si predicti consules Aureliaci interesse debent judiciis factis per gentem domini abbatis aut ejus viguerium apud Aureliacum, dicit quod non, nisi de voluntate gentis abbatis aut ejus viguerri quia aliquando vidit eos appellatos.
272 Déposition de Guillaume de Lostau, ibid., p. 78.
273 Déposition d’Étienne d’Omps, ibid., p. 81 : […] fuit dictus Raymondus judicatus ad mortem per Raymondum Moyseti bajulum abbatis et plures alios quos vocavit ibi, sed non vidit consules interesse dicto judicio.
274 Déposition de Pierre de Boussac, ibid., p. 72 qui fait état de la condamnation à la peine des yeux per judicium quod fecerunt dicti viguerii et consules, ou encore de la condamnation à mort de deux voleurs étrangers à la ville : fuerunt judicati ad mortem per viguerium abbatis, prout vidit et per illos quos vocaverat secum essse in judicio faciendo et fuerunt suspensos ad furchas abbatis.
275 Déposition d’Étienne Bonenfant, ibid., p. 92. Autre exemple, Durand Frérat clerc est banni ex parte abbatis tantum, ibid., p. 96.
276 Ibid., p. 93. Bien des exemples peuvent être ajoutés tels ceux de Guillaume de Lostau : Astorgius fuit bannitus apud Aureliacum ex parte abbatis et consulum de Aureliaco, p. 76 et de Gérard Conci : vidit dictum Durandum banniri de villa Aureliaci ex parte dictorum abbatis et consulum, p. 98.
277 Déposition de Savary Moisset, ibid., p. 131.
278 Déposition de Guillaume des Moulières, ibid., p. 131. Il n’est pas sans intérêt de noter qu’ici encore l’argument est avancé d’une pratique coutumière favorable à la participation des consuls (talibus inquestis debebant et consueverant interesse). Guillaume de Moulières cite en plus deux autres cas favorables à la position de l’abbé (vidit alias duas videlicet inquestas fieri […] per abbatem predictum et ejus consilium, consulibus ville non vocatis nec presentibus).
279 Déposition de Pierre de Foysac, ibid., p. 132-133.
280 Déposition de Géraud Couci, ibid., p. 134.
281 Par exemple Pierre de Boussac : dicit nichil scire nisi de auditu, ibid., p. 134.
282 Par exemple Géraud de Montagne qui précise que les consuls furent bien présents lors d’une enquête, mais que pour les autres non recordatur quod consules essent ibi presentes, ibid., p. 136, tandis que Géraud de Garric non recolit quod consules ville Aureliaci essent dicte inqueste nec aliquis pro ipsis, p. 136.
283 Pierre de Villemenon présent au Parlement à l’occasion du conflit qui y opposait abbé et consuls rapporte que face au procureur de la ville qui plaidait pour le droit des consuls à participer aux enquêtes in criminalibus, l’abbé répondit avec force par la négative. Simonet de Combous, après avoir énuméré en détail toutes les compétences de la justice pénale abbatiale dicit tamen quod nunquam vidit consules dicte ville Aureliaci respondere coram ipsis abbate et conventu vel eorum mandato in casibus pertinentibus ad consulatum, ibid., p. 159-160.
284 Un seul témoignage infirme, sans aucune justification, cette situation qui semble pourtant admise par tous les témoins. Géraud Hugues d’Aurillac dicit quod consules possunt facere cridas sine abbate et abbas non potest sine consulibus, ibid., p. 161.
285 Déposition de Pierre de Foysac, ibid., p. 70 : audivit fieri communiter apud Aureliacum preconizationes seu cridam ex parte abbatis et conventus et consulum ville Aureliaci. Dans le même sens : Astorg Laconque, p. 81, Girard Conci, p. 100 : quotiescumque ipse vidit cridam apud Aureliacum quod eam vidit fieri ex parte abbatis et consulum dicte ville.
286 Déposition d’Hugues de Clavière, ibid., p. 104 : vidit precognizari [sic] apud Aureliacum ex parte abbatis et consulum quando ipsi erant concordes.
287 Déposition de Géraud de Lostal, ibid., p. 126 : dicit quod proprie a tempore quo se recolit preconizari in omnibus casibus apud Aureliacum ex parte abbatis et consulum qui pro tempore fuerunt et hoc vidit fieri quando abbas et consules erant amici et concordes inter se et quando erant discordes quilibet faciebat quod poterat facere.
288 Par exemple déposition d’Hugues de Clavière, ibid., p. 104 qui cite le cas d’un cri émanant des seuls consuls pour demander à la population de prendre les armes.
289 Avec cependant un avantage reconnu à l’abbé qui, en cas de non respect des mesures publiées et quel qu’en soit le contenu, est seul à bénéficier des amendes infligées. Preuves en sont nombreuses, comme par exemple déposition de Pierre de Boussac : dicit quod quandocumque preconizatur apud Aureliacum, quod aliquid fiat vel non fiat, sub pena, semper audivit preconizari ex parte consulum et abbatis de Aureliaco, et si aliquis veniret contra cridam seu preconizationem, quod solus abbas habebat emendam, ibid., p. 76. Dans le même sens Girard Conci (emenda est abbatis tantum et non consulum), p. 100. Hugues d’Aurillac : abbas levat emendam a venientibus contra cridas, p. 161.
290 Par exemple procéder à un cri en vue de favoriser l’arrestation d’un criminel comme le rappelle Pierre de Boussac, ibid., p. 71-72 : ipse qui loquitur vidit et audivit preconizari apud Aureliacum ex parte abbatis et consulum et communitatis ville Aureliaco, quod quicumque posset capere Ramundum Andreis, latronem et malefactorem ville, quod illum adduceret in villam de Aureliaco et haberet viginti quinque libras parisiensum. Ou encore faire crier que chacun est invité à venir voir justice être rendue comme en témoigne Étienne Bonenfant, ibid., p. 91 : ipse vidit precognizari [sic] apud Aureliacum ex parte abbatis et consulum dicti loci quod homines dicti loci venirent visuri fieri justitiam Ramundi Adree et sic fecerunt (mutilation des deux yeux).
291 Par exemple police des mesures. Déposition d’Étienne Bonenfant, ibid., p. 94 : vidit precognizari [sic] ex parte abbatis et consulum ville Aureliaci, sub pena quod homines dicte ville vendant ad certam mensuram et justam et quod non venderent vinum suum durante bano abbatis […].
292 Les exemples abondent en ce sens. À n’en retenir que deux : Étienne d’Omps dicit quod bene sunt quadraginta anni vel circa quod homines de Aueliaco pro magna parte secuti fuerunt cum armis abbatem Geraldum ad Castrum Novum, ad precognizationem factam parte abbatis et ex parte consulum ville de Aureliaco, ibid., p. 81. Hugues de Tessières cite deux cas précis d’expéditions militaires en faveur de l’abbé pour lesquelles audivit precognizari apud Aureliacum ex parte abbatis et consulum quod homines exirent cum armis et sequerentur abbatem, ibid., p. 88.
293 Ici encore, les exemples abondent. Guillaume de Lostau : dicens quod bene sunt quadraginta anni vel circa quod ad preconizationem abbatis de Aureliaco factam prout vidit et audivit apud Aureliacum ex ex parte abbatis tantummodo, vidit homines de Aureliaco, videlicet totam communitatem ire cum armis in exercitu […], ibid., p. 78. Pierre Chapelain vidit homines et burgenses de Aureliaco exire cum armis et ire apud Bellumvidere cum abbate Bertrando Aureliaci et monachis ad requisitionem dictorum abbatis et monachorum […], ibid., p. 85-86.
294 L’exemple du banvin est souvent cité. Hugues de Clavière dicit quod sunt quadraginta anni quod abbas Bertrandi dedit isti licenciam vendendi vinum suum ad banum mense Augusti et dicto mense ipse vendidit vinum suum mense augusti et tunc temporis ipse fecit precognizari per villam Aureliaci ex parte abbatis tantum quod nullus venderet vinum in dicto tempore sine licencia istius et quod omnes volentes emere vinum venirent ad vinum istius, ibid., p. 103.
295 Déposition de Raymond du Gué, ibid., p. 110. Témoignages parfaitement concordants de Pierre de Besse, p. 110, de Géraud de Lostal, p. 126 ainsi que de plusieurs autres.
296 Déposition d’Hugues de Clavière, ibid., p. 104 : dicit quod credit quod muri et fossata sunt in saisina abbatis.
297 Le témoignage de Raymond du Gué est particulièrement net sur ce point : credit pro certo quod illi qui habent domos, terras et alias possessiones circumque dictos muros et fossata sunt in censiva ipsorum [abbé et monastère] et ab ipsis tenentur sub annuo censu, ibid., p. 110. Nombreux sont ceux qui confirment, par exemple Pierre de Besse : dicit quod domus et horti qui sunt circumquaque, muros et fossata sunt in censu et tenentur ab abbate et conventu, prout audivit et dici communiter, p. 113. De même Géraud de Lostal : credit quod possessiones qui sunt site circumquaque dictos muros sunt in eorum censsiva, p. 126.
298 Les témoignages se succèdent tous identiques sur ce point. Hugues de Tessières : […] tempore abbatis Ademari, ipse vidit muros ville Aureliaci vel partem murorum claudentium abbatiam seu adherentium abbatie refici et reparari per abbatem predictum vel ejus mandatum pacificie et sine contradictione, ibid., p. 89. Girard Conci : vidit edificari per abbates Aureliaci super muros dicte ville et vidit quod dicti abbates triginta sunt anni et a triginta anni citra, quod quando muri Aureliaci ceciderant quod reficebantur per dictos abbatos prout vidit, p. 100. Même témoignage de Pierre de Besse, p. 113, d’Hugues des Monts, p. 115, de Pierre du Gué, p. 110 et de Guibert de Cic […] dicit quod bene sunt quinquaginta anni quod abbas fecit reedificari muros ville Aureliaci qui sunt propre portam d’Aurenca et solvebat operariis dietas suas de pecunia sua, prout vidit, et dicit quod nunc non erant consules apud Aureliacum, p. 123.
299 Jean Lengais rapporte qu’il y a environ cinquante ans, alors que l’abbé Géraud de Cardaillac redoutait une opération militaire du comte de Toulouse, il donna ordre aux consuls de réparer les remparts près de la porte d’Aurenque, que cette réparation fut effective, mais qu’il ignore qui de l’abbé ou des hommes de la ville en assuma les frais. Un seul exemple a pu être retrouvé de restauration assurée par les seuls consuls et payée par la ville. C’est celui qu’évoque Géraud Hugues d’Aurillac, ancien consul : ipsemet qui loquitur, tempore quo fuit consul, bene sunt octo anni vel circa, fecit muros dicte ville reparari in aliqua parte ad expensas communitatis et hominum dicte ville, p. 161.
300 Pierre de Besse est particulièrement affirmatif sur ce point : dicit quod major pars domorum dicte abbatie sunt edificate et eorum tigna imposita super dictos muros seu in dictis muris et utuntur dicti abbas et conventus dicti muris circumdamtibus suam abbatiam pro pariete, ibid., p. 113. Hugues de la Valette : dicit quod ipse vidit super muros dicte ville plures domos in abbatia edificatas et hoc in muris qui sunt retro abbatia, p. 127. Hugues des Monts : vidit quod dicti monachi dicti loci edificaverunt domos suos super muros dicte ville, juxta dictam abbatiam et etiam infixerunt tigna sua in dictis muris, prout vidit, et hoc circumquaque dictam abbatiam. Témoignage semblable de Pierre de Gué, p. 121.
301 Déposition de Savary Moisset, ibid., p. 70, vidit istum abbas et conventum uti muro pro pariete in edificio suo quando edificabant et faciebant infingi trabes et ligna et tigna in ipso muro edificii.
302 Déposition de Savary Moisset : Abbas Guillemus, qui modo est, fecit perforari murum ville de Aureliaco propre portale castri Sancti Stephani et fecit ibidem quodam molendinum, prout vidit, ad aquam, ibid., p. 69. Confirmation par Guillaume de Lostau : vidit iste qui loquitur fieri quodam molendinum novum contiguum muris ville et fecit [abbas] perforari murum, ut vidit, ut aqua decurreret ad molendinum suum, p. 79.
303 Déposition de Girard Conci, ibid., p. 100 : dicit quod bene sunt decem anni quod iste erat bajulus Aureliaci et tunc temporis aqua intrabat in abbatiam Aureliaci per muros dicte ville per quoddam foramen existens in dictis muris et quia dictus foramen erat minis parvum ipse fecit crevi seu augmentari dictum foramen ut dicta aqua intraret in dictam abbatiam cum majori habundancia et dedit operariis qui augmentaverunt dictum foramamen sexaginta solidos. Même déposition de Pierre du Gué, p. 120-121.
304 Déposition de Guibert du Pont, ibid., p. 124-125 : vidit quod abbas qui nunc est […] augmentari fecit quodam foramen existens in dicto muro ut aqua cum majori abundantia veniret ad molendinum suum et tunc ipse vidit quod communitas ville Aureliaci ibi venit et de hoc conquesta fuit, prout vidit, sed non vidit quod propter hoc adiret judicem.
305 Déposition de Savary Moisset, ibid., p. 70 : vidit abbatem et conventum predictos aut ejus mandatum et omnes quicumque essent piscare in dictis fossatis et raucam, herbam et arbores ibidem existentes capere, ibid., p. 70. Raymond du Gué : nunquam vidit quod dictus abbas et conventus piscarentur in dictis fossatis nec aliquis de eorum licencia, dicens tamen quod credit quod omnes possunt piscari pro libito voluntatis, p. 110.
306 Déposition de Savary Moisset, ibid., p. 70 et d’Hugues de Clavière, p. 104.
307 Déposition d’Étienne Bonenfant, ibid., p. 95 : vidit quod dictus abbas dedit Durando de Ponte licencia edificandi quandam domum in fossatis dicte ville dumtamen sibi solveret censum pro dicta platea seu domo.
308 L. Jean-Marie, « La place dans les villes normandes des XIe-XIIIe siècles : un espace difficile à définir », La place publique urbaine du Moyen Âge à nos jours, dir. L. Baudoux-Rousseau, Y. Carbonnier et Ph. Bragard, Arras, Artois Presses Université, 2007, p. 23-35 ; K.-L. Reyerson, « Public and private space in medieval Montpellier : the Bon Amic Square », Journal of urban history, 24, 1997, p. 3-27 ; P. Chastang, La ville, le gouvernement et l’écrit à Montpellier au Moyen Âge (XIIe-XIVe siècle). Essai d’histoire sociale, Paris, PS, 2013, p. 325-345. A. Rigaudière, « Remonstrer que ladite place est commune et publicque et pour les usaiges communs édiffiée (1499) », Des communautés à l’État. Mélanges offerts à Michel Hébert. Memini, 19-20, 2015-2016, dir. J-L. Bonaud, N. Coulet, D. Menjot, Th. Pécout, L. Roy, p. 127-158.
309 Déposition de Guillaume de Cic […], Paix., p. 122 : dicit quod abbas et conventus sunt usi, ut domini, plateis vacuis dicte ville. Dans le même sens, Savary Moisset : ipsi abbas et conventus utuntur et usi sunt, ut domini ville de Aureliaco, muris, fossatis, plateis vacuis dicte ville de Aureliaco, p. 69.
310 Les exemples abondent. La déposition d’Étienne Bonenfant est particulièrement évocatrice : ipse vidit plures homines de Aureliaco accipere plateas vacuas existentes apud Aureliacum sub annuo censu et in dictis plateis edificaverunt domos, prout vidit, et postmodum ipse recepit pro dicto abbate censum a dictis hominibus pro plateis predictis, ibid., p. 97. Celle de Raymond du Gué témoigne aussi d’une coutume bien établie : audivit dici a Petro de Celario quod abbas Hermandus sibi dederat licencia edificandi in quadam platea vacua existenti apud Aureliacum et quod propter hoc dederat dicto abbati magnam pecunie quantitatem et quod eam teneret ab abatte sub annuo censu, p. 110.
311 Les exemples en sont rares. Pierre du Gué cependant : super plateis vacuis requisitus, dicit quod bene sunt triginta anni quod ipse qui loquitur vidit quod abbas Bertrandus tradidit ad annum censum quasdam plateas vacuas dicte ville et etiam dedit sine censu quibusdam hominibus ut ibi edificarent.
312 Pierre de Besse, requisitus de plateis vacuis que sunt usui communi deputate, si nunquam vidit quod abbas daret licenciam edificandi ibidem, dicit quod non, ibid., p. 113.
313 Comme l’atteste la déposition de Pierre du Gué : super plateis vacuis requisitus dicit quod bene sunt triginta anni […] vidit quod abbas Bertrandus tradidit ad annum censum quasdam plateas vacuas dicte ville et etiam sine censu quibusdam hominibus ut ibi edificarent […] et dicit quod dicte platee erant usui communi, ibid., p. 120.
314 Guillaume de Lostau, ibid., p. 79, donne de multiples exemples de constructions diverses réalisées dans de telles conditions et établit la liste des perssonnes qui ont alors bénéficié d’une licencia edificandi, moyennant le paiement d’un cens.
315 Usage courant comme l’atteste Astorg Laconque : audivit dici quod cum aliquis edificabat super muros ville sine licentia ipsorum abbatis et conventus, quod abbas faciebat amoveri dictum edificium, ibid., p. 82.
316 Pour une belle étude et un exemple suggestif : S. Lavaud, « Les clefs des villes de l’Aquitaine médiévale (XIVe-début XVIe siècle) », Le bazar, op. cit., dir. É. Jean-Courret et alii., p. 93-109.
317 Déposition de Pierre du Cellier, Paix, p. 118 qui, après avoir affirmé qu’il n’a jamais vu l’abbé garder les clefs, mentionne une exception, remontant à huit ans, ce qui semble bien avoir été la règle. À cette occasion, les bourgeois de la ville se présentèrent devant l’abbé et lui remirent les clefs tanquam domino. L’abbé les prit, les leur rendit et ils les lui restituèrent. Savary Moisset déclare avoir été présent au cimetière de la ville lors de la signature de la paix et avoir vu alors les hommes et la communitas de la ville remettre les clefs à l’abbé qui modo est, p. 167.
318 Déposition d’Hugues de Clavière, ibid., p. 105 : nunquam vidit reddi claves ville abbati tanquam domino. Raymond du Gué nihil scit si unquam fuerunt reddite claves dicte ville Aureliaci aliter abbati in novitate sua nisi de auditu, p. 111.
319 Déposition d’Hugues des Monts, ibid., p. 116, nunquam vidit quod abbas aut conventus facerent custodiri aut etaim custodirent claves portarum murorum dicte ville. Même témoignage de Raymond du Gué, p. 109.
320 Déposition d’Étienne Bonenfant, ibid., p. 92 : dictus abbas percepit census et redditus suos in pertinentiis predictis […] videlicet in villa, hortis, pratis et terris circumstantibus in dictis locis.
321 Pierre Chapelain, curé, est un des rares à en détailler le mécanisme et la perception, ibid., p. 85 : dicit quod de qualibet domo vendita apud Aureliacum, abbas qui pro tempore est et erat, habebat et habet vendas, videlicet de duodecim denariis unum denarium, que vende recipiuntur per viguerium abbatis, qui pro tempore erat, qui dictas vendas tradebat receptas abbati vel ejus mandato, retenta prius parte sua quam habebat in dictis vendis viguerius, prout scit de visu, de quadam domo vendita apud Aureliacum. Étienne Bonenfant, en fait aussi plus rapidement mention, ibid., p. 94 : bene vidit centum vicibus solvi vendas domibus emptis, venditis apud Aureliacum et dictas vendas vidit solvi abbati, viguerio et camerario Aureliaci qui pro tempore fuerunt et eas solvebant emptores dictarum domorum.
322 Déposition de Girard Conci, ibid., p. 101.
323 Déposition de Bernard de la Ville, ibid., p. 105.
324 Plusieurs dépositions en ce sens : Guillaume Ernaud, ibid., p. 86 : poids du pain non conforme, rompu et donné pour les pauvres. Étienne Bonenfant, ancien bailli de l’abbé, ibid., p. 96, mentionne le contrôle des poids pour le poivre et la cire. Jugés falsa, ils furent rectifiés (adjustata) et leur propriétaire condamné à une amende dont il ne sait si elle fut réellement payée. Girard Conci, ibid., p. 101, relate un important contrôle des poids et mesures pour le pain, le vin, le poivre et la cire. Toute mesure bona et fidelia est restituée, les falsas retirées et leurs utilisateurs sanctionnés.
325 Déposition d’Hugues des Monts, ibid., p. 114 : utilisation de falsa pondera suivie de condamnations à une amende avec obligation d’indemniser les victimes.
326 Déposition de Guibert du Pont, ibid., p. 124. Abbé et consuls opèrent ensemble et se partagent le profit des amendes infligées pour infraction.
327 Déposition d’Étienne Bonenfant, ibid., p. 94.
328 Déposition d’Hugues de Clavière, ibid., p. 103. Nombreux autres témoignages toujours concordants : Étienne d’Omps, p. 81. Astorg Laconque, p. 83. Bernard de la Ville, p. 106. Pierre de Besse, p. 113.
329 Art. 12 des revendications abbatiales, ibid., p. 71.
330 Protestations jointes à l’enquête, ibid., p. 156 : scipturas antiquas in diversis libris contentas.
331 Déposition de Guillaume de Lostau, ibid., p. 80.
332 Déposition de Girard Conci, ibid., p. 100-101.
333 Déposition d’Étienne Bonenfant, ibid., p. 95. Le témoignage du viguier Savary Moisset est parfaitement concordant. Selon lui, les burgenses Aureliaci sont bien en possession d’un consulat et de ses droits, mais ils ne peuvent en jouir nisi mandato abbatis et conventus. Il relève aussi que, lors d’une présentation des nouveaux consuls, l’abbé les récusa, récusation qu’ils ne respectèrent pas, ibid., p. 70.
334 Déposition d’Hugues de Clavière, ibid., p. 105 : nescit utrum de jure istud possint facere seu non.
335 Déposition de Pierre de Boussac, ibid., p. 76.
336 Déposition de Géraud Hugues d’Aurillac, ibid., p. 161.
337 Déposition de Pierre d’Aurillac, ibid., p. 162.
338 Deuxième Paix, ibid., p. 242-243.
339 Expression heureuse de P. Chastang, La ville, op. cit., p. 203-204, qui voit dans ce type de document un ensemble de « normes de la vie politique et sociale montpelliéraine », corpus qui « manifeste également l’existence juridique de la communauté urbaine ».
340 Paix, p. 30 sq.
341 Il fut à ce titre très impliqué, peu après la rédaction de la Première Paix, dans le processus de rédaction de la coutume de Toulouse et fit partie en 1283 de la commission d’enquête aux côtés de l’abbé de Moissac et de Bertrand de Montaigut, H. Gilles, Les coutumes de Toulouse (1286) et leur premier commentaire (1296), Toulouse, RALT, 1969, p. 18-19.
342 Telle est la position de R. Grand, mais pour laquelle aucune preuve n’est avancée, Paix, p. LXXXVI. C’est d’ailleurs plutôt dès le mois d’avril 1280 qu’Eustache de Beaumarchais aurait pu être présent à Aurillac car c’est à cette date que fut une première fois scéllé et signé ce texte par l’abbé et les consuls (quinto idus apprilis, anno Domini millesimo ducentesimo octuagesimo), ibid., p 31.
343 Sur la fonction et le symbole du cimetière dans l’élaboration progressive des différents systèmes de paix, N. Offenstadt, Faire la paix, op. cit., p. 149 sq.
344 N. Offenstadt, ibid., p. 259 sq., consacre de stimulants développements à ce thème.
345 Pour ces citations, texte de la Première Paix, Paix, p. 48-50. Ici encore, les réflexions de N. Offenstadt (ibid., p. 247 sq.) sur cette question de la publication sont éclairantes : lecture complète ou bref résumé en un simple « cry » ? Telle fut peut-être cette seconde formule qui retint l’attention des Aurillacois.
346 Ibid., p. 31.
347 Art. XXIII de la Première Paix, ibid., p. 48.
348 Art. XXIII de la Première Paix. Sur la notion de coutume notoire, J. Hilaire, La construction de l’État de droit, op. cit., p. 98-100.
349 Art. XX de la Première Paix, Paix, p. 47.
350 Art. XXI de la Première Paix, ibid., p. 47.
351 Première Paix, passim, ibid., p. 29-50. On peut aussi relever : « dicimus et ordinamus et statuimus arbitrando ».
352 Lettre de Philippe le Hardi du 3 oct. 1279, Paix, p. 24.
353 Lettre de Philippe le Hardi du 29 nov. 1279, Paix, p. 25.
354 Sur cette question, voir la savante mise au point de S. Dauchy, « Les recours contre les sentences arbitrales au parlement de Paris (XIIIe et XIVe siècles). La doctrine et la législation à l’épreuve de la pratique judiciaire », Legal History Review, 67, 1999, p. 255-311.
355 Arrêt qui fut sans doute bien connu de nombre d’Aurillacois tant sont nombreux les témoins interrogés qui en font état. Ainsi P. de la Ville évoque le tractatus pacis que nullata est per dominum regem, Paix, p. 128. Géraud Hugues d’Aurillac fait état de la pax anullata […] per judicium domini Regis, Paix, p. 161, tandis que Guillaume de la Rivière parle de quidem pax anullata est per concilium domini Regis, ibid., p. 168.
356 Paix, p. 62, mandement de Philippe le Hardi du 2 fév. 1283. Expression reprise en forme de rappel de ces événements dans l’arrêt du 1er nov. 1288 : non placuisse ipsam sentenciam observari, ibid., p. 185. Sur cette question du « placet nobis », S. Petit-Renaud, « Faire loy » au Royaume de France de Philippe VI à Charles V (1328-1380), Paris, de Boccard, 2001, p. 125-131.
357 Pour tous les détails du processus suivi à Toulouse, H. Gilles, Les coutumes de Toulouse, op. cit., en particulier, p. 15 sq.
358 Paix, p. 184-185, arrêt du 1er novembre 1288 : fuit per arrestum nostre curie iterum judicatum ipsam sententiam arbitralem firmam et illibatam de cetero ab ipsis partibus custodiri. Quare nos, ex certa scientia, predictas omnes sentencias volumus et precipimus imperpetuum observari. Sur l’importance de l’enregistrement de ce type d’accord au Parlement, N. Offenstadt, Faire la paix, op. cit., p. 253 sq.
359 Paix, Texte occitan de la patz noela, p. 197.
360 Paix, texte latin de la pax nova, p. 202-203. Vient une nouvelle suite presque exubérante de termes pour qualifier ce texte : compositiones, pactiones, transactiones, conventiones, ordinationes, declarationes.
361 Ibid., p. 202.
362 Le texte occitan de la patz noela, ibid., p. 241, évoque à ce sujet la nécessité pour ces deux paix de esser per la reial majestat cofermadas.
363 Ibid., p. 204 où sont mentionnés avec insistance las costumas e’ls ustges ancias del dih mostier e de la vila.
364 Philippe le Bel déclare alors approuver les pactiones, conventiones, concordationes et declarationes intervenus entre l’abbé et le couvent du monastère d’une part et les consuls et communauté de la ville d’Aurillac d’autre part. Expédition de l’acte de confirmation de déc. 1305, Paix, p. 281.
365 Paix, texte latin de la pax nova, p. 243.
366 Sur ce point, « Pour une nouvelle typologie des régimes urbains », A. Rigaudière, Gouverner la ville au Moyen Âge, Paris, Anthopos-Economica, 1993, p. 15-19 et « Universitas, corpus, communitas et consulatus dans les chartes des villes et bourgs d’Auvergne du XIIe au XIVe siècle », ibid., p. 21-51.
367 P. Chastang, La ville, op. cit., p. 158.
368 Texte de la Première Paix, Paix, p. 30. La contentio sive controversia porte principalement super consulatu, communitate et archa communi que dicti consules dicebant se habere nomine dicte communitatis et ville.
369 Article V de la Première Paix, ibid., p. 36. Les termes utilisés par le texte en langue d’oc pour justifier à la fois la pérennité et l’ancienneté de l’institution consulaire sont très révélateurs : « per aoras e per tos temps e franquamen », « es ancianamen gardat ».
370 Article XI de la Première Paix, ibid., p. 42. L’article XXI, ibid., p. 47, confirme pleinement cette situation et pose le principe d’une seigneurie absolue de l’abbé : dominium et juridictio ejusdem ville ad dominum abbatem nomine monasterii et ejus monasterio pertineant pleno jure.
371 Article XIX de la Première Paix, ibid., p. 46. Bien des coutumes urbaines font mention de tels serments réciproques. La coutume d’Agen, dont la rédaction paraît bien avoir été à peu près contemporaine de celle des Paix, en fait état en termes et contenu très voisins en son chapitre I. Parallèle saisissant avec le texte aurillacois qui incite à poser la question des modèles et des influences. Sur ce texte : F.R.P. Akehurst, The costuma d’Agen, op. cit., p. 16 du texte. Pour la date discutée de la rédaction définitive de la coutume d’Agen : J. Poumarède, Géographie coutumière et mutations sociales. Les successions dans le Sud-Ouest de la France au Moyen Âge, Paris, PUF, 1972, p. 96, qui retient la fourchette 1250-1270 et F.R.P. Akehurst, ibid., p. XVI de l’introduction, qui avance des arguments pouvant tour à tour justifier une rédaction antérieure ou postérieure à cette fourchette.
372 Article XI de la Première Paix, ibid., p. 42. Interdiction de saisie renouvelée à l’art. XII, p. 43.
373 Sur ce point, dir. É. Jean-Courret et alii, Le bazar, op. cit., en particulier Introduction, p. 11-14.
374 Article XVI de la Première Paix, Paix, p. 44.
375 Sur ces divers points, É. Jean-Courret, « Faire maison commune. Les lieux de réunion de la Jurade de Bordeaux (XIIIe-XVe siècle) », Le bazar, op. cit., dir. É. Jean-Courret et alii, en particulier, p. 114-115.
376 Article XVI de la Première Paix, Paix., p. 44.
377 J.-L. Chassel, « La problématique des sceaux de ville dans le Midi de la France médiévale », Le bazar, op. cit., dir. É. Jean-Courret et alii, p. 31.
378 Article VI de la Première Paix, Paix, p. 37.
379 Sur le rôle capital des notaires en ce domaine, P. Chastang, La ville, op. cit., p. 132-161.
380 S. Lavaud, « Les clefs des villes de l’Aquitaine médiévale (XIVe début XVIe siècle) », art. cit., p. 94 attire fort justement l’attention sur la fonction symbolique des clefs dans les cérémonials communuaux ainsi que les enjeux que sous-tendent leur possession et la gestion du trousseau. Ce qu’elle démontre parfaitement à travers l’étude de plusieurs cas.
381 Article XIII de la Première Paix, Paix, p. 43.
382 Article VII de la Première Paix, Paix, p. 38.
383 Article V de la Première Paix, Paix, p. 36.
384 J. Picot a savamment attiré l’attention sur ce point à propos de l’arche des consuls de Montferrand en montrant combien, dans toutes les villes, « l’arche renferme comme un trésor les traces qui fondent l’identité et la mémoire collective de la communauté » : « Montferrand, la communauté, le consulat et l’arca communis », Le bazar, op. cit., dir. É. Jean-Courret et alii, p. 71 et 69-92, passim.
385 Les mentions en sont légion, telles que : ut in pace continetur, juxta pacem, quod est in pace ordinatum, juxta ordinationem in pace contentam, ut faciendum est in inquestis juxta pacem, que […] in pace antiqua fuerunt ordinata, prout in pace in articulo de inquestis, in pace continetur, ut in pace in articulo inquestarum, ultra contenta in pace facta et ordinata quondam per nobilem virum dominum Eustachium de Bello Marchesio, unacum pace antiqua, Première Paix, Paix, p. 196- 243, passim.
386 Ibid., art. III de la Première Paix, p. 35.
387 Ibid., art. VII de la Première Paix, p. 38.
388 Ibid. Il est précisé que ces mêmes murs ne pourront être affectés à d’autres usages que ceux ad quos sunt et fuerunt hactenus deputata.
389 Ibid., art. XI de la Première Paix, p. 42. Bien des formules proches reviennent souvent comme l’obligation d’observer quod est antiquitus observatum, ou bien encore de ne rien faire contre les notarie ville consuetudinis, ou celle de toujours agir prout est fieri consuetum.
390 Ibid., clauses finales de la Deuxième Paix, p. 240.
391 Plusieurs travaux l’ont magnifiquement démontré comme l’atteste la liste mentionnée à la note 67.
392 Article X de la Première Paix, Paix, p. 41.
393 Article VI de la Deuxième Paix, ibid., p. 214. Texte du cri : Qui auria trobada una clau, un coltel ou un aze aital, vengues a me que hol o remeria.
394 Ibid., Texte du cri pour la vente du vin et de l’huile : Al bo vi e al bel ol y a a III deniers la copa e la majo d’aital home. Nombreuses sont les coutumes qui règlementent de manière aussi minutieuse l’utilisation du cri par les pouvoirs, celle d’Agen en est un bon exemple : F.R.P. Akehurst, The costuma d’Agen, op. cit., ch. LII, p. 82-84 du texte. Bien des villes du Rouergue sont aussi dans ce cas, F. Garnier, Une ville et ses finances, Millau (1187-1461), Paris, CHEFF, 2006, en particulier, p. 213 sq.
395 Article VI de la Deuxième Paix, ibid., p. 216, texte du cri des sergents en fonction des étapes de la procédure à suivre jusqu’à l’épuisement des enchères.
396 Ibid., art. XVII, p. 227. F. Garrisson, « Sur les ventes publiques dans le droit méridional des XIIIe et XIVe siècles », Mélanges P. Tisset, RSHDE, VII, 1970, p. 207-246.
397 Ibid., art. VI, p. 215.
398 Ibid., art. V, p. 209-2014 où est détaillée toute cette procédure extrêmement précise ici résumée. S’y trouvent aussi, en langue d’oc, les cinq textes des criées qui jalonnent le déroulement des opérations.
399 Article III de la Première Paix, Paix, p. 35.
400 Article VIII de la Deuxième Paix, Paix, p. 219.
401 J. Hilaire, « Comprendre le fait coutumier », dir. N. Laurent-Bonne et X. Prévost, Penser l’ordre juridique médiéval et moderne. Regards croisés sur les méthodes des juristes (I), Paris, LGDJ, 2016, p. 151.
402 J.-C Schmitt, La raison des gestes dans l’Occident médiéval, Paris, Gallimard, 1990, p. 257 s.
Auteur
Professeur émérite de l’Université Paris II - Panthéon-Assas, membre de l’Institut
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