Chapitre III. Le Quiétisme et la dissolution de la mystique chrétienne
p. 227-243
Texte intégral
1Dans le régime clérical de l’idéologie de la monarchie de droit divin, la fin normale de la spiritualité est le Quiétisme. La tutelle aliénante de l’Absolu sur les réalités humaines constitue, à elle seule, un raccourci et comme une sorte de Quiétisme de la pratique chrétienne, dans la mesure où l’on prétend, au nom de la Vérité du salut, faire l’impasse sur les réalités contingentes de la vie profane. Une éthique de la passivité se prolonge, pour les laïcs frustrés de toute intimité spirituelle vraie, naturellement, dans une spiritualité de raccourci, de voie courte, de chemin direct vers la perfection chrétienne. Telle est la requête des quiétistes.
2Cette récupération d’une mystique pour l’idéologie devait constituer le signe avant-coureur de la mutation de la sensibilité qu’allait bientôt connaître l’idéologie chrétienne de l’Occident au cours du XVIIIe siècle. A partir de ce moment (1688- 1699) la vision de la nature sera libérée de sa référence aliénante à une sur-nature et la nouvelle idéologie des Lumières, rationaliste-naturaliste émergera puissamment dans tous les milieux, principalement en France.
3Non pas que tout dualisme ait disparu, tout au contraire. L’héritage de l’idéologie du christianisme surnaturaliste continue de peser sur les destinées des Lumières. Mais c’est désormais entre une raison divinisée face à une nature qui cherche à fonder son autonomie propre, dans l’empirisme génial de Locke (1690). L’effet le plus visiblement pervers de l’héritage idéologique du Grand Siècle sur le Siècle des Lumières est justement constitué par la nature idéologique et artificielle du concept même de Nature au XVIIIe siècle. Avec celui-ci commence le règne de l’artificiel naturel. Rien de plus artificiel, en effet, que le naturel omniprésent chez les théologiens, les philosophes, les politiques et les artistes de Locke à Rousseau, de Newton à Condorcet, de Fontenelle à Gœthe. Ce naturel n’a plus rien à voir avec la vieille nature médiévale définie dans sa relation intime à la grâce transformante de Dieu. C’est une nature que la théologie moderne a mise en orbite, tout au long de son évolution, jusqu’à l’instant où elle s’est elle-même effondrée par sa propre dissolution surnaturaliste et idéologique dans le Quiétisme1.
4 L’épisode de la querelle autour du Quiétisme qui a ébranlé les milieux catholiques de la cour de Louis XIV entre 1693 et 1699 revêt une signification historique considérable. Il est évident que sur ce point, l’historiographie commune est restée très en retrait de la réalité du phénomène. Rien d’étonnant à cela s’il est vrai que le Quiétisme représente la phase de la dissolution de l’idéologie chrétienne au triple plan de la mystique, de la religion et de la politique.
5Dans son aspect doctrinal, le Quiétisme concerne le problème de l’oraison mystique et les aspects les plus fins de la doctrine traditionnelle. Dans son aspect politique, nous venons d’y faire allusion, le Quiétisme a sonné l’heure d’un changement radical parce qu’il discréditait, en apparence définitivement, la vision sur-naturaliste qui avait été celle de la théologie occidentale depuis plus de deux siècles.
6La théologie du Grand Siècle a débouché sur le scandale quiétiste par deux voies distinctes mais convergentes : la voie cléricale des théologiens qu’avait tracée, dès les premières décades du siècle, le Carme Thomas de Jésus (1597-1623) et la voie laïque des philosophes ouverte par Descartes (1619-1650) dans laquelle devait s’illustrer Leibniz et, après lui, Fénelon.
7Cette dualité des approches du phénomène quiétiste ne doit pas dissimuler le caractère unique et idéologique de sa nature. Il s’agit du problème de l’idéologisation de la mystique surnaturelle. La dissolution de celle-ci (comme celle du poisson, selon le proverbe chinois) avait bien commencé par la tête. Ce dont il est question n’est autre que la problématique globale de la théologie moderne relative à la béatitude possible sur terre selon la révélation de l’Evangile, ou plus simplement à la question de la pratique des béatitudes évangéliques.
1. - Le Quiétisme des spirituels
8On peut observer, en effet, que la théologie moderne a atteint la Révélation au cœur lorsqu’elle a idéologiquement séparé l’homme dans sa nature spirituelle (prise dans le désir naturel de la béatitude surnaturelle) du Dieu de Jésus-Christ qui lui ménage sa divinisation. Ce que la théologie traditionnelle a appelé beatitudo inchoata, le Christ l’avait révélé aux hommes en leur annonçant que le Royaume était proche. La vie sur terre s’ouvrait donc pour la foi des croyants sur une béatitude commencée dans la pratique de l’union mystique au Christ glorieux. La foi et l’espérance eschatologique se voyaient intimement liées l’une à l’autre dans le lien de la charité et la pratique de la science de la charité. Cette ciencia de amor qu’est la mystique, selon l’expression si heureuse de saint Jean de la Croix, comportait une éducation spirituelle de la foi et de l’espérance capable de mettre ces vertus effectivement au service de la sanctification et de la divinisation de l’homme. Mais le premier effet de la théologie dualiste a consisté à rompre le lien vital entre la charité, principe de la divine transformation, et les deux autres vertus théologales, la foi et l’espérance. Dans la nouvelle théologie extrinséciste ces deux vertus ne relient plus à Dieu, elles ne sont plus à proprement parler théologales, elles tiennent à distance de Dieu une intelligence et une mémoire humaines condamnées à penser les choses divines selon le mode humain de la raison et à espérer leur béatitude d’une vie future dont on est exilé. Le ciel n’est plus sur terre, le ciel n’est plus qu’au ciel et la terre ne lui est plus reliée.
9Qu’il s’agisse de la doctrine et de la théorie de la mystique que Thomas de Jésus a consignées dans ses grands Traités parus en 1620 et en 1623, qu’il s’agisse de la fable mystique telle que l’ont pratiquée certains Jésuites thérésiens français, par exemple le Père Surin, entre 1623 et 1635, toujours la même idéologisation de la mystique chrétienne se manifeste. Entre la foi et la gloire, plus de relation vivante. La première procure une perfection chrétienne à la mesure de la raison humaine, qu’elle éclaire (ascéticisme) ; la seconde destine l’homme à une contemplation rarement atteinte et seulement concédée par une communication miraculeuse de la lumière de gloire.
10On ne saurait comprendre l’émergence du Quiétisme à partir des positions doctrinales des Jésuites et de Thomas de Jésus, l’initiateur de la mystique des Lumières, qu’en partant de cette observation. En effet, l’ascéticisme qui se trouvait chez les Jésuites prudemment maîtrisé contre tout retour d’illuminisme, grâce au parti-pris brutal de l’anti-mysticisme, se voit, au contraire, doublé d’un mysticisme original dans la doctrine de la contemplation acquise qu’invente Thomas de Jésus. Dès 1604, il composait l’ouvrage qui devait voir le jour vers la fin du siècle, intitulé "De la contemplation acquise". Paradoxalement, il superposait une contemplation à la méditation définie par les Jésuites. C’est à saint Jean de la Croix qu’on osera en faire bientôt porter la paternité !
11La doctrine de la Montée du Mont Carmel et de la Nuit Obscure, concernant le passage de la méditation à la contemplation, prenait un sens nouveau qui révolutionnait l’esprit de saint Jean de la Croix. De même que sainte Thérèse avait parlé de la contemplation miraculeuse (donnée avec des charismes et des grâces de la prophétie), Jean de la Croix, lui, aurait aussi enseigné une contemplation à la portée de l’homme ("contemplación nuestro modo"), qui pouvait être acquise selon les moyens naturels aidés des secours ordinaires de la grâce. L’ascéticisme se couronnait d’une mystique d’une nouvelle sorte, purement acquise, nullement infuse, la mystique quiétiste. Pourquoi "quiétiste" ? Parce qu’elle consistait en une quiétude, c’est-à-dire à une mise en repos de toutes les facultés actives de l’âme, intelligence et mémoire (pensée sur Dieu, désirs du ciel), volonté comprise, en une cessation active à l’égard de la méditation ordinaire. La perversité doctrinale de la théologie moderne se manifestait pratiquement dans cette vision d’une quiétude chrétienne obtenue par la suspension à l’égard de toute activité y compris de la volonté et de l’affectivité.
12Avant que n’éclate, à la fin du siècle, le scandale du Quiétisme, la mystique de l’idéologie chrétienne avait déjà défrayé la chronique, non seulement en Espagne (dès la fin du XVIe siècle avec les illuminés de Llerena), mais en France avec les néo-illuminés jésuites dont le P. Michel de Certeau a retracé l’histoire. De 1615 à 1645, c’est la chasse aux "dévotions extraordinaires" à l’intérieur de la Compagnie de Jésus. A Séville (1623), à Paris, à Lyon, à Limoges, à Bordeaux (1625-1635), en Picardie et en Lorraine (1630-1635), l’anti-mysticisme triomphant sous Mercurian, relâché sous Aquaviva, devait faire sa réapparition sous Vitelleschi face à la résurgence du vieil illuminisme sous sa forme quiétiste. Il s’agit d’un pré-Quiétisme engendré chez des sujets nourris dans l’ascéticisme. Il résultait de l’amalgame de l’ascéticisme et de la contemplation telle que l’avaient conçue les malheureux défenseurs carmes de saint Jean de la Croix, collaborateurs ou disciples de Thomas de Jésus, propagandistes d’un thérésianisme des grâces extraordinaires en France. Ce courant ascético-mystique pré-quiétiste semble avoir jailli spontanément dans presque tous les ordres religieux, et d’une manière plus spectaculaire dans la Compagnie, du fait de l’ascéticisme ambiant et du primat des grâces charismatiques qui le fondaient en théorie. On en constate la présence symptomatique dans les fondations réformistes qui se piquent de spiritualité, depuis l’époque de l’implantation des Thérésiennes espagnoles en France avec Bérulle, jusqu’aux fondations de la Compagnie dans la première moitié du XVIIe siècle.
13Il semble que l’immense succès rencontré par la Vie de saint Thérèse (du jésuite Ribera) ait contribué à développer chez les jeunes Jésuites français le goût d’une oraison mystique propre à compenser heureusement l’ascéticisme de la spiritualité de leur Institut. Etait-ce possible ? Ne fallait-il pas choisir entre la fidélité à leur Institut et à son esprit et la pratique de la mystique ? Question cruciale, dramatique aussi, puisque ces jeunes religieux étaient conduits, selon la logique de l’idéologie développée tant chez eux que dans la nouvelle théorie de la mystique des Carmes, à interpréter l’enseignement de la Sainte Mère dans le sens d’une contemplation charismatique. L’autorité de sainte Thérèse, réputée "maîtresse de contemplation infuse extraordinaire" était peu faite pour dissiper les appréhensions des supérieurs. En réalité il n’était pas possible d’être à la fois ascéticiste et mystique. Cette double fidélité rendait manifeste l’erreur de perspective de l’idéologie en matière de contemplation.
14Les informateurs romains de la Compagnie ne devaient pas tarder à signaler un peu partout dans les Collèges la multiplication des cas de "dévotions extraordinaires" chez d’excellents sujets par ailleurs soucieux de mener une vie exemplaire au sein de la Compagnie. Plus tard on verra les quiétistes condamner les pratiques ascétiques rigoureuses au profit de la pratique de la seule quiétude acquise. Il n’en était pas ainsi de ces jeunes Jésuites qui prétendaient, au contraire, réconcilier l’action et la contemplation. Et pourtant, ils s’étaient engagés, sans s’en rendre compte, dans la voie piégée d’une contemplation acquise caractéristique de la spiritualité pré-quiétiste.
15Entre 1620 et 1632, dans les quatre provinces de France, de Toulouse, d’Aquitaine et de Champagne, quelques cas de jeunes Pères préoccupent la Compagnie et son Général. On en dénombre plus de seize parmi lesquels se signalent à l’attention Jean de Labadie, Pierre Cluniac, André Dabillon, Jean d’Argombat, qui rompront avec la Compagnie, tous passionnés par un au-delà "mystique" de la foi dans la vie spirituelle et l’oraison2. Le plus singulier d’entre eux semble avoir été ce Jean de Labadie (1610-1674) récemment redécouvert3. De 1625, où il commence sa vie de jeune Jésuite, tout adonné à la lecture des mystiques anciens et modernes, jusqu’à la fin de sa vie errante, il a parcouru toutes les Eglises en quête d’un lieu où fixer son esprit mystique, exilé perpétuel, dans un vagabondage qu’il identifie à la solitude chrétienne (c’est le titre de son grand ouvrage La Solitude Chrestienne publié en 1645). Ayant quitté la Compagnie en 1639, il cherche à fonder sans attendre une Secrète école pour les simples et mène une vie de prêtre séculier errant en France jusqu’en 1649. Il sera tour à tour pasteur calviniste en France, en Angleterre, à Genève et finalement en Hollande, partout rejeté pour son illuminisme, un mysticisme éclectique fait de pièces rapportées puisées çà et là dans la tradition mystique, qu’il tente d’incarner dans chacune des Eglises où il pénètre "pour y dessiner la fiction utopique d’un lieu pour son mysticisme avant d’en figurer le mensonge"4. Il faut dire qu’au jugement de ses supérieurs du Collège de Bordeaux lorsqu’il eût terminé ses études de théologie, Jean de Labadie avait atteint "l’état de vision béatifique" et vivait "à la manière d’un pur esprit".
16C’était pour échapper à l’ascéticisme opprimant que ces illuminés, "nouveaux mystiques", s’étaient égarés dans un nouvel illuminisme, malheureusement réputé thérésien. Aucun personnage n’a mieux illustré l’erreur aliénante commise par ces Jésuites que le Père Jean-Joseph Surin, bien connu pour avoir été le malheureux père chargé d’exorciser les possédées de Loudun. En 1638-1639, réfugié au Collège de Bordeaux, Jean de Labadie habita avec lui. Le Père Surin était déjà fou. Disposition psychotique profonde ? Aliénation mentale aggravée par l’idéologie mystique de l’illuminisme ? Vraisemblablement. La personnalité profonde du Père Surin échappe au jugement de l’historien ; en revanche, l’ambiguïté régnante concernant la signification de sa doctrine et son expérience ne peut durer. L’élève de Louis Lallemant en 1629, année où le Père Surin fit à Rouen son "troisième an", ne saurait être considéré comme son fidèle porte-parole et rien n’est plus opposé à la doctrine de Lallemant (et du P. Rigoleuc), si fidèles à l’inspiration de saint Jean de la Croix, que la doctrine pseudo-thérésienne de Surin.
17Il faut se résigner à voir dans cette doctrine la contrefaçon la plus subtile, et la plus grossière à la fois, de la doctrine des saints, tout particulièrement de l’enseignement de sainte Thérèse sur les grâces extraordinaires de la contemplation. On sait que la polémique à l’intérieur de la Compagnie devait porter, entre Surin et ses confrères, particulièrement les PP. Baiole et Bastille (vers 1659-1660 encore) sur ce point précis. Mais l’importance du cas Surin ressortit à la théologie de la contemplation, puisque c’est sur la doctrine de saint Pierre elle-même qu’elle prétendait se fonder.
18Le Père Surin, en effet, se réfère à saint Pierre au moment même où il va le contredire. Saint Pierre ne se référait pas à la vision de la Transfiguration du Thabor pour fonder la foi ; tout au contraire, il renvoyait au témoignage de la foi des prophètes pour fonder la foi dans la foi au Christ seule. C’est le contraire que font Surin et tous ceux qui prennent appui sur les visions et les révélations extraordinaires pour fonder la foi sur une autre lumière que la sienne propre.
19Relisons les passages de la préface (inédite) de La science expérimentale (1663) rédigée près de trente ans après la possession de Loudun (1632-1640). Surin n’est plus fou cliniquement, mais sa mystique est pure folie lucide : "On peut par deux voies savoir les choses de la vie future, c’est à savoir par la foi et par l’expérience. La foi est la voie commune (...), l’expérience est pour peu de personnes. Les apôtres de Jésus-Christ étaient de ce nombre. Aussi disaient-ils : Quod vidimus, quod audivimus, quod manus nostræ contractaverunt de verbo vitæ annuntiamus vobis ; et ailleurs : Quod scimus loquimur, quod vidimus testamur".
20Surin, à l’instar des apôtres, a touché de ses mains (et il sait) la vie future ! La possession de Loudun l’en a instruit par la grâce des démons :
21"Dieu ayant permis une célèbre possession en ce siècle et à nos yeux, au milieu de la France, nous pouvons dire que des choses de l’autre vie et qui sont cachées à nos lumières ordinaires et communes sont venues jusqu’à nos sens. Nous pouvons aussi avancer ces paroles : ce que nous avons vu et ouï et palpé de nos mains de l’état du siècle futur nous l’annonçons à ceux qui voudront lire cet ouvrage. C’est pourquoi nous avons mis la main à la plume pour expliquer les choses extraordinaires qui ont passé par notre expérience".
22"Tout cela néanmoins est pour servir à la foi. Car comme l’apôtre saint Pierre dans son Epître, ayant allégué aux chrétiens ce qu’il avait vu sur le mont Thabor et ce qu’il avait ouï de la voix du Père, et disant que cela venait "a magnifica gloria", il préfère pourtant la foi à laquelle il les renvoie, "sed firmiorem habemus propheticum sermonem cui benefacitis attendentes" ; tout ce que nous disons avoir vu et ouï n’est dit que pour vous établir dans la foi que vous avez à la parole des prophètes à qui vous faites bien de vous rendre attentifs, comme à un flambeau qui éclaire nos ténèbres".
23On l’aura remarqué, en citant saint Pierre il ne quitte pas la Transfiguration pour renvoyer à la foi pure, il prétend fonder la foi commune sur les visions extraordinaires réservées à l’élite des mystiques. L’escamotage est si gros qu’il a échappé à l’attention des théologiens et des historiens, comme à l’attention de Surin lui-même.
24Saint Jean de la Croix nous avait appris à demeurer dans la ténèbre mystique de la foi. Il demeurait, lui, dans l’esprit de Pierre et de Jean en apprenant à renoncer dans la foi au désir et au goût des visions extraordinaires. Surin prétendait éclairer la ténèbre de la foi au flambeau d’une lumière extraordinaire dont on ne savait plus si elle brillait d’un feu divin ou de la fausse lumière de Lucifer5. On est stupéfait de constater qu’en assimilant au sien le cas des apôtres, Surin en vient tout naturellement à substituer l’extraordinaire mystique, toujours ambiguë, à la foi pure qui ne l’est jamais. Mais surtout, l’assimilation inadmissible de sa mystique à celle de saint Thérèse (incroyablement reprise par son historien grâce auquel ses documents nous sont connus6), illustre le fond du problème concernant la nature et l’origine d’une néo-mystique devenue avec Surin cette science expérimentale qui n’est que la pure contrefaçon de la science d’amour des vrais mystiques. Il s’agit d’une science de la vie future imaginée par des chrétiens en mal d’éternité, parce qu’ils sont frustrés de l’espérance chrétienne telle qu’elle se déploie dans le psychisme humain lorsqu’elle est parfaitement informée par la charité. Surin illustre par là l’attitude moderne du chrétien spirituel, théologien ou profane devant la proclamation du Royaume de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ : l’éternité n’est plus sentie comme déjà commencée dans la vie présente, lorsqu’elle se sanctifie ; elle est seulement visée à distance comme une autre vie, un Siècle Futur, par référence auquel se creuse le vide dans une existence terrestre d’exil et d’aliénation. Et paradoxalement, le domaine "mystique" c’est l’au-delà de la foi. On ne peut mieux dire que la foi des chrétiens, tournée vers la terre, ne se réfère plus qu’à une vision d’aliénés.
25Dans les années 1640-1660 devait avoir lieu le débat décisif au cours duquel serait manifesté la situation intenable dans laquelle l’idéologie acculait les spirituels chrétiens. Tel est l’enjeu de ce fameux épisode où furent mêlées les Ursulines de Loudun et les Jésuites chargés de leur direction, véritable ban d’essai pour la spiritualité moderne à la veille de sa dissolution dans le Quiétisme.
26Le fond du problème posé concernait bel et bien la problématique de l’idéologie avec son dualisme de la nature et du surnaturel, un dualisme maintenant réifié dans l’opposition qui s’était établie pratiquement entre l’ascéticisme et un mysticisme des "grâces d’oraison" dont on faisait de sainte Thérèse le Docteur. Que devenait la voie de l’esprit selon saint Jean de la Croix, cette voie qui ne relevait pas des distinctions anthropocentriques introduites par la théologie des modernes, mais de la tradition biblique la mieux établie (non pas nature/surnature mais humain/divin) ? Il n’en était plus question, tout simplement.
27A l’intérieur de la Compagnie -mais aussi dans d’autres ordres religieux- la situation était insupportable, du moins pour les sujets enclins à la pratique d’une spiritualité plus intérieure et que l’ascéticisme strict ne pouvait pas satisfaire. Ceux-là se tournaient vers les "mystiques" sans du tout renoncer à faire état de l’obéissance aux supérieurs et à demeurer fidèles à l’esprit de leur Institut. On aperçoit bien dans quel malaise se trouvaient, par exemple, des sujets comme Labadie, Surin, Bastide pour ne parler que d’eux, tous concernés par la nécessité d’embrasser cette double fidélité à l’obéissance religieuse et à l’inspiration d’en-haut.
28Chacun de ces religieux représente l’une des trois possibilités qui s’ouvraient aux "spirituels". Labadie, nous dit le P. Surin7, "était en un chemin extraordinaire" (comme lui-même). Cependant il devait faillir à l’obéissance, faute d’humilité, "se laissant conduire l’esprit extraordinaire ne se tenant pas aux maximes de la foi et de l’obéissance". Sorti de la Compagnie au cours de sa troisième année d’études de la théologie, Labadie devait devenir protestant à Montauban en 1650 et pasteur huguenot à Genève en 1659. Disons qu’il représente le cas de l’illuminé qui a choisi la voie "mystique" contre l’ascéticisme.
29Le P. Surin en se comparant à lui soulignait que lui aussi "avait eu des opérations" (= des faveurs extraordinaires dans l’oraison), mais qu’il n’avait pas, grâce à Dieu, pris appui "sur ces mêmes effets, se réglant par là et s’estimant ensuite de cela"8. Il représente donc le cas du Jésuite mystique prudent, qui se laisse conduire à l’opinion et aux avis de son directeur dans la voie semée de périls et la navigation spirituelle des "mystiques".
30Enfin un troisième cas était celui du P. Bastide qui devait entrer en grande controverse avec le P. Surin à propos des grâces mystiques entre 1656 et 1660. Lui et un autre Jésuite, le P. Anginot, connaissaient le P. Surin depuis 1638 et le début de l’affaire des possédées de Loudun. Entre lui et eux il s’agissait d’interpréter correctement la doctrine de saint Jean de la Croix sur le nécessaire dégagement et le rejet total des grâces extraordinaires de l’oraison. Entre eux et lui se nouait le drame spirituel de cette malheureuse époque.
31Ce n’est pas le cas de la folie ou de la possession démoniaque du P. Surin qui constitue le centre d’un tel débat, c’est la théologie de la mystique chrétienne. Ecartons l’anecdote et passons aux choses sérieuses. Le P. Surin est à nouveau victime de 1656 à 1661 de vexations diaboliques9 accompagnées de grandes faveurs "surnaturelles". Les PP. Bastide et Anginot connaissaient ses dispositions et ils lui imposaient d’obéir et de rejeter totalement de telles faveurs. Ils invoquaient l’autorité du Père Jean de la Croix au deuxième livre de la Montée du Mont-Carmel (chapitre XI et suivants) comme ils l’avaient déjà fait en 1638 au début de la possession du Père10.
32En 1663, dans son Autobiographie, le P. Surin aborde le fond du problème.
33Il rappelle d’abord comment près de trente ans auparavant le P. Anginot l’avait "désespéré". Le P. Bastide plus ouvert aux faveurs mystiques, lui, l’avait "assassiné au lieu de (le) sauver". Ses supérieurs renouvelaient pour lui l’agonie dont les directeurs de sainte Thérèse l’avaient pendant vingt ans accablée. Leur idée était "qu’il faut rejeter (ces grâces extraordinaires) et s’en retirer pour se remettre dans la foi qui enveloppe avec soi la privation de tout cela" comme l’enseigne le Père Jean de la Croix.
34Mais lui n’est pas d’accord. Il ne cherche pas à savoir si c’est parce que ses directeurs entendraient mal l’enseignement auquel ils se rapportent en réduisant la foi dont parle l’auteur de la Montée du Mont-Carmel à la foi à forme humaine de l’ascéticisme. Il en est incapable, étant lui-même touché d’ascéticisme. Son refus est de ce fait radical et sans nuance : "Je trouvais que cela portait un grand mal à l’âme qui, par là, se trouvait dégarnie de la grâce que Notre-Seigneur lui faisait, et retombait dans sa pauvreté naturelle... si bien que, quand l’on défendait à l’âme de s’en prévaloir, cela la détruisait et accablait entièrement"11.
35Pas question pour lui, néanmoins, de désobéir aux ordres reçus. Se rapportant à la doctrine du P. François Suárez dans son De Religione (livre IV, chapitre XV), il distingue dans l’obéissance le jugement spéculatif du jugement pratique. Il marquera son désaccord avec ses supérieurs quant au jugement spéculatif seulement. Il se persuade que le Père Bastide "a tort, que la pratique qu’il conseillait était déraisonnable, et que le Seigneur voulait le consoler en lui départant de l’extraordinaire"12.
36"Je commençai donc à me plaindre au Père de cette procédure et Notre-Seigneur me disait manifestement dans les occasions, voyant la grande extrémité et agonie où mon âme était réduite par cet effort de rejeter les grâces, que cela ne se devait faire, et que ce Père avait grand tort (...), que la pratique de ce Père était déraisonnable (...) et que la direction commune me suffirait.
37Voilà donc le Père Surin revenu à une direction spirituelle commune, sans doute plus libérale du fait qu’elle restait ouverte à la voie des consolations mentionnée dans la méthode des Exercices. Le "mystique" éconduit par un directeur plus exigeant en matière de "discernement des esprits" trouvait refuge dans l’ascéticisme. Telle était finalement l’issue du débat pour le Père Surin.
38Mais pour le Père Bastide ? Son cas est complexe et l’on aurait tort d’imaginer que citant le Père Jean de la Croix il en avait bien pénétré l’esprit. Tous semble prouver qu’il ne l’avait pas saisi, si ce n’est très matériellement et selon des vues très ascéticistes encore.
39Abordant la question13, le Père Cavallera soulignait l’étrangeté de son comportement. Pourquoi donc consulter, à son tour, la visionnaire Mère des Anges et lui demander de faire trancher le différend par le "Saint Ange" qu’elle consultait assidûment ? N’était-ce pas flagrante incohérence de la part d’un "disciple" de saint Jean de la Croix ?
40Assurément, c’est bien ce qui donne à cet épisode "un caractère encore plus curieux", mais combien révélateur. Le Père Bastide consultait la voyante, à l’instar du Père Surin, comme si l’autorité de saint Jean de la Croix ne suffisait pas à démasquer l’illusion dans laquelle le Père Surin était engagé, tout bonnement parce qu’il restait fidèle à la pratique de la confirmation selon le "deuxième temps" telle que son Institut la pratiquait dans l’élection. Mais il l’appliquait à tort, s’agissant d’une règle fondamentale en matière de théologie mystique qui ne souffrait aucune exception, surtout dans le cas présent, manifestement celui d’un "illuminé". Et c’est ici que la conclusion s’impose.
41Ce qui aurait pu sortir de l’épisode de Loudun et de la controverse autour du Père Surin, une controverse longue de plus de vingt-cinq ans, ne s’est pas produit : le retour au sens de la voie de l’esprit, aux notions classiques de l’humain et du divin, du sentido et de l’espíritu selon saint Jean de la Croix. La distinction entre la voie naturelle et la voie surnaturelle, entre la perfection commune et la perfection "mystique" explique l’issue bizarre d’une controverse engagée sous le patronage de saint Jean de la Croix et qui se termine sur un lamentable quiproquo.
42Le P. Surin et son contradicteur étaient victimes de la même problématique de l’idéologie dualiste. Le premier pouvait légitimement estimer, en Jésuite fidèle à l’esprit de son Institut, qu’il ne devait pas rejeter le surnaturel sensible sous peine de perdre son "bien-être surnaturel14" légitime et de "retomber dans sa pauvreté naturelle15". Tant pis si en bonne doctrine sanjuaniste une telle conduite était insensée. Le second avait pour lui la tradition de l’ascéticisme, méfiant à l’égard des révélations malgré la méthode de l’élection chère à la Compagnie. Sortir du naturel, c’était s’exposer aux illusions. Finalement la mystique chrétienne faisait problème.
43Pour sortir de cette ambiguïté, le bon sens aurait voulu que l’on abandonnât une problématique dualiste incompatible avec l’expérience et avec l’enseignement de la tradition. Ce n’est toutefois pas ce qui s’est passé. La mystique resterait marginalisée et la contradiction serait surmontée autrement, comme elle l’a été, dans le Quiétisme.
44C’est, en effet, en vue de surmonter l’ascéticisme sans répudier les charismes, que les Jésuites hostiles aux tendances mystiques ont pratiquement rejoint le camp des théologiens de la contemplation acquise. Cette contemplation est pré-quiétiste en ce sens qu’elle est purement ascétique, par le rejet des consolations extraordinaires et aussi par l’abandon des mortifications excessives. Elle est mystique au sens où l’entendait saint Jean de la Croix, par le fait qu’elle ne dépend que de la foi nue. Cette contemplation "tirée" de la doctrine du dépouillement (desnudez) et de la nudité spirituelle enseignée par saint Jean de la Croix, devait donner le change et passer pour authentique auprès des pré-quiétistes et bientôt des vrais quiétistes. Elle correspondait à une pratique de la quiétude acquise imaginée par des scolastiques pris au piège de l’idéologie qui les empêchait de rejoindre la réalité vécue de l’union à Dieu.
45A ce piège se sont laissé prendre nombre de Jésuites et de Carmes. Et non des moindres, témoin Thomas de Jésus dans la famille de sainte Thérèse et Surin dans celle de saint Ignace. Chez l’un et chez l’autre c’est, au départ, le refus de situer la vie mystique tout entière dans l’orbite de la foi, le parti-pris de rejeter l’enseignement de saint Jean de la Croix sur le negocio de la fe et l’"enderezar el alma en fe a la divina unión"16, pour lui superposer d’autres révélations extraordinaires venues d’un au-delà de la foi, afin de la confirmer du dehors pour la plus grande gloire de Dieu.
46Quant aux actifs, voués aux tâches apostoliques de l’extérieur, leur deuil spirituel ne peut faire illusion. "Faute de savoir et de pouvoir s’entretenir avec Dieu, il s’investissent davantage dans les tâches institutionnelles qui en sont le substitut et ils supposent que, par leurs services, ils quittent Dieu pour Dieu". Spirituels et actifs adversaires ne s’opposent qu’au titre du même exil. Mais en christianisme, il ne saurait y avoir d’ordre religieux actif coupé de la contemplation mystique, ni non plus de contemplation chrétienne coupée d’un apostolat actif. En se réifiant comme ordre actif original, moderne par son traitement inattendu de la mystique17, la Compagnie avait consolidé son idéologie, mais aggravé le malaise spirituel de ses membres.
47Le cas de ces "aventuriers de génie" que furent les Pères Jean-Joseph Surin (1600-1665) et Jean de Labadie (1610-1680) mérite de retenir l’attention. Ils illustrent le drame spirituel du Grand Siècle avant l’irruption de la crise quiétiste. De Surin et Labadie à Molinos et Fénelon, l’on peut suivre le processus de l’aliénation de la mystique chrétienne dans chacun des genres de contemplation imaginés par la théologie moderne de la mystique. Chez les premiers, c’est la contemplation "extraordinaire" dont sainte Thérèse est censée être la maîtresse. Chez les seconds, la contemplation "normale" dont on attribue la paternité à saint Jean de la Croix. Lamentable spectacle de la mystique moderne se dissolvant dans une double aliénation, prophétique là, philosophique ici ! Ce drame spirituel de la théologie moderne, méconnu malgré l’énorme bibliographie ancienne et récente autour de la question de la mystique chrétienne et de sa "fable", reste incompris de nos contemporains si l’on en juge par les travaux de la fin du XXe siècle. Il faut donc insister, car il y va de l’intelligibilité de notre histoire spirituelle et de l’histoire de l’idéologie elle-même.
48Il convient de souligner le drame spirituel de ces Jésuites victimes, moins de la réification de l’institution que de l’idéologie qui en est la cause. Pour eux, plus de passage harmonieux de l’oraison à l’Action, mais un exil interne de la prière.
49Dès 1587, le Père Joseph Blondo, provincial de Milan et ami de Gagliardi, reprend une formule des origines, mais sous la forme : "Se priver de Dieu -dans la vie active- par amour de Dieu". Pour ces spirituels, l’action est une privation du désir, l’exil dans un silence.
50S’agit-il encore du silence de Dieu ? Rien n’est moins sûr. Là est le drame, car ces "spirituels" sont condamnés à supprimer la mystique au moment d’en négocier les fruits, à lui substituer un vide intérieur qui la contrefait. Lorsque les PP. Blondo et Gagliardi se privent de Dieu par amour de Dieu, ce n’est pas la leçon de sainte Thérèse (ni celle de saint Jean de la Croix) qu’ils entendaient, mais, à nouveau, celle de ses inquisiteurs qui la tyrannisaient18 faute de comprendre que les regalos dont ils la détournaient, loin d’être l’œuvre du Tentateur, venaient de Dieu comme autant de faveurs destinées à sa conversion vers l’intérieur dans la foi théologale. Le chrétien ne se prive pas des consolations par amour de Dieu en ce sens qu’il s’exilerait de la prière et de désapproprierait à la manière des philosophes, pour que Dieu remplisse (surnaturellement) ce vide (naturel) à la manière des gourous. C’est parce qu’il aime dans la seule foi le Dieu qui se livre à lui totalement dans la foi qu’il ne fait pas cas des consolations. S’il ne cherche pas à connaître les choses divines "par une voie surnaturelle"19, c’est-à-dire par delà ce que la foi fait connaître de Dieu et de ses mystères, c’est parce qu’il pratique à sa manière le vrai sola fides et ne fonde pas sa vie sur son "bien-être surnaturel", c’est-à-dire sur ce qu’il entend et goûte distinctement des choses de Dieu, mais uniquement sur la foi obscure possédée dans l’amour désintéressé.
51La hantise de l’illuminisme qu’inspirait une fausse idée de l’oraison de foi des mystiques (on confondait celle-ci avec l’inaction face à la méditation discursive) a condamné ces Jésuites à vivre l’ascéticisme de leur institution réifiée, dans une aridité personnelle, dans une désappropriation parfaite de pure abstraction. Ils ont pu croire qu’il s’agissait encore d’une aridité et d’une désappropriation conformes à l’expérience de la foi des mystiques. Il n’en était rien. Leur expérience purement naturelle d’un vide que ne préparait pas un plein divin promis, pouvait mener soit au discours sur les Grandeurs de Jésus d’après le témoignage des extatiques dans le vide de la désappropriation bérullienne (si peu goûté par Anne de Jésus et ses compagnes thérésiennes), soit à l’illusion illuministe du Quiétisme (lorsque l’institution et l’administration spirituelle de la Compagnie ne maintiennent plus le cap de l’activité apostolique sur l’esprit propre de l’Institut).
52Face à un mysticisme chrétien pseudo-thérésien aliéné dans la prophétie, on comprend la sage réaction de ces ascètes qui croyaient avoir appris de saint Jean de la Croix à demeurer dans la contemplation de foi. C’est celle-là que Molinos avait enseignée dans sa Guide spirituelle. Publiée en espagnol, à Rome en 1675, l’ouvrage résumait de manière claire et lucide la doctrine captieuse des théologiens de la contemplation acquise, telle que la notion en avait été conçue par Thomas de Jésus dès les premières années du siècle à partir de la doctrine de saint Jean de la Croix passée au crible de l’ascétisme anti-mystique et anti-illuministe. Arrêté en juillet 1685, Molinos était condamné par l’Inquisition le 28 août 1687. On a résumé la perversité de sa doctrine, apparemment fidèle à tous les docteurs de la tradition ancienne et récente, d’un mot : "l’abandon à Dieu pouvait s’accompagner d’un abandon à la nature". Nous avons vu pourquoi : c’est que l’erreur fondamentale de Molinos portait sur la suspension de toute activité du côté de la volonté et de l’amour, et donc sur la mise entre parenthèses de l’ascèse chrétienne.
53L’effet rétroactif de la condamnation de Molinos fit déterrer des pré-quiétistes. On n’alla pas jusqu’à dénoncer le De Contemplatione adquisita de Thomas de Jésus, ni le Traité du P. Philippe de la Trinité (1656) qui consacrait la division de la mystique chrétienne en contemplation extraordinaire et en contemplation acquise ; mais on découvrit la Pratique facile pour élever l’âme à la contemplation du "laïc aveugle" François Malaval (1664) rééditée, avec un important supplément, en 1687. L’inquisition condamnait l’ouvrage, en même temps que celui de Jean Falconi traduit en français en 1667, l’Alphabet pour savoir lire dans le livre de la vie éternelle qui est Jésus-Christ. L’année suivante, en 1689, c’est le "best seller" de la contemplation par abstraction et désappropriation du Capucin Benoît de Canfield, publié en 1609 et réédité en diverses langues dix-sept fois : la Règle de perfection contenant un bref et lucide Abrégé de toute la vie spirituelle. Enfin, le 29 novembre 1689 étaient condamnés deux ouvrages publiés sans nom d’auteur en 1685 (l’auteur n’était autre que madame Guyon) : Règle des Associés à l’Enfance de Jésus, modèle de perfection pour tous les états par les réflexions de plusieurs personnes intérieures, et Moyen court et très facile pour l’oraison, que tous peuvent pratiquer très aisément et arriver par là en peu de temps à une haute perfection. Dans tous ces ouvrages, la réaction contre la mystique extraordinaire des prophètes aboutissait seulement à une autre lamentable contrefaçon de la mystique chrétienne. Le mysticisme des Malaval, des Falconi, des Molinos et des Madame Guyon était une mystique de la contemplation acquise couronnant une méditation discursive. Là ou saint Jean de la Croix avait parlé de disposition contemplative, tous ces "spirituels" parlaient d’une contemplation parfaite dans son ordre. Ils mettaient la charrue avant les bœufs, la quiétude de l’union à Dieu avant la purification passive des sens, sinon de l’esprit.
54En réalité, cette variété de mysticisme n’était que le pendant de la mystique des "prophètes" illuminés, située comme elle dans la problématique de l’extrinsécisme théologique. Là se manifestait la perversité de l’idéologie dualiste de la théologie moderne : on ne parvenait à éviter le Charybde de l’illuminisme qu’en sombrant dans le Scylla du Quiétisme.
2. - Le Quiétisme des philosophes
55Le débat fort confus qui s’instaure dans les milieux catholiques de la Cour entre 1693 et 1699 à propos de madame Guyon devait opposer Fénelon à la hiérarchie catholique représentée par Bossuet. Fénelon prenait la défense de son amie, non seulement en théologien mais aussi en philosophe. C’est en tant qu’admirateur de la sublime métaphysique qu’il a découverte dans un augustinisme cartésianisé, surtout, qu’il va promouvoir un Quiétisme de l’amour pur, absolument original et qui relève davantage de la philosophie religieuse que de la théologie. A cet égard, l’intervention de Fénelon dans la querelle mystique à la fin du Grand Siècle présente l’intérêt de souligner la convergence de l’évolution de la réflexion des théologiens et des philosophes, prisonniers de la problématique dualiste, vers la dissolution de l’idéologie chrétienne et sa mutation prochaine dans la nouvelle idéologie rationaliste propre aux Lumières.
56Il faut rappeler que la méditation métaphysique sur Dieu et l’âme s’achevait, chez Descartes, en méditation religieuse. Sa pratique permettait de vivre en béatitude20. Il s’agissait assurément du Dieu-Notion selon l’idéologie chrétienne (version Descartes) : le Dieu qui pense est connu dans ses perfections par la raison, sujet des idées innées qu’Il lui communique. Dans l’intelligence de l’homme, ce n’est plus la lumière de la foi surnaturelle, ni non plus la lumière de la gloire céleste miraculeusement communiquée à l’intelligence des grands mystiques (comme l’avait enseigné Thomas de Jésus, vingt ans plus tôt), mais la lumière naturelle de la raison (dont bientôt les rationalistes feront leur Dieu).
57Il faudrait citer également le texte étonnant de la Lettre à Newcastle (1648) : "La connaissance intellectuelle est une illustration de l’esprit par laquelle il voit, en la lumière de Dieu, les choses qu’il Lui plaît de lui découvrir par une impression directe de la clarté divine sur notre entendement qui, en cela, n’est point considéré comme agent, mais seulement comme recevant la lumière de la Divinité". La formulation dionysienne évidente de ce passage révèle à quel point Descartes était parvenu à restituer, dans le contexte de l’ascéticisme des Jésuites, une certaine mystique, purement rationaliste s’entend, mais qu’il pouvait considérer à juste titre, dans son contexte idéologique, comme chrétienne. Dans sa Lettre à la Princesse Elisabeth21 il avait précisé que "la méditation métaphysique est un exercice à vrai dire exceptionnel que l’on doit avoir fait une fois dans sa vie". Curieuse analogie avec l’état de quiétude qui constitue le "ravissement" des futurs quiétistes.
58Capital et symptomatique, le point de départ existentiel de Fénelon. S’il invente le concept idéologique du pur amour, c’est parce que dans sa vision de l’espérance chrétienne, il a le vif sentiment de la condition temporelle de l’homme et cherche à en être délivré. Cette nostalgie d’éternité va de pair avec son pessimisme à l’égard de la nature humaine et du cœur de l’homme qu’il croit voué à l’amour égoïste de soi. Cette vision s’exprime dans la disjonction de l’amour naturel intéressé et de l’amour pur de Dieu sur laquelle Fénelon a fondé toute sa réflexion. Une telle vision était incompatible avec l’anthropologie chrétienne traditionnelle dans laquelle le désir naturel de Dieu n’est pas ontologiquement recourbé sur lui-même, mais demeure, malgré tout, dans ses profondeurs, ouvert à l’amour infus surnaturel de Dieu. C’est donc au cœur de l’idéologie de la théologie moderne que Fénelon s’était établi et fixé d’autant plus pathétiquement que le dualisme théorique revêtait, chez lui, le caractère d’un dualisme affectif profondément vécu. En un mot, chez lui également, la charité chrétienne, comme amour surnaturel infus, avait cessé d’animer l’espérance.
59Dans la querelle qui l’oppose à Bossuet, après les entretiens d’Issy en 1694-1695, tout au long de son célèbre écrit intitulé Explication des Maximes des Saints sur la vie intérieure (1697) -condamné le 12 mars 16999 par Innocent XII- son unique occupation est de sauver son pur amour. Il est venu prendre chez lui la place de l’amour gratuit et purifiant des mystiques. Fénelon y fait preuve d’une grande habileté dialectique digne des plus purs théologiens de l’Ecole. Bossuet a su viser au cœur de l’erreur essentielle de Fénelon : s’il est obsédé par la crainte de voir la charité mélangée à ce qui n’est pas elle (l’intérêt propre, l’espérance du ciel, l’horreur de l’enfer), c’est parce qu’il a perdu de vue ce qu’est la charité pure, c’est-à-dire l’amour de Dieu "infusé dans les cœurs " par l’Esprit "qui leur est donné". D’elle-même, cette charité-là ne souffre pas diminution d’être mêlée au désir de l’homme et à son espoir, puisqu’au contraire c’est elle qui les transforme tout au long de l’itinéraire intérieur de la perfection chrétienne. La charité dont parle Fénelon, son amour pur, n’est qu’une abstraction de charité, une idée "idéologique" de la charité.
60On s’en aperçoit bien à propos de la manière dont Fénelon a abordé le point tant disputé de la considération de la Sainte Humanité du Christ dans la contemplation. Comme l’a bien montré Henri Gouhier22, tout se résume dans la manière qu’a Fénelon de résoudre le problème à l’inverse de sainte Thérèse et de saint Jean de la Croix. Lui l’aborde du point de vue du dualisme cartésien de l’âme et du corps qu’il n’hésite pas à appliquer au Christ en croix. Jésus serait demeuré uni à son Père "dans la partie supérieure", tandis que "dans la partie inférieure", il aurait été plongé dans l’angoisse. Cette discontinuité radicale évacue le mystère de l’union hypostatique des deux natures dans la personne du Christ, et la Sainte Humanité de Jésus s’aligne sur l’anthropologie dualiste de Descartes et de ses disciples. Pareillement, tout ce qui comportait, dans l’expérience et la doctrine des mystiques, transformation de la volonté de l’homme dans la volonté de Dieu devient pure substitution de la volonté de l’homme par la volonté de Dieu. Fénelon n’évite le Quiétisme qu’en jouant sur les mots (par exemple lorsqu’il explique que substitution ne signifie pas exclusion)23. A partir de la structure dualiste qu’il tenait de son anthropologie cartésienne, Fénelon ne pouvait pas réellement rendre compte de la réalité de l’union transformante qui fonde le processus de la mystique chrétienne. Malgré qu’il en ait - et malgré son Quiétisme qui réagit contre la théologie miraculiste de la mystique des Lumières - si mystique il y a, elle ne peut être que pur miracle, disons miracle naturel dont Dieu est l’auteur. Pour parler plus exactement, c’est son Quiétisme, pris au niveau de sa philosophie, qui lui permettait de réfuter les partisans de la mystique extraordinaire tout en concevant pour la mystique chrétienne un statut miraculiste proprement naturel.
61On sait en effet -Jean Baruzi y avait insisté et Henri Gouhier y est revenu24- que Fénelon a cru pouvoir mieux rendre compte de la mystique chrétienne en troquant la philosophie thomiste ou augustinienne, traditionnellement mise à profit dans l’Eglise et dans l’Ecole, contre la philosophie de Descartes revue par Malebranche. A l’article XIII des Maximes, il déclare que les mystiques ont cru à tort que la vraie contemplation était miraculeuse, car elle ne l’est que dans la philosophie de l’Ecole dont ils sont prévenus : "Tout ce grand mystère s’évanouit, dès qu’on suppose, avec saint Augustin (il veut dire : avec saint Augustin selon Descartes et Malebranche), que nous avons sans miracle des idées intellectuelles qui n’ont pas passé par les sens". Il recourait ainsi, comme tous les idéologues chrétiens, à une notion de l’idée - ici, la notion de l’innéisme - qui permettait de résoudre la disjonction dualiste tout en établissant une continuité fatale entre l’homme et Dieu, le sens et l’esprit, le corps et l’âme. Chez Fénelon, parvenu au terme de son évolution historique, un tel acte signifiait la ruine définitive du "mystère" chrétien et de sa mystique, à la veille des Lumières.
62L’abstraction fénelonienne est crûment mise en évidence lorsqu’on confronte ses vues à celles des mystiques. Comparé à l’amour que chante un saint Jean de la Croix dans ses poèmes mystiques, un amour purifié et divinisé au cœur de la conscience de soi, le pur amour fait figure de miracle d’abstraction. Il a pour siège la raison pure, plus que le cœur. Dans l’union transformante de la mystique chrétienne, la conscience de soi demeure et la présence du moi humain divinisé est rayonnante. Ce n’est pas le moi qui est absent, c’est Aminadab, le démon adversaire de l’âme-épouse25. La transformation spirituelle se répercute26 dans la partie sensible, ce qui prouve que l’âme et le corps sont ensemble engagés dans l’aventure mystique et que la dichotomie cartésienne si savamment maintenue par Fénelon ("sans exclusion réciproque") est fictive.
63Cette abstraction introduite au cœur de la psychologie par Fénelon allait devenir la pierre d’achoppement des psychologues et des moralistes des Lumières. Rousseau, en particulier, évacuant la problématique sur-naturaliste de Fénelon tentera de faire passer l’amour pur dans le cœur. Il le naturalisera, si l’on peut dire, comme un amour naturel non perverti par la société et sa culture.
64Le Quiétisme de Fénelon annonçait donc l’avènement de la Raison des Lumières, de son abstraction propre et de ses contradictions. S’il n’est plus nécessaire que l’esprit forme des images corporelles dans le cerveau pour se représenter ses "pures intellections", ses "pures perceptions", c’est que les lois de l’union de l’âme et du corps n’ont plus à jouer dans la pure spéculation de l’entendement. L’âme peut penser sans se penser. Le moi psychologique de l’homme historique est ainsi mis entre parenthèses au profit du moi pur. Chez Fénelon, il peut aimer sans s’aimer. Il héritait ainsi de la philosophie de son temps la notion d’un pur entendement (révélé de Descartes à Spinoza et à Malebranche). Il y ajoutait, pour sa part, le pur amour comme le pendant d’un rêve pur qui achevait de fournir à l’idéologie chrétienne du Grand Siècle le principe de sa propre dissolution. Dans la problématique fénelonienne, le surnaturalisme n’était pas réellement désavoué en vertu du dynamisme spécifique de la Révélation chrétienne. Il était seulement maintenu et dialectiquement dépassé, préparant par là un nouvel âge de l’idéologie, celui du rationalisme des Lumières.
65Tout au long de son histoire, l’idéologie a été contestée par l’exemple vivant et l’enseignement des saints. On n’en finirait pas de citer dans le sillage de saint Ignace, de sainte Thérèse, de saint Jean de la Croix, tous ces saints des Temps Modernes qui attestent que l’Eglise n’est pas l’Ecole et que l’Esprit ne cesse de l’habiter, même lorsque les maîtres à penser le renient : les saints Louis de Gonzague, Vincent de Paul, François de Sales, Jean Eudes, les saintes Jeanne-Françoise de Chantal, Marguerite-Marie Alacoque...
66La dissolution de la mystique dans l’idéologie a par ailleurs été dénoncée et contestée par les meilleurs théologiens qu’a comptés le XVIIe siècle. Il faudrait rappeler la mémoire de ces savants, de ces grandes figures de la sainteté éprouvée que furent, entre autres, Jérôme Spert, prieur de la Chartreuse catalane de la Scala Dei, profond commentateur et traducteur de Denys l’Aréopagite ; José de Jesus-María Quiroga, surtout, premier historiographe de la Réforme du Carmel de sainte Thérèse, le fidèle disciple en qui sainte Thérèse et saint Jean de la Croix ont trouvé leur plus profond commentateur. Le destin dramatique de ce grand religieux lui a valu d’assister impuissant à l’entreprise de dénaturation de la doctrine des saints fondateurs de la Réforme du Carmel dans son Ordre même et, après sa mort, d’endosser la paternité de la doctrine baroque de la mystique chrétienne à la place de Thomas de Jésus. Néanmoins, le Grand Siècle n’a pas connu de meilleur défenseur de la mystique chrétienne27.
67Mais la plus spectaculaire contestation de l’idéologie n’a pas été celle des saints, ni celle des théologiens professionnels. Ce fut celle d’un laïc dont l’exceptionnel génie est encore, après trois siècles, une énigme de l’histoire de la pensée.
68La haute figure de Blaise Pascal savant et chrétien, si passionnément mêlé à l’activité multiforme de son siècle mérite, en effet, de retenir toute notre attention. Nul autre que lui n’a été capable de contester radicalement l’idéologie chrétienne dans son esprit même, de telle sorte que Pascal demeure pour nous un exemple. Bien qu’il soit mort trop tôt pour provoquer une salutaire réaction parmi ses contemporains, son Apologie de la Religion chrétienne permet d’entrevoir qu’il s’agissait pour lui d’une entreprise décisive en vue de surmonter les contradictions et les oppositions ruineuses entre les divers courants doctrinaux et spirituels de son temps. Nul ne peut dire quelles auraient été les conséquences de pareille entreprise si Pascal avait pu la mener à bien et s’il n’était pas mort à 39 ans, méconnu même de ses proches. Serait-il parvenu à rétablir la pensée chrétienne de l’Occident dans les voies de son esprit véritable, surmontant les illusions de la problématique de l’idéologie déjà bien solidement installée ? On ne refait pas l’histoire, mais l’on doit savoir profiter de ses leçons. Nous examinerons cela.
Notes de bas de page
1 Trois ans seulement séparent les Principes mathématiques de la philosophie naturelle de Newton (1687) et l’Essai sur l’entendement humain de Locke (1690). Chez Newton, Dieu soutient l’univers ; sans lui pas de gravitation universelle. Chez Locke c’est l’empirisme lui-même qui fonde les principes naturels de la religion "révélée". Paul Hazard l’avait bien souligné. A partir de ce moment le surnaturalisme et l’absolutisme politique étaient condamnés à brève échéance. La monarchie à l’anglaise, libérale et parlementaire, seule possible. La religion cléricale elle aussi avait vécu. Seule une religion naturelle serait possible - la religion "révélée" venant simplement la faire exister. Enfin, la morale s’en trouvait changée. Le dualisme encore maintenu entre une morale "révélée" et une morale "naturelle" ? la première n’avait de chance de survie que dans la mesure où elle se contenterait de rendre possible et de nourrir la seconde. Sur tout ceci, voir IIIe partie, pp. 315 & ss.
2 De 1620 à 1648, d’autres troubles spirituels se sont produits dansla Compagnie en particulier à Nancy et à Pont-à-Mousson (M. de Certeau, o.c., p. 373).
3 M. de Certeau, o.c., pp. 374-405.
4 Ib., p. 402.
5 Le texte de la seconde Epître de saint Pierre (1, 17-19) a précisément été cité par saint Jean de la Croix pour fonder son propre enseignement au second livre de la Montée du Mont-Carmel, ch. XVI, 15. Il s’adressait au directeur de conscience qui s’embarrasse en cherchant à discerner les esprits. "Dieu", leur disait-il (§ 14), "ne vous le demande pas, encore moins vous autorise-t-il à jeter les âmes simples et droites dans le trouble" (saint Jean de la Croix savait ce qu’il en avait coûté à sainte Thérèse d’endurer sur ce point l’insane curiosité de ses directeurs avant 1565). "Vous n’y parviendrez", précisait-il, "qu’en fermant les yeux à tout ce qui est du sens et de l’intelligence claire et particulière". En effet, bien qu’il fût absolument certain d’avoir vu le Christ glorieux lors de la Transfiguration, après nous avoir parlé dans sa seconde Epître, saint Pierre n’a pas voulu qu’on prît son témoignage pour principal fondement. Au contraire, pour acheminer ses disciples vers la foi, il leur a dit : "Et habemus firmiorem sermonem... à savoir les paroles et les sentences des prophètes qui portent témoignage du Christ. Il leur enseigne à considérer la foi dont ont parlé les prophètes comme une chandelle qui brille dans un lieu obscur, c’est-à-dire à demeurer dans l’obscurité les yeux fermés à toutes les autres lumières. Il nous apprend à ne nous appuyer que sur cette ténèbre de la foi qui est elle-même obscure afin qu’elle soit notre lumière". Pour saint Jean de la Croix, contrairement à ce qu’enseigne maintenant Surin, s’appuyer sur des lumières distinctes c’est cesser de prendre appui sur la seule foi. Ajoutons qu’au chapitre XXII du même livre, saint Jean de la Croix avait longuement expliqué pourquoi il n’était plus permis dans la loi nouvelle de l’Eglise d’attendre des signes de la part de Dieu. Il en donne la raison : c’est que la foi qui n’était pas formée du temps des prophètes de l’Ancien Testament l’est maintenant définitivement. D’avance Surin avait été réfuté.
6 Michel de Certeau, Correspondance de Jean-Joseph Surin, Paris, Desclée de Brouwer, 1966 ; La Possession de Loudun, Paris, Julliard, 1970 (collection Archives) ; La Fable mystique, Paris, Gallimard, 1982 (collection Bibliothèque des Idées).
7 Louis Michel et Ferdinand Cavallera, Autobiographie du Père Surin (1634-1663) publiée dans Lettres spirituelles du P. Jean-Joseph Surin, Toulouse - 1928, pp. 120 et 127.
8 Ib, p. 119.
9 Lettres spirituelles, ib., p. 441.
10 Ib., p. 130.
11 Ib., p. 131.
12 Ib., p. 132 : "Je me tins donc à cela et Notre-Seigneur y donne telle bénédiction, me faidant voir fort clairement qu’il (...) fallait user des grâces, les recevoir, se conserver, se dégager, mais qu’il ne fallait pas s’en séparer en s’y opposant, que c’était se priver d’un bien nécessaire et qu’il ne fallait pas se comporter ainsi que ce Père disait".
13 Ib., p. 439.
14 Expression du P. Cavallera, o.c., p. 438 : "Le P. Surin estimait qu’il y avait là une atteinte à son légitime bien-être surnaturel".
15 O.c., p. 131. Sa Majesté "semblait me faire voir clairement que cela n’était pa mon bien, et que ce dépouillement par résistance aux grâces était une ruine et destruction de l’âme, laquelle Dieu ne voulait pas."
16 Montée du Mont-Carmel, livre 2, ch. 26, 1. "Mener l’âme tout droit par la foi jusqu’à l’union divine".
17 C’est la thèse du P. de Guibert. Mais il n’a jamais manqué de Jésuites dans la Compagnie pour penser, comme le Père François Chauveau qui fut élève du P. Lallemant à Rouen durant son "troisième an" que toutes les Vies officielles de saint Ignace (il y en eut quatre entre 1572 et 1622) étaient manquées et "ne baillaient pas les notions les plus approchantes des grandeurs de ce grand saint, caché même à la plupart de des enfants". A.R.S.J., Franc. 33, p. 104. Michel de Certeau, o.c., p. 369, n.138.
18 Livre de sa vie, C. 29, 6.
19 Montée du Mont-Carmel, 2, ch. 27, 6.
20 Henri Gouhier, La pensée religieuse de Descartes, 1924, p. 307.
21 III, p. 695, citée par Gouhier p. 311.
22 Henri Gouhier, Fénelon Philosophe, Paris, Vrin - 1977, pp. 105 et ss.
23 Comme le propose Henri Gouhier, transformation signifierait substitution déifiante (o.c., p. 87).
24 O.c., pp. 127 et ss.
25 Cantique Spirituel, str. 39, v. 2, a.
26 C’est la redundancia dans le Cántico, str. 9, v. 5 : "les cavaliers descendaient" (...) "por cierta redundancia del espíritu (en esta parte sensible con sus potencias)" (str. 39, v. 5, f-g).
27 Cf. Jean Krynen, édition et introduction de Apología Mística en defensa de la contemplación de fray José de Jesús María Quiroga, o.c.d. (Ms. 4478 B.N.M.), Anejo LII del Boletín de la Real Academia Española, Madrid-1992 ; et, pour la traduction française : L’Apologie Mystique de Quiroga - Saint Jean de la Croix et la mystique chrétienne, France-Ibérie Recherche, coll. "Thèses et recherches" n° 19, Toulouse - 1990.
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