Chapitre I. Le temps de l’idéologie chrétienne
p. 195-211
Texte intégral
1De 1600 à nos jours, chaque siècle a eu son temps de l’idéologie. Le XVIIe est le temps de l’idéologie chrétienne. Le XVIIIe, celui de l’idéologie sécularisée (le temps des Lumières). Le XIXe, celui de l’idéologie romantique et scientiste. Enfin le nôtre, ce XXe siècle qui s’achève, le temps de la liquidation des idéologies chrétiennes, rationalistes, romantiques et scientistes. Reste à savoir qui du marxisme et du christianisme accomplira cette liquidation.
2L’histoire de l’idéologie moderne est placée sous le signe d’un christianisme à deux étages, l’étage naturel, domaine de l’homme selon la nature, de l’homme nu, hypothétiquement dépouillé de la grâce, et celui de l’étage sur-naturel, domaine du chrétien élevé par la grâce dans le sein de l’Eglise et revêtu des habits et des armes de sa foi.
3Le caractère moderne de cette idéologie procède de l’extrinsécisme ainsi introduit dans la vision globale de l’homme (proprement aliénant) et dont l’effet immédiat mettra en valeur l’inflation du politique dans la vie sociale et culturelle des contemporains de Richelieu et de Fénelon. Ce que l’on pourrait appeler le nouménal de l’idéologie est constitué par la mutation que nous avons décrite précédemment au plan de l’histoire de la mystique dans ses rapports à la spéculation théologique et philosophique. Mais le phénomène idéologique qui apparaît dans l’histoire sociale se signale par la caractéristique de l’inflation du politique et du religieux. A partir de la rupture confessionnelle provoquée dans la première moitié du XVIe siècle par la Réforme protestante, l’on assiste à une réification de la religion aussi bien chez les Réformés que chez les Catholiques. Elle se manifeste dans des directions parfois radicalement opposées (songeons à Luther face à Calvin, aux Jésuites face aux Jansénistes etc.) et l’on a pu dire1 des Calvinistes qu’ils développent l’idéologie de la religion, tandis que les Catholiques militaient pour défendre l’idéologie de la foi, Calvinistes et Catholiques au XVIIe siècle se persécutant pour le bien de la société.
4La culture de la société occidentale moderne a donc vu l’éclatement de la culture cléricale et scolastique dans les derniers siècles du Moyen Age jusqu’au début du XVIIe siècle. La culture cesse d’être à dominante cléricale du fait de la dissolution de la sagesse de l’Ecole divisée entre facultés ou partis. Les intellectuels et les spéculatifs laissent la place aux nouveaux philosophes et théologiens, auxquels se joignent les nouveaux venus fort encombrants que sont les savants, les politiques et les poètes. Jadis, on avait vu les séculiers marginaliser les moines lors de la création des universités ; maintenant, les séculiers ouvraient toute grande la voie aux gens du siècle. Ceux-ci font l’actualité philosophique et religieuse, politique, littéraire et artistique et creusent de plus en plus la marge qui les sépare d’une Eglise repliée sur elle-même, bien cléricalisée (n’a-t-elle pas le ciel pour visée ?).
5Mais ce sont les scolastiques aussi qui se mondanisent, font de la politique et cherchent à influencer les laïcs en prenant sur eux de gouverner l’opinion, voire d’infléchir la politique du monarque. A cet égard, il faut souligner le rôle de premier plan de la Compagnie de Jésus, la championne de l’idéologie théologique dans le domaine politique. Parfaite cohérence des deux aspects de l’idéologie que met en évidence le souci théorique des Jésuites de s’assurer les moyens humains du succès (apostolique). De là, la place qu’occupe dans l’histoire du Grand Siècle la querelle entre Jésuites et Jansénistes, une querelle typiquement idéologique à trois visages, conformément aux trois aspects théologico-mystique, littéraire et artistique, religieux et politique de l’idéologie chrétienne.
6La laïcisation caractéristique de la culture de l’époque est donc intérieure à sa structure chrétienne. Elle reste profondément chrétienne d’inspiration et doit être, à cet égard, nettement distinguée de la culture du siècle suivant. Les clercs du XVIIe siècle ne se contentent pas d’influencer les laïcs, ils se muent aussi en philosophes, en politiques et en poètes. Suárez, c’est déjà la philosophie sécularisée dans le monde : Descartes et Wolff. Le Dominicain Campanella et le Jésuite Mersenne annoncent déjà Galilée et Kepler. L’Augustin, théologien et poète Louis de León c’est déjà nos poètes métaphysiques, anglais ou français, et le Carme Thomas de Jésus, le théoricien par excellence de l’idéologie mystique, le précurseur de Surin et de Molinos. Enfin, lorsque le siècle se termine l’on verra, conformément au phénomène de la récupération idéologique des fins de siècle, se constituer des sectes regroupant philosophes et théologiens, politiques et poètes, des rationalistes en rupture de confession religieuse qui annoncent l’âge nouveau, ce XVIIIe siècle de l’idéologie sécularisée.
1. - L’élan espagnol
7Parmi les nations européennes, l’Espagne de Charles-Quint, de Philippe II et de Philippe III a donné le ton de la culture du temps de l’idéologie chrétienne. C’est dans le contexte espagnol qu’il faut étudier de très près cette idéologie si l’on veut en dégager les constituants structurels, comme on le pressent après ce qui a été dit du rôle de la Compagnie de Jésus (typiquement espagnole) dans la création de l’idéologie.
8La complexité de l’aspect politique de l’idéologie chrétienne saute aux yeux dès qu’on l’aborde dans son domaine espagnol. Il ne saurait être question de le souligner trop longuement ici. Remarquons simplement que la marginalisation de la mystique chrétienne engagée dès la fin du Moyen Age a provoqué dans l’Espagne des trois religions, du fait de la réification religieuse du christianisme (d’ailleurs aggravée par le schisme protestant), une crise profonde d’intolérance. La présence dans le domaine de la monarchie espagnole de musulmans et de juifs a été ressentie comme dangereuse pour l’unité de la foi. Mais beaucoup plus grave, et moins souvent signalé par les historiens, a été le fait que depuis la fin du XIIIe siècle, l’évolution de la scolastique chrétienne face à la menace de la pensée juive et arabe a créé un Islam et un Israël latins bien visibles dans la préhistoire de l’idéologie chrétienne. Le phénomène devait avoir en Espagne des répercussions exceptionnelles. Cette émergence d’un Islam et d’un Israël culturels en pleine impasse de la culture chrétienne a été dramatiquement ressentie par les Espagnols, d’autant plus qu’elle introduisait le conflit et la suspicion entre les fidèles des trois religions monothéistes.
9On peut donc dire que la marginalisation de la mystique chrétienne, qui a eu pour effet de mettre en veilleuse le principe dynamique qui maintenait l’Espagne médiévale dans un équilibre confessionnel spécifique, est devenue dès la fin du XIVe siècle la cause non pas unique, mais première, de la crise idéologique de la religion et de la politique.
10L’apparition du mythe socio-religieux du statut de la pureté du sang devait peser d’un poids énorme sur les mentalités tout au long des XVIe et XVIIe siècles en Espagne. Les consciences atteintes au plus profond par un racisme empêchant toute espèce de conversion spirituelle ont été incapables d’échapper à l’idéologie de l’honor, cet honneur espagnol sur lequel se lamentent prédicateurs et littérateurs, mais auquel ils n’osent refuser un culte sacré. Nul trait de la réification religieuse n’exprime mieux le phénomène de la marginalisation de la mystique, de l’idéologie chrétienne dans l’Espagne moderne des rois catholiques et des Habsbourg. La cause de ce racisme et de ce culte social dévastateur de la société espagnole est intérieure à la crise théologique, et tout particulièrement à la crise de la mystique chrétienne qui avait rendu possible dans l’Espagne médiévale la coexistence des trois religions issues de la promesse faite à Abraham2. L’un des aspects souterrains de l’histoire de la mystique espagnole concerne précisément le destin de la mystique juive et le rôle des catholiques convertis du judaïsme (conversos) dans la grandiose création du XVIe siècle espagnol. Chapitre magnifique que celui-là, de ces juifs réalisant dans leur personne le mystérieux passage de l’exil d’Israël à la Terre Promise ; qui, devenus catholiques, sont les vrais chrétiens, les frères de Jésus par la religion et par la foi, et sur qui pèse dans l’Espagne catholique l’infâmante appellation de chrétiens au sang impur. Le paradoxe de l’histoire espagnole est que de saint Jean d’Avila à sainte Thérèse et saint Jean de la Croix, les trois grandes figures de la mystique espagnole sont de cette race spirituelle des convertis du judaïsme.
11En revanche, le rôle des conversos dans l’avènement de l’idéologie n’a pas été moins grand, qu’il s’agisse de l’Inquisition espagnole où leur pensée et leur action ont été prépondérantes ou des ordres religieux dont ils ont assumé la Réforme dans le sens de la réification de la religion tant au XVIe qu’au XVIIe siècle3. A l’intérieur de la Compagnie de Jésus, il est remarquable que les promoteurs de l’ascéticisme et des innovations doctrinales de l’idéologie soient des conversos, depuis Laínez, le second général, jusqu’aux persécuteurs de Balthazar Álvarez4.
12Dans le Carmel de la Réforme, le phénomène de la réification de l’ordre apparaît au moment où Nicolas Doria entreprend le contrôle proprement politique de la Réforme de sainte Thérèse. Doria a su devenir l’obligé de Philippe II dans sa politique européenne et il est gagné à une conception de la mystique qui n’est pas conforme à celle de sainte Thérèse et de saint Jean de la Croix. Il le démontrera sans ménagement en persécutant le fils spirituel de la première, le Père Jérôme Gracián, et pareillement saint Jean de la Croix lui-même. Visiblement, les sourdes menaces que l’Inquisition et les préjugés ascéticistes font peser sur la mystique des fondateurs lui semblent devoir être définitivement écartés. Dès 1585, la tendance rigoriste de Doria, vicaire général, divise le Carmel en deux clans. L’esprit de l’idéologie de la Contreréforme allait s’appesantir sur la Réforme carmélitaine et sa mystique. Pour sainte Thérèse, venue à la haute mystique en 1562, l’année des guerres de religion, la lutte contre la Réforme protestante était toute spirituelle : conquérir des âmes, se conquérir soi-même pour Dieu, défendre l’Eglise blessée en observant la perfection des conseils évangéliques5. Pas d’idéologie, mais de la mystique : pénitence, pauvreté, souffrance, imitation héroïque du Christ jusqu’à l’union mystique avec lui. Pour Doria, il s’agissait d’asseoir sur des bases doctrinales nouvelles une spiritualité anti-mystique et dure, se réclamant paradoxalement de saint Ignace et vouée à la défense de la politique religieuse de Philippe II dans le monde6.
13Le rôle de ce dernier dans la dérive de la spiritualité mystique et l’affermissement de l’idéologie chrétienne a été décisif. Pour le comprendre, il faut tenir compte de trois éléments.
14D’abord, du contexte général de la société d’Ancien Régime au sortir de la crise politico-religieuse de la Réforme protestante. De soi, la société du XVIe siècle en Occident était politiquement et religieusement aliénante, par suite de la tutelle spirituelle qu’une Eglise de clercs exerçait sur un peuple de laïcs et de la tutelle politique que fait peser sur lui un Etat césaropapiste. Cette double tutelle était dans l’Espagne du XVIe siècle beaucoup plus lourde du fait de l’histoire de la Reconquête et du Patronat que Rome reconnaissait aux monarques hispaniques sur leurs domaines y compris leurs possessions américaines.
15Par ailleurs l’une des conséquences de la Réforme avait été d’introduire le principe selon lequel la religion du peuple est la religion du Prince, marquant par là le triomphe de César sur le Dieu de l’Evangile, toute pieuse intention réformiste mise à part. Les conséquences de durcissement politico-religieux ont été considérables, et pour une bonne part elles expliquent l’apparition de l’idéologie chrétienne en pays réformés et au sein des monarchies catholiques.
16Ici l’Espagne occupe une place à part. Elle le doit aux responsabilités immenses que son Empire faisait peser sur les épaules de Philippe II, mais aussi à la politique personnelle de ce dernier. Poursuivant la politique de Croisade des Rois Catholiques et de Charles-Quint, il conçut son rôle de roi catholique en toute rigueur. La politique qu’il mène est la Politique de Dieu, cette Política de Dios que ses théologiens de la conquête de l’Amérique et de la lutte contre l’hérésie extérieure et intérieure ont précisément définie dans les dernières années du XVIe siècle.
17La conjonction de ces trois éléments explique le rôle de premier plan qui devait revenir à Philippe II dans l’histoire de la mystique espagnole. Elle explique aussi pourquoi l’idéologie chrétienne a trouvé en Espagne son terrain d’élection tout au long de son histoire7.
2. - France-Espagne : de Luis de León à François de Bérulle
18Parmi les courants théologiques et spirituels qui ont marqué l’histoire du XVIe siècle espagnol, l’érasmisme a constitué un facteur de première importance dans l’apparition de l’idéologie chrétienne. Erasme n’est pas un scolastique ; il a été, mais n’est plus moine. Sans être théologien, il rénove la théologie en la rendant à l’Ecriture. Il accomplit dans ce domaine une œuvre d’exégète considérable.
19Mais Erasme est un moraliste et un éducateur. Héritier de l’esprit des Frères de la Vie Commune, il s’est fait de la spiritualité chrétienne une idée littéraire qui christianise le loisir (otium litteratum) cher aux humanistes. Erasme s’inspire en effet davantage d’une religion politique et poétique que d’une religion théologique et à cet égard, il est à l’opposé de Luther.
20C’est pourquoi ses disciples, particulièrement les érasmistes espagnols de l’entourage de Charles-Quint, seront surtout des politiques soucieux de réformer le clergé de leur temps et de contribuer à la Réforme de la piété dans l’Eglise. En marge des courants de la scolastique de l’époque, ils n’agissent pas au centre du phénomène idéologique et malgré les apparences, leur action n’a pas été durable. Contrairement à ce que l’on a dit, ils n’ont pas agi en profondeur sur les courants de la spiritualité de leur temps ni sur les mystiques, ni non plus sur les artisans de l’idéologie chrétienne, tels que Jésuites, Carmes ou Augustins, par exemple sur Louis de León. Le penser est une erreur de perspective : les érasmistes espagnols n’ont contribué qu’indirectement à l’avènement de l’idéologie chrétienne par la réaction qu’ils ont provoquée chez les disciples de saint Ignace et chez d’autres.
21Entre les grandes figures de la scolastique et de la spiritualité espagnoles de l’Espagne de Philippe II, celle qui de loin domine parmi les artisans de l’idéologie chrétienne est Louis de León, le fameux professeur de l’Université de Salamanque, symbole de la Renaissance espagnole. Ce lointain disciple d’Henri de Gand, qu’il vénérait, s’est signalé de bonne heure par son indépendance et sa fougue. Professeur de Bible, il eut maille à partir avec l’Inquisition. Il faut dire qu’il était noté comme converso et que la fréquentation du Livre de Job et celle du Cantique des Cantiques lui avaient valu de faire la preuve d’un esprit novateur en matière d’exégèse.
22Très proche, par le temps, de saint Jean de la Croix et de sainte Thérèse d’Avila, il a été l’un des plus grands poètes religieux de son temps et si Horace a trouvé dans les temps modernes un génie pour l’actualiser en le christianisant, c’est bien en Frère Louis qu’on peut le reconnaître.
23Mais, par-dessus tout, Louis de León est l’archétype du théologien de l’idéologie chrétienne venue des parages de la théologie poétique. Mystique, il ne l’est point. Scolastique, il pourrait être l’égal des plus grands, mais il préfère aux disputes de l’Ecole la manière dialogale et conviviale de Platon. Son chef-d’œuvre ce sont les Noms du Christ, que l’on dirait imprégnés de l’esprit apaisé d’un Erasme, mais qui sont en vérité le plus lumineux témoignage de ce qu’est l’idéologie chrétienne lorsqu’elle a pour inventeur un grand poète doublé d’un mystique frustré et persécuté.
24Ce n’est pas tant à travers son action aux côtés des Jésuites de Salamanque vers 1582, lorsqu’il apporte son soutien aux thèses pré-molinistes de Montemayor, que l’orientation de sa pensée vers l’idéologie apparaît, que dans les pages de ses grands ouvrages qui sont les chefs-d’œuvre de la langue espagnole du XVIe siècle, en particulier dans certains chapitres des Noms du Christ. Lorsque Louis de León nous parle du Christ Pasteur, du Christ Père du Siècle Futur, Roi de Dieu, il laisse parler et son cœur et son intelligence de profond spéculatif. La noétique henricienne qu’il est allé puiser dans le grand rival de Duns Scot à la fin du XIIIe siècle est chose vivante chez lui : le concept de l’être objectif des idées devient le levier d’une prodigieuse révolution de la pensée soudain reliée au surmonde idéal qui subsiste dans le Verbe de Dieu. L’exemplaire idéal de la création vient doubler le monde visible des créatures, créées comme pour rire tant elles lui paraissent frustrées de toute réelle consistance. Chez lui, l’augustinisme médiéval, ses théories de l’illumination et de l’exemplarisme ne sont pas choses mortes mais vivantes : elles vivifient la théologie esthétique des néo-augustiniens de la Renaissance8.
25Dans la ligne de Platon et de Plotin, Louis de León a posé les bases spéculatives de la conception cosmologique et ontologique de l’idéologie moderne. Dans cette problématique essentialiste tout s’anime : l’inspiration morale du stoïcisme qu’incarne la figure du Job biblique et l’inspiration lyrique de la pastorale chrétienne du plus grand des poètes de la Renaissance, le castillan Garcilaso de la Vega.
26Les Odes dont il est l’auteur sont justement admirées, du moins des lecteurs de langue espagnole. Elles traduisent de manière exquise autant que douloureuse l’exil et le rêve d’une nature enfin restituée à son âme christique, l’exil dans la prison terrestre, l’Egypte de la captivité devant l’entrée dans la Terre Promise. Entre terre et ciel, le cœur, l’esprit et l’âme de Frère Louis sont distendus, mais supportent stoïquement l’épreuve dans l’attente de la réalisation de la promesse divine.
27La richesse de l’inspiration des œuvres de notre Augustin est telle, qu’en lui semblent se rejoindre, mais pour coexister plus que pour s’unir, l’Esprit d’Israël et l’Esprit de l’Eglise. Il n’est sans doute point de porte-parole plus émouvant du drame intérieur du converso dans l’Espagne du statut du sang. Et à cet égard, on n’en finirait pas de le mettre en parallèle avec cette sainte Thérèse, la Madre Teresa, la fille de Sion, morte en 1582, qui s’exclamait en quittant cette terre : "Enfin, je suis fille de l’Eglise ! ".
28Louis de León a admiré sainte Thérèse. Il ne l’a sûrement pas comprise, bien qu’il ait pris sa défense au moment d’éditer ses œuvres dans une mémorable Apologie. Dans la ligne de son christisme métaphysique, la seule mystique dont il ait eu l’expérience c’est celle de la contemplation naturelle jaillie de son idéologie elle-même. Ce glissement de l’inspiration profane de la Renaissance vers sa contrefacture sacrée (a lo divino) correspond à la réduction simultanée de la poésie biblique et mystique surnaturelle. C’est pourquoi, lorsqu’il lit sainte Thérèse et les autres extatiques en vogue de son temps, saint Angel de Foligno, sainte Gertrude, sainte Mechtilde, il lui semble qu’ils transmettent aux hommes dans leur exil les messages du surmonde divin.
29De la mystique chrétienne, il s’est fait une théorie cohérente9 : la vie ordinaire du chrétien est une vie de lutte contre les vices en vue de l’acquisition des vertus solides, un combat ascétique et stoïcien ; l’expérience des mystiques chrétiens, une compensation à l’exil faite de faveurs extraordinaires et comme de confidences sur la vie du ciel qui attend les justes. Mystique et ascèse vont de pair mais séparées, tout au plus l’expérience lyrique de la pastorale sacrée, de la contemplation "platonicienne des choses créées", vient-elle compenser cette fracture pour l’humaniste.
30Louis de León a fait de la mystique chrétienne un ornement miraculeux de la vie ascétique. Une telle vision évacuait toute l’expérience des saints ; l’union habituelle avec Dieu, l’inhabitation de la Trinité divine dans l’âme des justes devenaient des images d’une béatitude dont la réalité était réservée à la vie glorieuse10. La spiritualité chrétienne voisinait désormais avec la mystique de la gnose juive. Elle disloquait la structure interne de la foi et l’unité des vertus théologales et reconstruisait l’édifice chrétien selon une logique qui n’est plus celle de la surnaturalité de la grâce sanctifiante, mais celle de l’idéologie dualiste et sur-naturaliste.
31L’intérêt historique de l’œuvre de Louis de León est considérable. Elle permet de rattacher la crise de la mystique à la fin du XVIe siècle au courant néo-augustinien qu’ont illustré les Gilles de Viterbe, les Seripando, Baïus, et plus tard Jansenius. Elle présente l’intérêt de souligner le lien entre deux périodes, celle où le néo-augustinisme moderne bute sur le problème de la justification (chez Luther aussi bien que chez les catholiques) et celle où il est confronté à l’évolution de la spiritualité mystique la plus haute.
32Les décrets du Concile de Trente ont eu raison de la théorie de la double justice que soutenaient ces théologiens. Ils n’ont pas suffi à écarter leur théologie de la grâce, ni à maîtriser l’idéologie que celle-ci engendrait. Le cas de Louis de León est à cet égard révélateur. Il est le précurseur des Carmes thérésiens, dont Thomas de Jésus est le chef, et c’est à lui qu’il faut remonter pour rendre compte des origines de la théorie de la mystique à deux étages que ce dernier a introduite dans le Carmel, après la mort de saint Jean de la Croix. Et dire qu’on a fait de lui un érasmien attardé, réfugié dans la scolastique de la Contre-Réforme !
33Parmi les promoteurs de l’idéologie chrétienne au début du XVIIe siècle, il faut faire une place aux maîtres de l’Ecole française, particulièrement à François de Bérulle.
34Jusqu’à ces dernières années, on a pu croire que Louis de León était un inconnu hors des frontières de son pays et qu’il était passé comme un météore dans le ciel de l’Espagne de Philippe II. C’est une erreur. Louis de León était bien connu de Bérulle qui lui doit l’orientation profonde de sa métaphysique du Christ.
35En Bérulle tous les courants de la pensée chrétienne moderne semblent s’être donné rendez-vous. Le fondateur de l’Oratoire en France, le supérieur des thérésiennes espagnoles et françaises installées par Thomas de Jésus dans les premières années du siècle est néo-augustinien lui aussi. La thèse fondamentale de l’insuffisance ontologique de la nature fonde son pessimisme et sa vision dualiste de l’ascèse et de la mystique. Il est favorable à la tendance ascéticiste ainsi qu’à la conception des grâces d’oraison extraordinaires comme constitutives de l’essence de la mystique chrétienne. En philosophie, il incline vers une noétique essentialiste et platonisante que la lecture de François Suárez vient renforcer.
36Son originalité a consisté à opérer la synthèse de toutes ces tendances et à définir cette métaphysique des saints dont l’abbé Brémond s’est fait jadis l’historien littéraire. Le nerf de cette métaphysique d’un genre très particulier est dans la conception de l’union hypostatique des deux natures humaine et divine dans la personne du Christ. Bérulle l’emprunte à Louis de León dans la ligne de la théologie esthétique des modernes : le Christ, Dieu fait homme, est saisi comme unissant en sa Personne la nature humaine à l’essence divine. Le Dieu-Notion s’est incarné en Jésus.
37A partir de cette vision idéologique du mystère chrétien, on comprend en quelle direction devait s’orienter la dévotion bérullienne toute pénétrée d’ivresse d’abstraction spirituelle. Cette dévotion moderne nous a valu son chef-d’œuvre intitulé Discours de l’état et des grandeurs de Jésus (1623).
38Jésus, à la fois monde invisible et archétype, tout à fait dans l’esprit de Louis de León, est présenté dans son rapport au Père et aux hommes comme réalisant dans son histoire autant d’aspects de la Déité concrétisée en Jésus-Christ. Le cardinal de Bérulle se flattait de ramener par là une piété chrétienne égarée dans une voie trop métaphysique chez les mystiques spéculatifs allemands, et de ramener ainsi à Jésus les thèmes dionysiens en les métamorphosant.
39C’est cette spiritualité de la mystique de la Déité en Jésus-Christ qui a inspiré les spirituels de l’Ecole française. Elle joint à cette vigueur d’abstraction une ferveur mystique intense ; mais elle réalise la synthèse éclectique des différents courants de la spiritualité de l’époque. Rien de plus significatif à cet égard que la direction spirituelle et le gouvernement des âmes qu’il pratique auprès des thérésiennes espagnoles, Anne de saint Bartholomée en particulier et de Madeleine de saint Joseph. Ce n’est certes pas le respect des consignes énoncées par saint Jean de la Croix qui motive ses procédés lorsqu’il se propose, par exemple, de consulter Dieu sur le projet de la fondation de l’Oratoire. On le voit, en vrai Jésuite, attendre, après mûre délibération, confirmation divine de ses propos. Mais il attend des confidences spirituelles de ses dirigés et de leur familiarité avec la Trinité Sainte une authentique confirmation d’en-haut. Ce goût du prophétisme se retrouve dans l’inspiration de sa théologie, qui tire des merveilles des visions des extatiques la matière de ses méditations sur les grandeurs de Jésus et les inventions admirables de son Amour. Le genre littéraire que constitue cette théologie allégorique a fait la fortune de l’ouvrage dans lequel la vie terrestre de Jésus est transposée en états comme autant d’attitudes intérieures réalisées dans l’éternité en union à la Trinité Sainte.
3. - France-Espagne : de Thomas de Jésus à René Descartes
40Les deux chefs-d’œuvre de Louis de León et de François de Bérulle devaient contribuer à répandre la nouvelle spiritualité. Mais la théologie de l’idéologie chrétienne allait bientôt se produire dans un ouvrage de combat, qui ne brille pas par la qualité littéraire, destiné à mette en honneur une dévotion ouverte au prophétisme mystique.
41Dans les dernières années de son règne, Philippe II avait chargé un Hiéronymite du monastère de l’Escurial, le P. Castañiza, de préparer l’édition castillane des Révélations de sainte Gertrude (1256-1303) tant ce qu’il avait lu dans le Joyau Spirituel de Louis de Blois lui avait paru admirable. Les auteurs devaient se heurter au refus de l’Inquisition d’autoriser la publication. Les Révélations de sainte Catherine de Gênes avaient été inscrites en 1583 à l’Index de Quiroga. A la cinquième reprise ils passèrent outre et furent publiés successivement en 1601, en 1607 et en 1614 deux ouvrages apologétiques faisant l’éloge des visions et des révélations mystiques, à propos de celles de sainte Gertrude en particulier, mais auxquelles venaient s’ajouter celles d’autres extatiques fameuses et celles de sainte Thérèse d’Avila elle-même.
42En réalité c’est bien d’elle qu’il s’agissait dans les deux ouvrages intitulés Insinuation de la Divine Piété (1601) et Lumière des Merveilles que Dieu a accomplies depuis le commencement du monde dans les âmes de ses Prophètes et de ses Amis (1607)11. Les éditeurs expliquaient ce qu’il fallait penser des phénomènes extraordinaires de la vie spirituelle des saints, mais ils visaient à l’évidence l’enseignement critique que saint Jean de la Croix avait prodigué sur le sujet dans tous ses écrits12.
43Ils en prenaient résolument le contre-pied et avançaient une apologie des appréhensions surnaturelles distinctes tout à fait révélatrice. Il s’agissait des amis de Thomas de Jésus, le Bénédictin Léandre de Granada et le Carme Francisco de Santa María, petit-neveu de sainte Thérèse et condisciple de Thomas de Jésus au noviciat. Ce dernier devait insérer dans les Notes substantielles de l’ouvrage un Bref Traité de la Théologie Mystique. Il constitue le manifeste de la nouvelle théorie de la mystique chrétienne que les Carmes espagnols devaient élaborer dans la ligne de la doctrine soutenue déjà par Louis de León et qui fait de la contemplation mystique une superstructure miraculeuse de la vie ascétique des chrétiens.
44De cette nouvelle théorie, les éditeurs précisaient déjà, en scolastiques épris de mystique, les grandes lignes.
45Ils identifiaient sommairement la mystique à la prophétie, identification dont saint Jean de la Croix avait bien perçu le danger et contre laquelle clamait toute son œuvre. Les révélations, disaient-ils, augmentent, confirment et éclairent la foi. Elles constituent l’instrument de la plus haute communication de la Sagesse divine à l’homme et le moyen mis à sa disposition pour se préparer à y accéder ( !). Enfin, la théologie mystique dont parle Denys s’exerce particulièrement dans les révélations, selon eux.
46En fait, l’intention était claire : il s’agissait d’une entreprise de récupération scolastique de la théologie mystique réputée affective, par les spéculatifs de l’Ecole. Significative opération... La mise en tutelle des laïcs largement engagée dans l’Eglise de la Contreréforme achevait de se réaliser grâce à une Ecole soudain éprise de mystique. L’argumentation de François de Sainte-Marie et de Léandre de Grenade est transparente.
47Parlant du rayon de ténèbre de Denys, ils disaient : "La première chose que j’aie apprise de ce maître" (grâce à Francisco de Granada, qu’il a consulté en ces matières) "c’est que la théologie mystique est une science qui relève entièrement de l’intellect" ; le nom lui-même ne signifie rien d’autre que connaissance secrète. Comment donc l’appliquer à la volonté autrement que par métaphore ? Cette science procède, en effet, par négation des concepts et des noms qui s’appliquent à Dieu, elle ne peut donc relever de la volonté. D’ailleurs dans le livre de la Théologie mystique de Denys on ne voit rien qui concerne l’affection, tout y est rapporté à l’intellect. Et Leandro de Granada de conclure : "Faute de s’en être avisés, certains auteurs ne sont pas parvenus à mettre en lumière la vraie nature de la théologie mystique".
48La théologie mystique tant discréditée auprès de doctes théologiens de l’Ecole à cause de ce qu’en avaient dit des dévots trop simples, usant d’expressions étranges et inutiles, voire outrées, va recouvrer auprès d’eux tout son crédit. Il ne tenait qu’à eux de pratiquer l’exercice de la théologie mystique. Les saints, qui avaient conçu tant d’estime pour les hautes révélations qui les faisaient grandir dans les vertus, avaient désiré ces faveurs "avec une grande faim". Ceux d’hier et d’aujourd’hui s’étaient violemment mortifiés pour mériter de parvenir "à ce commerce intime et familier avec Dieu". Leandro et Francisco connaissent des Carmes de la Réforme de sainte Thérèse qui s’imposent pour cela toutes sortes de macérations.
49Mais on nous a prévenus : ce ne sont là que des préparations. C’est principalement par la pratique de la contemplation que les saints se sont élevés aux sommets de la perfection où ils ont été trouvés dignes des hautes révélations de la théologie secrète. Leandro donne la parole à Francisco de Santa María. Par la pratique de la rémotion, puis de la négation - Francisco les confondait d’ailleurs avec la via negationis de la théologie affirmative - l’intelligence est censée parvenir au degré suprême des spéculations mystiques : abandonnant ses opérations intellectuelles, même ses concepts négatifs des perfections divines, elle se dépasse elle-même et s’élève au-dessus de ses propres forces naturelles et des secours ordinaires de la grâce, par suite d’un secours très spécial de Dieu. Là elle contemple Dieu dans une clarté, une simplicité, une pénétration telles que les mots lui font défaut pour l’exprimer.
50Ainsi donc, au terme d’une pratique de la négation, une grâce très spéciale doit venir disposer l’intelligence à recevoir les plus hautes révélations particulières. L’état monastique n’a pas d’autre fin que de disposer les contemplatifs qui l’embrassent à mériter ces faveurs insignes, proprement miraculeuses. Pourquoi les théologiens de l’Ecole n’y prétendraient-ils pas ?
51Si l’on se reporte au texte de la Montée auquel il a été fait allusion plus haut, on observera que saint Jean de la Croix ôtait, si l’on peut dire, aux visions spirituelles du côté de l’entendement et de l’évidence des vérités nues, ce qu’il leur rendait du côté de la volonté et du sentiment de l’union à la substance divine. L’auteur de la Lumière faisait exactement l’inverse : il donnait aux visions spirituelles dénommées intellectuelles, du côté de l’entendement, ce qu’il allait leur ôter du côté de la volonté. Elles donnent "dans la foi" l’évidence des choses vues !...
52Plus encore, il tenait à souligner que dans les visions du troisième genre l’habitus nouveau ajouté aux espèces infuses est plus clair que la foi, s’il n’est pas plus certain. Mais accorder à l’intelligence un habitus qui lui fait dépasser celui de la foi, tout en ajoutant que cet habitus ne lui fournit pas une certitude plus haute que celle de la foi, c’est se payer de mots : car il ne manque rien à la foi du côté de la certitude, mais seulement du côté de la vision. Si l’on accorde à l’intelligence la vision, la certitude est proprement celle de la vision béatifique et la restriction apparaît comme une habileté dialectique qui ne trompe que son auteur, un artifice commode pour rattacher tant bien que mal cet habitus nouveau à l’habitus de la foi.
53C’est cet escamotage qui allait permettre de se défaire de la contemplation sanjuaniste : les sentiments spirituels propres à l’union d’amour allaient se transformer en visions intellectuelles, l’union d’amour, opérée dans la substance de l’âme, allait s’effacer devant l’évidence intellectuelle opérée dans l’entendement.
54Saint Jean de la Croix avait enseigné, tant dans la Montée que dans le Cantique et la Vive Flamme, que la notice de contemplation surnaturelle était amorosa et que Denys l’appelait, pour cela même, rayo de tinieblas al entendimiento, un rayon de ténèbres pour l’entendement, une lumière, mais confuse et obscure pour l’entendement.
55L’argumentation de l’auteur avait pu faire impression chez les théoriciens de la mystique depuis le temps où le Viæ Sion de Balma avait été la cible des partisans de l’école dite intellectualiste ; mais saint Jean de la Croix avait monté le bien-fondé de la "thèse de l’amour sans connaissance" en l’éclairant à la lumière de sa haute expérience de l’union transformante. Reprendre après lui ces arguments usés était proprement une méprise. Et que penser de l’auteur qui s’imagine encore que saint Jean de la Croix ait jamais eu en vue d’exalter l’excellence des lumières de la vision intellectuelle ! Il a voulu, tout au contraire, souligner que la sublimité de la perfection accessible sur terre ne lui venait pas des merveilles célestes qu’elle ferait entrevoir à l’intelligence, mais de l’union d’amour qui la transforme en Dieu dans la Nuit sereine avant-coureuse des clartés éternelles. Il a dit avec force, tout à l’inverse de ce qu’on nous inculquait ici, que l’union à Dieu ne se faisait pas par le moyen de visions miraculeuses, mais bien au moyen de la notice amoureuse et obscure de l’intelligence mystique, confuse et obscure.
56Telle est l’innovation qui donne à la Mystique des Lumières son caractère novateur et révolutionnaire. La sagesse chrétienne n’était plus une science d’amour normalement octroyée ici-bas et, accessoirement, une haute connaissance extraordinaire et miraculeuse. Elle devenait une science miraculeuse de l’intelligence qui arrache l’âme à la foi elle-même et, accessoirement, une union d’amour. La vision baroque de la condition du chrétien sur terre fixait les regards sur un trompe-l’œil dont on affublait l’édifice de la doctrine de saint Jean de la Croix. On se condamnait à attendre du miracle - auquel on devait se préparer sans y aspirer toutefois - une perfection illusoire, tout en se détournant de la seule vraie perfection que la Sagesse divine a mise à la portée de l’homme qui voudrait la recevoir en se disposant à l’épouser dans la foi (Osée, 2, 20).
57Le chef de file de l’école thérésienne, le promoteur de la Mystique des Lumières n’était autre que Thomas de Jésus13. Ses deux grands ouvrages, le De Contemplatione Divina et De Divinæ Orationis... Methodus répondaient aux mêmes préoccupations que celles qui poussaient Francisco de Santa María à chercher à voir clair dans les arcanes de la théologie mystique. Thomas de Jésus constatait, lui aussi, que la vraie nature de cette théologie était rarement comprise, paucisque intellectam ; il voulait, lui aussi, la débarrasser des obscurités de langage et des symboles propres aux spirituels, afin de l’asseoir sur les fondements solides de la théologie scolastique.
58Mais surtout, c’est le problème de la nature des visions intellectuelles les plus hautes qui hantait la réflexion de Thomas de Jésus comme celle de Francisco de Santa María et généralement de tous les théologiens qui ont préparé, de près ou de loin, l’avènement en Espagne de la Mystique des Lumières. Dans l’application qu’il apportait à la solution de ce problème Thomas de Jésus reçut l’illumination qui l’a conduit au Carmel, et lui a révélé la solution. Il nous l’a dit : alors qu’il révisait les œuvres de sainte Thérèse (dont l’édition avait été préparée par Louis de León), il était tombé en arrêt devant le passage où sainte Thérèse décrit sa vision intellectuelle de la sainte Trinité (Vie, ch.27, et 7e Demeure, ch.1). Sa décision d’entrer au couvent des Carmes de Valladolid vint de là. Dès lors, il n’eut de cesse qu’il fût parvenu à élucider le mystère de la nature de cet état très relevé d’union mystique. Il y mit plus de vingt ans (ce qui nous place en 1607, date de la publication de Luz). Or l’interprétation que cette vision reçoit dans les deux grands traités de 1620-1622 est exactement celle qu’elle avait reçue dans les deux ouvrages de 1601 et de 1607 : elle descend d’abord dans l’entendement taliter ut ea quæ hic per fidem credimus, tunc anima quasi intuitive (ut ita dicam) videat.
59Cette découverte concerne ce qu’il a appelé l’illapsus novus, mode nouveau de la manifestation de Dieu lorsque, après avoir dépassé la plus haute union mystique que lui ménagent la foi et les secours ordinaires de la grâce sanctifiante, l’âme se voit introduite dans une contemplation suréminente divinisatrice. Elle y échappe à la condition humaine ; elle y dépouille son être créé pour revêtir son être incréé ; elle parvient aux portes de la vision béatifique qui lui inspire un désir insatiable d’être arrachée à la terre, à l’Eglise militante, pour rejoindre son lieu naturel, le Ciel, et l’Eglise triomphante.
60Telle est l’intuition première d’où devait sortir toute la synthèse doctrinale de Thomas de Jésus. L’habitus nouveau des ouvrages de 1601-1607 subira une élaboration savante et subtile dans laquelle Thomas de Jésus s’appropriera des éléments puisés dans la Théologie Mystique de Herp et le Traité sur la contemplation de Denys le Chartreux. Il aura conscience également de l’innovation que sa théorie introduisait dans la théologie de l’Ecole ; mais elle lui sera absolument nécessaire pour justifier une conception de la vie mystique (qu’il tenait de Macaire) contre laquelle clamaient l’œuvre entière de saint Jean de la Croix et l’expérience séculaire des mystiques chrétiens.
61La découverte de Thomas de Jésus était une révélation. Entre l’homme et Dieu des rapports nouveaux s’établissaient, la foi n’étant plus un écran au travers duquel la lumière incréée transparaît faiblement : celle-ci faisait irruption dans la foi et manifestait à l’âme revêtue de son être incréé les splendeurs de la Face divine, non point formée, mais formante !
62Qu’une telle mystique ait profondément agi sur les destinées de la doctrine de saint Jean de la Croix, c’est ce que prouve le remaniement auquel Thomas de Jésus et ses compagnons ont soumis le texte de ses écrits avant de les publier en 1618. La Mystique des Lumières nous fournit une des clefs dans l’interprétation des innombrables retouches apportées aux manuscrits, car celles-ci répondent, pour la plupart, et pour l’essentiel, à la préoccupation d’accommoder les textes du saint à la nouvelle théorie de la mystique chrétienne. En particulier la refonte du Cantique Spirituel s’insère dans l’activité d’une école qui mise sur elle pour frayer la voie à un pseudo-thérésianisme, au détriment de la diffusion de la pensée authentique de la fondatrice de la Réforme carmélitaine et de saint Jean de la Croix.
63Ajoutons que ce prophétisme mystique développé dès le début sous le patronage royal devait servir d’auxiliaire spirituel à la Política de Dios menée par la monarchie espagnole des Habsbourg depuis Philippe II.
64L’Espagne a donc fourni à l’Occident chrétien, avec Suárez et Thomas de Jésus, les deux théoriciens scolastiques de son idéologie. Mais c’est la France qui lui a donné son philosophe laïque.
65Bérulle ramenait au fait unique de l’Incarnation du Verbe l’énigme de la structure du monde -qui de soi relève de la physique- et le mystère de l’Essence de Dieu - le Verbe incarné conciliant Unité et Bonté.
66On ne s’étonne pas de le voir encourager le jeune Descartes à mener de front deux ordres de recherche, l’un concernant son Traité du Monde, l’autre sa métaphysique : l’âme et Dieu. Pour Bérulle, comme pour Descartes, ces deux domaines de la science et de la foi sont séparés, mais on y accède par des chemins convergents.
67L’intuition unique qui les fonde, c’est l’innéisme, âme cartésienne de l’idéologie. La noétique des philosophes postérieurs à saint Thomas dont nous avons parlé, faisait du concept quod l’idée représentative du monde idéal, davantage tournée vers lui comme vers son origine, que liée au monde sensible au contact duquel il s’éveille dans l’esprit. Ce geste mental, véritable manie des spéculatifs de l’idéologie -la bête noire de Engels et de Karl Marx- inaugure le fantastique avenir de la philosophie moderne du cartésianisme.
68Descartes métaphysicien est l’héritier de Duns Scot et d’Henri de Gand ; mais il est surtout l’élève des Jésuites et le lecteur de Suárez, le Suárez des Disputations Métaphysiques. C’est dans la ligne de leur essentialisme qu’il se situe en totale discordance avec la métaphysique du thomisme médiéval. Descartes admettait que Dieu est son exister, et qu’un triangle n’est pas le sien, mais il niait en même temps, avec Suárez, que l’acte d’exister se distingue réellement de l’essence dans le triangle actuellement existant. La philosophie de Suárez est une ontologie qui désexistentialise radicalement l’essence : il considère comme indifférent à la nature de l’être le fait qu’il existe ou n’existe pas. Descartes n’en sera que plus à l’aise pour réduire l’existant à la pensée de l’existant, et l’existence du sujet à sa pensée. Quand il dit "Je pense donc je suis", Descartes est un bon suarézien.
69C’est au cœur de la théologie naturelle, au cœur de la preuve de saint Anselme qui associait théologie et philosophie - foi et dialectique14 - qu’il introduit, pour les séparer, la notion de réalité objective de l’idée innée de Dieu dans l’esprit humain, notion-clef de l’idéologie, grâce à laquelle il réifie la présence de Dieu dans sa créature15.
70Moyennant l’innéisme, Descartes n’a plus besoin que la foi vienne éveiller le processus dialectique de la preuve. Par là, il substitue à la dialectique de la transformation spirituelle que la foi opère dans l’intelligence, et qui est inséparable de l’opération rationnelle qui rend possible la preuve, une dialectique purement spéculative et philosophique. Il met celle-ci en œuvre dans trois preuves "métaphysiques" de l’existence de Dieu16.
71Descartes faisait comme si la foi permettait de thématiser l’idée de Dieu en idée innée, parce que c’est bien elle qui met en mouvement le pouvoir naturel qu’a l’âme humaine de penser Dieu comme existant. Il faut bien voir que le Dieu que le chrétien veut prouver est celui dont l’idée lui est donnée par la foi, et qu’il prouve en dégageant la structure rationnelle du mouvement religieux qui le conduit à croire que Dieu est. Il s’agit d’une réflexion menée à partir de la foi et, si l’on veut, du "concept supra-intellectuel" de Dieu qui lui appartient, pas d’une conception thétique réifiable en idée innée qui serait mise à la disposition de la raison humaine pour qu’elle exerce son pouvoir de connaître l’Être parfait auquel elle renvoie.
72C’est par là que Descartes recourt à la foi, mais seulement du dehors, pour se passer d’elle et conquérir l’autonomie au bénéfice d’une réflexion métaphysique pure. Alors que saint Anselme saisissait par la dialectique de la raison éclairée par la foi, l’existence réelle d’un Dieu transcendant intérieur à l’illumination de la foi, Descartes ontologisait la preuve et ne saisissait plus le Dieu transcendant de la foi qui se manifeste aussi à l’effort dialectique de la raison. Il créait la fameuse "distinction" que Pascal devait retourner contre lui, celle du Dieu des philosophes et des savants et du Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob.
73En réalité, Descartes prouvait Dieu, mais seulement en l’arrachant à la structure ordonnée de la tradition chrétienne qui reliait du dedans ce que lui maintenant séparait : le Dieu de la foi et le Dieu de la raison. Un tel mythe allait connaître une incroyable fortune dans l’histoire de l’idéologie en Occident.
74Il allait servir à fonder une idée de la science qui, pour lui, dérive des essences, pas des objets connus par les sens : ces essences sont en Dieu et sont reflétées dans les idées innées présentes en l’âme. Il faut considérer l’âme en elle-même dans la claire lumière de l’évidence des idées pour y apercevoir, comme en miroir, ce qu’est le monde créé par Dieu dans son essence. L’expérience rapproche le monde réel du monde idéal grâce à la mathématique. Une telle vision de la nature lui permettra de substituer au naturalisme des sciences curieuses, en faveur à l’époque de la Renaissance, un naturalisme méthodique et de bâtir une physique claire, certaine, démontrée et utile.
75Mais chez Descartes, la vie du savant épris de raison et d’expérience ne trouve pas son fondement ultime, ni sa justification, dans l’évidence mathématique. Le choix spéculatif décisif était chez lui métaphysique et religieux.
76C’est du Descartes chrétien qu’il faut rappeler l’existence si l’on veut comprendre l’homme de la révolution idéologique de la culture profane du XVIIe siècle. Chrétien, Descartes l’est comme tout bon élève des bons Pères. Il a la foi de tout le monde, celle des fidèles du commun qui veulent faire leur salut, mais ne se piquent pas de mysticité. Sa foi est croyance ferme des vérités que l’Eglise enseigne, elle n’est pas lumière pour une contemplation du mystère propre aux choses d’en-haut. Elle est acte de la volonté et ses certitudes lui servent de garantes aux évidences de la raison. Pour lui, la religion a cessé d’être une mystique, une foi illuminée (voire très illuminée) et qui touche par une évidence supra-rationnelle et supra-sensible. La seule évidence qui touche Descartes, comme il le confessait à son ami Huygens, c’est celle de la raison. Les certitudes de la foi sont pour lui les garantes de ces évidences-là (ainsi que de l’existence du monde extérieur dont Dieu seul est le garant).
77De Dieu, Descartes se fait une haute idée philosophique et scientifique et il se flatte de fonder l’idéologie chrétienne capable de joindre la science du monde et la sagesse tout ensemble. Mais son souci apologétique n’est pas factice et l’on sait qu’il se flattait, dans ses débuts, de procurer à la scolastique de son temps un corps de doctrine capable de la renouveler profondément. L’idéologie qui triomphe chez lui est bien celle qu’un élève du Collège de La Flèche avait pu recueillir de ses professeurs jésuites : la transcendance de Dieu y est synonyme de séparation et elle ne permet plus de donner autrement un sens à l’autonomie de l’ordre naturel dans sa relation à Dieu ; autonomie y est synonyme d’indépendance.
78Pour autant, il se soumet à l’Infini qui donne à l’intelligence l’élan de conquête et d’affirmation de soi. Lorsqu’il se soumet au Dieu Bon et à sa volonté dans l’amour, il cite saint Paul dans l’Epître aux Corinthiens et dit : "Si quelqu’un aime Dieu, yceluiy est aimé de Lui" (I Cor., 2). Sa "mystique" est à l’œuvre dans sa pratique de la confirmation de sa voie, tout à fait à la manière du chrétien qui se soumet à la pratique des Exercices de saint Ignace non seulement parce qu’il fait dépendre de la connaissance de Dieu "toutes les connaissances que nous pouvons avoir des autres choses"17, mais parce que Dieu lui a fait la grâce de confirmer son système et sa méthode lorsqu’en 1619 il reçut sa visite18. Non pas mystique ; mais grâce de confirmation, à la manière des Jésuites, d’une décision surnaturelle. Les précisions qu’il a fournies à cet égard permettent de supposer que la confirmation s’est produite selon le deuxième temps décrit dans les Exercices moyennant l’expérience des consolations et des désolations.
79La Science Admirable que Descartes avait découverte devait lui permettre, semble-t-il, non seulement d’ébaucher une nouvelle théologie des dogmes de la religion, mais aussi une spiritualité de l’amour dérivée de la méthode des méditations métaphysiques. L’étonnante Lettre sur l’amour, à Chanut, ne dit rien d’autre que la prétention de restituer aux chrétiens quelque chose de l’amour intellectuel de Dieu en le communiquant à la "faculté imaginative pour en faire une passion". L’entendement pur du sujet pensant est capable de fonder par là la grandeur d’âme que Descartes a définie comme générosité. Il découvre là une voie d’accès purement naturelle à l’amour du Dieu de la foi chrétienne. Descartes n’osait assurer que cet amour "fût méritoire sans la grâce" ; mais il osait dire néanmoins "qu’au regard de cette vie, c’était la plus ravissante et la plus utile passion" et même "qu’elle était peut-être la plus forte, à cause que nous sommes continuellement divertis par la présence des autres objets".
80Mais Descartes est paradoxal : il a conscience de créer un monde scientifique qui libère la philosophie et qui est capable aussi bien de satisfaire les requêtes de la théologie chrétienne ; en fait il y aliène le chrétien. Descartes ne fait pas de politique et son neutralisme tient à l’idéalisme qui fait de l’existant un accident de l’essence. "Je pense, donc je suis neutre en religion et en politique", pourrait-il dire. Une telle prudence ne lui est pas suggérée par l’affaire Galilée seulement. C’est pourquoi Descartes n’a fait que préparer l’avenir. Il a laissé à d’autres (dont Spinoza) le soin de franchir les limites de la parenthèse dans laquelle il s’était volontairement enfermé19.
81Plus audacieux que lui, son disciple Malebranche pousse à la limite la transposition de la doctrine augustinienne de l’illumination de l’âme par Dieu dans la doctrine du Cogito et des idées innées de Descartes. De même, il pousse à l’extrême la théorie cartésienne de la création continuée et du mouvement. Pour Malebranche, le monde n’est doué d’aucun pouvoir autonome, les êtres et les choses, simples modes finis de l’être, n’exercent aucune action : Dieu seul est cause, Dieu seul agit. Ce qu’on appelle causes secondes ne sont que des occasions pour Dieu de manifester son opération souveraine réglée par la sagesse du Verbe. En "christianisant" Descartes, Malebranche a captivé la foi dans l’intelligence, au point que pour lui l’essence de la religion est l’amour de l’ordre éternel du Verbe conçu comme la Raison universelle qui nous rend raisonnables. Jésus est la raison universelle des esprits, dit-il dans ses Méditations chrétiennes (I, XII). Cette contemplation métaphysique a inspiré à Fédé, l’auteur des Méditations métaphysiques (1683), une vision mystique où la foi chrétienne est totalement résorbée dans la pensée : "Je ne sçaurois exister sans penser, et je ne sçaurois penser sans être pénétré du Père des lumières qui me découvre successivement tout ce que j’aperçois, en m’éclairant selon ce que je suis disposé à recevoir de sa lumière"20.
Notes de bas de page
1 Michel Despland, La Religion en Occident. Evolution des idées et du vécu. Paris, Cerf ; Montréal, Fides - 1979, p. 393.
2 Genèse, 12, 1-3 et 16, 11-12.
3 M. Despland, La Religion en Occident, p. 399. Le processus de réification de la religion européenne aux XVIe et XVIIe siècles est un processus fondamentalement aliénant. Nous sommes d’accord ; mais il s’agit d’un processus qui n’est pas fondamentalement politique, qui est théologique, intéressant le destin de la mystique et exprimant les conséquences de l’idéologisation de la foi. La crise de la religion a été précédée par la crise de la foi dont elle est le reflet ou l’expression culturelle majeure.
4 En 1559, les disciples de Jean d’Avila de l’Université de Baeza, tous conversos comme lui, devaient être accueillis à sa demande par saint Ignace au sein de la Compagnie. Il faut dire que Jean d’Avila avait en quelque sorte dirigé saint Ignace lui-même.
5 Vida, ch.36, 299.
6 La réification religieuse dans le Carmel a porté sur la vocation contemplative et son rapport à la vie active dans une première époque ; puis sur la vocation prophétique de l’ordre. La polémique dura jusqu’au XVIIIe siècle. Enfin, elle porta sur les Constitutions, Doria imposant ses idées en 1590-1592. Les Constitutions de 1604 furent en vigueur jusqu’en 1658.
7 Le Père Venancio Carro a très opportunément souligné le rôle des théologiens-juristes de Salamanque, dans la première moitié du XVIe siècle, à propos des problèmes posés par la conquête de l’Amérique, en particulier celui de la distinction et de l’union des deux ordres de la nature et de la grâce. Voir également pp. 247-277.
8 V. Infra, pp. 254-258.
9 Voir Jean Krynen, De la teología humanista a la mística de las luces, Religión y Cultura, Madrid - 1976, pp. 465-483.
10 Ib., pp. 478-482 (extrait des Noms du Christ, ch. Hijo de Dios).
11 Nous avons longuement étudié le problème posé par ces ouvrages dans l’article intitulé « Du nouveau sur Thomas de Jésus. L’avènement de la mystique des lumières en Espagne (1601- 1607) », Bulletin Hispanique, Mélanges offerts à Marcel Bataillon, 1962, pp. 113-135.
12 En particulier au 2e livre, ch.21 à 24 de la Montée du Mont-Carmel.
13 Sur Thomas de Jésus, voir la Troisième Partie de notre ouvrage publié en 1948 : Le Cantique Spirituel de saint Jean de la Croix commenté et refondu au XVIIe siècle, Salamanca, pp. 229-336.
14 Voir supra : Foi et Dialectique, pp. 83-89.
15 C’est la présence d’immensité, selon la terminologie consacrée des théologiens. V. plus loin, pp. 286 & ss.
16 Méditations Métaphysiques, Troisième et Sixième méditations. L’innéisme est la marque de l’ouvrier sur son ouvrage. La faculté de penser l’idée innée nous permet de concevoir Dieu comme Être souverainement parfait et existant. Voir H. Bouillard, o.c., pp. 170 & ss. : "Les preuves de Descartes".
17 Réponse aux Quatrièmes Objections.
18 Il convient de signaler que dans la nuit du 10 novembre 1619, s’étant couché tout rempli d’enthousiasme après la découverte des fondements de la science merveilleuse (la sienne), il eut trois songes consécutifs qu’il s’imagina ne pouvoir être venus que d’"en-haut".
19 Rappelons que Descartes avait conscience de créer un monde scientifique étrange, "la fable de son monde", que les théologiens n’auraient pas occasion de contredire, puisqu’il s’agit d’un "monde imaginaire" (Lettres à Mersenne du 13 novembre 1629 et du 25 novembre 1630).
20 Fédé, Méditations métaphysiques, 1683 (réed. 1686, 1693), p. 16. Cité par Henri Busson, La Religion des classiques (1660-1685), Paris, P.U.F. - 1948, pp. 424-425.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les Facultés de droit de province au xixe siècle. Tome 1
Bilan et perspectives de la recherche
Philippe Nélidoff (dir.)
2009
Les Facultés de droit de province au xixe siècle. Tome 2
Bilan et perspectives de la recherche
Philippe Nélidoff (dir.)
2011
Les désunions de la magistrature
(xixe-xxe siècles)
Jacques Krynen et Jean-Christophe Gaven (dir.)
2012
La justice dans les cités épiscopales
Du Moyen Âge à la fin de l’Ancien Régime
Béatrice Fourniel (dir.)
2014
Des patrimoines et des normes
(Formation, pratique et perspectives)
Florent Garnier et Philippe Delvit (dir.)
2015
La mystique déracinée. Drame (moderne) de la théologie et de la philosophie chrétiennes (xiiie-xxe siècle)
Jean Krynen
2016
Les décisionnaires et la coutume
Contribution à la fabrique de la norme
Géraldine Cazals et Florent Garnier (dir.)
2017
Ceux de la Faculté
Des juristes toulousains dans la Grande Guerre
Olivier Devaux et Florent Garnier (dir.)
2017