Chapitre IV. La doctrine mystique de saint Jean de la Croix
p. 63-79
Texte intégral
« Les mystiques ont de tout temps pratiqué cette voie ».
Etienne Gilson, L’Être et l’Essence, p. 303.
1Le génie de saint Thomas d’Aquin a consisté non seulement à fonder une théologie chrétienne comme science, à partir de la théologie symbolique, mais du même coup à orienter la théologie symbolique vers la mystique de la foi obscure dont saint Jean de la Croix s’est fait plus tard le théologien.
2Il est impossible de séparer ces deux docteurs de l’Eglise. Ils symbolisent ensemble la suprême et définitive conquête de la méthode chrétienne de la théologie prise dans ses deux espèces scolastique et mystique.
3Il y a d’ailleurs, entre eux, une étonnante analogie de destin qui tient à l’analogie historique entre le contexte de la fin du XIIIe siècle et le contexte de la fin du XVIe siècle. Saint Thomas était affronté au « paganisme » de la première renaissance (celle du XIIe siècle) ; saint Jean de la Croix, lui, était affronté au « paganisme » de la seconde Renaissance (celle du XVIe siècle). Dans l’entre-deux, la chrétienté médiévale s’est défaite et un christianisme moderne s’était mis en place qui devait attaquer de front la majestueuse synthèse spirituelle et doctrinale édifiée par saint Thomas d’Aquin et saint Jean de la Croix.
4Celui qu’on a appelé le Docteur de la Nuit, l’ascète abrupt qui enseignerait une voie surhumaine (voire inhumaine), est bien plutôt le Docteur de la Lumière (pas des Lumières) et du Feu purificateur de l’amour miséricordieux du Père. Rien n’est moins conforme à son génie qu’un christianisme moralisateur, d’ascèse stoïcienne, tourné vers une perfection en quelque sorte athlétique. Rien ne lui est plus étranger qu’une spiritualité mystique de pure négation de l’humain. Rien n’est plus opposé à son enseignement que la conception que nos contemporains protestants ou catholiques se font encore de la mystique chrétienne.
5Pour ces motifs tirés de l’histoire passée et actuelle, il faut donc aborder d’un regard neuf la doctrine du Docteur Mystique.
6La doctrine mystique de saint Jean de la Croix est profondément enracinée dans la liturgie et dans la tradition chrétienne. On s’en rendra compte en rappelant, à titre d’exemple, la parfaite conformité de son enseignement avec celui d’un mystique auquel on a pensé pouvoir l’opposer : il s’agit de saint Bernard.
7Dans son De Consideratione 5,9, le grand saint Bernard a synthétisé dans les lignes suivantes, d’une manière saisissante, les deux aspects sous lesquels se présente toute la doctrine de saint Jean de la Croix :
8« Seigneur, j’ai aimé la beauté de ta maison et le lieu où réside ta gloire (Ps. 25,8). Que sera-ce le jour où l’âme, se recueillant tout entière, ramenant les passions de tous les lieux où elles demeurent captives – crainte mal fondée, amour déréglé, douleur vaine, joie plus vaine encore – avec elles prendra son vol en toute liberté, emportera dans son élan l’esprit et nagera dans la suavité de la grâce ? Est-ce qu’alors, lorsqu’elle aura commencé à parcourir les demeures lumineuses, à scruter même avec ardeur le sein d’Abraham (…) elle ne redira pas d’un accent plus vibrant encore : « Je demande au Seigneur une chose, je la demande ardemment : habiter dans la maison du Seigneur tous les jours de ma vie, jouir des amabilités du Seigneur, me perdre dans la contemplation de son sanctuaire » ? ».
9Il n’est pas un mot de ces lignes que saint Jean de la croix n’ait illustré dans son enseignement, qu’il s’agisse de l’ascèse requise de l’âme ou de la voie de l’Esprit. Relevons en particulier :
10A/ - L’ascèse chrétienne de recueillement des forces de l’âme, de ses passions, et non pas leur extinction, ni leur inhumaine suppression ; car l’amour de Dieu qui constitue le plus grand commandement (Dt. 6,4-5 ; Mt. 22,37 et 1Jn. 4,18) s’allie à la crainte filiale et bannit la crainte servile. L’ascèse chrétienne n’est pas une voie de purs, mais la voie de l’Esprit qui dompte la chair. Il y faut du courage et de la volonté – pas du Quiétisme spiritualiste – pour aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme et de tout son pouvoir. Il faut une âme passionnée, et passionnée de Dieu.
11L’ascèse introduit dans la demeure du Père ; elle fait habiter le Christ dans l’âme : c’est la voie de l’Esprit, celle de la contemplation mystique dont parle d’un bout à l’autre de ses traités saint Jean de la Croix1.
12B/ - Une telle contemplation, dès ici-bas, nous introduit dans une connaissance secrète de Dieu (mystique) que la vie éternelle ne fera qu’accomplir. La Nuit correspond comme symbole, chez saint Jean de la Croix, aux Demeures de saint Bernard et de sainte Thérèse. Quant à « se perdre dans la contemplation du sanctuaire du Seigneur », c’est dans La Vive Flamme d’amour que saint Jean de la Croix en parle.
13Dans la vision de saint Jean de la Croix, la foi occupe une place centrale. Pour lui, la contemplation chrétienne se passe dans la foi. Il ne veut pas dire qu’elle est un pur don gratuit, gratuitement donné, car elle est plus, beaucoup plus : elle est principe de synergie humano-divine, principe de vie divine pour l’homme. Quand il dit dans sa langue espagnole la contemplación que se da en fe, il ne veut pas dire la contemplation que donne la foi, mais qui se passe dans la foi. Il s’agit de l’événement spirituel qui se produit quand l’homme est aussi fidèle à Dieu que Dieu est fidèle à sa promesse. C’est l’attitude fondamentale de la fidélité de l’alliance biblique qui fonde la relation mystique de l’homme à Dieu.
14Nous sommes loin, par là, d’une contemplation-ornement, d’une contemplation extraordinaire faite seulement de visions, de communications et de représentations « surnaturelles et divines » ; c’est d’un échange vital entre Dieu et l’homme, c’est d’une aventure d’amour qu’il s’agit entre l’Epoux et l’Epouse, entre Dieu et son peuple.
15Cette contemplation de l’alliance est propre à l’alliance : c’est la contemplation des prophètes de l’ancienne Alliance, mais c’est surtout celle des disciples de l’Envoyé de la Promesse, celle de Jésus-Messie. Elle a en propre d’ouvrir à l’intelligence des mystères de Dieu et, en premier lieu, du mystère de sa Parole aux hommes. Elle est écoute de l’Epoux fidèle, écoute de la Parole qu’il ne cesse de dire à l’Eglise-Epouse, c’est-à-dire à chacun de ceux qu’elle rassemble dans son corps.
16La foi que saint Jean de la Croix met au cœur de sa doctrine, c’est cette foi-fidélité vécue en Eglise et par l’Eglise en chacun des fidèles (si bien nommés). Cependant, c’est une foi qui ne parvient pas assez souvent à s’égaler chez eux à sa réalité divine et qui demeure trop souvent une foi à forme humaine, plus morte que vive. Et pourtant, celle que l’Esprit verse dans les cœurs est une foi morte et ressuscitée, une foi de converti, de telle sorte qu’elle constitue pour tous les contemplatifs le souci de leur pastorale et la base de leur enseignement.
17A l’époque de saint Jean de la Croix, les saints contemplatifs ne manquaient pas, mais rares étaient ceux qui avaient reçu le charisme d’un tel enseignement : on peut citer saint Pierre d’Alcantara, saint Jean d’Avila, sainte Thérèse d’Avila et, bien sûr, saint Jean de la Croix. Il a voulu de toute son âme et de tout son génie montrer aux chrétiens comment une foi morte peut devenir une foi vive à renverser les montagnes, une foi qui ressuscite par la puissance du Ressuscité. Non pas une foi d’illuminé, mais une foi illuminée (et même très-illuminée) par les dons de l’Esprit qui transforme l’âme divinement, selon la capacité inscrite dans la créature spirituelle faite à l’image de Dieu en vue de parvenir à une parfaite ressemblance à Dieu dont l’ébauche se réalise dès cette terre.
18La mystique chrétienne n’est pas un savoir sur Dieu, mais une sagesse qui vient de Dieu quand on embrasse la foi (Actes, 13,48) et qui ouvre à Dieu : c’est Dieu lui-même qui opère avec nous cette ouverture.
19Le juste est le secret de Dieu et Dieu garde ce secret. De son côté, le mystique aime le secret de Dieu et il le garde avec prédilection, indéfectiblement : ce n’est pas lui qui voudra y voir clair, du moins trop clair, car il sait qu’il n’est pas encore pleinement dans le secret de Dieu, mais qu’il ne fait que l’entrevoir2. Il n’entreprend pas de percer le mystère, même s’il cherche à le comprendre autant qu’il est possible à la raison ; il sait adhérer au mystère et il se garde de vouloir y pénétrer par effraction. Son attitude est toute de discrétion spirituelle, come le dit bien le principe sur lequel saint Jean de la Croix a fondé sa doctrine, à savoir que la communication mystique est secrète et qu’elle incline qui la reçoit à aimer dans le secret : "Dieu y parle à l’âme un langage de pur esprit à esprit purifié" et c’est alors qu’elle se cache au creux du Rocher, dans les plaies du Crucifié, sur la Montagne d’où s’écoule l’eau pure de la sagesse éternelle de Dieu3.
20Mais il faut préciser que lorsque Dieu se communique à l’homme dans la profondeur du mystère de sa vie, il l’ouvre à la saisie personnelle de sa vérité et de sa vie. Il crée en lui la capacité de communiquer à partir du désir de Dieu qui se trouve naturellement présent en lui. C’est là le mystère de la structure de l’ascèse théologale du chrétien, mise en oeuvre par le moyen des vertus qui le rendent capable de communiquer avec Dieu, parce que ces vertus de foi, d’espérance et d’amour portent le message de Dieu et font en sorte qu’il soit reçu et comme capté par nous. Dans son langage, la théologie chrétienne dira qu’il n’y a pas de communication entre l’homme et Dieu sans cette mystérieuse connaturalité humano-divine des vertus qui rendent possible une telle communication : ceci apparaît, comme on l’a déjà vu, dans la figure du Christ, Dieu fait Homme, principe et fondement de la divine communication.
21Pareillement, il faut préciser que l’ouverture à Dieu qui permet d’accueillir sa lumière vient épouser l’ouverture naturelle qui dispose l’homme à percevoir la profondeur du monde naturel et son langage, c’est-à-dire le sens des choses et de l’existence. La grâce divine ne surplombe pas nos vies et ne double pas notre existence quotidienne de tous les jours (c’est pourquoi elle aime les humbles qui ne savent pas grand chose, selon la sagesse des hommes, mais savent de quoi l’homme est fait).
22La mystique met ainsi en oeuvre l’initiative gratuite de Dieu qui sanctifie l’homme et qui l’ouvre à Lui, afin qu’il soit par là capable d’agir avec lui moyennant les vertus théologales. Il y a donc une manière d’exercer celles-ci qui est propre à la contemplation mystique et qui consiste à se prêter, en elle et par elle, à l’action souveraine de Dieu qui se communique.
23Cette ouverture contemplative est surnaturelle, puisque Dieu en a l’initiative ; mais elle n’est pas contre-nature, puisqu’elle s’harmonise au désir naturel qui est en la créature spirituelle de rejoindre Dieu dans son être-même, de la connaître et de l’aimer en lui-même. Cela est si vrai, que la grâce de Dieu dans sa miséricorde (c’est son mystère) épouse en l’homme une disposition naturelle à rejoindre Dieu comme sa source et son origine et la surélève seulement divinement. Aussi faut-il dire que la mystique chrétienne est conforme à la nature, sans dire pour autant qu’elle soit naturelle, car elle met en oeuvre une ascèse qui prolonge dans l’homme sa quête du sens. On peut dire qu’une telle contemplation perfectionne la contemplation naturelle à l’intelligence créée de l’homme, qu’elle l’affine, de telle sorte que la mystique chrétienne est, à la fois, achèvement divin et perfectionnement humain de tout l’homme.
24 1. - L’autorité de la doctrine de saint Jean de la Croix en la matière ne lui vient pas d’un savoir puisé dans les livres. Elle lui vient avant tout de l’expérience de ce dont il parle, c’est-à-dire de la voie de l’Esprit. C’est le mode tout divin de la contemplation infuse qui fonde chez lui un enseignement concernant le mode de l’électif, surprenant pour les non-initiés.
25C’est pourquoi il convient d’exposer, pour commencer l’initiation à la haute doctrine du Docteur Mystique, par son expérience et son enseignement relatif à l’oeuvre réservée à Dieu dans la contemplation ; après quoi l’on se trouve à pied d’oeuvre pour comprendre, dans son droit fil, la si importante doctrine sanjuaniste de la contemplation d’attitude.
26La créature rationnelle est en puissance de la vision de Dieu ; mais pour passer à l’acte, il lui faut le don de l’Esprit qui la dispose et la transforme vitalement, du fait de la transcendance d’une telle fin et de la surnaturalité intrinsèque de la vie d’union à Dieu.
27Toute la doctrine de la purification de l’âme repose chez saint Jean de la Croix sur ce principe : passer de la puissance à l’acte, dans la vie de l’esprit, c’est revêtir progressivement l’homme nouveau moyennant une purification qu’entreprend la lumière divine infuse qui introduit dans l’esprit de l’homme la forme spirituelle de l’esprit (l’union de l’amour : II Nuit, ch. 3,3).
28C’est dans les premiers chapitres du deuxième livre du traité de la Nuit obscure (de l’esprit), principalement, que se ramasse l’essentiel de la doctrine de saint Jean de la Croix relative à ce chapitre de la purification auquel il tenait le plus4. Qui dit contemplation, dit purification, dépouillement ou pauvreté d’esprit5, c’est tout un. C’est Dieu qui veut ce dépouillement pour nous revêtir de l’homme nouveau. Le vide est une des conditions requises6, pas seulement le vide que nous sommes capables de faire en nous, mais celui qu’il fait lui-même lorsqu’il entreprend de nous disposer passivement dans l’intime de l’esprit, par la plus atroce des purifications7, comme l’or au creuset, en vue de l’union à Lui8. Alors sur terre commence pour cette âme un purgatoire, véritable "enfer" destiné à opérer la suprême purification nécessaire pour que la lumière divine puisse investir à fond l’âme en vue de son union à Dieu9. C’est là l’opération contemplative au cours de laquelle se réalise l’oeuvre réservée à sa Majesté, celle que saint Jean de la Croix dénomme contemplation infuse de théologie mystique.
29La lumière infuse -celle de la sagesse d’amour de Dieu- purifie alors et instruit l’âme (ce sont ses effets suprêmes), parce qu’elle la dispose ainsi en vue de son union d’amour avec lui : oui, nous dit solennellement saint Jean de la Croix, il en est sur terre de cette âme à laquelle Dieu s’unit comme de celle qui au ciel contemple dans la vision ; c’est la même sagesse d’amour qui purifie les esprits des bienheureux en les illuminant et qui ici-bas nous purifie et nous illumine pour nous unir à Dieu. Cette théologie mystique, il la définit : "Nuit obscure dans laquelle Dieu instruit l’âme en secret et en perfection d’amour, sans qu’elle y soit pour rien, et sans qu’elle comprenne comment"10. Il précise : "Ici-bas par le moyen de la lumière de la foi très-illuminée, et dans l’autre vie par le moyen de la gloire". Sur terre comme au ciel, la joie de l’âme provient de ce qu’elle "voit qu’elle donne à Dieu plus qu’elle ne vaut par elle-même, puisque moyennant la lumière et la chaleur d’amour qu’elle reçoit de lui, elle donne à Dieu, comme provenant d’elle-même, Dieu à Dieu-même si libéralement".
30Cette infusion de l’Esprit-Saint qui produit un effet aussi inouï est une ténèbre spirituelle pour l’âme, non seulement parce qu’elle excède sa capacité naturelle, mais parce qu’elle l’obscurcit et l’aveugle du côté de l’acte naturel de l’intelligence dont elle est activement capable. C’est pourquoi Denys l’Aréopagite et d’autres théologiens mystiques appellent une telle contemplation infuse, un rayon de ténèbre11. C’est une connaissance de Dieu que les théologiens appellent sagesse secrète et dont saint Thomas, précise saint Jean de la Croix, nous dit qu’elle se communique et s’introduit dans l’âme par l’amour12. "Elle survient en secret et en cachette, loin de l’oeuvre propre de l’entendement et des autres puissances de l’âme ; le Saint-Esprit la verse et l’ordonne dans l’âme, selon l’expression de l’Epouse dans le Cantique des Cantiques, sans qu’elle le sache ni comprenne comment, aussi l’appelle-t-on secrète". "Elle l’est tellement, poursuit saint Jean de la Croix, que non seulement elle-même l’ignore, mais que personne, pas même le démon, ne le comprend, parce que le Maître intérieur qui l’instruit est au-dedans d’elle-même substantiellement en personne, là où ne peuvent pénétrer ni démons, ni sens naturels, ni entendement".
31L’image de Dieu qu’est l’âme est ainsi apprêtée par Dieu lui-même en vue de parvenir à la révélation des traits qui la feront ressembler à Dieu. Elle doit alors se prêter à l’ouvrage13, et se cacher dans cette sagesse mystique comme elle y est induite, consentir à une oeuvre toute divine dans laquelle Dieu s’entretient avec elle dans un langage de pur esprit à esprit pur, si intime et spirituel qu’il la plonge dans le plus profond silence14.
32Pour une telle âme, tout s’éclaire. Dans cette élévation spirituelle ’l’abîme de la sagesse l’ennoblit en l’introduisant dans les profonds replis de la science d’amour, à tel point qu’elle lui fait comprendre non seulement la bassesse de la condition naturelle de toute créature, eu égard à ce savoir suprême et à ce sentiment divin, mais encore lui met sous les yeux l’impropriété et l’insuffisance de tous les termes évocables dont nous nous servons pour parler des choses divines.
33C’est lorsqu’elle a été instruite de la sorte par la divine communication de la Sagesse que l’âme peut mesurer la radicale insuffisance de toute autre théologie, car elle découvre alors pourquoi il est impossible, par voie et mode naturels, aussi relevés et savants soient-ils, de connaître et de ressentir la vérité des choses divines, sauf par le moyen de l’illumination de cette théologie mystique"15.
34D’où la conclusion majeure qui résume toute la doctrine et l’enseignement pratique de saint Jean de la Croix :
35"Cette contemplation divine a la propriété d’être secrète et supérieure à note capacité naturelle, non seulement du fait qu’elle est surnaturelle, mais aussi parce qu’elle est la voie et le guide qui mènent l’âme à la perfection de son union avec Dieu. On y accède, car ce sont choses que l’on ignore humainement, humainement par le non-savoir et divinement dans l’ignorance"16.
36Nous pouvons conclure qu’à ce niveau de la transformation qui prépare l’union de l’âme à Dieu, la disposition requise est une réaction par laquelle, dans son désir naturel de Dieu, elle se voit spontanément vouée à son service dans le fiat de l’amour de l’épouse répondant à l’appel du Seigneur.
37 2. - Saint Jean de la Croix est bien le Docteur de la Nuit, mais, comme on le voit, de la nuit qui purifie, qui illumine et qui unit : c’est la nuit nuptiale de l’Alliance.
38Cette nuit a ses phases, en particulier celles qui tiennent au progrès spirituel de chacun dans les effets de la nuit. Ces effets purificateurs, illuminateurs et unissants concernent soit l’homme naturel (celui que saint Jean de la Croix appelle l’homme du sens et saint Paul l’homme psychique), soit l’homme spirituel : la première l’arrache réellement au péché (nuit passive du sens), tandis que la seconde l’arrache à ses limites naturelles (nuit passive de l’esprit).
39Ces deux purifications, le Christ les a mentionnées lorsqu’il a distingué deux sortes de purification, par le sel de la sagesse et par le feu (Mc. 10,48)17. De son côté, saint Paul (Rm. 8, 19-24) a enseigné que le Saint-Esprit supplée à l’insuffisance radicale de l’homme à faire effectivement retour à Dieu de telle sorte que soit réduite sa contradiction interne entre la chair et l’esprit et qu’il puisse répondre, comme il se doit, à l’appel de Dieu à se renouveler.
40L’ascèse humaine la plus exigeante ne fera jamais que conformer du dehors le chrétien au commandement de Dieu ; pour que celui-ci soit en lui intériorisé et spirituellement assimilé comme la loi intérieure de son action, il faut que l’Esprit-Saint assouplisse, pénètre, rectifie et guérisse ce qui était tordu, endurci, rendu opaque et malade dans l’homme, à la jointure de l’âme et de l’esprit. Dieu seul, par ses dons actifs, est capable d’entreprendre et de mener à bien une telle purification et de rendre la créature transparente à sa lumière. Elle se prête alors, tel le vitrail, aux jeux de la Lumière divine et elle en est tout illuminée au-dedans18. C’est tout ce travail de la purification en vue de l’union, travail qui est l’effet de l’illumination, c’est-à-dire oeuvre de l’Esprit-Saint dans l’âme, que saint Jean de la Croix a décrit avec ampleur dans ses grands traités de la Nuit Obscure, du Cantique Spirituel et de la Vive Flamme.
41Particulièrement importants sont les sept premiers chapitres du premier livre de la Nuit Obscure concernant les imperfections spirituelles des contemplatifs qui débutent dans la voie de l’Esprit. Ils sont déjà sortis d’eux-mêmes, non seulement en ce sens qu’ils ont choisi de répondre à l’appel qu’ils ont entendu, mais parce que l’amour infus qui s’est emparé d’eux les a retirés du monde et d’eux-mêmes. Et voilà qu’ils découvrent ce qu’ils ne soupçonnaient pas : leurs propres imperfections au regard de l’Esprit qui les mène, la laideur de leurs péchés, une connaissance d’eux-mêmes absolument nouvelle, orgueil secret (et c’est humiliant), avarice spirituelle (il leur faut se dépouiller de toute consolation légitime ou factice), luxure spirituelle (les purs dons de l’Esprit sont parfois reçus charnellement, il faut apprendre à supporter la purge), la colère (le zèle trop humain !) gourmandise spirituelle (manque de confiance, pénitences exagérées, perfectionnisme) et finalement émulation envieuse jointe à l’acédie spirituelle face au bonheur des saints19.
42L’attitude à tenir devant ces épreuves par les débutants contemplatifs va de soi : ils doivent y consentir tant qu’elles durent et éviter de conclure qu’elles sont la preuve qu’ils ne sont pas faits pour une plus grande perfection. Il faut lire ces pages mémorables où saint Jean de la Croix a analysé l’expérience de cette purification chez les prophètes de l’Ancien Testament20.
43Pour parvenir à la transformation de l’homme en l’homme nouveau qui rend possible l’union à Dieu et sa pleine ressemblance avec lui, rien dans l’efficacité de l’homme ne saurait suffire. C’est à l’enseignement le plus profond de saint Paul qu’il faut se reporter si l’on veut comprendre ce que saint Jean de la Croix a dit de la phase ultime de la nuit qui illumine et perfectionne (dans les derniers chapitres du second livre de la Nuit Obscure et les onze premières strophes du Cantique Spirituel).
44Dans l’épître aux Ephésiens, quand il traite de l’élection des païens qui, après avoir entendu la parole de vérité et y avoir cru, ont été marqués d’un sceau par l’Esprit de la Promesse, saint Paul parle de la sixième bénédiction divine : telle est la nuit par excellence de saint Jean de la Croix, la noche de las bendiciones de Dios, et c’est principalement pour nous la faire connaître, dit-il, qu’il a entrepris d’écrire sur la contemplation21. Cette nuit, il l’appelle nuit obscure de la foi.
45C’est une bienheureuse aventure pour l’âme qui s’y voit plongée ; il lui faut le savoir, afin de supporter l’horreur des souffrances purificatrices qu’elle comporte, parce qu’elle introduit dans l’âme la vraie mortification en lui faisant tant aimer le Christ qu’il lui donne la force et la chaleur nécessaires pour sortir de toutes choses et d’elle-même. Cette force n’est autre que celle de la puissance de l’amour divin22 :
"Où donc T’es-Tu caché
Aimé, qui m’as laissée gémissante...?"
46L’expérience pastorale du saint docteur lui a fait rencontrer, parmi les soeurs de sainte Thérèse, des âmes ainsi éprouvées.
47C’est pourquoi, écrit-il dans le prologue du Mont Carmel, il entreprend de leur montrer les biens inestimables et si nombreux que de telles épreuves intérieures ménagent à celles qui les endurent, afin de les encourager à demeurer a oscuras y en celada, dans l’obscurité, mais sans crainte. Il faut encourager de telles âmes à vouloir que ces épreuves durent autant que Dieu voudra23.
48C’est dans le second chapitre du premier livre de la Montée du Mont Carmel que saint Jean de la Croix décrit les trois parties de la nuit en prenant l’exemple de Tobie et de Sara. La troisième nuit dont l’ange fait mention à Tobie est celle au cours de laquelle il devait obtenir la bénédiction, Dieu lui-même, lorsque (1 N. 2,4) moyennant la nuit de la foi, il se communique à l’âme d’une manière si secrète et si intime que c’est comme dans une nuit noire qu’il se livre à l’âme. Passé cette ténèbre, Tobie s’unit à son épouse dans la crainte du Seigneur, ce qui signifie que Dieu se communique lorsque la crainte et l’amour sont en lui parvenus à leur perfection, car c’est alors que s’opère la transformation de l’âme par amour en Dieu.
49L’aurore et les premières lueurs du jour suivent immédiatement la pleine nuit (1 M. 2,5) : c’est elle qui perce les ténèbres lorsque la nuit devient sereine et tranquille, nuit encubridora de las esperanzas de la luz del día (2 N. 9,8), nuit en par de los levantes del aurora (Cántico, XIV)24.
50Cette pleine transformation correspond à la réalisation de l’union de l’âme à Dieu et de sa transformation en Dieu. C’est là l’oeuvre de la sagesse divine qui élève alors l’âme et la magnifie en la faisant pénétrer dans les venas de la ciencia de amor (2 N. 17,6). La contemplation mystique propre à la vie d’union à Dieu constitue la plus haute doctrine dans l’enseignement de saint Jean de la Croix. Pour la comprendre, il faut se référer à l’Ecriture, particulièrement à l’Evangile de saint Jean. C’est à la lumière de ce qu’il dit en citant Isaïe (Is. 6,9) que le sens profond de l’expression espagnole "veines de la science d’amour" prend tout son sens : il s’agit de la parole de Jésus qui ne vient pas de lui, mais du Père qui l’a envoyé. Elle coule donc de source, dérivée de l’Amour-même et c’est pourquoi ceux que le Père lui a donnés (Jn. 10,22) écoutent sa voix et le suivent. C’est là découvrir le secret divin de la Parole qui sauve le monde (Jn. 12,47), croire au Nom du Père en Celui qui a envoyé son Fils pour que sa parole fût entendue et gardée.
51Dans l’union à Dieu, être plongé dans la science d’amour et l’abîme de la sagesse, c’est entendre les paroles du Christ comme paroles de Dieu, selon que Dieu attire à lui et fait passer des ténèbres à la lumière (Jn. 12,46) : ce n’est plus les entendre à la manière des hommes, mais à la manière de Dieu. Ainsi donc la contemplation parfaite, en esprit et en vérité, introduit dans le secret du Père qui les prononce et de qui se répandent les courants de l’amour sur le monde. C’est là le privilège de la contemplation unitive de la Parole venue du Père : elle introduit dans l’intimité des relations de la Trinité Divine25.
52"Quand ces choses arriveront, croyez que moi : Je Suis" (Jn. 13,19). C’est au niveau de cette sublime expérience de la contemplation unitive que cette parole de Jésus révèle tout sons sens. C’est pourquoi Luc a pu rapporter dans les Actes (13,33) la parole de saint Paul : "Nous vous annonçons cette Bonne Nouvelle : la promesse que Dieu avait faite à nos Pères, il l’a entièrement accomplie pour nous, leurs enfants, en ressuscitant Jésus ; c’est ce qui est écrit au psaume deuxième : Tu es mon fils, aujourd’hui je t’ai engendré".
53 3. - Le fondement biblique de l’expérience et de la doctrine de saint Jean de la Croix ne saurait être mis en doute. Que la foi, comme fruit de l’amour infus, soit le moyen doublement proportionné à Dieu et à l’homme en vue de leur union, c’est ce que dit Osée (2,22 : Dieu épouse l’homme dans la foi) avec tous les prophètes ; Dieu est le Père qui accueille l’enfant prodigue au festin des Noces éternelles (Luc 15,20 ; 13,28-29 ; Mt. 22,10). Mais, surtout, la Sagesse, lorsqu’elle se déclare elle-même dans l’Ecriture (Pr. 8,22-31 et Sg. 6-9), définit son rapport à Dieu en disant qu’elle existe de toute éternité et qu’elle a assisté à la création du monde. Dans l’Ancien Testament la sagesse est personnifiée. Elle s’est finalement personnifiée dans la plus belle des créatures que le Père a conçues pour que naisse d’elle le premier-né de toutes les créatures promises à la sanctification : la mère de Dieu, Marie. Elle rassemble tous les hommes dans le Christ et elle rassemble tout l’homme pour l’unir à Dieu, comme elle l’a fait elle-même en répondant à son appel. Marie est ainsi le modèle de la contemplation spirituelle ouverte à la créature par le don miséricordieux du Père. Ce qu’elle met en évidence, c’est le don de Dieu et le mystère de la réponse de l’homme qui consent. La structure de la contemplation chrétienne comporte ces deux éléments : d’une part, le don de la Révélation du Père ; de l’autre, l’accueillance de ce don, la conversion à Dieu, le retour à Lui. Selon l’image d’Isaïe, la pluie ne remonte pas au ciel sans avoir porté son fruit.
54L’homme est donc appelé à coopérer à son salut et il le fait dans l’écoute de la Parole : il est cause (seconde) de salut, car le Christ qui veut naître en lui prend possession de son esprit et de son corps afin de lui donner son Esprit. L’analogie entre Marie et le contemplatif chrétien permet d’éclairer tout l’enseignement de saint Jean de la Croix concernant la contemplation d’attitude, c’est-à-dire l’activité propre au contemplatif dans la vie mystique.
55L’écoute de la Parole de Dieu est elle-même don de Dieu (Is. 50,4 : "Le Seigneur m’a ouvert l’oreille"). Elle est notre part dans la foi, en réponse à l’appel de Dieu. Elle est un acte suprême de conversion où est engagée toute l’attention dont l’homme est capable - car il ne suffit pas de l’entendre, il faut la recevoir. Cet aspect essentiel de l’écoute de la parole est souvent mal compris. Il arrive, en effet, un moment où notre rapport à Dieu en se transformant, devient rapport de Dieu à nous : toute l’existence du chrétien entre alors dans le régime absolument nouveau de la voie de l’Esprit, parce qu’alors seulement la vraie conversion en esprit et en vérité s’effectue avec la réponse à l’appel de Dieu qui met l’homme en mouvement vers lui de telle sorte qu’il devient croyant, plein de joie dans l’Esprit-Saint (Lc., Actes 13,52).
56Le fondement de la contemplation d’attitude est la foi : la nature de la contemplation d’attitude s’explique par la structure de cette vertu théologale de la foi comme moyen immédiatement proportionné à l’union à Dieu26.
57La notion de proportionnalité qui s’établit entre la grâce et le pouvoir libre de l’homme constitue ce que l’on peut appeler la loi du langage de Dieu. Non seulement elle explique le langage parabolique de Jésus (Mc. 4,33), mais elle fonde la théorie et la pratique de la contemplation d’attitude. C’est pourquoi cette notion de proportionnalité joue en mystique chrétienne un rôle essentiel que nous allons devoir préciser.
58Elle fait intervenir la distinction classique27 des deux actes de connaissance et particulièrement celui de la suspension intentionnelle selon l’expression de saint Thomas commentant Denys : l’acte de l’union supra-intellectuel. C’est par le moyen de cet acte que l’intelligence coopère dans la foi avec Dieu qui l’illumine à travers le message de sa parole. Nous avons souligné déjà28 la fonction du langage de la foi qui proportionne la parole de Dieu à l’auditeur en vue de proportionner celui-ci à elle-même, de telle sorte qu’en l’atteignant dans son propre langage cette Parole puisse l’assimiler à elle-même et lui communiquer par l’union le sens divin qu’elle transmet. Cette proportionnalité rend manifeste la vertu du don de l’Esprit : il introduit dans l’âme la vertu de foi comme un pouvoir de coopérer avec Dieu activement par l’acte de l’intelligence.
59Saint Jean de la Croix a excellé dans l’enseignement de cette doctrine fondamentale de la contemplation d’attitude par laquelle s’inaugure la vie mystique au plan de l’intelligence. Elle fait pénétrer le sens caché des paroles du Christ, elle fait entrer dans les sentiments du Christ uni à son Père, elle dresse tout droit l’attention et le coeur vers Dieu. a l’opposé de l’âme partagée dont la disposition native l’entraîne au divertissement de l’inattention essentielle et au partage affectif (Jc. 1,23-24), cette âme recueillie dans l’union s’unifie et se simplifie, surtout dans la contemplation qui met en oeuvre la simplicité du regard d’amour porté sur Dieu en Jésus-Christ et en général sur tous les mystères divins révélés dans sa Sainte Humanité.
60Ce que saint Jean de la Croix appelle l’attention simple et amoureuse à Dieu (advertencia sencilla y amorosa a Dios) occupe dans ses écrits une place considérable et il n’est pas inutile de rappeler que c’est à propos de cette notion que les théoriciens de la spiritualité chrétienne ont engagé une controverse peu glorieuse et révélatrice de l’idéologie théologique moderne. En effet, si l’on s’écarte de la doctrine consignée en ces pages de la Montée, de la Nuit Obscure et de la Vive Flamme, nous allons le voir, la spiritualité chrétienne passe de la mystique à l’idéologie.
61Cette attention est un regard direct et simplifié sur le Christ dans le mystère de son Humanité29, tel qu’il s’est présenté lorsqu’il a enseigné à prier le Père (Mt.6, 76- 13), jusqu’à la croix où il acheva sa vivante Prière. Il n’y a pas d’autre contemplation chrétienne que celle-là : une contemplation directe rendue possible par la foi au Christ fils du Père, serait-ce une contemplation de l’Essence divine qui prétendrait ne pas passer par cette contemplation de Dieu en Jésus-Christ Dieu fait homme, dans le mystère de sa Personne ? Nous l’avons vu, il s’agit d’une contemplation qui est celle de l’Eglise elle-même qui ne cesse d’adorer et de louer son Chef, dont elle est le Corps. Ce regard direct et simplifié est un regard d’amour, comme le dit bien la formule qu’emploie saint Jean de la Croix, parce qu’il suppose la tension active de la volonté vers Dieu. Il ne peut s’agir d’une contemplation d’attitude comportant la rémission de la volonté à Dieu conçue comme une démission, mais bien au contraire comme l’acte de religion et de dévotion au sens propre. Il s’agit d’une mystique fondée sur la proportionnalité des vertus théologales, spécialement exercée dans la proportionnalité de la foi qui constitue le moyen capable de procurer la participation effective de l’homme au mode divin d’aimer Dieu et de le connaître, tout obstacle ôté du côté de l’activité propre de l’intelligence.
62La réciprocité de proportion qui s’établit entre l’homme et Dieu et qui proportionne Dieu à l’homme au début de l’itinéraire mystique est finalisée par la proportion de l’homme à Dieu jusqu’au terme de la béatitude. C’est elle qui préserve contre toute déviation ascéticiste ou quiétiste et fortifie l’homme intérieur en rendant plus robustes ses puissances de connaissance et d’amour et en drainant vers elle jusqu’aux énergies des passions naturelles. Dieu ne dispose pas de nous comme de mineurs passifs, mais il nous communique le pouvoir de devenir activement ses collaborateurs, enfants de Dieu, frères du Christ, nés de lui (Jn. 1,12-13). La mystique chrétienne est donc fondée sur une attitude contemplative qui consiste en une disposition passive de l’attention à Dieu (Hab., 2,1), et une disposition active généreuse de la volonté appliquée à la pratique des commandements et surtout de la charité fraternelle (Jc., 1,22-27).
63Lorsqu’il définit cette contemplation en disant qu’elle est une contemplation qui se passe dans la foi30, toute sa doctrine se trouve pour lui résumée, parce qu’il fait par là allusion à ce qui vient d’être dit, mais aussi parce qu’il signifie que la mystique chrétienne défie toute gnose, toute prétention à la fonder sur un savoir distinct ou un au-delà de la foi.
64La contemplation qui se passe dans la loi est donnée dans la foi (par Dieu), c’est donc dans la foi qu’il faut la chercher. Le chrétien est un chercheur de Dieu du seul fait qu’il "a la foi". On voit l’importance de la vision de saint Jean de la Croix : la mystique est l’affaire de tout chrétien, pas d’une élite de "voyants". Quiconque "a la foi" est en route vers la contemplation. Encore faut-il qu’on le lui dise et qu’on l’instruise sur l’admirable moyen (admirable medio)31 que la seule foi constitue à cet effet, tellement admirable qu’il faut abandonner tous les autres moyens au profit de son dynamisme théologal en vue de venir au Christ en cheminant dans la foi jusqu’à s’unir à lui32.
65Il convient de souligner que la vision sanjuaniste de la sola fides constitue le fondement biblique décisif de la mystique chrétienne, on le voit sans doute bien. Elle désigne l’attitude contemplative qui résume le commandement de la loi. La loi de Dieu a ceci de merveilleux qu’elle rend Dieu proche et qu’apprenant aux hommes à lui demeurer fidèles, elle leur permet de participer à son œuvre dans le monde, à rendre Dieu proche des hommes, à contribuer à sa gloire. Observer ainsi la loi, c’est séjourner sous la tente du Seigneur (Ps. 14), c’est pratiquer la loi de Dieu par amour, ce n’est pas l’honorer des lèvres, mais parce que notre cœur est proche de Dieu. C’est ainsi que le Christ a enseigné à pratiquer la loi de Dieu et lorsqu’il stigmatise le culte des Pharisiens (en citant le prophète Isaïe), dont les doctrines ne sont que préceptes humains, il ajoute : "Vous mettez de côté le commandement de Dieu pour vous attacher à la tradition des hommes" (Mc. 7, 1-13). La sainteté de la loi est annulée, selon l’expression de Jésus, par un tel comportement : l’attitude contemplative est dictée au contraire par la sainteté de la loi Divine et elle en assure le respect jaloux.
66La seule foi (qui constitue le mot d’ordre de saint Jean de la Croix) renvoie donc au commandement du Christ, sans lequel la pratique de la loi conduit tout droit à l’idéologie...
67 4. -... A l’idéologie, c’est-à-dire à la dissolution fatale de la mystique chrétienne compromise dès les premiers pas. Saint Jean de la Croix n’a pas pu s’empêcher de le souligner sans cesse dans ses écrits et encore dans la longue digression de la Vive Flamme qui occupe 42 paragraphes du troisième livre de cet admirable traité33. Il avait compris, comme personne avant lui et après lui, l’importance de la contemplation d’attitude tout entière appuyée sur la foi obscure34. Quand il en parle, c’est avec gravité :
68"J’ai tant de peine et de pitié quand je vois les âmes revenir en arrière parce qu’elles refusent de se laisser oindre par Dieu de telle sorte qu’elles puissent accéder à l’union parfaite, au point de perdre même les effets de l’onction qu’elles ont déjà reçue, que je dois nécessairement les aviser et leur montrer ce qu’elles doivent faire pour éviter pareil dommage... Ce que je vais dire est tellement nécessaire non seulement à ces âmes favorisées qui cheminent vers l’union à Dieu, mais pour toutes les autres qui sont en quête de l’Aimé ! ".
69Et c’est ainsi que saint Jean de la Croix aborde avec un luxe de détails exceptionnel le plus profond commentaire de la loi de proportionnalité dont nous avons parlé, en insistant sur les principes les plus fondamentaux concernant la manière dont Dieu perfectionne l’homme selon le mode de l’homme afin de pouvoir le perfectionner selon son mode à lui, car il dispose toutes choses avec ordre et suavité (Sg. 8,1). Répondant aux objections incessamment reprises d’un hypothétique, mais trop réel, contradicteur, il explique "que l’Esprit-Saint35 illumine l’entendement qui se tient recueilli et qu’il le fait selon le mode de son recueillement et qu’ainsi lorsqu’il se recueille dans la foi, c’est l’Esprit-Saint lui-même qui l’illumine parce qu’il ne le fait jamais autrement que dans la foi".
70La conséquence devient palpable : lorsque l’intelligence se recueille dans la pure foi, la lumière de l’Esprit-Saint l’inonde selon la mesure de sa capacité : "Plus l’âme est pure et raffinée dans la foi plus sa capacité à l’égard de la charité infuse par Dieu est grande, et plus sa charité est grande plus l’Esprit-Saint l’illumine et lui communique ses dons"36.
71Le secret de la fécondité de la contemplation d’attitude est là : la foi seule augmente la charité infuse dans l’âme. D’où la conséquence décisive : le fait de ne pas pratiquer une telle contemplation d’attitude suffit à empêcher l’infusion de la charité dans l’âme37 et à empêcher la communication de l’abîme de la foi dans lequel Dieu instruit l’âme surnaturellement et en secret et l’élève en vertu et en don sans qu’elle sache comment.
72Il est vrai que seul Dieu établit l’âme dans l’état surnaturel de la contemplation chrétienne ; mais de son côté elle doit s’y préparer et elle doit s’y prêter, car c’est selon le mode de sa disposition à accueillir l’œuvre de Dieu en elle, c’est-à-dire selon le mode de son renoncement et du vide dans lequel elle s’établit, que Dieu la met en possession de l’union. C’est pourquoi l’on dit que Dieu opère en elle passivement (dans la nuit passive de l’âme) et que, selon la mesure du service qui lui est rendu par l’âme, il achèvera de lui communiquer l’habitus de l’union divine parfaite38.
73"Le juste, dit Habaquq, vivra par sa fidélité" (Hab. 2,1). Saint Paul y lit sa doctrine de la justification par la foi. On voit qu’il s’agit, chez lui comme chez saint Jean de la Croix, de la foi qui contemple dans la contemplation d’attitude.
74S’il en est ainsi, c’est à cette contemplation qu’il faut de référer dans le débat doctrinal et spirituel décisif ouvert au début du XVIe siècle par la théologie luthérienne de la sola fides. Un tel débat concerne au premier chef la nature des rapports de la mystique chrétienne et de l’idéologie théologique.
75La vision chrétienne de saint Jean de la Croix se résume dans sa définition de ce qui est spirituel. Il écrit : "tout ce qui est spirituel, s’il ne vient pas d’en-haut communiqué par le Père des Lumières, au-dessus du vouloir et du désir de l’homme, quand bien même s’exercerait-on à goûter et à opérer humainement dans son rapport à Dieu, quand bien même penserait-on l’atteindre lui-même en vérité, on ne le goûtera que très humainement et naturellement, comme l’on goûte toutes choses, car les biens surnaturels ne vont pas de l’homme à Dieu, mais procèdent de Dieu à l’homme."39
76En matière de contemplation divine, c’est Dieu l’agent principal, le patient c’est l’homme. Respecter dans toute son ampleur cette loi, c’est écarter d’emblée toute menace d’idéologie. L’homme animal, dit saint Paul, ne perçoit pas les choses de Dieu. En matière de contemplation, il ne peut que troubler la paix des âmes contemplatives qui reçoivent tranquillement, en l’accueillant par mode d’union, le don de Dieu. Cet homme-là ne sait pas ce qu’est l’Esprit. Il détruit la vigne du Seigneur. Tout son pouvoir ne peut consister qu’à les égarer ou à s’égarer lui-même dans l’illusion spirituelle et la simulation.
77D’un côté, la mystique de la foi signifiera l’ouverture naturellement et spirituellement de l’esprit humain et son entrée dans l’intimité de la Parole, et alors la seule foi est bien le moyen immédiatement proportionné qui permet d’entrer dans les veines de la science d’amour, c’est-à-dire dans la Parole vivante de Dieu. Sola fides désigne alors le dynamisme spirituel d’un acte de foi qui se termine dans la connaissance du Christ comme l’Engendré du Père.
78De l’autre, la sola fides désignera (chez Luther) la voie d’une foi close sur elle-même et sur son mode humain de concevoir la vérité de Dieu, parce qu’elle n’est plus moyen qui procure l’union, mais "vision" du jugement de Dieu sur le monde en Jésus-Christ. Une telle vue juridique concerne le Dieu qui condamne et gracie par imputation à l’homme des mérites de Jésus-Christ. La formule de Luther exprime la certitude d’une foi d’être : elle réifie en l’idéologisant l’expérience vécue de l’union transformante et c’est pourquoi elle s’exprime dans la vision théologique du dessein éternel du Père en Jésus-Christ caractéristique de la théologie luthérienne.
79La réduction de la mystique chrétienne sous l’influence d’une idéologie théologique a constitué, nous le verrons, le drame de la spiritualité chrétienne de l’Occident moderne.
80 Chez Luther, l’idéologie renie ce qu’elle dénature chez les modernes catholiques. Chez lui, comme chez eux, l’esprit de l’homme s’est clos sur lui-même, comme prisonnier de sa nature et, face à l’Esprit de Dieu, comme coupé de sa surnature.
81Ce qui nous a valu le Doctorat de saint Jean de la Croix ès-sciences mystiques, ce n’est certes pas chez lui le désir de briller parmi les maîtres de l’Ecole, ni même de construire un système au service des directeurs et des contemplatifs. C’est, avant tout, la conscience qu’il avait reçu une mission dans l’Eglise de son temps, celle de donner l’alarme pour que l’on n’éteignît pas l’Esprit. Comment expliquer autrement qu’il n’y ait pas un seul de ses traités où il n’ait insisté, chaque fois que l’occasion se présentait, comme obsédé, sur l’idée que l’on méconnaissait quelle devait être la disposition requise de la part du sujet pour qu’il ne fît pas obstacle à la grâce et fût préparé à entrer librement dans la voie de la perfection selon l’Esprit40 ?
82La mystique chrétienne est aussi affaire de liberté. Elle instaure définitivement dans l’homme le règne de sa dignité ontologique de cause qu’il partage avec Dieu et qui se réalise en perfection seulement dans l’union de l’âme à Dieu. Il faut donc apprendre cet usage du libre vouloir pour parvenir, autant qu’il est possible, à la béatitude accessible en cette vie. C’est au magistère à enseigner cette voie. Le malheur, nous dit saint Jean de la Croix, c’est qu’il a bouché la voie.
83Comment expliquer une telle infortune ? Par le fait que le divorce s’est produit entre la théologie des théologiens de l’Ecole et celle des théologiens de la vie spirituelle. Ce divorce est ancien - le mal qu’il engendre est le séparatisme au niveau de la théologie de la grâce. Les premiers n’ont plus l’expérience des voies spirituelles. Quand ils posent les problèmes concrets, ils n’y voient plus clair. De la désaffection à l’égard de la "contemplation des saints" (attestée chez les clercs depuis Hugues de Balma et son Viae Sion Lugent) suit, en doctrine, un glissement fatal de la problématique. Voulant sauvegarder l’originalité de la foi chrétienne dans une Ecole menacée d’être envahie par la pensée des philosophes païens, on a versé dans un séparatisme de la nature et de la grâce, préjudiciable à la contemplation chrétienne elle-même. La lumière intérieure a fait défaut pour que fût maintenue la doctrine traditionnelle des Pères et de l’Ecole du XIIIe siècle unanime sur le point de la grâce surnaturelle. Parant au plus urgent - la défense de la foi menacée par la spéculation - on en est venu à insister sur la gratuité du "surnaturel" de telle sorte que la transcendance ontologique de la grâce se voyait entamée et, avec elle, l’immanence du transcendant propre à la grâce sanctifiante enracinée dans l’esprit créé. Cela est bien connu41.
84Ce qui l’est moins, c’est qu’un tel séparatisme était directement préjudiciable à l’intelligence du rôle du croyant dans la réponse à l’appel du Seigneur, à la compréhension de la nature de notre disposition dans la conversion à Dieu, à cette triple donnée du mystère du salut selon laquelle :
- la grâce suscite notre libre adhésion et participation à l’œuvre de Dieu au moment de la "conversion"42 ;
- - que dans l’affaire de notre "divinisation" et de l’itinéraire spirituel vers Dieu, la grâce nous fait partager avec Dieu, à notre manière humaine, mais selon la mesure de la bienveillance du Père, la dignité de cause ;
- - que c’est par là que la grâce est source de notre mérite.
85En tout ceci, ce qui se marque c’est que nous sommes vitalement engagés dans notre salut, naturellement appelés, avec notre liberté, non pas malgré la surnaturalité du mystère du salut, mais de son fait même, à coopérer avec Dieu. C’est cette responsabilité que la théologie moderne a eu tendance à méconnaître de plus en plus. Cette responsabilité méconnue, la vie spirituelle du chrétien s’est progressivement dénaturée et l’on a vu apparaître fatalement les oppositions de tendances qui firent dériver ce qu’on a dénommé "spiritualité" chrétienne en deux directions opposées, celle d’un "pélagianisme" pratique et celle d’un nécessitarisme" pratique.
86Dans un premier temps, au début du XVIe siècle, c’est le drame de la Réforme. Dans un second temps, à partir du dernier tiers du même siècle, c’est le drame spirituel généralisé dans l’Eglise et bien visible dans le règne des controverses entre confessions religieuses protestantes et catholique. Signe évident que les écoles chrétiennes divisées contre elles-mêmes étaient en rupture avec le principe de leur unité dans l’Esprit.
87Mais la problématique séparatiste fatale à la spiritualité de la tradition dans l’Eglise ne date pas de ce "siècle des controverses" des XVIe et XVIIe siècles. Elle remonte au moyen âge et sévit dès l’époque de la condamnation des "thèses" de saint Thomas (1277). Le XVIe siècle a recueilli les fruits des controverses furieuses qui avaient opposé "scotistes" franciscains et "thomistes" dominicains, et ces deux réunis aux "nominalistes"43. Il a innové à son tour, au point de laisser se rompre l’unité dans l’Eglise, principalement sur la question de la vie spirituelle. Il a poursuivi, dans cette voie de la controverse généralisée, ses efforts pour réfuter l’hérésie partout naissante, chez les autres - jansénistes contre jésuites, pélagiens contre prédestinationnistes, les uns et les autres eux-mêmes divisés, car il y avait bien des nuances entre tel pélagien et tel autre, entre tel "prédestinatianiste" calviniste et tel "prédestinationniste" thomiste !
88Cette pathétique division des chrétiens sur l’essentiel, si chèrement payée dans notre histoire, est bien connue. L’est-elle vraiment dans sa signification spirituelle ? Constamment, à son insu, chaque école s’est mise en marge de la grande tradition spirituelle. Concrètement, il faut le dire, elles ont toutes plus ou moins gravement méconnu la nature de la contemplation chrétienne en pratique et en théorie. Une telle méconnaissance a constitué la raison profonde de leurs divisions et de leurs conflits internes.
Notes de bas de page
1 La suprême connaissance de la vie mystique, pour saint Bernard comme pour saint Jean de la Croix, et généralement pour tous les mystiques chrétiens authentiques, est celle de l’insondable mystère de la Sainte-Humanité du Christ. La divina inspectio de saint Bernard (3e genre de révélation des secrets divins, Sermon XXXI In Cantica, art. 4-6) consiste en ces visions purement intellectuelles que saint Jean de la Croix décrit comme faisant partie de l’union suprême du mariage spirituel (voir E. Gilson, La mystique de la grâce dans la Queste del Saint Graal, Les Idées et les Lettres, Paris, Vrin – 1932, pp. 79, n. I et 80, n. I).
2 C’est le drame d’une théologie moderne qui entreprend, à partir de Luther et de Molina, de percer le mystère (de la grâce, de la liberté, de la prédestination, de la justification), et qui s’enlise dans la controverse (v. 2e partie, ch. I-III).
3 Cantique des Cantiques, I, 13 ; Nuit Obscure, II, ch.17 ; Cántico, str. 36, v.2 et str. 35, v.4.
4 "De la cual (noche oscura del espíritu) tenemos grave palabra y doctrina" (1N. 13,3).
5 2 N. 4,1.
6 2 N. 3,3.
7 2 N. 1,1 : "Aquella horrenda noche de la contemplación en que de propósito pone Dios al alma para llevarla a la divina unión".
8 2 N., 6,6.
9 2 N., 6 et 7,7.
10 1 V.F. 3,70.
11 2 N. 5,3.
12 2 N. 17,2 ; S. Thomas, II-IIae, q. 180, a.1 : "Propter hoc Gregorius (Hom. 14, In Ezech.) constituit vitam contemplativam in charitate Dei".
13 1 V.F., 3,3.
14 2 N. 17,6, 3 et 4.
15 2 N. 17,6.
16 2 N. 17,7 : "Las cuales, como son cosas no sabidas humanamente, hase de caminar a ellas humanamente no sabiendo y divinamente ignorando".
17 Jésus se référait à Lv. 2,13 : le feu conserve ce qu’on ne peut saler, car il punir les pécheurs en les éprouvant ; le châtiment du jugement de Dieu fait d’elles des victimes agréables à Dieu.
18 Voir les pages admirables de 2 M. 14 sur la pénétration de la pure lumière de Dieu et l’image familière de la verrière ; elles renvoient à 1 N. 8 et à Cántico, 17, 3, i.
19 1 N., ch. I à VII.
20 1 N., ch. XII-XIII.
21 2 N. 22,2.
22 1 N., Declaración, 1.
23 Prologue à la Montée, 5.
24 Cántico, St. 14,2. Voir 2 N., 24 la citation de Sg. 18,14.
25 Tel est l’objet du traité de la Vive Flamme d’Amour.
26 Montée du Mont-Carmel, livre 2, Ch. 9.
27 V. supra, pp. 47-48.
28 V. supra, pp. 33-34.
29 C’est par le moyen de son Humanité que le Christ sauve les hommes. Il ne faut donc pas la séparer de sa Divinité, comme l’enseigne saint Thomas (3°, q.26, art. I). Jacques Maritain a souligné l’importance de ce point fondamental et cité le P. Nicolas dans Le Paysan de la Garonne, Paris, Desclée de Brouwer - 1966, p. 361.
30 2 M., 10,4.
31 2 M., 2,1.
32 2 M., 1,1 ; 4,2.
33 V. F. §§ 27 à 68 (26 à 58 dans la première rédaction).
34 "Omnia movet secundum modum eorum" (2 M. 17, 4-5). Dieu communique l’Esprit à partir des choses extérieures selon le mode sensible, jusqu’au moment où l’esprit est en nous capable de poser des actes particuliers qui permettent de recevoir des bouchées de communication spirituelle qui lui donnent l’habitus des choses de l’esprit (§5). D’où la conséquence : plus on avance dans la voie de l’Esprit, plus on se dépouille et se vide des voies du sens, c’est-à-dire du discours et de la méditation, au point que la parfaite communication avec Dieu, selon l’Esprit, évacuera nécessairement tout ce qui en fait de connaissance de Dieu pouvait tomber dans la capacité du sens.
35 2 M. 29,6.
36 Ibidem.
37 2 M. 29,7.
38 3 M., 2,13-15.
39 N. O., 16,5.
40 Montée, livre II, chapitres XIII à XV. Nuit obscure, livre I, chapitres IX et X. Vive Flamme, n° 27-68 (26-58) v. supra, p. 75.
41 Au moins depuis 1946 et la publication de l’ouvrage mémorable du P. Henri de Lubac, Surnaturel. Etudes historiques, Paris, Aubier.
42 II-IIae, q.24, art.3, ad Ium : "Illa virtus secundum quam sua dona Deus dat unicuique, est dispositio vel praeparatio praecedens, sive conatus gratiam accipientis. Sed hanc etiam dispositionem vel conatum praevenit spiritus sanctus, movens mentem hominis vel plus vel minus secundum suam voluntatem. Unde et Apostolus dicit ad Coloss. I, 12 : "Qui dignos nos facit in partem sortis sanctorum in lumine".
43 Surnaturel, o.c., pp. 267-268. Depuis l’époque de Guillaume de la Mare (c. 1278) et le chapitre Général des mineurs réuni à Strasbourg en 1282, jusqu’aux controverses de la fin du XVe siècle à Padoue et du début du XVIe siècle, lors de la polémique anti-baïaniste.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les Facultés de droit de province au xixe siècle. Tome 1
Bilan et perspectives de la recherche
Philippe Nélidoff (dir.)
2009
Les Facultés de droit de province au xixe siècle. Tome 2
Bilan et perspectives de la recherche
Philippe Nélidoff (dir.)
2011
Les désunions de la magistrature
(xixe-xxe siècles)
Jacques Krynen et Jean-Christophe Gaven (dir.)
2012
La justice dans les cités épiscopales
Du Moyen Âge à la fin de l’Ancien Régime
Béatrice Fourniel (dir.)
2014
Des patrimoines et des normes
(Formation, pratique et perspectives)
Florent Garnier et Philippe Delvit (dir.)
2015
La mystique déracinée. Drame (moderne) de la théologie et de la philosophie chrétiennes (xiiie-xxe siècle)
Jean Krynen
2016
Les décisionnaires et la coutume
Contribution à la fabrique de la norme
Géraldine Cazals et Florent Garnier (dir.)
2017
Ceux de la Faculté
Des juristes toulousains dans la Grande Guerre
Olivier Devaux et Florent Garnier (dir.)
2017