Chapitre V. Esquisse d’une théologie de la Révélation
p. 171-205
Texte intégral
1Faire une théologie de la révélation, c’est réfléchir sur le présupposé fondamental de toute théologie chrétienne. La révélation, en effet, n’est pas un dogme parmi d’autres, c’est le préalable dont on part et sans lequel toutes les vérités dont traite la théologie s’écroulent. Même si le mot de révélation est plein d’ambiguïtés, même si la théologie moderne en a abusé, il n’est pas faux de voir dans la notion de révélation une catégorie théologique « transcendantale » en ce sens qu’elle est présupposée à tout le donné théologique et qu’en même temps elle le contient.
2On comprend alors pourquoi la révélation est l’objet privilégié de ce qu’on appelle la théologie fondamentale dans sa distinction d’avec la théologie dogmatique. On peut définir la théologie fondamentale comme l’étude critique des fondements de l’existence chrétienne, c’est-à-dire d’une part de la révélation comme instauratrice de la foi et, d’autre part, de la foi comme accueillant la révélation. On voit ainsi qu’il est impossible de séparer dans une étude théologique de la révélation, la révélation comme événement historique et sa réception par l’homme. Une étude rigoureuse de la révélation devrait comporter successivement :
l’étude de l’accomplissement de la révélation dans l’histoire ;
l’étude de l’accomplissement de la révélation dans la subjectivité croyante ;
l’étude de l’accomplissement de la révélation dans l’Eglise.
3Mais justement, il est impossible de faire une étude linéaire de la révélation en isolant un de ces moments si on ne veut pas trahir la réalité vivante du mystère que nous désignons par le terme de révélation1. C’est pourquoi, je renoncerai à ce plan trop facile dans la synthèse que je propose.
4Je commencerai par prendre au sérieux les difficultés redoutables que présentent le mot et l’idée de révélation dans la mentalité contemporaine. Après, je réfléchirai sur la présence de Dieu aux hommes par mode de révélation et par mode de manifestation. Ensuite, je considérerai la double dialectique de la révélation comme Parole de Dieu et comme parole humaine et de la révélation comme événement et comme sens. Enfin, nous envisagerons l’actualité permanente de la révélation dans l’Eglise.
I. Les difficultés propres à l’idée de Révélation
5C’est devenu une banalité de dire que la difficulté principale des croyants ne concerne pas telle ou telle vérité particulière à l’intérieur du message chrétien, mais le principe même de la révélation, c’est-à-dire la prétention d’un message religieux particulier comme celui du Peuple d’Israël et de la première communauté chrétienne à être considéré comme la parole même de Dieu. Essayons de détailler quelques-unes des raisons pour lesquelles l’idée même de révélation heurte tant la mentalité de nos contemporains.
Le caractère autoritaire du concept de révélation contredit directement l’autonomie et la transparence de la raison moderne. L’autonomie de la conscience est un acquis définitif de notre modernité. La vérité doit s’attester elle-même dans l’esprit qui l’accueille : elle doit manifester les titres qui entraînent l’adhésion de l’esprit. L’esprit moderne n’accueille pas une vérité au nom d’une autorité formelle — fût-ce celle de Dieu. La manière dont certaines théologies surnaturalistes de la Parole de Dieu ont renchéri sur l’autorité extrinsèque de la Parole de Dieu pour réclamer une adhésion de foi, provoque un profond malaise. C’est encore bien plus vrai si c’est l’autorité extrinsèque d’un Magistère ecclésiastique qui prétend nous proposer comme Parole de Dieu tel ou tel enseignement. L’effort de certains théologiens comme Pannenberg consistera donc à réagir contre une conception autoritaire et extrinséciste de la révélation en n’isolant pas son sens des événements historiques fondateurs dans lesquels il s’enracine2. Au moment où la raison métaphysique échoue à fournir des praeambula fidei, c’est l’histoire significative du Peuple d’Israël et de Jésus de Nazareth qui doit assurer la crédibilité du christianisme.
Nous ne pouvons plus accepter la conception naïve d’une révélation comprise comme un savoir tout constitué dont l’auteur sacré serait l’intermédiaire purement passif sous la dictée de Dieu. C’est le fameux problème de l’inspiration. Et depuis le modernisme, nous nous demandons toujours comment concilier la transcendance de la Parole de Dieu et le caractère pleinement humain de l’Ecriture en tant que porteuse d’une vérité révélée. Aujourd’hui, ce vieux problème retrouve une acuité nouvelle. La réflexion critique sur ce qui est engagé dans la lecture d’un texte nous fait prendre conscience qu’il n’y a pas une vérité du texte qu’il suffirait de déchiffrer, mais qu’il y a autant de sens que de lecteurs. Le problème permanent des rapports entre la part de Dieu et la part de l’homme dans la révélation se pose ainsi : comment concilier l’existence d’un sens donné, voulu par Dieu, avec la reconnaissance de l’homme comme lieu unique de la production du sens ?
Pour les chrétiens comme pour les non-chrétiens, la question centrale ne concerne pas tel ou tel dogme particulier, mais l’origine historique de la révélation. La question de la révélation aujourd’hui n’est pas d’abord la question de sa convenance ni de sa possibilité a priori comme dans l’apologétique classique, mais celle de son fait ou de sa possibilité a posteriori. Comment la révélation fut-elle possible autrefois (dans son origine historique) et comment l’est-elle aujourd’hui encore (dans la compréhension et l’annonce de cette origine) ? La révélation ne consiste pas d’abord dans le dévoilement d’un certain nombre de vérités sur Dieu et sur l’homme, mais elle concerne un fait historique : l’histoire de Jésus-Christ. Or, cet événement est un événement passé. En quoi nous concerne-t-il aujourd’hui ? On se plaît beaucoup dans le christianisme contemporain à souligner la dimension historique de la révélation chrétienne. Or, en fait, cette révélation historique qui rend Dieu si proche de l’homme est aussi celle qui fait le plus difficulté à beaucoup de nos contemporains. Comment faire dépendre le salut de tous les hommes de cet événement particulier, contingent, qu’est Jésus-Christ ? Beaucoup d’hommes admettent l’existence de Dieu et la possibilité d’entrer en relation avec lui à l’intérieur des diverses religions ou sagesses. Ce qui apparaît comme un scandale, c’est de faire dépendre la relation à l’Absolu, du christianisme comme religion historique. Comment lier l’accès de tout homme à Dieu pour tous les temps à des événements historiques, à une révélation consignée dans un texte privilégié, à une Eglise particulière, socialement et culturellement conditionnée3 ? Disons que la mentalité contemporaine achoppe sur le positivisme de la révélation au nom d’un certain œcuménisme spirituel selon lequel toutes les religions et toutes les mystiques se valent comme expérience de l’Absolu. Pourquoi le christianisme serait-il plus qu’une étape — d’ailleurs prodigieuse — de l’aventure spirituelle de l’humanité ?
Enfin, on insiste toujours dans la théologie catholique sur la clôture de la révélation avec la mort du dernier des apôtres. De là à identifier la révélation avec une collection de vérités que l’on conserve jalousement comme un trésor du passé, il n’y a qu’un pas. Cette fausse conception entraîne une désaffection à l’égard de l’idée même de révélation. Il semble que le christianisme soit inévitablement lié à un savoir déjà tout constitué et qu’il soit incapable de susciter de nouvelles possibilités créatrices pour l’avenir de l’homme. Et de fait, dans beaucoup de milieux chrétiens, on souligne plus volontiers la permanence de la révélation dans l’Eglise et dans l’histoire. On assiste donc aujourd’hui à une certaine mésestime de la Parole de Dieu cherchée dans l’Ecriture au bénéfice de la Parole de Dieu lue dans tel événement, dans telle rencontre humaine, dans telle situation. On parlera volontiers d’une présence continuée de la Parole de Dieu dans l’histoire. C’est ce qu’essaie d’exprimer l’expression, très prisée aujourd’hui, des « signes des temps ».
II. La Révélation comme manifestation et comme proclamation
1. L’originalité de la Révélation biblique
6Dans toutes les religions, Dieu ou bien le divin se rendent présents aux hommes par mode de manifestation. On peut parler de révélation au sens d’un dévoilement de Dieu dans et par un signe. Mais il s’agit plutôt d’une hiérophanie, c’est-à-dire que le divin se rend présent dans des signes sacrés. Au plan d’une phénoménologie du sacré, il semble que le sacré évoque toujours les idées d’altérité, de manifestation et de puissance4. Et le sacré a justement un rôle médiateur entre le monde profane, le monde de l’expérience quotidienne, et le divin ou au moins un « ailleurs » quelle que soit son objectivation dans un langage mythique, dans des rites, dans une richesse pluriforme de signes. Qui dit « sacré », dit irruption d’une différence dans la continuité, manifestation d’autre chose dans le quotidien, retentissement d’une puissance dans l’ordinaire.
7Ceci nous invite à penser que ce qu’on appelle la révélation dans les grandes religions païennes se meut encore dans le registre de la manifestation. Disons qu’une théorie de la manifestation nous renvoie à un Dieu cosmique qui se rend présent dans l’univers sans parole de ses perfections et dans l’univers également muet des choses et des causes que sa puissance pose. Une théorie de la révélation se déploie, par contre, dans la dimension d’une Parole, d’une subjectivité parlante dont la voix, prolongée par l’Ecriture, retentit en des témoins privilégiés5.
8Or, ce qui semble tout à fait caractéristique des grandes religions du livre comme le judaïsme, le christianisme et l’Islam, à propos de la révélation, c’est l’accent mis sur la parole ou l’écriture et l’accent mis sur l’historicité de la transmission. On peut dire que le judéo-christianisme a introduit une polarité nouvelle dans la sphère du religieux, à savoir celle de la parole, et que celle-ci l’emporte sur le « numineux » des religions païennes. Il suffit d’évoquer ici la lutte des prophètes d’Israël contre les cultes cananéens, contre les mythes agraires et contre tout le sacré naturel et cosmique. Le Dieu qui se révèle à Israël, n’est pas le Dieu de la nature, mais le Dieu de l’histoire. Ce n’est pas le Dieu de la fécondité ou de l’immortalité, mais le Dieu qui bénit la création et qui fait Alliance avec l’homme. Disons que le sacré de la nature recule devant l’importance donnée à la parole, au commandement éthique, à l’historique. Certes, il y a encore toute une part de sacré et de « numineux » dans l’Ancien Testament. Mais désormais l’écoute de la parole l’emporte sur la vision des signes6.
9Ainsi, il semble préférable de penser la révélation judéo-chrétienne dans le registre de la proclamation plutôt que dans celui de la manifestation. Mais, en fait, tout le programme d’une théologie de la révélation est de chercher une médiation entre le registre de la proclamation et celui de la manifestation. La manière dont Dieu se rend présent aux hommes par la parole n’abolit pas mais transmue la manière dont le sacré se manifeste à l’homme dans les religions païennes. Et cela ne peut être compris qu’à partir du sommet de la révélation judéo-chrétienne, le Verbe incarné qui réconcilie justement dans sa personne la proclamation et la manifestation. Il est inséparablement la Parole de Dieu et la manifestation de Dieu, c’est-à-dire une figure qui ne renvoie pas à autre chose qu’elle-même — parce qu’il est Dieu parmi les hommes. On ne peut pas relâcher dans la révélation judéo-chrétienne la tension dialectique entre l’élément parole et l’élément signe. La tension parole-sacrement, et donc la tension de la foi et du rite dans l’économie chrétienne, n’est qu’une conséquence du caractère sacramentaire de la révélation. Si on va jusqu’au bout de la théologie de la révélation contenue dans le Prologue de saint Jean, on comprend que Dieu ne se rend pas présent parmi les hommes seulement par la proclamation d’une parole, mais aussi par une manifestation du sacré, une irruption de l’invisible dans le visible, qui est conforme à l’économie même de toute hiérophanie7. Et les sacrements chrétiens, qui prolongent la révélation de Dieu parmi les hommes, sont inséparablement annonce d’une parole et action rituelle, interpellation éthique de l’homme et initiation au mystère, mémoire d’un événement historique et sacralisation des grandes étapes de l’existence humaine.
10C’est justement quand la théologie de la révélation compromet ce rapport délicat entre proclamation et manifestation qu’elle trahit l’originalité propre de la révélation biblique. Nous allons le vérifier en évoquant très brièvement tout ce qui sépare la notion de révélation à Vatican I et à Vatican II. Ce sera pour nous l’occasion de constater que le mot même de révélation — dont la théologie moderne fait un usage excessif — est inadéquat pour exprimer le mystère de la communication même de Dieu. Il faudrait plutôt dire à la suite de Hegel que le Christ est la « manifestation absolue de Dieu ».
2. Le vocabulaire et l’idée de Révélation de Vatican I à Vatican II
11Il faut noter tout de suite que, jusqu’au Concile de Trente, l’usage du mot « révélation » est très rare. On lui préfère les mots d’« Evangile », d’« Ecriture », ou de « doctrine chrétienne ». Pour désigner la révélation comme ensemble de vérités, Saint Thomas utilise le mot « doctrina sacra » ou « veritas salutis » et réserve le mot « révélation » pour caractériser la source d’où procède la « doctrina sacra ». Or, Vatican I, dans une problématique anti-déiste, fait un usage massif du mot Révélation pour désigner un corps de vérités surnaturelles et de préceptes positifs, communiqués par Dieu pour compléter une « religion naturelle »8.
12Ce glissement sémantique de la révélation comme « acte » par lequel les prophètes, les apôtres ou le Christ révèlent, à la révélation comme « contenu », accentue l’idée mythique d’un corps de vérités tombées du ciel sans aucun rapport avec les médiations humaines historiques. Il faut noter que cette conception extrinséciste de la révélation est inséparable de la distinction du naturel et du surnaturel qui commence avec Suarez. Alors que saint Thomas maintenait le lien organique entre nature et surnature grâce à l’idée du désir naturel de voir Dieu, on aboutit ici à la superposition de deux étages de vérités : les vérités naturelles et les vérités surnaturelles, sans lien interne entre elles.
13Il faut rappeler d’autre part que, selon l’enseignement de Vatican I, l’objet formel de la révélation, c’est l’enseignement par Dieu de vérités qui dépassent le pouvoir naturel de la raison. Les événements fondateurs de l’histoire du salut ne font pas formellement partie de la révélation. Ils ne sont que l’occasion du dévoilement du contenu de la révélation. Ce qui renforce cette impression, c’est non seulement l’usage privilégié du mot « révélation », mais aussi l’usage du mot « locutio Dei » et du mot « décréta divina ». L’objet central de la révélation, ce sont les décrets divins. Le Christ comme événement historique qui accomplit toute la révélation, n’occupe qu’une place secondaire.
14Enfin, la notion de révélation à Vatican I présuppose une conception purement intellectualiste de la vérité. Il s’agit de la conception grecque de la vérité considérée comme le dévoilement d’une chose cachée. Or, la vérité révélée est une vérité de vie. Ce n’est pas un message noétique intemporel, mais la réponse à un appel, à une promesse de vie. Pour retrouver la vérité au sens biblique, on doit faire appel à une conception eschatologique de la vérité. Alors que dans l’ordre de la pensée métaphysique traditionnelle, la vérité exclut toute idée de contingence et d’historicité, on dirait aujourd’hui que l’instauration du sens est justement liée à la vérité en tant qu’historique. Dans la Bible, la vérité apparaît comme la réalisation provisoire et progressive d’une promesse9.
15Ainsi, le principal reproche à adresser à la conception de la révélation de Vatican I, c’est d’avoir conçu la révélation comme un « contenu » beaucoup plus que comme un « acte ». On parle beaucoup de la révélation comme corpus de vérités surnaturelles, mais très peu du Christ comme médiateur de la révélation, et encore moins de l’acte par lequel Dieu lui-même se communique. Par ailleurs, on privilégie la révélation comme parole — alors qu’elle est inséparablement, événement, économie, manifestation et déroulement du dessein de Dieu dans une histoire.
16S’il est vrai que l’enseignement de Vatican II sur la révélation (Dei Verbum) veut s’inscrire dans la continuité avec l’enseignement de Vatican I, en fait, la problématique est très différente. Il ne s’agit pas, comme dans la perspective apologétique anti-déiste de Vatican I, de démontrer d’abord la possibilité et la nécessité d’une révélation surnaturelle. On part d’emblée de la révélation telle qu’elle s’est manifestée concrètement en Jésus-Christ. On ne commence pas par démontrer le fait historique de la révélation. Mais on discerne dans le fait judéo-chrétien, c’est-à-dire dans les événements fondateurs du Peuple d’Israël et de la première communauté chrétienne, la présence de Dieu et la venue de son règne parmi les hommes. La révélation n’est plus un corps de vérités doctrinales : « elle est l’auto-manifestation de Dieu dans une histoire sensée dont le sommet est le Christ médiateur de la Création comme du Salut. Elle est l’Acte de Dieu qui se révèle lui-même par les événements et les paroles qui l’interprètent »10.
17Dei Verbum marque le passage d’une théologie abstraite et notionnelle de la révélation à une théologie historique et concrète. On fait appel à une conception biblique de la vérité, c’est-à-dire de la vérité conçue comme la réalisation progressive d’une promesse, à la différence d’une conception grecque de la vérité dont le seul lieu est le jugement de l’intelligence. Les événements historiques peuvent entrer dans l’objet formel de la révélation. La révélation est inséparablement parole et histoire, sens et événement.
a) La révélation comme auto-manifestation de Dieu
18On ne définit pas la révélation comme corps de vérités doctrinales inaccessibles à la raison laissée à elle-même, mais comme contact personnel de Dieu avec l’homme, comme conversation vivante (cf. Ex. 33, 11), comme dialogue entre Dieu et l’homme. Cette révélation culmine dans le mystère du Christ qui consomme la révélation et en fonction duquel il faut tout comprendre. On insiste sur le caractère trinitaire de la révélation : le Christ est révélation de Dieu, non seulement par telle ou telle action, mais par toute sa personne. Sa vie tout entière est manifestation de Dieu, sacrement du salut ; il prononce les Paroles de Dieu et achève l’œuvre du salut. La révélation est donc moins communication de vérités nouvelles que communication de Dieu lui-même : événement de grâce et de salut. L’aspect doctrinal est subordonné à la présence et à la manifestation de Dieu en Jésus-Christ. Il n’y a jamais manifestation de sens sans qu’il y ait accomplissement de ce sens dans un événement. Le Christ est ainsi à la fois le sens de l’histoire et son accomplissement. La révélation est donc définie comme un acte personnel de Dieu qui se donne à l’homme, comme une manifestation, une épiphanie. On peut même y découvrir l’originalité de la révélation chrétienne par rapport aux révélations dans les autres religions, qui sont communication de vérités, de secrets, mais ne coïncident pas avec le don d’une personne. Et, en réponse au Dieu qui se donne, la foi est offrande de tout l’homme et pas seulement adhésion à des vérités. C’est « l’obéissance de la foi » au sens de saint Paul.
b) Le caractère vraiment humain de l’Ecriture
19On trouve ainsi dans Dei Verbum les principes d’une théologie de la révélation qui s’efforce de dépasser le dilemme Parole ou événement. Mais la Constitution nous invite aussi à dépasser le dilemme « œuvre de Dieu » ou « œuvre de l’homme » à propos de la révélation. Elle ouvre ainsi une voie de réponse constructive à la requête, à bien des égards légitimes, du mouvement moderniste. Elle fait place en effet à l’expérience et à la foi comme éléments intrinsèques du processus de révélation. Ainsi, sort-on du schéma extrinséciste et mythique d’une Parole de Dieu venant de l’extérieur et d’un auteur sacré qui n’est qu’un moyen purement passif de transmission du message. Le n. 14 de la Constitution présente une certaine réhabilitation de l’expérience. On nous dit que Israël « fit l’expérience des voies de Dieu vers les hommes » et « en acquit une intelligence de jour en jour plus profonde et plus claire ». La place ainsi faite à l’expérience et à l’idée de progrès dans la conscience croyante suggère une issue pour sortir de la polémique anti-moderniste sans tomber dans l’immanentisme. On peut affirmer le caractère pleinement humain de la révélation sans dissoudre sa transcendance dans le sujet bénéficiaire. On pourrait presque dire que l’originalité de la révélation chrétienne tient à son caractère profondément humain, à son caractère « banal et anecdotique » par rapport au merveilleux des révélations dans les autres religions. L’histoire du salut apparaît comme une histoire si semblable à l’histoire universelle qu’on peut n’y voir qu’un récit historique sans discerner l’histoire révélante du dessein de Dieu. C’est la foi comme intentionnalité qui permet de reconnaître dans des événements un moment absolu de l’histoire et donc un moment de la révélation même de Dieu. Et la mise par écrit du témoignage rendu à ces événements par le Peuple de Dieu est une parole tellement humaine que seule la foi peut y discerner la Parole de Dieu.
III. La Révélation comme Ecriture et comme Parole de Dieu
20Après cette mise en situation historique de l’enseignement récent de l’Eglise sur la révélation, je voudrais réfléchir théologiquement sur la distance entre cette première objectivation de la Parole de Dieu qu’est l’Ecriture et l’acte même de la Parole comme don toujours actuel. Ce sera l’occasion de soulever le vieux problème de l’inspiration et de comprendre qu’il n’y a pas d’actualisation d’un sens voulu par Dieu sans acte de compréhension herméneutique.
21Je ne puis faire ici une étude de la notion biblique de Parole de Dieu. Il faudrait surtout montrer que le Dabar hébreu est inséparablement une révélation de vérité et une force dynamique. Autrement dit, la Parole de Dieu est créatrice de ce qu’elle annonce. C’est pourquoi, la révélation biblique est inséparablement parole et événement. Dieu en se révélant n’écrit pas un Livre, mais une histoire.
22« Parole de Dieu » peut avoir deux sens : l’acte de Dieu parlant, qui est Dieu lui-même, ou bien un effet de cet acte de Dieu parlant, la parole d’un prophète ou un événement de l’histoire qui est parole de Dieu. Mais si on ne veut pas trahir la richesse du mystère de la révélation, il faut bien comprendre qu’au terme de la Révélation, dans l’événement Jésus-Christ, il est impossible de faire une distinction entre l’acte de révélation de Dieu et le contenu de cette révélation. Ce contenu comprend inséparablement les deux choses : la vie intra-divine et la figure de Jésus-Christ. La Parole de Dieu, en effet, c’est aussi bien Dieu se révélant d’une manière trinitaire dans l’économie temporelle du salut, que l’homme Jésus-Christ qui est l’incarnation de cette Parole11.
23Je voudrais surtout, dans cette partie, démystifier une conception anthropomorphique de la Parole de Dieu et voir comment Dieu nous parle dans et à partir de paroles humaines. Si nous prenons les Livres de l’Ecriture, nous n’y trouvons que des paroles humaines. Il y a un conditionnement anthropologique de toute révélation de Dieu et il ne sert à rien de le nier pour imaginer une Parole de Dieu « chimiquement pure » qui tomberait directement du ciel.
1. L’Ecriture comme témoignage
24On peut, à la suite de Hegel, définir la révélation comme l’automanifestation de Dieu, c’est-à-dire l’acte par lequel Dieu se donne lui-même à connaître. Mais, tout de suite après, il faut insister sur le caractère indirect de la révélation. En parlant de révélation indirecte, on veut dire qu’il n’y a pas de révélation immédiate au sens de paroles qui seraient prononcées par Dieu lui-même, ou de théophanies qui seraient une manifestation immédiate de Dieu. Dieu se révèle dans les événements de l’histoire. Ces événements sont déjà paroles de Dieu car, en tant que situés dans le déploiement de l’histoire du salut, ils sont en eux-mêmes porteurs de sens. Mais ils ne dévoilent tout leur sens, comme manifestation du dessein de Dieu, que s’ils sont actualisés dans la conscience du Peuple de Dieu. La parole prophétique devient alors Parole de Dieu comme actualisation du sens de l’événement qui est déjà révélation indirecte de Dieu. On vérifie ici la loi sur laquelle j’ai déjà insisté, à savoir qu’il n’y a pas vraiment révélation tant qu’il n’y a pas intériorisation de cette révélation dans une conscience humaine. On ne peut pas séparer l’aspect objectif de la révélation de Dieu dans l’histoire, de son accomplissement dans la foi du Peuple de Dieu.
25Il faut donc abandonner une conception trop étroite et extrinséciste de la révélation. La révélation n’est pas la communication à partir d’en haut, d’un savoir fixé une fois pour toutes. Elle désigne à la fois l’action de Dieu dans l’histoire et l’expérience croyante du Peuple de Dieu qui se traduit dans une expression interprétative de cette action. Autrement dit, ce que nous appelons l’Ecriture est déjà une interprétation. Et la réponse de la foi appartient au contenu même de la révélation. La révélation n’atteint en effet sa plénitude, son sens et son actualité que dans la foi qui l’accueille.
26Cette prise au sérieux de l’activité signifiante du Peuple de Dieu comme élément constitutif de la révélation elle-même nous invite à considérer l’Ecriture moins comme un donné directement inspiré par Dieu que comme un témoignage. L’Ecriture n’est pas un donné au sens d’un contenu objectif de vérité qu’il suffirait de s’approprier pour connaître le sens de la Parole de Dieu. C’est un témoignage qui renvoie à des événements historiques. Il s’agit donc d’une certaine interprétation croyante, irrémédiablement historique, c’est-à-dire relative. Je ne peux déchiffrer le sens de la Parole de Dieu qu’à travers le témoignage du Peuple d’Israël sur les grands événements de l’histoire du salut qu’il a vécus dans la foi comme les étapes de la révélation de Dieu.
27Si l’Ecriture est la mise par écrit d’un témoignage, elle est donc déjà une interprétation. Et ainsi, pour nous, accueillir la Parole de Dieu, c’est toujours se livrer à une opération herméneutique, c’est-à-dire interpréter une interprétation. En effet, l’événement sur lequel porte le témoignage n’est jamais un événement brut, c’est déjà un événement interprété. Témoigner, c’est faire venir à la parole un événement qui s’est réellement produit, mais ce n’est pas relater purement et simplement l’événement : c’est promouvoir l’événement à une existence nouvelle. On ne peut dissocier l’événement du sens nouveau qu’il revêt dans le témoignage. Et c’est l’Ecriture qui nous manifeste clairement ce qui se passe déjà dans le témoignage comme parole immédiate sur l’événement. Il y a un dépassement de l’événement en tant que fugitif, dans son sens en tant que durable12. En devenant une Ecriture, le témoignage du Peuple de Dieu et le premier témoignage des apôtres appartiennent de façon durable à l’histoire humaine et ouvrent la possibilité d’actualisations toujours nouvelles dans l’ordre du sens et dans l’ordre de l’agir. Les événements, en tant que proclamés, auront une vie propre sans qu’il soit possible de dissocier l’événement dans sa facticité, de sa saisie par le témoin.
2. Révélation et tradition
28Cette réflexion sur l’Ecriture comme témoignage et donc sur l’interaction constante entre la Parole de Dieu et son interprétation par l’expérience croyante du Peuple de Dieu nous conduit à examiner les rapports entre révélation et tradition.
29Il faut dire que la tradition est intérieure à l’Ecriture elle-même. Ce que nous appelons la Parole de Dieu dans l’Ancien Testament, c’est, comme l’a bien montré von Rad, la réactualisation de l’expérience initiale de l’Alliance, la reprise toujours plus riche des confessions du Peuple élu à l’égard du Dieu sauveur. En ce sens, la révélation est bien une tradition. Je ne puis rejoindre par exemple l’histoire d’Abraham, en tant que commencement de l’histoire du salut, qu’à travers les répétitions confessantes d’Israël. Nous savons bien que l’ordre des livres saints n’est pas l’ordre chronologique des événements de l’histoire du salut. La Bible est l’œuvre de la tradition interprétante d’Israël. Le récit de la création, par exemple, n’est que la projection au début de l’histoire de l’expérience actuelle qu’Israël fait du Dieu sauveur.
30Ainsi, non seulement la tradition est intérieure à la révélation, mais elle est constitutive de la révélation. C’est la manière dont le Peuple de Dieu a écouté, répété et réinterprété les événements historiques de l’intervention de Dieu en faveur des hommes ; c’est aussi la manière dont la première communauté chrétienne a écouté et réinterprété l’événement Jésus-Christ. Cette conscience des premiers témoins de la Parole fait partie de ce que Dieu a à nous dire et est normative pour la conscience de tous les temps.
31Par tradition, dans sa différence d’avec l’Ecriture, on entendra la tradition de l’Eglise post-apostolique, c’est-à-dire la manière dont la révélation est comprise par la conscience vivante de l’Eglise en fonction des nouvelles questions des hommes. Et c’est parce que la communauté Eglise est en continuité avec la communauté primitive qui a produit ce texte, qu’elle ne peut pas lui faire dire n’importe quoi. Cette continuité est la condition de possibilité de la tradition. Ainsi, pour nous aujourd’hui, le discernement de la Parole de Dieu dans l’Ecriture est un acte herméneutique en ce sens que nous interprétons aujourd’hui le texte à l’intérieur de la même tradition que celle dans laquelle il a été écrit. On peut donc parler d’une certaine continuité de sens liée à la continuité historique, même si l’événement Jésus-Christ mérite toujours, en fonction de sa situation historique, une interprétation et une expression différentes. La référence à l’origine du sens, celle de l’événement fondateur, est essentielle. Mais la transmission du message n’est pas la répétition d’un savoir constitué une fois pour toutes : c’est l’actualisation toujours nouvelle de ce qui a été manifesté en Jésus-Christ.
32De ces quelques élucidations sur l’Ecriture comme témoignage et sur la révélation comme tradition, on peut au moins tirer une première conclusion : la révélation est autre chose que la Bible, c’est la Bible lue dans l’actualité de l’Esprit Saint au sein de l’Eglise et à la lumière de toute la tradition.
3. Révélation et inspiration
33Si nous acceptons de considérer l’activité signifiante du Peuple de Dieu comme un élément constitutif de la révélation elle-même, nous sommes alors en mesure d’aborder à nouveaux frais la question toujours irritante de l’inspiration. Le concept d’inspiration demeure toujours plus ou moins lié à l’idée d’une écriture sous la dictée. On se pose alors la question du rapport entre Dieu, qui est l’auteur principal, et l’auteur humain, qui n’est qu’un instrument passif sous l’impulsion de Dieu. Quelle est la part de Dieu, quelle est la part de l’homme, puisqu’on est bien obligé de reconnaître que l’écriture est le produit d’un auteur façonné par le contexte historique socio-culturel dans lequel il se trouve ? Comme l’a montré M. Ricœur, si cette théorie de la causalité instrumentale peut encore nous être de quelque secours pour comprendre les écrits de ces grands inspirés que sont les prophètes, elle est plus inadéquate dès lors que l’on prend au sérieux les autres modalités du langage biblique : les textes narratifs, législatifs, sapientiels, liturgiques...
34Il y a deux présupposés implicites à la théorie traditionnelle de l’inspiration. D’une part, on identifie la révélation avec une collection de propositions révélées et donc, en même temps, on ne tient pas compte des diverses modalités du langage originaire de la foi que l’on réduit à un contenu propositionnel. D’autre part, on fait de l’inspiration un charisme purement individuel et l’on croit pouvoir opérer une distinction rigoureuse entre la révélation ou la Parole de Dieu dont le prophète ou l’apôtre peuvent avoir conscience de bénéficier passivement, et l’inspiration ou l’action de Dieu qui porte un hagiographe à écrire sans qu’il ait nécessairement conscience de l’impulsion divine.
35A la lumière de travaux récents, en particulier ceux de K. Rahner, il semble que l’on puisse faire les remarques suivantes :
Dans la ligne de ce que nous avons dit à propos de la révélation, il faut souligner le lien entre l’inspiration et la foi de la communauté confessante. Il faut partir en particulier du lien entre l’Ecriture et l’Eglise primitive pour éclairer le problème général de l’inspiration de l’Ecriture. Je citerai ce texte caractéristique de K. Rahner : « C’est par le même acte de prédestination formelle que Dieu a voulu l’Eglise des origines, avec son rôle de source et de norme pour les âges futurs, et des écrits (pour l’instant, il importe peu de savoir lesquels) qui soient une objectivation absolument fidèle de la foi apostolique, une norme pour tous les temps, la règle et la source de la foi des âges futurs »13. Pour Rahner, l’Ecriture n’est pas seulement Parole de Dieu pour nous, mais aussi manifestation spontanée de la foi de l’Eglise primitive. Cette idée peut être étendue à toute l’histoire d’Israël qui est la préhistoire du Nouveau Testament. Si elle avait été mise suffisamment en relief au moment de la querelle moderniste, on aurait certainement évité bien des faux problèmes. Le Nouveau Testament n’est pas seulement Parole de Dieu, mais encore une tranche de la vie de l’Eglise primitive, un portrait sincère de la foi.
Il faut parler d’une paternité spéciale de Dieu à l’égard de l’Eglise qui nous permet de donner un sens acceptable à l’expression « Dieu, auteur de l’Ecriture », mais non pas au sens d’une paternité littéraire comme celle des auteurs sacrés. Dieu est ainsi l’auteur de la foi de l’Eglise primitive, le rassembleur de cette communauté et l’auteur de l’Ecriture qui est l’objectivation de cette foi.
Cette conception de l’inspiration nous permet de comprendre comment l’Ecriture est à la fois l’œuvre de Dieu et l’œuvre de l’homme, tout en renonçant au schéma imaginatif de la dictée. C’est parce que l’Ecriture est une traduction lisible de la foi et que Dieu est l’auteur de la foi, que l’Ecriture est autre chose qu’une simple interprétation humaine : elle est vraiment Parole de Dieu. Les modernistes ont trop sacrifié le contenu objectif de la révélation au primat de l’expérience religieuse. Mais ils ont posé un vrai problème. Il est juste en effet de dire que la révélation comme contenu est inséparable du dialogue vivant de l’homme avec Dieu. Nous ne pouvons comprendre le contenu de la révélation qu’à travers la conscience d’un Peuple qui a fait l’expérience du Dieu vivant. On pourrait dire qu’au terme de l’histoire du salut, la révélation consiste dans le surgissement d’une forme nouvelle d’existence se réalisant dans la personne et l’amour du Christ comme vérité du rapport religieux entre Dieu et l’homme. En tant que cet événement est révélant, il doit avoir une traduction, s’exprimer dans une tradition et des écrits et ne pas se limiter à une expérience incommunicable d’ordre affectif. Les écrits du Nouveau Testament tirent leur signification profonde de leur enracinement dans une situation nouvelle de l’homme par rapport à Dieu. Et ce que la prédication de l’Eglise nous transmet, ce n’est pas seulement un corpus de vérités révélées, mais une attitude religieuse, la réponse de l’homme à une façon nouvelle d’agir de la part de Dieu.
Enfin, cette conception de l’inspiration qui s’efforce de ne pas séparer l’action de Dieu et l’expression de la vie religieuse du peuple élu, nous permet d’intégrer les découvertes de la critique biblique concernant les stratifications successives de l’Ecriture et la multiplicité des auteurs sacrés. Il ne faut pas parler d’inspiration collective, mais d’inspiration donnée à une collectivité. L’Ecriture est le Livre du Peuple de Dieu et l’Esprit agit dans le Peuple grâce à des charismes fonctionnels qui peuvent être rassemblés sous le terme d’inspiration. Certains agissent, d’autres parlent, d’autres écrivent pour que la Parole de Dieu se fixe pour les générations à venir : c’est cet ensemble qui constitue l’inspiration donnée à une collectivité. Le ministère de l’auteur sacré n’est qu’un des ministères de la Parole de Dieu. C’est lui qui permet à la Parole de devenir Ecriture. Il est particulièrement important, mais il est en liaison organique avec les autres charismes.
36En conclusion de ces quelques remarques sur l’inspiration, je dirai qu’elles nous aident à entrer plus avant dans l’intelligence du mystère de ce qu’on appelle la révélation. Il faut bien voir que l’Ecriture est à la fois objectivation de la foi de l’Eglise, et plus généralement de la foi du peuple de Dieu, et Parole de Dieu adressée à l’Eglise. Parler d’inspiration de l’Ecriture, ce n’est donc pas seulement viser le processus par lequel la Parole de Dieu devient Ecriture sous la motion de l’Esprit Saint, c’est aussi viser une qualité permanente de l’Ecriture en vertu de laquelle l’Esprit Saint se tient en permanence derrière la Parole pour introduire l’homme dans l’intimité de toute la vérité du Mystère de Dieu.
37Si je cherche maintenant à résumer quelques-uns des résultats de notre approfondissement théologique du mystère de la révélation dans cette section sur la révélation comme Ecriture et comme Parole de Dieu, je dirais ceci :
L’Ecriture est un témoignage privilégié mais partiel rendu à la Parole de Dieu. Et, dans une perspective de théologie catholique, l’Ecriture et le dogme sont des témoignages complémentaires rendus à la plénitude de l’Evangile qui est d’ordre eschatologique.
Pour rendre compte de la révélation comme acte par lequel Dieu se fait connaître aux hommes, je ne puis jamais faire l’économie d’un de ces trois éléments indissociables : l’Ecriture — la Communauté du Peuple de Dieu — l’Esprit Saint. En d’autres termes, je ne puis pas séparer la Parole de Dieu comme acte de Dieu de l’activité signifiante du Peuple de Dieu.
La révélation n’atteint sa plénitude, son sens et son actualité, que dans la foi qui l’accueille. C’est pourquoi, la révélation en tant que Parole de Dieu dans une parole humaine ou trace de Dieu dans l’histoire, ne relève pas d’une méthode scientifique, historico-critique. La révélation n’est accessible qu’à la foi, et la foi, selon son aspect cognitif, est toujours une connaissance interprétative, marquée par les conditions historiques d’une époque.
IV. Le rapport Révélation-histoire comme problème théologique
38Nous avons jusqu’ici réfléchi sur la révélation comme Parole de Dieu et comme parole humaine à partir de la dialectique vivante entre l’acte de Dieu qui parle et l’expérience croyante du Peuple de Dieu. Je voudrais maintenant aller plus loin en réfléchissant sur la révélation comme histoire, c’est-à-dire sur l’histoire comme médiation de la présence et de la manifestation de Dieu aux hommes. Nous ferons jouer surtout la dialectique de l’événement et du sens. Mais nécessairement, comme nous l’avons dit tout au début de notre exposé, il est impossible de dissocier un accomplissement soi-disant objectif de la révélation dans l’histoire d’un accomplissement soi-disant subjectif de la révélation dans la subjectivité croyante. L’histoire humaine, c’est l’histoire des libertés. Ce qui veut dire que je ne puis disjoindre le temps humain comme historicité du temps du monde dans lequel s’inscrivent les phénomènes de la nature et les faits de l’histoire.
39En guise d’introduction, je voudrais commencer par situer le problème dans la théologie contemporaine. On peut dire sans exagération que la question d’un rapport entre révélation et histoire est devenue aujourd’hui le problème théologique central. Si la question centrale au Moyen Age était celle des rapports entre raison et foi, dans les temps modernes, la question centrale est celle des rapports entre foi et histoire.
40L’originalité du christianisme consiste en ce qu’il est, selon le mot de Schleiermacher, « une religion positive et historique », c’est-à-dire qu’il présuppose une personne concrète, Jésus-Christ, et un livre concret, la Bible. La révélation chrétienne ne consiste pas dans le dévoilement d’un certain nombre de vérités sur Dieu et sur l’homme, mais dans l’événement historique de Jésus et de son destin concret. Cette révélation en Jésus-Christ est définitive, insurpassable, universelle. Le problème classique est de savoir comment cette révélation essentiellement historique et donc passée, peut devenir actuelle aujourd’hui. Selon le mot de Lessing, comment franchir cet « affreux et profond fossé » entre la Bible et nous ? La tâche de l’herméneutique sera justement de traduire le témoignage biblique de la révélation de Dieu, du passé dans le présent. Et l’interprétation doit reproduire ce qui s’est passé pour les premiers témoins de la Parole de Dieu, c’est-à-dire nous rendre contemporains de la Parole de Dieu dans son jaillissement.
41Mais, de plus en plus, les croyants comme les incroyants se posent une question plus radicale, qui n’est pas simplement la question de l’actualisation de la révélation aujourd’hui, mais bien celle de la révélation autrefois. Quelle est l’origine de cette révélation si son lieu est l’histoire ?
42La problématique n’est pas simplement celle de l’historicisme : est-ce que tel événement de la tradition chrétienne est historique ou non, est-ce que telle parole a été prononcée par le Christ ou non, est-ce que telle Epître est de saint Paul ou non ? La question est plus radicale : sur quelle réalité se fonde la foi chrétienne ? On répondra : sur la révélation comme histoire du salut. Mais en quoi cette histoire est-elle privilégiée ?
43Le signe distinctif de la pensée moderne comme pensée historique par rapport à la pensée métaphysique, c’est de considérer le monde tout entier comme histoire et de rejeter le supra-naturalisme, c’est-à-dire une vision du monde qui considère toute réalité selon un schéma dualiste : le supra-naturel et le naturel, le spirituel et le physique, le divin et le terrestre. C’est cette dernière forme de pensée qui est présente dans l’enseignement sur le Christ comme vrai Dieu et vrai homme.
44Ainsi la révélation judéo-chrétienne n’est qu’histoire — ou bien elle n’est rien. Et si elle n’est qu’histoire, en quoi peut-elle prétendre être normative et universelle ? Ce problème du rapport entre histoire et révélation est au cœur de la théologie contemporaine, surtout protestante. Il suffit d’évoquer Bultmann et la question du rapport entre kérygme et histoire, ou Cullmann et celle des rapports entre histoire du salut et histoire profane. Mais c’est surtout Pannenberg et son école qui renouvellent notre intelligence du christianisme comme histoire. « L’histoire est l’horizon le plus compréhensif de la théologie chrétienne. Toutes les questions théologiques et leurs réponses ont leur sens uniquement à l’intérieur du cadre de l’histoire que Dieu a avec l’humanité et à travers elle avec toute la création, par rapport à un futur qui est encore caché au monde, mais qui a cependant déjà été révélé en Jésus-Christ. »14.
45Pannenberg est intéressant dans la mesure où en s’inspirant de la philosophie de l’histoire de Hegel, il cherche une troisième voie au-delà, d’une part, des théologies de la parole comme celle de Barth et de Bultmann et, d’autre part, d’une théologie de l’histoire du salut comme celle de Cullmann.
46Dans cette nouvelle approche du mystère de la révélation, je réfléchirai successivement sur le rapport entre mythe et histoire, sur l’interaction entre l’événement et le sens dans l’histoire du salut, sur l’histoire comme révélation de Dieu et sur le scandale de la posivité historique de la révélation judéo-chrétienne. Cette nouvelle étape dans notre démarche devrait nous convaincre qu’une théologie de la révélation tend nécessairement à se confondre avec une théologie de l’histoire.
1. Mythe et histoire dans la Révélation judéo-chrétienne
47Il n’est pas question de traiter ici cet immense problème. Mais puisque l’originalité de la révélation judéo-chrétienne, dans sa différence d’avec les autres révélations, tient à son rapport privilégié à l’histoire, on ne peut éviter ce problème au moment de réfléchir sur l’histoire du salut comme révélante de Dieu. Il semble, en effet, que le langage privilégié des révélations soit le langage mythique, et le langage de la Bible n’y échappe pas. Alors, qu’en est-il de son rapport avec l’histoire d’Israël que nous désignons comme « histoire du salut » ?
Dans une perspective apologétique, on se plaît en général à souligner la discontinuité entre les récits mythiques des autres grandes religions et les récits de la littérature biblique qui ont toujours une référence à l’histoire réelle. Dans la mesure où on dépasse une conception univoque du mythe identifié avec un récit légendaire, on n’aura pas de scrupules à parler de « mythes bibliques » sans que cela compromette le caractère historique de la révélation. En fait, comme l’a montré M. Ricœur, il est très difficile au niveau du langage biblique de tracer une frontière rigoureuse entre le mythe comme récit des origines et l’histoire du salut15. Il ne suffit pas, en effet, de distinguer dans la littérature biblique des récits d’origine qui ont, comme genre littéraire, la structure du mythe, et d’autres récits historiques qui auraient une tout autre structure. Il est préférable de reconnaître la structure mythique de tout récit biblique, mais d’affirmer en même temps qu’on est en présence d’une intentionalité totalement différente de celle des autres grands récits mythiques. En d’autres termes, il est impossible de trancher le débat, mythe ou pas mythe, au plan d’une analyse structurale du récit biblique. Il faut considérer le récit biblique comme Parole, comme témoignage, comme confession de foi. Il y aura nécessairement, comme dans tous les récits d’origine, reprise de la structure mythique chaque fois qu’il s’agit d’un récit fondateur de quelque chose de nouveau. C’est le pari de la foi ou d’une herméneutique inséparable d’une communauté interprétante, que de pouvoir discerner l’être nouveau du texte comme Parole de Dieu.
On doit donc parler d’une contamination entre mythe et histoire du salut. Elle joue dans deux directions. Il y a, d’un côté, historicisation du mythe et, de l’autre — pourrait-on dire — mythisation de l’histoire du salut, c’est-à-dire assomption de la puissance symbolique du mythe par l’histoire des traditions d’Israël.
a) Historicisation du mythe
48Il est normal que la structure du récit biblique corresponde aux récits mythiques païens d’origine qui sont toujours des cosmogonies, c’est-à-dire des récits de création. Mais au contact de l’histoire du salut, il y a transformation du mythe d’origine. Ainsi la création, à la différence de tous les mythes cosmogoniques, ne sera pas un événement fondateur survenu dans un temps primordial, mais elle sera le premier événement de l’histoire du salut. Israël assume les mythes de création, mais dans l’horizon de l’histoire du salut. L’originalité des théologiens de l’Ancien Testament, c’est d’avoir prolongé le temps en arrière pour faire de la création l’exorde de l’histoire du salut, cette histoire sainte qui passe par l’ère des patriarches et qui aboutit à l’époque où, par Moïse, Israël est constitué en nation et où la loi est donnée sur le mont Sinaï. On doit donc dire que les récits mythiques de la création sont la projection au plan du cosmos, de l’expérience historique de l’Alliance faite par Israël, de même que le récit mythique de la chute est la projection du destin tragique d’Israël.
b) Assomption de la puissance symbolique du mythe
49Ce qu’il y a de commun à l’histoire des origines et à l’histoire du salut, c’est l’idée de création. Mais il ne faut pas limiter l’idée de création à l’origine du monde. Tous les moments de l’histoire humaine qui inaugurent une situation nouvelle sont des moments créateurs. Il y aura donc un rayonnement du mythe de création sur les événements fondateurs et instaurateurs de l’histoire du salut. Ce sont de véritables nouvelles créations, comme l’appel d’Abraham, l’Exode, la fondation de la Royauté. Chaque nouvelle étape a la solennité du premier commencement. Et de même, il faut penser à ce qu’ajoute à l’expérience pénitentielle d’Israël la puissance symbolique des mythes comme le mythe d’Adam et d’Eve, le mythe de la chute, le mythe de Caïn et d’Abel, le mythe de la Tour de Babel. Il faut donc, à propos du langage de la révélation, non pas se livrer à une destruction du mythe, mais à un déchiffrement de la portée symbolique du mythe. Sans les mythes de la création et de la chute, il y a quelque chose sur le mystère de Dieu et de l’homme qui n’aurait pas été révélé.
50Concluons : l’histoire du salut n’est pas une histoire mythique. Mais c’est en tant même qu’ils assument la structure des récits mythiques, que les récits bibliques nous restituent une histoire du salut qui est révélation de Dieu pour nous.
2. L'interaction de l’événement et de la parole dans l’histoire du salut
51Je voudrais maintenant continuer à approfondir le rapport entre révélation et histoire en montrant comment la révélation est inséparablement révélation et histoire.
52A cet égard, je m’appuierai volontiers sur Cullmann quand il récuse, dans son ouvrage Le Salut dans l’histoire, la conception bultmanienne de la révélation comme pure interpellation. Il montre très justement qu’on peut insister sur l’histoire du salut sans aboutir à une conception purement objectiviste de la révélation qui ferait abstraction de son accomplissement dans l’existence croyante. Le Christ est-il seulement le Christ parce qu’il est le Christ pour moi aujourd’hui ? Ou bien : le Christ n’est-il le Christ pour moi aujourd’hui que parce qu’il était le Christ hier et qu’il l’est aujourd’hui et pour toujours ? Le « pour moi », c’est l’instant de ma décision présente dans la foi, mais elle doit me découvrir relié à tous les autres instants, replacé dans cette grande histoire du salut. Ce n’est plus le temps sans l’instant ; ce sont les deux ensemble.
53L’histoire n’est pas engloutie dans une eschatologie ponctuelle, mais elle est partie constituante du kérygme lui-même. L’eschatologie oriente toute l’histoire du salut. Ce n’est ni un simple présent, ni un simple futur. Cullmann refuse l’alternative de Bultmann entre kérygme et histoire : il faut les articuler dialectiquement. Il n’y a pas la parole ou l’événement : en Dieu, Parole et événement ne font qu’un. Mais pour Cullmann, la priorité revient à l’événement. Et c’est le concept d’« histoire du salut » qui englobe les deux aspects inséparables de la révélation comme Parole et comme événement.
54L’expérience fondamentale du peuple élu est celle d’un salut donné dans et par l’histoire. Non seulement, l’histoire manifeste le dessein sauveur de Dieu, mais elle l'accomplit efficacement et totalement dans la personne du Christ. C’est pourquoi il est légitime, comme je l’ai fait plus haut, de parler du caractère sacramentaire de la révélation, c’est-à-dire d’une histoire qui n’est pas seulement signifiante d’une volonté, mais qui accomplit cette volonté : la Parole de Dieu est créatrice. Parler de révélation, ce n’est pas seulement parler des livres produits par le Peuple de Dieu, c’est parler de l’histoire que Dieu écrit. Toute l’histoire d’Israël est dans son déroulement, annonce, expression et promesse de Dieu.
55La révélation réside donc d’abord dans la geste salutaire de Dieu dans l’histoire d’Israël. Elle devient révélation, c’est-à-dire histoire signifiante, lorsqu’elle est reçue et interprétée par la conscience religieuse du Peuple de Dieu. C’est le rôle des prophètes de révéler le sens de l’événement. Mais il faut dépasser une opposition ruineuse entre le fait et le sens. Le sens n’advient pas de l’extérieur de par l’interprétation du prophète. Le sens est immanent à l’événement, même s’il s’agit d’un sens provisoire qui est toujours rectifié par de nouveaux événements16. L’histoire est donc déjà prégnante de sens, mais il faut la parole de grands inspirés de l’Ancien Testament pour interpréter les événements en tant que manifestation du dessein de Dieu dans et par l’histoire. Ce déchiffrement se fait en éclairant le présent à partir du passé et en interprétant le passé à partir du présent (cf. von Rad). L’unité du dessein de Dieu est alors manifestée dans l’histoire qui n’est plus simplement l’histoire empirique, mais l’histoire sainte devenant histoire signifiante.
56Pour Cullmann, le passage de l’histoire brute à l’histoire comme manifestation du devenir de Dieu, s’opère en trois temps. Il y a d’abord l’événement brut dont le prophète est le témoin oculaire. Il y a ensuite la révélation d’un plan divin qui se manifeste au prophète dans cet événement (ici joue l’inspiration du prophète). Il y a enfin l’établissement d’un rapport entre cet événement et des révélations ou des réinterprétations du passé.
57Il y a ainsi un progrès de la révélation comme mémorisation constante d’une interprétation initiale. Si la révélation progresse, c’est que chaque événement nouveau conduit à une réinterprétation de la foi primitive au Dieu de l’Alliance. Il y a donc priorité de l’événement comme Parole de Dieu sur la parole du prophète comme interprétation de l’événement. Mais les deux sont l’expression de l’identique parole de Dieu. Dieu se révèle dans et par l’histoire et par la bouche des témoins contemporains de cette histoire : aussi ne faut-il jamais opposer kérygme et histoire. Si nous ne pouvons atteindre l’événement qu’à travers l’interprétation des témoins, nous ne pouvons comprendre l’interprétation et donc la révélation qu’en nous référant à l’événement lui-même.
58Cela vaut aussi bien pour l’Ancien Testament que pour le Nouveau. Mais pour ce dernier, il ne s’agit plus d’un événement parmi d’autres dans la série horizontale des interventions historiques de Dieu, mais de l’événement Jésus-Christ, c’est-à-dire de l’événement décisif et central qui résume tous les autres et qui donne son sens à ce qui précède comme à ce qui suit (cf. Hebr. 1, 2).
59Nous vérifions dans le Nouveau Testament cette intelligence du passé que procure le présent, et le terme d’oikonomia des Pères grecs est le seul adéquat pour désigner la complexité de l’histoire du salut, le fait que le mystère se manifeste et se déploie progressivement dans l’histoire en même temps qu’il se réalise. Le terme de l’intervention de Dieu dans l’histoire des hommes, c’est la résurrection du Christ, c’est-à-dire l’inauguration de la nouvelle création, la victoire de l’Esprit de Dieu sur la mort. La résurrection du Christ nous atteste que le christianisme n’est pas seulement révélation sur Dieu et sur l’homme, mais salut réalisé dans une histoire. Une doctrine même révélée est toujours perfectible, mais l’événement pascal est indépassable. Dieu ne fera pas mieux en faveur de l’homme, c’est le Oui définitif de Dieu, l’accomplissement du processus de l’Ancien Testament.
60Selon l’expression d’Urs von Balthasar, le Christ est la « figure de la révélation », en ce sens qu’il est le centre qui organise harmonieusement toute l’économie de la révélation et en ce sens qu’il est, dans sa visibilité même, l’épiphanie du Dieu invisible. Il est plus qu’un signe qui renverrait à un Christ invisible. Il est figure en ce sens qu’il est Dieu lui-même rendu manifeste. « Ce qui, selon les données de la Bible, est l’image et l’expression de Dieu, c’est l’Homme-Dieu indivisible : l’homme dans la mesure où Dieu resplendit en lui, le Dieu dans la mesure où il apparaît en l’homme Jésus »17.
3. L’histoire universelle et la révélation de Dieu
61C’est donc la dialectique de l’événement et du sens qui fait de l’histoire du salut une histoire signifiante, une histoire révélante. Les grands événements de l’histoire du salut sont donc le lieu et la médiation de la révélation de Dieu. Le sens est bien immanent à l’événement lui-même ; il ne vient pas d’ailleurs, de l’interprète. Mais l’actualisation du sens est inséparable d’une communauté interprétante, de « l’histoire des traditions », pour parler comme von Rad.
62Il reste à se demander en quoi l’histoire du salut est une histoire privilégiée à l’intérieur de l’histoire universelle. Mais plutôt que de poser une différence qualitative entre l’histoire du salut et l’histoire profane, il faut dire que c’est toute l’histoire qui est révélation de Dieu. En effet, seule l’histoire universelle nous permet de lire le sens d’un événement particulier. Même l’historien qui refuse un sens global de l’histoire, présuppose dans sa recherche une certaine unité de l’histoire. Le théologien comme l’historien qui étudient le fait judéo-chrétien, sont toujours concernés par la différence historique entre le passé et le présent. Ils s’efforcent tous les deux de respecter l’altérité de l’événement passé dans sa différence même. Mais pour le théologien, cette différence historique est inséparable de la différence eschatologique entre le monde comme totalité historique et Dieu qui s’y dévoile18.
63A l’inverse de théologiens comme Bultmann, qui insistent sur la décision de foi, un auteur comme Pannenberg va jusqu’à parler d’une « évidence » de la révélation de Dieu dans l’histoire, même pour ceux qui n’ont pas la foi. On ne peut comprendre cette attitude radicale qu’en référence à sa thèse sur la révélation indirecte de Dieu et sur le Christ comme anticipation de la fin de l’histoire.
64Reprenant l’idée hégélienne de l’histoire considérée comme totalité qui ne reçoit son sens qu’à partir de son achèvement, Pannenberg va faire de l’histoire universelle le principe herméneutique de sa théologie de l’histoire et donc de sa théologie de la révélation19. Pour lui, en effet, la révélation est essentiellement histoire. Elle est un prédicat de l’histoire, alors que pour Barth, c’est l’histoire qui était un prédicat de la révélation.
65Comme un événement particulier en tant qu’acte de Dieu ne peut fournir qu’une révélation partielle de Dieu, la pleine auto-révélation de Dieu n’est possible que là où la totalité de l’histoire est conçue comme révélation. Ce sens ultime de l’histoire ne peut être révélé qu’à la fin de l’histoire. Pour Hegel, l’histoire est une théophanie, parce que l’histoire est une totalité déjà achevée. Mais Pannenberg ne déduit pas Dieu à partir d’une totalisation de l’histoire. Si l’histoire est révélation de Dieu alors qu’elle n’est pas achevée, c’est parce que la fin de l’histoire est anticipée dans le destin de Jésus de Nazareth et plus particulièrement dans l’événement de la Résurrection.
66C’est dans la résurrection comme « prolepse » de la fin de l’histoire que nous avons la clé de l’histoire universelle. On peut répondre par là à la question de Lessing et de Strauss : comment un événement particulier peut-il avoir une signification absolue pour toute l’histoire ? Cependant, bien que la révélation de Dieu en Jésus-Christ soit définitive, nous n’avons pas encore une connaissance plénière de Dieu. S’il est vrai qu’un événement particulier ne peut manifester tout son sens qu’à la fin de l’histoire, cela est vrai aussi de l’événement Jésus-Christ lui-même.
67Ainsi, au moment où on fait appel à Hegel en choisissant l’histoire universelle comme critère herméneutique du sens de l’histoire, il faut rejeter l’idée du savoir absolu en affirmant que le sens n’est qu’anticipé tant que l’histoire est inachevée. Il faut tenir sans contradiction le caractère à la fois définitif et provisoire de la révélation. Nous sommes entre le « déjà » et le « pas encore ». Il faut réserver, dans une perspective eschatologique, la nouveauté de l’histoire. L’histoire répète des événements anciens, mais en apportant du nouveau. On doit penser la présence de Dieu dans l’histoire comme la présence du futur dans le présent, comme ce qui permet au présent d’être ouvert et de ne pas se refermer sur soi, et non pas comme la présence de l’éternité dans le temps. On reconnaît là la thèse centrale de Moltmann dans sa Théologie de l’espérance20. L’histoire est toujours en tension vers un accomplissement, mais elle ne peut l’accomplir par elle-même. C’est l’événement de la fin, la résurrection de Jésus, qui répète et reprend toute l’histoire pour lui donner son sens plénier. C’est donc un acte libre de Dieu qui achève l’histoire et lui donne son sens.
68Nous voyons donc, à partir de Pannenberg, qu’une théologie de la révélation devient nécessairement une théologie de l’histoire. Il faut rejeter une distinction manichéenne entre l’histoire du salut et histoire profane. Il n’y a qu’une seule histoire et c’est toute l’histoire prise comme un tout qui est révélation de Dieu. Les théologies de l’existence, en se concentrant sur l’historicité de l’homme, ne montrent pas comment Dieu est le sujet de toute l’histoire.
4. Le scandale de la Révélation comme histoire
69Tout notre effort dans cette section a consisté à montrer que c’est l’histoire elle-même qui est révélation de Dieu, même s’il faut ajouter aussitôt qu’elle n’est signifiante qu’en fonction d’une communauté confessante et interprétante ou de ce que nous appelons « l’histoire des traditions ». Nous avons même pu affirmer que c’est toute l’histoire qui est l’épiphanie de Dieu si nous croyons que la fin de l’histoire a été anticipée dans l’événement Jésus-Christ.
70Mais justement, c’est le lien nécessaire entre les vérités révélées et un événement historique, contingent, Jésus-Christ, qui fait difficulté. Comment peuvent-elles prétendre s’imposer comme vérités absolues à tout homme dans tous les temps et dans tous les lieux ? « Des vérités historiques contingentes ne peuvent jamais être preuves de vérités rationnelles nécessaires », disait Lessing. Et Hegel s’en prend à une révélation venue à l’homme de l’extérieur. Du fait qu’elle est révélée, la religion chrétienne est une religion positive. Aujourd’hui encore, ce n’est pas tant Dieu lui-même, mais la positivité historique de la religion chrétienne qui fait difficulté. On peut même dire que le scandale est plus grand par suite d’une meilleure connaissance de la diversité des civilisations et des religions.
71Face à ce scandale permanent, disons tout de suite que la solution ne consiste pas à rechercher une universalité abstraite du christianisme en évacuant la particularité historique de l’événement Jésus-Christ. Il faut au contraire manifester la portée universelle de Jésus-Christ comme Universel concret, pour reprendre l’expression de Nicolas de Cuse. Le Christ n’est pas, parmi d’autres, une manifestation privilégiée de l’Absolu dans l’histoire ; il est l’Absolu même devenu historique. Et parler de signification est trop peu dire : c’est dans cet événement même que l’histoire s’accomplit réellement.
72Toutefois, sans évacuer le scandale de la compromission de Dieu avec l’histoire humaine, nous pouvons au moins chercher à exorciser une fausse conception de la positivité historique de la révélation. Je dirai volontiers que de même que le Christ, en tant que Seigneur de tous les temps, coïncide avec tous les moments de l’histoire, de même l’expérience historique de la révélation chrétienne coïncide avec l’expérience humaine la plus générale.
73Le modernisme a eu tort de ne voir dans la révélation chrétienne que l’objectivation particulière du besoin religieux de l’humanité. Mais, comme je l’ai déjà dit, on en est souvent resté, par réaction, à une conception insuffisante et extrinséciste de la révélation. Tout mon effort, dans cette réflexion théologique sur la révélation, consiste à ne pas séparer la révélation intérieure, c’est-à-dire la communication surnaturelle que Dieu fait de lui-même à tout homme, et la révélation historique. Sans tomber dans le modernisme, on peut dire que l’histoire spirituelle de l’humanité coexiste avec la révélation. La révélation, en effet, ce n’est pas seulement la transmission d’un message particulier à un moment donné de l’histoire : c’est le dévoilement du Mystère caché en Dieu de toute éternité, à savoir la communication que Dieu fait de lui-même aux hommes. En ce sens, il est vrai de dire qu’il y a une unique révélation, et, pour reprendre une distinction utilisée par Karl Rahner, on peut affirmer que la révélation historique ou catégoriale, la révélation en Jésus-Christ, n’est que l’expression unique et définitive de la révélation au sens transcendantal, c’est-à-dire de la communication que Dieu fait de lui-même dans la grâce21. En effet, Dieu veut le salut de tous les hommes et nul homme n’est étranger à la grâce du Christ. Disons que, du point de vue de l’homme, l’expérience historique de Jésus-Christ, comme médiation de l’Absolu, coïncide avec l’expérience spirituelle de l’Absolu que peut faire tout homme.
74Pour conjurer l’extériorité d’une révélation divine par rapport à l’immanence de la conscience humaine, on doit, une fois de plus, souligner davantage le rapport intrinsèque entre la grâce de la foi et la révélation historique. Il faut admettre que l’histoire du salut surnaturel est partout à l’œuvre dans l’histoire et que cette ouverture de l’homme au Dieu trinitaire est la condition de possibilité de la révélation comme médiation historique. La révélation au sens catégorial n’est que l’objectivation, dans l’histoire, du rapport transcendantal entre l’homme et Dieu. Ce qui demeure scandaleux pour nous, c’est la révélation historique au sens catégorial, le fait que le rapport de l’homme au Dieu ineffable soit lié à l’histoire d’Israël et à l’événement Jésus-Christ. Ce n’est pas le Dieu caché et l’ouverture de tout homme à l’Absolu. Mais nous pouvons au moins comprendre un peu mieux que la révélation judéo-chrétienne n’est pas étrangère à l’histoire spirituelle de toute l’humanité qui — qu’elle le sache ou non — a un destin surnaturel.
V. La permanence de la Révélation dans l’Eglise
75A partir de tout ce qui précède, nous pouvons formuler les conclusions suivantes :
La révélation ne se confond pas avec la lettre de l’Ecriture. Sur la base du témoignage scripturaire et du Témoin fidèle qu’est Jésus-Christ, c’est l’acte toujours actuel par lequel Dieu interpelle l’homme.
La révélation judéo-chrétienne est indissociable de l’histoire signifiante du Peuple d’Israël qui culmine dans l’événement Jésus-Christ. Mais cette révélation coïncide avec le don que Dieu fait de lui-même. Et ce don n’a pas cessé avec l’âge apostolique. Il se poursuit dans la communauté-Eglise et dans la vie de chaque homme.
La révélation n’est pas un trésor passé au sens d’un ensemble de vérités sur Dieu et sur l’homme que l’on se transmet de génération en génération. Elle ne trouve son sens et son accomplissement que dans la foi qui l’accueille. Ainsi, la révélation est un événement toujours unique entre Dieu et l’homme et donc un événement qui continue aujourd’hui dans l’expérience consciente des hommes.
76C’est à la lumière de ces résultats qu’il faut essayer de dire quelque chose sur le problème toujours irritant de la « clôture » de la Révélation.
77Face à ce problème, il faut tenir à la fois que la révélation est close dans sa phase constitutive avec la mort du dernier des apôtres, c’est-à-dire avec l’ère du témoignage, et que son actualisation dans la conscience humaine n’est jamais achevée. La distinction entre la Bible et l’actualité de la Parole de Dieu aujourd’hui, et la compréhension de la Révélation non comme un corps doctrinal mais comme l’acte de l’auto-communication de Dieu dans l’histoire, nous invitent à ne pas comprendre cette « clôture » de la révélation dans un sens trop étroit. Il faut parler d’une présence continuée de la Parole de Dieu dans l’histoire22.
78Je distinguerai dans l’actualisation permanente de la révélation au sein de l’Eglise, d’une part, l’interprétation actualisante du témoignage de l’Ecriture, d’autre part, la présence privilégiée de Dieu dans certains événements de l’histoire.
791. On a déjà vu plus haut que les événements de l’histoire du salut ne peuvent manifester toute leur portée qu’à la fin de l’histoire. Cela vaut de l’événement Jésus-Christ lui-même bien qu’il soit l’anticipation de la fin des temps. La révélation de Dieu en Jésus-Christ ne nous donne pas encore la connaissance définitive de Dieu. Comme le dit Moltmann, bien que le Christ soit l’accomplissement des promesses de Dieu, il y a encore un avenir de Jésus-Christ au sens où l’histoire est justement le lieu de la réalisation progressive des possibilités d’avenir contenues dans la Résurrection. Nous pouvons donc parler d’une révélation continue en ce sens que nous n’avons jamais fini d’actualiser les richesses du Mystère du Christ aussi bien dans l’ordre de l’existence chrétienne que dans l’ordre du langage de la foi. La prédication comme la théologie est une entreprise herméneutique en ce sens qu’elle est une interprétation de la signification actuelle de l’événement Jésus-Christ à partir des divers langages de la foi qu’il a suscités, sans qu’on puisse en absolutiser aucun, même pas celui du Nouveau Testament.
80Il faut ajouter que si l’intelligence humaine n’est pas seulement le lieu de la révélation, mais une dimension intérieure de la révélation elle-même, nous sommes en droit de dire que la signification de la révélation n’est jamais achevée, pas plus que l’intelligence que l’homme a de lui-même et de son rapport au monde. La Parole de Dieu est finalement toujours une réponse aux questions des hommes. Et ces nouvelles questions de l’homme ne sont pas fortuites : elles sont un aspect de la révélation de Dieu dans l’histoire dans la mesure où le devenir de l’homme et du monde n’échappe pas à son plan providentiel. Ainsi est-il légitime de dire que la révélation n’est pas seulement un passé : elle est un avenir. Et justement, la tâche d’une prédication vivante est de faire parler la Parole de Dieu en fonction des questions nouvelles des hommes23.
81C’est dans cette perspective d’une appropriation progressive par l’Eglise de la vérité révélée qu’il faut comprendre le rôle complémentaire du dogme et de l’Ecriture. L’Ecriture et le dogme sont tous les deux témoins de l’Evangile, mais ils n’expriment jamais l’Evangile tout entier qui demeure encore un avenir inédit24. Si on gardait à l’esprit cette idée d’une révélation non pas close mais toujours ouverte, on ne confondrait pas le christianisme avec une religion qui se réfère à un texte passé, à un dépôt figé, à un sens tout fait. Il est en fait une tradition créatrice en ce sens qu’il est l’actualisation toujours nouvelle des possibilités contenues dans le mystère du Christ.
822. Jusqu’ici, nous avons parlé de l’explicitation des richesses de la Parole de Dieu et de l’actualisation des possibilités de l’événement Jésus-Christ en fonction des nouvelles questions des hommes et du devenir de l’histoire. Mais il faut aller plus loin : est-ce que Dieu ne nous parle pas concrètement dans tel ou tel événement de notre vie ou de l’histoire humaine ? Et n’est-ce pas encore une manière de désigner la révélation qui continue ?
83Je disais que la révélation est toujours ouverte parce qu’il y a encore un avenir de Jésus-Christ. J’irai jusqu’à dire que la révélation est encore un avenir inédit parce qu’il y a un avenir de Dieu lui-même. Si, en effet, on prend au sérieux l’incarnation de Dieu en Jésus-Christ, c’est-à-dire le devenir homme de Dieu, on peut dire que l’avenir de Dieu et l’avenir de l’homme sont inséparables. Tant que le devenir de l’humanité n’est pas achevé, il est permis de dire que l’avenir du Dieu fait homme demeure ouvert. Sans doute, Jésus-Christ est la révélation définitive de Dieu. Mais la connaissance que nous avons de Jésus-Christ comme révélateur du Père est encore une connaissance provisoire. Nous ne disposerons d’un savoir absolu sur Dieu et sur l’histoire qu’à la fin de l’histoire.
84Ainsi, dans le temps de l’histoire qui continue, il y a des événements qui sont comme des épiphanies de Dieu en ce sens qu’ils nous aident à comprendre le dessein de Dieu sur le monde et sur l’homme. Depuis Vatican II, on utilise volontiers l’expression « signes des temps » pour désigner des phénomènes qui au plan humain, sociologique, culturel, caractérisent les besoins et les aspirations d’une époque. Ces événements sont comme une praeparatio evangelica par rapport au Royaume, des « pierres d’attente » par rapport à l’accomplissement ultime de l’histoire qui sera « Dieu tout en tous »25. Ils sont donc, à leur manière, une Parole de Dieu, mais ils ne peuvent dévoiler leur sens qu’à la lumière de la Révélation consignée dans l’Ecriture.
85Il faut se garder cependant d’une lecture un peu rapide des « signes des temps »26. L’histoire humaine demeure profondément ambiguë. Et même quand on peut constater des réels progrès au plan de la conscience humaine ou de l’humanisation de l’homme, il n’est pas évident que ces réels progrès aient un rapport direct avec la venue du Royaume de Dieu. Ces divers événements historiques ne sont des « préparations » du Royaume que s’ils favorisent l’ouverture des libertés humaines à la liberté divine. Comment qualifier certains événements historiques comme plus révélateurs que d’autres ? On risque de tomber dans une vision tout à fait anthropomorphique de l’action de Dieu dans le monde, comme si Dieu était plus engagé dans certains événements. Ne risque-t-on pas d’interpréter l’histoire comme révélation de Dieu en fonction de nos idées et de nos désirs d’un moment ?
86Finalement, tout ce qui se vit dans le domaine des rapports humains, de l’économie, de la politique, de la science ou de l’art, trouve son sens ultime en fonction du rapport fondamental entre l’homme et Dieu. Ainsi, un événement mondial ou culturel ne peut être dit « signe des temps » que s’il n’est pas totalement neutre à l’égard de ce rapport fondamental. Peu importe que cet événement soit important ou non. Toute la question est de savoir s’il favorise l’ouverture des libertés humaines au don gratuit de Dieu.
87Dans la brève esquisse qui précède, j’ai essayé de comprendre théologiquement le sens de l’expression « Dieu parle ». Une théologie de la Révélation devrait s’achever par une méditation sur le silence de Dieu. Elle ne devrait pas se contenter de dire que Dieu se tait aujourd’hui parce qu’il nous a tout dit en Jésus-Christ. Elle devrait réfléchir sur la mise à mort de la Parole de Dieu qui s’accomplit dans le mystère de la Croix. A vrai dire, le langage de la Croix — le Logos staurou — ne nous révèle rien de nouveau. Mais il nous invite à situer à la fois le prix et la limite de toute parole révélée sur l’Etre caché de Dieu. Et la mémoire du langage de la croix est le signe distinctif de toute théologie chrétienne de la Révélation.
Notes de bas de page
1 Nous nous permettons de renvoyer ici à notre étude La Révélation hier et aujourd’hui. De l’Ecriture à la prédication ou les actualisations de la Parole de Dieu dans Révélation et langage des hommes, Paris, Ed. du Cerf, 1972, pp. 95-121.
2 C’est surtout dans son étude Heilsgeschehen und Geschischte publiée dans Grundfragen systematischer Theologie, Gesammelte Aufsatze, Göttingen, 1967, que Pannenberg prend ses distances à l’égard des « théologies de la Parole » comme celles de K. BARTH et de R. BULTMANN et dénonce l’opposition ruineuse du fait et du sens dans la compréhension de la révélation judéo-chrétienne.
3 Déjà en 1670, dans son Traité théologico-politique, Spinoza s’employait à démontrer que l’idée d’une révélation historique est formellement contradictoire. Et un siècle plus tard, Lessing lui faisait écho en formulant l’axiome qui sera souvent repris par la suite : « Des vérités historiques contingentes ne peuvent jamais devenir la preuve de vérités rationnelles nécessaires ».
4 Cf. Cl. GEFFRÉ, Le Christianisme et les métamorphoses du sacré, dans Le Sacré, Paris, Aubier, 1974, pp. 133-150.
5 Cf. S. BRETON, Révélation, médiation, manifestation dans Manifestation et Révélation, Beauchesne, 1976, p. 50.
6 Sur cette tension entre la proclamation et la manifestation dans l’économie de l’Ancien Testament, nous recommandons vivement l’étude très suggestive de P. RICŒUR, Manifestation et proclamation dans l’ouvrage collectif Le Sacré, Paris, Aubier, 1974, pp. 57-76.
7 Sur le Christ comme Figure de révélation, nous renvoyons volontiers à l’étude d’I. de la POTTERIE, Le Christ comme figure de révélation d’après saint Jean, dans Révélation et langage des hommes, op. cit. n. 1, pp. 51-75.
8 Cf. H. BOUILLARD, Le concept de révélation de Vatican I à Vatican II dans Révélation et langage des hommes, op. cit. η. 1, pp. 38-41.
9 On trouvera des élucidations très intéressantes du concept de vérité au sens biblique dans W. KASPER, Dogme et Evangile, Paris, Casterman, 1967, pp. 92-101. Voir aussi : H. SCHLIER, Méditations sur la notion johannique de vérité dans Essais sur le Nouveau Testament (trad. franç.), Paris, Ed. du Cerf, 1968, pp. 317-324.
10 Cette définition est de H. BOUILLARD, Le concept de révélation de Vatican I à Vatican II, op. cit., p. 44 (cf. Dei Verbum n. 2).
11 Cf. H. URS VON BALTHASAR, La gloire et la croix, Paris, Aubier, 1965, p. 153.
12 « Je voudrais montrer que ce qui arrive dans l’écriture, c’est la pleine manifestation de ce qui est à l’état virtuel, naissant et inchoatif dans la parole vive, à savoir le détachement du sens à l’égard de l’événement ». Cf. P. RICOEUR, Evénement et sens dans Révélation et Histoire, Paris, Aubier, 1971, p. 18.
13 Cf. K. RAHNER, art. Inspiration dans Encyclopédie de la foi, t. 2, Paris, Ed. du Cerf, 1965, p. 328.
14 W. PANNENBERG, Heilsgeschehen und Geschichte, dans Grundfragen...., p. 22.
15 En dehors des études sur le mythe rassemblées dans Le conflit des interprétations, pour cette question des rapports entre mythe et histoire du salut, nous reconnaissons surtout notre dette au cours de P. RICŒUR, Les incidences théologiques des recherches actuelles concernant le langage, publié pro manuscripto par l’Institut d’Etudes œcuméniques de l’Institut catholique de Paris, 1968.
16 Sur cette interaction constante du sens et de l’événement historique, nous renvoyons surtout à l’étude fondamentale de W. PANNENBERG, Hermeneutik und Universalgeschichte dans Grundfragen, pp. 91-122.
17 H. URS von BALTHASAR, La gloire et la croix, p. 164.
18 Sur le rapport entre la différence « historique » et la différence « eschatologique » et sur le rôle essentiel que joue cette double différence dans la théologie de l’histoire de Pannenberg, nous recommandons vivement la lecture de l’ouvrage de I. BERTEN, Histoire, révélation et foi. Dialogue avec Wolfhart Pannenberg, Bruxelles, Ed. du Cep, 1969.
19 Nous nous permettons de renvoyer à notre étude sur Pannenberg, La théologie de l’histoire comme problème herméneutique, dans Herméneutique et Eschatologie, Aubier, Paris, 1971, pp. 45-59.
20 J. MOLTMANN, Théologie de l’espérance, Paris, Editions du Cerf, 1970.
21 Cf. K. RAHNER, Remarques sur le concept de révélation dans K. RAHNER et J. RATZINGER, Révélation et tradition, Paris, Desclée De Brouwer, 1972, pp. 15-36.
22 On trouvera de bonnes remarques sur ce thème dans G. MORAN, Vivante Révélation, Paris, Ligel, 1976, surtout pp. 121-139.
23 Nous avons essayé de cerner ce problème de l’actualisation du langue de la foi pour aujourd’hui dans notre étude, La révélation hier et aujourd’hui dans Révélation de Dieu et langage des hommes, op. cit., pp. 95-121.
24 Cf. cette formule caractéristique de W. KASPER : « Un dogme, c’est la réalisation provisoire de la vérité eschatologique définitive du Christ », Dogme et Evangile, p. 119.
25 Sur la portée de l’expression « signes des temps » dans la Constitution pastorale Gaudium et spes, voir M. D. CHENU, Les signes des temps, dans L’Eglise dans le monde de ce temps, T. II, Paris, Ed. du Cerf, 1967, pp. 205-22.
26 En référence à l’article du P. Chenu, le P. Valadier critique l’abus un peu facile qui est fait de l’expression « signes des temps » dans le christianisme contemporain ; cf. P. VALADIER, Signes des temps, signes de Dieu ? dans Etudes, août-sept. 1971, pp. 261-279.
Auteur
Théologien, est professeur à l'Institut Catholique de Paris.
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