1 L’importance éthique du thème de la limite est en effet consacrée dès qu’est reconnue l’impasse théorique où vient échouer toute spéculation sur les fondements de la liberté : « Là où la Raison franchirait toutes ses limites, écrit KANT, ce serait si elle entreprenait d’expliquer comment une raison peut être pratique, ce qui reviendrait absolument au même que de se proposer d’expliquer comment la liberté est possible » (Gr. Mét. Sit., p. 319 ; trad., p. 202). Si l’on respecte l’ordre critique, toute entreprise qui tenterait de rendre compte de l’activité libre par un schéma explicatif ou causal n’aurait pour résultat que de dissoudre ce qu’elle a pour tâche d’approcher. C’est aussi pourquoi cette rupture entre le théorique et le pratique est au fondement de la liberté comme autonomie.
2 Cf. Introduction à la Dialectique transcendantale.
3 « Les concepts rationnels, comme nous l’avons dit, sont de simples idées et n’ont évidemment aucun objet dans une expérience quelconque, mais ils ne désignent pas pour cela des objets fictifs qui seraient en même temps regardés comme possibles. Ils ne sont conçus que problématiquement, afin de fonder, à leur point de vue (en qualité de fictions heuristiques), des principes régulateurs de l’usage systématique de l’entendement dans le champ de l’expérience » (K.R.V., A771, B799 ; trad., p. 525).
4 K.R.V., A795, B823 ; trad., p. 538.
5 Selon la Critique de la Faculté de Juger, l’on distingue trois modalités de jugement : la faculté de connaître, le sentiment de plaisir et de peine, la faculté de désirer (auxquels correspondent respectivement l’entendement, la faculté de juger et la Raison). Cette trichotomie revêt pour KANT une valeur synthétique. C’est dire qu’elle exige à la fois un principe d’unité (le Gemüt, union de notre pouvoir de penser et de notre réceptivité fondamentale) et une opération qui en assure la médiation (la faculté de juger). Dans la Critique de la Raison pure, l’on trouve une division semblable, qui présente un aspect complémentaire : « 11 y a trois sources subjectives de connaissance, sur lesquelles reposent la possibilité d’une expérience en général et la connaissance des objets de cette expérience : le sens, l’imagination et l’aperception » (Al 15 ; trad., p. 129).
6 Le chapitre III du Livre II de la Dialectique transcendantale. L’appendice à la Dialectique transcendantale. La théorie transcendantale de la méthode.
7 K.R.V., A648, B676 ; trad., p. 455.
8 ibid., A650, B678 ; trad., p. 457.
9 KANT, Opus postumum, trad., p. 40.
10 K.R.V., A644, B672 ; trad., p. 453.
11 ibid., A645, B673 ; trad., p. 454.
12 A l’inverse de ce qui a lieu dans l’usage hypothétique, dans l’usage apodictique — qui ne doit pas être confondu avec la notion husserlienne d’apodicticité — le général est déjà donné et certain en soi, et n’exige plus que du jugement pour opérer la subsomption, par laquelle le particulier sera ainsi nécessairement déterminé.
13 K.R.V., A771, B799 ; trad., p. 525.
14 ibid., A775, B803 ; trad., p. 527. « Vouloir ne rendre que vraisemblable la réalité des Idées, écrit KANT, c’est une entreprise aussi absurde que si l’on songeait à prouver d’une manière simplement vraisemblable une proposition géométrique » (ibid.). Ce qui est une manière de dire que les maximes de la Raison, au niveau où elles opèrent, ont autant d’importance pour l’éclosion réelle de l’objet que les axiomes de l’intuition, à un niveau tout différent. Au sujet de la notion de vraisemblance, KANT dira d’ailleurs qu’elle est, en l’occurrence, tout à fait impropre :... « Il n’y a aucun moyen d’atteindre le supra-sensible en suivant les chemins par lesquels, dans le champ du sensible, nous pouvons espérer obtenir la certitude ; il n’y a donc aucune approximation par rapport à celle-ci, donc aucun assentiment, dont la valeur logique mériterait le nom de ‘vraisemblance’ » (PREISSCH, XX, 299).
15 Les axiomes sont définis par Kant comme des principes synthétiques a priori qui ont comme propriété d’être immédiatement certains. En ce sens, il est évident que seule la mathématique peut se fonder sur des axiomes, puisqu’elle est seule aussi à pouvoir rapporter a priori les prédicats d’un objet à l’intuition de cet objet (par exemple, que trois points sont toujours dans un plan), alors qu’un principe synthétique fondé simplement sur des concepts ne peut jamais être certain immédiatement (cf. K.R.V., A733, B761 ; trad., p. 504).
16 Chaque groupe de schèmes comporte donc lui aussi deux sous-ensembles. Aux catégories de la quantité, correspondent les schèmes de la structure extensive du phénomène dont l’usage est régi, dans l’analytique, par les « axiomes de l’intuition ». Aux catégories de la qualité, correspondent les schèmes de la structure intensive, réglée par les « anticipations de la perception » (cf. K.R.V., section III du livre II de l’Analytique).
17 KANT, Opus postumum ; trad., p. 2.
18 K.R.V., A146, B186 ; trad., p. 155.
19 ibid., A146, B185 ; trad., p. 155.
20 ibid., A770, B798 ; trad., p. 524. La synthèse de l’hétérogène relève en effet de l’usage dynamique de la Raison, lequel se caractérise avant tout par la nature discursive de son procédé. N’ayant plus trait à la schématisation de la quantité et de la qualité, mais à celle de l’existence des objets (soit les uns par rapport aux autres, soit par rapport à l’entendement), conditionné par les « analogies de l’expérience » et les « postulats de la pensée empirique », l’usage des principes dynamiques nous indique la manière dont nous devons rechercher le non-donné à partir du donné, sur le mode de sa correspondance à notre raison. C’est donc la relation implicite entre l’entendement et la faculté des Idées qui constitue proprement le « dynamisme » de ces principes. Il convient par ailleurs de rappeler que ces registres du mathématique et du dynamique ne sont pas des déterminations extérieures ou juxtaposées de l’entendement, mais qu’ils sont unis par un lien de réciprocité interne. Au mathématique, d’une part, revient ce qui dans notre attente des choses est déjà manifeste, et d’après quoi nous les appréhendons comme choses singulières. Le mathématique découpe la structure objectale qui, dans l’auto-affection de la connaissance par elle-même, nous permet de viser a priori le mode d’apparaître (sosein) de l’objet. Ainsi, il s’avère d’emblée évident, non seulement que le mathématique n’est qu’une portion limitée de ce qui peut s’apprendre de la chose, mais qu’il n’a de sens qu’à l’intérieur du mouvement de l’« apprendre originel » qui sous-tend notre approche concrète de l’étant. Il n’a de sens, autrement dit, que par rapport à la totalité d’une nature, tissée par « l’enchaînement des phénomènes quant à leur être-là » (Dasein) (K.R.V., A216, B263 ; trad., p. 198) ou à ce qui, en tant que choséité naturelle, implique la possibilité d’un objet d’expérience (il en va ainsi autant pour les constructions géométriques que pour les syntaxes de l’algèbre).
C’est pourquoi, la synthèse mathématique de l’homogène en appelle toujours, d’autre part, au travail de la synthèse dynamique, de laquelle dépendent les règles de la concomitance des phénomènes et, plus radicalement encore, de leur position par rapport à l’entendement. Pour KANT, il appartient donc au monde de l’expérience, en tant que nature, de rassembler dans leur cohérence les deux champs d’application des catégories : c’est-à-dire l’unité synthétique et apriorique du divers de l’intuition d’une part, et le rapport de celle-ci à l’expérience d’autre part. C’est de cette réciprocité qu’il est question d’ailleurs dans le principe suprême de tous les jugements synthétiques : « les conditions de la possibilité de l’expérience en général sont aussi les conditions de la possibilité des objets de l’expérience, et ont pour ce motif une valeur objective dans un jugement synthétique a priori » (K.R.V., A158, B197 ; trad., p. 162).
21 ibid., A311, B367 ; trad., p. 261.
22 ibid., A321, B378 ; trad., p. 267.
23 ibid., A643, B671 ; trad., p. 453.
24 ibid., A299, B356 ; trad. ; p. 254.
25 ibid., A409, B436 ; trad., p. 329.
26 Ibid., A538, Β566 ; trad., p. 397.
27 ibid., A531, B558 ; trad., p. 393.
28 L’usage dynamique et régulateur — « réel » — de l’Idée s’avère donc, aussi paradoxal que cela puisse paraître, le niveau critique le plus proche de l’ontologie, celui où la question de l’être est le plus directement en cause. Ceci fut tout spécialement mis en lumière par S. TAKEDA, dans son ouvrage « Kant und das Problem der Analogie » : l’hétérogénéité qui sous-tend le registre du dynamique s’y trouve explicitement désignée comme « liaison de l’expérience et de la chose en soi », comme articulation du Sosein et du Dasein (op. cit., § 22). Cette préséance du dynamique sur le mathématique est d’ailleurs ce qui explique, d’après lui, que les règles de la constitution de l’expérience soient en fait foncièrement régulatrices, en l’occurrence analogiques, comme en témoigne la 3e section de l’analytique des principes. Sur ce point précis, nous ne pouvons que renvoyer à l’enseignement de ces pénétrantes analyses.
29 K.R.V., A409, B435 ; trad., p. 328.
30 ibid., A137, B176 ; trad., pp. 150-151.
31 HEIDEGGER, Kant und das Problem der Metaphysik, § 12.
32 K.R.V., A138, B177 ; trad., p. 176.
33 ibid., A146, B186 ; trad., p. 177.
34 Pour décrire le travail de l’imagination, Kant a recours, dans l’Anthropologie, à la notion d’« affinité » (Verwandtschaft), empruntée à la chimie. Procédé métaphorique qui fait saillir, par contraste, la résistance qu’oppose l’« alliage » des facultés à toute genèse de type mécanique : « c’est, écrit-il, l’action réciproque de deux substances physiques d’espèces différentes, agissant intérieurement l’une sur l’autre et tendant à l’unité ; l’unification détermine alors un troisième élément qui a des propriétés qui ne peuvent être engendrées que par l’unification de deux substances hétérogènes. L’entendement et la sensibilité, dans leur dissemblance, se lient fraternellement d’eux-mêmes pour constituer notre connaissance, comme s’ils avaient leur origine l’un dans l’autre, ou comme s’ils la tenaient tous les deux d’un tronc commun (von einem gemeinschaftichen Stamme), ce qui ne peut pas être, ou du moins est inconcevable pour nous (unbegreiflich), qui ne pouvons comprendre que la dissemblance puisse être issue d’une seule et même racine ». (Anthropologie, § 31, Cass. VIII, p. 64 ; trad., p. 54).
35 K.R.V., A664, B692 ; trad., p. 464.
36 ibid., A299, B356 ; trad., p.-254.
37 ibid., A658-659, B686-687 ; trad., p. 461.
38 ibid„ A661, B689 ; trad., p. 462.
39 TAKEDA fait de ce qu’il appelle la « logique de l’analogie », et qui actualise la relation dynamique entre le phénomène et la chose en soi, entre le sensible et le suprasensible, entre l’entendement et la Raison, le fondement du système kantien tout entier. « Dans la philosophie kantienne, écrit-il, chaque partie du système est construite sur le mode de l’analogie. Non seulement les trois Critiques partagent une organisation analogue, mais entre les éléments internes du système, par exemple entre l’entendement et la Raison, domine la construction de type analogique... Kant a toujours construit son système en ayant recours à l’analogie, et celle-ci lui permit d’en colmater les brèches » (Cf. « Kant und das Problem der Analogie », p. 102). Nous trouvons dès lors, dans ses démonstrations, une justification approfondie, d’un point de vue systématique, du rôle central que nous faisons jouer à l’analogie dans l’intégration de notre propre lecture de Kant.
40 K.R.V., A665, B693 ; trad., p. 464-465.
41 ibid., A674, B702 ; trad., p. 469.
42 ibid., A 645, B673 ; trad., p. 454.
43 ibid., A576, B604 ; trad., p. 417.
44 ibid., A573, B601 ; trad., p. 416.
45 ibid., A573, B601 ; trad., p. 416.
46 ibid., A573-574, B601-602 ; trad., p. 416.
47 ibid., A576, B604 ; trad., p. 417.
48 ibid., A576, B604 ; trad., p. 417.
49 ibid., A576, B604 ; trad., p. 417.
50 ibid., A579, B607 ; trad., p. 419.
51 ibid., A579, B607 ; trad., p. 419.
52 ibid., A581, B609 ; trad., p. 420.
53 ibid., A581, B609 ; trad., p. 420.
54 ibid., A582, B610 ; trad., p. 420.
55 ibid., A552, B580 ; trad., p. 404.
56 DECLÈVE, H., Le Kantisme selon quelques philosophes contemporains, vol. II, p. 330.
57 E.E., § V., Cass. V, p. 193. « Réfléchir, c’est comparer et tenir ensemble des représentations données, soit entre elles, soit par rapport à leur faculté de connaître, eu égard à un concept par là possible » (E.E., § V., Cass. V, p. 192).
58 D’où les reproches d’une conceptualisation platonicienne de l’a priori, posé comme indépendant de l’expérience, et hypostasié à la façon d’une condition ontologique de celle-ci. Un platonisme qui aurait en même temps les travers essentiels du psychologisme : Kant a fait reposer la majeure partie des opérations synthétiques originelles sur une synthèse de « facultés », en opposant à celle-ci, sur le mode d’une extériorité métaphysique, la transcendance de la chose en soi, inconnaissable et indéterminable. L’objectivité du jugement, ramenée ainsi à l’activité unilatérale d’une conscience scientifique, fut dès lors privée d’une genèse intentionnelle concrète de sa fondation. Car le travail de la Déduction commence trop tard, à un niveau de constitution trop élevé : faute d’une remontée radicale jusqu’aux soubassements noético-noématiques initiaux de l’expérience — la constitution du corps vivant, de la perception, de la synthèse passive du temps et des premières mises en formes intersubjectives de la nature et du monde — celle-ci se trouve d’emblée étrécie aux champs d’investigations des sciences naturelles, élus comme lieux exclusifs de l’objectivité. En conséquence, et parce qu’il confond le champ éidétique général de la réduction avec la légitimation de catégories scientifiques régionales, Kant n’a pas réussi, selon Husserl, à affranchir la logique transcendantale de la logique formelle. Sa « Déduction » demeure statique et dogmatique, immobilisée par un vice de méthode non surmonté, une propension à sauter par-dessus le sol d’évidence de la donation vivante et originaire, et à prendre appui sur des notions extrapolées et « construites », éidétiquement insaisissables et réfractaires à la description. Une pénétrante analyse de ces « griefs » husserliens fut menée à bien par Iso KERN, dans son livre Husserl und Kant (pp. 55-134).
59 K.R.V., A496, B524 ; trad., p. 375.
60 K.U., Einl., Cass, V, p. 258 ; trad., p. 31.
61 K.R.V., A477, B505 ; trad., p. 366.
62 Reflex., vol. II, 1581, Erdmann.
63 Taminiaux, J., La nostalgie de la Grèce à l’aube de l’idéalisme allemand, p. 36.
64 K.U., Einl., Cass, V, p. 245 ; trad., p. 25.
65 K.R.V., A133, B172 ; trad., p. 148.
66 HEIDEGGER, Kant und das Problem der Metaphysik, p. 119 ; trad., p. 187.
67 K.R.V., A581, B609 ; trad., p. 420.
68 ibid., A649, B677 ; trad., p. 456. Rappelons encore que, dans l’Analytique des concepts, c’est une thèse identique qui fut défendue concernant les rapports de l’entendement et de l’intuition, à savoir que « la dépendance de l’unité transcendantale de l’aperception à l’égard de la synthèse de l’imagination est la condition a priori de la possibilité de tout assemblage du divers dans une connaissance » (Al 18 ; trad., p. 132).
69 Pour l’usage de la notion de « faculté », nous tenons toujours compte des rectifications proposées par Heidegger : « Comprendre les facultés ‘de notre esprit’ comme ‘facultés fondamentales’ consiste d’abord à les dévoiler selon la mesure où elles rendent possible l’essence de la transcendance. De ce point de vue, ‘faculté’ ne signifie pas une ‘puissance fondamentale’ sise dans l’âme, mais vise à présent ce que ‘peut’ pareil pouvoir en tant qu’il rend possible la structure essentielle de la transcendance ontologique ». (Kant und das Problem der Metaphysik, p. 124 ; trad., pp. 192-193).
70 Là aussi, pour la compréhension du vocable « transcendance », nous renvoyons au Kantbuch heideggerien : « La transcendance consiste en ce que l’acte, qui en s’orientant laisse surgir l’objet, forme, comme tel, l’horizon de l’objectivité en général. La sortie vers... qui, dans la connaissance finie est d’emblée et à tout moment nécessaire, s’avère du même coup et constamment comme un acte de s’ex-poser à (Ekstasis). Mais cette ex-position essentielle, dans sa position, forme et se propose un horizon. La transcendance est en soi ekstatique ». (Kant und das Problem der Metaphysik, p. 111 ; trad., p. 176).
71 « On ne peut pas nier que KANT emprunte toujours à la logique le point de départ des problèmes qu’il pose. Il n’en est pas moins douteux que la logique, parce qu’elle a fait de la pensée pure, prise en un certain sens, son thème unique, nous offre la garantie de pouvoir circonscrire ou même seulement atteindre la pleine essence de cette pensée » (ibid., p. 136 ; trad., p. 206).
72 K.R.V., cf. Analytique des concepts, Chap. Il, deuxième section.
73 HEIDEGGER, Kant und das Problem der Metaphysik, p. 178 ; trad., p. 251.
74 Est-il besoin de préciser pour dissiper tout malentendu, qu’il n’y a point lieu de parler ici d’une « philosophie de la présence », puisque l’horizon de compréhension déployé par le temps ne fonctionne que sur fond d’une rupture irrémissible avec toute « proximité absolue » avec l’être, comme avec toute aspiration vers celle-ci.
75 HEIDEGGER, Kant und das Problem der Metaphysik, p. 158 ; trad., p. 229.
76 K.R.V., A102 ; trad., p. 115.
77 ibid., A103 ; trad., pp. 115-116.
78 ibid., A103 ; trad., p. 115.
79 ibid., A103 ; trad., p. 116.
80 ibid., A105 ; trad., p. 118,
81 ibid.. A108 ; trad., pp. 121-122.
82 ibid., A494, B522 ; trad., p. 374.
83 ibid„ A494, B523 ; trad., p. 374.
84 ibid., A253 ; trad., p. 227.
85 HEIDEGGER, Kant und das Problem der Metaphysik, p. 169 ; trad., p. 241.
86 C’est H. DECLEVE qui, dans son étude intitulée « Le kantisme selon quelques philosophes contemporains », écrivait : « il ne suffit pas d’interpréter le schématisme pour comprendre la pensée de Kant sur le temps ; il s’agit pour atteindre le phénomène de l’oubli et de la compréhension ordinaire de l’être en sa racine, de saisir la relation du temps avec les Idées et par celles-ci avec la liberté... » (vol. II, p. 271).
87 Cette idée, H. DECLEVE la défendit également dans sa discussion avec HEIDEGGER (cf. Le kantisme selon quelques philosophes contemporains, vol. Il, ch. VI, p. 331). Mais elle le fut différemment. Nous ne pensons point, pour notre part, que l’insistance de HEIDEGGER sur le thème du temps ait pour effet de subvenir les rapports de l’intuition et de la Raison. Ne nous met-il pas lui-même en garde contre le caractère unilatéral d’un pareil retournement : « Il serait possible d’approuver l’interprétation de la raison théorique qui concerne la parenté de celle-ci avec l’imagination transcendantale, dans la mesure où cette interprétation souligne le caractère de libre formation propre à la représentation exercée par la pensée pure. Si cependant, l’interprétation concluait de là qu’il faut chercher l’origine de la pensée pure dans l’imagination transcendantale, il faudrait lui opposer que la spontanéité n’est qu’un moment de l’imagination et que, par conséquent, la pensée, si elle a avec l’imagination une parenté incontestable, ne saurait s’identifier pleinement avec elle (Kant und das Problem der Metaphysik, p. 140 ; trad., p. 210). Il nous montre par ailleurs que l’horizon du temps et celui de la Raison ne sauraient se dissocier : « La pensée et l’intuition, quoique distinctes, ne sont point séparées l’une de l’autre comme deux choses de nature absolument différente » (ibid., p. 135 ; trad., p. 205). Au-delà de toute dichotomie stérile, HEIDEGGER nous ouvre ainsi la voie vers une méditation plus radicale sur l’unité de ce que la Raison accomplit et de ce que l’intuition reçoit. Qu’une telle démarche puisse être prolongée et dépassée, ne fait que témoigner de sa positivité véritable.
88 Il en va ainsi pour KANT de toute pratique philosophique : « Les connaissances rationnelles, qui le sont objectivement (c’est-à-dire qui ne peuvent résulter originairement que de la propre Raison de l’homme), ne peuvent donc porter aussi ce nom subjectivement que si elles ont été puisées aux sources générales de la Raison d’où peut aussi résulter l’intention de critiquer et même de rejeter ce que l’on a appris, c’est-à-dire que si elles sont tirées de principes. » (A838, B866 ; trad., p. 560).
89 H. MORCHEN, Die Einbildungskraft bei Kant, p. 399.
90 K.U., § 17. KANT écrit aussi : « Notre entendement a donc ceci de propre pour la faculté de juger que dans la connaissance qu’il procure, le particulier n’est pas déterminé par le général et qu’il ne peut être uniquement dérivé de celui-ci ; cependant ce particulier dans la diversité de la nature doit s’accorder avec le général (par des concepts et des lois), afin de pouvoir se trouver subsumé sous celui-ci ; et cet accord doit être sous de telles circonstances très contingent et sans principe déterminé pour la faculté de juger ». (K.U., § 77 ; Cass, V, p. 485 ; trad., p. 220).
91 « Tous les concepts sont soit Urbild, et, en tant que tels, au fondement des déterminations par lesquelles l’objet est formé, et désigné parmi toutes les possibilités, soit ils sont Nachbild, lesquels ne sont que le résultat des déterminations de la chose » (Reflex., vol. II, 1652, Erdmann).
92 HEIDEGGER, Kant und das Problem der Metaphysik, § 28.
93 KANT, K.R.V., B153 ; trad., pp. 131-132. Ce caractère auto-affectif est d’ailleurs, rappelons-le, l’apanage de tout rapport intuitif en général : « l’intuition, écrit Kant, puisqu’elle ne représente rien, sinon dans la mesure où quelque chose est placé dans l’esprit (Gemüth), ne peut être autre chose que la manière dont cet esprit est affecté par sa propre activité ». Et plus loin : « Si le pouvoir d’avoir conscience de soi doit découvrir (appréhender = apprehendire) ce qui réside dans l’esprit, il faut que cet esprit en soit affecté, et c’est à cette seule condition qu’on peut avoir l’intuition de soi-même ; mais la forme de cette intuition, existant préalablement dans l’esprit, détermine dans la représentation du temps la manière dont le divers est rassemblé dans l’esprit. En effet, celui-ci s’intuitionne lui-même, non pas comme il se représenterait lui-même immédiatement et spontanément, mais d’après la manière dont il est affecté intérieurement, par conséquent tel qu’il s’apparaît à lui-même et non tel qu’il est » (K.R.V., B69 ; trad., p. 73).
94 ibid„ A78, B103 ; trad., p. 93.
95 « La ‘mise en concepts’ de la synthèse pure s’accomplit dans le schématisme transcendantal. Il ‘forme’ l’unité représentée dans la notion pour en faire l’élément essentiel de l’objectivité, laquelle peut être intuitionnée de façon pure. C’est seulement dans le schématisme transcendantal que les catégories se forment en tant que catégories. Si celles-ci sont les véritables ‘concepts fondamentaux’ (Urbegriffe), le schématisme transcendantal est la conceptualisation originaire et authentique » (HEIDEGGER, Kant und das Problem der Metaphysik, p. 103 ; trad., p. 167).
96 DECLEVE, H., Le kantisme selon quelques philosophes contemporains, vol. II, p. 330.
97 Ceci fut rigoureusement développé par TAKEDA, dans une analyse approfondie des « analogies de l’expérience ». Il nous montre que celles-ci peuvent être ramenées à un principe unique, qui constitue le sol de la logique transcendantale à savoir que la chose visée est toujours donnée de telle sorte que l’expérience soit possible. La nécessité de la relation conceptuelle est par là enracinée dans la contingence d’une donation première qui, elle, n’est pas maîtrisée. Mais le principe de cet enracinement n’est pas quelconque : il met en jeu la régulation d’une analogie qui fait se correspondre le Logique et le Réel, analogie que les schèmes de la temporalité médiatisent et réalisent (cf. « Kant und das Problem der Analogie », § 25).
98 KANT, Die falsche Spitzfindigkeit der vier syllogistischen Figuren, Cass, II, pp. 6-3-64.
99 K.U., Einl. V, Cass, V, p. 253 ; trad., p. 31.
100 « L’analogie est le principe régulateur de l’expérience. Elle ne crée pas immédiatement l’objet, mais elle est la condition de l’objectivité. Dans cette mesure, le principe régulateur est également constitutif, parce que, comme Kant le dit, l’expérience en général n’est rendue possible que par la liaison du divers empirique - principe de l’analogie de l’expérience. Mais c’est fondamentalement au travail du jugement réfléchissant qu’il appartient de rendre une telle analogie possible » (S. TAKEDA, Kant und das Problem der Analogie, p. 136).
101 K.U., Einl. VIII, Cass, V, p. 263 ; trad., p. 40.
102 ibid., § 74, Cass, V, p. 475 ; trad., p. 212. Nous renvoyons également au texte bien connu : « Demande-t-on, en premier lieu, s’il y a quelque chose de distinct du monde qui contienne le fondement de l’ordre du monde et de son enchaînement suivant les lois générales ? Il faut répondre : oui, sans doute... Demande-t-on, en second lieu, si cet être est une substance de la plus haute réalité, une substance nécessaire etc... ? Je réponds que cette question-là n’a pas de sens. En effet, toutes les catégories au moyen desquelles je cherche à me faire le concept d’un objet de ce genre n’ont d’autre usage qu’un usage empirique et perdent toute signification quand on ne les applique pas à des objets de l’expérience possible, c’est-à-dire au monde sensible » (K.R.V., A695, B723 ; trad., p. 481).
103 ibid., § 75, Cass, V, p. 476 ; trad., p. 212.
104 ibid., § 75, Cass, V, p. 477 ; trad., p. 213.
105 ibid., § 75, Cass, V, p. 477 ; trad., p. 213.
106 ibid., § 82 ; Cass, V, p. 505 ; trad., p. 237.
107 Pour reprendre l’expression d’E. WEIL : « Si nous sommes maîtres et sources du sens, c’est parce que nous ne sommes pas maîtres des faits » (Problèmes Kantiens, p. 97).
108 K.U., § 77, Cass, V, p. 385 ; trad., p. 220.
109 ibid., § 64, Cass, V, p. 448 ; trad., p. 190.
110 Le caractère aporétique du jugement de finalité ressort clairement dans cette définition : « En raison de l’aspect final (wegen des Zweckähnlichen) que nous trouvons dans ses produits, nous nommerons le procédé (la causalité) de la nature : technique, et nous diviserons celle-ci en technique intentionnelle et technique inintentionnelle (technica naturalis). La première doit signifier que la faculté productrice de la nature d’après des causes finales doit être tenue pour une espèce particulière de la finalité ; la seconde signifiera qu’elle est identique en son principe avec le mécanisme de la nature, et que son accord contingent avec nos concepts d’art et leurs règles, comme simple condition subjective pour en juger, est à tort interprété comme une forme particulière de production naturelle » (K.U., § 72, Cass, V, p. 469 ; trad., p. 207).
111 « Juger qu’une chose, en raison de sa forme intérieure, est une fin naturelle (Naturzweck) est tout autre chose que de considérer que l’existence de cette chose est une fin de la nature (Zweck der Natur) » (K.U., § 67, Cass, V, p. 456 ; trad., p. 196). Il n’y a donc pas lieu de confondre la fin naturelle avec le schème inversé de la succession. Si un regard à distance sur la disposition d’ensemble des organismes naturels nous révèle qu’aucun parmi eux n’est inutile et que tout y a sa justification, au bout du compte cette « explication » demeure toujours relative à l’existence d’un étant privilégié (l’homme) qui lui-même ne peut se justifier « naturellement ». On peut certes, ainsi que KANT nous l’indique, tenter de rendre compte de l’existence du moindre brin d’herbe en fonction de ses destinations les plus éloignées, et montrer comment l’herbe est nécessaire au bétail et le bétail nécessaire à l’homme, mais ce schéma hypothétique et hasardeux de la causalité devient complètement caduque, une fois confronté au problème de savoir pourquoi l’homme est vivant. Ce qui montre que le point de vue de la finalité externe ne saurait épouser celui de la perfection interne de la chose, perfection qui n’exprime pas un inconditionné logique situé au-delà du paraître nature], mais qui anime, dans son épaisseur, la matérialité même de celui-ci : « C’est seulement la matière, dans la mesure où elle est organisée, qui introduit nécessairement le concept d’une fin naturelle, parce que sa forme spécifique est en même temps produit de la nature » (K.U., § 67, Cass, V, p. 457 ; trad., p. 197).
112 K.U., § 65, Cass, V, p. 453 ; trad., p. 194.
113 « La contingence de la forme de l’objet, par rapport à toutes les lois empiriques de la nature en relation à la raison, est un principe pour n’admettre une causalité pour cet objet que comme si elle n’était possible que par la raison » (K.U., § 64, Cass, V, pp. 447-448 ; trad., p. 189).
(E.E., Cass, V, p. 198 ; trad., p. 40).
114 K.U., § 65, Cass, V, p. 452 ; trad., p. 194.
115 L’immédiateté de la médiation, l’ana-logie primordiale et antédialectique de toute mise en forme compréhensive fut un leitmotiv de la philosophie de DILTHEY : « Dans la vie, écrivait-il, nous voyons s’accomplir des distinctions et des séparations. Nous ramenons, en fin de compte, ce processus aux notions de sujet et d’objet, mais là encore, l’intellect ne nous donne qu’une image déformée. La vie ! elle est tout ce que je viens de dire, mais elle est en même temps unité. Non point une unité qu’on opère, en partant de la thèse et de l’antithèse, en procédant à la synthèse, mais une unité qui existe dès le principe » (Théorie des conceptions du monde, trad., p. 89). L’on sait combien l’antinomie entre le flux du vivant et la fixation du système lui paraissait insurmontable, en raison de la singularité inépuisable du premier et de la partialité rigide du second. Peut-être cette incompatibilité a-t-elle surtout pour origine un préjugé restrictif à l’égard du langage conceptuel des sciences et de la métaphysique — comme analyse, découpage et re-composition du vécu. Néanmoins, l’on ne peut manquer l’inspiration profondément critique du dilemme diltheyen qui, en définitive, émerge d’une tension semblable à celle avec laquelle KANT et HUSSERL étaient aux prises : souci de la rigueur interne du système et fidélité phénoménologique au vécu de l’expérience intentionnelle. Et, s’il semble que DILTHEY ait donné la préférence au second impératif, il n’avait pas pour autant renoncé à la quête réflexive du fondement, ainsi qu’en témoignent nombre de textes essentiels : « La lutte qui met aux prises les divers systèmes montre qu’ils possèdent la qualité qui leur permet de se donner une forme interne, mais non celle qui leur permettra jamais de faire cesser leur combat. L’idéal ne saurait être un système qui synthétiserait tous les autres, mais ce serait de découvrir la loi génétique où se fonde leur différenciation... » (ibid., p. 203). Et, plus loin, concernant la singularité nécessaire de l’œuvre de pensée, DILTHEY écrit : « Du fait même que la vie est une, jaillit le besoin de réfléchir sur cette unité et d’en agrandir la notion jusqu’à l’unité du monde sensible et de tout le réel. Dans ce cas, cette connaissance plus étendue du réel contiendrait la connaissance de la vie, qui nous serait donnée en même temps qu’elle comme étant une des parties qui le composent. Mais une telle hypothèse se révèle impossible. Le travail de la pensée renferme donc en lui-même une contradiction, quelque chose de tragique. La philosophie critique a été la première à le reconnaître » (ibid., p. 224).
116 K.U., § 62, Cass, V, p. 443 ; trad., p. 186. « En effet, le fondement d’une grande admiration de la nature moins en dehors de nous qu’en notre propre raison, se trouve dans la nécessité de ce qui est final et tellement constitué qu’il semble avoir été disposé pour notre usage, mais qui paraît cependant appartenir originairement à l’essence des choses sans souci de notre utilité » (ibid.,§ 62, Cass, V, p. 443 ; trad., p. 186).
117 ibid., Einl., VI, Cass, V, p. 256 ; trad., p. 34.
118 ibid., § 62, Cass, V, p. 441 ; trad., p. 184.
119 ibid., § 81, Cass, V, p. 501 ; trad., p. 234.
120 KANT définit en effet le supra-sensible comme « un concept rationnel transcendantal qui se trouve au fondement de toute intuition sensible, et qui ne peut par conséquent être davantage déterminé théoriquement (K.U., § 57, Cass, V, p. 416 ; trad., p. 164). Le fait qu’il soit cependant soumis à la réflexion de la faculté de juger est cela qui fonde sa déterminabilité : « La faculté de juger grâce à son principe a priori pour juger la nature d’après ses lois particulières possibles procure à son substrat supra-sensible (en nous aussi bien qu’en dehors de nous) la déterminabilité (Bestimbarkeit) par la faculté intellectuelle » (ibid., Einl. IX, Cass, V, p. 265 ; trad., p. 42).
121 La division du mécanique et du téléologique suscita de vives critiques de la part de HEGEL (Wissenschaft der Logik, vol. II, ch. III). KANT reconnaît l’identité originaire du mécanisme et de la finalité, en même temps qu’il la proclame hors d’atteinte. Alors qu’il entrevoit le dépassement des deux registres dans une unité plus haute, il continue de faire dépendre l’intégration organique d’une instance transcendante à la pensée, et inconnue de nous. Mais, demande HEGEL, pour qui la raison libre et son travail ne font qu’un, comment l’activité rationnelle peut-elle être différente de son exposition ? A-t-on le droit de séparer le Traité de la méthode de l’effectivité du résultat scientifique ? Du point de vue spéculatif, ce droit est refusé. Cependant, puisque la téléologie est une « régulation sans règles », elle n’est pas encore soumise aux subtiles synthèses de la dialectique, et ce qui est conçu en elle comme différence analogique entre la vie et le vivant, se situe en-deçà de l’opposition du positif et du négatif, du concret et de l’abstrait, de l’interne et de l’externe...
122 K.U., § 72, Cass, V, p. 468 ; trad., p. 206. L’on voit poindre ici l’affinité lointaine qui lie la finalité objective interne à la forme subjective de la libre Beauté, affinité qui trouve son point d’attache dans la notion d’une technique de la faculté de juger : « ce n’est pas selon la méthode du schématisme que procède la faculté de juger réfléchissante, mais de façon technique ; elle ne procède pas pour ainsi dire de façon simplement mécanique, à la manière d’un instrument, sous la conduite de l’entendement et des sens, mais à la façon de l’art (künstlich) ; elle se règle sur le principe universel, mais en même temps indéterminé d’une disposition finale (zweckmässigen Anordnung) de la nature en système, pour ainsi dire au bénéfice de notre faculté de juger, dans l’appropriation de ses lois particulières (dont l’entendement ne dit rien) à la possibilité de l’expérience comme système ; sans cette supposition, nous ne pourrions espérer trouver notre chemin dans un labyrinthe de lois particulières possibles » (E.E., Cass, V, p. 194 ; trad., p. 35). C’est pourquoi, KANT appellera plus loin « la causalité de la nature au point de vue de la forme de ses produits comme fins, technique de la nature. Elle s’oppose, écrit-il, à la mécanique de la nature, qui consiste en sa causalité par la connexion qu’elle effectue du divers sans un concept qui fonde l’espèce d’unification à laquelle elle procède, à peu près comme nous appellerons machines, mais non pas œuvres d’art (künstwerk), certains élévateurs dont l’effet peut être ordonné à une fin, sans même que celle-ci soit fondée sur une Idée... » (E.E., Cass, V, pp. 199-200 ; trad., pp. 43-44).
123 E.E., IX, Cass, V, p. 214 ; trad., p. 61. En guise d’exemple, KANT met en rapport les actions de nature technique (kunsthandlungen) de certains animaux (les castors) avec celles de l’homme : la complexité de leurs constructions réciproques et la finalité qu’on peut y lire donnent à penser qu’elles obéissent à des principes de conception analogues : « de ce que l’homme use de sa raison en ses constructions, je ne peux en conclure que le castor doit aussi posséder une raison et appeler cela un raisonnement par analogie. Cependant partant de la forme de l’action (wirkungsart) de l’animal (dont nous ne percevons pas immédiatement le principe) et qui comparée à celle de l’homme (dont nous avons immédiatement conscience du principe) lui est semblable, nous pouvons très justement conclure par analogie que les animaux aussi agissent d’après des représentations (et ne sont pas des machines, comme le veut DESCARTES) et qu’en dépit de ce qui constitue leur différence spécifique, ils sont du point de vue du genre (gattung) (en tant qu’êtres vivants) identiques à l’homme » (K.U., § 90, Cass, V, p. 546, note 1 ; trad., p. 268). Autrement dit, concevoir par analogie, c’est étendre le principe de la production rationnelle, au-delà de ce qui lui est strictement homogène, sans prétendre pour autant supprimer la différence : rien ne nous autorise à prendre appui sur l’affinité formelle qui rassemble les deux modes de travail concernés, pour attribuer aux castors les mêmes « propriétés » que celles qui définissent l’essence de l’homme. L’analogie n’affirme rien directement quant au quid des objets mis en rapport, mais ne se prononce que sur le lien qui rassemble le « comment » de leur manifestation, la « forme de leur activité ».
124 K.R.V., A649, B677 ; trad., p. 456.
125 K.U., § 57, Cass, V, p. 417 ; trad., p. 165.
126 Reflex., vol. II, 1753, Erdmann.
127 K.U., Einl. VII, Cass, V, p. 258 ; trad., pp. 37-38.
128 « Quoique la technique de la Nature soit divisée en technique intentionnelle — technica intentionalis — et technique inintentionnelle — technica naturalis — ce qui prévaut surtout tient en ceci : lorsque cette technique de la nature est en quelque sorte « perçue », la finalité esthétique apparaît comme son pôle subjectif, et lorsqu’elle est saisie conceptuellement, alors la finalité organique réalise son pôle objectif » (TAKEDA, S., Kant und das Problem der Analogie, p. 148).
129 Ce point précis de la troisième Critique fut d’ailleurs la cible des plus vives objections. Il semble que l’on ait de la peine à consentir à ce que le sentiment puisse participer si profondément au travail de la pensée. Ainsi V. BASCH : « J’ai résumé mes objections dans le dilemme que voici : ou bien, dans le jugement esthétique, c’est le sentiment qui précède le jugement, et alors il n’y a plus d’universalité ni de nécessité ; ou bien, c’est au contraire, le jugement qui précède le sentiment, et alors toute la position kantienne du problème est renversée, le sentiment esthétique n’est plus ni immédiat, ni spontané, toute l’opposition faite par KANT à l’intellectualisme de LEIBNIZ est vaine et la Critique du Jugement n’aurait jamais dû être écrite » (Essai sur l’Esthétique de Kant, p. LLVII). « ... J’ai conclu, pour mon compte, de l’étude que j’ai faite du sentir en général, et du sentiment esthétique en particulier, qu’un jugement esthétique est une monstruosité logique, et que l’universalité et la nécessité sont inconcevables en matière de Beau, en matière d’art, en matière de critique » (ibid., p. XLIX). Cependant, la profondeur spécifique de la démarche de KANT est par là même d’autant mieux mise en lumière : une pensée de l’universalité du sentir ! Car l’on n’a pas encore suffisamment médité le fait que ce soit au sentir que revienne la place centrale — en l’occurrence primitive et médiatrice — dans la hiérarchie des pouvoirs de l’esprit. Juger, c’est-à-dire, en langage transcendantal, faire un usage rationnel de l’entendement, c’est, primordialement, sentir, ou encore, articuler les principes du pouvoir de connaître aux principes du pouvoir de désirer. En effet, « le pouvoir de connaître par concepts a ses principes a priori dans l’entendement pur (ses concepts de la nature) ; le pouvoir de désirer dans la raison pure (ses concepts de la liberté) ; reste donc encore parmi les attributs de l’esprit en général un pouvoir intermédiaire ou sensibilité (Empfänglichkeit) : le sentiment de plaisir et de déplaisir, tout de même qu’il reste un intermédiaire entre les pouvoirs supérieurs de connaître : la faculté de juger. Quoi de plus naturel que de présumer que cette dernière ne manquera pas de comporter également des principes a priori pour le précédent ? » (E.E., Cass, V, p. 189 ; trad., p. 27).
130 G. LEBRUN, Kant et la fin de la métaphysique, p. 341.
131 Le caractère intrinsèquement analogique de l’Idée tut souvent souligne par KANT. Ainsi, dans la Méthodologie de la Raison pure : « Nous ne devons pas admettre en soi les Idées comme objectives, mais seulement leur attribuer la réalité d’un schème comme principe régulateur de l’unité systématique de toute connaissance naturelle, et par conséquent nous ne devons les prendre pour fondement que comme des analogues de choses réelles, et non comme des choses réelles en soi » (K.R.V., A674, B702 ; trad., p. 469).
132 K.U., § 17 et § 57.
133 ibid., § 49, Cass, V, p. 389 ; trad., pp. 143-144.
134 Reflex., vol. I, 819, Erdmann.
135 K.U., § 49, Cass, V, p. 389 ; trad., p. 144.
136 ibid., § 9, Cass, V, p. 286 ; trad., p. 61.
137 ibid., § 41, Cass, V, p. 372 ; trad., p. 130.
138 ibid., § 42,Cass, V, p. 375 ; trad., p. 133.
139 cf. La notion d’analogie dans la Ve Méditation Cartésienne de HUSSERL.
140 K.U., § 40, Cass, V, p. 369 ; trad., p. 127.
141 Ceci vaut également pour les jugements où la singularité de l’objet importe le moins : « Qu’on ne dise pas que la mathématique du moins a le privilège de se prononcer à partir de sa propre souveraineté : si dans le jugement de l’arpenteur, il n’y avait pas eu au préalable perception d’une coïncidence générale avec le jugement de ceux qui se consacraient à cette tâche avec talent et application, la mathématique n’aurait pas échappé à la crainte de tomber, ici et là, dans l’erreur » (Anthrop., p. 2, Cass, VIII, p. 13 ; trad., p. 18).
142 K.U., § 18 et § 22.
143 Avec Kant, nous employons les termes d’« exemple » et de « type » pour désigner le schème de l’Idée.
144 K.U., § 37, Cass, V, p. 363 ; trad., pp. 123-124.
145 K.R.V., A225, B273 ; trad., p. 204.
146 La liberté transcendantale est « la faculté de commencer de soi-même un état (zustand) dont la causalité n’est pas subordonnée à son tour, suivant la loi de la nature, à une autre cause qui la détermine quant au temps » (K.R.V., A533, B561 ; trad., p. 394).
147 K.R.V., A463, B491 ; trad., pp. 358-359. Dans la Critique de la Raison Pratique, on lit : « L’intérêt de l’usage spéculatif de la Raison consiste dans la connaissance de l’objet poussée jusqu’aux principes les plus élevés ; celui de son usage logique consiste dans la détermination de la volonté relativement à un but final » (K.P.V., Cass V, p. 130 ; trad., p. 129). Dans le premier cas, les principes les plus élevés ne sont autres que les principes régulateurs de la téléologie (auxquels le principe suprême de l’aperception est lui-même ordonné). Il est évident, toutefois, que la forme analogique du raisonnement de finalité (qui se détermine hypothétiquement comme si la nature se réglait en vue de tel ou tel projet) présuppose qu’il soit émis par un être qui détient lui-même la faculté de se finaliser et de s’auto-déterminer de la sorte. La fonction heuristique de l’Idée va donc de pair avec sa détermination morale.
148 ibid., Cass, V, p. 36 ; trad., p. 31.
149 K.P.V., Cass, V, p. 77 ; trad., p. 71.
150 ibid., Cass, V, p. 33 ; trad., p. 28. « L’idée transcendantale de liberté fonde en effet le concept pratique de cette liberté et constitue le point précis des difficultés qui environnent la question de sa possibilité » (K.R.V., A533, B561 ; trad., p. 395).
151 K.R.V., Cass, V, p. 75 ; trad., p. 70.
152 Notons que dans les Fondements de la Métaphysique des Mœurs, Kant inaugure sa méditation par une analyse de l’usage commun de la Raison pratique et des concepts qui ont cours dans la philosophie morale populaire : « L’on pouvait bien supposer déjà d’avance, écrit-il, que la connaissance de ce qu’il appartient à tout homme de faire, et par conséquent encore de savoir, doit être le fait de tout homme, même du plus commun » (G.M.S., Cass, IV, p. 260 ; trad., pp. 106-107). Ce « fait de la Raison » ne présuppose rien, sinon la possibilité pure de s’accorder, ainsi qu’en témoigne la maxime clef de la faculté de juger pratique : « Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle ».
153 Le problème difficile de la raison pure pratique, écrit KANT, provient de ce qu’une loi de la liberté doit être appliquée à des actions, qui sont des événements se produisant dans le monde sensible et par conséquent appartiennent en cette qualité à la nature » (K.P.V., Cass, V, p. 76 ; trad., pp. 70-71). Or, il est indubitable que cette difficulté n’est pas étrangère à l’essence de l’obligation : « Le devoir suppose des êtres auxquels la loi morale impose le respect, sensibles, par conséquent, finis » (ibid., Cass, p. 84 ; trad., p. 80). Demandons-nous en effet si les concepts d’« imposition » et d’« impératif » revêtiraient pour nous un sens éthique quelconque si nous n’étions point des êtres sensibles et donc réceptifs ? Pourrait-il encore y avoir une obligation pour une subjectivité affranchie de toute finitude ?
154 Le sublime exprime l’incompatibilité de tout procès d’objectivation à l’Idée. C’est pourquoi, « il ne faut pas nommer sublime l’objet », mais la « disposition de l’esprit » suscitée par la représentation de l’inadéquation de l’Idée à l’objet (K.U., § 25, Cass, V, p. 322 ; trad., p. 90).
155 K.U., § 23, Cass, V, p. 317 ; trad., p. 86.
156 ibid., § 27, Cass, V, pp. 328-329 ; trad., p. 96.
157 ibid., § 26, Cass, V, p. 326 ; trad., p. 94.
158 ibid., § 29, Cass, V, p. 339 ; trad., p. 104.
159 ibid., § 27, Cass, V, p. 328 ; trad., p. 96.
160 KANT, Opus postumum, trad., p. 36.
161 K.U., Einl., II, Cass, p. 244 ; trad., p. 25. « Le point de vue le plus élevé en philosophie transcendantale est celui qui unit synthétiquement sous un principe Dieu et le monde — Nature et liberté » (Opus postumum., trad., p. 13).
162 ibid., § 57, Cass, V, p. 422 ; trad., p. 169.
163 Rappelons ici encore les conclusions de KANT : « Si l’on admet que notre déduction, même si elle n’est pas encore suffisamment claire en toutes ses parties, se trouve tout au moins sur la bonne voie, trois Idées se présenteront : premièrement, celle du suprasensible en général, sans autre détermination, en tant que substrat de la nature ; deuxièmement, l’idée de ce même supra-sensible, comme principe de la finalité subjective de la nature pour notre faculté de connaître ; troisièmement, l’Idée de ce même supra-sensible comme principe des fins de la liberté dans le domaine moral » (K.U., § 57, Cass, V, p. 422 ; trad., p. 169).
164 ibid., § 27, Cass, V, pp. 329-330 ; trad., p. 97.
165 Anthrop., § 68, Caas, VIII, p. 133 ; trad., p. 103.
166 K.U., § 42, Cass, V, p. 376 ; trad., p. 133.
167 « La pensée que la nature a produit cette beauté doit accompagner l’intuition et la réflexion ; et c’est là-dessus également que se fonde l’intérêt immédiat que l’on y prend » (ibid., § 42, Cass, V, p. 374 ; trad., p. 132).
168 « L’analogie entre le pur jugement de goût qui, sans dépendre d’aucun intérêt, fait sentir une satisfaction et la représente en même temps a priori comme convenant à l’humanité en général, et le jugement moral, qui aboutit au même résultat par les concepts, sans aucune réflexion précise, subtile et préalable, conduit à accorder un intérêt égal immédiat à l’objet du premier comme à celui du second, avec cette seule différence que celui-là est un intérêt libre, tandis que celui-ci est fondé sur une loi objective » (K.U., § 42, Cass, V, p. 375 ; trad., p. 133).
169 K.U., § 72, Cass, V, p. 468 ; trad., p. 206.
170 H. COHEN en fit une démonstration rigoureuse : c’est dans la nécessité absolue de « créer » que se concilient l’art et l’éthique : « De la même façon que la pensée des principes moraux exige une mise en forme (Ausbildung) de l’esprit qui soit fidèle à cette pensée... de façon semblable, le créateur autonome des principes moraux semble acquérir comme en sous-main, une nature esthétique, au point que le concept d’autonomie morale aille jusqu’à inclure la finalité sans fin » (cf. Kant’s Begründung der Aesthetik, p. 141). La finalité éthique suppose en effet déjà surmonté le règne de la relation instrumentale qui structure l’espace mondain : la liberté n’est pas un « but » au sens ontique, mais un mode d’être agissant qui porte en lui sa nécessité. Ainsi, et comme nous le vérifierons, du point de vue de la genèse de sa production, la typique de l’action peut être regardée comme un analogon de l’art. « Lorsque la mise en forme (Gebilde) artistique tend à donner le jour en elle à un contenu moral, l’Idée morale qui sous-tend la figure (Bildniss) ou l’individualité de l’œuvre, doit apparaître comme la production propre de celle-ci. Car la souveraineté créatrice de l’artiste à l’égard de pareil contenu n’est pas tournée à l’encontre de la norme morale, mais elle est plutôt l’exécution fidèle de son concept », (op. cit. p. 140).
171 Anthrop., § 69, Cass, VIII, p. 134 ; trad., p. 103.
172 « En droit on ne devrait appeler art que la production par liberté, c’est-à-dire par un libre-arbitre qui met la raison au fondement de ses actions ». (K.U., § 43, Cass, V, p. 377 ; trad., p. 135).
173 ibid., § 43, Cass, V, p. 377 ; trad., p. 134.
174 ibid., § 45, Cass, V, p. 381 ; trad., p. 137.
175 Notons que la beauté adhérente n’a de valeur artistique que dans la mesure où elle a l’apparence d’une beauté libre. C’est d’ailleurs là ce qui, pour KANT, caractérise l’œuvre du génie.
176 K.U., § 17, Cass, V, p. 302 ; trad., p. 73.
177 G. BUCK, Kants Lehre vom Exempel, p. 150.
178 K.U., § 49, Cass, V, p. 389 ; trad., p. 143.
179 G. BUCK, Kants Lehre vont Exempel, p. 181.
180 K.U., § 17, Cass, V, p. 302 ; trad., p. 73.
181 C’est ce que corrobore par ailleurs la dimension éthique essentielle de l’Idéal de beauté. Kant écrit : « Seul ce qui a en lui-même la fin de son existence, l’homme, qui peut déterminer lui-même ses fins par la Raison, ou qui lorsqu’il doit les dégager de la perception externe peut les unir avec des fins essentielles et universelles et juger esthétiquement cet accord : seul donc, parmi tous les objets du monde, cet être qui est l’homme est capable d’un Idéal de beauté, tout de même qu’en sa personne comme intelligence l’humanité est capable d’un Idéal de perfection » (K.U., § 17, Cass, V, p. 303 ; trad., p. 74). Ce qui ne signifie pas que seul l’objet empirique « homme » est susceptible d’une représentation idéale dans les arts, mais qu’il n’y a de mise en œuvre idéalisée — évocatrice d’intérêt et responsable — que lorsqu’elle a en vue une modalité spécifiquement humaine de l’être-dans-le-monde.
182 K.U., § 46, Cass, V, p. 382 ; trad., p. 138. L’on retrouve, une fois de plus, comme en filigrane, le rôle opératoire de la finalité formelle. En effet, à la manière de la téléologie, la production géniale offre une ultime médiation aux caractères « subjectif » et « naturel », surmontant leur traditionnelle antinomie (sans pour autant dissiper leur ambiguïté). L’indice le plus précis réside dans cette équivalence établie par KANT entre « ce qui dans le sujet n’est que nature » et « le substrat supra-sensible de toutes les facultés ». Relisons donc attentivement ce texte de la troisième Critique : « On peut définir le génie comme la faculté des Idées Esthétiques ; par là se trouve en même temps indiquée la raison pour laquelle c’est la nature (du sujet) et non une fin réfléchie, qui dans les productions du génie donne sa règle à l’art (de la production du Beau). En effet, puisque le Beau ne peut être jugé d’après des concepts, mais selon la disposition finale de l’imagination à un accord avec la faculté des concepts en général, ce n’est pas une règle ou un précepte qui peut servir de mesure subjective mais inconditionnée de l’art qui doit avoir la prétention légitime de plaire à tous, mais seulement ce qui dans le sujet n’est que nature, et qui ne peut être saisi sous des règles ou des concepts, c’est-à-dire le substrat supra-sensible de toutes ses facultés (qu’aucun concept de l’entendement n’atteint), donc cela même en rapport auquel c’est la fin donnée par l’intelligible à notre nature que d’accorder toutes nos facultés de connaître » (K.U., § 57, Cass, V, p. 420 ; trad., pp. 167-168).
183 Anthrop., § 57, Cass, VIII, p. 114 ; trad., p. 89.
184 ibid., Cass, VIII, p. 212, note I ; trad., p. 159.
185 K.U., § 49, Cass, V, p. 392 ; trad., p. 146.
186 ibid., § 48, Cass, V, pp. 387-388 ; trad., p. 142.
187 G. LEBRUN, Kant et la fin de la métaphysique, p. 399.
188 « Quand l’objet est donné comme un produit de l’art et doit être déclaré beau comme tel, il faut, puisque l’art suppose toujours une fin dans la cause (et en sa causalité), qu’un concept de ce que la chose doit être soit préalablement mis au fondement ; et puisque l’harmonie du divers en une chose avec une destination interne de celle-ci en tant que fin constitue la perfection de la chose, il faut dans le jugement sur la beauté artistique tenir compte en même temps de la perfection de la chose, alors qu’il n’en est pas du tout question dans le jugement sur une beauté naturelle (comme telle) (K.U., § 48, Cass, V, p. 386 ; trad., pp. 141-142).
189 K.U., § 50, Cass, V, p. 395 ; trad., p. 148.
190 Reflex., vol. Il, 899, Erdmann.
191 HERDER, Schriften, pp. 154-156.
192 K.U., § 46, Cass, V, p. 382 ; trad., p. 138.
193 HERDER, Schriften, p. 226.
194 K.U., §49, Cass, V, p. 392 ; trad., pp. 146-147.
195 ibid., §49, Cass, V, p. 392 ; trad., p. 146.
196 K.U., § 59, Cass, V, p. 428 ; trad., pp. 173-174.
197 ibid., § 59, Cass, V, p. 420 ; trad., p. 174.
198 HEGEL, Enzyklopädie der philosophischen Wissenschaften im Grundrisse § 213.
199 T. ADORNO, Théorie Esthétique, trad., p. 105.
200 HEGEL, Enzyklopädie der philosophischen Wissenschaften im Grundrisse, § 458.
201 ibid., § 222.
202 ibid., § 55.
203 KANT, Uber eine Entdeckung nach der alle nette Kritik der reinen Vernunft durch eine ältere entbehrlich gemacht werden soll, Cass, VI, p. 70 ; trad., pp. 106-107.
204 PLATON, Phèdre, 247 d.
205 HEIDEGGER, Der Ursprung des Kunstwerkes, in Holzwege, p. 29 ; trad., p. 30.
206 ibid., p. 44 ; trad., p. 43.
207 ibid., p. 46 ; trad., p. 45.
208 ibid., p. 44 ; trad., p. 43.
209 ibid., p. 35 ; trad., p. 35.
210 ibid., p. 37 ; trad., p. 37.
211 ibid., p. 51 ; trad., p. 49.
212 ibid., p. 38 ; trad., p. 38.
213 ibid., p. 58 ; trad., p. 55.
214 ibid., p. 58 ; trad., p. 55.
215 T. ADORNO, Théorie Esthétique ; trad., p. 149.
216 E. FINK, Le jeu comme symbole du monde ; trad., p. 110.
217 G.G. GRANGER, Essai d’une philosophie du style, ch. I.
218 ibid, p. 10.
219 ibid., p. 8.
220 ibid., ch. VII.
221 ibid., pp. 9-10.
222 KANT, Uber Pädagogik, Cass, VIII, pp. 453-509 ; traduction : réflexions sur l’éducation, PHILONENKO, Paris, Vrin, 1966.
223 A. PHILONENKO, Introduction aux réflexions sur l’éducation, de E. KANT (op. cit.) p. 38.
224 K.U., Cass, V, p. 432 ; trad., p. 176.
225 ibid., p. 432 ; trad., p. 176.
226 ibid., p. 433 ; trad., p. 177.
227 ibid., p. 432 ; trad., pp. 176-177.
228 ibid., p. 432 ; trad., p. 177.
229 ibid., p. 433 ; trad., p. 177.
230 E. LEVINAS, L’Etre et l’Autre, dans Sens et Existence, en hommage à P. Ricœur, p. 27.
231 P. RICŒUR, La Métaphore vive, p. 288.
232 K.U., § 51, Cass, V, p. 396 ; trad., p. 150.
233 ibid., § 51, Cass, V, p. 397 ; trad., p. 150.
234 V. JANKELEVITCH, La musique et l’ineffable, p. 92.
235 K.U., § 53, Cass, V, pp. 404-405 ; trad., pp. 155-156.
236 « L’éloquence est l’art d’effectuer une tâche qui revient à l’entendement comme s’il s’agissait d’un libre jeu de l’imagination ; la poésie est l’art de conduire un libre jeu de l’imagination comme une activité de l’entendement » (ibid., § 51, Cass, V, p. 396 ; trad., pp. 149-150).
237 E. HEINTEL, Einführung in die Sprachphilosophie, p. 40.
238 ibid., p. 21.
239 H.G. GADAMER, Wahreit und Méthode, p. 420.
240 cit. par HEINTEL dans op. cit., p. 20.
241 W. von HUMBOLDT, introduction à l’œuvre sur le Κανί, trad. P. CAUSSAT, p. 192.
242 E. HEINTEL, Einführung in die Sprachphilosophie, p. 147.
243 ibid., p. 207.
244 E. CASSIRER, La philosophie des formes symboliques, tome I, Le langage, chap. 1 : Le problème du langage dans l’histoire.
245 H.G. GADAMER, Wahreit und Methode, p. 419.
246 ibid., p. 406.
247 HEGEL, Phänomenologie des Geistes, p. 81 ; trad., tome II, p. 83.
248 ibid., p. 349 ; trad., tome II, p. 52.
249 ibid., p. 349 ; trad., tome II, p. 53.
250 ibid., p. 349 ; trad., tome II, p. 53.
251 ibid., trad., tome II, pp. 79-80, note 64.
252 J. LOHMANN, Le rapport de l’homme occidental au langage, trad. M. LEGRAND & J. SCHOTTE, p. 727.
253 H.G. GADAMER, Wahreit und Methode, p. 407.
254 A. DE WAELHENS, Existence et Signification, p. 141.
255 L. FONTAINE-de-VISSCHER, La pensée du langage chez HEIDEGGER, p. 109.
256 W. von HUMBOLDT, Introduction à l’œuvre sur le Kavi, trad., p. 174.
257 ibid., p. 144.
258 ibid., trad., p. 157.
259 HEGEL, Enzyklopädie der philosophischen Wissenschaften im Grundrisse, §458.
260 ibid., § 464.
261 W. von HUMBOLDT, La recherche linguistique, trad. P. CAUSSAT, p. 89. Humboldt ajoute : « Le langage est la seule expérience capable de réaliser une telle condition... Contre-partie subjective face au domaine du connaissable, elle possède en même temps, face à l’homme, un aspect objectif, car chaque langue est un écho singulier renvoyé par la nature universelle de l’homme ; et, s’il est vrai qu’aucune ne peut prétendre, à quelque moment que ce soit, intégrer et démarquer absolument la subjectivité de l’humanité, les langues dans leur ensemble ne cessent pas de·tendre vers un tel but » (ibid., p. 89).
262 W. von HUMBOLDT, Introduction à l’œuvre sur le Κavi, trad., pp. 185-186. HUMBOLDT précise encore plus loin : « Car la langue ne saurait être regardée comme un contenu subsistant, que le regard pourrait survoler dans son ensemble ou détailler de proche en proche ; on doit y voir au contraire un contenu se produisant sans fin, et où sont fixées les lois qui règlent sa production, mais non le champ d’application et pas davantage les modalités du produit, qui restent complètement indéterminés » (ibid., p. 196).
263 J. LOHMANN, Philosophie und Sprachwissenschaft, p. 286.
264 E. HEINTEL, Eirtführung in die Sprachphilosophie, p. 71.
265 ibid., cit. de von HUMBOLDT, p. 70.
266 En termes husserliens, le langage réalise le nœud transcendantal qui lie la sphère primordiale à l’apprésentation. 11 représente ainsi la modalité la plus évidente et la plus universelle de la co-présentation. Témoin ce texte de von HUMBOLDT : « Indépendamment même de la communication qui s’établit d’homme à homme, la langue constitue une condition nécessaire, qui régit la pensée de l’individu singulier au niveau de son existence la plus solitaire. Mais la langue ne se manifeste et ne se développe effectivement que dans le milieu social ; et l’homme ne se comprend lui-même qu’après avoir mis à l’épreuve des autres l’intelligibilité de ses paroles. Car l’objectivité se renforce de ce qu’une autre bouche répercute le terme que j’ai formé ; et la subjectivité n’y perd rien ; l’homme ne cesse de sentir qu’il ne fait qu’un avec l’homme : la subjectivité est elle-même renforcée, puisque la représentation, une fois transformée en langage, cesse d’être la propriété exclusive d’un seul sujet. En s’ouvrant à la médiation d’autrui, la subjectivité se raccorde à ce que l’espèce humaine a en commun et dont chaque individu possède une variation, mais telle qu’elle porte en elle-même le désir de s’accomplir et de se parachever dans le commerce des autres » (Introduction à l’œuvre sur le Kavi ; trad., p. 194).
267 W. von HUMBOLDT, La Recherche linguistique, trad., p. 79. Dans la mesure où il n’y a de langue que parlée, lue ou entendue, le travail par lequel le poète ou l’écrivain individualise le matériau linguistique contamine le corps de la langue tout entier. Car, « tout en étant, au sens le moins équivoque du terme, des œuvres créées par les nations, les langues n’en demeurent pas moins des créations autonomes des individus : c’est en effet au sein de chaque sujet, et là seulement, qu’elles peuvent manifester leur activité productrice ; mais de telle façon que chacun postule l’égale compréhension de tous et que tous ensemble satisfont à cette attente ». (Introduction à l’œuvre sur le Kavi, trad., p. 176).
268 W. von HUMBOLDT, Introduction à l’œuvre sur le Kavi, trad., p. 181.
269 von HUMBOLDT donne en effet une définition très kantienne du génie « qui ne peut manifester son pouvoir créateur qu’en exigeant l’objectivité la plus haute, c’est-à-dire un pouvoir converti en besoin d’assumer la nécessité » (Ueber den Geschlechtsunterschied, I, 318 ; 1, 276, cit. par P. CAUSSAT dans op. cit., p. 95, note 17).
270 W. von HUMBOLDT, Introduction à l’œuvre sur le Kavi, trad., p. 203.
271 ibid., p. 184.
272 ibid., p. 185.
273 ibid., p. 183.
274 ibid., p. 183.
275 J. LOHMANN, Philosophie und Sprachwissenschaft, p. 75.
276 ibid., p. 209.
277 ibid., p. 195.
278 W. von HUMBOLDT, Introduction à l’œuvre sur le Kavi, trad., p. 143.
279 ibid., p. 180.
280 W. von HUMBOLDT, Uber das vergleichende Sprachstudium, p. 151.²
281 W. von HUMBOLDT, Introduction à l’œuvre sur le Kavi, trad., p. 185.
282 J.G. HERDER, Verstand und Erfahrung, p. 189.
283 ibid„ p. 205.
284 Herder anticipait ainsi sur une hypothèse dont Cassirer a vérifié ultérieurement la validité : que l’expression verbale des relations spatiales et temporelles est étroitement dépendante de la création des vocables relatifs à l’identification empirique du corps propre.
285 J.G. HERDER, Verstand und Erfahrung, p. 193.
286 H.G. GADAMER, Wahreit und Methode, p. 283.
287 W. von HUMBOLDT, Introduction à l’œuvre sur le Kavi, trad., p. 192.
288 ibid., p. 262.
289 ibid., p. 262.
290 ibid., p. 260.
291 J. LOHMANN, Philosophie und Sprachwissenschaft, p. 164.
292 H. MALDINEY, La méconnaissance du sentir et de la première parole ou le faux départ de la phénoménologie de Hegel, dans H. MALDINEY, Regard, Parole, Espace, p. 292 et p. 310.
293 W. von HUMBOLDT, Introduction à l’œuvre sur le Kavi, trad., p. 144.
294 J. LOHMANN, Philosophie und Sprachwissenschaft, p. 157.
295 J.J. ROUSSEAU, Essai sur l’origine des langues, ch. III.
296 ibid., ch. II.
297 H. MALDINEY, Aîtres de la langue et demeures de la pensée, p. 127.
298 J.J. ROUSSEAU, Essai sur l’origine des langues, ch. III.
299 H. MALDINEY, La méconnaissance du sentir et de la première parole ou le faux départ de la phénoménologie de Hegel, dans H. MALDINEY, Regard, Parole, Espace, p. 291.
300 W. von HUMBOLDT, Introduction à l’œuvre sur le Kavi, trad., pp. 258-268.
301 W. BROCKER et J. LOHMANN, Comment définir la phrase, in Lexis, p. 34 ; cité par H. MALDINEY, dans Aîtres de la langue et demeures de la pensée, p. 158.
302 W. von HUMBOLDT, Introduction à l’œuvre sur le Kavi, trad., p. 258.
303 ibid., p. 270.
304 ibid., p. 271.
305 ibid., p. 271. S’expliquant sur les sources de l’unité terminologique, qui se ramènent essentiellement au phonétisme et au sens interne de la langue, « ordonné aux besoins du développement intellectuel », von HUMBOLDT déclare aussi : « Toute pensée consistant à disjoindre et à combiner, le besoin, inhérent au sens interne, de présenter dans le discours l’équivalent symbolique de l’éventail des classes monnayant l’unité des concepts, ne peut manquer d’entrer en action de lui-même et de venir au jour à proportion tout à la fois de sa force et de la tension vers la légalité qui l’animent au sein de la langue » (ibid., p. 272).
306 H. MALDINEY, Aîtres de la langue et demeures de la pensée, p. 173.
307 H. MALDINEY, La méconnaissance du sentir et de la première parole ou le faux départ de la phénoménologie de Hegel, dans H. MALDINEY, Regard, Parole, Espace, p. 289.
308 H. MALDINEY, La méconnaissance du sentir et de la première parole ou le faux départ de la phénoménologie de Hegel, dans H. MALDINEY, Regard, Parole, Espace, p. 289.