Discussion d’ensemble
p. 165-203
Texte intégral
D. Coppieters
1Quelques mots d’abord pour essayer, avec tous les risques que l’opération comporte, de déterminer l’intuition maîtresse qui m’a paru commune à tous les conférenciers et qui consiste en une certaine manière de saisir et de viser le mystère de l’Esprit Saint. Je crois qu’on pourrait dire, sans déformer, que pour tous les interlocuteurs, l’Esprit n’est pas et ne peut pas être saisi, cerné, défini, comme un objet, comme une réalité objective, comme une substance, comme une forme stable. Au contraire, il est apparu partout que l’Esprit se manifeste comme une énergie, comme une action, une activité, un dynamisme, une force. Je crois qu’on peut aller un peu plus avant et préciser quel est le sens, quelles sont les fonctions de ce dynamisme. Je propose de dégager ici cinq traits où, je crois, les cinq conférenciers se rencontrent.
2Premier trait : Ce dynamisme fait « voir », « connaître », « comprendre ». Un voir, un connaître, un comprendre qui vise le Fils et, à travers le Fils, le Père. Mais il faut tout de suite ajouter que ce voir, ce connaître, ce comprendre sont paradoxaux, qu’en aucune façon, il ne s’agit d’un savoir qui serait possession, maîtrise, fixation de l’objet, mais, au contraire, progression sans fin vers le mystère, dans l’infini du sens.
3Un deuxième trait (ces traits étant d’ailleurs étroitement liés les uns aux autres), c’est que ce dynamisme, cette force fait aussi à la fois (trois activités étroitement liées) écrire l’Ecriture, lire l’Ecriture et parler le message. Ecrire/lire/parler, mais de nouveau un dynamisme qui s’inscrit dans la Lettre tout en la chassant, en passant à travers elle sans s’arrêter, en débordant de l’intérieur le langage qu’il suscite comme d’ailleurs le langage qui cherche à le saisir.
4Un troisième trait serait que ce dynamisme transforme l’être et l’agir de celui qui s’y livre. Et on peut même donner nom à cette transformation. C’est la filiation. Quelle que soit l’interprétation qui est donnée de manière plus précise à ce terme, je crois qu’il est partagé par les cinq conférenciers. Mais une fois de plus, dire transformation, filiation, ne signifie pas l’installation dans un état ni la capitalisation d’un acquis, mais plutôt une naissance incessante où le don s’exerce dans la liberté de celui qui reçoit. L’instauration est toujours renouvelée et toujours à refaire d’un rapport qui soit plus juste dans l’unité et dans la différence.
5Quatrième trait. Ce dynamisme s’exerce au plus profond de la personne, mais pour la sortir d’elle-même, pour l’arracher à ses sécurités, pour l’entraîner dans un mouvement imprévisible qui saisit tout, à qui rien n’échappe.
6Enfin, cinquième trait qui précise les précédents. Ce dynamisme n’est pas une force pure, c’est une force qui informe. Il ne s’exerce pas hors ou contre la forme, quel que soit le nom précis qu’on donne à cette forme, qu’on l’appelle Loi, qu’on l’appelle Lettre, qu’on l’appelle corps, qu’on l’appelle temple, qu’on l’appelle Eglise. C’est en elle qu’il s’exerce, mais sans s’y asservir, en la traversant, en la transformant. D’où aussi rencontre chez tous de nuancements très appréciables des célèbres antithèses pauliniennes de l’Esprit et de la Lettre, de l’Esprit et de la Loi.
7En conclusion, l’Esprit apparaît comme mouvement, comme passage, comme souffle toujours préalable et toujours postérieur à ce qu’on peut en saisir, sans origine et sans fin assignables, s’offrant à la fois à l’expérience et y échappant. Certains ont employé le mot d’anonymat qui est peut-être important à retenir. Et pourtant, bien qu’il soit difficile de donner à ce terme un contenu précis, mais sans qu’on puisse s’en passer, il faut aussi appeler l’Esprit personne, personnel, et cela tant au niveau de la procession intra trinitaire qu’au niveau de la mission. Sans l’usage de ce terme, la réalité et l’efficacité de ce dynamisme s’effondreraient, il perdrait son sens, si bien que l’Esprit n’est pas seulement opération, dynamisme neutre, mais est aussi opérateur.
8Je crois qu’il serait assez facile de vérifier ce schéma par référence aux différents exposés.
9Chez M. Laurentin, une formule m’a beaucoup frappé, c’est celle de l’esprit révélant, mais non révélé, l’Esprit faisant voir le Christ, mais n’étant pas vu lui-même. Et aussi l’insistance sur le caractère irreprésentable de l’Esprit malgré les efforts de l’iconographie. Et encore le fait que, dans la praxis, la découverte de l’Esprit est toujours au-delà de ce que la doctrine avait mis en évidence.
10Chez le P. Beauchamp, dans l’analyse du chapitre 24 du Siracide, c’est un incessant mouvement immobile de la Sagesse remplissant le monde, réactualisant le rapport à l’origine, traversant, accomplissant et débordant l’Ecriture, et puis surtout cette lettre suprême qu’est la Croix.
11Chez M. Greisch, sans parler de la dialectique hégélienne, à laquelle on s’est référé tout en la nuançant, c’est ce trait de la « présence » d’Esprit que cherche à penser et à dire dans le désert actuel une nouvelle modalité de la réflexion.
12Chez M. Sublon, c’est évidemment l’interprétation de l’Esprit comme le mouvement même de la signifiance, comme pur écart, pure différence, rendant possible le mouvement du sens et le juste rapport des sujets, empêchant toute fixation dans l’imaginaire, toute idolâtrie.
13Chez M. Wolinski, c’est l’expression, grâce au langage biblique et patristique, de l’expérience de l’Esprit dans la foi et de son interprétation en termes de théologie trinitaire.
14Voilà donc la plate-forme commune sur laquelle je pense qu’on peut dire que se situent les cinq conférenciers. Ceci dit et reconnu de manière, j’espère, fidèle pour l’essentiel, il faut aussi dessiner les différences, ces différences qui font elles aussi la richesse du sens et qui offrent l’occasion de l’échange.
15Ici, bien sûr, un nuage de questions surgit, mais pour schématiser, je crois voir se dessiner un partage fondamental qui diviserait les contributions en deux groupes. En premier lieu, il y aurait celles qui parlent uniquement et directement à partir de la foi, à l’intérieur de la foi et à l’intérieur du langage de la foi : ce sont les exposés de M. Laurentin, du Père Beauchamp et de M. Wolinski. Ce qui caractérise ces exposés, c’est que le dynamisme de l’Esprit y prend un contenu très dense, très riche, très positif, et un contenu qui n’a pas scrupule à se servir de l'image pour se signifier ; nous avons vu apparaître tous ces thèmes de la vie, de l’appropriation, du retour à l’origine, de la nourriture, de la boisson, de la nuptialité, de la maternité, etc.
16En face de ce groupe, il y a ceux qui parlent avant tout (c’est donc à la fois une question d’épistémologie et de contenu) à partir d’un autre langage que celui de la foi, que ce langage soit celui de la philosophie ou de la psychanalyse. Ce sont les contributions de M. Greisch et de M. Sublon.
17Nous voyons s’exercer chez eux une instance critique très exigeante qui a pour effet, en tout cas pour effet apparent, de subtiliser le contenu, d’une manière différente chez les deux : chez le philosophe, en faisant apparaître ce qu’il a appelé l’oubli de l’Esprit dans la pensée contemporaine, en démystifiant aussi, dans une certaine mesure, l’appropriation hégélienne de l’Esprit ; chez le psychanalyste, en mettant en évidence la visée narcissique du recours au signe et à l’imaginaire. Le résultat me paraît être une certaine dissolution du contenu entraînant des réactions différentes de part et d’autre : la position du problème soit d’une reconquête éventuelle de ce contenu dans une nouvelle modalité de la présence chez M. Greisch, soit, chez M. Sublon, de son abandon déclaré au profit du pur fonctionnement d’un dynamisme formel, celui d’une syntaxe par opposition à une sémantique, un dynamisme qui est celui du langage lui-même, lieu où le sujet peut inscrire son désir.
18Je me rends bien compte que ce tableau est forcé et que les rapports entre les deux groupes sont infiniment plus nuancés, plus subtils : il apparaît en tout cas tout de suite que, de chaque côté, il y a des positions qui font pointer leurs antennes dans l’autre camp. C’est le cas, par exemple, de la conférence du P. Beauchamp dans le premier groupe, de celle de M. Greisch dans le second. Mais je pense que la partition que je propose offre le lieu d’un échange fondamental qui sera peut-être sous-jacent aux questions plus déterminées, plus précises qui vont apparaître, échange qui invite les représentants des deux situations à réagir sur les discours qui viennent de l’autre côté.
19Bien entendu, à partir de là, beaucoup d’autres questions plus précises peuvent surgir. Mais, à partir de cette mise en place préliminaire, je propose que nous entrions directement dans la discussion. Il serait peut-être opportun de commencer par la conférence du P. Beauchamp puisque elle a pour objet l’Ecriture et que chacune des contributions s’est manifestement construite en référence explicite à l’Ecriture qui offre ainsi un premier terrain de rencontre.
J. Wolinski
20J’aimerais poser au P. Beauchamp une question toute naïve : ayant à parler de l’Esprit Saint, pourquoi avez-vous abordé ce sujet par l’Ancien Testament ?
P. Beauchamp
21Je pourrais répondre que c’est parce que ma principale occupation est l’exégèse de l’Ancien Testament, mais ce serait une fausse naïveté, celle-là !...
22Je pense que (c’est une affirmation de principe) l’Ancien Testament tout simplement est indispensable à l’énoncé de la foi chrétienne. Je pense qu’en particulier quand il s’agit de l’Esprit et du témoignage de l’Esprit dans les Ecritures, si on admet que l’Esprit est ce qui se manifeste dans ce qui est le plus loin, dans les extrémités, dans l’espace le plus grand, alors il est de bonne méthode de chercher l’Esprit là où il paraît le plus absent, c’est-à-dire là où l’on souligne habituellement le côté de la Lettre.
23J’ai développé la nécessité de prendre les parties les plus périphériques de l’Ancien Testament ou le « bourrelet » deutéro-canonique, ce qui est « en trop » dans l’Ancien Testament, parce que c’est là que l’Esprit, en tant qu’il est lui-même ce qui est en trop, se manifeste peut-être avec le plus de clarté.
24On pourrait multiplier les raisons. Une autre raison, c’est que je pense que l’Esprit se manifeste au plus près du point de naissance : il se manifeste sur l’eau comme on raconte dans le récit de la Création (« L’Esprit vole au-dessus des eaux », c’est-à-dire dès le commencement). Dans la mesure où l’Ancien Testament, c’est vraiment le lieu des racines, il faut aller chercher l’Esprit le plus loin possible du terme parce que si l’Esprit n’est pas au commencement, il ne sera pas au terme. Comme dit M. Sublon dans sa conférence, il ne faut pas que la vérité vienne s’écraser sur le telos, sur la fin, comme sur une espèce de butoir. Au contraire, à la fin, elle se manifeste comme ce qui était déjà là au commencement. Et alors, dans la mesure où nous-mêmes sommes Ancien Testament, nous ne pouvons trouver l’Esprit que si nous partons de ce qu’il y a de plus loin de l’Esprit en nous, de nos propres racines. Cela se manifeste dans tous les domaines du témoignage de l’Esprit en nous. Prenons, par exemple, la manifestation de l’Esprit qui est le pardon ou l’aveu. Si vous lisez l’Ancien Testament, dans les Psaumes, vous trouvez, au lieu de l’aveu, l’homme qui déclare sa propre justice et, au lieu du pardon, l’homme qui prononce des imprécations contre ses ennemis. Celui qui ne refait pas le chemin par lequel il se reconnaît comme déclarant sa propre justice et comme souhaitant la défaite de ses ennemis, celui qui ne refait pas, qui ne reconnaît pas ce chemin-là en lui-même, son pardon sera une déclaration de sa propre justice, non pas une œuvre de l’Esprit, mais une œuvre de la Loi. Donc je crois que la nécessité de partir de l’Ancien Testament n’est pas du tout occasionnelle.
D. Coppieters
25Pour ma part, j’interrogerais plutôt sur le rapport entre l’Ancien et le Nouveau Testament. Vous avez centré votre exposé sur les livres sapientiels. On a très bien compris quel était le privilège de cette partie-là de l’Ancien Testament à la fois rétrospectivement et prospectivement. Si on prend le Nouveau Testament pour lui-même, je me demandais si la manière dont l’Esprit est attendu et éprouvé dans le Nouveau Testament ne semble pas se référer davantage à l’apocalyptique et à l’eschatologie, à l’attente eschatologique qui est liée à l’apocalypse et au genre apocalyptique, plutôt qu’à l’expérience de l’Esprit telle qu’elle s’éprouve et se dit dans les livres sapientiels.
26Et, d’autre part, deuxième question, est-ce qu’on n’est pas aussi renvoyé plus naturellement au rapport de l’Esprit à la prophétie et à la Parole plutôt qu’au rapport de l’Esprit à la Sagesse et à l’Ecriture ?
P. Beauchamp
27L’apocalypse, est précisément la réunion de la Loi et de la prophétie sous l’accolade de la Sagesse. A certains points de vue, l’apocalypse est le triomphe des écrits sapientiels. L’apocalypse principale de l’Ancien Testament, c’est Daniel. Daniel est un sage, mais en même temps un sage qui inclut en lui-même l’acte prophétique, c’est-à-dire le moment historique, les septante semaines d’années, et la Loi, puisque tous les héros du livre de Daniel se manifestent par leur fidélité à la Loi. Une démarche à la fois sapientielle en apocalyptique est posée dans le Nouveau Testament. La récapitulation de tout Israël dans Sion, la figure de la mère qui représente tout Israël, Israël s’enfantant elle-même dans Sion, c’est quelque chose qui se superpose tout de suite à l’image de la Sagesse. Je crois que tout cela est présent à l’esprit de Luc dans cette espèce de récapitulation, d’épilogue de l’Ancien Testament que représentent les Evangiles de l’enfance. Ils sont une démarche de sommation, une manière de dire : le livre de la Genèse se manifeste comme une origine aujourd’hui, Israël a vraiment vécu avec la venue de Jésus ce qu’ont vécu les patriarches, et plus, mais aussi ce qu’ils ont vécu. Cette espèce de démarche de récapitulation, c’est une démarche essentiellement sapientielle.
D. Coppieters
28Est-ce qu’on peut demander maintenant au P. Beauchamp, de lui-même se situer par rapport aux autres contributions ?
P. Beauchamp
29Deux mots si vous voulez. Simplement, j’ai terminé en citant la parole de l’Epitre de Jean : « Ne croyez pas à tout Esprit ; l’Esprit qui confesse Jésus venu en chair, celui-là est l’Esprit de Dieu ». Je voulais insister sur cette alliance entre le corps et l’esprit. On parle toujours de spiritualisation, comme si les corps montaient vers l’Esprit ; c’est le contraire, c’est l’Esprit qui descend dans les corps et qui les manifeste dans leur différenciation comme corps. C’est tout à fait la conception paulinienne du charisme, c’est ce qui manifeste les différences, le charisme. C’est pourquoi on peut être évêque en vertu d’un charisme. J’ai été intéressé, en lisant les exposés qui ont été déjà faits, par cette relation entre l’esprit et le corps qui me paraît vitale.
Premier intervenant
30Est-ce que vous êtes d’accord avec moi pour dire que toutes les lois qui nous gouvernent devraient être toutes revues du point de vue de l’Esprit, en tant que chrétiens ?
P. Beauchamp
31Vous parlez des lois civiles, je suppose ?
Premier intervenant
32Je suppose qu’elles ont quand même quelque chose qui vienne un peu de l’Esprit, du fait qu’elles sont pour un sens de justice et de charité.
P. Beauchamp
33Il peut paraître que les lois civiles nous écrasent plus que les lois ecclésiastiques.
34Ce qui me frappe, c’est que la Loi se refait tout le temps, change tout le temps. Ainsi, les prophètes dans l’Ancien Testament représentent un corpus plus homogène que le corpus des Lois. Certes il y a des changements dans le corpus prophétique, mais cela change quand même moins que la Loi. Donc je dirais, je suis tout à fait d’accord avec vous. Simplement je pense que c’est ce qui se fait constamment : le renouvellement de la Loi à l’intérieur d’elle-même. Rien ne change plus que les lois.
Deuxième intervenant (M. Renaud)
35Je voudrais vous demander comment vous pourriez préciser cette affirmation que vous venez de faire à l’instant : rien ne change plus que les lois, parce qu’on a l’impression que c’est le mouvement inverse qui a toujours présidé, aussi bien à l’Ancien Testament que, sinon au Nouveau Testament, à l’histoire de l’Eglise. Le mouvement des lois a modifié son contenu de façon partielle, mais s’est toujours grossi jusqu’à engendrer le système légaliste des pharisiens. Au niveau de l’histoire de l’Eglise, c’est vrai que des lois ont changé de contenu, mais la forme de la Loi, autrement dit son système normatif moral, n’a fait que se développer et, en ce sens-là, ne s’est jamais modifié. En ce sens-là, il y aurait plutôt une sorte d’impact de la Loi qui n’a jamais modifié son caractère normatif, si ce n’est évidemment la variation de certaines modalités et du contenu.
P. Beauchamp
36Ce que vous dites est très intéressant, mais je pense que, quand on parlait de modifications dans les lois, on ne parlait pas d’une modification de l’impact de la Loi parce que c’est précisément ce qui n’est pas modifiable. C’est pourquoi je n’adopterais pas le point de vue selon lequel il y a une accumulation progressive de la Loi jusqu’à la période que vous décrivez comme étant celle des pharisiens. Les éléments manquent, à mon avis, pour parler d’un mouvement continu. Nous avons un moment d’exaspération de la Loi, c’est tout ce que nous pouvons dire. J’hésiterais donc à formuler la chose comme vous.
D. Coppieters
37Je propose que nous passions à la contribution de M. Greisch.
38On pourrait demander à M. Greisch de prendre les devants et de préciser, si c’est possible, ce thème d’une présence de l’Esprit, dont il a voulu tenter d’exprimer les modalités dans le temps de l’oubli de l’Esprit, et éventuellement, par la même occasion, de réagir aux contributions de ses collègues.
J. Greisch
39La « présence d’Esprit » : pourquoi est-ce que je me suis servi de cette expression qui est bien entendu une métaphore mais aussi plus qu’une métaphore ? Si nous vivons vraiment une époque de l’« oubli de l’Esprit », cela veut dire que la possibilité d’une « présence d’Esprit » est justement ce qui est menacé. L’« oubli de l’Esprit » est une expérience individuelle mais aussi collective, qui signifie qu’il devient de plus en plus difficile de vivre et de dire une « présence d’esprit ».
40Hegel utilise déjà cette expression. Dans les Leçons sur la philosophie de la religion, il évoque sans cesse cette Geistesgegenwart. C’est même le mot fondamental et décisif de sa lecture spéculative du christianisme comme religion de l’Esprit ; c’est l’expression dont il se sert pour dénoncer les insuffisances du discours théologique de son époque. Pour un effort de compréhension philosophique de la religion chrétienne, ce thème est d’une importance capitale. Mais en même temps (c’est ce que mon analyse du « témoignage de l’esprit » cherchait à établir), la présence d’esprit est aussi le carrefour de toutes les difficultés de la pensée hégélienne. Chez Hegel, la présence d’esprit porte la marque de l’audace suprême de la pensée : chercher à comprendre Dieu intégralement, sans reste, avec les ressources du Concept. Le croyant ne peut pas partager cette ambition hégélienne, mais est-ce à dire qu’au nom de la foi, il soit obligé de se rabattre sur une pensée plus modeste de la « finitude » ? Je dirais qu’il ne doit pas être moins audacieux que Hegel ; seulement, à cause de l’intelligence de la foi, il faut qu’il invente une autre audace. C’est pour cette raison qu’il ne doit pas renoncer à la présence d’esprit, car, ce que ce mot veut dire en dernière instance pour la théologie comme pour la philosophie, c’est la possibilité d’un contact avec la « chose même ». Nous n’errons pas dans le labyrinthe des mots sans possibilité d’un « contact avec la chose même », bien que nous ne soyons pas non plus affranchis du langage. La « présence d’esprit » est médiatisée par le langage : voilà pourquoi l’approche par une herméneutique du témoignage me semble si importante.
41En effet, la présence d’esprit est découverte dans la parole du témoin. Et de ce point de vue, je rejoins les affirmations de M. Sublon, lorsqu’il affirme que la rencontre avec la vérité ne se laisse pas assimiler à la saisie d’une chose.
42Une telle perspective comporte un certain nombre de présupposés et d’implications d’ordre phénoménologique et ontologique. Evoquer une « présence d’esprit » suppose une espèce de défi adressé à la pensée contemporaine, pour laquelle l’idée même de « présence », semble interdite. Cet interdit ou cette occultation de l'idée de présence se rattache à une certaine interprétation de la notion de la « représentation··. Cette critique généralisée de la représentation peut prendre une allure plus épistémologique (qu’on pense à tout ce que dit Foucault au sujet de la transition de l’âge de la « représentation » à celui de la « positivité ») ou une tournure plus ontologique comme chez Heidegger. C’est face à ces pensées que la « présence d’esprit » doit être attestée.
Troisième intervenant (H. Van Camp)
43Il me semble que dans l’intervention que M. Greisch vient de faire, il y a, dans les mots en tout cas, une contradiction : d’une part, il s’agissait d’atteindre la chose elle-même et d’autre part, bien entendu, il ne s’agit pas de chose.
44Personnellement, je pense comprendre ce que vous voulez dire, mais vous vous inscrivez par-là dans des vocabulaires qui me paraissent très différents et que vous ramenez à l’unité d’une certaine manière. D’autant plus que, quand vous vous corrigez, vous dites : « ce n’est pas une chose qui nous arrive, ce n’est pas une substance, c’est la vérité qui arrive ». C’est encore un mot qui me paraît très important, évidemment, et qui doit être, me semble-t-il, philosophiquement, épistémologiquement, critiquement, soumis à un nuancement important.
45Je ne sais pas si vous avez envie de répondre.
J. Greisch
46J’ai envie de répondre. Seulement j’ignore dans quelle mesure ma réponse peut vous paraître satisfaisante.
47La question que vous me soumettez est la question que je me suis adressée à moi-même au moment de rédiger mon texte. Je dirais même plus : elle formule précisément le défi d’une certain pensée contemporaine. Une version parmi d’autres de ce défi serait la suivante : est-il possible de prendre au sérieux le langage avec toutes les exigences que cela comporte au niveau de l’analyse, et en même temps maintenir un discours sur le contact avec la « chose même », qui définit les anciennes pensées spéculatives ? Pour l’instant je crois que nous ne pouvons pas faire beaucoup plus que d’élaborer la question elle-même, avant d’apporter une réponse.
Deuxième intervenant (M. Renaud)
48J’aurais voulu vous demander si vous pourriez préciser la relation entre l’Esprit dont il y a témoignage et, d’autre part, l’Esprit comme présence. Il me semble que c’est assez clair. l’Esprit comme présence, c’est clair : dans les Vorlesungen de Hegel, il y a effectivement l’Esprit qui est l’Esprit de la communauté, l’Esprit qui est porté par la geste du Christ, qui est intériorisé au niveau de la représentation. Et là, je dirais, la vérification du concept d’Esprit, c'est le culte et l’adhésion à cette représentation, comme une sorte d’adhésion à la représentation, tandis qu’au niveau du témoignage la vérification de cet acte de témoignage est justement un acte, un agir, plus à mon avis de l’ordre éthique que de l’ordre d’une adhésion à une vérité comprise comme adéquation à une représentation. Cela fait donc une double démarche qui est profondément différente et qui effectivement suppose des déplacements de la culture, du sens tel qu’il se trouve chez Hegel et qui ouvre alors une nouvelle page dans l’histoire de l’Esprit. Il me semble qu’en le formulant comme vous l’avez fait, on ne voit pas suffisamment le hiatus entre ce double procédé de vérification.
J. Greisch
49Je vous remercie pour votre question. Il est toujours dangereux face à Hegel, de proclamer des ruptures. J’ignore dans quelle mesure la manière dont j’ai tenté de me séparer de Hegel, ma description du chiasme, rend vraiment justice à la pensée hégélienne. Mais en ce domaine, il faut savoir prendre ses risques tout simplement.
50La distinction que vous suggérez entre l’adhésion aux représentations et une autre forme de vérification au niveau de l’agir et du témoignage demande effectivement à être approfondie. C’est pour cette raison qu’une reprise de l’herméneutique hégélienne du témoignage de l’Esprit est si importante. Hegel pose la question : « est-ce que la présence d’Esprit dont parle la foi, à laquelle adhère le croyant, est intellectuellement vérifiable et à quel prix ? Il s’agit d’une question qu’il faut examiner avec soin. En tout cas, il me semble impossible de déplacer l’interrogation simplement sur le plan de l’agir ou d’une philosophie de l’action.
R. Laurentin
51Ma question rejoint un peu les autres et je voudrais la poser en tout respect et de votre discipline, et de votre honnêteté dans cette discipline. Cette question vient de la distance qu’il y a entre votre approche et mon approche dans leur honnêteté respective.
52Ce que vous dites m’intéresse, me concerne, m’interpelle, mais, mon impression en lisant votre exposé, c’est que « Esprit » a chez vous une tonalité générique, générale, abstraite. Et pour moi l’Esprit est une Personne, même si j’en ai une expérience très médiate. Il est une Personne divine qui suscite des personnes humaine. Je le ressens vivement en contraste avec certaines mystiques asiatiques où la spiritualité fait évanouir le personnel. L’Esprit Saint est une Personne qui, dans sa discrétion, suscite, non seulement d’autres personnes a leur spécificité, mais des relations interpersonnelles à l’image de celles qui existent dans la Trinité : des communautés de personnes vivantes.
53Ma question pourrait se résumer en ceci : Est-ce que ce que je viens de dire a pour vous un sens ou bien cela vous paraît-il venir d’un lointain rivage ? Au-delà du plan philosophique, je serais tenté d’ajouter : au plan personnel, pour vous, qu’est-ce que l’Esprit Saint, personnellement, et à titre de Personne ?
J. Greisch
54J’hésite à répondre à la dernière partie de votre question, qui sollicite de ma part un témoignage. Ce témoignage que je pourrais vous donner n’aurait aucune pertinence philosophique : c’est pourquoi il faut le réserver à un autre lieu, où fonctionnent d’autres jeux de langage.
55Mais bien entendu, votre question rejoint mes préoccupations. Elle concerne même directement cette sorte de partage de midi des conférenciers que M. Coppieters nous a proposé. Dans ma communication, j’ai essayé de pratiquer une certaine convivialité avec le discours théologique. Je me retrouve maintenant dans les ténèbres extérieures où habite le psychanalyste ! Ce rapprochement est pour moi une surprise, il me fait plaisir mais en même temps il me donne à penser. Ce qu’il donne à penser, c’est entre autres ceci : comment concevoir pour une question comme celle-ci, le rapport du dedans au dehors ?
56Effectivement, j’ai évité dans ma communication d’aborder la question décisive de la personnalité de l’Esprit. M. Sublon a montré que l’Esprit lui-même a mis du temps à devenir une personne, L’histoire des dogmes atteste clairement ce fait. Il me semble donc important de ne pas partir directement d'une formulation trinitaire explicite, mais de séjourner dans ce moment de la genèse du symbolisme trinitaire l’idée de la personnalité de l’Esprit est plutôt le résultat d’un effort de pensée théologique, et non son point de départ. La philosophie doit se placer à l’intérieur de ce mouvement. Cela ne veut pas du tout dire qu'elle commence par parler de l’Esprit de façon neutre et abstraite. N’oublions pas que l’« expression présence d’esprit » signale justement une présence intensément personnelle.
57Je voudrais ajouter une remarque concernant la conférence du Père Beauchamp que je n’ai pas entendue, mais qui existe seulement dans mon imagination, parce que j’ai lu son très beau livre sur l’Un et l’Autre Testament. Il me semble que sa présentation de la Sagesse biblique est très importante pour la question soulevée ici. Pour moi, c’était une découverte qu’un théologien, un exégète, puisse parler encore de la Sagesse, car la Sagesse était devenue une espèce de pudendum de la théologie : il ne fallait pas en parler. Votre livre ouvre à nouveau cette question. Dans l’espace de la révélation biblique, l’apparition de la Sagesse prouve que la tentative de parler à la fois du dedans et du dehors, est non seulement praticable, mais en quelque sorte autorisée par l’histoire même de la révélation.
R. Laurentin
58Ma question partait justement de l’impression que votre approche de l’Esprit était très ontologique : définir l’Esprit etc. La manière dont l’Esprit suscite les personnes, c’est cela qui me paraissait une approche «économique» (c’est-à-dire selon l’économie du Salut).
59C’est pour qu’il n’y ait pas de malentendu sur nos clivages que je voulais préciser ce point.
D. Coppieters
60Nous pouvons peut-être, provisoirement en tout cas, aborder l’exposé de M. Sublon.
Deuxième intervenant (M. Renaud)
61Je voudrais, pour ma part, résumer l’ensemble des questions que soulève votre exposé en y recherchant les présupposés philosophiques, parce qu’il me semble qu’il y a un présupposé philosophique non motivé et qui décide de l’orientation de toute l’analyse. Et il me semble que ce présupposé est celui du nominalisme, que, pour ma part, je verrais assez à l’oeuvre dans la théorie de Lacan lui-même.
62Et ce nominalisme consiste en ceci que les signifiants se signifient toujours l’un l’autre et, comme le dit Lacan, et comme vous le disiez également, qu’il est impossible que les signifiants percent jamais la barre entre signifiant et signifié. Alors on peut dire que dans ce cas-là, la visée du signifiant n’est pas autre chose que la pure différence, la différence à l’état pur et celle-ci veut dire que le mouvement d’engager le signifiant ne peut pas viser une objectivité autre que celle du langage lui-même. U y a la différence qui est le non-saisissable, le non-dicible. Il me semble que cela, c’est précisément l’a priori philosophique du nominalisme, sous sa forme moderne, contemporaine, de la psychanalyse lacanienne.
63Il me semble qu’on peut en voir les conséquences à différents niveaux. Par exemple, — j’ai relevé seulement trois exemples, — au niveau de la Résurrection, au niveau du Filioque et une petite application. Au niveau de la Résurrection, c’est l’interprétation qui va le plus dans le sens de l’interprétation lacanienne, à savoir que la Résurrection est rendue possible comme signifiant au niveau du langage parce qu’elle désigne l’absence et la non-maîtrise du corps du Ressuscité. Or, il me semble que justement dans la non-disponibilité de l’absent, il y a le reflet de ce nominalisme de la signification. Comment ? Parce que les premiers chrétiens, et peut-être l’expérience chrétienne, désignent exactement l’inverse au niveau de la Résurrection, à savoir, à travers le signifiant, la visée d’une présence qui bien sûr est absente, mais c’est parce qu’elle est absente qu’elle doit être reconnue comme présente dans son objectivité. Donc, c’est ce concept d’objectivité qui lui-même est rendu impossible en dehors de la pure visée du signifiant. La conséquence en est que tous les « contenus » religieux se réduisent à la même visée impossible, à savoir la pure différence.
64Second exemple. Je me rappelle que dans votre exposé, vous avez dit que la pure différence, c’est le signifiant-clé qui permet de rendre compte de la différence entre Dieu et l’homme, entre le Père et le Fils an niveau de la Trinité, entre l’homme et son corps, donc trois fois le même signifiant-clé, ce qui veut dire que les différents contenus sont résorbés dans la même visée du non-dicible.
65Troisième expression : le Filioque. Vous avez privilégié le Filioque dans sa priorité à partir de saint Augustin, en y reconnaissant une sorte de progrès de la théologie de la Trinité. On pourrait dire tout à fait autrement dans une perspective, par exemple, hégélienne, ou bien dans la visée de la théologie byzantine où, dans le mouvement du Père par le Fils vers l’Esprit, est davantage privilégié comme un progrès même de la Révélation et, à partir de cette lecture hégélienne, il me semble qu’il a une visée de signification et d’objectivité qui est exactement contraire à celle que vous avez privilégiée. Alors il me semble que la façon dont vous lisez les signifiants montre bien le reflet de ce préjugé du nominalisme global.
R. Sublon
66Je constate que le philosophe analyse l’analyste et que, se faisant, il exprime également son désir comme l’analyste a exprimé le sien.
67Ceci dit, je voudrais apporter une précision quant à l’objet et quant au lieu de mon discours. Je parle d’une expérience. Les Ecritures parlent également d’une expérience comme chacun d’entre nous ici parle d’une expérience. Ce parler, cependant advient après coup. C’est le propre de toute relecture. Il en va de même dans l’ordre du sens. Le sens est difficilement programmable, il advient après coup.
68Au cours des semaines œcuméniques, je me suis souvent interrogé sur le sens du chant « un seul Esprit, une seule foi, un seul baptême ». Il peut évoquer étrangement ein Reich, ein Volk, ein Führer... On peut en effet concevoir le « un », soit comme englobement, soit comme différence. S’il y a englobement, s’il y a fusion, il y a jouissance, et précisément, ce que vous dites — et ce que vous me reprochez de taire —, c’est ce fait que dans la visée du signifiant, dans la visée d’une parole — et il y a, effectivement, toujours une visée derrière ceux-ci—, il y a la jouissance inatteignable définitivement, la jouissance interdite. Le « Ein » peut être interprété comme cette jouissance déjà là : c’est arrivé, on peut enfin se reposer. Le Repos est d’ailleurs un des thèmes majeurs de la gnose : « enfin on se repose ». C’est-à-dire que l’identité avec le signifiant est acquise. Cette identité, je l’entends au sens de rassemblement, d’union, de compréhension, de fin de la différence. Le signifiant fait rougir, il fait pleurer, mais il ne fait pas comprendre. Le signifiant « coupe », fait vivre... C’est dans la mesure où il rejoint (ou se confond avec) le signifié, qu’il y a « mort ». Voulez-vous un exemple de « mort » ? Cherchez du côté de la psychose. Le psychotique n’a pas réussi, n’a pas eu l’occasion d’accéder au père comme signifiant. Dans la mesure où il n’y a pas de coupure, aucun désir n’est possible.
69Qu’il existe une visée constante de transgression, je suis tout à fait d’accord ; c’est ce que je crois avoir pour le moins évoqué. Encore faut-il qu’une loi existe pour pouvoir transgresser. Cette transgression réalisée, qu’arrive-t-il alors ? Je vous renvoie la question. Qu’en est-il lorsque le signifiant a rejoint le signifié ? Quand vous m’avez posé cette question, |e vous ai répondu :-il y a, mort’ ». C’est ici qu’il faudrait placer le concept freudien de pulsion de mort qui, dans un premier temps, apparaît comme la tendance radicale de supprimer, de court-circuiter l’écart introduit et maintenu par le signifiant.
70D. Coppieters a parlé de dissolution de contenu l’apprécie ce terme de « dissolution » ; on parle également d’une dissolution de l’Œdipe. Il s’agit en fait d’une dissolution de l’impasse œdipienne et non d’une démolition de l’Œdipe telle que l’évoque P. Ricoeur. La dissolution de l’Œdipe consiste, précisément, à dépasser un stade de l’Œdipe, présidé par la relation duelle, pour accéder au Nom du Père, au père métaphorique qui se distingue et du père imaginaire, qui est toujours un père idéal, et du père réel qui peut apparaître sous l’aspect insoutenable du cadavre.
71C’est dans la seule mesure où le père advient comme signifiant, comme pure différence, que se dissout l’impasse œdipienne.
72A cet égard, P. Beauchamp évoquait le « là où ça commence». Je dirais que, pour que ça puisse commencer, l’existence d’un signifiant est nécessaire ; il faut un écart premier, une origine « perdue ». Si le telos est constamment renvoyé, c’est parce que l’origine échappe ; si on saisissait l’origine, on jouirait également du telos. D’ailleurs le désir de ce dernier représente en fait le désir de rejoindre l’origine, l’en-deçà du signifiant, pour répéter la toute première et mythique satisfaction plénière de l’unité ovaire, pour assister à la scène primitive, lieu et temps insaisissables où le sujet a été engendré. La réalisation de ce désir est impossible, le sujet n’advenant qu’avec le langage. Accéder à sa propre origine supposerait accéder au savoir absolu, au savoir du savoir, au savoir sur la jouis-sens. Il y aurait aplatissement, fusion, abolition de la différence.
73Alors, nominalisme ou pas ? Je ne pense pas que vous puissiez si aisément me traduire en terme de nominalisme. J’ai parlé du sujet, puis j’ai dit, après Lacan, que le signifiant représentait le sujet pour un autre signifiant. Je n’ai pas dit que le signifiant représentait un signifiant pour un autre signifiant, ce qui abolirait la notion même de signifiant. Est-ce là du nominalisme ? Je ne le pense pas. Quand je vous ai souligné l’importance de la relation du signifiant au corps, ce n’est pas, me semble-t-il du nominalisme. Lorsque je vous ai dit que le signifiant faisait rougir, cela voulait dire qu’on ne peut « saisir » le signifiant que dans ses effets. Par ailleurs, cet effet peut continuer à se produire, le sens peut rebondir, dans la mesure où le signifiant n’est pas univoque.
74D. Coppieters et R. Laurentin ont parlé de l’Esprit révélant et jamais révélé. C’est un peu ce que je dis quand j’énonce que la Loi est donnante et jamais donnée, promulguant et jamais promulguée ; j’entends par là le « jeu » du signifiant, jamais signifié, engendrant par des séries de substitutions une signification allant de commencement en commencement, indéfiniment.
75A propos de l’affirmation de J. Greisch « se laisser atteindre par la vérité qui m’arrive », je dirai que la vérité qui m’arrive est toujours la vérité d’un sujet qui parle. Cette vérité est une vérité, bien sûr. Je ne pense pas qu’il s’agisse dans le propos de J. Greisch, de La Vérité. La vérité qui m’arrive ce soir, c’est ma rencontre avec vous. Alors, voyez-vous, répétant ce que j’ai dit au début, je pars d’une pratique, celle de l’analyse, et d’une expérience, celle de ma propre analyse. J. Wolinski renvoie à l’expérience de la foi quand il énonce « au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit». Cette « Trinité », je la retrouve encore dans le Saint, Saint, Saint et dans le nada, nada, nada. Lacan affirme : « je dis toujours la vérité : pas toute, parce que toute la dire, on n’y arrive pas ». Je pense qu’on peut énoncer la même chose, chacun à son tour.
Quatrième intervenant
76Moi, je voudrais mettre en rapport la difficulté exprimée tout à l’heure d’une présence d’Esprit qui toucherait à la chose et qui est pourtant une réalité et qui pourtant n’est pas une substance, et cette vérité dont vous venez de reparler, qui m’atteint. D’autre part, je parlerais en termes moins philosophiques, n’étant pas de la partie, de votre exposé. J’ai perçu dans la première partie le désir au fond narcissique du retour à la fusion originaire, le désir primordial, que vous avez alors développé dans la seconde partie au niveau du signifiant pour lequel il était nécessaire d’avoir la coupure, la différence radicale d’avec le signifié, dont l’exemple le plus marquant était la Résurrection, en ce sens que, si j’ai bien compris, il fallait que le Christ reste mort pour pouvoir être un signifiant du langage comme ressuscité, c’est-à-dire présence de ressuscité. Où est la chose, où est le contenu, y a-t-il des réalités, qu’est-ce que c’est que cette réalité ? Là, je me réfère à la conférence de M. Wolinski. Je me dis : là, j’ai entendu parler de filiation, d’union transformant, j’ai entendu parler d’image de Dieu, j’ai entendu parler du langage classique, du langage que vous avez évoqué également, mais pour le nier, ou tout au moins pour le désavouer.
77Si je mets toutes ces choses-là ensemble, cela me pose question. Je dirais : qu’est-ce qui reste, sinon deux langages qui ne peuvent presque pas se rencontrer ? Et s’ils peuvent se rencontrer, à quel niveau ?
R. Sublon
78Je vous répondrais d’abord que le désir du retour au sein maternel peut exister dans la mesure où on a quitté ce sein et que le désir de retourner au paradis advient quand on l’a quitté, ce paradis. Il n’y a pas de désir s’il n’y a pas de perte ou d’écart quelque part. Est déclaré paradis ce qui est perdu ; quand vous y êtes, vous ne déclarez pas « je suis au paradis ». On peut difficilement dire « je jouis », on peut tout au plus énoncer « j’ouis »...
79Ceci dit, existe-t-il un désir de retourner au sein maternel ? Peut-être, mais il reste ambigu. La bonne mère est aussi celle qui est capable de quitter le sujet, de le laisser en paix. Une mère qui ne veut pas lâcher son enfant, peut provoquer de la part de celui-ci des réactions violentes, agressives, voire une anorexie mentale. Il existe des mères, qui, dès que l’enfant ouvre la bouche, viennent remplir celle-ci d’un sein énorme... « L’homme ne vit pas seulement de pain mais de la parole » dit l’Ecriture... Le désir d’être reconnu désirant, le désir de s’exprimer est également important... Dès lors se pose la question de savoir s’il faut affamer les gens pour qu’ils puissent désirer. C’est une question absurde, la cause du désir étant liée à l’insertion dans le langage.
80Vous m’avez, ensuite posé la question de la possibilité qu’ont deux langages de se rejoindre. Je pense que l’analyste est à situer comme témoin de ce qui est dit. Il se tait et écoute. Il n’a pas d’autre fonction. Je ne suis pas en position d’analyste quand je vous parle. Je suis plutôt en position d’analysant : j’exprime mon désir dans une situation de transfert. Deux langages peuvent-ils se rencontrer ? Oui. A l’endroit d’un trou, d’une béance. Si deux discours sont totalitaires, assurément ils ne se rencontrent pas. Ils se « contrent ». Si mon discours peut vous suggérer au moins deux interprétations possibles, je pense qu’il n’est peut-être pas trop· totalitaire.
Deuxième intervenant (M. Renaud)
81Je voudrais poursuivre la visée de mes deux premières interventions et sans que vous y voyiez une expression d’agressivité, déjà désamorcée. J’avoue que je ressens dans votre démarche la contestation la plus radicale de toutes les démarches que personnellement je ferais.
82En ce sens-là, il y a une double visée du désir, mais mon désir s’exprimerait en ce sens-ci, c’est que je voudrais savoir si et pourquoi vous privilégiez tellement la visée du désir plutôt que la visée d’un contenu de sens et là, il me semble qu’il y a une décision méthodologique, un a priori non récupéré par votre propre théorie, à savoir que toute unité est comprise comme unité fusionnelle, que tout sens qui viendrait à moi dans un contenu d’objectivité, l’objectivité étant ici celle du sens, serait nécessairement un sens clôturant, à savoir l’expression du désir qui voudrait imaginairement coïncider avec son origine, ou avec son télos évidemment. Mais il me semble que l’on pourrait dire ceci : que tout comme Heidegger disait : « le langage m'est parlé plutôt que je ne le parle », il y a dans le langage des contenus de sens dont l’objectivité me situe par rapport à eux, et cette objectivité des contenus de sens n’est pas d’abord celle de mon désir, bien que mon désir les colore toujours. Or, parce qu’il y a une intrication entre le dicible du contenu de sens et l’indicible du désir, il me semble que votre démarche est animée par une sorte de décision méthodologique que j’appellerais de l’analyse régressive, à savoir ramener tout contenu de sens à la visée de l’indicible qui est celle du sujet. Lorsque vous disiez tout à l’heure que le signifiant est le signifiant d’un sujet et non pas le signifiant d’un signifiant, que le signifiant...
R. Sublon
83... représente un sujet pour un autre signifiant. Il ne représente pas uniquement le sujet, mais pour un autre signifiant.
Deuxième intervenant (M. Renaud)
84Il s’agit de dire que d’une certaine façon les deux ordres de réalités, encore une fois le terme de « réalités » est piégé, évoluent pour ainsi dire sans point d’accord. Le seul point d’accord, c’est la mort comme vous le disiez.
R. Sublon
85Je pense qu’il y a des points.de scansion, mais il n’y a pas de ligne continue d'accord. Il y a des ponctuations où du sens advient, mais du sens qui reste bordé de non-sens.
86Vous m’avez également fait tenir deux affirmations que je n’ai pas tenues. Je n’ai pas dit que je concevais toute unité comme englobant, je n’ai pas dit que tout sens était clôturant. J’ai dit que je me méfiais d’un certain nombre d’interprétations à propos du un. Celui-ci peut aussi bien envoyer à la Einzigkeit qu’à la Einheit.
87Par ailleurs, vous me faites tout réduire au désir. Je vous répondrais qu’à partir de l’expression du désir, on infère, en théorisant, au Désir. Mais il n’y a pas de Désir en soi, comme il n’y a pas Le Langage en soi. Je ne fais pas du Langage et du Désir un nouveau Dieu. Le sujet comme l’Autre sont barrés. Il y a un manque au début, mais ce manque non plus n’est pas Dieu.
88Ceci dit, comme toute « science », la psychanalyse essaie de construire un système théorique de représentation. Elle essaie de rationaliser sa pratique, de mettre de l’ordre dans les choses. J’accepterai encore volontiers cette remarque de Roustang, que l’élaboration théorique reste voisine du délire. Je pense cependant qu’une science a le droit d’élaborer une théorie sans être pour autant suspecte de mauvaise foi. Il est certain également que toute élaboration peut faire intervenir des éléments imaginaires pouvant dès lors être remis en cause. A cet égard, l’histoire de la psychanalyse est exemplaire. Freud était marqué par l’idéologie positiviste, et c’est la psychanalyse, entre autres, qui a remis le positivisme en question. Je ne parle pas de la démarche positive. Vous connaissez cette petite phrase que Freud a gardé de Charcot : « ça n’empêche pas d’exister ». C’est à partir d’un souci d’explication objective, voire même positiviste, qu’il a découvert le rôle de la sexualité et du langage dans l’étiologie de l’hystérie. Il remettait ainsi en question l’idéologie anatomo-clinique qui régissait la médecine de son temps. Freud a été hérétique pour la médecine. Il est étonnant à cet égard de constater combien la religion et la psychanalyse ont des aspects communs. N’oublions pas « l’hérésie » lacanienne sanctionnée par son excommunication de l’I.Ρ.Α.
89Si la psychanalyse était une science positive ou exacte, si tant est qu’une telle science existe, on ne s’entre-déchirerait plus entre écoles : une telle science serait achevée, il n’existerait plus ni recherche, ni progrès. Ceci vaut pour toutes les sciences y compris les mathématiques. Quand vous m’affirmez l’objectivité du sens, je réponds : « je suis témoin d’une parole ». Je suis témoin d’une parole qui se dit, d’un sujet qui s’exprime. Je me méfie de ce caractère d’objectivité d’une parole. Une parole qui ne pourrait pas mentir ne serait plus une parole. Du même coup, foi et témoignage seraient évacués ; il n’existerait plus aucun risque. Vouloir saisir l’objectivité d’une parole peut consister à réduire celle-ci à l’univocité, voire à une chose et à réduire le sujet à ce sens ou à cette chose. N’est-ce pas là un peu le problème que vous vous posez ?
90Je voudrais enfin suggérer une interprétation à propos de ce que vous avez dit à P. Beauchamp concernant la loi qui se fait tout le temps. Je suis d’accord. Cette notion rejoint ce que R. Laurentin a dit de l’Esprit révélant mais non révélé.
91Ce caractère se retrouve dans l’acte de la parole. Celle-ci ne peut être saisie dans son seul aspect d’événement passé, à moins de confondre le sujet de l’énonciation et le sujet de l’énoncé. Une parole se dit dans un présent mais seul l’imparfait en traduit l’impossible captation. La parole ouvre enfin au possible du futur ; mais ni passé, ni futur, ni présent ne sont saisissables, réductibles. Je ne nie pas pour autant le caractère d’objectivité, voire de matérialité du signifiant.
Cinquième intervenant
92Je voudrais demander à l’abbé Wolinski de préciser un peu le concept de personne qu’on utilise lorsqu’on parle de Dieu, lorsqu’on parle de Trinité. C’est un concept qui est toujours très difficile et dans quelle mesure a-t-il un intérêt pour nous dès lors qu’il s’agit d’atteindre une réalité dont on ne peut rien dire en fin de compte ?
93D’autre part, deuxième question, quelle peut être la signification d’un mot comme « engendrer » en parlant du Fils si on sort de toute idée de temporalité ?
J. Wolinski
94Dire ce que peut bien recouvrir le concept de « personne » est effectivement très difficile. Karl Barth propose tout simplement de ne pas utiliser le mot quand on parle de Dieu ! Saint Augustin, bien avant lui, avait signalé certaines difficultés que soulève son utilisation en théologie trinitaire.
95L’une des difficultés vient de ce que parler de trois « personnes » en Dieu, c’est donner à penser que le Père, le Fils et le Saint Esprit ont entre eux quelque chose de commun que le mot « personne », précisément, aurait à exprimer. Or les Trois n’ont rien d’autre en commun que leur nature, la divinité. Le mot « personne » renvoie non à ce qui est commun, mais à ce qui est particulier à chacun des Trois et le distingue des deux autres. Dans l’expérience courante déjà, parler du « moi » ou de la « personne », c’est renvoyer justement à ce qui me distingue de tout autre être humain, et qui fait de moi quelqu’un qui ne peut se confondre avec aucun autre, quelqu’un de mystérieusement et d’absolument unique. Dès lors, comment ramener sous un même vocable ce qui chez plusieurs « personnes » est par définition unique, et ne se répète jamais deux fois ?
96Par ailleurs, partant de l’expérience courante, on en est venu a concevoir comme un des traits caractéristiques de la « personne » le fait qu’elle soit « incommunicable ». Le mot est très imparfait, car il semble vouloir dire que la personne est incapable de « communiquer ». Mais il ne s’agit pas de cela. On veut seulement établir d’une façon nette que la personne possède son contour propre, est posée dans l’être en elle-même, sans dépendre directement d’un autre être quant au fait d’exister, comme c’est le cas, par exemple, pour la couleur (un accident) qui ne peut exister que dans tel objet particulier (telle substance). On cherche seulement à assurer à la personne une autonomie minimale pour qu’elle puisse exister et agir d’une façon qui lui soit propre. Or là aussi les idées d’incommunicabilité et d’autonomie ne conviennent pas quand il s’agit des « personnes divines », Le Père n’existe que pour autant qu’il a un fils ; le Fils n’existe qu’en relation au Père ; l’un et l’autre n’existent que dans une « communication » dans laquelle tout l’être divin est engagé.
97Faut-il donc rejeter ce mot ? Je le pourrais peut-être, mais j’aurai alors a rechercher un autre mot pour signifier le mystère, qui, lui, demeure entier. Ne vaut-il pas mieux, avec toute la tradition chrétienne dans laquelle je me situe, garder ce mot en sachant qu'il est très insuffisant, qu’il « n’explique pas » le mystère mais le signale seulement ? Qu’il soit reconnu comme imparfait m’avertit que je dois l’utiliser non comme une réponse toute faite à mes questions, mais comme un instrument qui jamais ne me livrera la clé du mystère.
98Je ferai, pour terminer, trois remarques encore. Je rappellerai d’abord que la réflexion sur le mystère de la «personne» est une des grandes acquisitions de la pensée humaine due aux controverses trinitaires et christologiques. Dans l’expérience courante, la « personne » s’identifie avec l’« individu » et se cache, en quelque sorte, derrière lui. Il semble dès lors que la personne ne serait rien d’autre qu’une nature particulière existant concrètement. C’est en Dieu que l’on découvre la différence entre la nature concrètement subsistante et ce « quelque chose d’un autre ordre » que sont les personnes : il n’y a qu’un seul Dieu, mais, relevant d’un autre ordre que la nature, il y a aussi ces Trois que sont le Père, le Fils et le Saint Esprit... Par analogie, on découvrit peu à peu que pour chacun de nous aussi à côté du fait d’être concrètement un homme, il y a ce quelque chose de mystérieux que signifie mon prénom et à quoi je me réfère quand je dis « je ».
99D’autre part, réfléchissant sur le fait que le Père n’est Père qu’en relation avec le Fils, et que le Fils, inversement, n’est tel qu’en relation au Père, saint Augustin déjà définit les personnes divines comme des « relations subsistantes ». Or si la « personne » que je suis est un reflet lointain des personnes divines, je comprends mieux que c’est dans la relation avec les autres et avec Dieu que « j’adviens comme personne et comme sujet ». Mais ici le mot personne prend un sens particulier, plus restreint ; il exprime ce qui, dans la « personne » humaine comporte un devenir et une actualisation. C’est en ce sens que le Père Moingt dit que « l’homme naît hypostase et devient personne »...
100Ma troisième remarque sera pour constater que le Concile de Constantinople, consacré au Saint Esprit, n’a dit ni que le Saint-Esprit était Dieu, ni qu’il était personne, mais qu’il a pris position sur l’une et l’autre question en définissant que nous devions l’adorer et le glorifier avec le Père et avec le Fils. L’Esprit n’est pas seulement Celui qui anime ma prière et prie en moi. Il est également Celui que je peux et que je dois prier. Il n’est pas un pur dynamisme, une simple énergie qui investit, anime, transforme, il est Quelqu’un avec qui je peux entrer en relation personnelle tout comme avec le Père et le Fils.
101Je voudrais aussi dire un mot au sujet de la deuxième question : quel sens y a-t-il à parler d’un « engendrement » en Dieu, dans un contexte qui exclut forcément toute notion de temporalité ? Cette question est intéressante parce qu’elle attire notre attention sur le statut théologique de tout concept tiré de notre expérience. Ce qui est dit du mot engendrer, vaut tout aussi bien pour le mot « Fils », ou le mot « Père ». On ne peut les prononcer sans tomber aussitôt sous le coup d’un feu roulant de critiques venant de tous les côtés. Ces critiques m’obligent, comme pour le mot « personne », à aller au-delà de ma seule expérience personnelle. Affirmant que Dieu engendre, je concède aussitôt qu’il n’engendre pas de la façon dont l’homme engendre. Origène déjà parlait de la « génération éternelle » du Verbe, et il ajoutait qu’en un sens l’homme aussi — mais d’une autre façon — est « sans cesse engendré par le Père dans le Christ Jésus »... Il est évident que le mot engendrer n’a plus ici le sens qu’il a dans l’expression «Abraham engendra Isaac...». Admettre qu’il y a une génération en Dieu, c’est reconnaître que, dans ce cas-là, le mot génération renvoie à un mystère qui m’échappe infiniment. Le mot « génération » ne me donne pas la clé du mystère trinitaire, il ne me permet pas de mettre la main sur le mystère et de me l’approprier. Par sa référence à une expérience humaine, il me fournit seulement un point d’ancrage précis pour me situer face au mystère, mais ne me laisse aucun espoir, — Dieu merci ! — de tirer un jour au clair le mystère de Dieu.
102Dieu est l’insondable, Celui qu’aucune parole humaine ne peut dire adéquatement. Pour le connaître, il ne s’agit pas d’abord de confronter des concepts mais d’entrer dans une expérience. Le « connaître » ici ne se situe pas dans le domaine du « comprendre quelque chose », mais dans le domaine du « devenir ». Je crois que cette question était au fond des débats, tout à l’heure, avec M. Sublon, puis avec M. Greisch. M. Coppieters y a fait également allusion au début de nos échanges. Or c’est là, précisément, qu’intervient l’Esprit : c’est à Lui que nous devons d’entrer dans un devenir qui nous « exhausse » à un niveau divin, devenir qui n’aura jamais de terme, dit Grégoire de Nysse, parce que l’illimitation dans le devenir est la seule façon pour l’homme d’entrer dans l’Infini de Dieu.
Sixième intervenant
103Je ne crois pas avoir tout à fait la même expérience que vous de l’engendrement. Je ne crois pas que le père seul donne la vie, comme le disait Eschyle. Je ne crois même pas que le désir de l’homme est préalable à celui de la femme pour faire un enfant. Autrement dit, pour moi, l’engendrement, c’est réellement en termes de parenté, de solidarité entre l’homme et la femme, d’égalité entre l’homme et la femme que cette expérience se vit. Alors est-ce que vous comprenez que je puisse être gênée par les termes que vous employez, après avoir tant parlé de filiation et d’engendrement, lorsque vous parlez de Dieu le Père ? Il y a pour moi une contradiction interne là-dedans et, du reste, je voudrais faire remarquer que M. Sublon, tout à l’heure, alors qu’on lui avait posé une question bien précise en reprenant les termes mêmes qu’il avait employés, c’est-à-dire en disant la coupure d’avec le père, est passé subrepticement à la coupure d’avec la mère et nous a même évoqué le fantasme d’un sein énorme dont la mère garnissait la bouche de l’enfant. Je ne sais pas bien comment s’est passé ce passage, s’il était tout à fait gratuit. Je voudrais bien savoir comment vous, les conférenciers, vous pouvez vous situer sur cette question-là, vous-même et M. Sublon, entre autres.
R. Sublon
104Que je sois passé subrepticement de la coupure d’avec le père à la coupure d’avec la mère, c’est possible. Disons que je suis parti de la coupure d’avec le Père-Mère. C’est de cette coupure dont je parlais. Mon texte, et je m’y réfère, évoque le père idéal et le père symbolique. L’accession au père symbolique est effectivement à entendre comme engendrement en terme de parenté voire même de solidarité entre l’homme et la femme. Quant au terme d’égalité, je vous le laisse et préfère celui de différence. C’est dans la mesure ou une différence est maintenue entre enfant/père, enfant/mère, père/mère et femme/homme que l’on reste dans l’ordre symbolique.
Septième intervenant
105En insistant sur le fait que le Fils reçoit tout du Père, ne mettez-vous pas le Fils dans une situation d’infériorité par rapport au Père ?
J. Wolinski
106La question que vous posez touche à un point capital du mystère trinitaire et rejaillit sur l’attitude de l’homme vis à vis de Dieu. Il est vrai qu’au niveau de notre expérience ordinaire, « recevoir » nous met dans une attitude de dépendance et d’infériorité par rapport à celui qui nous donne quelque chose. Dès lors recevoir éternellement de Dieu ne serait-ce pas pour l’homme dépendre éternellement de Dieu ? Et d’autre part, le Fils n’est-il pas, quoi qu’on en dise, condamné à occuper éternellement la seconde place dans le Trinité ? Or il y a des gens qui préféreraient occuper la première place dans un petit village en ne le devant qu’à eux-mêmes, plutôt que d’occuper le seconde seulement à la tête de l’empire...
107Je crois que sur ce point le quatrième siècle, sous l’impulsion du concile de Nicée, a apporté une clarification capitale. Il affirme en effet que le Fils reçoit tout du Père et, simultanément, qu’il n’en est pas moins consubstantiel au Père et son égal en tout. Athanase remarque en effet que si le Père à tout donné au Fils, c’est dans le Fils — donc, d’une certaine façon, en dépendance de lui — que le Père possède tout. C’est le mot tout qui est ici le mot décisif. Ayant tout donné au Fils — pour parler en termes imagés — le Père ne possède plus rien, si ce n’est son Fils. Certes, le Fils dépend absolument du Père, en ce sens qu’il reçoit tout de lui ; mais le Père, d’une certaine façon, dépend aussi du Fils, auquel il a tout donné. Le Fils n’est Fils que grâce au Père ; mais le Père n’existe lui-même comme Père que grâce au Fils. A supposer, par impossible, que le Fils refuse d’être Fils, le Père ne peut plus exister comme Père. Il se trouve ainsi qu’en Dieu la relation « donner-recevoir » prend une signification toute nouvelle. Elle cesse d’être le moyen de « posséder » l’autre et perd son caractère dominateur. Elle devient la base d’une manière nouvelle d’exister, selon laquelle il n’est plus pensable de « posséder » quelque chose indépendamment de l’autre. Dans cette perspective, même s’il pouvait se donner à lui-même ce qu’il désire, l’homme choisirait librement de le recevoir de l’autre. Ce qui est souvent occasion d’humiliation ou de ressentiment devient l’expression d’un décentrement libérateur et une forme d’amour, L’hostilité de Paul contre toute justification par la pratique de la Loi pourrait bien être à comprendre dans ce contexte-là (cf, Ph. 3,9)
D. Coppieters
108Je vois que le temps avance, si bien que je propose que nous passions à la dernière contribution qui était la première en réalité dans le temps, celle de M. Laurentin.
Septième intervenant
109Vous avez parlé de l’Eglise et de la redécouverte de l’Esprit dans l’Eglise catholique romaine, j’ai plutôt l’impression d’un escamotage : peur de mettre en lumière les préceptes de Saint Paul : « ne restez, plus sous la férule de la Loi puisque le Christ est venu vous en libérer » ; peur d’admettre qu’il y a des charismes, on a plus envie de souligner la hiérarchie ; peur en général, dans l’Eglise structurée, des groupes de base en général et du renouveau charismatique en particulier. Est-ce une impression fausse de peur de l’Esprit dans l’Eglise catholique, ou, si c’est vrai, pourriez-vous l’expliquer ?
R. Laurentin
110Bien sûr, il y a une peur des charismes et des surgissements de l’Esprit. Je l’ai rencontrée à chaque pas, au cours de mes enquêtes sur le Renouveau charismatique actuel. Dans l’histoire aussi, les mouvements de l’Esprit sont souvent pris à l’envers et parfois calomniés. Je l’ai souligné dans mon livre : Pentecôtisme chez les catholiques. Je vous ai néanmoins donné l’impression de verser dans cette crainte, d’escamoter les charismes. J’en prends acte et j’examinerai ma conscience là-dessus. A première vue, je me sentirais plutôt ouvert aux charismes que je rencontre — avec une certaine candeur et naïveté que d’autres pourraient me reprocher. Et c’est plutôt sur ce point que je me croirais vulnérable à la critique.
111Quant au fond, pourquoi craint-on les charismes ? Parce que l’Esprit est une aventure, une irruption, une nouveauté : on ne sait d’où il vient ni où il va, ni ce qu’il remue dans nos profondeurs intérieures. Cela s’est compliqué d’un choc historique originel : la crise montaniste, qui a laissé un traumatisme, l’impression que : « les mouvements de l’Esprit, c'est dangereux ». Le montanisme a surgi en réaction contre la toute première installation hiérarchique de l’Eglise. La collision n’a pu être évitée alors entre un certain autoritarisme et les charismes. Je pense qu’un sursaut de la base et de l’autorité aurait pu résoudre ce choc harmonieusement pour le bien de l’Eglise. Cela ne s’est pas produit. La crise s’est soldée par une radicalisation des montanistes, qui se sont exaspérés dans un prophétisme clos et contestataire, tandis que l’autorité se radicalisait, de son côté en disant : « Nous n’avons pas été assez autoritaires ; renforçons désormais notre pouvoir et notre fermeté pour éviter le retour d’aventures comme le montanisme ».
112L’Eglise contemporaine n’est pas sans traverser des risques analogues. Je les perçois dans la mesure où il y a distanciation entre l’Institution et nombre de communautés, qu’elles soient de droite ou de gauche. Il faut un sursaut de charité profonde pour arriver à une rencontre et une articulation (essentielle à la vie de l’Eglise) entre charismes et autorité, l’autorité étant elle-même appelée à s’exercer comme charisme. On assiste trop souvent, aujourd’hui encore, à la double radicalisation de l’autorité et de certains groupes, qu’ils soient de droite ou de gauche. C’est de cela que l’Esprit Saint nous délivre quand il est accueilli.
Huitième intervenant
113Y a-t-il un événement nécessaire pour que l’humanité puisse recevoir l’Esprit ?
R. Laurentin
114Evidemment, ce ne sont pas les conditions qui « produiront » l’Esprit. Car alors ce ne serait pas l’Esprit. Je préfère renverser les termes du problème. Disons qu’il y a des personnes ou des groupes clos où l’Esprit ne peut pas venir. On pourra définir, à partir de là, le péché contre l’Esprit. Il s’agit donc d’abattre les murailles, de débusquer les refuges qui arrêtent l’Esprit Saint, de créer les conditions de sa venue et de son action. Tel était le sens de ma question indiscrète au philosophe. J’aurais aimé qu’il abatte ses barrières. Je serais même tenté de poser la même question à M. Sublon, et, en fin de compte, à moi-même, parce que, au fond, tout universitaire est un homme qui se définit par une certaine abstraction, qui s’y enveloppe. Et c’est parfois la plus terrible des défenses. Mais nous sommes référés à une même réalité : nous sommes des personnes auxquelles il advient quelque chose par rapport aux hommes et par rapport à Dieu. Lacan a très bien défini cela : les personnes comme relation. C’est la définition même des personnes dans la Trinité selon Thomas d’Aquin. Les personnes se définissent comme êtres vectoriels, tournés vers l’autre, capables de communauté, faites pour la communauté. Nous touchons là, abstraitement, quelque chose qui nous fait déboucher concrètement sur l’interpellation d’autrui. L’Esprit Saint agit au niveau de ces relations interpersonnelles, là où il trouve une liberté ouverte (et non défendue, bloquée). On peut dire avec A. Vergote qu’en ce cas-là l’Esprit libère le désir le plus profond de l’homme. Vergote le dit en termes psychanalytiques, mais en référence à l’expérience de l’effusion de l’Esprit. Ce sont parmi les meilleures pages des Mélanges Schillebeeckx ( L'expérience de l’Esprit, Paris, Beauchesne, Le point théologique, no 18, p. 220-222) : des pages un peu difficiles, mais révélatrices et, je crois, convaincantes.
Neuvième intervenant
115N’y a-t-il pas lieu d’établir une distinction entre les dons de l’Esprit et la manifestation de ces dons ? On entend dire, par exemple, que les dons de l’Esprit sont reçus dans les chrétiens baptisés et confirmés et qui essaient de vivre un peu sous la motion de l’Esprit et qu’il n’est pas nécessairement donné une manifestation. Ce qui me gêne un peu dans les mouvements charismatiques, c’est qu’on dit : « vous avez reçu ce don, donc il doit être manifesté ». Cela me paraît mettre un certain embargo sur l’Esprit Saint qui se manifeste quand il lui plaît.
R. Laurentin
116Bien sûr, l’Esprit a été donné au baptême et tout est fait. Cependant, tout est fait et rien n’est fait. Finalement, il faut bien que ce soit manifesté. Il y a des cas ou l’Esprit se manifeste simplement par la mort : celle du Christ au Golgotha. C’est une mort dans l’Esprit : une manifestation absolument négative et paradoxale. Mais dans le quotidien du Christ comme de l’Eglise, hier et aujourd’hui, les dons de l’Esprit sont manifestés aussi, habituellement, de manière positive. C’est trop facile de dire : Dieu n’opère pas en nous, il est inopérant, mais il est là, on peut s’asseoir là-dessus. Il faut se préoccuper d’une libération effective des dons de l’Esprit en nous.
117Bien sûr, on oscillera toujours entre deux abus. D’une part, libération sans discernement de tous les esprits (désirs, pulsions) qui nous habitent : les esprits de péché, d’illuminisme, de bêtise, etc. D’autre part, une situation où tout est inhibé, bloqué, où il n’y a pas de rencontre possible ni avec Dieu, ni avec les hommes, pas de sens de l’altérité ; et pas même une authentique conscience de soi. Il faut éviter ces deux extrêmes et je pense que les groupes charismatiques comme beaucoup d’autres groupes, cherchent leur voie entre ces deux erreurs qui nous guettent tous, moi le premier.
J. Wolinski
118Je voudrais ajouter un petit mot. A partir de là, on pourrait reprendre la question des charismes, des charismes dans le sens des charismatiques et aussi des charismes dans le sens de tous les services, les diaconies, qui sont dans l’Eglise et qui sont aussi vécus, par l’Esprit.
119Mais je laisse cela pour revenir à une remarque qui n’est pas tout à fait dans la ligne : je reviens à l’origine, à une remarque du P. Beauchamp, à savoir que l’Esprit ne va pas sans le corps et pour nous chrétiens, dans la mesure où nous sommes chrétiens, l’Esprit ne va pas sans le Fils, bien sûr, mais le Fils qui est Jésus Christ, qui est cet homme, ce concret universel, Jésus-Christ qui a vécu de telle façon à tel endroit bien délimité et qui a vécu cette chose qu’on ne peut pas évacuer qui est la Passion avec tous ses détails, la mort, la Résurrection. C’est en relation à ce Jésus-Christ que nous avons à comprendre l’Esprit et à le vivre.
R. Laurentin
120J’ai envie d’ajouter dans votre sens : la vie selon l’Esprit Saint, c’est exactement le contraire de l’hérésie spiritualiste. J’entends par là une évasion dans l’Esprit, distancié du corps, opposé au corps et à la matière. Or l’Esprit suscite l’Incarnation, et toutes les réalités de l’Incarnation. Tel est le sens du jugement de Dieu : J’avais faim et vous m’avez donné à manger, etc. (Mt 25). L’Esprit renvoie au corps qui est son domaine, au rebours de l’hérésie spiritualiste qui a sévi et sévit encore aujourd’hui.
J. Wolinski
121J’aurais voulu revenir encore sur le débat à propos de la psychanalyse. Il me semble que M. Sublon a considérablement modifié son désir et le mien, par réciprocité, en accordant que la psychanalyse a son épistémologie et qu’elle met en jeu un choix. Il me semble qu’à ce moment-là se pose la question de savoir si ce type de démarche laisse la possibilité d’une autre approche du même phénomène du sens. Jusqu’à présent, j’avais compris son analyse théorique dans le sens d’une non-possibilité d’une autre approche du contenu du sens. Cela se manifeste dans la mesure où il accorde qu’il n’y a de sens qu’au passé. C’est exactement la définition que je donne du sens, c’est-à-dire que tout sens et toujours reconnu après coup. Donc, cela montre bien qu’il y a une autre approche possible du sens.
R. Sublon
122Je ne me suis pas situé au niveau du contenu de sens mais à celui de la possibilité de sens. Pour moi, ce qui est fondamental, c’est ce qui fonde la possibilité. Qu’est-ce qui permet à la possibilité d’être maintenue ? Pour moi la signifiance c’est la possibilité, ce n’est pas la négation du sens. Une possibilité, une ouverture, un écart maintenu mais réellement et radicalement maintenu, sans tricher, permet que « ça » aille plus loin et que du sens, c’est-à-dire de l’imaginaire, continue à s’élaborer. Voilà ce que j’ai dit.
R. Laurentin
123Deux choses me frappent : il y a plusieurs systèmes de psychanalyses qui fonctionnent selon leur code. Dans chaque système, on fait confiance à ce code sur la base de postulats non contrôlés. En écoutant une des questions posées tout à l’heure, je me demandais ce qui serait arrivé si la psychanalyse avait été découverte dans une société matriarcale car Freud semble avoir une optique masculine qui lui fournit ses repères. Son système est-il ouvert à la compréhension des femmes et à leur égalité avec l’homme ? Penser que toute tille a le « désir du pénis » à un certain moment et que, même si elle n’en a jamais eu conscience, cela lui a certainement passé par la tête, et qu’elle souffre seulement d’inconscience si elle ne le sait pas, et un certain nombre d’autres présupposés, me laissent perplexe. Je me demande donc ce qu’aurait été la psychanalyse d’une civilisation différente et je m’interroge sur ce qu’il y a de gratuit dans les actes de foi d’un psychanalyste aux repères qui fondent sa démarche.
R. Sublon
124Il faut certainement resituer Freud dans le contexte bourgeois de la Vienne du 19e siècle. Il est également vrai que sont proposées d’autres théories à propos de l’inceste. Malinowski, entre autres, parle des sociétés matriarcales trobriandaises et des problèmes de l’interdit de l’inceste dans ces sociétés. Il faut par ailleurs reconnaître une différence entre Freud et Lacan. L’Œdipe n’est plus lu par Lacan comme l’histoire psychologisante des rapports papa, maman, enfant. Même si une lecture superficielle peut en offrir la possibilité, l’abâtardissement psychologique de l’Œdipe n’est pas le fait de Freud. L’Œdipe renvoie à une structure symbolique et pour finir, langagière. Il ne faudrait quand même pas oublier que l’enfant, et chacun d’entre nous, a appris à parler. La parole n’est pas innée. Il faut bien le reconnaître. Ce fait pose des questions et vous ne pouvez évacuer ces questions en suspectant telle ou telle affirmation freudienne, ou en faisant intervenir la croyance des psychanalystes. Ce procédé ne résout rien et peut s’interpréter comme la défense d’autres croyances qui n’ont aussurément pas grand-chose à faire avec la foi. J’ai dit que l’homme, la femme et l’enfant ont à se situer par rapport à une différence, c’est-à-dire par rapport à un signifiant : le phallus. Si VOUS entendez le phallus comme ce dont l’homme serait le détenteur, alors, oui, s’ouvre le champ de la revendication, de la parade et de la lutte de prestige. On rivalisera en termes d’égalité ou d’égalisation. Transposée au langage religieux, l’impasse œdipienne se traduit par la question de savoir ce que Dieu a de plus par rapport à l’homme. Par contre, accéder à la différence, permettra d’affirmer que l’homme n’est pas Dieu. On ne parlera plus en termes d’infériorité ou de supériorité. L’homme n’est pas inférieur à Dieu. Il n’est pas Dieu, voilà tout. Par ailleurs, le Père n’est pas le Fils et nommer quelqu’un fils n’est pas l’indice d’une supériorité du nommant sur le nommé. Raisonner en termes de transfusion de pouvoir ou de puissance, suppose une relation restée dans le champ duel, imaginaire, présidé par la rivalité du maître et de l’esclave, du suzerain et du vassal. L’Alliance est impossible, les différences étant niées. La conséquence éthique consistera à obtenir par la ruse, la séduction ou la soumission, ce dont imaginairement on se croit dépourvu et que la force ne permet pas d’arracher.
D. Coppieters
125Merci à tous ceux qui ont participé à cette discussion et qui nous ont ainsi permis de faire quelques pas de plus dans l’exploration des voies tracées par nos invités, et qui demeurent ouvertes, vers le mystère de l’Esprit.
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