L’entreprise dans une nouvelle logique Plan - Marché
p. 28-37
Texte intégral
1Je voudrais me faire ici l’avocat, le seul vraisemblablement, d’une nouvelle philosophie des rapports entre l’Etat et l’entreprise, plus précisément je voudrais développer et argumenter les propositions contenues dans le programme commun de gouvernement des partis de gauche, ce programme qui serait appliqué si la gauche arrivait au pouvoir après les élections législatives.
2Je voudrais faire deux remarques préliminaires : d’une part, j’aurai une lecture de ce programme commun exclusivement économique, d’autre part, la lecture et certaines propositions que je pourrais faire me sont tout à fait personnelles, ce qui me dégage du qualificatif que vous m’avez donné de Membre de la Commission économique du Parti Socialiste.
3Je procéderai en fait en deux temps. D’une part, j’essaierai de définir le plus rapidement possible ce qu’est le nouveau mode de régulation que nous entendons développer, et ceci m’amènera à parler à la fois de la planification que nous souhaitons instaurer, des rapports entre plan et marché, de la nécessité pour nous de nationaliser un certain nombre d’entreprises et le crédit, enfin, de définir plus précisément le mode de planification que nous mettrions en place. Et d’autre part, je souhaiterais expliciter ce que pourront être les rapports entre les entreprises, qu’elles soient publiques ou privées, et l’Etat. Je démarrerai donc sur le problème de la régulation et je voudrais, dans un premier temps, vous montrer le caractère tout à fait spécifique de la planification que nous souhaitons mettre en place et de la philosophie qui la sous-tend.
4Vous savez qu’il y a deux types de planification qui sont proposés traditionnellement. L’un est celui qui est mis en œuvre dans tous les pays socialistes, ou dits socialistes, de l’Est, et qui revient à donner à l’entreprise le rôle d’une unité de production au sens technique du terme. La forme de planification est parfaitement et totalement impérative, et, en dépit des réformes qui ont pu être mises en place à partir du début des années 1960, le rôle de la planification monétaire est tout à fait secondaire. D’autre part, il existe des planifications « à la française », — peut-être a-t-on du mal à l’heure actuelle à parler encore de planification, dans le cas de la France — et cette planification a pour rôle de définir de façon assez globale l’orientation de la société. On a parlé à son propos d’une étude de marché généralisée, et si je puis me permettre une simple référence théorique, il s’agirait au fond de définir un commissaire-priseur à la Walras, mais qui aurait chaussé les lunettes de l’avenir.
5Nos propositions à nous sont tout à fait originales puisqu’elles donnent au plan plusieurs caractéristiques essentiellement différentes de celles que je viens de développer. Première caractéristique : le plan français serait, je dis bien serait, exhaustif, c’est-à-dire qu’il couvrirait l’ensemble des branches industrielles et commerciales. Deuxième caractéristique : il comprendrait une partie impérative, dite le noyau dur, qui s’appuierait principalement sur le secteur public, mais ce noyau aurait essentiellement la forme de relations contractuelles entre les entreprises publiques ou quelques entreprises privées et l’Etat (le Commissariat au Plan ou le Ministère du Plan).
6D’autre part, il devrait exister à côté une planification de type plus indicatif, ce qui maintient bien évidemment un rôle essentiel au marché, et pour laquelle nous verrons que les procédures employées sont des procédures fondamentales incitatives.
7En conclusion, je dirais qu’en termes théoriques cette conception et cette philosophie du Plan ne se réfèrent ni à la « Critique du programme de Gotha », ni à un modèle de type Oscar Lange, mais bien plus à un modèle de type Brus, avec ce qu’on appelle une structure d’aboutissement, une volonté de définir des croissances différenciées des différentes branches et un fonctionnement réglementé de la loi de la valeur. Ceci me permet aussi de dire que nous continuerons à fonctionner, espérons pour peu de temps, dans un système qui sera essentiellement capitaliste.
8Dans un deuxième temps, je voudrais essayer de préciser ce que peuvent être les rapports du plan et du marché dans cette conception. Je crois que pour étudier les rapports du plan et du marché, il faut se séparer des perspectives théoriques et essayer de parler de façon très concrète.
9Pour nous, l’économie française, la France d’aujourd’hui, ne relève pas d’une économie de marché au sens où les libéraux l’entendent, et ceci pour un certain nombre de raisons. Il s’agit bien plus d’un système capitaliste concentré et hiérarchisé, vision peut-être que l’on pourrait rattacher sans doute à une perspective de type néo-keynésien.
10Quels sont les arguments qui nous permettent de dire que nous ne sommes pas dans une économie de marché ? Ce sont des arguments que nous développons traditionnellement.
111. Un marché se définit de la façon suivante : lorsque la demande baisse, par exemple, les prix baissent. Ceci n’est plus le cas dans une économie comme la nôtre. On cite toujours l’exemple de l’industrie automobile ces dernières années : lorsque la demande a baissé, on a vu les prix augmenter, ce qui paraît en contradiction avec le fonctionnement d’une économie de marché. L’explication est simple : nous nous sommes définitivement éloignés d’un fonctionnement concurrentiel du capitalisme, qui a laissé place à une régulation principalement faite par de grandes firmes monopolistiques. D’où le rôle essentiel de la stratégie du maintien du taux de profit de ces firmes en période de dépression. C’est ainsi que les lois élémentaires du bon fonctionnement d’un marché ne sont plus respectées.
12Et ceci me permet d’ailleurs de dire que, dans cette perspective, ce qu’on appelle le dilemme inflation-chômage perd quelque peu de sa signification, puisque le dilemme inflation-chômage est directement relié à cette conception d’une économie de marché et qu’au fond on comprend bien, à travers son disfonctionnement, que nous soyons dans une situation où il y ait à la fois du chômage de façon croissante, à la fois de l’inflation de façon croissante (disons au moins de façon stationnaire). Il faudrait donc remplacer, dans cette perspective-là, le dilemme inflation-chômage par une sorte de « trilemme » entre l’inflation, le chômage et les problèmes de rentabilité du secteur capitaliste, disons des grandes entreprises.
132. Deuxième caractéristique qui nous permet de dire que cette économie n’est plus une économie de marché : dans un nombre croissant de secteurs, on s’aperçoit que de multiples entreprises sont dans des situations à la fois précaires et subordonnées, c’est tout le secteur de la sous-traitance, ce qui est aussi en contradiction formelle avec la conception de la concurrence et du marché.
143. Troisième chose : les prix, du moins pour le cas français, ne sont jamais débattus sur un marché où producteurs et consommateurs s’affronteraient, mais les prix sont l’expression tout à fait précise du rapport de force entre industriels et l’appareil d’Etat.
15Enfin un nombre croissant de secteurs se trouvent exclus du marché : ce sont ceux que la théorie économique regroupe dans le secteur des biens collectifs, qui représente une part croissante de la production nationale, et puis tous les secteurs qui sont sous forme de monopole (concurrence monopolistique) même si au niveau international — et c’est une difficulté qu’il ne faut pas négliger — ils se trouvent effectivement dans un état de concurrence.
16Quelles sont, par rapport à ceci, nos propositions ?
17Nos propositions sont — je vais peut-être vous surprendre en vous le disant — de redonner au marché son rôle de fixation des prix et d’expression de la demande. Mais ceci m’amène immédiatement à dire que pour nous les prix ont deux significations différentes. Ils ont une première signification que je pourrais appeler signification d’information-décision, et qui est effectivement celle de déterminer sur un marché quels sont les produits qui sont demandés, le prix auquel ils doivent être vendus. Et puis, les prix ont un second rôle qui est celui de déterminer l’évolution de la croissance d’un pays, et donc de déterminer fondamentalement la répartition des investissements dans ce pays. C’est une fonction que l’on pourrait qualifier de régulation, ce que d’autres appellent l’évolution d’un système en termes de péréquation du taux de profit.
18C’est la première fonction des prix que nous souhaitons voir se développer. Comment séparer ces deux fonctions ? Nous envisageons de les séparer en donnant à la planification le rôle essentiel de fixer ce qu’on peut appeler les modes de production ou les techniques de production, et en laissant au marché celui de la définition du produit. Fixer les modes de production, cela signifie que la planification jouera le rôle de décideur, à travers des procédures contractuelles, pour ce qui concerne l’emploi, l’investissement, l’utilisation plus ou moins grande de biens d’équipement importés, etc... mais ne jouera en aucun cas le rôle de définition des produits proprement dits, à l’exception bien entendu de la production hors-marché, c’est-à-dire la production des biens collectifs. Pour nous donc, la dynamique d’une économie planifiée, ce serait bien évidemment tenter de multiplier des contrats à long terme avec l’ensemble du secteur productif portant sur les modes de production.
19Ceci vous ayant précisé ce que nous entendions par plan et par marché, il faut maintenant justifier nos propositions en termes de nationalisation. La justification première de la nationalisation sur un plan politique, c’est de modifier la légitimité du pouvoir dans un secteur important des entreprises françaises. Mais ce n’est pas sur ce plan que je me fonderai pour justifier ces nationalisations.
20J’essaierai de les justifier à partir d’une explication plus proprement économique. Cette explication se réfère très précisément à celle que l’on peut donner de la crise (c’est une explication qui est reprise par beaucoup de gens mais qui n’est pas officiellement la position des partis de gauche). Pour nous, pour de nombreux auteurs, la crise s’explique essentiellement par un accroissement, à partir du début des années 1960, de la concurrence internationale qui a entraîné dans l’ensemble des pays capitalistes développés une substitution accrue du capital au travail, ce qui a eu toute une série de conséquences, dont l’apparition du chômage, dès le début de l’année 1965, dans de nombreux pays capitalistes ; substitution du capital au travail qui a supposé un endettement croissant de l’ensemble des entreprises donc l’apparition de charges financières très importantes qui se sont en fait retrouvées au niveau de la fixation des prix par le secteur productif ; enfin, hausse par la même occasion du prix des biens de production. Cet ensemble de phénomènes a entraîné une baisse du taux de profit (j’y reviendrai), des phénomènes d’inflation, des phénomènes de chômage.
21D’excellentes études faites par les administrations françaises, en particulier par la Direction de la Prévision et l’I.N.S.E., nous permettent à ce niveau-là d’avoir des références statistiques tout à fait précises. Je reviens sur la baisse du taux de profit que j’ai peut-être indûment placée dans une chaîne causale : la baisse du taux de profit venait aussi du retournement, que l’on constate dans l’ensemble des pays capitalistes, de la productivité apparente du capital, disons entre 1965 et 1970, ce qu’on pourrait appeler une sorte d’épuisement des gains de productivité qui n’a pas contrebalancé l’accroissement des charges financières lié à cette substitution du capital au travail.
22Donc, on a le sentiment, qu’il s’agit bien d’une crise de structure, et qu’on ne sortira pas aisément de cette crise — comme le disait le Professeur Jacquemin tout à l’heure — qui n’en est encore qu’à ses débuts.
23Quelles propositions peut-on faire par rapport à cette situation et pourquoi essayer de proposer des réformes en termes de nationalisation ? Je crois pour ma part que les économies occidentales auront, pendant un temps encore assez important, à fonctionner avec un taux de profit qui sera beaucoup plus faible que précédemment, disons que pendant le début de la décennie 1960, ou du moins encore depuis plus longtemps, depuis la fin de la dernière guerre mondiale. Je crois profondément que seule une économie planifiée peut faire fonctionner une économie avec un taux de profit qui est relativement faible. Ceci signifie très simplement que les nationalisations, les entreprises nationalisées, donc le secteur public, peuvent avoir, non seulement au niveau du secteur public mais aussi au niveau de tous les secteurs qui sont à la fois en amont et en aval de ce secteur public, une politique de développement des investissements et de création d’emplois en n’ayant pas comme seule référence les profits réalisés. Ceci signifie qu’il s’agit là bien de socialiser l’investissement et que la meilleure forme pour nous de socialisation de l’investissement, c’est la prise de contrôle d’un secteur important et, à partir de ce secteur, pouvoir relancer une politique d’investissement et d’emploi massive. C’est aussi, à partir de ces nationalisations, qui représentent en fait une large partie des secteurs de base, que nous envisageons de maintenir les prix à des niveaux raisonnables. Je crois que ce sont bien là les deux réponses que nous envisageons d’apporter pour l’inflation et pour le chômage ; c’est à travers une politique de nationalisation que nous envisageons de résorber une partie du chômage et de limiter l’inflation.
24Pour quelles raisons vouloir nationaliser aussi le reste du système de crédit ? (Comme l’a fort justement dit mon prédécesseur, 70 % du crédit à l’heure actuelle en France sont distribués par des entreprises nationalisées).
25Tout simplement parce que si vous envisagez de relancer des investissements de façon massive sans avoir au préalable déterminé une épargne suffisante, en partie une épargne des entreprises, c’est-à-dire un autofinancement suffisant, c’est-à-dire une masse de profit suffisante, il va falloir en fait créer le crédit qui servira à relancer. La raison, à mon avis essentielle, pour laquelle nous souhaitons nationaliser le crédit, c’est qu’une politique financière tout à fait dangereuse, il faut le reconnaître, consisterait à créer un crédit très important ne correspondant pas à des profits ou à une épargne sans planifier ces flux financiers ; bien au contraire, ce type de relance suppose un contrôle, une planification financière très stricte, et, à notre sens, la nationalisation du reste du secteur de crédit, et en particulier, ce qui nous intéresse le plus, c’est-à-dire ce qu’on appelle les holdings financiers, essentiellement pour la France, Suez et Paribas.
26Je ne reviendrai pas sur la liste des nationalisations que nous envisageons de faire, ni sur l’ensemble du secteur financier que nous envisageons de nationaliser.
27Concrètement, quels types de planifications envisageons-nous de mettre en œuvre ? Nous envisageons de mettre en œuvre un plan quinquennal qui définirait pour l’ensemble du secteur productif les objectifs sectoriels et globaux, c’est-à-dire le taux d’investissement productif, global et par branche, la croissance de l’emploi et de la productivité par branche, le partage de la valeur ajoutée, la croissance du pouvoir d’achat, l’éventail des salaires par branche, etc... Bien entendu, y sont intégrés aussi les plans dits quinquennaux des entreprises qui feront partie du secteur public.
28A mon second niveau, plus détaillé, doivent être élaborés des plans annuels, qui permettent de préciser la réalisation du plan quinquennal. En fait, ce qui est le plus important dans ce projet de planification, c’est le caractère décentralisé et donc essentiellement incitatif de sa mise en œuvre. Pour cela, l’idée serait de définir des normes-guide qui sont la définition des plages d’autofinancement souhaitables, des plages de hausses de salaires souhaitables, etc..., et c’est le respect ou non de ces normes-guide qui permettront alors de définir une politique sélective du crédit, c’est-à-dire de favoriser les entreprises qui correspondraient à peu près à ce qui apparaît souhaitable pour la collectivité. Je donne un détail supplémentaire qui, je crois, n’est pas négligeable : on peut imaginer qu’au plan quinquennal soit associé ce qu’on pourrait appeler un cheminement indicatif qui détermine, année par année, l’évolution des principaux agrégats par branche. On peut aussi imaginer que chaque année le plan, en fonction de l’évolution internationale et en fonction des comportements du marché, détermine ce qui lui paraît être l’évolution la plus probable de l’économie pour les deux années à venir. Et ce serait la confrontation du cheminement indicatif et de cette sorte de simulation de l’évolution économique pour les deux années à venir qui permettrait de déterminer l’évolution de toutes ces normes-guide ou de tous ces indicateurs qui seront l’élément essentiel de la planification pour l’ensemble du secteur public qui représentera 15 % de la production.
29Dans un deuxième temps, j’en viens à deux réflexions sur ce que pourrait être plus concrètement le fonctionnement des entreprises dans ce système. Quels seront les rapports entre les entreprises et le Ministère du Plan ou l’ensemble des administrations économiques ? Je crois qu’il faut distinguer un certain nombre de groupes d’entreprises qui auront des rôles essentiellement différents. Pour ma part, j’ai distingué trois groupes d’entreprises :
- Premier secteur : le groupe d’entreprises planifiées qui peut être défini comme étant formé à partir des secteurs de base. Le financement public pour ce secteur est très important. Ces secteurs sont largement monopolistiques. Dans ce secteur planifié, la plus large part reviendra aux entreprises nationalisées, pas toutes peut-être et pas exclusivement. Ceci signifie que, en gros, ce sera le secteur public, mais on peut y mettre aussi un certain nombre d’entreprises privées et en détacher un certain nombre d’entreprises publiques. Voici quelques exemples : l’énergie, les transports, les télécommunications, l’aéronautique, la sidérurgie, l’industrie pharmaceutique (dont une large part appartiendra encore au secteur privé), les constructions navales, etc.
- Deuxième secteur : un secteur mixte. Ce secteur est constitué essentiellement de grandes entreprises ou de branches constituées de petites entreprises. Ce secteur a la double caractéristique d’être à la fois confronté à une concurrence internationale vive et de ne pas être un secteur de base tout en représentant cependant, au niveau par exemple des investissements, certains objectifs du Plan. Pour ce secteur (par exemple, la chimie, le textile, l’automobile, les biens d’équipement ménager...), trois solutions peuvent être offertes : ce secteur aura la possibilité, soit d’établir des rapports contractuels avec le Plan, soit d’avoir des relations de type contractuel pour certains aspects, soit par d’autres relations parfaitement libres, c’est-à-dire parfaitement indépendantes. Pour le contrat, cela rejoint le premier secteur, c’est-à-dire qu’il souhaite s’insérer, avec toutes les garanties que cela représente, dans une perspective plus planifiée. Pour ceux qui souhaiteraient avoir le moins possible de rapports avec l’Etat, il y aurait quand même un certain nombre d’interventions étatiques au niveau, en particulier, de la définition des investissements et de l’emploi, c’est-à-dire qu’un certain nombre d’investissements seraient déterminés de façon conjointe par ces secteurs et par l’Etat. Quels peuvent être les critères de séparation entre des investissements qui sont décidés unilatéralement par ces entreprises et des investissements décidés de façon conjointe ? C’est tout simplement le montant, l’importance, le fait que ces investissements sont subventionnés ou non par l’Etat, donc qu’ils font appel ou non. à un financement public.
- Troisième secteur : il comporte essentiellement des petites entreprises (par exemple, les services, le commerce, etc.) qui, en fait, ne représentent pas d’objectifs essentiels pour le Plan et qui, elles, auront toute latitude pour déterminer leurs investissements, les prix, etc.
30J’ai rapidement ébauché ce qu’était la politique des investissements : pour le premier secteur, les investissements seront non seulement décidés de façon contractuelle par le Plan et les secteurs, mais ils feront partie du plan quinquennal de l’Administration. Pour le deuxième secteur, il y a partage, enfin, pour le troisième, autonomie totale.
31Pour les prix, il y en aura aussi plusieurs types : des prix dits fixés, des prix dits variables (c’est-à-dire qui disposent d’une plage d’évolution), puis des prix parfaitement libres. Le critère essentiel, transversal à ces trois groupes d’entreprises, est celui de l’importance de ces prix et de la diffusion de ces prix. Par exemple, le premier secteur qui produit essentiellement des biens de base a, quand il détermine ses prix, un rôle essentiel dans l’évolution de l’ensemble des prix, puisque ses prix interviennent en termes de coûts de production pour une très large partie du reste des productions. Donc il faut séparer ce qui est prix essentiel, qui intervient en termes de coût de production dans un très grand nombre de productions, et ce qui est de l’ordre de prix qui doivent être déterminés sur le marché, avec toujours la possibilité, comme dans n’importe quelle administration de nos pays, d’un blocage des prix s’ils évoluent de façon dangereuse.
32Je voudrais terminer sur un point important concernant les choix de l’entreprise, c’est-à-dire sur l’emploi, et dire à cet égard que la politique explicitement indiquée dans le programme commun de gouvernement des partis de gauche est celle de permettre toute forme de licenciement à condition qu’il y ait en contrepartie, celle-ci étant mise en œuvre par l’Inspection du Travail ou par des collectivités locales, une possibilité claire de reclassement. La procédure pourrait tout simplement être celle de faire précéder toute décision de licenciement collectif par l’entrepreneur par un examen des propositions par le comité d’entreprise qui aura ainsi un rôle effectivement très important ; face à un conflit, l’arbitrage doit être proposé par l’Inspection du Travail qui, soit propose un plan de redressement et peut-être un abandon de la procédure de licenciement, soit un reclassement. Il y a ainsi association directe entre la possibilité de licencier et la nécessité de reclasser, et ceci, bien évidemment, dans des conditions équivalentes.
33Ce dernier exemple, si important dans cette période de crise, me paraît très significatif des nouveaux rapports qu’une planification socialiste pourrait instaurer entre les entreprises et l’Etat : la plus grande décentralisation et liberté de décision compatibles avec les objectifs de la planification et, plus généralement, avec les objectifs politiques et sociaux de la collectivité.
Auteur
Professeur à l'Université Paris XIII
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