Précédent Suivant

L’État et l’entreprise privée : concertation ou corporatisme ?

p. 3-20


Texte intégral

1Au cours des dernières années, les règles d’organisation de nos économies décentralisées se sont considérablement transformées, ces transformations étant étroitement liées aux modifications de la nature et du comportement des agents économiques privés.

2L’objet de ce rapport introductif est d’analyser un aspect essentiel de ces changements. D’une part, le processus de concentration des entreprises a abouti à la constitution de pouvoirs économiques privés capables de mettre en œuvre leur propre planification ; d’autre part, les pouvoirs publics ont été amenés à compléter leur recours aux procédés d’inspiration unilatérale par des procédés d’inspiration contractuelle, à travers lesquels ils se présentent comme des partenaires vis-à-vis des puissants agents économiques privés.

3Nous examinerons successivement le phénomène de la concentration des entreprises et certaines de ses conséquences (section I), le développement corrélatif de la concertation économique entre pouvoirs publics et pouvoirs privés (section 2), les dangers de l’économie concertée (section 3) et enfin certaines possibilités de contrôle dans notre type d’organisation économique (section 4).

I. Concentration des entreprises et planification privée

4Contrastant avec l’hypothèse du modèle concurrentiel qui suppose l’existence d’un grand nombre de centres de décision économique, tel qu’aucun ne puisse exercer un contrôle sur le prix, il apparaît que dans la plupart des branches de la production, il existe des entreprises de grande dimension qui occupent une part importante du marché.

5En outre, les entreprises ont été amenées à se diversifier, tant au niveau de leurs produits qu’au niveau géographique. Cette diversification permet des stratégies qui transcendent la discipline de chaque marché et de chaque pays et est susceptible d’augmenter le contrôle de l’activité manufacturière globale par une poignée de grandes sociétés. La multiplication des fusions nationales qui sont les plus fréquentes au niveau des très grandes entreprises a encore accentué le phénomène. Il apparaît donc que le poids grandissant des firmes principales au sein des différents secteurs industriels est confirmé par leur position dominante au niveau de l’économie globale.

6Soulignons que les informations disponibles sous-estiment l’importance du mouvement, en ce sens que le tissu industriel européen est basé sur des connections qui ne se reflètent pas facilement dans les statistiques : prises de participation de contrôle, échanges d’administrateurs, accords de cartels sont autant de formes de concentration malaisées à détecter et que cachent les structures apparentes de sociétés juridiquement indépendantes.

7Le regroupement des activités aboutit alors à la constitution d’un nombre réduit de pôles de décision capables d’exercer un contrôle de l’activité économique et de réaliser des collusions.

8Ces centres de décision jouent un rôle d’autant plus essentiel qu’ils acquièrent une dimension multinationale. Il ne peut qu’en résulter une modification des rapports avec l’Etat.

II. Du dirigisme à la concertation

9Au niveau des pouvoirs publics, le dirigisme économique a joué et joue encore un rôle important dans nos sociétés industrielles.

10Au delà de la révolution keynésienne, la manifestation la plus nette de ce courant a été la planification à moyen terme qui substitue aux mécanismes spontanés du marché l’organisation délibérée de la vie économique. La « main visible » de l’Etat remplace la « main invisible » que A. Smith a glorifiée et qui, dans un monde de petites unités où régnerait la concurrence parfaite, assurerait la convergence des intérêts privés vers l’intérêt général. C’est en 1946 que fut approuvé le premier plan français ; c’est en 1947 que fut constitué aux Pays-Bas le « Centraal Planbureau ». Les exemples français et hollandais ne seront suivis que beaucoup plus tard par d’autres pays à économie décentralisée : en 1959 par la Belgique, en 1962 par l’Espagne, en 1964 par l’Italie.

11Néanmoins, après la période d’euphorie et de croissance qui succéda à la seconde guerre mondiale et où la nécessaire reconstitution de l’appareil productif facilitait le recours aux instruments de la planification, le plan a peu à peu perdu son prestige dans les économies de type décentralisé et on est de plus en plus passé d’une planification impérative à une planification indicative. Corrélativement, les procédés de la décision administrative unilatérale se sont révélés des instruments de direction économique insuffisants, par suite notamment de la difficulté de prévoir valablement l’évolution économique et l’impossibilité de la contrôler sans le consensus des grands groupes privés. Evoquant l’expérience de la planification britannique des années 1962 à 1964, A. Shonfield note qu’elle « a revêtu des formes essentiellement corporatistes, en déplaçant le centre des décisions en matière de politique économique, du Parlement vers une autre enceinte dans laquelle les représentants des principales organisations économiques délibèrent en secret »1.

12Cette approche s’exprime le plus nettement dans les efforts faits pour élaborer une politique de rapprochement et de coopération des entreprises, la concentration qui en résulte ne pouvant qu’aboutir au dialogue entre ceux qui détiennent le pouvoir économique.

13Ainsi, en France, en Grande-Bretagne et dans le Benelux, sans parler de l’Italie où l’imbrication entre le public et le privé est la plus poussée, se développent des initiatives visant à mettre sur pied des accords individualisés de planification entre l’Etat et l’industrie. Dans son livre blanc intitulé The Regeneration of British Industry (1974), le gouvernement britannique déclare que « le cœur du système proposé est une série de consultations entre le gouvernement et les sociétés, amenant à un accord sur les plans pour les trois années suivantes. Au cours de ces consultations, le gouvernement estimera avec la société ses besoins d’assistance pour soutenir et renforcer les plans de la société sur lesquels il y aura eu accord ».

14On assiste donc à une réduction progressive des techniques de commandement au profit de diverses formes d’économie concertée. La contrainte publique a cédé la place à des méthodes plus souples et plus adaptables, où l’autorité publique est appelée à négocier pour assurer son influence. Comme le souligne R. Henrion, l’existence de groupes professionnels intermédiaires fortement structurés s’interposant entre le pouvoir central et les assujettis, la présence de groupes de sociétés nationales, et surtout depuis une dizaine d’années, internationales, la multiplicité d’entreprises ou d’institutions d’économie mixte, font que l’autorité n’est qu’un des modes d’influence dont dispose le Pouvoir2. Ce développement de l’économie concertée a été interprété comme une renaissance de la liberté économique, coïncidant avec le déclin de l’action proprement réglementaire. On a pu y voir une voie nouvelle entre un socialisme autoritaire et un « laissez-faire » trop anarchique. Un droit négocié tend à prendre la place d’un droit imposé et les intérêts privés rejoignent l’intérêt général pour créer une forme nouvelle d’organisation de l’économie. Ainsi que l’écrit Ch. del Marmol, « nous sommes entrés, sur le plan des rapports entre l’Etat et les agents économiques, dans une phase de concertation structurée institutionnalisée par des accords consacrant une politique d’intervention des pouvoirs publics »3.

15Cette concertation, qui se distingue de la consultation en ce sens qu’elle se situe au stade de l’élaboration même de la décision4, se réalise au niveau global (aspect macroéconomique), au niveau de la branche d’activité (aspect sectoriel) et au niveau de l’entreprise (aspect microéconomique).

16Ainsi, on trouve le processus de concertation dans les comités nationaux où se rencontrent les représentants patronaux, syndicaux et gouvernementaux (cas du Comité national d’expansion économique en Belgique) et où se négocient des accords sociaux ; on le trouve au niveau des divers comités sectoriels chargés de réglementer certains secteurs clés de l’économie, tels le gaz et l’électricité, la sidérurgie, l’industrie pétrolière, où pour diverses raisons (sécurité d’approvisionnement, économies d’échelle, effets externes,...) les mécanismes du marché sont jugés insuffisants pour réaliser les objectifs fixés ; il se manifeste enfin dans les multiples contrats conclus, en matière économique, entre les Pouvoirs publics et les entreprises privées.

17Cette évolution n’est cependant pas sans danger et ceux-ci n’ont pas été suffisamment soulignés.

III. Les pièges de l’économie concertée

18De multiples déficiences sont susceptibles d’handicaper le fonctionnement de l’économie concertée.

191. En premier lieu, la concertation poussée à l’extrême peut devenir une méthode de non gouvernement qui aboutit à « un Etat démantelé dans son être qui se trouve assailli du dehors par les mille coalitions d’intérêts privés : groupes économiques, syndicats, agents publics eux-mêmes »5.

20Cette évolution diffère nettement de la perspective marxiste orthodoxe. Selon un récent traité marxiste d’économie politique6, « l’Etat tend à devenir un élément majeur, indispensable à la reproduction du capital, non seulement par son rôle institutionnel et politique, mais par l’action immédiate qu’il exerce sur la formation des profits monopolistes. L’Etat intervient maintenant directement comme l’organisateur du mode de production capitaliste ». En fait, l’Etat doit être considéré, non pas tant comme organisateur tout puissant, manipulant d’en haut l’économie, mais comme étant de plus en plus imbriqué dans les contradictions économiques et sociales. « Il balance entre les monopoles et les secteurs non monopolistes, entre une intégration encore plus poussée au marché mondial et une défense systématique des industries nationales, entre la déflation et l’inflation. Il est entraîné dans une sorte de fuite en avant par des processus qu’il ne contrôle pas et même qu’il ne prévoit pas. C’est pourquoi il ne faut pas s’étonner si les difficultés que doivent affronter les grands Etats contemporains relèvent pour une bonne part d’une crise de direction ; les équipes dirigeantes se révèlent incapables de définir fermement leurs orientations et de s’y tenir afin de permettre à l’Etat de jouer son rôle de capitaliste collectif en idée »7. La crise est une illustration du phénomène dans la mesure où elle révèle la faiblesse de l’Etat national qui, au-delà de son discours auto-justificateur, se montre subordonné aux forces extérieures de la régulation économique et doit fréquemment se contenter de prises de décision en catastrophe sous la pression des circonstances. Il en est ainsi de la multiplication des interventions ponctuelles et dispersées qui se développent au fur et à mesure des revendications sociales de toute nature dont la sommation provoque de graves pressions inflationnistes dans la mesure où l’écart grandit entre les revenus issus de l’activité productrice et les exigences des groupes organisés. C’est ce que confirment les analyses de P. Grémion qui écrit : « Au moment où l’Etat est ressenti comme un appareil (et théorisé de plus en plus comme tel), assurant un contrôle unitaire et uniforme, le moindre des paradoxes n’est pas de mettre en évidence l’extraordinaire fragmentation de cet Etat... L’intégration dont était capable l’appareil territorial, centré autour du préfet, dépendait très largement d’un type de structuration de l’environnement stabilisé à travers les réseaux notabiliaires qui permettaient l’exercice d’un jacobisme apprivoisé.. La nouvelle « centralisation » qui succède à l’administration locale républicaine est de plus en plus fondée sur les collectivités locales dont les élus sont appelés à jouer un rôle de plus en plus important (alors que décroît le rôle des parlementaires représentant la volonté générale), pour pacifier la jungle corporatiste dont l’administration est devenue partie intégrante et qu’elle n’arrive plus à dominer »8.

212. En second lieu, la concertation peut aboutir à créer des situations privilégiées, selon la force des parties en présence. D’une part, elle favorise le dialogue avec les agents économiques puissants. Ainsi, au niveau microéconomique, les grandes entreprises sont capables d’obtenir des interventions discriminatoires. Subventions, prêts à taux réduits, exemptions fiscales, réglementations financières, adjudications de travaux publics, encouragement à la recherche, autant d’instruments qu’une entreprise importante au niveau de la collectivité peut infléchir en sa faveur. Il est, par exemple, évident que le directeur d’une société privée qui est le principal employeur dans une ville ou dans une région pourra traiter avec les autorités publiques locales, non comme un citoyen mais comme une puissance quasi-souveraine : les taxes, les lois de zoning, les routes et choses semblables deviennent l’objet de négociations aussi bien que de législation9.

22En contraste, les petites et moyennes entreprises, les industries peu concentrées, les consommateurs ou le simple citoyen, n’ayant pas le même poids, risquent d’être l’objet de moins de sollicitude et de se voir davantage soumis à l’action unilatérale des Pouvoirs Publics.

23La traduction juridique de cette situation est que la nature du droit mis en œuvre dans les relations entre les Pouvoirs Publics et les agents privés varie selon le poids de ces derniers. Lorsque l’Etat est confronté aux grandes entreprises, nationales ou multinationales, ou aux syndicats, il recourt à des formules de concertation et de coopération. Lorsqu’il s’agit d’une confrontation avec les agents privés de moindre dimension, le pouvoir réglementaire tend à s’imposer sans contre-poids et sans recours organisé. Risquent alors de se développer divers types de droit économique, un droit économique « à la carte » étant réservé aux puissants10.

243. En abandonnant une partie de son pouvoir souverain, l’Etat devient un partenaire et entre dans une relation de négociation dont l’issue dépend du rapport des forces. Il n’est donc pas exclu que les pouvoirs privés plus puissants soient souvent capables d’imposer leurs vues. Il se peut que ce ne soit pas la volonté de l’Etat qui soit « médiatisée » par l’action des corps intermédiaires, mais l’inverse. Comme l’a observé M. Vasseur, les déformations techniques amènent à se demander « si le recul du règlement ne correspond pas à un déclin de l’Etat, de sa force, de son autorité, de son pouvoir d’imposer, lié à l’apparition de nouveaux centres de décision ; entreprises, professions, syndicats qui ont pris conscience de leur propre force, ont accédé à une relative égalité par rapport à l’Etat, et en sont venus en fait à partager avec lui le pouvoir économique »11. Les organisations administratives entrant dans un jeu de marchandage risquent d’être souvent plus influencées qu’elles n’influencent, dans la mesure où elles perdent le support de la règle.

25Comme le suggèrent F. Jenny et A.P. Weber, c’est notamment le cas pour les relations avec les grandes entreprises concentrées : « Suscitant des monopoles de toute nature, l’administration se place dans la situation où le processus de concertation constitue le point de passage obligé par l’intermédiaire duquel il lui est possible d’étendre le champ de ses responsabilités. Obnubilée par son rôle apparent, elle mésestime la faculté des entreprises, qu’elle entretient dans une situation de dominance, à profiter à son insu de la puissance qui leur est conférée. Ironiquement, les industries les plus contrôlées, comme le pétrole, la pharmacie, le verre, la sidérurgie, sont également celles pour lesquelles les comportements nuisibles à la collectivité sont le plus fréquemment notés »12.

26Un exemple particulièrement éclairant est celui de l’importance croissante des subsides par l’Etat à certaines grandes entreprises privées. Par ces subsides, se crée un véritable transfert de revenus des contribuables vers certains producteurs ou de l’ensemble des entreprises (par l’impôt sur les sociétés) vers certaines d’entre elles13.

27Or, il n’existe guère de garantie que cette réallocation politique des ressources soit guidée par l’intérêt général et non par des groupes d’intérêts particuliers. Ce sont pourtant l’ensemble des citoyens et l’ensemble des entreprises qui, à travers la taxation, supportent les résultats de la gestion de ces firmes subsidiées. Il s’agit là d’une socialisation occulte qui impose à chaque citoyen une « part » dans la propriété d’une entreprise, part qui ne peut être ni échangée ni vendue, sinon à travers une hypothétique action politique. Cette socialisation sera d’autant plus malsaine que les moyens d’information et de contrôle seront défaillants.

284. La concertation entre pouvoirs publics et pouvoirs privés est aux antipodes d’un système concurrentiel où l’Etat veille au maintien de la liberté de choix des utilisateurs et des consommateurs, ce qui implique le maintien de l’incertitude pour les producteurs. En s’enfonçant dans une organisation où les agents économiques, les cadres, dirigeants et salariés tendent vers une « fonction publique généralisée », il y a un danger que cette concertation n’amène à rechercher exagérément la stabilité et la sécurité aux dépens de la prise de risque inhérente à un système économique décentralisé. Il faut notamment éviter que les Pouvoirs Publics, avec leurs aides, leurs commandes, leurs systèmes tarifaires, leurs choix d’infrastructure, s’allient aux entreprises privées qui se limitent aux investissements de rationalisation et qui s’obstinent dans les industries de base, évitant la nécessaire réallocation des ressources vers les industries nouvelles, basées sur la science et à forte valeur ajoutée, les biens d’équipement et les services élaborés.

29Une symbiose de la planification publique et de la planification privée, si elle est susceptible d’atténuer les fluctuations de l’activité économique, risque de supprimer un ressort important du dynamisme du système basé sur la mobilité des ressources, l’adaptation rapide au changement et la recherche de l’innovation. D’ores et déjà, les analyses statistiques des grandes entreprises européennes suggèrent que, contrairement aux affirmations de L. Stoleru, les performances de ces entreprises ne sont pas supérieures à celles des moins grandes : au delà d’un seuil, une augmentation de taille ne favorise ni la rentabilité, ni la croissance, ni la recherche. Par contre, elle favorise des performances plus régulières. L’intérêt de la grande entreprise ne résiderait pas dès lors dans son efficacité statique, mais dans sa capacité de régulation et de stabilisation entre l’Etat d’une part, et les agents économiques moins importants d’autre part14.

305. Si la concertation peut réduire le risque des activités économiques, les formes juridiques nouvelles qui en naissent sont la source d’une insécurité juridique accrue. Il est sans doute admis qu’un pouvoir souverain peut mettre efficacement dans la balance contractuelle ses prérogatives de souveraineté si par exemple son sujet accepte d’y mettre ses prérogatives d’entrepreneur autonome. Mais il n’est pas possible de considérer les divers types d’accords (quasi-contrats du plan, agréments fiscaux, contrats de stabilité) qui concrétisent la concertation comme étant identiques à une situation contractuelle purement privée15. On imagine mal l’Etat assignant une entreprise en exécution d’un quasi-contrat ou une entreprise assignant en responsabilité l’Etat qui n’aurait pas, contrairement à un accord, procédé à un blocage des prix. Les conséquences du non-respect des promesses échangées doivent dès lors se situer à un niveau para-juridique, social ou politique : discrédit jeté sur l’Etat, mise à l’index des entreprises manifestant une mauvaise volonté.

31Outre les procédés « contractuels », la concertation favorise le recours à des formes d’actes juridiques de plus en plus dégradées, telle que la directive ou la circulaire. Au sein même de l’exécutif, la délégation de pouvoirs et de signatures est une pratique fréquente et des textes importants ne sont pas signés par le ministre. En outre, les normes adoptées sont de moins en moins générales et permanentes, laissant un pouvoir discrétionnaire considérable aux négociateurs. Cette situation aboutit également au déclin du contentieux judiciaire car les critères d’un recours ou d’un jugement font de plus en plus défaut : la transaction remplace le procès. Tous ces éléments contribuent à aggraver la nature instrumentaliste du droit économique.

32Bien plus, la concertation tend au cours des dernières années, à prendre la forme de négociations informelles, en dehors de tout cadre juridique. Ces « rencontres » entre interlocuteurs sociaux sont souvent préférées, tant par les représentants des travailleurs qui y voient le moyen d’éviter une intégration dans les structures institutionnelles du système, que par les entreprises qui y voient un élément du secret des affaires et par l’Etat qui y trouve la possibilité d’éviter la lourdeur croissante des mécanismes officiels de concertation. Un corollaire est l’impossibilité d’une information valable de l’ensemble des citoyens et d’un contrôle démocratique des engagements pris. On touche ici les dangers inhérents à une « déjuridication » de l’organisation sociale ou à l’établissement d’un régime de « non-droit ». Un concept connu depuis le XVIe siècle, à savoir celui d’anomie exprime bien cette idée. « Il caractérise la situation des individus lorsque les règles sociales traditionnelles intériorisées qui guident leurs conduites et leurs aspirations, perdent leur pouvoir, sont incompatibles entre elles ou lorsque, minées par les changements sociaux, elles ont vieilli et doivent céder la place à d’autres qui ne sont pas encore accréditées. »16. Comme l’écrit M. Boudon17, les phénomènes d’anomie sont surtout caractéristiques des périodes de développement économique intense, de crise politique ou de crise économique. Dans ces situations de changement rapide, les désirs des individus ne sont plus bornés par des règles spontanément acceptées. La société n’exerce plus sa fonction de régulation et l’univers de la règle cède la place à la confusion.

33Mais la confusion n’implique pas la vacuité. Se manifeste au contraire une multiplication des mécanismes du pouvoir, jouant dans l’interstice des lois. Une telle multiplication est d’autant plus dangereuse que ces mécanismes sont souvent plus efficaces, plus contraignants et moins contrôlables que ceux placés sous le signe visible de la loi. Si la règle de droit n’a pas toujours la fonction égalitaire espérée et reflète souvent les rapports de forces, le régime du « non-droit » ouvre la porte à toutes les formes de discrimination et d’arbitraire.

IV. La nécessité de l’information et du contrôle

34Des considérations précédentes, il est apparu que les relations entre Pouvoirs Publics et agents privés se sont singulièrement transformées au cours des dernières années. D’un côté, la concentration économique a débouché sur la constitution de groupes de sociétés nationales et multinationales, capables d’exercer un contrôle sur leur environnement socioéconomique. D’autre part, l’Etat a été amené à multiplier les formes de démocratie économique, complément nécessaire à la démocratie politique et à s’ouvrir aux pressions des puissants partenaires sociaux : de détenteur exclusif du pouvoir souverain, il est devenu un partenaire privilégié dans l’organisation de l’économie.

35Les formes juridiques des rapports entre l’Etat et les agents privés se sont corrélativement transformées, les procédés d’inspiration unilatérale reculant par rapport aux procédés d’inspiration contractuelle.

36Une telle concertation entre pouvoirs publics et privés, si elle paraît utile, comporte néanmoins de nombreux dangers qui ont été soulignés et qui tournent autour des questions suivantes. Quelle est la nature de la relation entre le gouvernement et le secteur privé ? Quelles sont les limites du pouvoir des groupes d’intérêt et de leur capacité de blocage vis-à-vis d’un gouvernement doté d’un appareil réduit de contrainte ? Quels types de procédure pourraient réduire le danger de voir la concertation se transformer en un néo-corporatisme où les puissants intérêts privés s’allient aux pouvoirs publics pour mieux réguler l’économie à leur profit et aux dépens des économiquement faibles ?

37Ces questions ne signifient pas un rejet des formules de concertation. Effectivement, il n’y a guère de mode alternatif d’organisation susceptible de remplacer ce système. Une approche en termes de conflits de classes ouverts, si elle reste toujours théoriquement possible, ne paraît guère plausible dans le contexte social actuel ; un retour à une économie de marché où l’Etat se confine au rôle de gendarme est impensable ; et enfin un dirigisme économique strict, basé sur l’action unilatérale, semble dépassé, même dans les pays de l’Est18.

38La voie la plus réaliste serait sans doute d’essayer de concilier les avantages d’une approche concertée, basée sur le dialogue entre partenaires, et le contrôle démocratique de ce dialogue. Une fois admise la nécessité de dépasser l’ordre public libéral et d’associer les intérêts privés à l’élaboration et à la réalisation des tâches interventionnistes, il s’agit de promouvoir des techniques de coopération qui évitent l’arbitraire des privilèges et sauvegardent les choix publics alternatifs. Qu’il s’agisse des quasi-contrats du Plan, des commandes publiques ou des avantages fiscaux accordés au secteur privé lorsqu’il répond aux orientations proposées, les autorités publiques ont la possibilité et le devoir d’élaborer des institutions et des mécanismes tels que l’information, la procédure de sélection et le contrôle des résultats soient démocratiques et inspirés par l’intérêt général.

39Dans cette perspective, information et contrôle sont étroitement liés. D’une part, des systèmes de contrôle élaborés qui ne reposent pas sur une information de qualité sont illusoires : si l’information est formelle, si elle n’est obtenue qu’à contre-temps, si elle est trop complexe, elle paralyse le contrôle, plus encore qu’une absence totale d’information. D’autre part, l’existence d’une information sans moyen réel de s’en servir en vue de contrôler et éventuellement de sanctionner les comportements abusifs, est inutile. En effet, « l’information ne corrige pas à elle seule les asymétries de pouvoir liées aux différences d’accès à l’appareil administratif de l’Etat et comme la richesse va aux riches, selon le proverbe, l’information libérée est utilisée en priorité par ceux qui sont déjà les plus informés »19.

40En réalité, information et contrôle ne sont pas des buts en soi et n’ont une efficacité que dans la mesure où ils sont conçus comme moyens de redistribuer les cartes du pouvoir.

41Dans les limites du présent rapport, nous voudrions évoquer les possibilités d’information et de contrôle au niveau microéconomique.

42On peut schématiquement distinguer le contrôle par le juge et le contrôle de type politique.

431. - En ce qui concerne le contrôle juridictionnel, le juge pourrait avoir un rôle important. Tant en France qu’en Belgique, il est appelé à exercer un contrôle de légalité externe et interne des décisions à caractère économique, c’est-à-dire à confronter l’action de l’administration à un corps de règles de droit préalablement établies. Il s’assure qu’il n’y a pas eu inexactitude matérielle, erreur de droit, détournement de pouvoir ou erreur manifeste. Mais les observateurs sont unanimes pour reconnaître que les incertitudes de la légalité en matière économique, l’insuffisance des normes de référence et des règles de procédure, le déclin des principes généraux du droit, la difficulté d’une démarcation entre un contrôle de légalité et un contrôle de l’opportunité économique, rendent peu efficace ce type de contrôle20.

44Sous peine de pousser le juge (qui ne le souhaite pas) à déterminer en pleine autonomie l’intérêt général et à provoquer des confusions entre les attributions du pouvoir judiciaire et du pouvoir exécutif, il apparaît alors qu’un moyen essentiel de renforcer le contrôle de la légalité serait de mieux relier les activités économiques à des principes généraux ou à des priorités préétablies, donnant un minimum de contenu à la notion d’intérêt général. Si les pouvoirs de l’Etat, de l’entreprise ou du particulier ont droit à une marge de décision discrétionnaire, il importe que le législateur oriente la signification qu’il convient de donner à une notion vague ou qu’il établisse une quelconque échelle de priorité entre diverses valeurs se présentant au juge.

45« Il appartient au législateur et à l’administration économique de donner un contenu à l’opportunité économique. L’existence d’un pouvoir discrétionnaire nécessaire ne peut être un prétexte à paresse législative ou administrative »21. Ceci est valable dans l’intérêt tant du juge de l’ordre judiciaire que du juge administratif22. C’est également indispensable pour l’ensemble des agents économiques privés. Il est nécessaire que ceux-ci connaissent les critères précis qu’il faut remplir pour avoir droit aux avantages de l’Etat, de telle sorte que toute personne ou tout groupe se trouvant dans une situation équivalente à celle des allocataires puisse en bénéficier lui-même.

46Il ne faut cependant pas croire que le problème serait résolu pour la cause. Même si le juge était mieux armé sur le plan légal, les attitudes respectives des administrés (notamment des dirigeants d’entreprise) et de l’administration risquent d’empêcher le développement d’un contrôle extérieur aux parties en présence. En ce qui concerne les agents économiques privés, il y a une méfiance à l’égard d’un contrôle juridictionnel souvent hésitant et superficiel ainsi qu’un souci de ne pas s’aliéner, par recours contentieux, la bienveillance d’une administration capable de « représailles ». Du côté de l’administration, la détention exclusive d’une information privilégiée et sa liberté d’apprécier l’opportunité lui permettent d’échapper aisément au recours, même lorsqu’elle doit révéler les motifs de ses actes. Il en résulte que le dialogue et la transaction directe entre agents économiques privés et administration sont la solution générale aux désaccords. Et cette attitude ne favorise en rien le souci de clarté et de contrôle démocratique.

47Si nous adoptons maintenant la perspective du contrôle des avantages économiques obtenus de l’Etat par les agents économiques et du respect des engagements pris par ces derniers à l’occasion d’une telle obtention, on rencontre d’autres difficultés. Théoriquement, l’administration dispose d’une panoplie impressionnante de moyens : en Belgique, citons le service de l’inspection générale économique du ministère des Affaires Economiques, la direction générale de l’hygiène publique du ministère de la Santé Publique, les services d’inspection du ministère de l’Agriculture, les membres de l’Inspection des finances, le service d’enquêtes budgétaires rattaché à l’administration du budget et du contrôle des dépenses du ministère des Finances, les services du département qui a octroyé une subvention... Outre ces contrôles exercés par l’Administration, la Cour des comptes contrôle les dépenses publiques, a priori et a posteriori. Elle est juge de leur légalité, de leur régularité et de leur exactitude. Un des domaines particulièrement important aujourd’hui est celui des subventions économiques qui recouvrent les crédits d’expansion économique accordés par le ministère des Affaires économiques et par les secrétaires d’Etat à l’Economie régionale, dans le cadre de la politique sociale, économique et régionale du gouvernement, quelle que soit la nature des dépenses à prendre en charge.23.

48Mais à nouveau, on peut avoir des doutes sur l’efficacité de ces moyens de contrôle : quelle est l’importance du personnel disponible pour exercer effectivement ces missions, quelle est la fréquence des vérifications, quelles sont les qualifications des contrôleurs appelés à apprécier une situation économique complexe et à vérifier l’emploi des fonds attribués afin de déterminer si les conditions d’octroi ont été respectées et si la subvention est utilisée aux fins pour lesquelles elle est accordée ? En cas de non respect des conditions, quels sont les moyens pratiques de récupération, notamment à l’égard des grandes entreprises à vocation internationale ? C’est le texte même de l’arrêté royal du 18 avril 1967 relatif au contrôle de l’octroi et de l’emploi des subventions qui rappelle la constatation de la Cour des comptes selon laquelle il arrive, ou bien que l’arrêté royal pris en exécution de la loi budgétaire ne précise pas la manière dont l’allocataire doit rendre compte de l’emploi des fonds reçus ou encore que le service ordonnateur se désintéresse du contrôle. L’absence totale de publicité en ces matières ne fait qu’accentuer les doutes que le contribuable peut éprouver quant à l’allocation efficace de ces ressources prélevées par l’Etat sur ses revenus.

492. - Les organes parlementaires sont également appelés à exercer un contrôle de l’activité économique du gouvernement, notamment à l’occasion de la procédure budgétaire. Une approche qui tend à se multiplier est celle des « commissions parlementaires ». En Belgique, il y a eu diverses propositions de création de commissions d’enquête chargées de recueillir des informations sur les aides financières aux entreprises en difficulté et sur les avantages accordés à certaines sociétés industrielles24. Une commission mixte de contrôle de l’octroi de l’aide de l’Etat aux entreprises a été créée en 1973 ; elle est composée de parlementaires des deux chambres et reçoit des informations individualisées sur l’exécution des engagements de l’Etat en matière d’expansion économique et sur les nouvelles décisions d’octroi d’aides.

50A nouveau, certaines interrogations peuvent être proposées : quel est le degré d’autonomie des parlementaires membres des commissions par rapport aux intérêts privés en cause, quelle est leur qualification pour exercer un contrôle efficace, quel est le degré de publicité des rapports ? Un progrès serait sans doute apporté par un système de « Hearings » tel qu’il se pratique aux Etats-Unis ou encore par l’institution d’un « ombudsman » pour certains secteurs d’activités. Des propositions en ce sens ont déjà été faites25 et traduisent le souci grandissant d’une économie concertée plus démocratique et donc plus transparente.

V. Conclusions

51Il y a près d’un quart de siècle, Adolf Berle pouvait écrire à propos de l’avenir du capitalisme aux Etats-Unis : « de plus en plus, il évoluera vers un système mixte dans lequel la propriété privée et celle de l’Etat seront inextricablement mêlées ». Illustrant son propos par les cas de l’industrie aéronautique, de l’énergie atomique et de l’électronique, il montrait comment les contrats passés entre les grandes sociétés et les ministères créent des liens d’association tels'« qu’il n’y a pas de frontière définie entre les opérations du gouvernement et les affaires privées et qu’il n’y a aucune chance pour que quiconque ait l’intention de le faire »26.

52Il est frappant de constater que le degré de la concertation atteint aujourd’hui en Europe ne contredit pas les prédictions de Berle pour les Etats-Unis. Mais les implications de cette mutation pour le fonctionnement de notre système économique ne sont pas plus évidentes qu’elles ne l’étaient à son époque. Dans le cadre de ce rapport, nous nous sommes à tout le moins efforcés de souligner les dangers d’une telle évolution et la nécessité de trouver des modes de concertation qui sauvegardent les choix alternatifs et qui évitent l’arbitraire des privilèges. A l’heure où certains responsables du monde industriel sont tentés de se reposer sur l’initiative publique pour remédier à leurs défaillances ou pour assurer leur croissance et préfèrent la régulation étatique à la concurrence, il importe de montrer que certains comportements privés sont susceptibles de mettre radicalement en cause le fonctionnement et la plausibilité de notre économie décentralisée. Corrélativement, surgit le risque d’une crise de l’Etat comme représentation de l’intérêt général, dans la mesure où s’affirme une dominance de certains intérêts privés.

Notes de bas de page

1 A. SCHONFIELD, Le capitalisme d’aujourd’hui, Paris, Gallimard, 1967, p. 167.

2 R. HENRION, Le rôle du droit dans l’organisation de l’économie, in A. JACQUEMIN et G. SCHRANS, Actes du colloque sur la magistrature économique, Leuven, Bruxelles, Oyez, Bruylant, 1976, p. 25.

3 Ch. del MARMOL, Juridictions et développement du droit économique, in A. JACQUEMIN et G. SCHRANS, op. cit., t. II, p. 5-13.

4 Voir R. HENRION, La concertation et l'économie bancaire, Journal des Tribunaux, 1978.

5 A. PIETTRE, Les Trois Ages de l’Economie, Paris, 1935, p. 268.

6 Traité d’Economie Marxiste, Le capitalisme monopoliste d’Etat, Paris, 1971, tome 2.

7 J.M. VINCENT, in La Crise de l’Etat, Paris, PUF, 1976, p. 100. Voir aussi M. MIAILLE, Une introduction critique au droit, Paris, Maspero, 1976, p. 153-178. MIAILLE écrit : « Il faut apprécier l’appareil d’Etat pour éviter d’en faire le cadre investi par la classe dominante ». Curieusement, cet auteur affirme plus loin qu’il y a tendance croissante à une « privation de l’Etat, c’est-à-dire, sa soummission de plus en plus grande aux intérêts de la classe sociale qui en occupe le sommet ».

8 P. GREMION, Le Pouvoir périphérique, Paris, Seuil, 1976, p. 458-460.

9 Une illustration récente est donnée par la décision du Conseil d’Etat de rejeter une requête de la ville de Sochaux attaquant un arrêté par lequel le Ministre de l’Equipement et du Logement déclarait que la déviation de la route nationale n° 463 entre Montbéliard et Sochaux était d’utilité publique. Un des arguments de la ville de Sochaux était que la déviation projetée profiterait au premier chef aux établissements Peugeot dont les usines sont séparées par la route nationale no 463 dans son tracé actuel. Dans son arrêt du 20 juillet 1971, le Conseil d’Etat considère notamment que « si la déviation de la route en question procure à la société « Automobiles Peugeot » un avantage direct et certain, il est conforme à l’intérêt général de satisfaire à la fois les besoins de la circulation publique et les exigences du développement d’un ensemble industriel qui joue un rôle important dans l'économie régionale (Jurisprudence, avril 1972, 227, 28).

10 Voir Actes du colloque sur la magistrature économique, op. cit., p. 6.

11 M. VASSEUR, cité par G. FARJAT, Droit Economique, Paris, PUF, 1971.

12 F. JENNY et A.P. WEBER, Velléité de changement ou volonté de réforme ?, Le Monde de l’Economie, 18 mai 1976.

13 En France, le montant des subventions aux entreprises (publiques et privées) non financières des secteurs non agricoles est, en 1972, d’environ 26 milliards de francs, alors que les recettes des impôts sur les sociétés est de 17 milliards. Voir A. LE PORS et J. PRUNET, Les transferts entre l’Etat et l’industrie, Economie et Statistique, 66, avril 1975. En 1978, les subventions sont de 44,5 milliards, soit 29,5 milliards au secteur public et 15 milliards au secteur privé (compte non tenu des allègements fiscaux), alors que le produit de l’impôt sur les sociétés est de 48 milliards.

14 Voir A. JACQUEMIN, Economie Industrielle Européenne, Paris, Dunod, 1975.

15 Voir à ce sujet M. FONTAINE, Quasi-Contrats du plan et groupements d’intérêt économique, Annales de Droit, Louvain, 1970, J. LE BRUN, L’administration économique par voie contractuelle en Belgique, in Renaissance du Phénomène contractuel, Faculté de Droit de Liège, C.D.V.A., 1971. Pour A. de LAUBADERE, le non respect de ces obligations de comportement pourrait cependant être sanctionné juridiquement mais par une responsabilité quasi-délictuelle pour faute, dans le cadre de la jurisprudence du Conseil d’Etat sur les promesses économiques non tenues, in Traité élémentaire de droit administratif, Paris, tome III, p. 536.

16 P. HARMEL, Le législateur et le non-droit, rapport présenté au Séminaire de la Commission Droit et Vie des Affaires de l’Université de Liège, 21-22 octobre 1977.

17 M. BOUDON, in Encyclopedia Universalis, vol. 2, Ve Anomie, 1968, cité par P. HARMEL.

18 Voir Ch. E. LAGASSE, Quelques aspects récents du droit économique en Union Soviétique : la concentration des entreprises et les contrats économiques, Journal des Tribunaux, 21 février 1976.

19 P. GREMION, op. cit., p. 405.

20 Voir Ch. DEBBASCH, Déclin du contentieux administratif, D., 1967, chron. 95 ; M. FROMONT, note sous l’arrêt Maison Gesnestal, D., 1969 ; R. SAVY, Le contrôle juridictionnel de la légalité des décisions économiques de l’administration, L’actualité juridique, 20 janvier 1972.

21 A. JACQUEMIN et G. SCHRANS. Actes du colloque sur la magistrature économique, op. cit., Rapport général, p. 11.

22 Rappelons qu’en Belgique, les tribunaux de l’ordre judiciaire sont seuls compétents pour connaître des contestations portant sur des droits subjectifs, qu’ils soient civils ou politiques. Pour ces derniers cependant une loi peut attribuer un contentieux à des juridictions administratives. En pratique, les cours et tribunaux judiciaires se consacrent davantage au contentieux répressif engendré par les interventions de l’Etat et au contentieux des droits subjectifs nés de l’interventionnisme de l’Etat (contrats, dommages subis...), tandis que les juridictions administratives, principalement le Conseil d’Etat au contentieux pour excès de pouvoir, se prononcent plus souvent sur les problèmes de fonds posés par l’interventionnisme économique. Voir P. ORIANNE et P. VERKAEREN, in Aspects juridiques de l’intervention des pouvoirs publics dans la vie économique, Bruxelles, Bruylant, 1976, p. 326. En France, par contre, le juge administratif est le juge du droit commun de l’action administrative, le juge judiciaire ne pouvant qu’exceptionnellement connaître certaines formes de cette activité. La tendance actuelle est de suggérer que le juge administratif soit compétent pour connaître de toutes les interventions économiques effectuées par l’Etat ou pour son compte et avec les moyens fournis par lui dans un but d’intérêt général. Voir J. DELMAS-MARSALET, Le contrôle par le juge administratif de l’intervention économique de l’Etat. Etudes et documents du Conseil d’Etat de France, 1971.

23 La Cour des comptes avait jugé que le gouvernement utilisait illégalement les crédits du « Fonds d’expansion économique » qui regroupe les crédits prévus par la loi d’expansion économique (30 déc. 1970), en les consacrant à d’autres fins que le développement d’activités rentables. Il fallut dès lors insérer dans le budget du ministère des Affaires économiques un « cavalier budgétaire » pour 1972 et les années suivantes, élargissant les possibilités d’utilisation. Pour un historique particulièrement éclairant, voir B. MICHAUX, Prévenir ou organiser les disparitions d’entreprises, Annales des sciences économiques appliquées, juin 1977. Voir aussi J. SALMON, Les subventions, Bruxelles, Bruylant, 1976, p. 33, dont l’étude est une excellente contribution à un thème trop peu étudié.

24 Doc. parl. Ch. 1971-1972, no 60/1, du 22 février 1972. Doc. parl. Sén., 1971-1972, no 157 du 1er février 1972.

25 Voir par exemple la proposition du député GLINNE, Doc. parl., Ch. no 60/1 du 16 mai 1974.

26 A.A. BERLE, Le capital américain et la conscience du roi, Paris, Colin, 1954, p. 82-83, traduction de The XXth Century Capitalist Revolution.

Précédent Suivant

Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.