Chapitre I. Le concept de loi et la place de la loi dans l’éthique
p. 11-38
Texte intégral
« Bienfaisante est la puissance du feu,
quand l’homme la maîtrise et la surveille,
et tout ce qu’il forme et tout ce qu’il crée,
il le doit à cette force céleste.
Mais elle se fait terrible la force céleste,
quand échappant à la chaîne,
elle marche sur ses propres traces,
la fille libre de la nature.
Quel malheur quand, déchaînée
et croissant sans obstacle,
par les rues gorgées de monde,
elle propage l’immense incendie. »
(Fr. SCHILLER, Le chant de la cloche)
I. S’agit-il de la loi au sens moral (Kant) ou de la loi au sens juridique (Kelsen) ?
1Si, pour illustrer la place de la loi dans l’éthique, nous faisons appel à ce poème de Schiller, c’est parce qu’il affirme que la même force naturelle (il s’agit ici du feu, mais nous pouvons également penser à la force nucléaire ou à cette force que représentent nos pulsions), est bienfaisante, constructrice, vitale, quand elle est réglée, mesurée ou conforme à la loi, mais malfaisante, destructrice, mortelle, quand elle est déréglée, démesurée ou sans loi. Rien n’est bon ou mauvais en soi. C’est la conformité ou la non-conformité à la loi qui fait que la même chose est bonne ou mauvaise. Critère de la distinction du bien et du mal, la loi semble donc être la première catégorie de l’éthique. C’est bien ainsi que l’entendait Kant qui fait de l’impératif catégorique « Agis de telle sorte, que tu puisses vouloir que la maxime de ton action devienne une loi universelle » le critère de la moralité. Ce qui veut dire que, pour savoir si l’action que je compte engager est bonne ou mauvaise, il suffit de me demander si je peux vouloir que cette action soit l’expression d’une loi ou au contraire la transgression d’une loi, dont je suis par ailleurs un fervent défenseur. Ainsi, si je veux faire appel au mensonge pour me tirer d’affaire, je ne peux pas vouloir que le mensonge soit la loi, car alors personne ne me croirait. Il faut au contraire, pour que le mensonge ait un sens, que son opposé, la véracité, soit la loi.
2« Si maintenant nous faisons attention à nous-mêmes dans tous les cas où nous violons un devoir, nous trouvons que nous ne voulons pas réellement que notre maxime devienne une loi universelle, car cela nous est impossible ; c’est bien plutôt la maxime opposée qui doit rester universellement une loi ; seulement, nous prenons la liberté d’y faire une exception pour nous, ou (seulement pour cette fois) en faveur de notre inclination. »1
3Ainsi le voleur ne peut pas vouloir avec Proudhon que la propriété soit le vol, mais montre en général par son bulletin de vote qu’il est un ardent défenseur de la propriété privée. A partir du moment où la transgression d’une loi n’est plus voulue comme exception mais comme la règle, elle redevient morale, parce qu’elle apparaît comme la protestation contre une loi estimée injuste. Ainsi le Christ a violé la loi du Sabbat. La transgression de la loi ancienne devient alors l’instauration d’une loi nouvelle. Pendant un moment, le nouveau législateur est assimilé au criminel ; le Christ a été crucifié entre deux brigands et, dans les prisons, les « politiques » se trouvent en compagnie des « droits communs », avant de siéger dans les nouvelles assemblées législatives.
4La loi est pour Kant non seulement le critère de la moralité, elle est aussi la condition de la connaissance de la liberté, celle-ci étant la condition d’être de la loi.
5« ...La liberté est sans doute la ratio essendi de la loi morale, mais... la loi morale est la ratio cognoscendi de la liberté. Car si la loi morale n’était d’abord clairement conçue (gedacht) dans notre raison, nous ne nous croirions jamais autorisés à admettre une chose telle que la liberté (quoiqu’elle n’implique pas contradiction). Mais s’il n’y avait pas de liberté, la loi morale ne se trouverait nullement en nous. »2
6Pourtant, cette étroite connexion entre liberté, loi et morale (P. Ricœur parle d’un « court-circuit » que Kant aurait établi entre liberté et loi) ne manque pas de poser des problèmes. Kant lui-même n’a-t-il pas opposé d’abord la liberté non seulement à la contrainte qui accompagne la loi, mais à la règle qui est son essence ?
7« La liberté (l’indépendance) à l’égard des lois de la nature est à la vérité un affranchissement de la contrainte, mais aussi du fil conducteur de toutes les règles. En effet on ne peut pas dire qu’au lieu de la nature, des lois de la liberté s’introduisent dans la causalité du cours du monde, puisque si la liberté était déterminée suivant des lois, elle ne serait pas liberté, mais ne serait que nature. Nature et liberté transcendantale diffèrent donc entre elles comme conformité aux lois et affranchissement des lois. »3
8Il est vrai que dans ce texte de la Critique de la Raison Pure, il n’avait pas encore établi la distinction entre la liberté au sens négatif ou affranchissement de l’hétéronomie et la liberté au sens positif ou autonomie.
9« La liberté, bien qu’elle ne soit pas une propriété de la volonté se conformant aux lois de la nature, n’est pas cependant pour cela en dehors de toute loi ; au contraire, elle doit être une causalité agissant selon des lois immuables, mais des lois d’une espèce particulière, car autrement une volonté libre serait un pur rien. La nécessité naturelle est, elle, une hétéronomie des causes efficientes ; car tout effet n’est alors possible que suivant cette loi que quelque chose d’autre détermine la cause efficiente à la causalité. En quoi donc peut bien consister la liberté de la volonté, sinon dans une autonomie, c’est-à-dire dans la propriété qu’elle a d’être à elle-même sa loi ? »4
10Au lieu d’opposer globalement, comme il l’avait fait avant, la liberté à la loi, il distingue entre deux sortes de lois. Il continue à opposer la liberté à l’une mais il l’accorde avec l’autre. Ce qui est remarquable dans la réflexion kantienne, c’est que la liberté nous affranchit du déterminisme pour nous mettre au principe du déterminisme. En passant de la définition négative de la liberté comme affranchissement du déterminisme, à sa définition positive comme autonomie, il définit en même temps le déterminisme négativement comme absence d’autonomie ou comme hétéronomie. En d’autres termes, on n’échappe au déterminisme qu’en se déterminant soi-même et, à l’inverse, si on ne se détermine pas, on est déterminé. On n’échappe à la loi qu’en légiférant. Ainsi autonomie de la volonté et impératif catégorique sont une seule et même chose.
11« Cette proposition : la volonté dans toutes ses actions est à elle-même sa loi, n’est qu’une autre formule de ce principe : il ne faut agir que d’après une maxime qui puisse aussi se prendre elle-même pour objet à titre de loi universelle. Mais c’est précisément la formule de l’impératif catégorique et le principe de la moralité ; une volonté libre et une volonté soumise à des lois morales sont par conséquent une seule et même chose. »5
12Pourquoi Kant veut-il penser ensemble la liberté et le devoir, l’autonomie, la législation et l’impératif catégorique, alors que la plupart, même parmi ses interprètes, les séparent ? Il me semble que c’est pour lutter contre le fanatisme moral qui prétend dépasser la condition humaine, qu’il s’efforce ainsi de tenir les deux bouts de la chaîne. Il s’agit de ne pas « dépasser les limites que la raison pure pratique pose à l’humanité, en nous défendant de placer le principe subjectif de détermination des actions conformes au devoir, c’est-à-dire leur mobile moral, ailleurs que dans la loi elle-même »6. Ce qui en dit long sur sa propre intention : il loue la « doctrine morale de l’Evangile d’avoir la première, par la pureté du principe moral (c’est-à-dire la liberté), mais en même temps par sa convenance avec les limites des êtres finis, soumis toute bonne conduite de l’homme à la discipline du devoir qui, placé sous ses yeux, ne les laisse pas s’égarer dans des perfections morales imaginaires7. Ainsi, selon Kant, le Christ aurait évité ce que lui reproche le « grand inquisiteur » de Dostoïeski, à savoir de proposer aux hommes la liberté sans tenir compte de leur condition.
13« Tu peux être fier de ces enfants de la liberté, du libre amour, de leur sublime sacrifice en ton nom. Mais rappelle-toi, ils n’étaient que quelques milliers, et presque des dieux ; mais le reste ? Est-ce leur faute, aux autres, aux faibles humains, s’ils n’ont pu supporter ce qu’endurent les forts ? L’âme faible est-elle coupable de ne pouvoir contenir des dons si terribles ? N’es-tu vraiment venu que pour les élus ?... Nous avons corrigé ton œuvre en la fondant sur le miracle, le mystère, l'autorité. Et les hommes se sont réjouis d’être de nouveau menés omme un troupeau et délivrés de ce don funeste qui leur causait de tels tourments »8.
14Est-il besoin d’ajouter que la solution kantienne n’est pas celle du grand inquisiteur, bien analysée dans le livre de P. Legendre, L’amour du censeur. En tenant ensemble l’autonomie de la volonté et l’impératif catégorique, il évite une telle alternative. Ce que devient la liberté ou l’autonomie sans l’impératif, un texte d’Aristote le suggère :
15« Les lois ne sont nécessaires que pour les hommes égaux par leur naissance et par leurs facultés : quant à ceux qui s’élèvent à ce point au dessus des autres (qu’ils doivent être considérés comme des dieux parmi les hommes), il n’y a point de loi ; ils sont eux-mêmes leur propre loi. »9
16Et il ajoute que c’est pour eux que l’ostracisme a été établi dans les cités démocratiques, car « le citoyen est celui qui commande et qui obéit à son tour » et dans la meilleure constitution, dont il dit dans l'Ethique à Nicomaque, qu’elle est celle qui est selon la nature, « c’est celui qui peut et qui veut tout à la fois commander et obéir en conformant sa vie aux règles de la vertu ». Un texte de Nietzsche évoque la même idée. L’autonomie ici est mise en relation avec la supramoralité. Nietzsche soutient que le but de la morale sociale est de produire « l’individu souverain, l’individu qui n’est que semblable à lui-même, affranchi de la moralité des mœurs, autonome et supramoral (car « autonome » et « moral » s’excluent), bref l’homme à la volonté propre, indépendante et durable, qui peut promettre avec en lui une conscience fière, vibrant dans tous ses muscles, de tout ce qu’il a fini par acquérir et qui s’est incorporé en lui, une véritable conscience de la liberté et de la puissance, le sentiment de l’accomplissement de l’homme. Cet affranchi qui peut réellement promettre, ce maître du libre-arbitre, ce souverain, comment ne saurait-il pas quelle supériorité lui échoit sur tout ce qui ne peut pas promettre et répondre de soi, quelle confiance, quelle crainte, quel respect il inspire — il mérite toutes ces trois choses —, et comment ne saurait-il pas que, par cette maîtrise sur lui-même, il lui est attribué aussi la maîtrise sur les circonstances, sur la nature et sur toutes créatures moins sûres et à la volonté bornée ? »10 Ce que devient, à l’inverse, l’impératif catégorique quand on le sépare de l’autonomie de la volonté, un texte de Freud nous le fera comprendre. Parlant de la naissance du surmoi par introjection dans le moi du couple parental et du dépassement du complexe d’Œdipe rendu possible par ce processus, Freud poursuit : « Le surmoi a conservé des éléments essentiels des personnes introjectées, leur puissance, leur sévérité, leur tendance à la surveillance et à la punition. Comme nous l’avons montré ailleurs, il est facilement pensable que, grâce à la dissociation des pulsions qui accompagne une telle introjection dans le moi, la sévérité a connu un accroissement. Le surmoi, la conscience active en lui, peut alors devenir dure, cruelle, intraitable envers le moi qu’elle surveille. L’impératif catégorique de Kant est ainsi l’héritier direct du complexe d’Œdipe. »11
17« L’impératif catégorique sent la cruauté. »12
18Il saute aux yeux que la loi, que l’impératif catégorique, entendu en ce sens, impose ici, n’a plus rien à voir avec cette loi d’une espèce particulière qui peut s’accorder avec la liberté. Nous n’avons plus affaire ici à la loi morale, mais à la loi juridique, c’est-à-dire à la loi envisagée sous son aspect pathologique. Médecins de l’individu, comme de la société, les psychanalystes comme les juristes ont tendance à négliger l’état normal au profit de l’état pathologique ou du moins à éclairer le premier à partir du second.
19« L’examen d’états normaux, stables, dans lesquels les frontières du moi et du ça sont assurées par des résistances (contre-investissements) et n’ont pas été déplacées, et dans lesquels le surmoi ne se distingue pas du moi, parce que tous les deux travaillent dans la concorde, un tel examen nous apporterait peu de lumière. »13
20Par contre, « depuis que, sous la forte impression de cette forme de maladie (il s’agit du délire d’observation des paranoïaques), j’ai conçu l’idée que la séparation d’une instance de surveillance du reste du moi pourrait être un trait régulier dans la structure du moi et depuis elle ne m’a plus abandonné »14.
21C’est pourquoi nous pensons qu’il est faux de dire qu’il faille « chercher la moralité au sens freudien du côté du surmoi »15. C’est du côté du moi « qui s’efforce d’être moral », qu’il faut la chercher. Le surmoi n’est qu’un moyen qu’utilise le moi pour arracher, comme par surprise, de l’énergie au ça dans son œuvre de moralité qui est la limitation des pulsions (Sittlichkeit ist Triebeinschränkung)16. L’identification qui aboutit au surmoi est précisément un de ces moyens.
22« Du point de vue dynamique, le moi est faible, et ses énergies, il les a empruntées au ça ; et nous avons une idée des méthodes, on pourrait dire les ruses, par lesquelles il arrache au ça des énergies supplémentaires. Une telle méthode est par exemple l’identification avec maintien ou abandon des objets. »17
23C’est la faiblesse du moi qui est à l’origine de la formation du surmoi, comme la faiblesse de la loi morale est à l’origine de la loi juridique.
24« Comme la vraie fin des lois n’apparaît d’ordinaire qu’à un petit nombre et que la plupart des hommes sont à peu près incapables de la percevoir, leur vie n’étant rien moins que conforme à la raison, les législateurs ont sagement institué, afin de contraindre également tous les hommes, une autre fin bien différente de celle qui suit nécessairement de la nature des lois ; ils promettent aux défenseurs des lois ce que le vulgaire aime le plus, tandis qu’ils menacent leurs violateurs de ce qu’il redoute le plus. Ils se sont ainsi efforcé de contenir le vulgaire dans la mesure où il est possible de le faire comme on contient un cheval à l’aide d’un frein. De là cette conséquence qu’on a surtout tenu pour loi une règle de vie prescrite aux hommes par le commandement d’autres hommes, si bien que ceux qui obéissent aux lois, on dit qu’ils vivent sous l’empire de la loi et ils semblent être asservis. Il est bien vrai que celui qui rend à chacun le sien par crainte du gibet agit par le commandement d’autrui et est contraint par le mal qu’il redoute : on ne peut dire qu’il est juste ; mais celui qui rend à chacun le sien parce qu’il connaît la vraie raison des lois et leur nécessité, agit en constant accord avec lui-même et par son propre décret non par le décret d’autrui : il mérite donc d’être appelé juste. »18.
25Seulement, cette aide apportée à la loi morale par la loi juridique n’est pas sans risque ; elle aboutit finalement à faire triompher la morale par des procédés immoraux. En ce sens, Nietzsche a raison en affirmant :
26« Les valeurs morales n’arrivent à la domination qu’à l’aide de forces et d’affects purement immoraux. »19
27« Le triomphe d’un idéal moral est obtenu avec les mêmes moyens” immoraux” comme tout triomphe : la force brutale, le mensonge, la calomnie, l’injustice. »20
28Personne n’a opéré plus parfaitement que Kelsen la réduction de toutes les lois impératives à la loi juridique, par sa fameuse distinction entre le principe de causalité et le principe d’imputation. Kelsen part de la même antinomie que Kant, causalité et liberté, mais il veut faire l’économie de la métaphysique et apporter à cette antinomie une solution positiviste.
29« Là où l’on opposait deux philosophies prétendues inconciliables (la philosophie rationaliste et empirique du déterminisme et la philosophie métaphysique de la liberté), nous voyons deux méthodes parallèles de connaissance, fondée l’une sur la causalité et l’autre sur l’imputation, mais toutes deux rationalistes et empiriques. »21
30Notons que pour Kant les deux thèses n’étaient pas inconciliables puisqu’il résout l’antinomie en affirmant que nous sommes entièrement déterminés au niveau empirique et entièrement libres au niveau intelligible.
31Sur la causalité, les positions de Kelsen et de Kant sont identiques.
32« Pour les lois causales, les comportements humains font partie du domaine de la nature. Ils sont entièrement déterminés par les causes dont ils sont les effets. Ne pouvant échapper à la nature et à ses lois, l’homme ne jouit d’aucune liberté. »22
33Néanmoins Kelsen constate comme Kant que dans le domaine religieux, moral et juridique, nous continuons malgré cela à imputer certains actes aux hommes comme s’ils en étaient les auteurs, donc à les considérer comme responsables et libres, puisque nous les jugeons et les condamnons. C’est ici que la position de Kelsen va différer de celle de Kant. Pour Kant, l’homme est libre bien que sa conduite soit en même temps soumise aux lois causales (Kelsen dit : « on déclare que l’homme est libre parce que sa conduite n’est pas soumise aux lois causales »), et la preuve en est la présence en lui de la loi morale qui se manifeste sous l’idée de devoir. D’où on déduit que l’homme peut être rendu responsable de ses actes, qu’il peut être récompensé ou puni. Kelsen renverse cette position. « Or, c’est le contraire qui est vrai. L’homme n’est libre que dans la mesure où sa conduite, malgré les lois causales qui la déterminent, devient le point final d’une imputation, c’est-à-dire la condition d’une conséquence spécifique (récompense, pénitence ou punition) ». En d’autres termes : ce n’est pas parce qu’il est libre ou responsable, qu’on punit l’homme, mais c’est parce qu’on le punit qu’il est libre et responsable. Pourquoi Kelsen ne dit-il pas clairement que la liberté est une fiction au service de la répression sociale ?
34« Partout où on cherche des responsabilités, c’est généralement l’instinct de la volonté de punir et de juger qui cherche là.... La doctrine de la volonté a été inventée principalement pour punir, c’est-à-dire vouloir-trouver-coupable. Toute l’ancienne psychologie, la psychologie de la volonté a comme présupposé que ses inventeurs, les prêtres à la tête d’anciennes communautés, ont voulu s’octroyer un droit d’infliger des peines — ou forger ce droit pour Dieu... Les hommes ont été pensés” libres”, pour pouvoir être jugés, pour pouvoir être punis — pour pouvoir devenir coupables... »23
35Cependant, les choses ne sont pas aussi simples. Si le devoir ou la loi morale, qui, d’après Kant, est la ratio cognoscendi de la liberté, n’est que l’intériorisation de la contrainte sociale, ou le surmoi de Freud, Kelsen a finalement raison contre Kant. L’idée de loi est loin d’être claire. En tout cas, comme, pour Kelsen, l’imputation à un sujet libre de la responsabilité d’un acte ne peut être qu’une fiction métaphysique, il ne reste que l’imputation à un acte d’une récompense ou d’une punition qui elle peut se constater empiriquement.
36C’est pourquoi aux couples kantiens : causalité-liberté ; hétéronomie-autonomie ; loi de la nature-loi morale, il substitue les siens : causalité-imputation ; loi de la nature-loi juridique.
37Les lois religieuses morales et juridiques relèvent donc indistinctement du principe d’imputation, comme les lois de la nature relèvent du principe de causalité. Voici comment il définit ces deux principes :
38« Aussi bien le principe de causalité que celui d’imputation se présentent sous la forme de jugements hypothétiques établissant une relation entre une condition et une conséquence. Mais la nature de cette relation n’est pas la même dans les deux cas. »
39Principe de causalité : « si la condition A se réalise, la conséquence B se produira ».
40Principe d’imputation : « si la condition A se réalise, la conséquence B doit se produire ».
41Nous laissons de côté le principe de causalité parce qu’il ne pose pas de problème, pour nous attacher au principe d’imputation. Les exemples que donne Kelsen pour illustrer son principe établissent tous une relation entre une loi et sa sanction : « Si quelqu’un vous rend un service, vous devez lui être reconnaissants, « le voleur doit être puni », « celui qui commet un péché doit faire pénitence ». Ils sont tirés du domaine moral, juridique et religieux. « L’imputation relie deux comportements humains, l’acte illicite et la sanction ». Il y a donc réduction de l’ordre normatif à la norme qui prescrit une sanction. L’expression « devoir » se réduit à la relation entre un acte et sa sanction. La seule chose qui doit être, c’est la récompense ou la peine. Mais pourquoi la sanction doit-elle être ? N’est-ce pas parce qu’elle est un moyen pour imposer une certaine conduite ? Le voleur doit être puni si l’on veut la propriété privée. Par conséquent l’imputation elle-même est la conséquence d’une condition, ce qui peut s’exprimer par le principe : Qui veut telle fin doit employer tel moyen. On reconnaît là l’impératif hypothétique de Kant. Dans la formulation de Kelsen, il s’exprimerait ainsi :
42« Si l’on veut que la conséquence B se réalise, la condition A doit se réaliser. » Dans l’ordre normatif véritable, le devoir porte non pas sur la conséquence, mais sur la condition ; c’est pourquoi il peut être appelé aussi impératif conditionnel. Mais s’il existe une chose qui s’impose non plus en vue d’autre chose mais par soi-même, l’impératif qui porte sur elle devient alors inconditionnel ou catégorique. C’est ainsi qu’on dit d’une affirmation ou d’un refus, qu’ils sont catégoriques quand ils ne sont pas assortis de conditions. Vouloir une chose pour elle-même et non pas en vue d’une autre chose, c’est la vouloir inconditionnellement ou catégoriquement. Or on ne peut vouloir ainsi que ce qui se présente comme une fin en elle-même. Dans notre monde, seule l’humanité se présente ainsi et mérite donc d’être voulue de façon inconditionnelle. D’où l’autre formulation de l’impératif catégorique : « Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin et jamais simplement comme un moyen. » A partir de là, il est facile de montrer que la norme morale ne peut être que catégorique ou inconditionnelle et que l’immoralité consiste précisément à en faire une norme hypothétique ou conditionnelle. Un exemple tiré de l’actualité le montrera facilement. Actuellement, tous les gouvernements se déclarent favorables au respect des droits de l’homme et pourtant nous apprenons régulièrement par Amnesty international que peu de pays respectent effectivement ces droits. Comment expliquer cela ? On met en doute la sincérité de ces gouvernements quand ils se déclarent en faveur de droits qu’ils ne respectent pas. Je ne pense pas que ce soit la vraie explication. Les gouvernements sont sincèrement favorables aux droits de l’homme mais à condition que... En d’autres termes ils sont sincèrement prêts à les respecter conditionnellement mais pas inconditionnellement. Par exemple si la situation économique le permet, on respectera les droits sociaux. Si la liberté d’expression ne menace pas l’ordre public, on la respectera. Cela veut dire qu’ils sont très sincèrement prêts à respecter les droits de l’homme quand c’est leur intérêt. Ce qui formulé ainsi peut paraître du cynisme, n’est en fait que la considération des droits de l’homme par ces gouvernements comme un impératif hypothétique seulement. On voit, par là, que respecter les droits de l’homme sous certaines conditions, c’est la même chose que de ne pas les respecter. Les droits de l’homme ne sont respectés que quand ils le sont inconditionnellement. Ce qui veut dire que faire de la norme morale une norme hypothétique, c’est tout simplement la détruire. « Si la vertu est recherchée non pour sa valeur propre, mais pour ce qu’elle rapporte, cette vertu méritera qu’on l’appelle malice » disait déjà Cicéron24.
43Nous disons donc que Kelsen, en ramenant tout l’ordre normatif à un principe hypothétique, n’explique pas cet ordre, mais le supprime, car cet ordre ne peut avoir un sens que s’il est considéré comme catégorique. Mais il réduit aussi l’impératif hypothétique : Si on veut la conséquence B, on doit vouloir la condition A (Si on veut la propriété privée, on doit punir le voleur), au principe juridique d’imputation : Si la condition A se réalise, la conséquence B doit se produire (le voleur doit être emprisonné). Tout cela pour rendre raison de la permanence dans notre société d’un système juridique, malgré le rejet de la volonté libre au nom du déterminisme.
44« Ne pouvant échapper à la nature et à ses lois, l’homme ne jouit d’aucune liberté. Mais les mêmes comportements peuvent aussi être interprétés à la lumière soit de normes sociales, soit de lois morales, religieuses ou juridiques, sans qu’il faille pour autant renoncer au déterminisme. On ne saurait exiger qu’un criminel ne soit pas puni ou qu’un héros ne soit pas récompensé, pour la raison que le crime de l’un ou l’acte héroïque de l’autre ne serait que l’effet de certaines causes. Inversément, l’imputation d’une punition à un crime ou d’une récompense à un acte héroïque n’exclut pas l’idée d’une détermination causale des comportements humains, car le régime même de punitions et des récompenses a été institué dans l’idée que la crainte de la punition ou le désir de la récompense peut avoir pour effet d’amener les hommes à ne pas commettre de crimes ou à accomplir des actes héroïques »25. Ce qui, par les moralistes d’autrefois, était considéré comme un pis-aller (on en appelait aux pulsions, crainte et désir, seulement quand l’appel à la raison demeurait vain), est considéré dans l’univers désenchanté de Kelsen, marqué par le déterminisme universel, auquel il se sent obligé de croire au nom de la science, comme le seul moyen qui reste pour dresser les hommes à un comportement social utile. Créer une norme se réduit chez lui à créer des réflexes conditionnés chez un homme-animal en associant à certains de ses actes la carotte ou le bâton et l’on voit par là que ce n’est qu’en apparence que son principe d’imputation se distingue du principe de causalité.
II. La notion de loi et ses éléments constitutifs
45Notre réflexion sur la place de la loi dans l’éthique nous a amené à nous demander de quelle loi nous voulons parler : est-ce de la loi morale ou est-ce de la loi juridique ? Nous nous sommes appuyé sur les deux auteurs qui ont donné à l’une ou à l’autre une place importante dans l’éthique : Kant et Kelsen. Nous pourrions maintenant conclure que les deux lois ont leur place dans l’éthique. Le rôle des deux étant éducatif, la loi « instruit », dit Thomas d’Aquin, traduisant le verbe paideusas qu’emploie Aristote. La loi morale « instruit » plutôt par la persuasion en s’adressant à la « raison » de ceux qui se laissent persuader ; l’autre « instruit » plutôt par la contrainte en s’adressant aux passions de ceux qui ne sont pas sensibles aux arguments de la raison. Le but de la seconde est de conduire à la première.
46« Comme il y a certains hommes enclins aux vices, qui ne se laissent pas facilement mouvoir par la parole, il a été nécessaire de les empêcher de mal faire par la crainte et la force, pour qu’ils s’abstiennent au moins ainsi de faire du mal et rendent aux autres la vie paisible, et pour qu’eux-mêmes en s’accoutumant soient conduits à faire volontairement ce qu’ils ont d’abord fait par crainte et deviennent ainsi vertueux. Cette sorte de discipline (paideia), contraignant par la crainte de la peine, est la discipline des lois »26.
47L’argument de la sécurité ne fait pas de difficulté. Nous trouvons normal que la loi intervienne pour assurer aux citoyens paisibles la sécurité en contraignant les malfaiteurs. Mais quant à les contraindre pour les rendre eux-mêmes vertueux, on voit comment l’idéologie actuelle pourrait interpréter une telle affirmation ! Les amener à faire « volontairement » ce qu’ils ont d’abord été contraints à faire sous la menace, n’est-ce pas la méthode employée dans tous les goulags du monde ? Il ne s’agit pas seulement de briser les volontés, mais de pousser l’humiliation de la victime jusqu’à obtenir son adhésion. Le censeur ne se contente pas d’être craint, il veut encore être aimé.
48« L’institution juridique traditionnelle est supportée par un discours d’explication, par la science du légiste (de nos jours enveloppée aussi par les dites sciences humaines-sociales) posant la loi non comme le lieu topique d’emprisonnement du désir mais comme idée de bonheur »27.
49Au lieu de nous laisser entraîner par l’idéologie, nous nous étonnons plutôt que les Grecs (Thomas d’Aquin s’exprime id comme témoin de la tradition grecque) qui ont inventé la loi en même temps que la démocratie, puissent avoir de la loi et de son rôle une idée qui ressemble si étrangement à celle qu’appliquent les régimes totalitaires. Il y a de fortes chances qu’ils ne parlent pas de la même chose. Mais nous ne pouvons nous en rendre compte qu’en essayant de réfléchir sur la loi elle-même, sur ce qu’elle signifie.
50Notre concept moderne de loi réunit trois éléments qui au premier abord paraissent très hétérogènes : 1. La loi, c’est la Torah de la tradition judéo-chrétienne, qu’on retrouve aussi dans le Coran de la tradition islamique. Elle est liée à la foi en un Dieu créateur et législateur de l’univers, qui fait dépendre l’ordre cosmique comme l’ordre juridique, moral et politique, de la volonté souveraine et toute puissante d’un Dieu unique. D’un côté, Dieu dit et c’est fait (dixit et facta sunt) :
51« Dieu dit : Qu’il y ait de la lumière ! et il y eut de la lumière » (Gn 1, 2).
52De l’autre côté, Dieu dit et cela doit être fait :
53« Ecoute Israël les préceptes et les sentences que je dis à vos oreilles aujourd’hui. Vous les apprendrez et vous veillerez à les mettre en pratique » (Dt 5, I).
54La loi, en ce sens, n’est rien d’autre que la parole toute puissante de Dieu, le décret absolu de sa volonté. Dans les cinq livres de la Loi, la même Parole crée l’univers et lui dicte sa conduite.
552. La loi, c’est le « Nomos » de la tradition hellénique. Contrairement à la tradition juive, la loi chez les Grecs n’est pas le décret d’une volonté monarchique, fût-elle divine, mais l’expression d’une volonté commune. L’idée de loi apparaît avec la démocratie. Elle a été inventée pour résoudre l’antinomie entre la liberté et l’autorité à laquelle s’affronte toute communauté qui veut garder sa liberté. Comment obtenir l’intégration des actions individuelles en une action commune, sans porter atteinte à la liberté de chacun ? Les cités grecques ne veulent pas de la solution des barbares. « Les barbares sont tous esclaves, sauf un seul » écrit Euripide dans l'Hélène28. Dans le livre VII d’Hérodote, Darius s’étonne que les Grecs puissent se risquer contre lui « s’ils sont tous également libres et ne sont pas soumis au commandement d’un seul », et, précisant sa pensée, il ajoute : « S’ils étaient à la mode de chez nous, soumis à l’autorité d’un seul, ils pourraient, par crainte de ce maître, se montrer plus braves qu’ils ne sont naturellement, et contraints par les coups de fouet, marcher quoiqu’en plus petit nombre, contre des ennemis plus nombreux ; laissés libres d’agir, ils ne sauraient faire ni l’un ni l’autre ». A ce barbare qui soutient que l’action commune efficace ne peut être obtenue que par la soumission, par la force, de la volonté de tous à l’autorité d’un seul, le Grec Démarate répond : « S’ils sont libres, ils ne sont pas libres en tout : ils ont un maître, la loi, qu’ils redoutent encore bien plus que tes sujets ne te craignent ; du moins font-ils tout ce que ce maître commande »29. Notons que les mots « maître » et « redouter » n’ont plus ici le même sens que dans la bouche de Darius, ce que suggère bien l’expression « du moins font-ils ». En effet, la loi n’est pas à craindre comme une force qu’elle serait par elle-même ; sa force lui vient, au contraire, de ceux qui lui obéissent. Dans le Criton, Platon fait dire aux lois que Socrate en s’enfuyant les détruirait : « Ce que tu tentes, qu’est-ce autre chose que de vouloir nous détruire, nous les Lois, et tout l’Etat, autant qu’il est en ton pouvoir »30. Et elles précisent : « Crois-tu vraiment qu’un Etat puisse subsister, qu’il ne soit pas renversé, lorsque les jugements y sont sans force, lorsque les particuliers peuvent en supprimer l’effet et les détruire ? ». Là où l’autorité appartient à un particulier, plus le pouvoir est fort, plus les sujets lui obéissent ; au contraire, là où l’autorité appartient au général ou à la loi, plus les sujets obéissent, plus le pouvoir devient fort. (C’est de cette inversion du rapport de pouvoir qu’on ne tient pas compte quand on compare le rôle de la loi dans la démocratie avec son rôle ou plutôt au rôle qu’on lui fait jouer dans les régimes autoritaires). La crainte de l’autorité n’est donc pas la même dans les deux cas. En craignant le despote, le barbare craint pour lui-même et non pour le pouvoir du despote, tandis qu’en craignant les lois, Socrates ne craint pas pour lui-même, mais il craint pour le pouvoir des lois. C’est la raison pour laquelle il se soumet à un jugement qui le condamne à mort injustement, (ce que reconnaissent d’ailleurs les lois), ce qui est de l’héroïsme et non du masochisme. Dans un texte suggestif, J.-J. Rousseau écrit que seule la loi permet d’accorder à la fois l’autorité du gouvernement et la liberté publique.
56« Par quel art inconcevable a-t-on pu trouver le moyen d’assujettir les hommes pour les rendre libres, d’employer au service de l’Etat les biens, les bras et la vie même de tous ses membres, sans les contraindre et sans les consulter, d’enchaîner leur volonté de leur propre aveu ; de faire valoir leur consentement contre leur refus, et de les forcer à se punir eux-mêmes quand ils font ce qu’ils n’ont pas voulu ? Comment se peut-il qu’ils obéissent et que personne ne commande, qu’ils servent et n’aient point de maîtres et d’autant plus libres en effet que, sous une apparente sujétion, nul ne perd de sa liberté que ce qui peut nuire à celle d’un autre ? Ces prodiges sont l’ouvrage de la loi »31.
57En remplaçant l’autorité du particulier sur les particuliers par l’autorité du général sur le particulier ou par celle de la loi, la démocratie grecque a fait l’expérience qu’il n’était pas nécessaire, pour obtenir l’intégration de la partie dans le tout ou de la multiplicité dans l’unité, de faire appel à la force et à la domination. Le pouvoir change de place : il ne s’exerce plus au sommet, mais au centre, sur la place publique, l’agora. A la pyramide succède le cercle, à la hiérarchie la similitude. Cette nouvelle conception de la cité a tout naturellement été transposée par les philosophes grecs à l’ensemble de l’univers. Là aussi la domination exercée par certains éléments sur les autres pour assurer l’ordre, a été remplacée par la domination de principes généraux. L’eau de Thalès, le feu d’Anaximène ont dû céder leur place en tant que principes à l’Infini d’Anaximandre, le Nous d’Anaxagore, le Logos d’Héraclite. Là aussi, l’intégration de la partie dans le tout, de la multiplicité dans l’unité s’obtient sans domination, centralité et similitude ; là aussi, la force a dû céder la place à la loi32.
58Il ne faut cependant pas s’imaginer que cette victoire remportée par la loi sur la force était, chez les Grecs, définitive et paisible. Elle a, au contraire, été toujours contestée, attaquée mais aussi toujours défendue. Thucydide nous montre dans l’épisode de Melos, cette petite île que les Athéniens soumirent de façon arbitraire et brutale pour des raisons stratégiques, que les Grecs connaissaient aussi la Realpolitik. « Nous estimons en effet, fait dire Thucydide aux Athéniens, que du côté divin comme aussi du côté humain (pour le premier, c’est une opinion ; pour le second, une certitude), une loi de nature fait que toujours, si l’on est le plus fort, on commande ; ce n’est pas nous qui avons posé ce principe ou qui avons été les premiers à l’appliquer : il existait avant nous et existera pour toujours après nous... »33.
593. Le troisième ingrédient de notre concept moderne de loi est la loi au sens scientifique c’est-à-dire une formule générale non impérative énonçant un rapport constant entre phénomènes. C’est ainsi que nous parlons de la loi de la chute des corps ou de la loi du marché, etc.
60En parcourant ces trois sens, nous constatons une sorte de dépersonnalisation progressive. Nous passons de la loi-commandement émanant d’une volonté unique par l’intermédiaire de la loi-ordre émanant d’une volonté générale à la loi-formule tout à fait impersonnelle. Nous glissons progressivement de l’impératif à l’indicatif, de ce qui doit être à ce qui est. C’est pourquoi on a pu dire que les « différents sens du mot” loi” sont échelonnés en série continue et reliés par des transitions étroites entre deux sens-limites : celui de règle impérative antérieure aux faits qu’elle régit ; celui de formule générale établie a posteriori par l’étude des faits dont elle est la loi »34.
61Les deux sens-limites paraissent clairs. Autre chose est une loi qui commande, qui exprime non pas ce qui est, mais ce qui doit être, qui oblige, mais ne nécessite pas, qui ne peut donc pas à proprement parler être contredite par les faits ; et autre chose une loi qui constate, qui exprime ce qui est, qui donc, si elle est contredite par les faits, perd sa qualité de loi. En réalité, ce n’est pas aussi simple. La loi impérative peut-elle faire totalement abstraction de la réalité qu’elle prétend modifier ? La tentative toujours réitérée de lui trouver un fondement dans la « nature des choses » pour la faire échapper à l’arbitraire, prouve le contraire. D’autre part, la loi indicative tend, elle aussi, à devenir normative. Si on a constaté une loi, les faits ne doivent-ils pas obéir à cette loi ?
62« Le savant lui-même peut à peine s’empêcher de croire que la loi préside aux faits et par conséquent les précède, semblable à l’idée platonicienne sur laquelle les choses avaient à se régler. Plus il s’élève dans l’échelle des généralisations, plus il incline bon gré mal gré à doter les lois de ce caractère impératif ; il faut vraiment lutter contre soi-même pour se représenter les principes de la mécanique autrement qu’inscrits de toute éternité sur des tables transcendantes que la science moderne serait allée chercher sur un autre Sinaï. »35
63D’où, des tentatives inverses : celles de resserrer les divers éléments du concept de loi pour le rendre presque univoque, ou, au contraire, d’opposer ses éléments pour le faire éclater en soulignant son équivocité.
64Celui qui a le plus travaillé dans le premier sens, c’est certainement Montesquieu avec sa théorie de la loi-rapport. « Les lois, dans la signification la plus étendue, sont les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses »36. Il semble réduire l’écart entre la loi impérative et la loi indicative à l’écart entre le possible et le réel. « Avant qu’il y eût des lois faites, ils y avaient des rapports de justice possibles. Dire qu’il n’y a rien de juste ou d’injuste que ce qu’ordonnent ou défendent les lois positives, c’est dire qu’avant qu’on eût tracé de cercle, tous les rayons n’étaient pas égaux. » Par conséquent, ce que nous appelons le devoir-être, la norme, c’est tout simplement le possible qui attend d’être formulé pour être. Contrairement à la plupart des auteurs, Montesquieu envisage la loi juridique ou morale sur le modèle de la loi physique. Comme le savant, le moraliste et le juriste ne font que constater un rapport constant à travers les variations des mœurs. C’est cela la loi que la formulation ne fait pas naître, mais suppose.
65A l’opposé, beaucoup pensent que c’est uniquement parce que les phénomènes constants de la nature ont été conçus comme des décrets divins qu’on les a appelés des lois, et voudraient qu’on rompe toute relation entre la formule scientifique et la loi impérative, juridique, morale ou religieuse.
66« Les soi-disant lois de la nature sont des formules pour des rapports de force. »37
67« Il n’y a pas de loi : toute puissance tire à chaque instant sa dernière conséquence. C’est précisément sur le fait qu’on ne peut pas faire autrement que repose la prévisibilité. »38
68Même si on rejette l’idée d’un législateur derrière les rapports constants de la nature, il n’empêche qu’une formule qui traduit une constance dans le devenir, exprime un certain ordre. Or cet ordre peut être expliqué par la force, qui est la domination d’un élément sur les autres, ou par la loi, qui est l’emprise du tout sur ses parties. En d’autres termes, on peut prendre pour modèle l’unité organique où semble régner l’autorégulation (la Physis qu’Aristote définit comme ce qui a le principe du mouvement en soi-même) ou l’unité inorganique où semble régner le plus fort. Nietzsche en rejetant la loi comme interprétation morale de la nature revient naturellement à l’idée de domination ou de hiérarchie. Nous devons choisir entre le cercle et la pyramide. Ou bien l’intégration est obtenue par la prédominance du tout sur des parties relativement égales ; ou bien par la prédominance de la partie la plus forte sur les parties les plus faibles. D’un côté, c’est la même loi qui s’impose à tous, qui fait régner l’ordre ; de l’autre côté, l’ordre résulte de ce que le plus fort impose sa « loi ». Le fait que plus nous nous élevons dans l’ordre de la complexité, plus le modèle organique avec sa causalité réciproque semble l’emporter, devrait cependant orienter notre choix. C’est au bas de l’échelle que semble se situer le règne de la force ; plus nous montons, plus la complexité s’accroît, plus la loi semble l’emporter.
69Pour garder, malgré tout, au concept de loi une certaine unité sémantique, il faut moins insister sur ce qui dans la définition de la loi apparaît comme différence spécifique (le caractère impératif ou non impératif), que sur le genre commun : l’idée de règle. En comparant les divers sens de la loi, que donnent le petit Robert et le Vocabulaire philosophique de Lalande, nous obtenons le schéma suivant :
70On voit immédiatement que le seul élément commun à toutes les lois, c’est l’idée de règle. Notion essentielle à laquelle on ne s’attarde pas, tellement elle semble aller de soi. Au sens propre la règle est une « planchette allongée à arêtes rectilignes », qui a une double fonction que nous retrouvons dans la loi, règle au sens figuré. Elle permet de guider le crayon quand on trace un trait et de mesurer une longueur. Notons que l’idée de règle est d’origine géométrique. C’est par analogie qu’on l’applique à d’autres domaines. Ceci vaut également pour le concept de norme qui est presque synonyme de règle. Norma signifie en latin au sens propre l’équerre ; elle permet de tracer l’angle droit et la perpendiculaire. La normale c’est d’abord la ligne perpendiculaire. Il ne faut pas prendre à la légère cet enracinement mathématique des notions de règle, de norme et de loi. A Calliclès, qui, dans le Gorgias de Platon, s’oppose à la loi au nom de la nature où d’après lui règne la domination du plus fort, Socrate répond : « A ce qu’assurent les doctes (probablement les Pythagoriciens), Calliclès, le ciel et la terre, les dieux et les hommes sont liés entre eux par une communauté faite d’amitié et de bon arrangement, de sagesse et d’esprit de justice, et c’est la raison pour laquelle, à cet univers, ils donnent, mon camarade, le nom de cosmos, d’arrangement et non de dérangement, non plus que de dérèglement. Or toi qui pourtant es un docte, tu ne sembles pas attentif à ces considérations : il t’a échappé au contraire que l’égalité géométrique possède un grand pouvoir chez les dieux aussi bien que chez les hommes. Mais toi, c’est à avoir davantage que l’on doit, penses-tu, travailler et tu es indifférent à la géométrie. »39 Platon souligne ici admirablement le caractère « engagé » des mathématiques. Ce n’est pas une connaissance neutre qui pourrait s’accorder avec n’importe quelle vision de l’univers ou de la politique : elle est en effet porteuse de l’idée d’égalité, dont on sait le rôle dans la justice et le droit. Elle est porteuse aussi de l’idée d’ordre et d’harmonie non associées à la répression (comme dans l’idéologie moderne), mais à la beauté.
71Règle au sens figuratif, la loi permet de diriger et de mesurer non plus des longueurs mais des conduites ; elle est ligne et mesure de conduite : « La loi est une certaine règle et mesure des actes, suivant laquelle quelqu’un est conduit à agir ou à s’abstenir d’agir : la loi dérive en effet du verbe « lier » (ligare), car elle oblige à agir. Or la règle et la mesure des actes humains est la raison. »40
72En dérivant lex de ligare, alors que Cicéron la faisait dériver de legere (choisir), Thomas d’Aquin souligne l’élément d’obligation dans la loi, mais cette obligation n’exprime que le caractère directif de la règle sans qu’une volonté quelconque intervienne. Il faut bien distinguer cette vis directiva legis (force directrice de la loi), qui lui appartient en propre en tant que règle et qu’elle exerce naturellement à l’égard de tout ce qu’elle règle, de la vis coactiva legis (la force contraignante de la loi), qui, elle, ne lui appartient pas en propre, mais lui vient du pouvoir et de la volonté de l’Autorité qui l’a imposée. A ces deux « forces » correspondent deux obligations. La première est la soumission à la règle ou à la direction ou à la « raison ». Celle-ci concerne non seulement les sujets, mais l’autorité elle-même qui impose la loi. A ceux qui prétendent que la loi a sa source dans la volonté du Prince selon l’adage du Digeste : « Quod placuit principi, legis habet vigorem », Thomas d’Aquin répond : « Pour qu’on puisse attribuer à la volonté qui commande quelque chose, la qualité de loi, il faut qu’elle soit réglée par une règle (raison). Et c’est de cette façon qu’il faut comprendre que la volonté du prince a force de loi ; autrement, la volonté du prince serait plutôt une iniquité qu’une loi. »41 « Quant à la force directrice de la loi, le prince lui est soumis par sa propre volonté. »42
73Cette soumission de ce qui est réglé à la règle (regulatum regulae) peut non seulement s’accorder avec la liberté, elle en est même la condition. Elle nous libère de la sujétion à nos pulsions aveugles. C’est en ce sens qu’il faut interpréter l’expression de Rousseau que la loi nous assujettit pour nous rendre libres.
74La deuxième obligation est la soumission à la force contraignante de la loi qui lui vient du pouvoir de l’Autorité qui l’impose. Cette contrainte qui n’est autre chose que la force, bien que « légitime » en tant que violence publique, est contraire à la liberté. En ce sens, celui qui exerce le pouvoir n’est pas soumis à la loi. « Personne en effet, dit Thomas d’Aquin, ne peut au sens propre se contraindre soi-même. Or, comme la force contraignante de la loi provient du pouvoir du Prince, celui-ci en ce sens est au-dessus de la loi, car personne ne peut porter un jugement de condamnation contre lui, quand il agit contre la loi »43. En ce sens les « hommes justes et vertueux ne sont pas non plus soumis à la loi ». Les seuls qui subissent la loi en ce sens, ce sont les malfaiteurs. Si on regarde les choses de près, on peut dire en résumé que c’est seulement dans la mesure où on refuse de se soumettre à la force directrice de la loi, celle qui s’accorde avec la liberté, qu’on est amené à subir sa force contraignante qui annule la liberté. Mais ici il faut faire très attention. Dans cette argumentation, il manque un élément essentiel qui est la formation à l’intérieur du sujet, sous l’influence de l’éducation sociale, de cette instance qu’on appelle la conscience ou le surmoi. Où faut-il situer l’obligation de la loi de la conscience ? Du côté de la première ou de la seconde obligation ? Il me semble que l’introjection de l’autorité contraignante n’introduit aucune différence. Là aussi, ce n’est que dans la mesure où le moi refuse de se soumettre à la force directrice de la loi qu’il subit la contrainte du surmoi. Celui qui, parce qu’il agit sous la contrainte du surmoi (le gendarme intérieur), n’a pas à subir la contrainte du gendarme extérieur, ne devient pas pour autant juste et vertueux. La société certes y trouve son avantage, mais pas la morale. Il faudrait que la force coactive de la loi cède le pas à la force directive, qu’on passe de l’obligation au second sens à l’obligation au premier sens, ou, comme le dit le texte qui tout à l’heure nous paraissait si scandaleux, qu’on arrive à faire volontairement ce qu’on a fait jusque là sous la menace. Où l’on voit que c’est précisément la distinction entre les deux sens de l’obligation que comporte la loi qui enlève à ce texte sa nuance totalitaire.
75Il me semble qu’il faut soutenir cette séparation entre la force régulatrice et directrice de la loi et sa force répressive, que l’idéologie actuelle qui se développe autour du pouvoir tend à confondre. C’est ainsi que Marcuse affirme dans son livre Eros et Civilisation, qui est entièrement construit sur cette confusion, que la raison humaine est, depuis Platon, « dans sa fonction même, répressive »44. L’équivalence régulation-répression se développe à toutes les pages. Il en va de même dans l’article de E. Pisier-Kouchner, l’obéissance et la loi : le droit, ou la critique pertinente du fonctionnement de l’Etat de droit, souffre malheureusement de cette confusion. Ainsi, toutes les affirmations qui depuis la Révolution française lient la liberté à l’obéissance aux lois sont interprétées comme des mystifications au service d’un pouvoir de plus en plus répressif : « Obéissance et liberté s’impliquent : le mirage du droit positif donne la clef de ce mystère de la soumission devenu désir de la soumission et la Révolution nous fait tenir pour neuve l’obligation politique en ses termes équivalents de liberté et de pouvoir »45. Texte ou la confusion entre les deux types de soumission à la loi est patente. Sans parler du livre de P. Legendre, L’amour du censeur, dont la thèse centrale : le passage de la soumission subie à la soumission voulue, de la crainte de l’autorité à l’amour de l’autorité de la loi, comme renforcement inouï du Pouvoir sur les individus, ne peut s’expliquer que si on néglige d’indiquer que, dans ce passage de la crainte à l’amour, il y a en même temps passage de la soumission à la contrainte à la soumission à la règle.
76Si on néglige cette distinction entre les deux types d’obligations inhérentes à la loi, on ne voit pas non plus comment on peut établir une distinction entre la loi positive et une loi naturelle ou rationnelle.
77La règle dans notre texte est identifiée à la raison. En effet, le mot « raison » (ratio) signifie d’abord règle, comme le mot logos en grec. Dans l’Ethique à Nicomaque d’Aristote, Gauthier et Jolif traduisent logos par règle :
78« On peut distinguer dans l’âme deux parties : l’une sans règle, l’autre qui a une règle »46.
79La partie de l’âme avec règle est précisément ce que nous appelons la raison. La partie sans règle, mais qui est susceptible de participer à la règle, est la faculté désirante, l’ensemble de nos instincts ou de nos pulsions. Or la tâche de l’homme est de mettre en accord ces deux parties. C’est une « activité de l’âme conforme à la règle ou au moins non dépourvue de règle »47. Vivre humainement, ce qui équivaut à vivre moralement, consiste donc à imposer une règle et une mesure à nos pulsions. On attribue souvent l’absence de régulation des pulsions à l’animalité, alors qu’on devrait dire animalité domestique, car les pulsions des animaux sauvages obéissent à des mécanismes innés à automatisme stable. C’est chez l’homme seulement et chez les animaux domestiques, que cet automatisme connaît une défaillance, qui est en même temps la condition de possibilité d’une plus grande liberté dans l’action, comme son inadaptation à un milieu spécifique est la condition de possibilité d’une adaptation à tous les milieux. Ainsi nous devons dire que nos pulsions sont déréglées non pas parce que nous sommes des animaux, mais parce que nous sommes des hommes en puissance ; elles ne sont pas réglées par avance, pour que nous puissions les régler nous-mêmes. C’est dans cette régulation que consiste la moralité. « L’éthique est la limitation des pulsions (Triebeinschränkung) », dit Freud. Ce qu’on a traduit par répression (Unterdrückung), expression que Freud n’utilise que quand il parle du moi. Nous retrouvons la confusion signalée tout-à-l'heure entre la contrainte sociale et la régulation. Ce qui est réprimé dans la régulation, ce n’est pas la pulsion, mais son excès, comme d’ailleurs est redressée son insuffisance. Car régler veut dire aussi bien réduire l’excès que redresser le défaut.
80« La tempérance (qui règle la libido) et le courage (qui règle l’agression) sont gâtés par l’excès et le défaut, mais sauvegardés par la mesure »48.
81« Par exemple, craindre, avoir confiance, désirer, se mettre en colère, ressentir de la pitié et en général éprouver du désir ou de la peine, tout cela est susceptible de trop aussi bien que de pas assez, et dans les deux cas on manque à la perfection »49.
82Ainsi, une activité réglée et une activité vertueuse, c’est la même chose. Elle se situe au milieu entre deux vices caractérisés l’un par l’excès, l’autre par le défaut. Ce milieu n’étant pas un milieu absolu, mais relatif. C’est-à-dire qu’il ne doit pas être défini abstraitement, en lui-même ; il est toujours milieu de quelque chose. C’est dans cette distinction entre le milieu de la chose et le milieu par rapport à nous, qu’Aristote met en évidence le formalisme de la règle morale, analogue au formalisme mathématique.
83« Par milieu de la chose, j’entends le point équidistant des deux extrêmes, — un point qui est évidemment unique et identique pour tous ceux qui le déterminent. Par milieu par rapport à nous, j’entends ce qui ne représente ni un trop ni un trop peu, et ce milieu-là n’est pas unique, ni le même pour tous »50.
84Entre dix qui est trop et deux qui est trop peu, le milieu de la chose est six.
85« Ce n’est pas ainsi qu’il faut déterminer le milieu par rapport à nous. Supposons en effet que dix mines de nourriture soient une forte ration pour l’homme en général, et deux mines une ration faible. Il ne s’ensuit pas que l’entraîneur prescrira une ration de six mines, car il peut fort bien se faire que cette ration soit trop forte ou trop faible pour l’athlète qui l’absorbera : pour Milon ce serait peu ; mais pour celui qui aborde le métier du gymnase, ce serait beaucoup »51.
86On voit par là que pour s’adapter parfaitement, la notion de milieu doit demeurer formelle ; si on lui donne un contenu, elle fera violence à la chose au lieu de la mesurer. En ce sens le formalisme qu’on a reproché à la morale kantienne est une marque essentielle de la loi morale. Elle implique simplement la nécessité de la règle, mais elle ne dit pas quelle règle ; celle-ci est à trouver dans chaque cas particulier. Car si, avec la nécessité de la règle elle imposait en même temps une règle, il n’y aurait plus de liberté ; la société humaine ressemblerait à une fourmilière.
87« Dans une ruche ou dans une fourmilière, l’individu est rivé à son emploi par sa structure, et l’organisation est relativement invariable, tandis que la cité humaine est de forme variable, ouverte à tous les progrès. Il en résulte que, dans les premières, chaque règle est imposée par la nature, elle est nécessaire ; tandis que dans les autres une seule chose est naturelle, la necessité d’une règle »52.
88A la suite du texte que nous venons de citer, Bergson établit une comparaison très éclairante entre la morale et le langage.
89« La morale d’une société humaine est en effet comparable à son langage. Il est à remarquer que si les fourmis échangent des signes, comme cela paraît probable, le signe leur est fourni par l’instinct même qui les fait communiquer ensemble. Au contraire, une langue est un produit de l’usage. Rien, ni dans le vocabulaire ni même dans la syntaxe, ne vient de la nature. Mais il est naturel de parler, et les signes invariables, d’origine naturelle, qui servent probablement dans une société d’insectes représentent ce qu’eût été notre langage si la nature, en nous octroyant la faculté de parler, n’y eût joint cette fonction fabricatrice et utilisatrice de l’outil, inventive par conséquent, qu’est l’intelligence. »
90Ainsi comme tout le contenu du langage humain est conventionnel, mais que la faculté de parler nous est accordée par nature, ainsi tout le contenu des lois est conventionnel, mais la faculté de régler, elle-même, est naturelle.
91Au terme de cet exposé, nous avons pu voir en quel sens on peut dire que la loi a non seulement sa place dans l’éthique, mais en est avec la liberté la catégorie première, car être libre, c’est être affranchi de la loi pour se donner la loi.
Notes de bas de page
1 KANT, Fondement de la métaphysique des mœurs, (trad. Delbos), p. 143.
2 KANT, Critique de la Raison Pratique, (trad. Picavet), p. 2, n. 2.
3 KANT, Critique de la Raison Pure, (trad. Tremesaygues et Pacaud), p. 349.
4 KANT, Fondement de la Métaphysique des Mœurs, (trad. Delbos), p. 180.
5 KANT, Fondement de la Métaphysique des Mœurs, (trad. Delbos), p. 180.
6 KANT, Critique de la Raison Pratique, p. 90.
7 Op. cit., p. 90.
8 DOSTOIEVSKI, Les Frères Karamazov, Le Grand Inquisiteur, V, 5.
9 ARISTOTE, Politique, III, 8.
10 NIETZSCHE, Généalogie de la morale, dissert. 2, aph. 3.
11 FREUD, Le problème économique du masochisme, dans G. W., t. XIII, p. 380.
12 NIETZSCHE, Généalogie de la morale, dissert. 2, aph. 6.
13 FREUD, Kurzer Abriss der Psychanalyse, part. I, chap. 5.
14 FREUD, Nouvelles Conférences pour l’introduction à la Psychanalyse, n. 31.
15 P. L. ASSOUN, Freud et Nietzsche, Paris, P. U. F., 1980, p. 274.
16 FREUD, Moïse et la religion monothéiste, III, Progrès de la spiritualité.
17 FREUD, Nouvelles conférences, n. 31.
18 SPINOZA, Tractatus theologico-politicus, c. 4.
19 NIETZSCHE, Der Wille zur Macht, aph. 266.
20 Op. cit., aph. 306.
21 H. KELSEN, Théorie Pure du Droit, (trad. Thevenaz), Paris, 1962, 2e ed., p. 30.
22 Op. cit., p. 30.
23 NIETZSCHE, Crépuscule des idoles, Les quatre grandes erreurs, aph. 3.
24 CICERON, Des lois, I, 18.
25 KELSEN, op. cit., p. 30.
26 THOMAS D’AQUIN, S. Th., la, IIae, qu. 95, a. I, c.
27 P. LEGENDRE, L’amour du censeur, Paris, 1974, p. 28.
28 EURIPIDE, Hélène, 276.
29 Cité d’après J. de ROMILLY, La loi dans la pensée grecque des origines à Aristote, Paris, Belles Lettres, 1971.
30 PLATON, Criton, 50a.
31 J.-J. ROUSSEAU, art. Economie politique de l’Encyclopédie.
32 Cfr J. P. VERNANT, Mythe et pensée chez les Grecs, Paris, Maspéro, 1965, p. 185.
33 THUCYDIDE, Guerre du Péloponèse, V, 105.
34 LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, P. U. F., 1962, p. 582.
35 BERGSON, Les deux sources de la morale et de la religion, p. 5.
36 MONTESQUIEU, L’esprit des lois, I, 1.
37 NIETSZCHE, Die Unschuld des Werdens, 2, 266.
38 NIETZSCHE, Der Wille zur Macht, 634.
39 PLATON, Gorgias, 508 a.
40 THOMAS D’AQUIN, S. Th., la, IIae, qu. 90, a. I, c.
41 THOMAS D’AQUIN, S. Th., Ia, IIae, qu. 90, a. I, 3.
42 THOMAS D’AQUIN, S. Th., Ia, IIae, qu. 96, a.5, 3.
43 Op. cit.
44 H. MARCUSE, Eros & Civilisation, Paris, Minuit, 1968, p. 107.
45 E. PISIER-KOUCHNER, L’obéissance et la loi, dans Histoire des Idéologies, t. III, Paris, 1978, p. 121.
46 ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, I, 6, 1098 a12.
47 Op. cit.
48 ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, 2, 6.
49 Op. cit., 1106 b18.
50 Op. cit., 1106 a29.
51 ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, 2, 6, 1106 a36.
52 BERGSON, Les deux sources de la morale et de la religion, p. 22.
Auteur
Philosophe, maître de conférences aux Facultés universitaires Saint-Louis.
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