La question du sujet autonome dans la construction des groupes restreints
p. 87-114
Texte intégral
I. Une clinique psychosociale
1Ma démarche procède d’un cheminement personnel créé par une pratique clinique dans des organisations éducatives ou formatives de soin ou de service. Elle est une plongée dans la vie quotidienne ordinaire des organisations et des institutions, telle qu’elle peut être saisie, par un intervenant extérieur. Issues de l’accompagnement que j’effectue auprès des groupes qui m’adressent leur malaise, mes recherches portent sur l’analyse des processus psychiques et sociaux, subjectifs et collectifs par lesquels le(s) sujet(s) en situation sociale donne(nt) sens à son(leur) expérience. Il s’agit d’une clinique psychosociale qui se propose pour objet l’intelligibilité des liens constitués : comment le lien se prend, se déprend, se reprend, entre une subjectivité, dans ses dimensions conscientes et inconscientes, et des constructions, des structures, des logiques sociales saisies dans leurs significations. Structures sociales considérées comme habitées, en mouvement, animées par des pulsions.
2L’identification de leur réalité fonctionnelle externe est prolongée par une investigation sur la manière dont ces structures sont intériorisées et façonnent les conduites. Une attention particulière est portée aux effets de rencontre entre l’imaginaire individuel comme économie psychique et l’imaginaire social, comme significations collectives historiquement instituées. C’est ainsi ce social instable, varié, se faisant et se défaisant, se régulant et se dérégulant, créant de l’ordre et du désordre qui se donne à travailler dans l’intervention par et pour des sujets, ayant des rôles sociaux à tenir, pris dans leurs déterminations et leurs possibilités de jeu.
3L’approche clinique est à comprendre comme une présence à cette situation scénique complexe, mouvante, contradictoire en vue d’effectuer une lecture de ses significations. Le sujet y est compris non comme substance mais comme lieu d’affrontement de forces (des instances psychiques en conflit). Ce sujet porteur d’une division structurale est aussi celui traversé par des logiques et des contradictions sociales, de même qu’il est considéré comme capacité émergente à faire du sens. L’accent est mis sur l’importance accordée à la parole adréssée, à la relation comme condition du processus d’élaboration et d ‘ élucidation dans ce qui constitue une quête de sens, de cohérence et de reconnaissance.
4Cette approche, comme praxis mais aussi comme recherche, est particulièrement centrée sur une écoute des discours qui tissent, occultent ou révèlent les imaginaires à l’œuvre comme voies d’accès à une appréhension et à une compréhension des jeux et des enjeux des organisations sociales.
5Afin d’éclairer les relations et les significations dans les espaces intermédiaires que sont les groupes, j’ai été amenée à proposer la notion d’imaginaire collectif pour rendre compte des processus de construction imaginaire des groupes socio-réels1. L’objet de l’intervention renvoie aux questions soulevées par la demande. Cette dernière est l’expression d’un ensemble de représentations et d’affects développés, de façon consciente ou non, à propos de phénomènes qui portent sur le faire et l’être ensemble dans une situation qui pose problème. Représentations instruites par des éléments idéologiques et les rationalités à partir desquelles les acteurs sociaux appréhendent ces phénomènes, engagés qu’ils sont dans l’élucidation et le traitement des questions qu’ils se posent, dans une situation concrète et complexe dont ils sont partie prenante, soumis à la pression du temps et tenus par des préoccupations normatives et de sens. Plus spécifiquement, je m’intéresse à cette construction du monde en interrogeant ce qui du sujet est inscrit dans des structures et des logiques sociales et ce qui de ce social s’inscrit dans le psychisme et comment. Ma démarche réfléxive ne consiste donc pas simplement à éclairer l’entrelacement des processus psychiques avec la dynamique des facteurs sociaux, mais de suivre l’itinéraire de cette réciprocité circulaire et en particulier à partir de la notion d’imaginaire. Celle-ci me paraît, en effet, heuristiquement féconde pour former une conceptualisation permettant de saisir les échanges entre l’individu et son intériorité d’un côté, la société, ses offres et ses inductions de l’autre.
6La parole adressée au clinicien est tentative de se frayer un chemin par des images, des mots qui nomment des affects et des relations. A partir d’une écoute des discours qui raisonnent, argumentent, enchaînent les explications, anticipent les objections, la démarche clinique facilite l’accès à ce qui ne pouvait se dire et se tenait dans la méconnaissance, le déni, le non su. Parce qu’elle se pose comme psychosociale, cette clinique suppose non pas d’isoler le sujet mais de l’écouter en situation, aux prises avec lui-même, avec les autres, dans des contextes sociaux et culturels, dans une histoire individuelle et collective, évoluant au cours de la relation. Se forme alors un espace intersubjectif qui permet à des acteurs sociaux d’élargir leur compréhension de la complexité des situations professionnelles, envisagées dans la pluralité de leurs composantes. (subjective, intersubjective, organisationnelle, institutionnelle mais aussi fonctionnelle, imaginaire, symbolique). Cet espace en travail2 permet l’accès aux processus d’intériorisation qui sont à situer dans un contexte, temporalisé et actualisé. Enfin l’approche clinique favorise un repérage des enchaînements significatifs qui se sont formés et continuent à se construire et ce, en intérrogeant les sollicitations externes au sujet qui lui permette de tisser la trame renouvelée de son rapport à lui-même, aux autres et au monde.
7Mes intérêts se sont portés sur les phénomènes de crise, de malaise, de souffrance comme autant de figures du lien social et de ses avatars. J’essaie de comprendre comment chaque fois s’opère le passage entre le dehors et le dedans ; comment le sujet élabore son espace psychique et intersubjectif pour construire, à un moment donné, une représentation de lui-même, des autres et de la réalité qui l’inscrivent dans une histoire individuelle et collective. De comprendre la manière dont l’individu médiatise son rapport à la collectivité, dans les groupes et les organisations.
8Le groupe restreint institué est, dans mes travaux, un objet théorique dans la mesure où il ouvre à une intelligibilité du lien. Il est également une condition méthodologique d’actualisation des processus car c’est, en partie à l’intérieur du groupe comme lieu intermédiaire de socialisation, que j’essaie d’avancer dans la compréhension des liens entre sujets et société, liens qui se saisissent à travers la demande dont ces sujets sont porteurs.
II. La dimension imaginaire
9Dans une filiation à la pensée ontologique et anthropologique de Cornélius Castoriadis, je considère que les questions des groupes, adressées au clinicien, à travers le malaise, les crises, les dysfonctionnements, les conflits exprimés, sont des réponses de fait à ces questions dans la mesure où elles apparaissent comme le sens incarné de leur être ensemble et de leur faire ensemble. « L’image structurée de l’expérience utilise chaque fois les normes rationnelles mais les dispose selon une organisation dont il convient de dégager leur subordination à des significations qui ne relèvent pas du rationnel mais de l’imaginaire. » L’imaginaire, dans cette perspective, est à comprendre non seulement comme représentation mais aussi comme présentation, création, production.
10La question au cœur de mon approche est une interrogation sur comment les significations sociales, dans leur double dimension événementielle et historique, sont habitées par le sujet comme réalité psychique et comment celui-ci participe à leur reproduction ou à leur transformation dans la répétition ou la mobilité de ses propres constructions imaginaires.
11J’essaie d’approcher, en situation clinique, non des représentations arrêtées mais la « figure figurante », à savoir le processus, le chemin, la question en actes. Saisir comment l’image prend et s’incarne dans le temps et dans l’espace. L’imaginaire ne s’analyse pas seulement, en effet, à travers des contenus pleins mais aussi à partir de la façon particulière qu’a une image de faire survenir un monde ou d’empêcher un autre d’advenir. Il donne à voir des formes faites mais aussi des formes défaites car devant l’image on est aussi devant ce qui se dérobe dans cet agencement entre imaginaire individuel et significations sociales.
12C’est donc l’accompagnement à l’élucidation du malaise de professionnels m’adressant une demande qui m’a engagée dans une recherche de l’imaginaire dans les groupes institués. Deux origines m’ont amenée à élaborer cette approche : l’élaboration réflexive d’une activité d’intervention dans les groupes, et la rencontre avec la pensée de Cornélius Castoriadis sur l’imaginaire conçu comme fondement du social historique et de la psyche. D’un point de vue empirique, mon attention s’est portée sur la disjonction dans les séquences observables entre ce qui s’énonce comme dysfonctionnement et tout ce qui se tient en arrière-plan, non visible et qui produit un certain nombre d’effets, dénués de sens pour les acteurs sociaux qui ne reconnaissent pas dans ceux-ci les résultats de leurs propres actions ou de leur propre contribution au constructions sociales.
13D’un point de vue épistémologique, la prééminence accordée, par Cornélius Castoriadis, à l’imaginaire dont il fait une catégorie en dehors de laquelle il est impossible de comprendre ce qu’a été et ce qu’est l’histoire humaine, l’imaginaire comme fondement du social-historique et de la psyché a orienté mon travail conceptuel concernant le dégagement des significations individuelles et sociales dans des contextes micro-sociaux. Dans le sens initié par le philosophe qui pose la société comme constitution active, à partir des significations imaginaires sociales, vécu plus réel que le réel parce que non su comme tel, j’ai proposé une conceptualisation issue et soumise à la lecture de l’expérience clinique.
14Portant attention à la formation du lien micro-social, j’ai été amené à envisager que la rencontre entre les significations imaginaires sociales instituées et la réponse individuelle faisait émerger dans les groupes un contenu imaginaire spécifique. Rencontre qui préside à la mobilisation chez chacun de ce qui le fera participer avec d’autres à la formation de ce que j’ai nommé un imaginaire collectif. Production imaginaire propre à une organisation, l’imaginaire collectif résulte de l’appropriation chaque fois singulière des significations imaginaires instituées par le travail des psychés singulières en interaction dans le groupe. Ces significations sociales instituées, une fois métabolisées par l’imaginaire collectif y apparaissent comme des mythes ou des scénarios fantasmatiques de groupes qui, en raison de leur caractère inconscient, donc refoulé, sont susceptibles de donner lieu à des conduites ou situations qui interrogent.
15La notion d’imaginaire, telle que l’élucide Castoriadis, me semble propre à remédier à l’étroitesse de la notion de représentation sociale et à thématiser la complexité de l’univers des représentations collectives.
16Les analyses des processus, tels qu’ils se donnent à lire dans l’expérience clinique, m’ont amenée à poser que, sortie de sa période de constitution, l’organisation continue à fonctionner comme une structure d’appel et que les acteurs sociaux qui s’y intègrent sont conviés à s’inscrire dans un système de représentations qui leur préexiste. Cette préexistence est primordiale de par les conséquences dynamiques et économiques qu’elle entraîne dans l’interaction entre organisation et individu. L’analyse des significations imaginaires sociales et leur reprise par les organisations, permet d’examiner selon quelles voies les sujets sont conviés à engager leur singularité.
17La rencontre entre les significations sociales instituées des organisations et les réponses individuelles fait émerger, dans le groupe, un contenu imaginaire spécifique. Cette rencontre préside à la mobilisation chez chacun de ce qui le fera participer avec d’autres à la formation de ce que j’ai proposé de nommer un imaginaire collectif.
18En utilisant un terme singulier, je désigne l’ensemble des éléments qui, dans un groupe donné, s’organise en une unité significative pour le groupe, à son insu. Signification imaginaire centrale qui n’épuise pas les significations imaginaires du groupe encore moins celles des individus mais qui se présente comme un principe d’ordonnancement, une force liante déterminante pour le fonctionnement groupal.
19En tant que système, il remplit des fonctions d’organisation pour les perceptions et les affects, il assure non seulement des fonctions affirmatives et créatives mais également défensives contre toute menace interne et externe en essayant de réduire les désaccords, les conflits, les contradictions. Il établit un consensus latent sur la manière d’aborder les situations par la réduction qu’il opère entre désirs individuels et réalisations collectives. Système dynamique de représentations, il conjugue les nécessités affectives des individus aux exigences fonctionnelles des organisations. Articulé sur le désir inconscient, il se présente comme une construction à plusieurs qui préside à l’investissement des objets sociaux à partir de la mobilisation des composantes pulsionnelles. L’imaginaire collectif qui assure une suffisante cohérence sous-tend les projets, les objectifs, les volontés d’agir, les conduites professionnelles. En tant qu’il est discriminant, le système imaginaire est aussi une disposition qui va permettre l’action. Il est ce à partir de quoi le groupe détermine ses conduites et oriente sa praxis. Il conditionne des représentations secondaires et permet aux membres de s’y reconnaître.
20Conviés à exprimer la nature de leurs difficultés, les membres des groupes mettent le plus souvent l’accent sur les décalages existant entre leurs souhaits formulés en termes d’orientation de projets et d’objectifs, leurs pratiques, et les résultats qui ne correspondent pas à ceux légitimement attendus. Ils montrent leur trouble devant les effets non voulus de leurs réalisations, l’adéquation transparente entre projets, actes et résultats étant supposée aller de soi. Ces effets qui découragent parce qu’ils apparaissent comme dénués de sens ouvrent une voie pour mettre en évidence les constructions collectives à l’origine du lien de coopération et pour dégager les significations imaginaires.
III. Le groupe à la recherche du sens
21Les groupes entretiennent avec les contraintes externes un rapport qui conditionne leur capacité à s’adapter, à se transformer, à augmenter la variété de leurs réponses. Ils investissent ces données mais, si les modalités de cet investissement ne sont pas seulement dictées par cette réalité et ses contraintes, néanmoins, ces dernières constituent l’obstacle et la butée à partir desquels se compose le scénario. La construction imaginaire se présente alors comme un processus dynamique qui tient à la mobilisation d’investissements particuliers que certains contextes, certaines circonstances vont favoriser. Le traitement de la conflictualité, les compromis défensifs amènent les individus, dans les groupes, à nouer avec la réalité un rapport qui n’est ni une réponse passive induite par cette réalité extérieure aux groupes, ni une simple projection de fantasmes sur une réalité neutre.
22Il convient d’insister sur le fait que ce rapport est un processus actif de construction d’un monde qui implique le groupe lui-même, les autres, des objets et leurs attributs, des relations entre ces objets et leurs attributs.
23Ainsi n’y a-t-il pas saisie d’une réalité extérieure en tant que telle, mais production interne dans des conditions contraignantes, qui sont au moins de deux ordres :
- La subjectivité des membres du groupe (désirs, fantasmes, expériences, souvenirs...).
- La réalité hors groupe dont font partie les représentations sociales des autres groupes, des organisations, de la société.
24Le processus actif coïncide donc avec les mouvements subjectifs des membres du groupe en tant qu’ils sont spécifiquement sollicités par un contexte externe.
25L’imaginaire collectif est un système d’interprétations destiné à produire du sens. Sens que le groupe donne à la réalité pour, en même temps, se signifier lui-même dans la mesure où la perception de la réalité est simultanément une perception d’existence. Il garantit aussi une certaine stabilité de l’objet collectif d’investissement groupal, et, ce faisant, il acquiert un statut d’objectivité. Il est un référent nécessaire au point de se confondre avec la réalité elle meme, institutionnalisation de l’illusion partagée donnant le sentiment d’une certaine maîtrise.
26En tant que processus, l’imaginaire collectif signe l’existence d’une vie psychique dans l’organisation, en prenant sa source dans la capacité humaine à faire surgir des représentations.
27L’analyse de l’émergence des contenus imaginaires permet d’avancer des hypothèses sur les modes selon lesquels les productions constituées en produits sociaux donnent sens aux conduites sociales.
28L’imaginaire collectif s’origine au lieu de rencontre des signifiants individuels et des significations institutionnelles. C’est pourquoi, cette rencontre peut-elle être considérée comme l’événement inconscient et dynamique du lien groupal comme lien social.
29Du point de vue des contenus institutionnels, il est possible de repérer, par exemple, comment des principes, des normes institutionnels se constituent comme un ensemble de significations un déjà là et articulé apte à susciter des images pour le groupe qui compose une version significative pour lui dans un ensemble plus large.
30Mais la question plus délicate concerne le passage entre ce qui est formulé, défini, organisé dans l’usage social et ce qui se trame à l’intérieur du sujet.
31Le groupe comme espace intermédiaire peut-il être considéré comme une formation psychique ? Peut-on parler de sujet groupal ainsi que le proposent les psychanalystes groupaux ?
32Entre l’opération d’institutionnalisation et le psychisme individuel, existe un rapport qui me semble procéder d’une tension chronique. Dynamique conflictuelle entre les représentations individuelles et l’institution en tant qu’incarnation des représentations collectives, il constitue le processus même de la socialisation aux résultats non anticipables. Car s’il y a étayage de la psyché sur le social historique, il y a aussi étayage de la création sociale historique sur la psyché par « la scène psychique constamment apportée » pour reprendre l’expression de Castoriadis.
33Cependant, la nécessité du lien social entraîne la négation du caractère inéluctable de cette division comme elle est à l’origine de la production d’illusions dont les processus se laissent saisir en situation de crise c’est-à-dire dans la désintrication de ce qui faisait tenir ensemble des logiques sociales et des investissements affectifs.
IV. Le retour brutal de contenus imaginaires déniés
34Une recherche collective sur les processus subjectifs et intersubjectifs de rupture, au sein de différentes organisations, nous a amenés à poser que la crise dans les groupes institués tenait à l’introduction brutale de déclencheurs venus faire éclater l’unité qui donnait sens (Crises, 1996). Les déclencheurs se présentent, en effet, comme les messagers de forces qui heurtent l’équilibre antérieur trouvé entre dynamique interne et réalité extérieure. Ils s’annoncent, de mon point de vue, comme représentants d’un extérieur menaçant les fonctionnements de l’organisation et, au-delà d’eux, la construction imaginaire collective.
35Cependant, la nécessité d’un renouvellement des représentations imposée par certains changements n’est pas suffisante pour déclencher une rupture du lien. Si l’imaginaire collectif qui constitue le noyau, le principe organisateur de l’action, remplit les fonctions défensives et identitaires évoquées, on peut se demander, en effet, d’où le déclencheur tire sa capacité à briser l’unité. Ce qui se donne à l’analyse, c’est qu’il y a crise lorsque les transformations sociales font entrer de nouvelles significations qui viennent faire effraction dans les constructions collectives antérieures ; lorsqu’elles introduisent en particulier, et de façon brutale, des contenus déniés, contenus qui devaient précisément se trouver exclus du champ représentatif dans la constitution de l’unité et qui font brutalement retour, opérant un travail de déliaison. La crise révèle alors le caractère imaginaire de l’unité qui tenait à la nécessité de laisser dans l’ombre des éléments de réalité et leurs significations externes ou internes dont la prise en compte se révèle menaçante pour la construction groupale.
36Ces bouleversements remettent en question la qualité des systèmes défensifs érigés par les groupes pour préserver une certaine cohérence et une suffisante cohésion. L’unité se fondait sur un pacte dénégatif3 dont les fonctions structurantes et dynamiques éclatent et dont la fonction défensive devient inopérante. Les éléments déclencheurs font ainsi resurgir la violence qui était refoulée dans la construction imaginaire du groupe. En attaquant les fonctions organisatrices et défensives, ce sont les contenants, les liens et l’espace de créativité qui sont touchés.
37Si la construction du groupe tient avant tout à la qualité de l’investissement d’un objet commun en vertu de quoi les perceptions, les représentations ne peuvent être autrement ou autre chose que ce qu’elles sont, ces dernières, sur lesquelles repose la construction collective, excluent les représentations ou réalités qui viendraient les contredire, celles qui, extérieures à leur champ, sont l’envers du système constructif, son négatif. Les contenus déniés, en quelque sorte immobilisés, dissimulés, sont d’autant plus actifs dans le processus de déliaison qu’ils sont méconnus. Ils participent du mythe unificateur et trouvent, le plus souvent, à se maintenir comme contenu refoulé par les réussites de l’action collective avant d’être brutalement découverts et mis à l’épreuve.
V. Le groupe mise en commun de quoi ?
38La question au cœur de cette approche est celle des modes de passage entre ce qui est formulé, défini, organisé dans l’image sociale et ce qui se trame à l’intérieur du sujet. Le groupe restreint est un terrain privilégié pour examiner les deux sources de sens et leurs imbrications. Mais comment concevoir la réalité imaginaire dans les groupes ? Il est possible de voir dans la construction groupale « un contenant à l’intérieur duquel une circulation fantasmatique et identificatoire va s’activer entre les personnes » (D. Anzieu), mais, dans une perspective de mise en relation des processus psychiques et des logiques sociales, on ne peut se contenter de poser le groupe comme instance psychique commune (D. Anzieu) ou comme appareil psychique groupal (R. Kaës), et de suivre ainsi les propositions des psychanalystes groupaux.
39J’ai mis en lumière un scénario ; ce scénario est identifiable à travers un énoncé qui donne à voir la place faite à l’objet et à l’autre. Vectorisé par l’action, il est constitutif du groupe comme unité significative mais cette unité n’est pas une structure. Elle est une constitution active, toujours en train de se faire, née d’une interaction entre des psychismes individuels eux-mêmes pris dans des significations imaginaires sociales. Combinaison diversifiante à partir de repères signifiants qui permettent d’échanger et de traiter des différences et des manques. Entre la problématique collective et les variations individuelles existe toujours un décalage, un malentendu. Les deux ordres de contenus n’entretiennent pas un rapport d’équivalence. S’ils s’entrecroisent, transitent l’un par l’autre et se sollicitent mutuellement, ils ne se recouvrent pas. Lorsqu’on s’attache à comprendre ce que le groupe fait advenir comme significations dans l’acte d’institutionnalisation, nous voyons opérer des psychismes individuels. La production imaginaire collective, issue de l’activité fantasmatique individuelle nous apparaît davantage comme un analogon collectif de celle-ci.
40C’est pourquoi, plus qu’une homologie structurale, ce qui se donne à voir est davantage de l’ordre d’une analogie éclairante. Ainsi la notion de structure psychique me semble-t-elle devoir être réservée à l’individu.
41Ce qui soutient le besoin d’unité dans le groupe c’est, de mon point de vue, la nécessité de faire émerger un objet suffisamment commun, condition du faire social et non une réalité mentale de groupe. La construction collective ne m’apparaît pas, en effet, comme une formation mentale stabilisée mais se présente comme un contenu significatif, à un moment donné, une production instituée instituante riche en processus. Car la relation qu’entretiennent les individus à l’imaginaire collectif est à la fois ferme et souple, soumise aux variations des problématiques individuelles comme à celles des conjonctures sociales et c’est l’opération même de cette liaison qui est touchée dans la crise. On assiste alors à une défection du sens qui renvoie à un appauvrissement, voire à un tarissement des représentations qui circulaient, trop liées qu’elles étaient à un agencement défini pour que, dans le premier temps de la rupture, de nouvelles combinaisons soient possibles.
42Le groupe, tel que je l’envisage ici, est celui qui se forme dans des contextes de socialisation secondaire. Lorsque l’individu se situe de quelque façon dans les représentations collectives, il y introduit la division qui le traverse comme sujet. Les discours tenus montrent que, quelques soient les modalités d’intégration de l’individu à un imaginaire de groupe, son adhésion est toujours potentiellement conflictuelle. Cependant, parce que la singularité est aussi celle qui s’exprime dans cette capacité de « prise ensemble » que constitue le scénario commun, se pose la question du rapport entre la pulsion et l’image dans cette nécessité d’une liaison intersubjective.
43Si l’on admet que la pulsion est condition préexistante à l’image, comment comprendre ce qui origine la possibilité même de la création d’images communes ?
44Les travaux de W.R. Bion sur les données immédiates de l’expérience sensorielle et émotionnelle, qui posent que, l’individu en groupe combine instantanément et inconsciemment ses émotions primaires avec celles des autres participent d’une compréhension de l’agencement primaire des constituants individuels. « La mentalité de groupe présente une uniformité contrastant avec la diversité de pensée propre à la mentalité des individus qui ont contribué à la former... Toute contribution à cette mentalité de groupe doit se conformer aux autres contributions anonymes ou être soutenue par ces dernières » (1965).
45La proposition d’un fond commun qui réunit des contributions singulières pour une réalisation des désirs ; l’importance des phénomènes de renforcement réciproque de ces contributions ; l’uniformité dégagée d’une diversité fantasmatique initiale et le caractère non conscient de cette mentalité sont autant d’éléments, essentiels, constitutifs, qui me semblent pouvoir fonder, à un niveau protomental, ce que j’ai choisi de désigner par imaginaire collectif. Ces avancées sont enrichies par une proposition qui concerne cette question d’un fondement pulsionnel, énergétique et émotionnel, dans son rapport à l’imaginaire et à la quête de l’objet. S’appuyant sur son expérience de psychodramatiste, O. Avron observe avec précision ce qu’elle nomme les effets de présence sur l’autorégulation groupale. Il s’agit d’un « état direct de stimulation et de réceptivité entre les psychismes » qui institue une liaison dans des modalités chaque fois particulières mais « marquées par une dominante pôlaire collective qui donne la tonalité à l’ensemble ».
46L’appréhension des variations énergétiques préside à la construction des scénarios collectifs où chacun participe au maintien de la dynamique de l’ensemble. La fonction de la pulsion d’interliaison étant « d’assurer une première forme de liaison énergétique entre les individus ». (O. Avron, 1996). Est ainsi mise en lumière cette potentialité sociale inscrite dans l’interpulsionnel et qui « génère à bas bruits les actions mutuelles du lien humain », à partir de laquelle je vois une proposition intéressante concernant la question de l’origine de la formation d’une image commune, « la présence [se soutenant] de l’imaginaire et l’imaginaire de présence » : édification collective où présence et représentation induisent une expérience introjective et projective.
47Ainsi du point de vue psychique le groupe ne nous semble-t-il pas devoir être considéré comme un organisme mais davantage comme un objet d’investissement pulsionnel (J.B. Pontalis, 1968). De composition instable, il est soumis aux mouvements qui affectent les représentations psychiques et les représentations sociales. La notion d’imaginaire collectif restitue la dimension plurielle de l’agencement des fantasmes. Elle est préférée à celle d’imaginaire groupal qui désigne chez Anzieu une unité fantasmatique.
48L’imaginaire est davantage envisagé dans le sens initié par Castoriadis comme « création incessante et essentiellement indéterminée, social-historique et psychique des figures, formes, images à partir desquelles seulement il peut-être question de quelque chose ». Mais ce qui me fait adopter cette notion c’est aussi, la prise en compte d’un rapport en partie idéalisant et en partie conflictuel entre un sujet et une réalité extérieure à lui, autrement dit la prise en compte du sujet dans la représentation sociale.
49Le groupe lui-même n’est pas seulement considéré dans sa groupa-lité interne mais comme réalité sociale. Ceci explique l’attention particulière accordée à la place de l’institution comme système symbolique, système de valeurs, de normes et de représentations qui structurent et dynamisent les échanges et les pratiques.
50Le rapport institution-groupe se présente comme un rapport de tensions entre un système normalisé attractif et un ensemble de réponses individuelles dont les représentations se constituent en des imaginaires de groupes entre création et aliénation. Point de rencontre des problématiques individuelles et des systèmes institutionnels, le groupe est un lieu de significations qui donne sens au contexte, aux relations et à la praxis tout en les organisant.
VI. Accompagner des groupes en crise
51Ces réflexions trouvent leur origine dans des pratiques d’intervention. L’objet qui se prête à l’investigation est un malaise, un effondrement exprimé par des individus et des groupes en situation professionnelle. Il s’agit d’éclaircir les relations complexes qui s’établissent entre des messages institutionnels, des idéologies, des productions sociales d’ordre culturel et les constructions d’une intériorité psychique.
52Peut-on avancer sur le plan épistémologique un concept qui rende compte de l’articulation psychosociale ? Il faut s’en tenir, me semble-t-il, à des niveaux d’organisation différents entre processus psychiques et logiques sociales et poser le groupe comme espace intermédiaire où se rencontrent ces différents niveaux d’organisation. La notion d’imaginaire collectif est, ainsi, à comprendre comme une notion programme. Proposée pour sa portée clinique, elle désigne un registre choisi d’analyse et la nature des processus qu’elle entreprend d’élucider.
53D’un côté, les modalités selon lesquelles les messages sociaux et institutionnels façonnent les groupes au niveau de leurs représentations de la situation et sollicitent les individus au niveau de leurs investissements subjectifs relatifs à leur activité. De l’autre, les modalités selon lesquelles des données subjectives convergent dans des formations affectives que des groupes produisent et entretiennent et qui modèlent les orientations culturelles à l’origine de leur fonctionnalité.
54L’interaction entre psyché et société est saisie à différents niveaux : l’institution et l’organisation comme structures d’appel imaginaire ; l’individu comme organisation affective mobilisable dans ses différentes composantes ; le groupe comme création d’images communes.
55Laissant de côté le concept d’imaginaire groupal utilisé dans une perspective d’unité fantasmatique, je propose la notion d’imaginaire collectif qui restitue la dimension plurielle de l’agencement des fantasmes, et pose le décalage existant entre production collective et formations individuelles.
56Je donne au terme collectif son sens étymologique. Participe passé du verbe latin colligere, collectus signifie : qui est le fait de plusieurs, réunis. Je considère l’imaginaire collectif comme ce qui est partagé par plusieurs dans un cadre précis ou une structure donnée. J’opte pour le mot collectif parce qu’il me semble mieux adapté à une définition du groupe considéré dans sa pluralité. Toutefois, précisons que j’utilise ce terme pour un groupe restreint et non pour le grand groupe ou la foule comme il est souvent employé. Si cette restriction est acceptée, elle pourrait permettre fructueusement de distinguer les deux concepts d’imaginaire collectif et d’imaginaire social, utilisés indifféremment l’un pour l’autre.
57Nous avons vu qu’à l’origine du lien coopératif se constitue un objet commun face auquel le groupe se dispose. Le malaise tient à une difficulté du groupe à se représenter lui-même, son action et cet objet autrement que dans une vue objectivée des effets. Il tient à cette détermination causale selon laquelle les uns et les autres unissent leur malaise et cette réalité extérieure qui, pour eux, fait obstacle à la réalisation, à la satisfaction et à la reconnaissance.
58Les objets sociaux, à l’origine du lien, constituent des matériaux que le groupe se propose, ou se voit proposer voire imposer et qui semblait jusque là coïncider suffisamment avec les demandes de chacun. Dans la crise, l’objet vient à se dérober et met en faillite la construction collective, confrontant chacun à l ‘ épreuve du manque. L’analyse, en éclairant les fondements imaginaires des systèmes explicatifs, permet d’atteindre les significations qui maintenaient antérieurement une suffisante cohérence, les systèmes défensifs ayant perdu de leur efficience. Elle amène progressivement les membres du groupe à reconnaître dans les contenus imaginaires leurs propres créations tout en les resituant dans le contexte contraignant de leur apparition.
59L’accès à la scène imaginaire, comme déploiement, lève un voile ; elle permet la conflictualisation. Le travail d’élaboration est une compréhension de cette partie du malaise de chacun pris dans ses relations réciproques. Il favorise la reconnaissance de la différence des positions et des investissements. Il amène à une reprise des projets dans le cadre d’une situation réévaluée dont certains éléments sont considérés comme irréductibles, d’autres rendus à d’autres proportions. Il opère une relativisation et un dégagement de la naturalisation des représentations à l’origine des dynamiques incomprises.
60La spécificité du travail d’analyse, dans les groupes institués, tient au fait que le cadre qui se constitue comme un lieu déplacé du collectif institutionnel permet à chacun d’éprouver ses rapports sociaux tels qu’il peut les saisir dans sa parole et celle des autres. Il est une élucidation des processus par lesquels le sujet est engagé ou s’engage dans une dynamique sociale codée et structurée et des significations de cet engagement dans des variations conjoncturelles. Le sens qui émerge et se forge en situation clinique concerne les modalités selon lesquelles les sujets produisent, rencontrent, subissent la dynamique sociale dont ils sont porteurs.
61L’accompagnement des groupes en crise donne à voir une rupture entre les systèmes régulateurs symboliques et imaginaires de l’organisation et les régulations interpsychiques de ses membres. Il montre les constructions collectives comme des systèmes partiellement clos et défensifs protégeant contre l’irruption de l’autre en tant que différence insoutenable.
62Dans le meilleur des cas, l’intervention se présente comme une épreuve d’extériorité à partir d’une reconnaissance du conflit dans ses dimensions psychiques et sociales. Elle favorise une intégration plus symbolisante qui se différencie d’un accès à la réalité extérieure marquée essentiellement par des représentations collées aux nécessités immédiates des groupes.
63L’enjeu maturatif est l’installation de l’autonomie subjective au cœur du lien social en place d’une représentation du lien comme identité commune qu’il s’agit de protéger des altérations de la durée et de l’altérité.
64Cet enjeu est au centre des formes actuelles du « malaise dans la civilisation » tel qu’il se reflète dans les groupes en difficulté. D’une part, la crise des valeurs et du sens qui touche les sociétés contemporaines, la dissolution des significations qui imposaient le sens commun attaque les modèles intériorisés. D’autre part, l’écart se fait souvent trop grand entre les investissements individuels et partagés et les propositions de la société qui perd ses qualités d’étayage. Propositions qui exercent une pression telle qu’elles dénouent les liaisons significatives qui constituaient les unités collectives. Certaines significations sociales qui imposent un des registres de la réalité comme un indiscutable a souvent pour conséquence de compromettre les échanges. Elles interdisent l’exploration et la compréhension des autres registres constitutifs de cette réalité sociale dans leurs logiques propres et dans leurs connexions. D’autres représentations ne peuvent être reçues ni même formées dans un contexte qui pose d’emblée un invariant qui scelle la question du sens. Ces significations imaginaires sociales produisent, alors, dans les groupes, de la sidération, sorte de paralysie qui ne permet plus à l’imaginaire ainsi réifié d’exercer ses fonctions récapitulatives, projectives et créatrices.
VII. Le projet d’autonomie
65C’est dans ce sens que les deux notions d’imaginaire et d’autonomie trouvent leur liaison théoriquement féconde.
66L’autonomie qui pose une auto-constitution explicite, lucide, réfléchie et délibérée impliquant une mise en question illimitée de l’institution établie de la société, n’est pas, pour Cornélius Castoriadis, une donnée mais un projet, compris, et je veux là insister, comme processus d’émergence. Ce projet, bien qu’en travail dans les structures intermédiaires (groupes, organisations, institutions spécifiques), ne constitue pas un axe d’investigation pour l’auteur. Ce dernier s’est attaché à dégager d’une part des mécanismes et des significations de la société globale d’un côté, de la psyché de l’autre, et, d’autre part de leurs rapports en même temps que les conditions ou les obstacles de la création d’un lien social à visée d’autonomie. Toutefois, il convient de nuancer ce constat en rappelant l’importance des analyses proposées sur l’expérience du mouvement ouvrier. Rappeler aussi une préoccupation concernant les niveaux micro-sociaux quand dans Fait et à faire, un texte bilan-programme, qu’il expose au cours du colloque organisé en 1987 par Giovanni Busino sur son œuvre, Cornélius Castoriadis se montre conscient de la nécessité de la tâche.
67Passant en revue les axes majeurs de son travail, il indique les directions qui lui paraissent les plus urgentes à prendre pour l’avenir :
- l’articulation concrète de la société, les corps intermédiaires, les significations particulières qui s’y attachent et les identifications correspondantes ;
- l’élucidation des modes de socialisation spécifiques instaurés chaque fois par des sociétés particulières ;
- et l’approfondissement des modes de passage de l’individu social hétéronome à la subjectivité réfléchissante et délibérante.
68Tâches qui concernent mes recherches attachées à rendre intelligible la construction du monde dans les groupes institués.
69En quoi donc la lecture de l’œuvre de Castoriadis est-elle significative pour penser l’autonomie dans ces espaces intermédiaires où se tisse le lien social ?
70Dans une approche qui porte sur l’analyse des modalités par lesquelles s’opère le passage entre réalité psychique et monde extérieur, la notion de signification imaginaire sociale (SIS) est d’une portée capitale. Elle permet de resituer à un niveau macro-social les significations qui se dégagent des structures intermédiaires et aide à qualifier leur antériorité sur les formations organisationnelles et groupales, en termes de contenu et de processus. SIS qui caractérisent les sociétés modernes : l’expansion illimitée d’une prétendue maîtrise rationnelle sur le tout, nature et êtres humains ; la position centrale de la rationalité comme projet à la base de la domination culturelle de la technique, de la science, de la bureaucratie et de l’efficience économique. Elle convie à porter l’attention à ce qui de ces SIS est institué et de l’ordre de la reproduction et à ce qui s’ouvre comme potentialité instituante, et de voir comment ces significations s’étayent ou reposent sur les logiques ensemblistes identitaires. Elle amène à comprendre comment les organisations et les groupes pris dans des contraintes internes et externes s’inscrivent dans une histoire qui est la leur à travers l’émergence des significations dites secondes auxquelles ils subordonnent leur fonctionnalité.
71Dire, avec Castoriadis, que les institutions sont des mises en forme et en sens de l’imaginaire signifie qu’elles fournissent à chaque fois un ordre au sein duquel certaines activités sont pleines de sens et que ce sens ne peut seul être rapporté aux circonstances extérieures. La réalité sociale se caractérise par l’union et la tension de l’instituant et de l’institué. L’intervenant travaille sur l’imaginaire effectif, mais l’intervention comme processus d’élaboration et d’élucidation peut favoriser des dynamiques instituantes. A travers les questions manifestes qui se posent concernant les projets, les statuts, les rôles, les places, les fonctionnements, se posent d’autres questions qui touche au sens de ces premières : Qui sommes-nous comme collectif ? Qui sommes-nous les uns par rapport aux autres et les uns pour les autres ? Dans quoi sommes-nous ? Que désirons-nous ? Qu’est-ce qui nous manque ? Ce questionnement touche aux significations imaginaires auxquelles ni la réalité, ni la rationalité ne peuvent seules répondre.
72Le postulat d’une réalisation possible, dans son principe, d’une société autonome peut laisser interrogatif. On a pu reprocher à Castoriadis de ne pas suffisamment mesurer le poids déterminant de l’hétéronomie de l’institué travaillé de l’intérieur par la pulsion de mort, porteuse non seulement de la répétition et de l’auto-perpétuation mais aussi de la destructivité. Ce qui apparaît nettement dans les groupes et qui n’a pas fait l’objet d’une attention particulière chez Castoriadis, alors même qu’elle est au centre de la préoccupation des psychosociologues, c’est la conflictualité, la place centrale du conflit dans tout agencement humain. La pratique de l’intervention dans les organisations montre, en effet, que les institutions et les organisations où se tisse concrètement le lien social sont davantage dominées par des processus de déliaisons liés aux conflits d’intérêts, à la pluralité des orientations normatives, à la diversité des étayages et à la concurrence des institutions dans leur tentative d’occuper l’espace psychique des individus. Par ailleurs les institutions trouvent davantage sens et cohérence à travers l’appel à des processus d’idéalisation qu’à travers la reconnaissance des processus de sublimation.
73Intégrant ces objections, il nous faut néanmoins revenir aux textes de Castoriadis pour réexaminer le projet d’autonomie inscrit dans une perspective démocratique qui, est aussi au cœur de notre projet d’intervention dans les groupes.
74De ses articles parus dans Socialisme ou barbarie jusqu’aux ouvrages les plus récents, on trouve l’idée selon laquelle il ne s’agit pas pour Castoriadis de produire un sujet autonome mais de le viser comme tel et de le considérer comme l’agent principal du développement de son autonomie. Ce point est pour nous central : seul l’exercice effectif de l’autonomie développe l’autonomie. Cette position pose directement la question des pratiques sociales, en particulier celles qui visent le changement car viser l’autre autonome et le constituer comme sujet de son développement oblige à questionner la conception même de ces pratiques. Nombre d’entre elles qui affichent un projet d’autonomie s’inscrivent, de fait, dans une logique de fabrication par le renforcement ou l’équipement qui se révèle davantage viser l’assujettissement. L’activité de celui qui vise l’autre autonome « n’est pas l’application d’une technique mais une praxis, à savoir l’action d’une personne qui se propose d’en aider une autre à accéder à ses potentialités d’autonomie. Et, dans la mesure où le contenu concret de ce but n’est pas déterminé à l’avance et ne peut pas l’être, puisqu’il implique aussi la libération des capacités créatrices de l’imagination radicale chez le sujet, cette activité est création, autrement dit poësis. » (C. Castoriadis, 1999) Les limites de cette activité pratico-poëtique ne peuvent être définies qu’en référence aux exigences du développement par le sujet de son activité sur lui-même. C’est ainsi que Castoriadis définit les métiers que Freud désignait comme impossibles : la psychanalyse, la pédagogie et la politique. Ajoutons que la clinique qui se constitue comme réponse sociale à une demande de sens, s’inscrit dans cette définition d’une activité pratico-poëtique dans la mesure où elle vise l’autre autonome au sens politique que lui donne Castoriadis « lucide sur son désir et la réalité et responsable de ses actes, c’est-à-dire se tenant pour comptable de ce qu’il fait » (C. Castoriadis, 1999).
75Si l’instauration d’une société autonome passe par la création « d’institutions qui intériorisées par les individus, facilitent le plus possible leur accession à leur autonomie individuelle et leur participation effective à tout pouvoir explicite existant dans la société. » (C. Castoriadis, 1990) la question qui se pose est celle des rapports mutuels entre autonomie subjective et autonomie sociale.
76Exerçant une pratique clinique dans des groupes institués à l’intérieur d’organisations sociales, je suis amenée à m’interroger sur les processus de médiation entre psyché et société. « Le seul problème que l’institution de la société doit résoudre partout et toujours c’est le problème du sens : créer un monde investi de significations » (C. Castoriadis, 1975). Pour l’individu comme pour la société il y a donc nécessité du sens non fonctionnel mais, souligne Castoriadis, ce dernier n’est pas de même nature dans les deux cas : la psyché demande du sens et la société lui fait renoncer à ce qui pour la psyché est essence propre en lui imposant de trouver celui-ci dans les significations imaginaires sociales. Il y a toujours du sens à faire ou à défaire.
77L’expérience des unités sociales intermédiaires que sont les groupes institués, dans lesquels il est possible de saisir à l’œuvre une socialité effective, nous montre que la médiation se faisant par les objets d’investissement et les modèles identificatoires fait de cette imposition à la psyché un processus complexe. Le sujet, individuellement ou en groupe, éprouve comme coïncidant, plus ou moins, par un glissement représentatif avec ses demandes et son désir, des matériaux qui lui apparaissent à découvrir ou proposés ou encore imposés par les institutions sociales.
78Situations, formulations, discours, partenaires, pratiques, qui font l’objet d’un maniement par le sujet, sont des matériaux offerts à l’investissement qui peuvent aussi bien apparaître comme contraignants ou laisser place à la création. Le sujet tente des choix d’objets sociaux, objets de substitution aux objets internes inscrits dans un mouvement de projection, d’introjection et de sublimation qui lui permettent de satisfaire sa tension vers l’idéal qui, rappelons-le, est condition du lien. Or cette tension n’est pas seulement processus d’idéalisation, exaltation de l’objet resté inchangé, transformation d’illusions en convictions, elle concerne aussi les processus de sublimation et donc de création d’une autre nature qui opèrent par décentrement, où le plaisir de la représentation est associé au plaisir de la liberté de faire et de penser. Liberté qui est capacité pour le sujet de se sentir vivant et désirant dans cet entre-deux indéterminé indéterminable de l’espace psychique et de l’espace social en intégrant les dérégulations internes et externes.
79A la question : pourquoi l’autonomie ? Castoriadis rappelle qu’il n’y a pas de réponse en amont, qu’il y a simplement une condition social-historique ; le projet d’autonomie, la réflexion, la délibération, la raison ont déjà été créés, ils sont déjà là, ils appartiennent à notre tradition. Mais cette condition n’est pas fondation. Dans un texte intitulé « Voie sans issue ? » (C. Castoriadis, 1996) Castoriadis s’inquiète de l’effondrement des significations imaginaires centrales, d’une crise de l’auto-représentation de la société. Cette crise actualise la question de l’alternative qui demeure toujours possible entre socialisme ou barbarie, l’autonomie restant une signification imaginaire historique « hautement improbable, fragile et dépourvue de toute garantie » (C. Castoriadis, 1997).
80Dans mon ouvrage « L’Enfant rêvé : significations imaginaires de l’École nouvelle » (réédition, L’Harmattan, 2006) il est possible de suivre, par exemple, comment l’éducation nouvelle, par la création d’un monde propre, se constitue comme condition de possibilité des manières de faire et de penser des acteurs d’un établissement scolaire : « L’eau vive. »
81Au principe de toutes les représentations secondes, telles que les conceptions éducatives ou les idéologies développées par les enseignants, cet imaginaire se présente tout autant leurrant qu’émancipateur et prend ses significations dans le contexte social-historique qui le fait être ce qu’il est. A travers une démarche clinique auprès des professionnels et une investigation monographique de l’établissement, j’ai mis en évidence l’imaginaire collectif d’une équipe d’instituteurs et son inscription dans des significations fondée sur un double mythe : celui de la nature comme lieu de vérité, et celui du paradis perdu. A travers l’histoire et les histoires de l’établissement, j’ai dégagé comment ce mythe s’incarnait dans création et les avatars de l’histoire de ce groupe.
82Dans d’autres ouvrages, j’ai décliné ces imaginaires dans leur dimension institutionnelle et sociétale. C’est ainsi que dans La figure de l’Autre dans l’école républicaine (2003), j’ai proposé une analyse de l’institution imaginaire de l’école républicaine, dans sa constitution historique, comme monde posé et construit, et à travers son effectivité figurée dans l’expérience des acteurs, avec une attention portée à ses contenus et à sa fonction d’étayage des identités individuelles et collectives. L’étayage, examiné dans ses altérations, c’est-à-dire l’institution de l’école comme subissant des transformations qui, à la fois, la révèlent et la modifient comme signification, du fait même du terrain qui s’étaye sur elle. J’ai dégagé comment le malaise des acteurs de l’école se présentait comme paradigme du malaise contemporain quant à la question de l’altérité.
VIII. La montée de l’insignifiance ?
83Concernant les groupes institués, on pourrait se demander quelles sont les significations imaginaires sociales, qui aujourd’hui ont cette capacité d’attaquer ou de renforcer les fonctions organisatrices et défensives des groupes. J’en dégagerai quatre que je rencontre le plus souvent au cours de mes interventions, telles qu’elles s’actualisent dans les groupes.
84Pour caractériser nos sociétés contemporaines, on s’accorde ordinairement, sur la perte des étayages et sur la dissolution des références qui ont perdu leur valeur de repère avec l’effondrement des grandes idéologies et des religions réparatrices. Sur ce fond relativiste, pourrait-on dire, l’économique se présente comme un universel. Il est pris comme une donnée anhistorique. Rien n’est considéré aujourd’hui comme définitif, les valeurs, les croyances s’équivalent sauf l’économique qui, lui, légifère pour l’éternité et le monde entier.
85Une première signification imaginaire sociale a donc pour contenu : l’économie de marché comme institution universelle.
86Une seconde signification est celle de l’efficacité comme valeur en soi, le vrai confondu avec l’efficace, avec pour corollaire l’instrument comme finalité et comme fondant une rationalité réduite à des relations causales et au calcul. Est vrai ce qui marche (rationalité instrumentale) et que cela marche est une fin.
87Une troisième signification concerne l’organisation des sociétés qui ne tiennent pas aux logiques, aux dynamiques des organisations sociales, à leurs influences, aux contextes historiques. C’est le monde lui-même qui marche ainsi, abstraitement, dans un invisible des intérêts et dans une globalité objectivée.
88Enfin une quatrième signification porte sur la rupture comme facteur unique de changement et sa valorisation. Pour qu’il y ait développement et pour augmenter la performance, il faut casser les choses, rendre les situations précaires, instaurer la menace, briser les équilibres antérieurs, garantie du changement.
89Ces significations imaginaires sociales, dans les groupes professionnels, produisent de la sidération imaginaire c’est-à-dire une sorte de paralysie qui ne permet plus à l’imaginaire ainsi réifié d’exercer ses fonctions de liaison.
90L’économique comme universel fait d’un des registres de la réalité sociale un invariant. Cette réalité indiscutable (« les faits sont là... ») a pour conséquence de poser un point aveugle compromettant les échanges, l’exploration et la compréhension des différents registres constitutifs de la réalité sociale dans leurs logiques propres et dans leurs connexions. Poser d’emblée un invariant empêche que se développent d’autres imaginaires, que se tissent d’autres significations qui ne peuvent être reçues ni même formées dans un contexte qui scelle la question du sens.
91L’efficacité comme valeur introduit un rapport au temps dans une urgence qui annule et attaque le travail de la pensée et de l’élaboration et conduit à l’exclusive des logiques opératoires.
92La rationalité explicative causale n’autorise que le recours à du déjà donné, déterminant externe qui échappe à tout travail de sens. Par exemple, lorsque le groupe pose un rapport de causalité exclusif entre son malaise éprouvé et les caractéristiques de la société, il tend à condenser la complexité de la situation en une explication formaliste dans le registre d’une immédiateté abrupte. L’imaginaire est alors transformé en fatalité, voire en destin tragique. Ce fatum prend, pourrait-on dire, en masse, envahissant l’espace mental et empêchant l’émergence de nouvelles combinatoires.
93Si le monde marche abstraitement, les situations sont pensées en extériorité mais aussi de façon globale. Elles sont décontextualisées et les groupes recherchent du sens en soi, renonçant à élaborer des significations à partir de leurs propres expériences référées aux contextes, aux logiques sociales et aux acteurs, concernés. Cette globalisation débouche sur la représentation d’un univers surdimensionné qu’il s’agit de simplifier pour tenter de retrouver un monde à sa mesure. Elle conduit à entrer, par mesure défensive, dans des processus de schématisation impropres au dégagement du sens, entraîne des conduites de stéréotypie et de stigmatisation qui arrêtent là encore la circulation imaginaire.
94Enfin, poser la rupture comme condition du changement, attaque les processus de continuité et d’unification qui constituent un des pôles (l’autre étant la discontinuité) permettant d’éprouver une cohérence interne, ce qui favorise le développement de sentiments catastrophiques.
95J’ai avancé que les systèmes de représentations et de significations sociales, sur lesquels s’arc-boutent les imaginaires collectifs, avaient pour fonction de solliciter les investissements en offrant du sens qui rassemble. Toutefois certaines de ces significations dominantes activées à l’intérieur des groupes peuvent aussi produire des effets de sidération empêchant que du sens se prenne et que du projet se développe. Ces significations imaginaires sociales qui ont valeur de signifiant viennent aussi, par leur brutalité et leur imposition, révéler des contenus de même nature, contenus déniés, ai-je dit, à l’origine du lien et condition de son maintien.
96C’est ainsi que, pour certains groupes, les logiques contraignantes du Tout économique, comme instance souveraine, font émerger et mettre en crise un imaginaire collectif fondé sur l’absolu d’un idéal s’inscrivant dans des pratiques discursives universalisantes issues d’une impossible représentation de l’autolimitation et de la relativité.
97Sollicités à inscrire leur action et leurs relations tournées vers l’extérieur dans l’exclusive de la logique instrumentale, certains groupes éprouvent une pression d’autant plus forte qu’ils se représentaient l’unité sociale qu’ils formaient fondée sur l’autonomie et le respect des places de chacun. Or celle-ci se révèle régie, à leur insu, par cette même logique instrumentale. Logique qui leur permettait de se soustraire à la question des finalités, menaçantes pour ces groupes dans leur nécessité de faire pour faire.
98La représentation d’un monde global, objectivé, qui marche abstraitement, semble incompatible avec celle d’un groupe attaché à l’exercice du pouvoir partagé et de la responsabilité collective. J’ai mis en évidence dans mes recherches comment dans des groupes en crise apparaissait que la référence autogestionnaire avait pris comme signification imaginaire celle d’un monde régi par un être supérieur, main invisible, ayant tout pouvoir sur les membres du groupe, eux-mêmes à parité face à cette instance abstraite, toute puissante, refoulée.
99Enfin, la valorisation sociale de la rupture et la violence qu’elle exerce sur les groupes dans ses modalités concrètes vient attaquer les constructions collectives à dominante fusionnelle qui reposent sur l’éviction du conflit dans une unité adhésive, excluant du champ représentatif une représentation possible, positive, de la perte. La violence venue de l’extérieur est ressentie d’autant plus vivement qu’elle touche des contenus non élaborés à l’intérieur des groupes.
100Ainsi engager avec ces groupes un processus d’élucidation crée un véritable bouleversement dans la représentation qu’ils se faisaient d’eux-mêmes. Elle est tout particulièrement une remise en cause de l’image qu’ils se faisaient de leur collectif comme autonome et de leur engagement dans une dynamique démocratique.
101Nous sommes l’élément fragile des Significations Imaginaires Sociales, l’élément de passage, le fragment ambulant, en même temps que l’élément de transformation ; le présent ne cessant de les reconfigurer. Mettre l’imaginaire au centre d’une pensée du temps et de l’histoire, comme complexité à l’œuvre, c’est poser l’imprévisible non comme une carence annonçant le dépérissement de l’être mais comme ouverture au renouvellement des significations. À partir d’une représentation partagée de la société comme « constitution active », le clinicien se fait l’allié du désir de coopération et de responsabilité collective des activités de ceux qui lui adressent leur malaise dans les organisations sociales. Le développement de l’autonomie dans laquelle « les autres sont toujours présents comme altérité et comme ipséité du sujet » (C. Castoriadis, 1975) s’inscrit dans un processus d’après-coup. La praxis clinique est toujours remontée du temps de l’événement. Des significations émergent de ce temps pris à rebours.
102L’utopie psychosociologique clinicien est que cette co-construction du sens participe à faire lever de nouvelles significations.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Les groupes tels que nous les saisissons dans l’intervention, pour en dégager des problématiques collectives, sont des groupes suffisamment restreints pour permettre une perception simultanée des membres entre eux qui doivent se connaître et se reconnaître comme appartenant au même ensemble. Ils sont dits socio-réels et institués car considérés dans leur rapport aux organisations et aux institutions dans lesquels ils inscrivent leur activité collective. Le groupe y est conçu comme une dynamique de relations qui elles-mêmes se définissent comme les perspectives intellectuelles, émotionnelles, affectives et actualisées dans et par leur institutionalisation.
2 Au sens freudien du terme.
3 Ce qui, dans le lien, est voué au destin du refoulement, du déni, du désavœu ou maintien dans l’irréprésenté et l’imperceptible ce qui viendrait mettre en cause la formation et le maintien de ce lien et des investissements dont il fait l’objet (Kaës, 1987).
Auteur
Université de Paris VII – Denis-Diderot
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Socialisme ou Barbarie aujourd’hui
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