L’évolution de la fonction de juger dans les ordres professionnels
p. 391-418
Texte intégral
Introduction
1La création, le développement et la restructuration des ordres professionnels dans le ressort des professions libérales ont fait l’objet, depuis une trentaine d’années, d’un mouvement législatif important. Inspiré par la préoccupation de discipliner la pratique d’arts dont l’exercice touche à l’ordre public, ce mouvement — prenant appui sur l’organisation de la profession d’avocat envisagée en quelque sorte comme « prototype » — s’est étendu tour à tour aux professions relevant de l’art de guérir, à la profession d’architecte ainsi qu’à celle de reviseur d’entreprise1.
2Cependant qu’elle se développe, cette tendance menant à l’instauration de structures et d’organisations professionnelles, se ramifie en se diversifiant. C’est ainsi qu’elle affecte, dans le ressort des classes moyennes, l’accès à certaines professions relevant du petit et du moyen commerce et de la petite industrie2 ; qu’elle conduit par ailleurs à mettre en place une loi-cadre destinée à assurer, dans la forme d’« Instituts », l’organisation des diverses « professions intellectuelles prestataires de services » ne relevant point de celles qui sont déjà constituées en ordres3.
3Paradoxalement et prenant en quelque sorte à contre-courant cette évolution législative, un mouvement d’hostilité aux ordres professionnels fait son apparition et s’amplifie4. C’est singulièrement dans le ressort des professions relevant de l’art de guérir qu’il prend ses formes les plus aiguës5, celles-ci se concrétisant dans diverses propositions de loi6 dont certaines tendent à la suppression pure et simple de l’Ordre des médecins. Ce mouvement d’hostilité a pris d’autant plus de consistance que, dans l’ordre international, la Belgique a été condamnée par la Cour européenne de Strasbourg au motif que sa législation relative à l’organisation et au fonctionnement de l’Ordre des médecins ne serait point conforme aux dispositions de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme7.
4Il ne saurait être question, dans le cadre limité de cette étude, d’analyser les étapes de cette évolution qui, au départ d’un régime de libre accès et de libre pratique, a conduit à l’éclosion et à l’essor d’organismes et de structures assurant, de manière sans cesse plus diversifiée, l’organisation des professions ; moins encore de fixer, en quelques lignes, le rôle et les pouvoirs qui appartiennent ou ont été reconnus à ces institutions.
5L’objet de la présente communication est doublement contenu. D’une part, les groupements professionnels auxquels on s’attache sont ceux qui, prenant la forme d’ordres professionnels, se développent dans le secteur des professions libérales8. On laisse ainsi de côté les problèmes touchant à l’accès à la profession et à la représentation des intérêts dans le secteur des classes moyennes et des professions « intellectuelles prestataires de services » ; aussi, ce qui relève de l’organisation et de l’aménagement des emplois des officiers ministériels9. D’autre part, les ordres professionnels auxquels on a égard seront analysés sous l’angle particulier de l’exercice d’une des fonctions qui leur reviennent : celle de juger au disciplinaire. Le contentieux de l’admission à la profession ainsi que les questions ayant rapport avec l’exercice du pouvoir réglementaire ne seront point directement abordés.
6Ainsi limitée dans son objet, l’étude comportera trois parties. L’on rappellera tout d’abord succinctement les caractères de l’institution — en l’occurrence l’ordre professionnel — au sein de laquelle la fonction de juger au disciplinaire s’exerce. L’on procédera ensuite à l’analyse de la nature de cette fonction et des éléments qui la singularisent. L’on évoquera enfin, au regard notamment de la jurisprudence récente de la Cour européenne de Strasbourg, les perspectives d’évolution de la fonction ainsi caractérisée.
CHAPITRE 1. L’institution au sein de laquelle la fonction disciplinaire est exercée
7Ainsi que l’écrit excellemment le professeur Cyr Cambier « les ordres peuvent apparaître comme des corporations professionnelles régissant, sous un régime de self-government et à la faveur d’attributs empruntés aux pouvoirs, la pratique de professions »10.
8En ramassant les traits essentiels, on pourrait les définir comme des institutions de droit public créées par la loi en vue d’assumer et d’assurer, dans le ressort de certaines professions libérales, une mission d’intérêt général exercée, avec des attributs de puissance publique, sous un régime d’autonomie.
9Sans entrer dans des approfondissements qui excéderaient de toute évidence les limites de la présente communication, il importe, au départ, de préciser quelque peu les éléments de cette définition.
Section 1. Les ordres sont institués et organisés par la loi
10Les principes de notre régime constitutionnel conduisent à réserver au législateur le pouvoir de limiter l’exercice des libertés individuelles. Ce qui affecte la liberté d’exercice des professions est, dès lors, du domaine exclusif de la loi.
11En l’occurrence, un besoin est ressenti comme étant d’intérêt public : celui d’ordonnancer la pratique de certaines professions libérales dont l’exercice engage directement le bien commun. Répondant à ce besoin la loi ne se borne point à réserver en monopole l’exercice de ces activités aux seuls professionnels remplissant certaines conditions de titre qu’elle fixe ; elle aménage, en outre, la profession elle-même en lui assignant des organes propres, chargés de sa discipline interne et dotés à cet effet de prérogatives d’autorité. Un élément volontaire intervient certes. Mais il se réduit à la demande d’admission à l’ordre, cette admission devenant, par la volonté de la loi, une condition imposée à l’exercice de la profession11.
12Les ordres professionnels diffèrent donc profondément des autres groupements ou associations qui procèdent de l’initiative privée, tels les établissements d’utilité publique, les unions professionnelles ou encore les associations sans but lucratif. C’est la loi elle-même qui crée et institue les ordres12. C’est la loi qui en détermine les attributions ainsi que les modes de désignation, par élection, des organes chargés de les exercer.
Section 2. Les ordres constituent des personnes de droit public
13Les missions confiées aux ordres professionnels en vue d’assurer l’ordonnancement et la discipline de l’exercice des professions qu’ils incarnent, les attributs conférés à cet effet à leurs organes, traduisent l’appartenance de ces organismes — que la loi dote de la personnalité juridique — à la catégorie des institutions de droit public13.
14C’est bien dans ce sens que s’exprime le Commissaire royal à la réforme judiciaire lorsqu’il écrit dans son rapport : « le Barreau est de droit public : son institution est un des fondements de la justice »14. C’est une formulation du même ordre que l’on retrouve dans les dispositions instituant l’Ordre des médecins et l’Ordre des pharmaciens, qui précisent que ces formations jouissent « de la personnalité civile de droit public »15.
15Ce rattachement des ordres professionnels aux institutions de droit public ne doit cependant point conduire à assimiler, trop hâtivement, ces entités à des établissements publics ou à des associations de droit public16.
16Les ordres ne sont pas établis pour assurer, par le procédé de la décentralisation, la gestion d’un service public. Ni leur institution ni leur organisation ne sont destinées à assurer, sous une forme assouplie, des responsabilités détachées de la gestion des responsabilités administratives. Il s’agit en réalité de personnes morales de droit public d’un format particulier dont l’objet ne relève point de la gestion étatique. Ce sont en quelque sorte « des organismes mi-publics mi-privés, des communautés intermédiaires entre le pouvoir et les administrés »17.
17De reconnaître aux ordres professionnels la portée d’institutions de droit public ne doit point, par ailleurs, conduire à verser dans d’autres vues simplificatrices. La nature d’institution de droit public ne confère point de soi la qualité d’autorité administrative. C’est ainsi qu’à la différence de l’Ordre des médecins, de l’Ordre des pharmaciens, de l’Ordre des vétérinaires et de l’Ordre des architectes — qui en tant qu’institutions de droit public relèvent de l’ordre administratif — l’Ordre des avocats appartient à l’ordre judiciaire18. Ceci conduit à cette conséquence que si, dans l’accomplissement de certaines de leurs responsabilités, le Conseil d’État s’est reconnu compétent pour exercer, au contentieux de l’annulation, la censure de certains actes accomplis par les ordres professionnels19, c’est à l’exclusion de l’Ordre des avocats dont l’appartenance au judiciaire exclut toute ingérence de la puissance publique et tout contrôle qui serait exercé par une juridiction administrative20.
18Relevons enfin que leur nature d’institutions de droit public classe les ordres professionnels en dehors du champ régi par le principe de la liberté d’association. C’est dès lors de manière tout à fait justifiée que tant la Cour de cassation21 que la Cour européenne de Strasbourg22 ont eu l’occasion de rappeler que l’inscription obligatoire sur la liste d’un ordre ne peut être considérée comme inconciliable avec la liberté d’association établie tant par l’article 20 de la Constitution que par l’article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.
Section 3. Les ordres assument une mission d’intérêt général sous un régime d’autonomie
19La création des ordres professionnels par le législateur répond à un souci d’intérêt général qu’engage l’exercice correct de certaines professions libérales. L’objectif poursuivi est de doter les organes de l’ordre d’attributions leur permettant d’assurer effectivement la discipline de la profession. Prenant la forme de pouvoirs de police, d’administration, de réglementation et de jugement, des attributs d’autorité leur sont de la sorte conférés. C’est cependant dans un régime qui préserve l’autonomie de ces institutions que la loi s’exprime.
20L’on a relevé plus haut que les ordres professionnels se distinguent des établissements publics aussi bien, du reste, que des associations de droit public. C’est précisément cet aspect d’autonomie qui confère aux ordres professionnels un visage particulier qui ne correspond à aucun de ceux qu’adoptent les divers services publics décentralisés de l’État23.
21Les ordres professionnels sont, dès l’abord, constitués sur une base égalitaire. L’idée de hiérarchie en est absente, qui caractérise toute fonction publique. L’on a affaire à des confréries et non à des structures « verticales » fonctionnant sur base du principe hiérarchique et autoritaire. Aussi bien, est-ce par voie d’élection que les organes de l’ordre sont constitués.
22Cette construction égalitaire de l’ordre professionnel tient essentiellement à la nature des activités que ces institutions régentent. Ce n’est point un service public dont il s’agit ; ce n’est point une charge publique ou un office qui est réglementé. Ce qui est en cause est l’exercice de professions libérales dont le caractère est et demeure fondamentalement privé. Ce caractère ne disparaît point par cela que l’exercice de l’activité engage l’intérêt général. « Il y a service. Mais celui-ci revient au client non pas à l’État »24.
23L’autonomie reconnue aux ordres professionnels transparaît encore d’une autre manière. Il est de l’essence d’une administration décentralisée de l’État ou d’un service public étatique d’être soumis, par la technique de la tutelle, au contrôle organisé de la puissance publique. Pareille tutelle ne se retrouve point dans les ordres professionnels. C’est assurément vrai pour l’ordre des avocats qui — comme on l’a signalé plus haut — ne connaît aucune ingérence de quelque nature que ce soit émanant de l’ordre administratif dans l’exercice des attributions qui lui reviennent. C’est également vrai pour les autres ordres professionnels dont les actes ne sont soumis qu’à des contrôles de type juridictionnel exercés soit par la Cour de Cassation soit par la Conseil d’État25.
Section 4. Les ordres sont investis d’attributs de puissance publique
24L’on vient de voir que les ordres professionnels sont investis d’une mission d’intérêt général : celle de discipliner certaines professions dont l’exercice correct engage directement le bien public. Des prérogatives d’autorité leur sont, à cet effet, reconnues par la loi. Reconstituant en quelque sorte au niveau de la profession les diverses fonctions étatiques, les ordres professionnels cumulent ainsi, tout à la fois, une fonction administrative, normative et juridictionnelle26. Ils exercent des pouvoirs de police. Ils décident de l’admission à la profession. Ils disposent d’un pouvoir réglementaire leur permettant de fixer, par voie de normes devenant obligatoires, les prescrits d’une déontologie. Ils assurent, dans le domaine de la discipline, une compétence de jugement. C’est à cette compétence que l’on s’attache à présent.
CHAPITRE 2. Nature et particularités de la fonction de juger au disciplinaire exercée par les ordres professionnels
25L’on a pu, avec raison, observer que « tous les hommes sont soumis à plusieurs droits disciplinaires parce que tous font partie d’un certain nombre de groupes sociaux dont ils acceptent les règles de comportement et dont ils subissent les sanctions »27.
26Une analyse sociologique superficielle permet de constater qu’à la formation et au développement de tout groupement correspond, en quelque sorte naturellement, la création et le développement d’un droit et d’une fonction disciplinaire. Pareil contentieux de groupe se retrouve ainsi très généralement dans les divers organismes et associations issus de l’initiative privée. A la qualité de membre du groupe s’attache le respect de certaines règles sociétaires communes. La violation de celles-ci entraînera l’application de sanctions prononcées par les organes du groupement, ces sanctions pouvant aller jusqu’à l’exclusion du groupe. Il s’agit ici d’un droit disciplinaire de nature contractuelle lié à l’acceptation des règles statutaires qui régissent le groupement28 (associations sans but lucratif, unions professionnelles, établissement d’utilité publique...). Le contrôle par le juge judiciaire de l’exercice régulier de cette fonction disciplinaire prend, en l’occurrence, la forme d’un contrôle du respect dû par l’associé aux règles du contrat d’association auquel il a volontairement accepté d’adhérer.
27C’est cependant clans le cadre des fonctions et des offices publics ainsi que dans le ressort des professions spécialement organisées, que le droit et le contentieux disciplinaire prennent leurs dimensions les plus caractéristiques. La fonction disciplinaire assumée par les ordres professionnels prend place à cet endroit. L’on voudrait, à grands traits, en préciser la nature et les caractères.
Section 1. Nature de la fonction disciplinaire
28Le pouvoir de juger au disciplinaire dans le ressort des ordres professionnels n’est point à confondre avec celui qui prolonge l’exercice du pouvoir hiérarchique.
29Rejoignant sur ce point les thèses développées par le professeur Cyr Cambier29, il nous semble qu’une distinction essentielle doit, à cet égard, être pratiquée entre deux catégories de contentieux disciplinaires.
30L’autorité disciplinaire est, dans toutes les administrations relevant de l’État, des provinces, des communes, dans tous les organismes sous tutelle et au sein de la force publique, un attribut des organes responsables de la direction du service. Ainsi que l’écrit en substance le professeur Cambier, cette compétence revient au supérieur hiérarchique à l’égard de ses subordonnés. Il y va d’une justice retenue par le pouvoir qui commande30.
31La fonction disciplinaire ainsi assumée connaît certes des garanties. Indépendamment du respect dû au principe général du droit de la défense, celles-ci peuvent s’exprimer par l’intervention d’offices régulateurs, investis d’une mission consultative ; par l’obligation pour la décision d’être motivée ; parfois même par l’intervention d’instances successives de décision. Il demeure que ces divers aménagements n’affectent pas la nature des attributions dévolues. La discipline demeure un attribut de l’autorité hiérarchique. Si des emprunts sont faits à l’action juridictionnelle, « ce n’est que dans l’ordre de certaines garanties procédurales destinées à contenir, dans une certaine mesure, l’exercice du pouvoir revenant au supérieur qui juge son subordonné »31.
32Il en va autrement là où, à raison de la nature même des activités exercées, le contentieux disciplinaire s’intègre et s’accomplit au sein d’une collectivité constituée sur une base égalitaire. En ce cas, comme note le professeur Cambier, l’autorité disciplinaire « cesse de relever des prérogatives d’un pouvoir de commandement. Elle s’applique à des groupements dont les membres doivent à leur fonction, à leur charge, à leur état professionnel, de disposer d’une autonomie renforcée. La discipline est exercée par les pairs des justiciables. Aucune autre allégeance n’apparaît que celle procédant du respect dû aux normes communes »32. S’ajoutant aux protections d’ordre formel, des garanties d’autonomie et d’indépendance d’ordre institutionnel apparaissent, qui confèrent à la fonction disciplinaire un tout autre visage. La compétence exercée cesse de relever de l’administration contentieuse. Elle devient une œuvre juridictionnelle33.
33Le contentieux disciplinaire applicable aux juges trouve ainsi une organisation complète au sein de l’ordre judiciaire. Echappant à toute emprise de l’exécutif, en vertu de l’indépendance même qui les caractérise, les juges tiennent de l’article 100 de la Constitution la garantie de ne pouvoir être, pour motif disciplinaire, suspendus ou destitués que par jugement. C’est la Cour de cassation qui, en assemblée générale, est seule qualifiée pour prononcer à l’égard de tous les magistrats du siège — y compris les conseillers d’État — la peine de la destitution. Ce sont les assemblées générales des Cours d’appel et des Cours du travail qui sont, en règle, compétentes pour prononcer la peine de la suspension34. L’œuvre accomplie est ici pleinement juridictionnelle. Sous réserve des règles particulières qu’impose la nature de la fonction exercée, celle-ci s’accomplit dans la forme de la justice ordinaire35.
34C’est également dans la forme juridictionnelle que s’exprime le contentieux disciplinaire assumé au sein des ordres professionnels36. Ici aussi l’on se trouve en présence de sociétés égalitaires. Les autorités investies du pouvoir de sanctionner les manquements à la déontologie sont issues directement, par élection, du milieu professionnel. Le praticien est jugé par ses pairs. La loi, par ailleurs, garantit par la présence, au sein du siège, de magistrats de l’ordre judiciaire, l’indépendance de la formation collégiale investie du pouvoir de jugement37. Elle ouvre, aussi bien, à l’intéressé un double degré de juridiction cependant que c’est, sur pourvoi, qu’un contrôle de légalité de la décision prise est exercé par la Cour de cassation.
35Ainsi donc, tant au plan formel qu’organique, les autorités investies du pouvoir de statuer au disciplinaire au sein des ordres professionnels, se présentent comme des organes autonomes assumant, dans le ressort d’une société partielle, une fonction de jugement s’apparentant à l’œuvre juridictionnelle exercée par les Cours et tribunaux. Instituées par la loi sous le bénéfice de garanties d’indépendance légalement organisées et soumises au contrôle juridictionnel exercé au degré suprême par la Cour de cassation, il y va de juridictions se mouvant dans l’orbite du judiciaire et prenant place parmi celles que le législateur peut créer sur pied de l’article 94 de la Constitution38.
36Nous venons de relever que ces juridictions gravitent dans l’orbite du judiciaire. Bien que la question soit délicate et n’ait point été abordée de front par la doctrine, il nous semble en effet qu’il ne s’agit point de juridictions administratives. Pareille qualification ne pourrait certes, de toute façon, revenir aux organes du barreau dont l’appartenance à l’ordre judiciaire est légalement consacrée39. Mais même en ce qui concerne les juridictions disciplinaires relevant des ordres informant l’art de guérir et la profession d’architecte, la qualification nous paraît inadéquate. Tout dans la composition et le fonctionnement de ces juridictions évoque en effet le judiciaire : c’est à parité de magistrats de l’ordre judiciaire et de praticiens que les conseils d’appel sont composés40 ; sauf disposition particulière ce sont les règles du Code judiciaire qui régissent la procédure41 ; c’est sur pourvoi devant la Cour de cassation que le contrôle de légalité s’exerce42. Tout ceci conduit à tenir ces organes (là même où ils s’intégreraient dans des institutions relevant, sous d’autres aspects, de l’ordre administratif) comme accomplissant une fonction de juger étroitement associée à celle qu’accomplit le judiciaire.
Section 2. Caractères de la fonction disciplinaire
37La fonction disciplinaire est distincte de la fonction du droit pénal. C’est sous cette forme que l’on caractérise habituellement le pouvoir de juger au disciplinaire. L’observation est assurément fondamentale. Encore convient-il d’aller plus loin car si les deux fonctions sont effectivement distinctes elles participent fondamentalement d’une même idée : celle de réprimer des comportements tenus comme constitutifs d’infraction aux normes régissant un groupe social.
38Comment caractériser plus précisément la fonction disciplinaire ? Trois caractères essentiels nous paraissent devoir être mis en relief : cette fonction est de type répressif ; elle met en œuvre un droit de groupe ; elle s’accomplit dans le cadre d’une procédure particulière.
1. la fonction disciplinaire est de type répressif
39La fonction de jugement exercée au disciplinaire par les ordres professionnels a pour objet d’assurer la répression des manquements que le membre du groupe commet aux devoirs de son état. Un ordre juridique propre à la confrérie43 — ordre juridique qui s’exprime dans le droit disciplinaire dont il sera question ci-dessous — fixe des exigences et des règles de conduite dont le respect est nécessaire à l’exercice correct de la profession envisagée. Un manquement est-il commis par un praticien ? L’autorité disciplinaire s’en saisit et le sanctionne. La sanction frappera l’individu soit par le prononcé d’une peine purement morale (avertissement, censure, blâme...) soit par le prononcé de sanctions plus graves touchant directement l’exercice même de la profession et pouvant aller jusqu’à l’exclusion du groupe, entraînant perte du droit d’exercer la profession.
40Le contentieux disciplinaire se présente donc, dans le ressort de la profession organisée, comme un contentieux de type répressif. Il s’analyse au sein de l’ordre juridique qui régit ce groupe, comme un contentieux objectif. Ce qui est en cause est la conformité ou la non conformité d’un comportement aux règles de la déontologie. Comme au pénal, le procès est fait à un acte : celui qui, accompli par un membre du groupe, est tenu comme incompatible avec les règles d’ordonnancement qui le régissent.
41Même si la sanction prononcée peut en fin de compte frapper la personne dans l’un de ses droits — savoir celui de poursuivre l’exercice de son activité — le contentieux n’est point subjectif. L’objet de la contestation ne porte point sur l’existence ou la non-existence d’un droit subjectif. L’objet de la contestation est uniquement de savoir si, au regard des règles de la déontologie, tel comportement, tel acte, telle omission est ou non répréhensible.
42Pas plus que le contentieux pénal44, le contentieux disciplinaire ne relève ainsi des contestations « ayant pour objet des droits (civils ou politiques) » au sens des articles 92 et 93 de la Constitution. C’est dès lors, nous paraît-il, à juste titre que la Cour de cassation a décidé « que les poursuites en matière disciplinaire et la prononciation de mesures disciplinaires sont en principe étrangères aux contestations qui relèvent, suivant l’article 92 de la Constitution, exclusivement des Cours et tribunaux » et que « la circonstance qu’au terme d’une procédure disciplinaire peut être prononcée une mesure disciplinaire qui inflige la suspension du droit d’exercer l’art, ne signifie nullement que pareille procédure disciplinaire aurait pour objet de régler des contestations relatives à des droits civils au sens de l’article 92 de la Constitution »45.
43Autre est, il est vrai, la question de savoir si le contentieux disciplinaire n’ouvre point un procès dont « l’issue serait déterminante » pour des « droits et obligations de caractère civil », justifiant l’applicabilité de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. C’est là, à notre avis, un tout autre problème qui sera examiné dans la troisième partie de cette étude.
2. la fonction disciplinaire met en œuvre un droit de groupe
44Il n’est pas d’organisme social de si peu de complexité, observe Santi Romano dans son ouvrage sur « L’ordre juridique », qu’il ne s’instaure en son sein un régime comportant tout un ordre d’autorités, de pouvoirs, de normes et de sanctions. Et d’observer que toute communauté (usine, établissement, entreprise, cercles de jeux...) éprouve « le besoin absolu de ces règlements intérieurs de caractère disciplinaire »46.
45Ce qui singularise l’ordre professionnel et, comme on l’a relevé, le distingue de tous autres organismes ou associations issus de l’initiative privée, est son caractère d’institution de droit public. C’est précisément pour assurer le respect de la déontologie — c’est-à-dire ce qui s’impose comme relevant en l’occurrence des devoirs d’un état — que les ordres ont été créés par la loi. La fonction de juger au disciplinaire est un de leurs attributs essentiels. Ils l’assument en mettant en œuvre le droit d’une société partielle constitutive d’un ordre juridique propre : le droit disciplinaire.
46Il y aurait beaucoup à dire et à nuancer au sujet de ce droit47. L’on ne peut ici que se borner à formuler quelques réflexions de portée générale.
47Sa nature de droit de groupe vaut au droit disciplinaire d’être autonome. L’on entend par là qu’il est tout à la fois distinct du droit civil et du droit pénal. Plusieurs conséquences importantes en résultent. Un fait peut être pénalement irréprochable et constituer un manquement disciplinaire ; de même un comportement fautif au sens de la loi civile n’est point de soi constitutif d’un manquement à la discipline48. Par ailleurs l’appréciation des faits par le juge pénal ne lie pas, en règle49, l’autorité disciplinaire cependant que, sauf dispositons spéciales, le pénal ne tient pas le disciplinaire en état50. Tout ceci s’explique aisément : le droit pénal (aussi bien que la loi civile) relève de l’ordre juridique global étatique cependant que le droit disciplinaire relève de l’ordre juridique d’une société partielle. Un même comportement peut être, au regard de ces deux ordres juridiques, apprécié différemment. Ceci explique également qu’un même comportement puisse être tout à la fois pénalement, civilement et disciplinairement sanctionné. La régie non bis in idem ne fait nullement obstacle à pareil cumul.
48Autonome, le droit disciplinaire est également largement non écrit, en ce sens qu’il n’existe pas de textes qui contiennent une énumération exhaustive des fautes susceptibles d’entraîner la répression disciplinaire. C’est de manière très vague et en usant d’un vocabulaire emprunté à l’ordre éthique51 que la loi assigne à la déontologie tout à la fois cet objet et ce contenu de fixer les régies relatives « à la moralité, l’honneur, la discrétion, la probité, la dignité et le dévouement indispensables à l’exercice de la profession »52. Sans doute certaines dispositions légales imposent-elles aux praticiens un certain nombre d’obligations jugées fondamentales. Par ailleurs, le pouvoir réglementaire revenant aux ordres professionnels leur permet de fixer, en forme normative, certaines règles de comportement ainsi que des « codes de déontologie ». Il reste que ces dispositions légales aussi bien que ces règlements n’épuisent point le champ du droit disciplinaire. Celui-ci est également dans les usages et dans les mœurs. Il suit de là que le principe nullum crimen sine lege qui forme l’une des pierres d’angle de notre droit pénal, n’est point transposable en matière disciplinaire. Ce n’est certes point à dire que l’arbitraire puisse s’instituer. L’autorité « ne crée pas de toutes pièces la faute »53. Elle ne peut ainsi donner la qualification de manquement disciplinaire à un fait qui ne pourrait légalement (au sens d’une légalité intrinsèque appréciée au regard de la norme disciplinaire même non écrite) recevoir pareille qualification. Cette qualification est une question de droit à laquelle s’applique la censure de la Cour de cassation.
49Le caractère essentiellement non écrit du droit disciplinaire ne concerne point seulement la détermination des infractions. La fixation de la peine est, également, laissée à l’appréciation de l’autorité qui décide. Certes le législateur fixe, dans les divers ordres professionnels, une échelle des peines. Mais il appartient à l’organe de jugement d’apprécier la gravité de l’infraction commise et d’appliquer à cette infraction la sanction jugée la plus adéquate. Ici également l’appréciation ne saurait, selon nous, devenir arbitraire. C’est ainsi que dans le contentieux disciplinaire de la fonction publique, le Conseil d’État a déclaré que s’il ne peut, en principe, substituer son appréciation des faits à celle du juge de la discipline, c’est sous réserve de l’hypothèse où il apparaîtrait que la sanction prononcée est manifestement hors de toute proportion avec la gravité du fait reproché54. Pareil enseignement doit être approuvé même si, à notre connaissance, il n’a point été jusqu’à présent consacré par la Cour de cassation. Ajoutons qu’à défaut de textes, d’autres principes de légitimité restreignent, aussi bien, le pouvoir de l’autorité disciplinaire55 : ainsi le principe d’interprétation restrictive des dispositions qui comminent des interdictions ; le principe de la présomption d’innocence et du bénéfice du doute ; la règle selon laquelle un même fait ne peut, dans le ressort d’une même discipline, faire l’objet de plusieurs sanctions disciplinaires ; le principe de non-rétroactivité de la décision prononçant la sanction disciplinaire.
3. la fonction disciplinaire s’accomplit dans le cadre d’une procédure particulière
50La nature de la répression poursuivie se répercute sur les modalités de l’exercice de l’action. La procédure disciplinaire est particulière. Ici également c’est à quelques caractères essentiels que l’on doit se limiter.
51La procédure disciplinaire est, dès l’abord, marquée par le style inquisitoire. Dérogeant à la règle selon laquelle le juge est normalement saisi sur demande, l’autorité investie du pouvoir de juger a, en l’occurrence, dans ses attributions, celle de se saisir d’office de l’affaire. Indépendamment de toute plainte ou de toute dénonciation, le droit d’action appartient ainsi à l’autorité qui juge. C’est également cette autorité qui procédera à l’instruction de l’affaire. Aucune règle préétablie ne contient, à cet égard, la recherche et l’appréciation des faits. La conviction est libre et non, comme en matière judiciaire, régie par un système spécial de preuve56. Ajoutons que dans le cadre de cette instruction le praticien inculpé est soumis, à l’égard des autorités disciplinaires, à une obligation de loyauté. Dans plusieurs arrêts, la Cour de cassation a même décidé que ce devoir de sincérité et de loyauté à l’égard des autorités disciplinaires l’emportait sur l’obligation de l’avocat au secret professionnel, ces autorités étant elles-mêmes, en ce cas, garantes du secret professionnel et tenues à pareil secret57.
52La procédure disciplinaire est régie par le principe du droit de la défense. Il s’agit là d’un principe général qui, même sans texte, s’impose dans toute procédure mettant en cause la correction d’un comportement. Les dispositions légales régissant les divers ordres professionnels le précisent, aussi bien58. Que ce soit sur base de textes ou en vertu du principe général, les garanties offertes à l’intéressé sont substantielles : le libellé précis des faits qui lui sont reprochés ; la possibilité de consulter le dossier ; le droit d’être entendu avec l’assistance d’un conseil ainsi que le droit de déposer toutes notes ou conclusions ; le droit de récuser l’un de ses juges59 ; le droit à une sentence motivée révélant tout à la fois les raisons de son dispositif et la réponse aux conclusions éventuelles déposées par l’inculpé. L’ouverture de voies de recours prolonge l’exercice de ce droit de la défense : ainsi en va-t-il de l’opposition devant l’autorité disciplinaire mieux informée ; de l’appel devant l’organe de jugement statuant au second degré de juridiction ; du contrôle de légalité, enfin, exercé, sur pourvoi, par la Cour de cassation.
53Un dernier trait caractérise la procédure disciplinaire. Sauf texte dérogatoire exprès, celle-ci est secrète et n’est, dès lors, point soumise au principe de la publicité des débats et de la publicité du prononcé. Tel est du moins l’enseignement qui, actuellement, demeure celui de la Cour de cassation. Au terme d’une jurisprudence constante, celle-ci décide en effet que les articles 96 et 97 de la Constitution ne sont applicables qu’aux tribunaux de l’ordre judiciaire et « ne s’imposent aux autres juridictions, notamment à une juridiction disciplinaire, que si une disposition légale particulière le prescrit »60. Une position diamétralement différente a, cependant, été adoptée en cette matière par la Cour européenne de Strasbourg dans une affaire mettant directement en cause la responsabilité de l’État belge. L’arrêt rendu dans cette affaire est d’importance. Il justifie qu’un développement spécial lui soit consacré. Par quoi l’on aborde la troisième partie de cette communication.
CHAPITRE 3. Evolution et perspectives de la fonction de juger au disciplinaire exercée par les ordres professionnels
54L’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par la loi du 13 mai 1955, consacre le droit de toute personne « à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».
55La question se pose de savoir si cette disposition — qui a prééminence sur notre droit interne — est applicable aux juridictions disciplinaires instituées dans les ordres professionnels. Un enseignement traditionnel répond à cette question par la négative. Telle n’est pas cependant l’opinion de la Cour européenne des droits de l’homme. Dans son arrêt du 23 juin 1981 (en cause Le Compte contre État belge), la Cour européenne de Strasbourg affirme l’applicabilité de l’article 6 de la Convention de Rome aux procédures disciplinaires mues dans le ressort de la profession médicale. Pareille prise de position ouvre des perspectives et soulève des problèmes qui, à certains égards, remettent en question l’organisation actuelle et le fonctionnement des ordres professionnels.
Section 1. L’enseignement traditionnel
56La question de l’applicabilité de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme aux procédures disciplinaires a donné lieu à une abondante jurisprudence de la Cour de cassation. A de nombreuses reprises la Cour suprême a, en effet, été saisie de pourvois incriminant, sur base de cette disposition, la légalité de sentences rendues, en degré d’appel, par des instances disciplinaires instituées au sein des divers ordres professionnels. Formulés tantôt isolément tantôt concurremment, deux moyens essentiels ont été avancés : d’une part, en tant que la juridiction disciplinaire siège à huis clos et en tant que la décision elle-même est rendue à huis clos, l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme est méconnu, qui impose la publicité de l’audience et du prononcé ; d’autre part, en tant que la juridiction disciplinaire est composée pour partie de membres qui exercent la même profession que ceux qui comparaissent devant elle, celle ci ne répond point au prescrit du même article 6 qui impose la règle suivant laquelle le tribunal doit être une juridiction indépendante et impartiale.
57D’une manière constante la Cour de cassation a rejeté ces pourvois61 en décidant que l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme n’est point applicable aux procédures disciplinaires, et cela au motif que ces procédures n’ont pas pour objet de décider soit sur « des contestations sur des droits et obligations de caractère civil » soit sur une « accusation en matière pénale ». Soucieuse de justifier davantage son enseignement, la Cour ne se borne point à un constat d’inapplicabilité de la Convention européenne. Elle se réfère, aussi bien, aux principes généraux du droit62. C’est ainsi qu’en ce qui concerne la publicité des débats et du prononcé, elle précise « qu’au surplus ces publicités sont incompatibles avec le principe du droit qui, tant dans l’intérêt général que dans celui de la personne poursuivie disciplinairement, impose la discrétion quant à l’examen et au jugement des causes disciplinaires ». S’agissant de la composition de la juridiction, elle déclare que « la règle suivant laquelle le tribunal doit être une juridiction indépendante et impartiale constitue un principe général de droit applicable à toutes les instances juridictionnelles » tout en précisant cependant « qu’il ne peut se déduire de la seule circonstance qu’une juridiction est composée entièrement ou partiellement de membres qui exercent la même profession ou une profession similaire ou qui possèdent la même qualité professionnelle que ceux qui comparaissent devant ces juridictions, que celle-ci n’est ni indépendante ni impartiale ».
58Cette jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation concluant, dans son principe, à l’inapplicabilité de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, pouvait, jusqu’il y a peu, s’autoriser d’une jurisprudence concordante de la Commission européenne des droits de l’homme. De manière constante celle-ci avait également, en plusieurs décisions, estimé que les procédures disciplinaires ne pouvaient ni être considérées comme ayant pour objet la détermination d’un droit ou d’une obligation de caractère civil, ni être qualifiées d’une accusation en matière pénale63. Partagé par le Conseil d’État de Belgique64, cet enseignement est également celui du Conseil d’État de France qui, dans un arrêt rendu le 27 octobre 1978, déclare que les juridictions disciplinaires ne sont point de celles qui rentrent dans les prévisions des dispositions de l’article 6 de la Convention de sauvegarde65.
59Cet enseignement traditionnel allait cependant être renversé par un spectaculaire revirement opéré par la Cour européenne de Strasbourg.
Section 2. Le revirement opéré par la Cour européenne des droits de l’homme
60Si l’on peut assez aisément convenir qu’une poursuite disciplinaire devant un ordre professionnel ne constitue point « une accusation en matière pénale »66, la question est plus délicate de savoir si, au regard du texte et de l’économie de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde, pareille poursuite ne relève point des procédures ayant pour objet « des contestations sur des droits et obligations de caractère civil ». Le recours aux travaux préparatoires n’éclaire guère les termes en question dont l’ambiguïté est encore renforcée par la divergence des versions française ou anglaise du texte. Aussi tant la Cour que la Commission se sont-elles rapidement prononcées dans le sens d’une interprétation « autonome » des termes de la Convention en relevant que l’expression « droits et obligations de caractère civil » doit être interprétée, non par référence aux qualifications de droit interne de l’État mis en cause, mais en tenant compte de l’objet et du but de la Convention ainsi que des divers systèmes de droit interne des autres États contractants67.
61Au départ de ce principe d’« autonomie » la Cour européenne a jugé dans son arrêt Ringeisen du 16 juillet 197168 qu’en ce qui concerne le champ d’application de l’article 6 § 1er de la Convention « il n’est pas nécessaire » pour que l’article 6 s’applique à une contestation que « les deux parties au litige soient des personnes privées. Le libellé de l’article 6 § 1er est beaucoup plus large ; les termes français couvrent toute procédure dont l’issue est déterminante pour des droits et obligations de caractère privé. Le texte anglais qui vise « the détermination of civil rights and obligations », confirme cette interprétation. Peu importent dès lors la nature de la loi suivant laquelle la contestation doit être tranchée et celle de l’autorité compétente en la matière ». En bref, dans cet arrêt, la Cour pose en principe qu’une contestation sur des droits et obligations de caractère civil doit s’entendre de toute procédure dont l’issue est déterminante pour des droits et obligations de caractère privé. Par ailleurs, pour savoir si une contestation porte sur la détermination d’un tel droit, seul compte le caractère du droit qui se trouve en cause.
62L’arrêt Ringeisen ne concernait point une poursuite disciplinaire engagée dans un ordre professionnel. Une seconde affaire allait permettre à la Cour de préciser sa jurisprudence dans un tel domaine. Telle est la portée de l’arrêt König rendu par la Cour le 28 juin 197869. Dans cette affaire qui mettait en cause la République fédérale d’Allemagne, un médecin avait incriminé la lenteur des juridictions administratives saisies de l’opposition qu’il avait formée contre les mesures administratives lui retirant, à la suite de décisions prises par les juridictions disciplinaires, l’autorisation de pratiquer et l’autorisation d’exploiter une clinique. Dans son arrêt, longuement motivé, la Cour commence par rappeler qu’en ce qui concerne le champ d’application de l’article 6 § 1er de la Convention, celui-ci s’applique à toute procédure « dont l’issue est déterminante pour des droits et obligations de caractère privé ». Au terme d’une analyse s’étendant sur plusieurs paragraphes, la Cour aboutit à la conclusion suivante : « estimant ainsi que les droits mis en cause par les décisions de retrait et qui font l’objet de contestations devant les tribunaux administratifs sont des droits privés, la Cour conclut à l’applicabilité de l’article 6 § 1er, sans qu’il lui faille en l’espèce se prononcer sur la question de savoir si la notion de droits et obligations de caractère civil... au sens de cette disposition, va au-delà des droits de caractère privé ». Et la Cour de conclure que l’article 6 § 1er est d’application à la procédure relative au retrait de l’autorisation pour le requérant de pratiquer.
63Ainsi donc dans cet arrêt König, la Cour européenne admet et déclare que rentre dans la notion même de « droits et obligations de caractère civil » une contestation mettant en cause, pour un praticien de l’art de guérir, le droit « de continuer à exercer ses activités professionnelles » médicales après avoir « obtenu les autorisations nécessaires ». Il est vrai cependant que dans cette affaire le requérant n’avait point incriminé la correction des procédures mues devant les instances disciplinaires. C’est la procédure mue devant les tribunaux administratifs — saisis de son opposition formée à l’endroit des décisions prises par les autorités disciplinaires — qui avait fait l’objet de son incrimination. Une nouvelle espèce allait, cette fois, permettre à la Cour de se prononcer sur l’applicabilité de l’article 6 de la Convention aux procédures engagées devant les juridictions disciplinaires proprement dites.
64Cette espèce est celle qui, opposant les docteurs Le Compte, Van Leuven et De Meyere à l’État belge, a été tranchée par un arrêt du 23 juin 198170. Dans cette affaire les trois médecins (qui — pour des faits de nature différente — avaient tous trois fait l’objet de mesures de suspension prononcées par les autorités disciplinaires) avaient saisi la Commission de recours mettant en cause la légalité des sanctions disciplinaires ainsi prononcées, au regard des prescrits de l’article 6 de la Convention de sauvegarde. En tant qu’ils s’autorisaient de cet article 671, les recours se fondaient essentiellement sur deux moyens : le premier déduit de l’absence de publicité tant au niveau des débats que du prononcé des sentences disciplinaires ; le second déduit de ce que la juridiction disciplinaire, composée partiellement de membres relevant de la même profession, ne constituaient point un tribunal indépendant et impartial.
65Rejetant l’argumentation développée par le gouvernement belge qui invitait la Cour à s’écarter de la jurisprudence consacrée par l’arrêt König, la Cour européenne conclut par 15 voix contre 5 à l’applicabilité en l’espèce de l’article 6 § 1er de la Convention. Comme dans l’arrêt König, la Cour rappelle que pour qu’une contestation ait porté « sur des droits et obligations de caractère civil » il faut mais il suffit que « l’issue de la procédure » ait été « déterminante » pour un tel droit72. La Cour observe que « la suspension dont se plaignent les requérants constituait, à n’en point douter, à la différence de certaines autres sanctions disciplinaires, une ingérence directe et substantielle dans l’exercice du droit de continuer à pratiquer l’art médical » et que « les contestations visées à l’article 6 § 1er peuvent certes avoir pour enjeu l’existence même d’un droit de caractère civil mais aussi son étendue ou les modalités selon lesquelles son titulaire est libre d’en user ». Et la Cour d’en déduire : « dès lors que la contestation des décisions prises à leur encontre doit être considérée comme relative à des droits et obligations de caractère civil, les requérants avaient droit à l’examen de leur cause par un tribunal remplissant les conditions de l’article 6 § 1er »73.
66Rencontrant, ensuite, le grief déduit de ce que la juridiction disciplinaire n’aurait point constitué un « tribunal indépendant et impartial », la Cour rejette le moyen. Après avoir affirmé que « l’indépendance de la Cour de cassation ne saurait être mise en doute » l’arrêt écarte l’argument pris de ce que le Conseil d’appel était pour moitié composé de praticiens : « la présence — déclare la Cour — de magistrats occupant la moitié des sièges, dont celui de président avec voix prépondérante, donne un gage certain d’impartialité et le système de l’élection des membres médecins par le Conseil provincial ne saurait suffire à étayer une accusation de partialité ; quant à l’impartialité personnelle de chacun des membres, elle doit se présumer jusqu’à preuve du contraire ; or, ainsi que le souligne le gouvernement, aucun des requérants n’a usé de son droit de récusation »74.
67Rencontrant le second moyen déduit de l’absence de publicité des débats et du prononcé, l’arrêt le tient, en revanche, pour fondé. L’arrêt relève qu’une procédure disciplinaire « se déroulant dans le secret avec l’accord de l’intéressé n’enfreint pas la convention », mais qu’en l’espèce « les requérants souhaitaient et réclamaient manifestement un procès public. L’article 6 § 1er ne permettait pas de le leur refuser puisque l’on ne se trouvait dans aucun des cas énumérés par sa seconde phrase ». La circonstance que les intéressés eurent droit à la publicité de la procédure devant la Cour de cassation ne saurait, aux yeux de la Cour, suffire : « en effet la haute juridiction ne connaît pas du fond des affaires, de sorte que de nombreux aspects des contestations relatives aux droits et obligations de caractère civil échappent à son contrôle. Pour de tels aspects qui existaient en l’espèce, il n’y a eu ni débat public ni décision rendue en public comme le veut l’article 6 § 1er »75. Par 16 voix contre 4 la Cour conclut que la procédure devant le Conseil d’appel n’a point été régulière et qu’il y a eu, à ce niveau, méconnaissance de l’article 6 § 1er de la Convention « en tant que la cause des requérants n’a pas été entendue publiquement par un tribunal jouissant de la plénitude de juridiction ».
Section 3. Incidence et implications de la jurisprudence de la Cour européenne
68Les arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme que l’on vient, rapidement, de rappeler soulèvent deux séries de questions : la première est de savoir si l’on peut tenir pour acquis, en droit interne, que l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme est bien applicable aux procédures disciplinaires mues au sein des ordres professionnels ; la seconde est de savoir quelles seraient les implications de pareille applicabilité.
1. en ce qui concerne l’applicabilité de l’article 6 de la convention de sauvegarde aux procédures disciplinaires
69Les dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme sont directement applicables en droit interne ; elles ont une valeur supérieure aux normes, mêmes législatives, de notre ordre juridique national, en vertu du principe de la primauté du droit international sur la loi interne reconnue par la Cour de cassation dans l’arrêt Le Ski76.
70En revanche, les arrêts de la Cour européenne n’ont point — à la différence des arrêts rendus par la Cour de Luxembourg statuant sur question préjudicielle — un effet erga omnes77. L’interprétation donnée par la Cour européenne de Strasbourg aux dispositions de la Convention de sauvegarde ne vaut, en principe, que pour l’espèce jugée. Cette interprétation ne lie dès lors point, comme telle, un juge national si celui-ci a la conviction que cette interprétation est erronée. Pareille prise de position d’un juge national ne peut cependant se justifier que s’il y a des raisons sérieuses de croire qu’un revirement de jurisprudence, au niveau de la Cour européenne, peut être raisonnablement envisagé.
71Compte tenu des précisions déjà contenues dans les arrêts Ringeisen du 16 juillet 1971 et König du 28 juin 1978, l’impression se dégage que c’est de manière réfléchie et délibérée que la Cour européenne s’est prononcée, dans l’arrêt Le Compte du 23 juin 1981, dans le sens de l’application de l’article 6 de la Convention de sauvegarde aux procédures disciplinaires.
72Tel n’a point cependant été le sentiment de la Cour de cassation. Dans deux arrêts rendus le 21 janvier 1982 la Cour suprême a en effet considéré qu’il se déduit tant du sens et de la portée de la notion « contestations sur des droits et obligations de caractère civil » que de la nature et de l’objet même des procédures disciplinaires, que les auteurs de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme n’ont pu avoir eu l’intention de soumettre celle-ci à la publicité que prescrit l’article 6 § 1er de cette Convention78.
73Ces deux arrêts ont été prononcés sur les conclusions conformes du Procureur général à la Cour de cassation F. Dumon. Dans ses conclusions — qui ont été reproduites, à la suite des arrêts, dans le Journal des Tribunaux du 15 mai 1982 — le Procureur général a expressément invité la Cour de cassation à s’écarter de la jurisprudence consacrée par l’arrêt Le Compte. Considérant que l’interprétation traditionnelle de la Cour de cassation est plus conforme au prescrit de l’article 6 § 1er que celle de la Cour de Strasbourg, le Procureur général estime en effet qu’un revirement de jurisprudence de la Cour européenne est une « possibilité voire un risque prévisible ».
74Nous ne partageons point, personnellement, l’opinion ainsi exprimée par cet éminent magistrat. Certes un revirement de jurisprudence, au niveau de la Cour européenne de Strasbourg, est toujours théoriquement concevable. Dans la matière qui nous occupe, pareil revirement paraît cependant hautement improbable : il impliquerait en effet que la Cour européenne revienne non seulement sur la prise de position très ferme qu’elle a adoptée dans l’affaire Le Compte mais également sur les principes déjà dégagés dans les autres arrêts qui ont précédé celui-ci.
75Les arrêts de la Cour de cassation du 21 janvier 1982 ont été sévèrement critiqués par la doctrine79. Sans entrer davantage dans la controverse il serait en tout cas hautement souhaitable que la discordance entre l’actuelle jurisprudence de notre Cour de cassation et celle de la Cour européenne de Strasbourg prenne rapidement fin. Elle crée en effet l’insécurité juridique la plus complète. A l’heure où nous écrivons ces lignes une nouvelle affaire est pendante devant la Cour de Strasbourg. Elle oppose une nouvelle fois le docteur Le Compte à l’État belge. Il faut espérer que, quel que soit le sens du nouvel arrêt, celui-ci aboutisse à créer enfin la paix judiciaire80.
2. implications et conséquences de l’applicabilité de l’article 6 aux procédures disciplinaires
76A supposer que l’on puisse bien considérer que l’article 6 § 1er de la Convention de sauvegarde s’applique aux procédures disciplinaires, quelles conséquences en résultent ? Nous nous bornerons, sur ce point, à formuler deux ordres de considérations, le premier touchant le problème de la publicité des audiences et du prononcé, le second concernant la composition des juridictions disciplinaires.
771° L’application, en matière disciplinaire, du principe de publicité de l’audience et du prononcé consacré par l’article 6 § 1er de la Convention de sauvegarde ne soulève point, à notre sens, un problème particulièrement difficile81. Conformément à l’arrêt Le Compte, il suffit qu’une juridiction de fond, au moins, soit régie par ce principe de publicité. Par ailleurs l’article 6 § 1er de la Convention prévoit lui-même que le huis clos peut être prononcé dès lors que la publicité ne serait point compatible avec « l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice ».
78Ainsi donc rien n’empêcherait qu’une juridiction disciplinaire, soumise en principe à la règle de la publicité de l’audience, puisse constater dans tel cas déterminé que la poursuite disciplinaire met en cause le secret professionnel, lequel touchant à l’ordre public justifierait le prononcé du huis clos. Nous ne partageons dès lors pas l’opinion de la Cour de cassation exprimée dans les deux arrêts précités, selon laquelle « la publicité que vise ledit article 6 mettrait gravement en péril la sauvegarde du secret professionnel dont sont dépositaires certaines des personnes mises en cause dans une procédure disciplinaire ». Il faut le répéter : le secret professionnel touche à l’ordre public ; or l’ordre public est précisément l’une des causes qui peut justifier le prononcé du huis clos et ce sur base des dispositions mêmes de l’article 6 de la Convention de sauvegarde.
79Observons du reste que, s’agissant des avocats, l’article 476 du Code judiciaire dispose que les débats devant le Conseil de discipline d’appel peuvent avoir lieu en audience publique « si l’avocat inculpé le demande ». Pareille disposition est parfaitement compatible avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Il n’a jamais été soutenu que l’article 476 du Code judiciaire mettrait « gravement en péril » la sauvegarde du secret professionnel dont sont dépositaires les avocats.
802° Infiniment plus délicate est la question de la composition de la juridiction disciplinaire. L’on se souvient que dans l’affaire Le Compte, les requérants avaient soutenu que pour être composée partiellement de membres relevant de la même profession que l’inculpé, la juridiction disciplinaire ne pouvait être tenue pour un tribunal indépendant et impartial au sens de l’article 6 de la Convention de sauvegarde. Cet argument a été rejeté par la Cour européenne au motif — considéré comme déterminant — que « la présence de magistrats occupant la moitié des sièges, dont celui de président avec voix prépondérante, donne un gage certain d’impartialité »82. Pareille motivation peut être grave de conséquences. C’est qu’en effet si c’est bien à parité de magistrats de l’ordre judiciaire et de praticiens que sont composés les conseils d’appel institués pour les praticiens de l’art de guérir et pour les architectes, il n’en est point de même pour ce qui concerne la profession d’avocat.
81On sait qu’avant le Code judiciaire, c’était devant la Cour d’appel que le recours contre une décision prise par le Conseil de discipline des avocats devait être formé. Ce système a été abrogé. Il existe désormais au sein de chaque barreau un Conseil de discipline d’appel dont chaque chambre est composée d’un président — qui est magistrat — et de quatre assesseurs — qui sont avocats83.
82Prise à la lettre, la motivation de l’arrêt Le Compte ne devrait-elle point conduire, dans ces conditions, à considérer que ni le Conseil de l’ordre, ni le Conseil de discipline d’appel ne sont, dans le ressort de la profession d’avocat, des juridictions indépendantes et impartiales au sens de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ? L’on a vu plus haut que, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la présence au sein d’une juridiction de membres relevant de la même profession que celle qu’exerce l’inculpé, n’est point de soi incompatible avec le principe général de droit qui impose l’indépendance et l’impartialité de toute juridiction84. Mais cette jurisprudence est-elle encore compatible avec les motifs de l’arrêt Le Compte ? Certes la Cour européenne de Strasbourg n’a point été amenée à s’exprimer sur la composition d’un Conseil de discipline d’appel institué au sein d’un barreau. C’est exclusivement à propos des Conseils d’appel institués au sein de l’Ordre des médecins que la Cour s’est prononcée. Ne pourrait-il cependant être soutenu que la formulation adoptée pour écarter l’argument incriminant la composition du Conseil d’appel de l’Ordre des médecins, implique, a contrario, qu’une juridiction disciplinaire qui ne comporterait pas un nombre au moins égal de magistrats et de praticiens, ne saurait être tenue pour un tribunal indépendant et impartial au sens de l’article 6 précité ? Le doute est assurément permis sur ce point. Ici également il faut espérer qu’en de prochains arrêts la Cour européenne de Strasbourg aura l’occasion de préciser, sur cette question capitale, l’interprétation qui doit être donnée aux dispositions de la Convention85.
83Février 1983.
Notes de bas de page
1 Voy. en ce qui concerne le Barreau les articles 456 et suiv. du C.j. ; en ce qui concerne l’Ordre des médecins, l’A.R. no 79 du 10.11.1967 ; en ce qui concerne l’Ordre des pharmaciens, l’A.R. du 10.11.1967 ; en ce qui concerne l’Ordre des médecins vétérinaires, la loi du 19.12.1950 ; en ce qui concerne l’Ordre des architectes, la loi du 26.6.1963 ; en ce qui concerne l’Institut des reviseurs d’entreprises, la loi du 22.7.1953.
2 Loi du 15.12.1970 sur l’exercice des activités professionnelles dans les petites et moyennes entreprises du commerce et de l’artisanat.
3 Loi-cadre du 1.3.1976, réglementant la protection du titre professionnel et l’exercice des « professions intellectuelles prestataires de services ».
4 Voyez ainsi le dossier consacré aux ordres professionnels dans le numéro spécial de la Revue Nouvelle, mars 1982.
5 On lira ainsi avec intérêt la bibliographie citée par Μ. T. POUCET (Revue Nouvelle, numéro spécial précité p. 300) en fin de son article critique intitulé L’Ordre des médecins - service ou symbole ?·, v. aussi L. VIAENE, De Orde der geneesheren en de contestatie, in R.W., 1976-77, col. 2257.
6 Voy. ainsi notamment : proposition de loi déposée par M. Féaux et Mme Remy-Oger (Doc. parl., Sénat, 1979-1980, no 415) ; proposition de loi déposée par M. Hancké (Doc. parl., Chambre, 1980-1981, no 688) ; proposition de loi déposée par M. Verbist et consorts (Doc. parl., Sénat, 1980-1981, no 654) ; proposition de loi déposée par M. Poullet et consorts le 24 juin 1982 (Doc. parl., Sénat, 1981-1982. no 295). V. aussi R. GROSEMANS, Une proposition de loi critiquable, in J.T., 1980, p. 701.
7 Sur cet arrêt voy. infra, chapitre III.
8 Les activités professionnelles qui nous occupent sont ainsi celles des avocats, des praticiens de l’art de guérir, des architectes. Sur le concept de profession libérale, voy. J. SAVATIER, Les professions libérales, étude juridique et pratique, Paris, L.G.D.J., 1947 ; R. SAVATIER, L’origine et le développement du droit des professions libérales, in Arch. Philos, du droit, 1953-1954 (Sirey), p. 50.
9 L’on songe ici notamment aux huissiers et aux notaires. L’organisation de ces professions se fait au sein de confréries professionnelles qui présentent certaines analogies avec les ordres professionnels. Mais, à la différence de ceux-ci, ce qui est en jeu relève non point de l’ordonnancement d’une profession libérale mais de l’aménagement d’offices et d’emplois publics intimement associés aux attributs de l’autorité judiciaire. Ceci conduira à reconnaître à ces confréries un moindre degré d’autonomie. Un contrôle renforcé des Cours et tribunaux est institué. C’est ainsi que les sanctions disciplinaires majeures (suspension et destitution) ne peuvent être prononcées que par les organes de jugement du pouvoir judiciaire (et non par les chambres d’arrondissement des notaires ou des huissiers. Voy. infra, note 35).
10 C. CAMBIER, Précis de droit administratif, Bruxelles, Larcier, 1968, p. 168 ; du même auteur, Principes du Contentieux administratif, t. II, Bruxelles, Larcier, 1964, p. 429 et suiv.
11 C. CAMBIER, Principes du Contentieux administratif, op. cit., t. II. p. 431.
12 C’est, il est vrai, par décret impérial du 14.12.1810 que la profession d’avocat avait été organisée. C’est également par arrêtés royaux que cette organisation avait été par la suite revue. Cette situation anormale a pris fin. Le Code judiciaire consacre désormais, légalement, l’ordre des avocats au sein du judiciaire (art. 428 et suiv. du Code judiciaire).
13 Voy. en ce sens notamment Cass., 6.9.1974, J.T., 1975, p. 242 ; Cass., 15.6.1979. J.T.. 1980, p. 387. Voy. aussi J. DEMBOUR, Droit administratif Liège, 1970, p. 108 ; C. CAMBIER, Précis de droit administratif op. cit., p. 168.
14 Rapport sur la Réforme judiciaire, éd. Mon. belge, 1964, p. 187 ; voy. aussi P. LAMBERT, Règles et usages de la profession d’avocat du Barreau de Bruxelles, Bruxelles, Editions du Jeune Barreau, 1980, p. 111 et 117.
15 Art. 1 de l’A.R. no 79 du 10.11.1967 et de l’A.R. no 80 du 10.11.1967.
16 C’est l’erreur que commet A. BUTTGENBACH (Manuel de droit administratif, t. I. n°42) ; compar. J. DEMBOUR, op. cit., ibid.
17 C. CAMBIER, Précis de droit administratif, op. cit., p. 169.
18 Les travaux préparatoires du Code judiciaire sont très clairs à ce sujet (voy. P. LAMBERT, op. cit., p. 1 14 et les références citées). C’est précisément pour marquer le rattachement de l’Ordre des avocats au judiciaire que l’article 611 du C.J. confère à la Cour de cassation (et non au Conseil d’État) compétence pour connaître des demandes d’annulation des règlements du Conseil général de l’Ordre national des avocats (voy. Rapport De Baeck, Pasin., 1967. p. 839). Une compétence d’annulation revient également à la Cour de cassation sur pied de l’article 610 à l’égard des « actes des autorités disciplinaires du barreau ».
19 Voy. ainsi à propos de l’Ordre des médecins, l’arrêt no 1069 du 6.10.1959 ; à propos de l’Ordre des pharmaciens, l’arrêt no 2021 du 5.12.1952 ; à propos de l’Ordre des architectes, l’arrêt du 18.1.1974.
20 Un récent arrêt du Conseil d’État vient de confirmer très nettement que le Barreau ne peut être tenu pour une autorité administrative (arrêt no 25.173 du 20.11.1981, Adm. publique, 1982, p. 73 et note A. RASSON ROLAND). La thèse contraire défendue, sur ce point, en 1957, par A. Butlgenbach paraît ainsi aujourd’hui tout à fait dépassée (Note, in R.J.D.A.. 1957, p. 57 et suiv. ; compar. C.E., 15.6.1956 en cause Chamart-Houssa, ibid.).
21 Voy. notamment Cass., 3.5.1974, J.T., 1974, p. 564 et conclusions Proc. général GANSHOF van der MEERSCH.
22 Voy. arrêt Le Compte du 23.6.1981 (infra).
23 Sur l’« autonomie » des ordres professionnels, voy. C. CAMBIER, Principes du contentieux administratif, op. cit., t. II, p. 432 et suiv. ; du même auteur voy. également Précis de droit administratif op. cit.. p. 168, note 3, et la critique des thèses différentes défendues par A. BUTTGENBACH (Manuel de droit adm.. 1959, no 42, 241 et 242). En France — à la différence de la Belgique — une littérature abondante a été déjà consacrée aux ordres professionnels (voy. ainsi la bibliographie citée par G. VEDEL et P. DELVOLVÉ, Précis de dr. adm.. 7e éd., Paris, P.U.F., 1982, p. 1043). Mais les opinions divergent quant à la nature de ces institutions. Certains y voient des « établissements publics professionnels » (J. M. AUBY et R. DUCOS-ADER, Les grands services publics. Paris, 1969, p. 183) ; d’autres des « personnes publiques jouant le rôle d’administrations décentralisées » (SAVATIER, Etude juridique de la profession libérale, op. cit., p. 100) ; d’autres encore des « personnes morales de droit privé investies d’une mission de service public » (VEDEL et DELVOLVÉ, op. cit., p. 1045).
24 C. CAMBIER, ibid.
25 Sur ce que les ordres professionnels ne sont point soumis à tutelle, voy. J. DEMBOUR, Droit administratif, Liège, 1970, p. 108 ; C. CAMBIER, Précis de droit administratif op. cit., p. 170, note 1 (en ce qui concerne l’Ordre des avocats) et p. 174, note 3 (en ce qui concerne l’Ordre des architectes et la nature particulière du pouvoir d’« approbation » donné par le Roi au règlement de déontologie). L’autonomie dont jouissent les ordres professionnels ne se retrouve pas dans le ressort des organismes d’agréation et de contrôle des « professions intellectuelles prestataires de services » prévus dans la loi-cadre du 1.3.1976. C’est ainsi qu’au sein de chaque « Institut » existe un Commissaire du Gouvernement qui peut prendre « son recours auprès du Ministre des Classes moyennes contre toute décision en matière administrative, financière ou budgétaire de l’Institut qui serait contraire à la loi et à ses arrêtés d’exécution ou à l’intérêt général » (art. 6, §8 de la loi du 1.3.1976 qui institue de la sorte un mécanisme de tutelle d’annulation).
26 C’est ce cumul des trois fonctions qui nous autorise à considérer que l’ordre professionnel réunit, au plan institutionnel, les attributs d’un ordre juridique propre régissant une société partielle, distincte de la société globale assumée par l’État. Cet ordre juridique est certes subordonné à l’ordre juridique étatique (les actes accomplis par les ordres ne peuvent ainsi aller à l’encontre des normes d’ordre public ou des principes de légitimité qui s’imposent dans la société étatique) mais cette subordination ne prend qu’une forme purement juridictionnelle (voy. supra).
27 J. GILISSEN, Droit pénal et droit disciplinaire, in Rev. de dr. pénal et de criminologie, 1975-1976, janvier 1976.
28 Sur le rôle du juge à l’égard des mesures disciplinaires prises par une organisation syndicale, voy. R. BLANPAIN, La liberté syndicale en Belgique, Louvain, p. 55 et les référ. cit.
29 Ces thèses sont développées in Principes du contentieux administratif, op. cit., t. II, p. 313 et suiv. ; Précis de droit administratif, op. cit., p. 312 et suiv. ; Droit judiciaire civil, t. I, p. 580 et suiv.
30 C. CAMBIER, Principes du contentieux administratif op. cit., t. II, p. 313.
31 Du même auteur, Droit judiciaire civil, op. cit., t. I, p. 582.
32 Du même auteur. Principes..., op. cit., t. II, p. 315.
33 Du même auteur. Droit judiciaire civil, op. cit., t. I, p. 581 et p. 741.
34 Art. 409 et 410 du Code judiciaire.
35 C’est également dans la forme de la justice ordinaire que sont prononcées par le tribunal civil les sanctions de haute discipline (destitution, suspension) à l’endroit des huissiers de justice (art. 532 du Code judiciaire) et des notaires (art. 53 de la loi du 25 ventôse-5 germinal, an XI, contenant organisation du notariat).
36 La Cour de cassation tient la fonction disciplinaire exercée par les ordres professionnels pour une fonction juridictionnelle exercée par des « juridictions » (voy. ainsi notamment Cass., 15.6.1979, J.T., 1980, p. 387, à propos de l’Ordre des médecins ; Cass., 1.12.1977, J.T., 1978, p. 133, à propos de l’Ordre des avocats).
37 Sur la question de savoir si ces garanties sont suffisantes au regard des prescrits de l’art. 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, voy. infra, chap. III. Relevons déjà que la Cour de cassation adopte de manière constante l’enseigne ment selon lequel « il ne peut se déduire de la seule circonstance qu’une juridiction est composée entièrement ou partiellement de membres qui exercent la même profession que ceux qui comparaissent devant cette juridiction, que celle-ci n’est ni indépendante, ni impartiale » (Cass., 15.6.1971), précité ; voy. aussi infra, chap. III).
38 L’article 94 de la Constitution signifie que l’autorité de juger ne peut venir de l’exécutif ; qu’elle ne peut non plus devenir un instrument de son gouvernement (prohibition des « juridictions extraordinaires »). Ce texte n’exclut en revanche nullement qu’une juridiction nouvelle puisse être créée par la loi à condition qu’elle soit indépendante et ne méconnaisse pas les compétences exclusives que l’art. 92 de la Constitution réserve au judiciaire.
Nous verrons plus loin que la création des juridictions disciplinaires ne méconnaît pas, à notre sens, les dispositions des articles 92 et 93 de la Constitution.
39 En ce qui concerne l’Ordre des avocats, voy. ce qui a été dit, supra, au texte et à la note 18.
40 V. ainsi en ce qui concerne l’Ordre des médecins, l’art. 12 de l’A.R. no 79 du 10.11.1967 ; en ce qui concerne l’Ordre des pharmaciens, l’art. 12 de l’A.R. no 80 du 10.11.1967 ; en ce qui concerne l’Ordre des architectes, l’art. 28 de la loi du 26 juin 1963.
41 En vertu de l’article 2 du Code judiciaire.
42 Relevons qu’un pourvoi dans l’intérêt de la loi est ouvert au Procureur général à la Cour de cassation contre toute décision définitive prononcée par un Conseil d’appel (art. 33 de la loi du 26.6.1963 ; art. 23 des A.R. nos 79 et 80 du 10.11.1967). Ceci marque bien le rattachement au judiciaire de la fonction de juger exercée par les juridictions dont s’agit. C’est au contraire au Conseil d’État qu’est reconnu le pouvoir d’« annuler » (avec renvoi) les décisions des chambres d’appel des organismes d’agréation et de contrôle des « professions intellectuelles prestataires de services » (art. 28 de la loi du 1.3.1976). La fonction de juger au disciplinaire relève ici, incontestablement, de l’ordre administratif.
43 Voy. supra, note 26.
44 Ce n’est point en vertu des art. 92 et 93 de la Constitution que le contentieux pénal (contentieux objectif) relève de la compétence exclusive des Cours et tribunaux mais bien en vertu des art. 7 et 73 de la Constitution (voy. en ce sens les conclusions du Proc. général GANSHOF van der MEERSCH sub. Cass., 3.5.1974, précité ; sur le caractère « objectif » du contentieux pénal et son rattachement au judiciaire, voy. aussi C. CAMBIER, Principes du contentieux administratif, op. cit., t. I, p. 99).
45 Cass., 27.11.1957 (chambres réunies), Pas., 1958, I, p. 328 ; Cass., 3.5.1974, J.T., 1974. p. 564 et conclus. Proc. général GANSHOF van der MEERSCH ; Cass.. 15.6.1979, J.T., 1980, p. 387. L’arrêt du 3.5.1974 dit par ailleurs clairement que les juridictions disciplinaires ne constituent nullement des « juridictions extraordinaires » au sens de l’art. 94 de la Constitution.
46 SANTI ROMANO, L’ordre juridique, traduction française par L. FRANÇOIS et P. GOTHOT, Paris. Dalloz, 1975 (collect. Philosophie du droit), p. 92.
47 Sur le droit disciplinaire en général, on consultera notamment : H. NÉZARD, Les principes généraux du droit disciplinaire, Paris, 1903 : R. VAN LENNEP, Handboek voor het disciplinaire recht en het disciplinaire procesrecht ; C. CAMBIER, Principes du contentieux administratif, op. cit., t. II, p. 313 et suiv. ; du même auteur, Précis de droit administratif p. 312 et suiv. ; F. DELPÉRÉE, L’élaboration du droit disciplinaire de la fonction publique, Paris, 1969. Voy. aussi K. BAERT et Ph. LEROY, Een tuchtrechtelijk procesrecht in dienst van het tuchtrecht, in R.W., 1977-1978, col. 2317 et suiv. En droit français, voy. l’abondante bibliographie citée par G. VEDEL et P. DELVOLVÉ, Droit administratif Paris, PUF, 1982, p. 1043.
48 Voy. ainsi l’article 417 du Code judiciaire qui énonce que « l’action disciplinaire est indépendante de l’action publique et de l’action civile ».
49 La décision disciplinaire ne peut cependant tenir pour acquis un fait tenu pour matériellement inexistant par le juge pénal. C’est là une conséquence de l’autorité de chose jugée erga omnes qui s’attache à la décision pénale (voy. ainsi J. DEMBOUR, Droit administratif p. 227 et les référ. citées, qui relève que l’autorité disciplinaire ne serait pas liée, en revanche, par la décision du juge pénal qui prononce l’acquittement au bénéfice du doute).
50 Pour une dérogation à ce principe, voy., par exemple, l’art. 81 de l’A.R. du 20.10.1937 portant le statut des agents de l’État.
51 La déontologie (ou « science des devoirs » selon Littré) réunit l’ensemble des exigences qu’impliquent les « vertus » d’un état, d’une profession... L’on se situe dans l’ordre d’une éthique. Ce n’est point sur un tel plan que se place, dans notre ordre juridique positif, le droit pénal. Celui-ci réprime un certain nombre de comportements considérés comme attentatoires au « code de conduite minimum » qu’implique la coexistence des individus au sein de la société. La déontologie fait coïncider, dans l’ordre professionnel, le droit (disciplinaire) et la morale (professionnelle). Le droit pénal punit ce qui empêche ou contrarie la vie en société sans assigner aux individus l’adhésion à des « vertus » auxquelles ils devraient conformer leur conduite.
52 Art. 15 de l’A.R. no 79 du 10.11.1967.
53 H. NÉZARD, Les principes généraux du droit disciplinaire, op. cit., p. 125.
54 Voy. ainsi C.E., no 17.101 du 26.6.1975 ; no 17.800 du 1.10.1976 ; no 18.730 du 31.1.1978 ; no 19.906 du 13.11.1979. Sur cette jurisprudence, voy. F. DELPEREE et V. BOUCQUEY-RÉMION, Liberté, légalité et proportionnalité, in Licéité en droit positif et références légales aux valeurs, Actes des Xes Journées juridiques Jean Dabin, Bruylant. 1982, p. 482.
55 Sur ces principes, voy. C. CAMBIER, Principes..., op. cit., t. II, p. 318.
56 Comme le note C. CAMBIER (ibid., p. 322), les principes de légalité qui régissent l’administration de la preuve au civil et au pénal ne sont point d’application au disciplinaire. Encore le juge ne peut-il se fonder, pour étayer sa conviction, que sur des faits ou des actes dûment soumis à la contradiction.
57 Cass., 3.6.1976, J.T., 1976, p. 644 ; Cass., 12.5.1977, J.T., 1977, p. 708, confirmant Cons. discipline appel Bruxelles, 26.8.1976, J.T., 1977, p. 100 et les obs. critiques de L. GOFFIN ; adde P. LAMBERT, Règles et usages de la profession d’avocat, op. cit., p. 375.
58 Voy. art. 420, 422 et 465 du Code judiciaire ; art. 24 de la loi du 26.6.1963 ; art. 24 des A.R. nos 79 et 80 du 10.11.1967.
59 Cette récusation est régie par les mêmes principes que ceux qui s’appliquent aux juges des Cours et tribunaux.
60 Sur cette jurisprudence, voy. la note 61, infra.
61 Voy. ainsi Cass., 10.5.1972, Pas., 1972, I, 643 ; Cass., 3.5.1974, Pas., 1974, I, 910 ; Cass., 25.6.1974, Pas., 1974, I, 11 14 ; Cass., 6.9.1974, Pas., 1975,1, 15 ; Cass., 1.12.1977, J.T., 1978, p. 133 ; Cass., 15 juin 1979, J.T., 1980, p. 387 ; Cass., 20.9.1979, J.T., p. 172 et note P. LAMBERT.
62 C’est surtout dans ses derniers arrêts que la Cour formule ces précisions (voy. ainsi par exemple l’arrêt du 15.6.1979 précité).
63 Voy. ainsi notamment Commission européenne, décision du 5.2.1971, Rec. no 37, p. 25 et suiv. ; Comm. req. no 1931/63, Rec. no 15, p. 8 ; Comm. req. no 2793/66, Rec. no 23, p. 125 ; Comm. req. no 2872/66, Rec. 24, p. 113.
64 Voy. ainsi C.E. 17.4.1970, no 14.006 ; 5.7.1971, no 14.865.
65 C.E. France, arrêt 27.10.1978, Sirey, 1978, p. 395, et conclusions commissaire du gouvernement M. LABETOULLE (ces conclusions sont, par extrait, reproduites dans les conclusions du Proc. gén. DUMON sub Cass., 21.1.1982, J.T.. 1982, p. 44, note 8 — voy. infra sur cet arrêt).
66 C’est bien en ce sens que se prononce la Commission européenne des droits de l’Homme dans les affaires Le Compte et consorts. La Cour ne s’est toutefois pas exprimée sur ce point (voy. arrêt du 23.6.1981, §§52 et 53 ; arrêt du 10.2.1983, §30).
67 Voy. ainsi Cour, arrêt Ringeisen, 16.7.1971, série A, p. 39 ; et plus généralement arrêt Engel, 8.6.1976, série A, no 22, p. 34. Voy. aussi P. DUBOIS, obs. sub arrêt König du 28.6.1978, Cahiers de droit européen, 1979, p. 414 et référ. citées.
68 Arrêt du 16.7.1971, série A, no 13.
69 Arrêt König du 28.6 1978, Cahiers de droit européen, 1979, p. 407 et suiv. et note P. DUBOIS.
70 J.T., 1981, p. 626 et note P. LAMBERT.
71 Les recours invoquaient également un moyen déduit de ce que l’inscription obligatoire du médecin à l’Ordre des médecins serait contraire à la liberté d’association garantie par l’art. 11 de la Convention de sauvegarde. Sur ce point l’arrêt de la Cour rejette le recours (voy. supra, chapitre I).
72 Arrêt Le Compte, §46.
73 Ibid., §§49 et 50.
74 Ibid., §§57 et 58.
75 Ibid., §§59, 60 et 61.
76 Cass., 27.5.1971, Pas., 1971, I, 886.
77 Voy. en ce sens J. VELU, Les effets directs des instruments internationaux en matière de Droits de l’Homme, Prolegomena, collection sous la direction de A. VANDEPLAS et J. P. SPREUTELS, Bruxelles, 1981, p. 143, no 42 ; Jean J. SALMON, obs. sub Cass. 21.1.1982, J.T., p. 448. Sur l’autorité « de la chose interprétée » des arrêts de la Cour européenne voy. aussi W. GANSHOF van der MEERSCH, La garantie des Droits de l’Homme et la Cour européenne de Strasbourg, in J.T., 1982, p. 107.
78 Cass., 21.1.1982, J.T., 1982, p. 438 et suiv. (sur conclusions conformes du Procureur général F. DUMON, et observations critiques de M. J. SALMON).
79 Voy. la note critique de J. SALMON, J.T., 1982, p. 446 et suiv. ; voy. aussi G. COHEN JONATHAN, Chronique de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, in Cahiers de droit européen, 1982, p. 208 et suiv. (spécialement p. 211).
80 La présente étude était déjà sous presse lorsqu’a été prononcé l’arrêt du 10.2.1983 de la Cour européenne des droits de l’homme (en cause Le Compte c/État belge). Cet arrêt confirme en tous points l’arrêt Le Compte du 23.6.1981, notamment en ce qui concerne l’applicabilité de la publicité des débats et du jugement prescrite par l’article 6 de la Convention, au Conseil d’appel de l’Ordre des médecins. Il paraît dans ces conditions, difficile de soutenir encore que l’interprétation ainsi donnée par la Cour européenne aux dispositions de l’article 6 ne serait point l’expression d’une position de principe clairement affirmée. Dès ce moment, l’enseignement de la Cour de cassation sur cette question devra, selon toute vraisemblance, se modifier radicalement.
81 Sur cette question, il existe déjà une abondante littérature : voy. notamment A. BRAUN, L’absence de publicité de la procédure disciplinaire envers les avocats est-elle contraire à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme ?, in J.T., 1980, 320 ; P. LAMBERT, note sub arrêt Le Compte du 23.6.1981, J.T., 1981, 625 ; P. LEMMENS, Het geheim van tuchtprocedures, in R.W., 1980, col. 1666.
82 Voy. supra, note 74.
83 Art. 473 du Code judiciaire.
84 Voy. supra, note 61.
85 L’arrêt Le Compte du 10.2.1983 rappelle que l’impartialité personnelle des membres du Conseil d’appel doit en principe se présumer jusqu’à preuve du contraire (compte tenu du droit de récusation) et que — en ce qui concerne l’impartialité considérée sous un angle objectif et organique — « aucun élément du dossier ne permet à la Cour d’en douter. Spécialement, le mode de désignation des médecins siégeant dans les Conseils d’appel n’autorise pas à les taxer de partialité : quoique élus par les Conseils provinciaux, ils n’agissent pas en qualité de représentants de l’Ordre des médecins mais à titre personnel, tout comme les membres magistrats nommés, eux, par le Roi » (§ 32). L’arrêt qui renvoie pour le surplus au premier arrêt Le Compte (23.6.1981) en ce qui concerne la notion de tribunal « indépendant » ne s’exprime pas autrement sur la présence de magistrats au sein de l’organe disciplinaire.
Auteur
Juriste
Professeur à l’Université catholique de Louvain et aux Facultés universitaires Saint-Louis
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