Rhétorique des tropes et lecture narrative
p. 3-20
Texte intégral
1Au cours des dernières décennies, les tropes sont devenus dans les sciences humaines un sujet d’investigation privilégié. Il n’est plus seulement vrai que tout le monde, académiciens et marchands des Halles, parlent par métaphore, il faut à présent parler de la métaphore et pousser la subtilité jusqu’à interroger toutes choses sur leur métaphoricité. Les disciplines les plus diverses s’intéressent au sujet, depuis la linguistique jusqu’à la psychologie cognitive, en passant par la théorie littéraire et la philosophie. Voilà un bel exemple d’interdisciplinarité ! Malheureusement (ou heureusement), il subsiste un doute fondamental : car, en définitive, autour de quoi ces disciplines se rassemblent-elles ? Est-ce autour d’une réalité ou seulement autour d’un nom ? En d’autres mots, peut-on impunément transporter (c’est-à-dire metaphorein !) des concepts élaborés en un lieu vers un autre lieu ? Peut-on métaphoriser la métaphore ?
2Cette question, nous voudrions la placer en filigrane dans l’exposé qui va suivre, nous contentant cependant d’en illustrer en quelque sorte la pratique. Mon propos en effet est de tenter de répondre à la question suivante : peut-on considérer que les tropes jouent un rôle important dans les stratégies de lecture du texte narratif ? Les procès tropiques participent-ils — et si oui, à quels titres ? — des stratégies constitutives de l’activité interprétative du texte narratif ?
3Avant d’aborder le fond de cette question, il faut s’entendre sur certains termes importants. Et tout d’abord le concept de trope lui-même. Je commencerai donc par préciser ce qu’il faut entendre par trope, quels sont les modes de motivation fondateurs des tropes et où se situent les mécanismes tropiques dans l’ensemble du langage humain.
4On peut tenter de définir le trope de deux points de vue différents, celui du signe et celui de la référence. Ainsi, Fontanier1 adopte le point de vue référentiel : pour lui, il y a trope lorsqu’on présente une idée sous le signe d’une autre, lorsqu’il y a désignation d’un objet par le nom d’un autre. C’est en quelque sorte un même sens, un même objet qui se trompe de signe : ainsi la lune se trompe de signe et devient faucille ! Cette théorie substitutive, qui a été longtemps en honneur, implique que toute chose a un nom « propre » auquel le trope viendrait substituer un nom « impropre ». Elle doit être rejetée, car elle se fonde sur une conception erronée du langage, conception selon laquelle le signe en langue serait propre (propre ou adapté aux choses). Or, il me paraît important de penser au contraire l’éminente impropriété du signe linguistique : le signe du lexique est impropre très exactement parce qu’il est le produit d’une opération spécifiquement humaine, opération d’analyse ou de structuration, de formalisation, c’est-à-dire de mise en forme des mondes du son et du sens en signifiants et signifiés. L’animal ne peut dire que par connexion immédiate et parfaite entre événement et sens, il ne peut dire que par indice et par adhérence totale à la chose dite. L’homme par contre médiatise cette relation en y instaurant un troisième terme intermédiaire, élaboré à distance du monde par une opération d’analyse et de découpage formalisants. Ce troisième terme, c’est la structure, le signe-valeur saussurien, la signification. L’homme ne peut dire qu’en signifiant d’abord, qu’en exploitant dialectiquement une signification préalable, qu’en tentant de réinvestir dans les choses une signification et un signe abstraits et impropres. C’est cette impropriété essentielle du signe en langue, pure potentialité désignative, qui fonde la possibilité même du mouvement tropique. Par contre, c’est dans la parole, qui actualise la structure non sans simultanément la contredire dialectiquement — puisqu’elle est tentative de réappropriation aux choses de signes impropres —, c’est seulement dans la parole que le mouvement tropique se réalise.
5Il est donc préférable de chercher à définir le trope du point de vue du signe. Le concept-clef que nous proposons ici, c’est celui de motivation. Il est destiné à rassembler des procès sémiotiques divers, tels l’emploi d’un signe en vue d’un sens second, dérivé ou connoté, ou encore l’instauration d’une épaisseur, d’une densité de sens particulière. Le signe tropique est une dénomination motivée (le signe non-tropique est mince et transparent, condamné, comme le dit Jean Paulhan, à s’effacer aussitôt qu’employé !). De manière générale, nous disons d’un signe qu’il est motivé si, en plus de sa fonction dénominative, il véhicule une information susceptible d’en fonder la justesse. Pour prendre un exemple banal non-tropique, le signe lexical dérivationnel « poirier » contient la trace elliptique d’une prédication réputée vraie de la chose que ce signe désigne : la chose « poirier » est ainsi nommée parce qu’elle est un arbre dont le fruit est la poire. Ce signe porte bien son nom, il ose déjà presque dire ce qu’il ne devrait que signifier.
6Une deuxième particularité du trope, c’est qu’il investit sa motivation dans la totalité d’un seul et même signe [et non par exemple dans la pluralité de ses constituants (poire +-ier), ni non plus par exemple dans le symbolisme du matériau phonétique qui le constitue (par exemple coucou)]. Le trope joue de l’identité du signe avec lui-même. En langue, c’est évidemment le phénomène de polysémie : le sentiment de polysémie se fonde en effet sur la motivation d’une acception par l’autre à l’intérieur de l’identité d’un seul et même signe. Prenons un exemple, qui a par ailleurs l’avantage d’illustrer le mécanisme métonymique au niveau des préalables pré-linguistiques cognitifs : l’adverbe « vite », avec au moins ses deux acceptions (ou potentialités désignatives) suivantes : 1) « à grande vitesse, en peu de temps » (par exemple « il court ou travaille vite ») et 2) « bientôt, au bout de peu de temps » (par exemple « reviens-nous vite »). L’acception seconde fonde la justesse de son nom, identique au nom de l’acception première, sur un dire latent, une prédication sous-jacente, qui rapporte le sens second au sens premier. Ainsi, s’il fallait exhumer cette prédication, on pourrait dire par exemple : « vite-bientôt », c’est « vite-à grande vitesse », car notre conception courante de la rapidité est telle qu’une action plus rapide s’accompagne en général du phénomène concomitant (métonymique) d’une plus grande proximité future de l’effet ou du résultat de cette action. « Venir avec rapidité » se confond par métonymie cognitive avec « être ici au bout d’une durée plus courte ».
7Motivation par identité ou identification, tel est le secret du mécanisme tropique ! Ajoutons cependant que les exemples choisis jusqu’ici — signes en langue, cas de polysémie, tropes lexicalisés c’est-à-dire situés sur le versant formel du signifier et du pouvoir-dire — n’ont été choisis que pour des raisons didactiques. En effet, les cas vraiment intéressants de motivation tropique, on les trouve du côté des signes en emploi, dans la parole, c’est-à-dire sur le versant rhétorique ou performatif du vouloir-dire. Les vrais tropes sont dans l’emploi en situation, dans le dire (et non dans le signifier). Dans cette deuxième phase langagière, la phase du dire ou de la parole — qui est tentative de réappropriation du signe impropre, tentative de réinvestissement de la structure dans les choses — le signe devient nom et prédication. Le trope in vivo est donc une nomination motivée.
8Dans la parole, il s’agit de nommer les choses et de dire quelque chose de précis (c’est le prédicat) de quelque chose d’autre de précis (c’est le thème). Comme la situation à dire est toujours très complexe, parce que constituée de paramètres multiples, relatifs à l’objet, à l’émetteur, au récepteur et au contexte, le mouvement rhétorique de réappropriation n’aboutit jamais complètement. C’est dans ce difficile travail de réinvestissement qu’apparaissent les nominations motivées que sont les tropes. Ainsi, dire d’un éléphant que c’est un gros chien s’avère sans doute inexact du point de vue de l’objet (c’est une incorrection catégorielle), mais peut s’avérer particulièrement adéquat ou propre si par exemple on cherche à faire comprendre à un enfant ce qu’est un éléphant. La motivation, le surplus de sens réside très précisément dans la manière particulière dont a été exploitée ici la signification, le pouvoir-désigner du signe « chien ».
9Ajoutons encore que toute nomination est susceptible de motivation, de la plus simple à la plus complexe : mot, syntagme, phrase, texte. Ainsi, le proverbe est une métaphore-proposition. Distinguons enfin entre nomination motivée et nomination motivante : la nomination motivée se contente d’exploiter des préalables cognitifs, stéréotypes, prototypes ou clichés. Ainsi, parler de la compréhension ou de l’intelligibilité en termes de vision et de clarté (par exemple, « je ne vois pas ce que tu veux dire » ou « ce n’est pas clair »), c’est exploiter dès le lexique un stéréotype cognitif en vertu duquel la catégorie cognitive de la compréhension est articulée à travers celle de la vision. La nomination est au contraire motivante, lorsqu’elle a une valeur heuristique, invitant le destinataire soit à découvrir au sein de ces mêmes préalables cognitifs des ressources non encore exploitées (par exemple l’expression « mettre ses lunettes » entendue au sens inédit de « faire un effort de réflexion »), soit à s’extraire de ces préalables et à procéder à une restructuration, à une nouvelle compréhension du monde (ainsi, l’identification de la lune cosmologique et de la faucille agricole !).
10J’aborde à présent la question des modalités de motivation fondatrices des tropes.
11La Nouvelle Rhétorique a constamment tenté de réduire le nombre des tropes majeurs de 3 à 2 et de 2 à 1. Ainsi, R. Jacobson élabore un système bipolaire métaphore/métonymie qu’il projette sur les deux axes paradigmatique/syntagmatique ou sélection/combinaison du langage ; chez U. Eco, tout devient métonymie ; le Groupe Mu de Liège définit et la métaphore et la métonymie en termes de synecdoques2. Contentons-nous de constater que ce qui permet de distinguer différents types de tropes, c’est la nature de la relation qui fonde la motivation. Mais il s’agit, non pas de la relation entre les signes, mais de la relation entre les objets, référents ou catégories cognitives que ces signes en emploi introduisent. Pour simplifier les choses, je m’en tiendrai au couple métaphore/métonymie (la synecdoque se trouvant incorporée à la métonymie). Il y a métonymie, lorsque la motivation instaure ou repose sur une relation de contiguïté compositionnelle, spatiale, temporelle ou causale. Il y a métaphore, lorsqu’il s’agit d’une relation d’analogie ou de ressemblance.
12Prenons l’énoncé « les bleus angélus » (dans le poème de Mallarmé « L’Azur »3). Certains y voient une métonymie (« les angélus résonnent dans le bleu du ciel », contiguïté spatiale), d’autres une métaphore (les angélus ne sont pas simplement associés au bleu du ciel, mais il y a identification entre son et couleur, promotion par l’homme d’une vérité anthropologique non-référentielle, qui asserte une identité profonde, non-contingente mais nécessaire, entre le son des angélus et la couleur bleue : s’il fallait ici aussi exhumer la prédication identifiante, on ne pourrait le faire que très maladroitement, p. ex. en nommant des troisièmes comparants tels que « calme » ou « paix » !).
13Investir une profondeur, un surplus de sens dans l’analogie implique une incorrection ou transgression catégorielle, une violation des habitudes de catégorisation conceptuelle : un son ne peut avoir ni être une couleur ; un élément cosmologique n’est pas un artefact. En termes greimasiens, il y a nécessairement changement d’isotopie, c’est-à-dire constitution d’une nouvelle identité (que Greimas appelle « figure nucléaire », p. ex. la paix ou l’échancrure en croissant) par delà un changement de classème (son/couleur ou cosmologie/agriculture). C’est pourquoi le mécanisme métaphorique prolonge mais à la fois contredit l’axe linguistique de la différenciation et de l’identification paradigmatiques : métaphoriser, c’est effacer une différence (suggérée au niveau conceptuel par les catégorisations formelles : la lune est un corps céleste, par quoi le spécifique reçoit un prédicat général), c’est effacer une différence et « écrire » une ressemblance : la lune est faucille, par quoi j’enfreins la loi de la catégorisation par le général et privilégie une caractérisation par le spécifique.
14Investir par contre une densité de sens dans la contiguïté n’implique aucune incorrection catégorielle : on reste dans la même isotopie, dans le même univers thématique. C’est le monde lui-même qui associe par co-occurrence spatiale les angélus et le ciel bleu. Mais il y a incorrection ou court-circuitage dans l’expansion et l’enchaînement conceptuels : au lieu de déployer les constituants de la situation référentielle, les composantes du scénario selon les canons de l’intégration conceptuelle, au lieu de déplier l’isotopie en ses arguments et cas, le thème en ses prédicats conformément à la logique distributive des concepts (le scénario de la pêche par exemple en ses arguments « qui pêche, que pêche-t-il, où, quand, dans quelles conditions, au moyen de quoi, etc. »), la métonymie prétend dire plus (non pas en identifiant mais) en unifiant des arguments habituellement (non pas différents mais) pluriels : confusion du tout et de la partie, de l’avant et de l’après, de la cause et de l’effet, de l’événement et du lieu, du son des angélus et de l’espace où ce son se propage. La métonymie est isotope, la métaphore allotope. La métaphore efface une différence et écrit une ressemblance, la métonymie efface une pluralité (angélus dans le ciel bleu), et écrit une unité (angélus bleus). La métaphore prolonge et à la fois contredit l’axe formel de la différenciation et identification, la métonymie prolonge et à la fois contredit l’axe linguistique de la segmentation et de la combinaison syntagmatiques. C’est dire enfin que la motivation métaphorique est fondée dans la nécessité, dans la vérité anthropologique : le son des angélus et le bleu du ciel s’assemblent et même s’identifient parce qu’ils se ressemblent, par universelle analogie. La motivation métonymique par contre est fondée dans la contingence, dans la radicale arbitrarité des causalités et des co-occurrences spatio-temporelles du monde, dans la vérité référentielle (les angélus auraient tout aussi bien pu résonner dans la grisaille de la ville, tout comme la marquise aurait tout aussi bien pu sortir à sept heures plutôt qu’à cinq !). Les angélus et le bleu du ciel se confondent et même s’unifient parce qu’ils sont contigus dans le monde tel que nous nous le représentons.
15Que retenir de ces quelques considérations sur les deux tropes majeurs ? Essentiellement ceci : que ces tropes occupent un lieu précis dans la systématique du langage, ce que l’on pourrait résumer de la manière suivante (en nous situant dans la conception langagière de J. Gagnepain)4. Le langage humain est fondamentalement dialectique, constitué de deux phases complémentaires et contradictoires : d’une part, instance, système, structure, signe, signification ; d’autre part, performance, rhétorique, dire, nom, prédication. La phase de la structuration du signe passe par deux axes autonomes mais interdépendants, l’axe de la taxinomie, où se déploient les opérations de différentiation génératrices d’identités, et l’axe de la générativité où se déploient les opérations de segmentation génératrices d’unités. Ainsi, chacune des deux faces du signe est définie en termes d’identités et d’unités et le versant structural de l’homo loquens comporte une double capacité, une capacité d’identification par différenciation qui lui permet d’instaurer par opposition négative des identités abstraites (des sèmes et des traits distinctifs), et une capacité d’unification par segmentation qui lui permet d’instaurer par contraste et dénombrement des unités abstraites (des mots et des phonèmes). Pour acquérir le système, il faut être capable de savoir ce qu’est X en termes négatifs de non-non-X, et être capable de compter X, de savoir où X commence et où il se termine.
16L’autre phase, la phase rhétorique du langage cherche à actualiser, non sans en même temps contredire, les potentialités désignatives, le dire en puissance enfoui dans l’impropriété du signe en système. En effet, la parole est mouvement de réappropriation aux choses par nomination et prédication. Dans le prolongement dialectique des deux axes structuraux de la différenciation-identification et de la segmentation-unification, la rhétorique est aux prises avec le nom et la prédication : il s’agit de dire le nom de ce que c’est et de distribuer les noms de ce que la chose est (de ses attributs, circonstants, arguments ou cas). Il y a métonymie, lorsque, par souci de propriété, de plus grande adéquation aux choses, on procède à une unification d’une pluralité distributive d’arguments (le vin-contenu se confond avec le verre-contenant, et l’on finit par « boire le verre » ; l’instrument de la vengeance se confond avec la vengeance elle-même, et l’on voit le héros « la vengeance à la main »). Il y a métaphore, lorsque, par même souci de propriété, on procède à une identification d’une différence formelle radicale (la lune est une faucille). L’interprétation métonymique demande qu’on ajoute sans changer (angélus dans le bleu du ciel, même isotopie), l’interprétation métaphorique invite au contraire à identifier sans ajouter (le son est la couleur, même unité mais allotopie).
17On voit tout de suite le profit que l’on peut tirer de ces définitions pour une description des stratégies de lecture du texte narratif. En effet, le texte narratif, et par sa dimension structurale et par sa dimension textuelle plurielle, est ultimement un tissu complexe et incessant soit d’identités et d’unités dont il s’agit de déplier la nécessité et la contingence qui les fondent, soit au contraire un tissu de différences et de pluriels pour lesquels il s’agit d’élaborer des identités et des unités. Je voudrais indiquer ici de manière plus précise l’un ou l’autre de ces mouvements, en me référant à l’occasion soit à l’analyse structurale de type greimasien5, soit surtout à l’analyse textuelle décrite et pratiquée par Roland Barthes (entre autres dans S/Z, qui est une re-lecture-écriture d’une nouvelle de Balzac, Sarrasine)6. Pour Barthes, lire c’est d’abord relire, afin d’échapper à la lecture consommatrice, par laquelle le lecteur ne trouve dans le texte que le texte déjà-lu qu’il est. Consommer des textes différents, c’est « s’obliger à lire partout la même histoire », c’est, dirons-nous, ajouter sans jamais changer, c’est rester dans la même isotopie et métonymiser ! Au contraire, la vraie lecture n’est pas un geste parasite, postérieur à une écriture, c’est un travail de langage qui consiste à écrire le pluriel du texte, sa polysémie et sa différence, c’est un acte lexéologique qui consiste à trouver, nommer et renommer des sens, à observer des connotations, les migrations de celles-ci dans le texte et l’affleurement des codes7. Ces codes forment un réseau à travers lequel, en y passant, « le bruit régulier et naturel des phrases » se fait texte. Le vrai texte, c’est sa propre différence engendrée par la relecture du même. Lire, c’est tenter d’obtenir le texte pluriel : même et nouveau. C’est changer sans ajouter, ce qui est l’essence même de la métaphore. Lire, pour Barthes, c’est métaphoriser le texte, pourrait-on dire non sans ironie dans la mesure où Barthes est, au détriment de la métaphore, un prêtre de la métonymie (dont il décèle sans cesse les glissements, les troubles et les mensonges).
18Mais passons à une description sommaire de la typologie des mécanismes tropiques dans le texte narratif. Du point de vue des stratégies de lecture, la caractéristique commune des tropes c’est leur incomplétude (et non, comme on l’a cru trop facilement, leur incongruence ou incompatibilité sémantiques). En effet, certains énoncés tropiques seulement se signalent, outre par leur incomplétude, par une inconguence (ainsi : la faucille dans le ciel, les sanglots des violons, la robe de pourpre de la rose ou la vengeance à la main) ; d’autres par contre sont proprement congruents et compatibles sans cependant rien perdre de leur motivation. Prenons un exemple tiré de Sarrasine. Sarrasine est le récit de l’échec d’une narration. Le narrateur raconte à une belle marquise l’histoire d’un vieillard mystérieux qui la fascine. Ce récit fait l’objet d’un pacte : le narrateur désire échanger son savoir narratif contre un savoir charnel (il désire connaître la marquise). Le récit qui est raconté, c’est la passion du sculpteur Sarrasine pour la chanteuse Zambinella, passion mortelle basée sur l’ignorance : Sarrasine ignore et ne s’aperçoit que tardivement que la Zambinella est en réalité un castrat. Le pacte passé entre la marquise et le narrateur échoue : « Personne ne m’aura connue », déclare la marquise. La nouvelle est le récit de la catastrophe que déclenche la transgression du Mur de l’Antithèse (le mariage du castrat) et de la contagion de la castration : Sarrasine est entraîné dans la castration parce qu’il la désire ; le narrateur y est entraîné parce qu’il la raconte et la marquise parce qu’elle en écoute le récit.
19Revenons à l’exemple annoncé (et destiné à montrer que le trope textuel peut être incomplet tout en étant congruent) : dans la première partie de la nouvelle, celle qui précède la narration du récit, il y a une scène où deux corps antithétiques sont étroitement entremêlés, le corps du vieillard, cadavre ambulant, monstrueux, inanimé, creux et vide, sorte de chose-machine, et le corps de la marquise, jeune, vivante, fraîche, pleine et végétale : « Ils étaient là, devant moi, dit le narrateur, tous deux, ensemble, unis et si serrés, que l’étranger froissait et la robe de gaze, et les guirlandes de fleurs, et les cheveux légèrement crêpés, et la ceinture flottante » (et Barthes d’y déceler le sillon du symbolique : mélange et mariage du castrat !). La description de cette scène est annoncée par un rire étouffé de la marquise, et elle se termine sur un cri du vieillard, provoqué par le contact physique de ces deux substances exclusives (la marquise, en effet, « avec cette hardiesse que les femmes puisent dans la violence de leurs désirs », touche le corps du vieillard). Ce rire étouffé et ce cri n’ont absolument rien d’incompatible avec leurs contextes respectifs, les énoncés qui les disent peuvent être entendus comme parlant innocemment de l’enchaînement régulier des gestes et comportements. Tout pourtant invite à les motiver l’un et l’autre, mouvements de motivation métonymique et métaphorique simultanés, déclenchés par le désir du lecteur de compléter l’incomplétude qu’il y discerne : désir qui le pousse à s’interroger soit sur les causalités et les arguments de l’événement dénoté (pourquoi ce rire ? qu’annonce-t-il ?), soit à s’interroger sur les rapports de nécessaire ressemblance entre d’une part ce rire ou ce cri et d’autre part la scène intermédiaire du mélange scandaleux des deux corps. C’est en effet à cette motivation métaphorique que procède, sans se l’avouer, Roland Barthes :
« ... : l’image sera celle de deux corps antithétiques mêlés. Or cette antithèse charnelle est révélée, appelée par un acte charnel : le rire. Substitut du cri, agent hallucinatoire, le rire est ce qui ébranle le mur de l’Antithèse, efface dans la médaille la dualité du revers et du droit, fait tomber la barre paradigmatique qui sépare « raisonnablement » le froid du chaud, la vie de la mort, l’animé de l’inanimé. »8
« L’Antithèse, c’est le mur sans porte. Franchir ce mur est la transgression même. (...) C’était déjà un spectacle stupéfiant (...) que de voir joints étroitement les deux termes de l’antithèse, enroulés l’un à l’autre, le corps de la jeune femme et le corps du vieillard ; mais lorsque la jeune femme touche le vieillard, il y a paroxysme de la transgression ; celle-ci n’est plus limitée à l’espace, elle devient substantielle, organique, chimique (...) le contact physique de ces deux substances exclusives, la femme et le castrat, l’inanimé et l’animé, produit une catastrophe : il y a choc explosif, conflagration paradigmatique, fuite éperdue des deux corps indûment rapprochés : chaque partenaire est le lieu d’une véritable révolution physiologique : sueur et cri : chacun, par l’autre, est comme retourné ; touché par un agent chimique d’une extraordinaire puissance (la Femme pour le castrat, la castration pour la Femme), le profond est expulsé, comme dans un vomissement ».9
20Il y a identité entre le cri et la conflagration provoquée par le franchissement du mur. Le cri est plus qu’une simple manifestation de cette catastrophe du sens, il en est l’équivalent physique.
21Barthes dit lui-même que dans un texte littéraire classique « tout a un sens ». En vertu de quoi de tels énoncés, pour échapper à l’insignifiance et à l’absurdité du détail contingent, insinuent une incomplétude, un manque à combler. Ainsi, tout trope se présente à la surface du texte comme une nomination incomplète. Nom ou énoncé incomplet.
22Il faut ajouter que pour le lecteur ce mouvement de complétion motivante peut aller dans les deux sens, d’une part de la différence à l’identité ou de la pluralité à l’unité, et d’autre part de l’identité à la différence10 ou de l’unité à la pluralité. Barthes décèle ces deux orientations lorsqu’il distingue ce qu’il appelle deux systèmes de pli du nom (où, soit dit en passant, nous trouvons confirmée notre thèse que l’incomplétude du texte est essentiellement une question de nomination : « l’acte même de lecture, dit Barthes, est un procès de nomination : lire, c’est lutter pour nommer, c’est faire subir aux phrases du texte une transformation sémantique »)11. Les deux systèmes de pli du nom sont son pli et son dépli. Ainsi, la nomination textuelle d’un détail peut servir à représenter métonymiquement un état d’âme dont ce détail est le symptôme, ou encore l’action globale dont ce détail n’est qu’une composante. C’est le pli de la séquence : le lecteur doit constituer la séquence, c’est-à-dire trouver le nom. Si au contraire le texte nomme l’état d’âme ou l’action globale, alors le lecteur doit déplier le nom, le décomposer en ses moments constitutifs. Barthes ajoute très justement que les deux systèmes « n’ont en fait d’autre logique que celle du déjà-vu, déjà-lu, déjà-fait : celle de l’empirie et de la culture »12, en d’autres mots : le lecteur s’appuie sur des expériences de lecture de codes extratextuels, code gestuel ou symptomatologique par exemple, code des prototypes cognitifs et des stéréotypes culturels (c’est-à-dire en définitive ces systèmes cognitifs, schèmes, scénarios ou scripts auxquels commence à s’intéresser la psychologie cognitive et dont l’importance pour le traitement humain de l’information a été mise en évidence récemment par les recherches sur l’intelligence artificielle). Le texte peut donc sous-entendre ce que le nom déplie ou plie, mais il peut aussi le nommer, mais cela ne change rien à la nécessité du mouvement tropique : dans les deux cas, il faut compléter des manques. Si les termes à trouver sont nommés dans le texte, ces nominations ne font en fait que confirmer des attentes (c’est ce que Barthes stigmatise comme l’exigence fondamentale du « lisible », l’horreur du vide : « Que serait, dit-il, le récit d’un voyage où il serait dit que l’on reste sans être arrivé, que l’on voyage sans être parti, — où il ne serait jamais dit qu’étant parti, on arrive ou n’arrive pas ? Ce récit serait un scandale, l’exténuation, par hémorragie, de la lisibilité ») !13.
23Ce qui me paraît fondamental, c’est l’insistance de Barthes sur la fonction du nom, et dans le texte et dans le travail de lecture : « le discours oscille sans cesse, écrit-il, entre le genre (nominal) et ses espèces (proaïrétiques) :... le discours lisible est tissé de nominations pré-démonstratives qui assurent la sujétion du texte — mais aussi peut-être provoquent la nausée que soulève toute violence appropriative. Nous-mêmes, ajoute-t-il parlant de lui-même, en nommant la séquence, nous ne faisons que prolonger la guerre du sens, retourner l’appropriation qui a été mise en œuvre par le texte lui-même »14. Ainsi, le lecteur, pour transformer la ligne phrastique en volume textuel, doit repérer les proaïrétismes, c’est-à-dire les suites d’actions, qui forment l’armature principale du texte lisible et ce travail passe nécessairement par d’incessantes nominations métonymiques. Sarrasine, après qu’il ait vu la Zambinella au théâtre pour la première fois, s’adonne à toutes sortes d’activités dispersées telles que dessiner la Zambinella de mémoire, louer une loge au théâtre pour toute la saison, se persuader qu’il doit renvoyer à plus tard toute entreprise de conquête réelle, en outre pratiquer diverses conduites qui viennent monnayer ce que le texte nomme « l’hallucination voluptueuse » où il s’installe. Chacune de ces activités peut être lue comme un effet de la même cause, l’amour sur un mode velléitaire. C’est pourquoi le lecteur« nommant » Barthes nomme cette séquence « Vouloir-aimer »15.
24Que la métonymie — entendue comme complétion motivante unifiante ou pluralisante — soit constitutive de l’opération de lecture narrative, cela est incontestable. Chez Barthes, ce sont les trois codes proaïrétique, herméneutique et référentiel qui sont essentiellement métonymiques. Chacune des phrases herméneutiques est le déploiement séquentiel, régulier ou troublé, d’une énigme en ses moments constitutifs, moments dont le lecteur repère et joue le fonctionnement métonymique : formulation de l’énigme, promesse de réponse, leurre, équivoque etc... et finalement le dévoilement de l’énigme, qui est « une nomination finale, c’est-à-dire la découverte et la profération du mot irréversible »16. Ainsi la phrase herméneutique que déploie à travers la presque totalité de la nouvelle l’énigme du vieillard17. Cette voix de la vérité ne connaît pas d’autre articulation que métonymique, car il s’agit essentiellement de compléter sur l’axe de la prédication. Nous retrouvons les moments constitutifs de ce procès dans certains commentaires de Barthes, p.ex. celui-ci :
« L’attente devient de la sorte la condition fondatrice de la vérité : la vérité, nous disent ces récits, c’est ce qui est au bout de l’attente. Ce dessin rapproche le récit du rite initiatique (un long chemin marqué d’embarras, d’obscurités, d’arrêts, débouche tout d’un coup sur la lumière) ; il implique un retour à l’ordre, car l’attente est un désordre : le désordre est le supplément, ce qui s’ajoute interminablement sans rien résoudre, sans rien finir, l’ordre est le complément, ce qui complète, remplit, sature et congédie précisément tout ce qui menacerait de suppléer : la vérité est ce qui complète, ce qui clôt. En somme, reposant sur l’articulation de la question et de la réponse, le récit herméneutique est construit selon l’image que nous nous faisons de la phrase : un organisme sans doute infini dans ses expansions, mais réductible à l’unité dyadique du sujet et du prédicat. Raconter (à la façon classique), c’est poser la question comme un sujet que l’on tarde à prédiquer...»18.
25Quant aux codes référentiels, sortes de vulgates scientifiques, savoirs stéréotypes, le texte balzacien en est empoissé, constate Barthes. Ils ont même leurs marques linguistiques propres, voyez la fréquence presque écœurante de déictiques génériques comme le démonstratif et l’article défini (« avec cette hardiesse que les femmes puisent dans la violence de leurs désirs » ou encore « avec cet air imposant et railleur que toutes les femmes savent si bien prendre quand elles veulent avoir raison »). Barthes en tout cas en repère les éléments textuels et les rapporte aussitôt, par nomination métonymique, à la totalité du savoir dont ils font partie (p.ex. le code référentiel de la psychologie des femmes).
26Deux mots seulement sur les Grammaires Narratives que nous proposent les analyses structurales (p.ex. Greimas), pour constater que, elles aussi, font du lecteur, implicitement et explicitement, un maître ès métonymies. Le lecteur traverse non seulement la combinatoire des chaînes isotopiques que le texte déploie à la surface, mais aussi différents programmes narratifs plus profonds, dont il doit repérer les éléments constitutifs et la combinatoire. Ainsi, admettre p.ex. que la cohérence narrative est obtenue par un algorithme qui opère la transformation d’un déséquilibre thématique initial vers un équilibre final, c’est implicitement admettre que le lecteur peut en repérer les moments constitutifs ainsi que leurs valeurs définitoires (p.ex. la conjonction de deux termes contraires incompatibles). Tout ce travail est de type métonymique, car il s’agit d’opérer des unifications ou des pluralisations, de nommer les unités qu’actualisent les segments textuels et de déployer les segments des unités que le texte nomme.
27Mais qu’en est-il du fonctionnement métaphorique ? D’abord, pour ce qui est de l’analyse structurale. Celle-ci admet que le mécanisme métaphorique est constitutif de la structure narrative. Exemple : le mouvement narratif déclenché par une rupture d’équilibre située sur une isotopie déterminée (sexuelle p.ex., inceste, c’est-à-dire conjonction de pôles irréconciliables), ce mouvement narratif peut consister dans le déploiement de situations d’aliénation sur de tout autres isotopies (p.ex. disjonction des pôles d’autres catégories sémiques situées sur l’isotopie religieuse ou cosmologique). Ou encore : pour rendre compte du caractère bien-formé et cohérent de textes narratifs où la situation finale est différente de la situation d’équilibre initial, il faut incorporer dans la composante structurale un principe métaphorique de glissement isotopique, principe qui permet de décrire ces différentes phases comme identiques bien que différentes, principe qui permet de dire que l’algorithme, bien que ne retournant pas au terme initial, retourne au terme homologue d’une autre isotopie. Ainsi, la lecture de la cohérence narrative passe nécessairement aussi par un mouvement d’identification de la différence et de différenciation de l’identité.
28Qu’en est-il chez Barthes ? Nous avons déjà observé que Barthes semble refuser la métaphore (et privilégier la métonymie). Constatons d’abord que cette attitude s’intègre à merveille dans la conception barthienne de l’acte de lecture : lire, c’est préserver la pluralité et l’ouverture du texte ; c’est éviter de le structurer de trop, de lui donner ce supplément de structure qui le fermerait : c’est étoiler le texte au lieu de le ramasser ; c’est renoncer à le réduire à l’unité du sens19. Renoncer à regrouper les unités de sens, à les pourvoir d’un méta-sens, n’est-ce pas précisément refuser d’identifier des différences ?
29Mais qu’en est-il dans la réalité de la pratique de la lecture barthienne ? Nous constatons que l’opération métaphorique est loin d’en être absente, qu’elle joue un rôle décisif dans la lecture des codes sémique et symbolique. Nous avons déjà parlé de l’exemple du cri du vieillard, qui devient l’équivalent physique de ce que Barthes appelle la castration du sens, liée à la transgression de l’Antithèse. Bien plus, cette antithèse elle-même (le mur sans porte) et sa transgression (le franchissement du mur), Barthes en lit l’actualisation textuelle sur de multiples isotopies (tout en évitant de parler de métaphore) : les isotopies du dehors et du dedans, du jardin et du salon, du froid et de la mort extérieurs et du chaud et de la vie de la fête mondaine dans le salon (le narrateur étant assis dans l’embrasure d’une fenêtre, à cheval sur ces deux mondes antithétiques), l’isotopie du vieillard vide, creux et mécanique et de la marquise, jeune, fraîche, enfant, végétale. De même pour le symbolisme du mélange, de la transgression : la lecture de Barthes repère et nomme un grand nombre de sèmes différents et procède à de vastes identifications métaphoriques (en d’autres mots : sa lecture ne renonce nullement à structurer ces sèmes en des ensembles plus vastes !). Ainsi, la position mitoyenne du narrateur (entre jardin et salon) est désignative de l’excès que représente la transgression de l’antithèse, la conjonction des irréconciliables, le mélange des antithétiques, bref le mariage du castrat. « Je faisais, dit le narrateur, une macédoine morale. » « Cette macédoine, commente Barthes, connote un caractère composite, le mélange sans liaison d’éléments diparates. Ce sème, ajoute-t-il, va émigrer du narrateur à Sarrasine »20 (dont Balzac, par la bouche du narrateur, nous dit innocemment qu’il était dès son adolescence « tour à tour agissant ou passif, sans aptitudes ou trop intelligent », énoncé incomplet, que la lecture de Barthes motive métaphoriquement en en identifiant la différence avec la position mitoyenne et la macédoine du narrateur : Les deux hommes, écrit Barthes, sont symboliquement à égalité, entendez : par symbolisme métaphorique !). Et c’est une fois de plus une question de nomination : c’est en effet le nom (trouvé par le lecteur, ici : le sème « composite », commun à la position du narrateur et au trait de caractère de Sarrasine), c’est ce nom qui entérine l’identification métaphorique, qui tente de dire l’identité. Mais, dans cet exemple précis, la motivation barthienne va encore plus loin : à ses yeux, ce « composite » désigne une impuissance à atteindre l’homogène, une substance qui ne prend pas (par quoi il s’oppose au lubrifié, qui est l’unité dont la tenue organique est le modèle). En d’autres mots, Barthes procède ici à une nouvelle intégration sémique : le composite désigne une identité profonde avec cela qui déterminera le destin de Sarrasine, qui est d’être frappé du vice profond de ne pas avoir l’unification, la lubrification organique. Le composite est en définitive identifiable au manque de la castration lui-même dont Sarrasine aura été le sujet dès avant de connaître la Zambinella : « la Zambinella, écrit Barthes, ne sera donc, tout compte fait, pour Sarrasine, que la conscience de ce qu’il était de tout temps ».
30Il est temps de conclure ! Voici en deux mots ce que je crois avoir sinon démontré, du moins indiqué comme interrogation intéressante, au sujet de ce que j’appelais au début de cet exposé la légitimité d’une extension interdisciplinaire du concept tropique. D’une part, il me paraît possible de situer et de délimiter, avec une précision relative, les mécanismes tropiques à l’intérieur d’une systématique générale du langage : rhétorique, c’est-à-dire tentative de réappropriation aux choses, incomplétude, motivation, telles sont les propriétés génériques ; identification/différenciation et unification/pluralisation, telles sont les propriétés spécifiques. Par ailleurs, j’ai tenté de montrer que, définies en ces termes, l’une et l’autre des deux orientations de ces deux mouvements de complétion motivante sont constitutives de l’acte de lecture du texte narratif. L’analyse structurale s’efforce d’en incorporer les mécanismes dans ses grammaires narratives. La lecture barthienne les pratique les unes et les autres, fût-ce — pour la métaphore — de manière inavouée.
Notes de bas de page
1 P. FONTANIER, Les Figures du Discours, Introduction par G. GENETTE. Paris, Flammarion, 1977. En fait, ce texte regroupe les deux principaux ouvrages de FONTANIER : 1) Manuel classique pour l’étude des tropes ou éléments de la science du sens des mots, publié en 1821 et 2) Traité général des figures du discours autres que les tropes, publié en 1827.
2 Citons quelques-uns des textes les plus significatifs sur cette question du dénombrement des grands tropes : R. JAKOBSON, Deux aspects du langage et deux types d’aphasie, dans Essais de linguistique générale, p. 43-67. Paris, Seuil, 1963 ; U. ECO, Sémantique de la métaphore, dans Tel Quel 55, p. 25-46,1973 ; J. DUBOIS, F. EDELINE, J.M. KLINKENBERG, P. MINGUET, F. PIRE et H. TRINON, Rhétorique générale. Par le groupe Mu. Paris, Larousse, 1970 ; G. GENETTE, La rhétorique restreinte, dans Figures III, p. 21-40. Paris, Seuil, 1972 ; P. SCHOFER et D. RICE, Metaphor, metonymy and synecdoche revis(it)ed, dans Semiotica 21,1977, nos 1/2.
3 Cet énoncé a fait l’objet de nombreux commentaires. Voir p. ex. G. GENETTE, Langage poétique, poétique du langage, dans Figures II, p. 123-152, Paris, Seuil, 1969 ; L. TUFTE, Microscopie des « bleus angélus » en langue et en discours, dans Poétique 50, 1982, p. 236-255 ; J. COHEN, Structure du langage poétique, Paris, Flammarion, 1966, p. 120 et suiv. ; J. COHEN, De la couleur des angélus, dans Poétique 53, 1983, p. 123-128.
4 J. GAGNEPAIN, Du vouloir dire. Traité d’épistémologie des sciences humaines. I : Du signe, De l’outil. Paris-Oxford-New York, Pergamon, 1982.
5 Voir p. ex. A. J. GREIMAS, Sémantique structurale. Recherche de méthode. Paris, Larousse, 1966 ; A. J. GREIMAS, Les actants, les acteurs et les figures. Dans C. CHABROL (éd.), Sémiotique narrative et textuelle. Paris, Larousse, 1973 ; F. RASTIER, Systématique des isotopies, dans A. J. GREIMAS (éd.), Essais de sémiotique poétique, Paris, Larousse, 1972 ; M. ADRIAENS, Isotopic organization and narrative grammar, dans A Journal for descriptive poetics and theory of literature 4, 1980, p. 501-544.
6 R. BARTHES, S/Z, Paris, Seuil, 1970.
7 Ceux-ci sont au nombre de cinq : le code proaïrétique des actions et comportements ; le code herméneutique des énigmes ; les codes référentiels ou culturels (c’est-à-dire les différents savoirs) ; le code des sèmes et le code des symboles.
8 R. BARTHES, op. cit., p. 55 (no (54)).
9 Ibid., p. 71-72 (no XXVII).
10 Le passage de l’identité à la différence s’accomplit dans la métaphore implicite : seul le terme non-métaphorique, le comparé ou tenor, y est explicite, mais acquiert, sous l’influence du contexte, des implications métaphoriques. M. VAN BUUREN, Metaforenreeksen, dans Forum der Letteren. Tijdschrift voor taal-en letterkunde 24, 1983, no 3, p. 199-206, en fournit un bel exemple (tiré des Rougon-Macquart de Zola).
11 Ibid., p. 98-99 (no XL). Voir aussi p.ex. les nos V, XI, XXVI, XXXVI et LVI.
12 Ibid., p. 89 (no XXXVI).
13 Ibid., p. 112 (no XLVI).
14 Ibid., p. 135-136 (no LVI).
15 Cette séquence proaïrétique commence à la lexie no(240) (p. 123) et se termine à la lexie no 276 (p. 134) (voir Ibid., Annexe 2, Les suites d’actions (Act.), p. 260). Voir aussi le no LVI.
16 Ibid., p. 216 (no LXXXIX). Voir aussi les nos XXVI, XXXII et XXXVII.
17 Cette énigme est posée et thématisée au no (28), p. 48. Elle n’est complètement dévoilée qu’au no (548), p. 215.
18 Ibid., p. 82-83 (no XXXII).
19 Voir par exemple Ibid., nos V, VI et VII, p. 16-21.
20 Ibid., no (13), p. 33. Voir en outre les nos (159) et XIV.
Auteur
Linguiste, professeur aux Facultés universitaires Saint-Louis et à l’Université catholique de Louvain
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