Dieu dans les mandements de carême des archevêques de Malines (1803-1926)
p. 651-684
Texte intégral
1Le projet initial de cette recherche concernait l’image de Dieu dans les lettres pastorales des archevêques de Malines depuis la restauration officielle du catholicisme par le Concordat de 1802 jusqu’à la veille du concile de Vatican II, qui coïncide, pour le diocèse de Malines, avec la division de celui-ci. Pour des raisons de temps, il m’a fallu réduire l’ampleur de l’enquête, de même que la précision méthodologique de celle-ci.
2Comme première approche, il me semblait important d’étudier toutes les lettres pastorales qui s’adressent directement aux fidèles et qui doivent être lues à la célébration dominicale par le clergé paroissial. Il ne s’agit donc pas d’étudier la pensée totale de chaque archevêque mais de se limiter à une esquisse de l’image de Dieu, telle qu’elle était prêchée aux pratiquants réguliers du XIXe et de la première moitié du XXe siècle.
3Il ne fallait a priori exclure aucun aspect. Je me suis cependant plus particulièrement intéressé au nom de Dieu, à ses attributs, à ses rapports au monde, à l’homme et à la société. Dans une perspective chrétienne, il fallait évidemment tenir compte des différentes personnes de la Trinité, Père, Fils et Esprit Saint. Pour compléter la perspective, il m’a paru important d’évoquer la manière dont les hommes peuvent connaître Dieu. En négatif, l’étude des adversaires de Dieu et de la religion permet de mieux cerner certains aspects. Le problème du mal a été envisagé à propos des calamités publiques. J’ai également peu retenu le thème de la providence, qui a fait l’objet de recherches du Professeur Stengers, de l’Université libre de Bruxelles, qui, je l’espère, les publiera bientôt.
4Le corpus, les lettres pastorales des archevêques de Malines de 1802 à 1961, a cependant été réduit. Pour des questions de temps, je me suis arrêté au décès du Cardinal Mercier en 1926. J’ai abandonné provisoirement l’étude des lettres pastorales du Cardinal Van Roey (1926-1961). Je me suis, de plus, limité aux mandements de carême, en laissant de côté l’étude systématique des autres lettres adressées aux fidèles, sauf celles qui sont écrites par l’archevêque lors de sa prise de possession du siège épiscopal. En fonction des titres, j’ai cependant utilisé un certain nombre de lettres qui pouvaient éclairer directement le sujet. Le choix des mandements de carême me paraît justifié par la périodicité régulière de ceux-ci et par l’habitude prise par les évêques, au cours du XIXe siècle, d’en faire un exposé d’un point important de la doctrine ou de la morale catholique, voire d’une question d’actualité.
5Une première approche ne permettait cependant qu’une lecture cursive de quelque cent trente lettres de 5 à 35 pages. Cette lecture s’est faite en tenant compte des questions posées par l’analyse de contenu, mais sans procéder à une étude statistique rigoureuse des différents thèmes ou des termes utilisés. Cette première lecture devrait simplement permettre l’élaboration d’un questionnaire précis. Il était a fortiori exclu de faire une analyse utilisant des approches inspirées de la linguistique, telle qu’on peut en trouver des exemples dans R. Robin ou dans les nombreuses analyses du discours religieux1. Une certaine sensibilité à ces types de démarches n’est pas totalement exclue de ma recherche.
6Dans cette lecture, j’ai été attentif à discerner autant les constances que les changements. Tout autant que les transformations, les disparitions de certains aspects et les apparitions de termes ou de thèmes nouveaux, ce sont les pondérations différentes des mêmes thèmes et les déplacements d’accent qu’il faut repérer. Dans beaucoup de cas, il faudra d’ailleurs se limiter à des constatations : apparition ou disparition de tel nom ou de tel attribut, sans pouvoir interpréter ce phénomène. Sans préjuger des résultats, on pourrait s’interroger sur les évolutions ou sur les variations éventuelles : inventaire de la différence2 tout autant que du progrès, voire de la décadence3. Pour réaliser cette étude, il m’a paru important de partir de l’analyse des lettres de chaque évêque considérées comme un ensemble, quitte à déceler chez eux quelque évolution.
7Bien qu’à première lecture, beaucoup de ces lettres semblent « intemporelles », il faudrait essayer de dégager les marques du contexte théologique et ecclésiastique en rapport avec l’évolution globale de la société, même si on doit aboutir à un constat de carence4.
Les auteurs
8Nouvel archevêque concordataire, Mgr J.A. de Roquelaure est nommé par Napoléon archevêque de Malines à l’âge de 81 ans. Né dans le diocèse de Rodez, ancien évêque de Senlis et aumônier à la Cour de Louis XVI, le nouvel archevêque a fait ses études au Séminaire Saint-Sulpice et il est docteur en théologie de l’Université de Paris5.
9Après la démission de Mgr de Roquelaure en 1808, le diocèse est dirigé pendant près de dix ans par deux vicaires capitulaires, à cause des tensions entre l’Empereur et le Pape qui refuse d’entériner le choix du successeur. J.F. Huleu, âgé de 62 ans, a fait ses études de philosophie et de théologie à l’Université de Louvain, où il est lecteur pendant deux ans. Il est bientôt nommé secrétaire de l’archevêque de Malines, puis chanoine, écolâtre et président du Séminaire. Lors de l’occupation française, il prête le serment de haine à la royauté6. Son ami, J. Forgeur, qui a 67 ans et est originaire de Liège, a été premier en philosophie à l’Université de Louvain en 1763 et il est bachelier formé en théologie. Il a enseigné la philosophie à l’Université de 1771 à 1792. Tous deux ont été tentés par la vie religieuse et sont entrés ensemble au couvent des Carmes déchaussés de Charenton près de Paris. Après le décès de Huleu en 1815, Forgeur signe seul les mandements de Carême7.
10Les difficultés créées en 1815 par la loi fondamentale des Pays-Bas reconnaissant la liberté des cultes retardent la nomination d’un nouvel archevêque. Finalement, Mgr F.A. de Méan, dernier prince-évêque de Liège, qui avait prêté serment à la nouvelle constitution, est nommé en 1817 à l’âge de 58 ans. Né à Saive, près de Liège, il avait fait ses études aux Universités de Mayence, Douai et Nancy8.
11Originaire d’un petit village du Brabant flamand, Mgr E. Sterckx, élu vicaire capitulaire en 1831 et nommé archevêque en 1832, est un prêtre de la génération qui n’a pas connu l’Ancien Régime. Agé de 40 ans, il a reçu une formation philosophique sérieuse d’un ancien professeur de l’Université de Louvain, mais son éducation théologique s’est faite au Séminaire de Malines, dans une période difficile. Dès son ordination, il a été chargé d’un cours de philosophie puis d’Ecriture Sainte et de morale au Séminaire. Il avait rapidement exercé des fonctions pastorales comme curé de Boechout puis comme curé-doyen d’Anvers à partir de 18249.
12Le parcours de Mgr V.L. Dechamps est différent. Formé tout d’abord par son père, qui dirige un pensionnat à Melle, il a fait deux ans d’étude au Séminaire de Tournai avant d’être envoyé à l’Université de Louvain, l’année de son ordination sacerdotale. L’année suivante, il entre chez les Rédemptoristes où il enseigne la théologie dogmatique pendant quelques années. Prédicateur de talent, il développe une nouvelle apologétique basée sur l’autorité et il sera un champion de l’infaillibilité pontificale au Concile du Vatican. Avant d’accéder au siège de Malines en 1867, à l’âge de 57 ans, il a été évêque de Namur pendant deux ans10.
13Son successeur, Mgr P.L. Goossens, originaire du Brabant flamand, a fait ses études au Séminaire de Malines. Professeur de préparatoire, il devient vicaire de la cathédrale et bientôt secrétaire de l’archevêché puis vicaire général. Comme le Cardinal Dechamps, il a été quelques mois évêque de Namur avant d’être promu à l’archevêché en 1884, à l’âge de 57 ans11.
14C’est un professeur d’Université qui succède, en 1906, au Cardinal Goossens. Mgr D. Mercier, né à Braine-l’Alleud en 1851, après ses études au Séminaire de Malines, a conquis le grade de licencié en théologie à l’Université de Louvain avant d’enseigner la philosophie au Séminaire de Malines en 1877 et de créer le cours, puis l’Institut de philosophie thomiste à l’Université catholique en 188212.
Les lettres pastorales des archevêques
15Les lettres pastorales, les mandements de carême et les instructions épiscopales du diocèse de Malines ont été publiés dans une collection qui comprend les documents publiés de 1801 à 196113. Avec les lettres des autres diocèses de Belgique, ils ont fait l’objet d’une première étude et d’une publication en résumé14.
16Plusieurs types de documents pourraient être utilisés pour étudier l’image de Dieu qui se dégage des textes épiscopaux. Une étude systématique des prières publiques ordonnées par l’évêque et des formules retenues ne manquerait pas d’intérêt. Pour quel objet invoque-t-on Dieu officiellement et quelles sont les variations dans ce domaine ? On pourrait classer les thèmes en quelques grandes catégories suivant le type d’événements concernés. L’autorité ecclésiastique et la vie de l’Eglise : élection, maladie et décès du Pape, des évêques ou des vicaires généraux, année jubilaire, conciles œcuméniques ou provinciaux, ou synodes diocésains. La famille royale : avènements, mariages, grossesses et naissances, voyages, fêtes patronales, maladies, décès. La vie politique : Te Deum pour les victoires, prières pour la paix, contre les périls, spécialement à propos de l’enseignement, pour le Congo et surtout pour de bonnes élections15. Finalement, les calamités publiques : intempéries ou épidémies. Les prières pour demander la pluie ou le beau temps s’échelonnent ainsi de 1810 à 1936, sous tous les épiscopats, sauf celui de Mgr de Roquelaure16. Il serait intéressant de connaître les raisons, peut-être climatiques, de cette absence, de même que pendant les dix premières années de l’indépendance qui coïncident avec le début de l’épiscopat de Mgr Sterckx. Les dernières prières pour le diocèse datent de 1936 : après cette date, Dieu cesse de faire la pluie et le beau temps17.
17En dehors des mandements de carême, il m’a paru intéressant de reprendre les premières lettres pastorales de chaque archevêque pour connaître les orientations qui leur paraissent importantes. Pour les autres lettres, seules celles qui traitent explicitement de Dieu ou de la connaissance de Dieu comme des erreurs contemporaines me semblaient indispensables dans une première analyse. Peu de lettres sont à retenir dans cette perspective. Pour l’épiscopat de Mgr Sterckx, celles des évêques de décembre 1837 sur les francs-maçons et du 5 août 1843 sur les mauvais livres, la publication de l’encyclique de Pie IX sur les erreurs modernes et du Syllabus par l’archevêque, le 2 février 1865, et celle sur les francs-maçons reprise le 1er décembre de la même année. Parmi les lettres du Cardinal Dechamps, il faut signaler la lettre du 20 novembre 1868 sur la grande erreur de notre temps, c’est-à-dire l’indifférence religieuse, celle du même jour pour la consécration de la Belgique au Sacré-Cœur et la communication de la constitution conciliaire sur la foi, en 1870. L’épiscopat du Cardinal Goossens sera davantage marqué par les questions sociales. Du point de vue qui nous intéresse ici, il faut cependant signaler l’encyclique de Léon XIII du 9 mai 1897 sur le Saint-Esprit et une lettre du 5 novembre 1903 sur les locutions flamandes non blasphématoires. Pour l’épiscopat de Mgr Mercier, il faut retenir les principaux documents sur le modernisme communiqués le 10 mars 1908, le motu proprio sur le modernisme communiqué le 10 novembre 1910, le lettre du 14 janvier 1912 sur les blasphèmes et le code abrégé de la vie chrétienne du 10 novembre 1911, qui devra être lu chaque année en chaire de vérité.
Les mandements de carême
18Les mandements de carême constituent un genre bien spécifique dont la pratique s’est répandue au cours du XIXe siècle18. Ces lettres accompagnent les dispositions qui règlent la pratique du jeûne et de l’abstinence pendant le carême. Jusqu’à l’épiscopat de Mgr Sterckx, les archevêques ou les vicaires capitulaires du diocèse se contentent d’une exhortation à la pénitence et à la conversion dans la perspective immédiate du carême. À partir de 1832, l’archevêque profite de cette occasion pour éclairer l’un ou l’autre aspect de la doctrine ou de la morale chrétienne. Il faut cependant faire une exception pour la lettre de Forgeur de 1817, qui est une apologie de l’attitude religieuse. Dans les autres diocèses, seul Mgr Zaepffel, à Liège, en 1807 et 180819 et Mgr Pisani de la Gaude à Namur, en 1808 et assez régulièrement de 1817 à 182320 publient des lettres sur un sujet plus vaste, comme le feront les différents évêques après 1830.
19Sur les 36 lettres publiées par le Cardinal Sterckx, huit sont spécifiquement consacrées au carême, comme temps de pénitence ou de préparation à Pâques21. Il faudrait rapprocher de ces lettres celles qui sont consacrées aux calamités publiques qui sont vues comme une occasion de conversion22 et celles de 1860 traitant des maux dont souffre l’Eglise, à l’occasion des menaces qui pèsent sur les Etats pontificaux. Dans le contexte de la question scolaire, 4 lettres traitent spécifiquement de la place de la religion dans l’instruction23. Neuf lettres concernent la connaissance de Dieu et de la religion, l’autorité de l’Eglise dans ce domaine, les erreurs actuelles et les dangers des mauvaises lectures24, tandis que 4 traitent du blasphème et des « discours sacrilèges »25. Trois lettres, enfin, sont consacrées à l’amour de Dieu et du prochain26 et celle de 1851 au jubilé qui suit l’année sainte. En 1855, l’archevêque publie, le 2 février, une lettre communiquant l’encyclique sur la proclamation de l’immaculée Conception.
20Les sujets abordés par le Cardinal Dechamps dans ses 17 lettres sont très divers et se laissent difficilement classer dans quelques grandes catégories. Seule la lettre de 1884 traite explicitement du carême, mais celles de 1877 et 1878 sont consacrées à la véritable contrition et à la confession et celle de 1880 aux occasions prochaines de péché, mais dans celle-ci, le Cardinal insiste, dans le contexte de la guerre scolaire, sur le danger des « écoles dites neutres ». La lettre de 1871 est consacrée aux calamités de la guerre. Trois lettres concernent la vie chrétienne et la bonne mort27 et celles de 1868 et 1869 traitent de l’espérance et de la charité. L’orgueil comme volonté d’indépendance vis-à-vis de Dieu et le blasphème sont les thèmes des lettres de 1873 et 1882. En 1870, le concile du Vatican est l’occasion d’une lettre sur la catholicité de l’Eglise, tandis que l’année sainte de 1875 est également l’objet d’un mandement. La lettre de 1874 encourage la dévotion au Sacré-Cœur auquel les évêques avaient consacré la Belgique en 1868, et celle de 1881 traite du sacrifice du Christ et de l’Eucharistie. En 1879 enfin, les évêques ont publié une lettre collective contre le projet de loi scolaire.
21Sur les 22 mandements de l’épiscopat de Mgr Goossens, cinq sont des lettres collectives des évêques, quatre à l’occasion d’encycliques ou d’événements pontificaux et l’une pour le 75eme anniversaire de la Belgique28. Les lettres du Cardinal sont consacrées essentiellement à la vie chrétienne : sept traitent des trois vertus théologales29 et trois autres de la dignité du chrétien, de la grâce et de la patience dans l’adversité30. Les autres lettres concernent le sacrement de pénitence, la messe, la communion pascale ou la dignité du sacerdoce31, tandis que la lettre de 1891 lie le triomphe de la Croix et le magistère ecclésiastique !
22Les mandements de carême du Cardinal Goossens semblaient presque tous intemporels : l’archevêque traitait, en effet, des questions sociales à d’autres occasions. Les 19 lettres du Cardinal Mercier vont être marquées par l’actualité religieuse et surtout politique et sociale. C’est le cas des deux lettres collectives de l’épiscopat sur le patriotisme en 1910, et sur la paix et la fraternité en 1925, même si cette dernière lettre s’inscrit également dans le cadre de l’année sainte. La lettre de 1913 traite des devoirs sociaux de notre temps, mais c’est surtout à partir de la guerre que les titres s’inspirent directement de la situation présente : « Courage mes frères » en 1917, « La leçon des événements » en 1918, « Au lendemain de la victoire » en 1919. Les lettres des années suivantes sont dans la même ligne32. Plusieurs lettres sont consacrées à des problèmes fondamentaux de la foi chrétienne : Dieu (1907), le modernisme (1908), l’acquisition des connaissances religieuses (1911) ou l’athéisme et la moralité publique (1912). Le lettre de 1914 est consacrée à la nature et aux obligations de la vie chrétienne et celle de 1909 aux devoirs de la vie conjugale.
Dieu dans la prédication des archevêques
23Les circonstances de l’arrivée à Malines de Mgr de Roquelaure ne pouvaient que l’inciter à parler de la « divine Providence, adorable et incompréhensible », et à invoquer le « Dieu de paix » pour qu’il garde « l’esprit de concorde » parmi les diocésains33. Dieu est le « Seigneur » qui exige l’obéissance aux maîtres temporels, « car tous les pouvoirs qui s’exercent sur la terre sont des émanations de la toute-puissance divine et infinie qui règne seule dans le ciel et sur la terre... ». Il invoque Dieu de manière personnelle à la fin de sa lettre : « O mon Dieu » (P). Dieu est le « père de famille » (P) dont la « bonté est infinie » (1803). Le couple justice-miséricorde est habituel : « les entrailles de la miséricorde de Dieu »34, « père de miséricorde » (1803), « don de sa miséricorde » (1804) ; « justice » qu’il faut « satisfaire » (1804) ou « colère » du « ciel » (1807), « qu’il faut fléchir » (1803) ou « apaiser » (1804). Les différents fléaux, intempéries, pénuries, guerres sont les « instruments de la vengeance de Dieu » (1804).
24Jésus-Christ est le « souverain Maître » (1803), mais aussi le « Dieu pénitent, Dieu crucifié, Dieu souffrant » (1803), « Dieu humilié » (1807), « l’Homme-Dieu » souffrant (1807). Il est également le « Sauveur ressuscité » (1803). Il est le « fondateur », le « chef » et « l’époux » de l’Eglise (1808) et il « apparaîtra au Jugement dernier pour dissiper toute fausse sagesse » (1805). L’Esprit Saint n’apparaît pas comme tel : le mandement de 1805 évoque simplement « les règles saintes que l’Esprit de Dieu a fixées ».
25Dans les mandements de Forgeur et Huleu de 1809 à 1815, Dieu est également le « Tout-Puissant » (1809), le « Seigneur » (1815), le « Seigneur Dieu » (1813), dont la « majesté » (1814) est « suprême » (1909). Il est « immuable en sa Sainteté et en toutes ses perfections » (1812). Il est le « Créateur et Sauveur » (1813) et le « Père céleste » (1811). Sa « justice exige la satisfaction » (1812) que lui procure son Fils (1813). Dieu est en effet « irrité par le péché » (1809) : il faut faire « fléchir la colère du Très-Haut » (1810) ou de Dieu35 qui « envoie ses fléaux » (1814). Il est aussi « Père du Sauveur » (1809), « Seigneur de toute miséricorde » (1809), « Père plein de miséricorde » (1811). Le terme de miséricorde revient d’ailleurs dans chaque lettre, sauf en 1815. La bonté de Dieu est « infinie » (1813), sa « charité pour les hommes est manifestée par le don qu’il fait de son Fils » le livrant à la mort pour leur salut (1813).
26Jésus-Christ — c’est le nom qui revient habituellement — est le « divin Sauveur »36, le « Sauveur »37, le « Sauveur mort et ressuscité » (1812) ou le « Sauveur ressuscité » (1815), le «Rédempteur» (1811) ou le « divin Rédempteur » (1810). Les mandements insistent sur sa Passion et ses souffrances38 : il est le « Dieu crucifié » (1811), « l’Homme-Dieu qui a souffert » (1812), « l’Agneau sans taches » (1815). Il est aussi le « Fils de Dieu »39, le « divin Maître » (1815), celui qui donne sa grâce (1813) et siège à son « tribunal » (1813). Deux fois l’Esprit Saint est évoqué pour que les fidèles « implorent ses lumières »40.
27Forgeur, qui assure seul la direction du diocèse en 1815, insiste sur la « bonté » et la « miséricorde » de Dieu, même si celui-ci « envoie des croix » (1816). Sa lettre de 1817, par contre, s’efforce de dépasser le public habituel. Le vicaire capitulaire veut toucher cette fois « ceux que la fausse philosophie a tellement corrompus qu’ils vivent aujourd’hui sans religion ». Il ne semble pas envisager qu’ils puissent être réellement athées, mais c’est peut-être une figure de style : « nous ne doutons pas, N.T.C.F., que vous n’admettiez l’existence de Dieu qui vous a créés, qui vous a conservés jusqu’à ce jour et qui vous a comblés d’innombrables bienfaits ». Il va insister sur les devoirs de la religion, en soulignant que la conduite envers Dieu est parallèle à celle qu’on doit avoir envers les hommes : reconnaître ses bienfaits, honorer sa perfection, demander ses faveurs, ne pas l’offenser par le blasphème. Il se réfère à « l’Etre suprême sans qui vous n’êtes rien et ne pouvez rien » et au « Souverain maître du ciel et de la terre ». Si des hommes ont perdu la foi ou sont aveugles, c’est à cause de la « perversité » de leurs mœurs. Il faut donc se convertir : « nous gémissons déjà tant sous les coups que la divine justice nous porte pour l’expiation de nos péchés ; la forcera-t-on encore, pour ainsi dire, par de nouveaux crimes à redoubler ses coups ? »
28Accédant au siège de Malines dans des circonstances difficiles, Mgr de Méan doit justifier son adhésion à la nouvelle constitution condamnée par les chefs des diocèses en 1815. La vision de Dieu, qui se dégage de sa première lettre, est celle du « Très-Haut », du « Seigneur » qui « ordonne par la bouche des apôtres », du « Maître des maîtres », c’est-à-dire des rois, dans lequel il faut « révérer l’image de la divinité ». « Quiconque s’élève contre les rois, fussent-ils même injustes, s’élève contre Dieu ». Dieu est le « Très-Haut » (1829), le « Tout-Puissant »41, le « Seigneur »42, « infiniment parfait » (1826), envers lequel nous avons des devoirs (1826), le « Souverain Maître de nos destinées » (1821). Il est « infiniment sage » (1829) et le « Dieu de vérité » (1827). Dans le contexte du carême, c’est la justice et la miséricorde de Dieu qui constituent de nouveau les thèmes centraux. « Dieu juste » (1829), « Dieu dont les jugements sont justes » (1825), « Dieu infiniment juste » (1820), « ne peut se dispenser de punir le mal » (1820). Il punit les pécheurs « en les livrant à leurs excès » (1825) ou « en les abandonnant à leur aveuglement » (1827). C’est pourquoi l’homme doit « satisfaire à la justice divine » (1822), craindre son « terrible tribunal » (1821). Devant les « menaces de Dieu » (1825), — il est en effet « terrible de tomber entre les mains du Dieu vivant » (1824), — le fidèle doit faire « fléchir » sa « colère » ou « apaiser la colère de Dieu » ou « la colère divine »43, comme le Christ a apaisé la colère de son Père (1824). En même temps, Dieu est « bon » (1824), « toujours bon » (1829), « infiniment bon » (1820), sa « bonté est inépuisable » (1821). Il est « Dieu » ou « Père de miséricorde »44, « inépuisable dans sa miséricorde » (1819), « patient et riche en miséricorde » (1824). Le carême est un temps de grâce de sa « divine miséricorde »45. Le Seigneur est « doux » (1826). Dieu aura « pitié » (1828), car il est le « Dieu de toute consolation » (1828). L’archevêque parle de son « amour pour les hommes » (1827), des « bienfaits » de Dieu (1828) ou du Seigneur (1830), des « faveurs » du Seigneur (1830), mais aussi de « la bonté » de « Dieu qui nous aime jusqu’à laisser immoler son Fils unique » (1823).
29A côté de « Jésus-Christ »46, le titre plus complet de « Notre Seigneur Jésus-Christ » n’apparaît qu’une fois dans une citation de Saint Paul en rapport avec sa Résurrection (1827). Comme avant, le titre de « Sauveur » apparaît fréquemment : « Notre divin Sauveur», en rapport avec sa Passion47, avec « ses plaies » (1823), « ses souffrances » et « son excès d’amour » (1824), mais aussi avec sa Résurrection (1818). Le titre de « divin Rédempteur » est plus rare (1826). Jésus-Christ est aussi « l’Homme-Dieu immolé sur la croix » (1827), le « Lils de Dieu mourant sur la croix » (1829) mais qui « a voulu aussi nous laisser un gage » dans le « Sacrement auguste » (1827) : « Dieu reçu à la Table Sainte » (1827). Il est également le « sublime fondateur » de l’Eglise (1818), son « divin auteur » ou son « divin époux » (1827). « Doux et humble de coeur » (1829), il est le « divin et auguste Maître » (1827). Le Saint-Esprit n’est mentionné qu’une seule fois : il faut prier pour obtenir sa lumière (1826).
30Lace à ce Dieu et risquant de détourner les chrétiens, il y a les « livres abominables » (1822), les « impies » qui attaquent la religion (1825), les « incrédules » (1826) et les « libertins »48, « hommes sans autorité, sans mission et, pour la plupart, sans mœurs » (1826), eux qui « blasphèment ce qu’ils ignorent » (1826), ou qui blasphèment « le Saint Nom de Dieu »49. Dieu les abandonne « au vide » (1827), à « leur aveuglement » (1827). C’est l’orgueil qui est la source de tout : « ces hommes superbes rejettent tout ce qui est au-dessus de leur intelligence bornée... C’est ainsi qu’ils attribuent à des causes naturelles les effets les plus merveilleux, et que chez les uns il n’y a plus de mystère, chez les autres plus de religion, chez les autres enfin plus de Dieu !... Voilà jusqu’où peut aller l’égarement de la raison humaine, lorsque Dieu l’abandonne à elle-même en punition d’un fol orgueil » (1829).
31Avec Mgr Sterckx, l’élargissement des thèmes exposés dans les mandements de carême entraîne une amplification du discours sur Dieu50. En 1837, il propose 5 moyens de connaître Dieu, en contemplant « le merveilleux spectacle de la nature », en étudiant « l’histoire sainte... qui nous apprend comment Dieu a daigné se révéler aux hommes », en lisant des livres qui traitent de lui, en écoutant les sermons du clergé et en ayant recours à la prière. En 1841, au moment où les sociétés bibliques protestantes diffusent la Bible, il met en garde contre une lecture imprudente de celle-ci, qui ne peut être mise en toutes mains, et en 1843, il insistera sur la connaissance du catéchisme, dont il vient de publier une nouvelle édition à laquelle il travaillait depuis 5 ans. L’archevêque est très préoccupé par le blasphème qui se répand de plus en plus selon lui. Il développe ce thème dans 5 lettres51, en y ajoutant les « attaques » (1834), les « discours sacrilèges » (1835) et « impies » (1854) qu’on retrouve dans les « mauvais livres »52. A l’occasion de l’avènement de Pie IX, en pleine période révolutionnaire, le Cardinal reprend le contenu de la lettre pontificale sur « la guerre acharnée et formidable » que font à l’Eglise catholique « ceux qui s’efforcent d’ébranler la religion catholique et la société civile » et développent « des doctrines perverses, des systèmes absurdes et de faux raisonnements » contre « la foi en Jésus-Christ qu’ils prétendent contraire à la raison », alors qu’il y a « d’éclatantes preuves qui doivent convaincre tout homme raisonnable que la religion de Jésus-Christ est divine » (1847). Mais « dès qu’on rejette l’autorité de l’Eglise, on va droit au panthéisme, au socialisme, à l’athéisme et à une infinité d’autres systèmes absurdes, que la licence des esprits a produits » (1853). En 1865 enfin, le mandement de carême contient l’encyclique Quanta cura et le Syllabus.
32Ces erreurs, comme cette ignorance de Dieu, sont la source de tous les maux. Parallèlement à la condamnation des erreurs, le Cardinal développe un discours sur leurs conséquences néfastes pour la société et sur l’utilité sociale et personnelle de la religion53. « L’ignorance de Dieu est la source des maux et des iniquités qui inondent la terre ». Il est, en effet, « impossible d’avoir de la probité » ou « d’être heureux » sans religion. La société ne peut subsister sans religion (1837). Ce thème revient fréquemment dans les lettres de Mgr Sterckx. Dieu est le « Seigneur » (passim), le « Seigneur votre Dieu » (P) dont le nom est « adorable » (1836) comme est « adorable » (1833) et « infinie » (1837) sa « perfection » et celle de ses « attributs » (1836). Il est le « souverain bien, il est la beauté suprême, il réunit toutes les perfections, tous les attraits et tous les charmes qui peuvent toucher un coeur raisonnable » (1836). Son image est « auguste » (1833), sa « majesté suprême »54 et « infinie »55. Il est le « Tout-Puissant » (1846) ou possède la « toute-puissance »56. Il est le « Créateur » (1851) « du ciel et de la terre » (1837) comme de l’homme57. Il est le « Maître de l’univers » (P), « du ciel et de la terre » (1834) qu’il « gouverne » (1837). Il est le « souverain dispensateur des sciences ». Il « suggère nos pensées » et il est « source de lumière et de sagesse » (1838). Il est « sagesse et équité suprême » (1853).
33Dieu est également « notre Père céleste »58, « Dieu de bonté »59, celui « dont la bonté est inépuisable » (1859) et qui nous « prépare un bonheur ineffable » (1833). « Il a droit à notre amour, car Il nous a aimés le premier » (1836). Notre coeur nous « porte à L’aimer » (1836), c’est « notre premier désir » car sa connaissance ne peut que nous « embraser de son amour » (1837).
34Dieu est le « Père des miséricordes » et « le Dieu de toute consolation » (1867), mais sa « miséricorde » (1834) ou la « divine miséricorde » (1854), ou « les entrailles de la miséricorde de Dieu »60 sont liées souvent à la justice. Dieu est en même temps « le témoin redoutable dont les yeux voient tout, ce juge qui atteint tôt ou tard les coupables » (1833). Son regard se colore cependant de tendresse : Dieu est « le témoin, le juge et l’ami du coeur » (1837) mais il reste le « juge suprême » (1839), vis-à-vis duquel « on a un compte à rendre » (1838), un « compte terrible » (1839). Le terme de « justice divine » revient plusieurs fois61 : « châtiment de la justice divine » (1852), « la justice suprême exige que tout crime soit puni » (1846), « Dieu ne laisse aucune faute impunie » (1842), les péchés ne peuvent que provoquer les « châtiments les plus sévères » (1852). Il faut donc « craindre Dieu » (1838), le « Seigneur votre Dieu » (1836). La crainte de Dieu est évoquée plusieurs fois encore62, mais c’est surtout la crainte de la « colère de Dieu » qui revient au moins dans huit lettres63, le « courroux du Très-Haut » (1855), la « vengeance de Dieu »64, sa « main vengeresse » (1854), la « main de Dieu qui ne peut manquer de s’appesantir » (1852), son « bras vengeur »65. Il faut s’attendre « au jour redoutable des vengeances du Seigneur » (1834).
35Il faut « calmer le Seigneur » (1867), de crainte « qu’il ne vienne venger son honneur » (1859) ou « sévir encore plus cruellement » (1867). En effet, les calamités sont envoyées par Dieu pour punir les péchés66. Plusieurs lettres sont consacrées aux calamités publiques67. On retiendra plus spécialement la première, de 1846, au moment de la grande crise agricole en Flandre68. L’archevêque commence par rappeler que « c’est une vérité répandue dans tous les livres de l’Ecriture Sainte, que le péché est la cause principale de tous les maux qui nous arrivent en cette vie... Dieu doit agir ainsi, parce que sa justice suprême exige que tout crime soit puni ». C’est « la bonté et la sagesse de Dieu qui le portent à arrêter les désordres ». Dieu « peut différer de punir les fautes privées jusqu’à l’autre vie... mais lorsqu’un peuple tout entier, une ville, une société ou un grand nombre d’hommes se rendent coupables, Dieu ne peut les punir que dans ce monde, puisque dans l’autre les peuples, les villes et les sociétés publiques qui unissent ici les hommes ne subsistent plus ». Pour le Cardinal, « l’histoire nous apprend que Dieu a toujours récompensé les peuples sages et vertueux par des bénédictions temporelles et qu’il a constamment puni les désordres publics et généraux par des guerres, des dissensions, des disettes et d’autres calamités ». Il concède cependant que Dieu « a différé quelquefois l’exécution de ses arrêts pour donner le temps de faire pénitence ». Ces calamités sont le « fléau de Dieu », la « manifestation de la puissance du Seigneur ». Si, dans cette lettre, le Cardinal insiste sur toutes les œuvres créées pour combattre le péché et diminuer ainsi les calamités, habituellement, il verra dans la pénitence et la prière un moyen d’écarter les calamités publiques69. Il cite Saint Bernard pour qui les bonnes œuvres « parviennent à vaincre celui qui est invincible et à désarmer celui qui est tout-puissant » (1856).
36Les mandements font davantage référence à Dieu qu’à Jésus Christ, désigné habituellement par ce nom, plus rarement par « Notre Seigneur Jésus-Christ »70 et exceptionnellement par « le Christ » (1861). Il est avant tout le « Sauveur »71, le « divin Sauveur »72, le « Fils de Dieu »73 «fait homme » (1864) et « vrai Dieu » (1863). Il est la « Bonté suprême » (1835), « l’Agneau sans taches » (1851). Il est le « divin Maître »74, le « Pasteur des pasteurs » (P) ou le « Prince des pasteurs » (1838).
37L’Esprit Saint est encore beaucoup moins présent. Il est cité deux fois en référence à l’Ecriture : il faut « avoir toujours devant les yeux le sage avis de l’Esprit Saint », en référence au livre de l’Ecclésiastique (1834) et « le Saint-Esprit nous apprend par la bouche des prophètes » (1837). Dans cette même lettre, sur les moyens de connaître Dieu, l’archevêque souligne qu’il faut avoir «fréquemment recours à la prière », afin que l’Esprit Saint, l’esprit de science et d’intelligence dissipe les ténèbres de notre ignorance » (1837). Il est celui que les apôtres ont reçu (1836). Il est enfin cité à propos de la Trinité (1863).
38La Trinité est rarement évoquée. Deux mandements parlent de la religion qui nous apprend à connaître le « mystère de la Sainte Trinité » (1833) ou le « mystère ineffable de la Trinité » (1840) dans un texte qui cite le Père et Jésus-Christ, mais non l’Esprit ; l’Eglise est mentionnée en troisième lieu. C’est à propos de l’Eglise que Mgr Sterckx mentionne une troisième fois la Trinité : son institution est « divine, car Jésus-Christ est vrai Dieu, il est la seconde personne de la Trinité, de la même nature que le Père et le Saint-Esprit », qui, cette fois, est cité (1863).
39La tonalité des mandements de carême du Cardinal Dechamps est différente de celle de son prédécesseur. Dans sa lettre inaugurale de 1867, il souligne l’évidence de la manifestation de Dieu dans « la nature et la révélation. La première, par les harmonies de la terre et des cieux, manifeste le Dieu de la création ; les harmonies de l’histoire divine du genre humain, par l’unité des temps en Jésus-Christ, manifeste le Dieu de la Rédemption ». Pourtant, « l’indifférence religieuse fait maintenant place à la haine » (P). Dieu a « éclairé le genre humain » par la « raison » et « par la foi » (1871) qui est « soumission de la raison humaine à la raison divine » (1873). Il n’est pas étonnant, pour un apologiste, qu’une de ses premières lettres pastorales, du 20 novembre 1868, soit consacrée à la « grande erreur de notre temps », c’est-à-dire « la négation de la certitude en matière de religion », qui « porte aussi le nom d’indifférence religieuse ». L’archevêque s’efforce de prouver que cette « erreur choque profondément la raison » qui « peut atteindre des certitudes... réclame la révélation... et la reconnaît clairement à ses caractères », en soulignant les malentendus du temps présent basé sur « une fausse et pitoyable notion de la liberté », «l’opposition de la foi et de la science » et la prétendue incompatibilité entre la foi « immuable » et le progrès.
40Les ennemis de Dieu et de l’Eglise sont, bien sûr, les Loges qui attaquent les associations religieuses75, mais aussi les «rationalistes (par antiphrase) » (1870), le « monde qui se croit savant » et la « science superbe » (1872), alors que « les vrais savants reconnaissent Dieu » (1873). Les « libres penseurs », les « aveugles et les superbes blasphèment la révélation », réclament « leur indépendance à l’égard de Dieu et de toute autorité » et créent une « morale indépendante » (1873). Dans leur orgueil, ils « prétendent se passer de Dieu » ; au « nom de la raison », ils veulent « bannir Dieu de la morale » (1871). En 1869, l’archevêque parlait déjà de la « morale indépendante de la foi du paganisme moderne ». Dans leur lettre collective de 1879, les évêques emploieront finalement le terme de « morale sans Dieu ».
41Le Dieu du Cardinal Dechamps est plus proche de l’homme que celui de son prédécesseur. Il reste, bien sûr, le « Seigneur »76, le « Père tout-puissant » (1883), mais l’archevêque parle de sa toute-puissance en fonction des prières qu’on peut lui adresser (1868). Dieu est « notre Père » (1873), le « Père des hommes » (1872), de « tous les hommes » (1870) et « de la nature humaine » (1872). L’âme humaine est ainsi « l’image de Dieu »77, le « miroir vivant de son Père » (1868). Les fidèles sont « les enfants de Dieu » (1868), la « famille des enfants de Dieu » (1869), jouissant de « l’ineffable liberté des enfants de Dieu »78 appelés dans la vie éternelle « à participer à la vie même de Dieu » (1868), à « jouir de Dieu lui-même » (1883), même si « le nom propre de Dieu, c’est Je suis » et celui de l’homme « je ne suis pas » (1873).
42Dieu est le « Dieu des sciences » (1873), le « Dieu révélateur » (1873) dont la « parole est infaillible » (1868). La « révélation éclaire la profondeur de Dieu » (1869) qui est le « Dieu vivant » — cette expression revient souvent79. Dieu est « le souverain bien, l’amour lui-même, l’amour en personne, l’amour vivant et infini » (1868). Le terme « amour divin » revient plusieurs fois en 1869. La « bonté de Dieu » est « immuable » (1872). Le mandement de 1881 parle de la « tendresse divine », tandis que la miséricorde disparaît du vocabulaire habituel, sauf dans la référence au rituel de l’extrême-onction et dans une prière pour les agonisants qui peuvent s’adresser à Dieu comme « au très doux Père céleste » (1883).
43Contrairement aux lettres de Mgr Sterckx, on ne retrouve qu’exceptionnellement le thème de la « justice divine » que Mgr Dechamps s’efforce cette fois de justifier. C’est dans sa lettre de 1871 sur la guerre qu’elle intervient, de même que le thème, devenu très rare, des calamités « qui sont le fléau de Dieu » selon une citation du prophète Jérémie. « Dieu n’est que bonté par lui-même, c’est nous qui le rendons juste », comme « l’enfer n’est pas l’œuvre de Dieu mais l’œuvre du péché », « l’enfer que Dieu n’a pas fait mais que l’homme coupable et obstiné se fait à lui-même », selon Saint Bernard. Dans cette perspective, il faut une « sainte crainte de Dieu » dont la « justice est éternelle » et qui « châtie les peuples », mais « les châtiments temporels ne sont jamais pure justice. La justice n’est jamais pure dans le temps, elle y est toujours mêlée de miséricorde, car elle devient, pour ceux qui le veulent, une source de régénération et de salut ».
44Même si Dieu intervient plus souvent que Jésus-Christ — dans le mandement de 1872, par exemple, il est cité 32 fois contre 18 —, celui-ci apparaît davantage que dans les lettres du Cardinal Sterckx. Le terme habituel reste « Jésus-Christ », mais le nom de « Notre Seigneur Jésus-Christ » revient beaucoup plus fréquemment, dans 11 lettres sur 17 au moins, et celui de « Christ » apparaît pour la première fois, mais assez rarement80. Il est « notre Dieu et Sauveur » (1879), le « Dieu fait homme »81, le « Dieu de la crèche, du calvaire, de la résurrection » (1872), le « Fils de Dieu »82 «fait homme » (1872), le « Fils de l’Eternité fait homme » (1872) mais aussi le « Verbe »83 — terme que Mgr Sterckx n’utilisait pas. Il est « l’image éternelle et consubstantielle, la ressemblance vivante, nécessaire, infinie » de Dieu (1872). Il est le « Seigneur »84, le « divin Maître »85. On retrouve le terme « d’Homme-Dieu » en rapport avec la mort (1868) et dans une lettre consacrée au sacrifice (1881).
45Jésus-Christ est le « nouvel Adam » (1872), le « Sauveur promis » (1881), le « Sauveur du genre humain » (1870), « l’unique médiateur» et « l’unique prêtre » (1881). Il est « l’Agneau de Dieu » (1869), « l’Agneau immolé », « l’Agneau pascal », la « victime pure » (1881). C’est à ce moment que se développe en Belgique le culte du Sacré Coeur que Pie IX encourage depuis le début de son pontificat86. Mgr Dechamps et les évêques lui ont consacré la Belgique le 8 décembre 186987 et le mandement de carême de 1874 porte sur sa dévotion. C’est en association avec le coeur qu’on retrouvera le nom de Jésus sans son titre de Christ : « Coeur de Jésus, coeur blessé » (1869), « Sacré Coeur », « Sacré Coeur de Jésus » et « Coeur adorable de Jésus » (1874).
46L’Esprit Saint est également mentionné davantage, sans que cela soit cependant très fréquent. L’Esprit Saint est « l’amour substantiel, personnel et vivant du Père et du Fils » (1868). Il est « l’Esprit de Dieu » dont le rôle dans l’incarnation du Verbe est rappelé (1872), qui parle aux hommes (1872) par les auteurs de l’Ecriture Sainte (1875). La grâce donnée à l’homme est la « flamme de l’Esprit Saint » (1868). Celui qui « répand l’amour divin dans le coeur de l’homme » (1879), dont les « facultés d’entendre et d’aimer » sont « fortifiées par les lumières de la Révélation et le feu sacré de l’Esprit Saint » (1881). Une prière conseillée sera faite « au nom de l’Esprit Saint » (1883).
47Si la Trinité n’est guère plus mentionnée que par Mgr Sterckx — il y a une prière qui s’adresse aux trois personnes en 1883 — l’évocation qui en est faite dans son premier mandement, sur l’espérance, en 1868, est plus explicite. Evoquant la vie éternelle, l’archevêque précise : « C’est alors que, trinité créée, nous jouirons de la Trinité incréée. C’est en se comprenant lui-même que Dieu produit nécessairement son Verbe... nous contemplerons la divinité face à face... nous aimerons Dieu aussi, si nous osons dire par son propre amour, et comme par son propre coeur, puisque nous serons intimement unis à l’Esprit Saint qui est l’amour substantiel, personnel et vivant du Père et du Fils. Et c’est ainsi que nous participerons à la vie de Dieu même, à l’ineffable béatitude de la très Sainte Trinité ». La Trinité nous révèle ainsi à nous-même (1881).
48Il n’y a guère de souci d’apologétique chez Mgr Goossens qui « gémit... sur les ravages de l’esprit d’incrédulité qui pénètre partout » (1888). Aujourd’hui, « les ennemis de la Croix de Jésus Christ se sont multipliés... Depuis qu’il a proclamé ses droits en niant les droits de Dieu88, depuis qu’il a décrété sa souveraine indépendance, l’homme est devenu à lui-même sa propre divinité ». Il faut « réagir contre l’envahissement de ce sensualisme païen » (1891). Il stigmatise « les libertins de coeur et d’esprit qui abusent de cette doctrine » de la foi comme don de Dieu « pour justifier leur incrédulité » (1894). « Si l’on remontait à l’origine de l’incrédulité de la plupart de ceux qui s’appellent libres penseurs et esprits forts, on la trouverait non pas dans une raison supérieure à celle du commun... mais bien dans les mauvaises dispositions de leur coeur... Leur propre perversion leur tient lieu de preuve et de raisonnement » (1896). Il faut donc éviter « les mauvaises compagnies » et les « lectures mauvaises », car « il y a de nos jours un grand nombre de véritables malfaiteurs de la plume » (1896).
49Dans leur lettre collective de 1895, les évêques font allusion — la seule que j’ai repérée — au diable : « l’heure est grave ! L’ennemi du genre humain fait des efforts inouïs pour arracher les âmes à Dieu, à l’Eglise, à la vertu ».
50Peut-être davantage que son prédécesseur, Mgr Goossens va souligner la transcendance de Dieu. Il y insiste dans la lettre inaugurale de 1884, en fonction du choix de sa personne comme archevêque : « Dieu dont les voies ne sont pas nos voies », qui se « plaît à édifier sur le néant » en choisissant « des instruments les plus faibles », renversant « l’ordre commun des choses humaines ». Les jugements de Dieu sont « impénétrables », son nom « ineffable » et son amour « incompréhensible » (P). L’homme ne peut connaître Dieu que « comme l’abîme insondable, comme la vérité infinie, inaccessible dans son essence » (1896). Cette caractéristique se retrouvera d’ailleurs pour Jésus-Christ.
51Dieu est le « Tout-Puissant »89 ; Il possède la « puissance » (1891) « souveraine » (1900), « absolue » (1900) et la « souveraineté absolue » (1900). « Il est plus grand, plus haut, plus fort que tout » (1900) ; la « grandeur » caractérise la « nature divine » comme la « richesse divine » (P). Il est « libre » (1891), « rien ne le lie, rien ne l’influence, rien ne le détermine, et les lois qu’il a établies pour régir la création le laissent entièrement libre » (1900). Il est « parfait » (1885), « infiniment parfait » (1900) ; il est « saint » (1886) mais ce qualificatif est rare. Il est « infaillible » (1894), et le « Père des lumières » (1898). Dieu est le « Créateur »90, « l’auteur de l’univers, principe et fin de tous les êtres » (1889), « le Créateur et le Bienfaiteur » de l’homme (1902). Il est aussi le « Maître » (1894), le « souverain Maître » (1892), le « Législateur suprême » (1889), « souverain » (1905), qui a « autorité sur toute chose » (1889). Dans la famille, le père est le « délégué de cette puissance divine » (1895) ; « l’autorité paternelle » est « digne de vénération puisqu’elle participe à la fois de la royauté, du sacerdoce et de la divinité elle-même » (1895). Dieu reste « le seul dominateur souverain » mais sa volonté s’exprime par « l’Eglise », les « pères et mères », « les magistrats, supérieurs civils, maîtres et patrons. C’est-à-dire tous ceux que Dieu associe à son gouvernement » (1905).
52Dieu est aussi le « Juge suprême » (P), le « souverain Juge » (1892), le « Juge éternel des vivants et des morts » (1886) qui nous demandera « un compte sévère » (P). Sa « justice absolue » (1884) est capable de « châtier » (1890) : la Croix manifeste que « la justice de Dieu » a « résolu d’exiger du péché une satisfaction rigoureuse » (1891). Le sacrifice devra apaiser sa « juste colère » (1889). Jésus Christ devra « satisfaire pour nous la justice du Père » (1902). Dieu est, en effet, « vengeur du péché » (1886). Sa « main s’appesantit sur nous » à cause de nos péchés (1888) qui méritent « châtiment » (1888) et provoquent « la vengeance de la majesté de Dieu outragée» (1890). Mais la justice de Dieu est souvent alliée à sa bonté et à son amour91. La bonté92 l'emporte sur la justice : « bonté paternelle », « infinie bonté de notre Père » (P). Dieu est « la bonté sans limite, ou plutôt la bonté elle-même... Cette bonté de Dieu, il faut la confesser spontanée, primordiale, gratuite, universelle, invincible » (1900). Comme le père est délégué de la puissance de Dieu, la mère est l’image de la bonté divine (1895). Cette bonté s’exprime dans sa « miséricorde »93, sa « prodigieuse indulgence » (1890), son pardon. « Quand il s’agit de pardonner, il abonde, il est inestimable, il est inépuisable » (1900). Cette « bonté qui est amour » (1900). Le terme d’amour revient beaucoup moins souvent que celui de bonté : « Dieu a tellement aimé le monde » en référence à Saint Jean (1885), « l’amour de notre Dieu » (1886) : « la Croix qui dit l’amour de Dieu... gratuit... désintéressé... universel » (1891). Mgr Goossens évoque « les traits sous lesquels Dieu lui-même dépeint son amour » dans les « livres saints » : « Il nous poursuit de sa tendresse dès l’éternité... Il se montrera comme l’un de nous, pauvre, infirme, faible, souffrant. Les noms les plus doux d’époux, de père même, qu’il nous prodigue, n’expriment qu’imparfaitement tout ce que ressent son coeur... Il veut se montrer à nous rempli de la tendresse d’une mère » (1900). L’homme est « le temple de Dieu » (1885), l’âme est « unie à Dieu », elle devient « le séjour des trois adorables personnes divines » (1898). L’homme peut ainsi appeler « Dieu, mon père, mon père » (1900).
53Les développements consacrés à Jésus-Christ sont beaucoup plus importants que dans les lettres pastorales des prédécesseurs de Mgr Goossens et les images sont beaucoup plus nombreuses94. Il a d’ailleurs choisi comme devise : « Omnia et in omnibus Christus ». Les titres de « Jésus-Christ » et « Notre Seigneur Jésus-Christ » reviennent fréquemment mais parfois aussi le « Christ » (P) — ce qui est nouveau —, le « Seigneur » (P) ou le « Seigneur Jésus »95, voire « Jésus » seul96, ou le « nom de Jésus » (P). Il est le « Fils de Dieu »97, le « glorieux Fils unique du Père » (1898), le « Fils bien-aimé » (1885), le « Fils éternel » (1890) et le « Verbe »98 «de Dieu »99, le « Verbe incarné » (1886). Fréquemment, il est tout simplement Dieu : « mon Dieu » (1887), « notre Dieu »100, l’« Emmanuel, Dieu établissant sa demeure parmi nous » (P), « le seul Dieu avec le Père et le Saint-Esprit » (1902). Il possède tous les attributs de Dieu : « la plénitude... la perfection... Il est la Vérité, la Beauté, la Bonté substantielles, il est infiniment saint... infiniment juste, etc... Sa gloire nous accable... Il est l’incompréhensible et l’ineffable, etc... » (1902). L’adjectif de « divin » revient également plusieurs fois101. Il est « Dieu fait homme » (1898), « un Dieu mort pour nous racheter » (1886). A la messe, « c’est un Dieu qui adore, un Dieu qui rend grâce, un Dieu qui apaise, un Dieu qui implore » (1889). Il est « l’Homme-Dieu »102. Comme Dieu, il est « la Justice absolue et la Bonté infinie » (1900). Il est « le Sauveur, mon Sauveur, notre Sauveur »103, « le Rédempteur, notre Rédempteur »104 ou « notre Rédemption » (1900). « Il a passé sa vie à solder le prix de notre béatitude » (1900). Le Cardinal insiste sur sa croix, sa souffrance et sa mort105 : le « sang de l’Agneau » (1886), le « Christ immolé »106. « L’Esprit de Jésus Christ est un esprit qui se nourrit de souffrance » (1888). Il est « l’auguste Victime », la « Victime sainte » (1889), le « Crucifié »107. Il est le « Libérateur descendu du ciel » (1901). Il est le « Maître »108, le « bon Maître » (1904), le « Docteur » (1890) et le « bon Pasteur » (1904).
54Dans sa lettre inaugurale, Mgr Goossens cite une série de titres qui sont attribués à Jésus-Christ dans le Nouveau Testament : « Chef du corps mystique, — porte du bercail, — vigne spirituelle, — pierre fondamentale, — ciment divin... du temple, — glorieux ornement de son faîte, — le premier et le dernier, l’Alpha et l’Omega, le commencement et la fin, — le médiateur souverain, — l’apôtre et le Pontife, le prêtre éternel, le prêtre selon l’ordre de Melchisedech, — la Voie, — l’unique chemin, — la Vérité immuable, éternelle, unique, — la Vie, — le salut ». Il l’appelle également « l’incomparable Législateur, le Prince des pasteurs, le Suprême Docteur de la vérité, le Maître de l’Eglise, le rayon de la gloire de Dieu, l’empreinte de sa substance ». Il est aussi proche, « vivant de notre vie, souffrant de tous nos maux, compatissant à nos peines, se montrant secourable aux malheureux, miséricordieux envers les pécheurs ». Il est « la lumière de nos pas, le bouclier de notre faiblesse » (P). Le « chrétien est le frère de Jésus-Christ » qui « n’a pas honte de les appeler ses frères » (1885). Il est le « Roi des cœurs » (1891). Son coeur est « si tendre et si compatissant » (1904). Mais c’est uniquement à propos du 75ème anniversaire de la Belgique et de l’édification d’une Basilique du Sacré Coeur que ce titre est repris (1904).
55Le but de l’Eglise est de « conserver et d’étendre sur la terre le règne de Jésus-Christ » (1901), le « Roi immortel des siècles ». C’est autant, sinon plus, en référence à Jésus-Christ qu’à Dieu et à son règne (1902) que sont évoqués les rapports entre la foi et la société. « Toute société qui rejette Jésus-Christ se condamne volontairement à une mort certaine », car « quand le Christ n’est plus là, tout l’ordre social s’ébranle » (P). Contre la pensée libérale, « le prêtre rappelle au gouvernement que Dieu est le Dieu des sociétés aussi bien que des particuliers » (1890). « La société elle-même ne trouvera le salut que dans l’observance des saintes lois de l’Evangile » (1891). A propos de l’encyclique Rerum novarum, le Cardinal souligne que le « vrai remède est dans la religion. Sans l’Eglise, les gouvernements n’aboutiront jamais » (1892). Si « l’espérance du ciel venait à disparaître, il n’y aurait plus dans le monde que déchaînement des passions, anarchie et désordre moral » (1899). C’est la foi chrétienne qui sauvera la société : « Rendez la vie et la liberté à l’esprit chrétien, et la société sera régénérée. La lutte des classes cessera, les riches chercheront le salut dans la justice et la charité, les pauvres dans la modération et la tempérance » (1901).
56L’Esprit Saint n’est pas plus mentionné par Mgr Goossens que par ses prédécesseurs. Comme avant, il l’est quelquefois comme inspirateur de l’Ecriture109, dans son rôle lors de l’incarnation110 ou par allusion au baptême111 ou à la confirmation (P). Il est « l’Esprit d’amour qui daigne habiter » dans le chrétien qui devient son « temple » (1885) et dont les « généreux sentiments... sont suscités par sa grâce » (1886).
57L’invocation de la Trinité est peut-être un peu plus fréquente qu’avant. En rapport, comme pour l’Esprit Saint, avec les formules baptismales (P) mais plus souvent encore avec la vie du chrétien, dont Mgr Goossens explicite la relation trinitaire (1885). Elle est encore mentionnée presque incidemment dans d’autres mandements112.
58Le ton change avec les lettres pastorales du Cardinal Mercier. Le langage est plus actuel et plus incisif. Cette fois, l’archevêque parle d’athées et d’athéisme et il développe une apologétique positive. Son premier mandement de carême est d’ailleurs consacré à « Dieu et nos devoirs envers Dieu » (1907). Son apologétique fait appel à l’universalité de la croyance en Dieu, à la reconnaissance d’un bien moral supérieur, à la contingence et à l’ordre du monde. « Spontanément, universellement, la nature humaine s’élève à Dieu... les ethnographes consciencieux... considèrent la religion... comme le trait distinctif de l’espèce humaine ». La notion première de Dieu élève la nature humaine au-dessus d’elle-même et assure sa dignité d’homme. Il faut enfin un Etre qui soit l’auteur des choses et des êtres qui apparaissent et disparaissent et ne peuvent tenir leur existence d’eux-mêmes. L’ordre du cosmos découvert par les sciences ne peut être le fruit du hasard (1907). Inversement, « l’athéisme est considéré par les anthropologistes les plus éminents113 comme une aberration... une monstruosité » (1912). Renier Dieu, « c’est se dégrader, s’avilir, déchoir plus bas que la barbarie » (1907). Beaucoup plus que ses deux prédécesseurs, le Cardinal Mercier insiste sur les conséquences morales et sociales de la religion. Son mandement de 1912 est ainsi consacré à « L’athéisme et la moralité publique ». Il n’est pas possible « de sauver la morale en niant Dieu » (1912). « Civilisation et évangile sont synonymes » (1921) ; aussi « les grands malfaiteurs de notre société contemporaine, ce sont les libres penseurs athées » (1912). La « marche de l’erreur » et des « destructeurs du christianisme » part de la Renaissance pour aboutir aux erreurs actuelles. « Voilà quatre siècles que les influences païennes de la Renaissance, le protestantisme, le naturalisme, qui dans l’ordre social s’appelle le libéralisme, et plus récemment le modernisme114... Voilà quatre siècles, dis-je, que ces engins de destruction travaillent à déchristianiser la société » (1913). Cette marche de l’erreur incorpore le rationalisme de J.J. Rousseau (1918), ce « sinistre rêveur » (1923), et de Voltaire (1918), la Révolution française115, le libéralisme116, la franc-maçonnerie (1912), le « grand pervertisseur des idées du XIXe siècle, le philosophe allemand Emmanuel Kant »117, le «socialisme étatique » et finalement « l’anarchie bolcheviste » (1920), le bolchevisme où « l’anarchie complète est la règle » (1923). Comme Pie XI, le Cardinal prône « un retour au sens social et au respect de l’autorité »118.
59La manière de nommer Dieu est très contrastée. Le Cardinal utilise des termes philosophiques mais également des noms bibliques et parfois des expressions populaires. Dieu est « l’Etre suprême»119, le « Bien suprême » (1907), « absolu » (1924), «l’Absolu, que l’on appelle, selon la matière à laquelle on l’applique, Vérité, Moralité, Droit, Justice, mais dont le vrai nom universel et éternel est la Personne Souveraine et Adorable de Dieu » (1919). Il « est celui qui est » (1907), le « Seigneur » (1918), « l’Éternel »120, « l’Immortel » (1924), le « Tout-Puissant »121, « notre Roi », (1912), le « Maître souverain »122, « Dieu souverain, indépendant » (1911), « à l’abri de tout ce qui conditionne, varie, passe » (1912). Il est aussi « Jéhovah » (1918), le « Dieu d’Abraham, d’Isaac et d’Israël (1912). Il est aussi « le Père céleste » (1907), « l’auteur de la nature » (1918), « notre créateur et notre providence » (1910), « premier auteur et but suprême » (1918). « Objet de notre félicité... il comble nos désirs » (1907).
60Le thème de la justice de Dieu revient, mais il est rare. Dieu est le « Dieu juste » (1919) et « nous avons le devoir d’apaiser » sa justice (1917). Ce thème revient surtout en 1918, lorsque le Cardinal, sûr de la victoire, appelle au courage et essaie de tirer « la leçon des événements » dans un pays qui souffre de la guerre. « Dieu frappe à grands coups ». Le « courroux » et la « colère »123 de Dieu, la « répression », le « châtiment » sont évoqués de même que sa « vengeance » en référence à l’Apocalypse et à l’Épître aux Romains, mais la justice et la miséricorde124 sont liées. « Dieu met dans le châtiment la Résurrection », comme le dit Lacordaire. Pour la première fois, le Cardinal emploie à trois reprises l’expression « bon Dieu »125. Au soir de sa vie, la formule sera encore plus étonnante : « nous nous tenons tranquilles, serrés dans les bras de notre Père, blottis contre son Coeur » (1924).
61On retrouve les termes habituels pour nommer Jésus-Christ : « Notre Seigneur Jésus-Christ », « Jésus-Christ notre Seigneur », « notre Seigneur » (1909), le « Seigneur Jésus » (1908), «l’Homme Dieu» (1918), le « Fils de Dieu »126, mais aussi « l’Enfant-Dieu »127, le « Dieu fait homme » (1913), le « Verbe de Dieu » (1911) « par qui tout a été fait » (1913), le « Verbe incarné » (1918), le « divin Sauveur »128, le « Maître » (1913). Mais il est appelé très souvent le « Christ » ou « notre Christ »129, le « Christ Jésus »130, le « Christ Rédempteur » (1918) et même le « Christ-Dieu » (1908). Le thème du « Coeur sacré » ou du « Sacré-Cœur » revient en 1913 et 1914, à l’occasion du projet de construction d’une Basilique, et surtout en 1918, année du cinquantième anniversaire de la consécration de la Belgique au Sacré Cœur, mais encore en 1919. Jésus-Christ est « la Voie, la Vérité, la Vie » (1907), la « Vérité absolue » (1913), la « Lumière issue de la lumière » (1911), la « source vitale du monde » (1913), « l’envoyé de Dieu » (1912), le « Roi »131, « l’Agneau innocent » (1913). Il est enfin le « bon Jésus » (1911).
62L’Esprit Saint n’intervient guère plus qu’avant. Il a parlé par les prophètes (1918), il a transformé les apôtres (1918), l’homme reçoit de lui ses dons (1917), et il est le « paraclet du Pape » (1915). Comme l’Esprit Saint, la Trinité est évoquée en passant132, sauf une fois, en 1920, où s’inspirant de Saint Augustin, le Cardinal exprime le mystère de la Trinité à partir de « Dieu est charité », le Fils étant la parole personnelle du Père, l’Esprit procédant du souffle de leur amour. Dieu dans sa Trinité prend « possession de notre âme ».
***
63Ce survol rapide des mandements de carême des archevêques de Malines ne permet que des conclusions partielles et provisoires. S’attachant aux noms et attributs donnés à Dieu, il ne débouche pas sur une analyse exhaustive de la pensée globale que les auditeurs pourraient retenir de leur écoute. Un exemple permettra de le montrer. Tous les archevêques parlent de Dieu comme père, mais il faudrait analyser de plus près ce qui domine dans cette référence : le père comme créateur, comme autorité ou comme celui qui aime ses enfants. Je n’ai pas fait non plus une étude statistique de toutes les occurrences : les références indiquées ne sont pas exhaustives et on ne peut pas trop vite en conclure à une variation dans l’importance de certains thèmes.
64Il me semble cependant qu’on peut dégager un certain nombre de constantes. Le peu de place prise par la Trinité ou par le Saint-Esprit est évident133. Jésus-Christ est toujours envisagé dans une perspective de théologie descendante du Fils de Dieu qui s’incarne. Sauf pour sa Passion, il est fait beaucoup plus référence à sa divinité qu’à son humanité. Les motifs invoqués par Mgr Goossens pour encourager l’amour de Jésus-Christ me semblent caractéristiques à cet égard : il faut aimer Jésus-Christ « parce qu’il est Dieu ». Cette affirmation est suivie d’un développement de trois pages sur sa divinité (1902). Les catégories retenues pour Dieu sont beaucoup plus celles de la transcendance et de la puissance que celles de la proximité. Dieu est également beaucoup plus référé au bien qu’au beau. L’image de Dieu allie cependant toujours l’aspect positif et négatif pour l’homme, la miséricorde et la justice. Il n’y a pas une pastorale qui soit exclusivement basée sur la peur134. On peut cependant se demander si la conception de Dieu qui se dégage de beaucoup de ces textes, comme aussi la manière dont les archevêques parlent de ceux qui s’opposent peut-être plus à l’Eglise qu’à Dieu, n’a pas provoqué, à côté d’autres facteurs — prises de position politique et sociale ou orientations morales du clergé — une désaffection d’une partie des hommes du XIXe et du XXe siècles, choqués par un tel langage.
65Outre cette constance dans le discours sur Dieu, il faut remarquer une double évolution. Jusqu’à la fin de l’épiscopat du Cardinal Sterckx, c’est l’opposition justice-miséricorde qui domine dans l’image de Dieu. Les calamités sont la manifestation de sa colère et il faut se convertir pour l’apaiser, même si la miséricorde l’emporte sur la justice. Cette image d’un Dieu vengeur va s’estomper, mais jamais complètement, au profit d’un Dieu de bonté — les archevêques parlent peu d’un Dieu d’amour — et finalement du « bon Dieu ». La place prise par Jésus-Christ est grandissante avec peut-être un sommet sous l’épiscopat du Cardinal Goossens135.
66Outre les constances et les évolutions, il faut souligner également les variations. Variations de style : Mgr Dechamps et Mgr Mercier sont meilleurs orateurs, mais ils sont aussi davantage soucieux des questions actuelles posées à la religion chrétienne, même si ce souci ne transparaît pas toujours dans un langage essentiellement marqué par la tradition et l’Ecriture. Si tous refusent le libéralisme qui réduit la religion à une affaire privée, il semble que Mgr Dechamps soit plus prudent sur les conséquences bénéfiques de la religion sur la société, alors que les autres archevêques, jusqu’à Mgr Mercier compris, veulent montrer les conséquences néfastes, selon eux, de l’irréligion ou de l’athéisme sur la vie sociale.
67Au terme de cet essai, il n’est pas possible de percevoir l’image complète de Dieu qui est présentée aux fidèles assistant aux messes dominicales. Il faudrait tenir compte de l’image qu’ils ont reçue dans leur enfance136 et leur jeunesse. Les pratiques de dévotion et la liturgie vécue seraient certainement plus révélatrices. Plus important encore pour la conception de Dieu proposée aux fidèles serait tout ce qui est associé à son image, spécialement les applications concrètes de la religion catholique dans la vie personnelle, sociale ou politique, et la perception de l’Eglise elle-même par les croyants et les non croyants.
68Quoiqu’il en soit, une étude plus systématique des lettres pastorales, doublée d’une comparaison entre les différents diocèses, voire les différents pays, devrait prolonger cet essai pour fournir une vue plus précise du Dieu annoncé aux catholiques pratiquants et, par-delà les fidèles, aux hommes et aux femmes du XIXe et du XXe siècle.
Notes de bas de page
1 R. ROBIN, Histoire et linguistique, Paris, A. Colin, 1973. F. DASSETTO, Théorie et méthode de l’analyse du discours religieux, 2e éd., Louvain, Feres, 1974. Beaucoup de recherches ont été entreprises dans ce domaine. Voir à ce sujet Sémiotique et Bible. Revue trimestrielle publiée sous la direction du Centre pour l’analyse du discours religieux, Lyon, depuis 1975.
2 P. VEYNE, L’inventaire des différences. Leçon inaugurale au Collège de France, Paris, Seuil, 1976.
3 Alors que l’aile avancée de l’histoire depuis le XVIIIe siècle est dominée par l’idée de progrès, les voix qui mettent l’accent sur la décadence n’ont jamais manqué. Un des témoins actuels de cette tendance est l’historien P. CHAUNU, qui publie un livre sur Histoire et décadence, Paris, Librairie académique Perrin, 1981, dont le titre sert également pour la nouvelle collection qu’il inaugurait.
4 Pour l’histoire générale de l’Eglise, je renvoie aux grandes synthèses. Pour la Belgique, voir une brève synthèse de R. AUBERT, 150 ans de vie des églises, Bruxelles, Paul Legrain, 1980.
5 Voir C. DE CLERCQ, Cinq archevêques de Malines, Paris, Letouzey et Ané, 1974, t. II, p. 119-206, et Nationaal biografisch woordenboek (= N.B.W.), t. VII, 1977, c. 807-812 (= C. DE CLERCQ).
6 Voir Biographie nationale (= B.N.) t. IX, 1866-1887, c. 681-687 et C. DE CLERCQ, J-F.G. Huleu en zijn tijd, dans Rolduc's Jaarboek, t. XXVI, 1956, p. 74-110.
7 Voir le Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastique (= D.H.G.E.), t. XVII, 1970, c. 1052-1054 (= A. TIHON).
8 Voir J. DEMARTEAU, François-Antoine de Méan, dernier prince-évêque de Liège, premier primat de Belgique, Bruxelles, 1944, et N. B. W., t. II, 1966, c. 531-541 (= A. SIMON).
9 Voir l’ouvrage fondamental de A. SIMON, Le Cardinal Sterckx et son temps, Wetteren, 1950, 2 vol. et N.B.W., t. II, 1966, c. 819-831 (= A. SIMON).
10 Voir l’ouvrage de M. BECQUÉ, Le Cardinal Dechamps, Louvain, Bibliotheca Alphonsiana, 1956, 2 vol., et B.N., t. XXIX, 1957, c. 509-513 (= A. SIMON).
11 Seule une biographie très officielle a été publiée par J. MUYLDERMANS, Z.E. Kardinaal P.L. Goossens. Zijn leven en zijne werken, Malines, 1922. Voir également B.N., t. XXXI, 1961, c. 412-416 (= A. SIMON) et D.H.G.E., t. XX ou XXI à paraître (= A. TIHON).
12 En attendant la biographie que prépare le chanoine Aubert, voir A. SIMON, Le Cardinal Mercier, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1960 ; A. SIMON, Position philosophique du Cardinal Mercier. Esquisse psychologique, Bruxelles, Palais des académies, 1962 ; R. BOUDENS, Kardinaal Mercier en de Vlaamse Beweging, Louvain, 1975 ; R. AUBERT, Le Cardinal Mercier, un prélat d’avant-garde, Malines, 1980.
13 Collectio epistolarum pastoralium, decretorum, aliorumque documentorum quae pro regimine dioecesis mechliniensis publicata fuerunt, Malines, 1845-1961 (= C.E.P.). Le premier volume couvrant les années 1801 à 1830 est une reconstitution publiée en 1845. Les lettres de l’épiscopat de Mgr Sterckx ont été publiées une première fois en 4 volumes et une seconde fois en 2 volumes en 1848 et 1870. Cette seconde édition, que j’ai utilisée, porte l’indication des tomes II et III. Cependant, les volumes suivants consacrés au Cardinal Dechamps et à ses successeurs ont gardé l’ancienne tomaison, ils commencent donc au tome VI pour l’année 1868.
14 Lettres pastorales des évêques de Belgique, 1800-1950, Bruxelles, Centre Interuniversitaire d’histoire contemporaine — Centre international d’étude de la formation religieuse, s.d., 8 vol. polycopiés. Les lettres sont publiées en résumé dans un ordre systématique et chronologique en 7 livres répartis suivant les périodes française et hollandaise et les épiscopats des archevêques de Malines. Certaines lettres sont malheureusement omises.
15 La dernière instruction en ce sens date de la fin de l’épiscopat du Cardinal Van Roey pour les élections du 1er juin 1958. Ces prières ont été demandées lors de la réunion des doyens du 29 avril (C.E.P., t. XXVII, p. 154). Pour les prises de position publique des évêques belges dans le domaine politique, voir K. VAN ISACKER, Herderlijke brieven over politiek, Anvers, 1969.
16 Soixante demandes de prières, dont quarante pour le beau temps et vingt pour la pluie, ont été prescrites en 127 ans. Il est intéressant de noter les considérations de la lettre du 26 juin 1854 demandant le beau temps : « Comme c’est Dieu qui commande au vent, à la pluie et à tous les éléments ; comme c’est Lui qui envoie tes maladies des plantes et les dissipe ; comme c’est Lui qui entretient la fécondité de la terre, et qui la frappe de stérilité, Nous vous exhortons tous vivement, N.T.C.D., à Lui adresser de ferventes prières... » (C.E.P., t. III, p. 242-243). Cette lettre est publiée deux mois après une demande de pluie (Ibidem, p. 230).
17 Bien que les données contenues dans les Lettres pastorales (cf. n. 14) soient certainement incomplètes, par exemple pour le diocèse de Malines mais peut-être aussi pour d’autres diocèses, on peut constater qu’il y a des différences entre les diocèses. Pour la première période, entre 1830 et 1840, des prières sont prescrites à Bruges en 1835 et à Tournai en 1838 (Ibidem, Livre III, t. I, p. 174), mais les conditions météorologiques y sont peut-être moins bonnes. Pour la fin de la période — les tables se terminent en 1961 — l’évêché de Namur continue à demander des prières pour le temps après la guerre de 40-45 (Ibidem, Livre VII, t. I, p. 273).
18 Voir pour la France : J.M. MAYEUR et M. ZIMMERMAN, Lettre de carême des évêques de France, Répertoire, 1861-1959, Strasbourg, CERDIC, 1981.
19 Sur Mgr Zaepffel, voir la thèse inédite de A. MINKE, Mgr Zaepffel et la réorganisation concordataire du diocèse de Liège (1802-1808), Université catholique de Louvain, Faculté de Philosophie et Lettres, 1979, 2 vol. polycopiés.
20 Evêque de Namur de 1804 à 1826. Voir B.N., t. XVII, 1903, c. 671-677 (= F.D. DOYEN).
21 1832, 1842, 1844, 1857, 1861, 1862, 1863, 1866.
22 1846, 1852, 1854, 1856, 1867.
23 1838, 1839, 1840, 1850.
24 1833,1837, 1841, 1843,1845, 1847, 1853, 1864, 1865. Les lettres de 1845 et 1865 se réfèrent à des documents pontificaux : une encyclique de Pie IX sur les erreurs contemporaines en 1847 et celle qui accompagne le Syllabus en 1865.
25 1834, 1835, 1858, 1859. Il faut noter que les deux dernières sont publiées peu de temps après l’affaire Laurent-Brasseur de l’Université de Gand. Sterckx n’a pas voulu réagir immédiatement. Voir à ce sujet E. LAMBERTS, De heilige stoel en de zaak Laurent-Brasseur (1856), dans Revue belge d’histoire contemporaine, t. II, 1970, p. 83-111.
26 1836, 1848, 1849.
27 1872, 1876, 1883.
28 1892, 1893, 1895, 1901, 1904.
29 La foi en 1894 et 1896, l’espérance en 1897, 1898 et 1900, et la charité en 1902 et 1903.
30 Dans l’ordre des sujets : 1885, 1898, 1888.
31 1886, 1887, 1889, 1890.
32 En 1920, 1921,1924. La lettre de 1923 est consacrée au « sens social-chrétien dans l’encyclique « Ubi arcano Dei » », tandis qu’en 1922, Mercier, qui est à Rome pour l’élection pontificale, publie uniquement le dispositif de carême.
33 Pour simplifier le système de référence, les premières lettres pastorales de chaque archevêque sont indiquées par la mention P et les mandements de carême par la simple indication de l’année. Cette référence est mise dans le texte lorsqu’il n’y a qu’une lettre mentionnée et en notes infra-paginales quand elle concerne plusieurs années.
34 P, 1803
35 1812, 1813.
36 1809, 1810, 1813.
37 1812, 1813.
38 1813, 1815.
39 1814, 1815.
40 1812, 1813.
41 1829-1830.
42 1820, 1826, 1830.
43 1820, 1822, 1828.
44 1820, 1828.
45 1819, 1823, 1825.
46 1821, 1827.
47 1822, 1825.
48 1825, 1826.
49 1828, 1829.
50 Ces lettres sont analysées dans une perspective plus générale qui recoupe partiellement la mienne par A. SIMON, Le Cardinal Sterckx..., t. II, p. 135-145.
51 1834, 1835, 1854, 1858, 1859.
52 Voir la lettre de 1845. Deux ans plus tôt, les évêques avaient publié, le 5 août 1843, une lettre collective sur les mauvais livres. Ce thème revient fréquemment. Voir H. GAUS, Fers, Kerk en geschreven fictie. Groeiproblemen en conflicten in een democratiseringsproces (Gent, 1836-1860), Bruges, De Tempel, 1975.
53 1837, 1838, 1839, 1840, 1852, 1864, 1867.
54 1842, 1858.
55 1834, 1857.
56 1837, 1851, 1860.
57 1835, 1860.
58 1835, 1849.
59 1833, 1837, 1857.
60 1834-1835.
61 1851, 1867.
62 P, 1838, 1839.
63 1834, 1835, 1846, 1857, 1858, 1859, 1861, 1862.
64 1846, 1856.
65 1855, 1867.
66 1834, 1835.
67 1846, 1852, 1854, 1856, 1867.
68 Voir l’ouvrage de G. JACQUEMIJNS, Histoire de la crise économique des Flandres (1845-1850), Bruxelles, 1929.
69 1852, 1854, 1856. En 1867, le Cardinal écrit encore que le « choléra est un instrument visible de la justice divine » et que Dieu « rappelle les hommes à leur devoir par des maladies contagieuses et par d’autres malheurs publics ».
70 P, 1851, 1863.
71 P, 1835, 1857, 1860.
72 1834, 1844, 1860.
73 1834, 1840, 1864.
74 1835, 1848, 1853.
75 Lettre du 20 novembre 1868.
76 1869, 1876.
77 1868, 1869.
78 1868, 1873.
79 1870, 1871, 1877, 1883.
80 1872, 1877, 1879.
81 P, 1881.
82 1876, 1879.
83 1868, 1870, 1872.
84 1869, 1872.
85 1869, 1881.
86 Voir R. AUBERT, Le Pontificat de Pie IX (1846-1878), Paris, Bloud et Gay, 1952, p. 464-466.
87 Cette consécration est annoncée par la lettre des évêques du 14 novembre 1868. Le 25 mai 1873, le Cardinal publie un mandement à l’occasion d’un pèlerinage à Paray-le-Monial. Le prospectus qui accompagne la lettre indique le prix de celui-ci réalisé en voiture de première classe : le prix de 200 frs correspond au tiers du traitement annuel d’un vicaire (Pasinomie, IIIe s., t. XXXIII, p. 262).
88 « Sur ce qu’on appelle les droits de l’homme, les foules en ont entendu assez. Qu’on leur parle enfin des droits de Dieu » (1901). Les textes sur les droits de l’homme sont rares et toujours négatifs. Voir le mandement du Cardinal Mercier de 1908.
89 P, 1889, 1894, 1895, 1899, 1900.
90 1888, 1889.
91 1886, 1891, 1892.
92 1885, 1888, 1894, 1895, 1899, 1900.
93 P, 1900.
94 Voir par exemple P et 1902.
95 P, 1886.
96 1886, 1903.
97 P, 1885, 1887.
98 1885, 1898.
99 P, 1890.
100 P, 1902, 1903.
101 1898, 1899.
102 P, 1891, 1899.
103 P, 1885, 1886, 1887, 1894, 1899, 1902, 1904.
104 1885. 1898, 1901, 1902, 1903. Le 1er novembre 1900, Léon XIII publie une encyclique « De Christo redemptore » pour le début du XXe siècle.
105 P, 1891, 1900.
106 1887, 1889.
107 1891, 1898.
108 1885, 1899.
109 1886, 1896, 1903.
110 1887, 1904.
111 P, 1885.
112 1898, 1902, 1903.
113 Le Cardinal donne une citation de Jean-Louis Quatrefages de Bréau (18101892), membre de l’Académie des sciences depuis 1852.
114 En 1915, Mercier cite le modernisme comme « un amalgame de toutes les erreurs ».
115 1909, 1910, 1911, 1918, 1921, 1923. Elle est toujours vue de manière purement négative, sauf en 1921 où Mercier s’adresse à ses compatriotes qui n’ont pas été « élevés dans nos croyances catholiques » : « comme nous, vous voulez la fraternité sociale, et nombreux sont les vôtres qui se réclament de la Révolution française dont la première mais trop éphémère aspiration morale fut d’apporter au monde plus de fraternité ».
116 1918, 1920.
117 1918. Cf. 1912 et 1919.
118 Titre de la première partie du mandement de 1923.
119 1907, 1912.
120 1918, 1924.
121 1918, 1919.
122 1907, 1912.
123 Terme repris également en 1919.
124 Mentionnées également en 1919 et 1920.
125 Il utilise aussi ce nom en 1919,1920 et 1924. Il parle également de la « Bonté suprême » en 1924.
126 1908, 1920.
127 1911, 1918.
128 1910, 1911, 1913, 1920.
129 1907, 1913, 1918, 1919.
130 1913, 1918.
131 1913, 1918.
132 1917, 1918, 1922.
133 Cette absence n’empêche pas une grande dévotion au Saint-Esprit comme en témoigne par exemple une image de 1926 pour demander la béatification du Cardinal Mercier. Elle reprend le texte a une prière au Saint-Esprit que l’archevêque conseillait de dire chaque jour. La même discrétion se constate pour la Vierge Marie qui apparaît pour la première fois dans un mandement de carême en 1852, après l’encyclique de Pie IX pour la proclamation future de l’immaculée Conception. Elle l’est à nouveau en 1855 après la définition du dogme. Pendant l’épiscopat de Mgr Dechamps, elle est citée dans sa lettre inaugurale de 1868, en 1872, 1877 et 1879. En 1887, 1889, 1895, 1898 et 1904, elle est citée par Mgr Goossens. Le Cardinal Mercier la cite en 1914, 1918, 1919 et 1920. On connaît pourtant la grande place que Marie tient dans sa spiritualité, au point qu’il voulait la faire proclamer médiatrice universelle. Cette constatation ne souligne pas la place secondaire de Marie dans la spiritualité catholique du XIXe siècle mais son caractère peu intégré dans l’ensemble de la perspective théologique.
134 Voir l’ouvrage de J. DELUMEAU, Le péché et la peur. La culpabilisation en Occident (XIIIe-XVIIIe siècle), Paris, Fayard, 1983.
135 Sans en tirer les conclusions de l’auteur, on retrouve ici partiellement une évolution soulignée par J. MILET, Dieu ou le Christ ? Les conséquences de l’expansion du christocentrisme dans l’Église catholique du XVIIe siècle à nos jours. Etude de psychologie sociale, Paris, Trévise, 1980.
136 Voir, par exemple, l’étude sur la catéchèse de E. GERMAIN, Parler du Salut ? Aux origines d’une mentalité religieuse, Paris, Beauchesne et ses fils, 1967, qui utilise, entre autres sources, les catéchismes. Pour le diocèse de Malines, il faut signaler les nouvelles éditions du catéchisme faites par Sterckx en 1843 (mandement de 1843), par Goossens en 1900 (lettre du 23 juillet) et par Mercier en 1909 (lettre du 10 mai).
Auteur
Professeur aux Facultés universitaires Saint-Louis.
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