Heidegger et le Dieu des poètes
p. 9-25
Texte intégral
1« Le sacré ou le Dieu des poètes, non le Dieu des philosophes et des croyants », ainsi pourrait-on caractériser la position de Heidegger vis-à-vis de la question de Dieu, en paraphrasant l’invocation de Pascal : « Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants ». Mais alors que pour Pascal, seul le Dieu des croyants est le vrai Dieu, celui des philosophes et des savants demeurant contestable et celui des poètes faux : « Les Grecs et les Latins ont fait régner les fausses déités ; les poètes ont fait cent diverses théologies »1, pour Heidegger c’est au contraire le poète seul qui parle du divin de façon authentique, le Dieu des croyants comme celui des philosophes, entre lesquels il ne fait aucune différence, n’échappant pas à la critique athée. Que signifie ce rejet du Dieu religieux, théologique, métaphysique, moral, au profit d’un Dieu « esthétique » ? « Celui qui par son origine a fait l’expérience de la théologie, aussi bien celle de la foi chrétienne que celle de la philosophie, préfère aujourd’hui faire le silence sur Dieu dans le domaine de la pensée »2. Comment se justifie ce retour à la poétique ? « A l’origine θέoλoγoς, θέoλoγια désignait le discours poétique mythique sur les dieux, sans référence au dogme d’une foi et à la doctrine d’une Eglise »3
2De la lecture des allusions que dans divers contextes Heidegger fait à la question de Dieu, sans jamais la traiter pour elle-même, on retire l’impression que ce qui l’intéresse, n’est pas le contenu de cette question et encore moins les réponses qu’on peut lui donner, mais la dimension ou l’espace dans laquelle elle est posée. « Comment l’homme de l’histoire présente du monde peut-il seulement se demander sérieusement et rigoureusement, si le Dieu est proche ou lointain, s’il néglige de penser d’abord à la dimension dans laquelle cette question peut seulement être posée »4. En termes plus techniques, la question de Dieu n’intéresse Heidegger que sous son aspect ontologique et non sous son aspect ontique. « Il ne s’agit pas de démontrer ontiquement le divin dans son existence, mais d’expliquer l’origine de cette compréhension de l’être à partir de la transcendance du Dasein (existence humaine), c’est-à-dire l’appartenance de cette idée de l’être à la compréhension de l’être en général (cf. également aujourd’hui l’idée d’une telle genèse chez Scheler). Ce n’est qu’à partir de l’essence de l’être et de la transcendance, ce n’est que dans et à partir de la totale dispersion appartenant à l’essence de la transcendance, que cette idée de l’être comme toute-puissance (Ubermacht) peut être comprise, mais non dans une interprétation qui irait dans le sens d’un Tu absolu, ni non plus comme bonum, comme valeur ou comme éternel »5. Il s’agit donc de montrer par l’analyse de l’existence humaine l’appartenance de l’idée de Dieu à l’idée de l’être et non d’établir l’existence d’un Dieu personnel, interlocuteur de l’homme, faisant face à celui-ci. Si Heidegger écarte cette conception ontique de Dieu, c’est parce qu’elle lui apparaît comme une objectivation d’une détermination. Mais alors ne se rapproche-t-il pas, malgré les divergences de leurs philosophies, de la théorie de la projection de Feuerbach selon laquelle « la conscience de l’Etre infini n’est rien d’autre, que la conscience que prend l’homme de l’infinité de son essence, ou, dans l’essence infinie l’objet de la religion, ce n’est que sa propre essence infinie que l’homme prend pour objet »6 ? A la base de la théorie de la projection, il y a en effet la conscience que prend l’homme de sa finitude et en même temps de son infinitude. Si les deux consciences n’étaient pas liées, l’homme ne projetterait pas en un autre ce qu’il est tout en ne l’étant pas. Or nous retrouvons chez Heidegger la tension fini-infini dans l’opposition qu’il voit à l’intérieur de l’existence humaine, entre la dispersion (Streuung), appelée aussi plus tard deréliction (Geworfenheit), et la toute-puissance (das Ubermächtige). Reprenant la conception de E. Cassirer du mythe comme possibilité de l’existence humaine, en l’élargisssant du transcendental à l’existential, il affirme en effet : « C’est la déréliction (Geworfenheit) qui se révèle alors comme détermination primaire de l’existence mythique... Dans la « déréliction » l’existence est livrée au monde en telle façon que l’être-au-monde est dominé par ce à quoi il est livré. Cette toute-puissance ne peut se manifester comme telle qu’à un être-livré à... Renvoyée ainsi à la toute-puissance, l’existence est annexée par elle et ne peut donc s’éprouver autrement qu’appartenant et apparentée à ce réel même. En conséquence, dans la déréliction, tout étant dévoilé d’une manière ou d’une autre aura le caractère existentiel de la toute-puissance (mana) »7. On peut dire que Heidegger partage avec Feuerbach l’idée que le Dieu ontique est une projection du Dieu ontologique. Si donc par athéisme on entend la négation du Dieu ontique, il est athée. « Il vaut mieux encaisser le reproche facile d’athéisme qui, il est vrai, si on l’entend au sens ontique est tout-à-fait justifié »8. Cependant il contre-attaque en se demandant si l’athéisme véritable n’est pas du côté de ceux qui croient en Dieu de façon ontique, tout en négligeant l’aspect ontologique. « On peut se demander cependant si ce n’est pas la prétendue foi ontique en Dieu qui est au fond de l’athéisme et si le métaphysicien authentique n’est pas plus religieux que le tout venant des croyants, les fidèles d’une Eglise ou surtout les théologiens de toute confession ? »9 Il y a donc pour Heidegger deux types d’athéismes, l’athéisme ontique et l’athéisme ontologique, qui ne se correspondent pas. Très souvent même le théisme ontique va de pair avec l’athéisme ontologique et inversement l’athéisme ontique avec le théisme ontologique. Le véritable athéisme est pour Heidegger l’athéisme ontologique, auprès duquel l’athéisme ontique paraît négligeable. Bien plus le théisme ontologique semble même impliquer un certain athéisme ontique. Ce n’est pas un paradoxe quand Heidegger affirme que le coup le plus dur porté à Dieu ne provient pas des athées, mais des théologiens qui ont conçu Dieu comme valeur suprême, car ainsi ils l’ont atteint au niveau ontologique. « Ce n’est pas que Dieu soit tenu pour inconnaissable et ce n’est pas que l’existence de Dieu soit montrée comme indémontrable, qui est le coup le plus dur contre Dieu, mais que le Dieu qu’on tient pour existant soit élevé au niveau d’une valeur suprême. Car ce coup ne vient justement pas de la foule qui ne croit pas en Dieu, mais des croyants et de leurs théologiens, qui parlent du plus existant des étants, sans jamais avoir l’idée de penser à l’être lui-même, pour se rendre compte que cette pensée et ce discours-là, vus à partir de la foi, sont le blasphème pur et simple, quand on prétend les mêler à la théologie de la foi »10. Pour Heidegger les théologiens qui nient Dieu au plan ontologique, tout en affirmant son existence ontique sont plus proches de la foule des athées, que l’insensé de Nietzsche qui proclame la mort de Dieu (au plan ontique) tout en criant : je cherche Dieu (au plan ontologique). Ces athées ne sont pas des incroyants « parce que Dieu en tant que Dieu leur est devenu incroyable (niveau ontique), mais parce qu’ils ont abandonné la possibilité même de la foi, en tant qu’ils ne peuvent plus chercher Dieu. Ils ne peuvent plus chercher Dieu, parce qu’ils ne pensent plus (niveau ontologique)11. En revanche de Nietzsche il est dit : « peut-être qu’ici un penseur a réellement crié de profundis »12. Mais curieusement ce n’est pas Dieu qui doit percevoir ce cri, il s’adresse à nous : « Et l’oreille de notre pensée ? N’entend-elle toujours pas ce cri ? Elle ne l’entendra pas aussi longtemps qu’elle ne commencera pas à penser. La pensée commencera seulement, quand nous aurons fait l’expérience que la raison, glorifiée depuis des siècles, est l’adversaire le plus acharné de la pensée »13. En tout cas il est clair que pour Heidegger la négation ontique du Dieu du christianisme et de la métaphysique n’équivaut pas à la négation pure et simple de Dieu. « Nous ne devons pas faire du mot et du concept d’athéisme un mot d’ordre de combat et de défense du christianisme, comme si ce qui ne correspond pas au Dieu chrétien était déjà au fond de l’athéisme »14. L’athéisme ontique non seulement n’équivaut pas à l’athéisme ontologique, mais apparaît même comme une condition du théisme ontologique. « Une pensée qui fait le silence sur Dieu et qui en ce sens est a-thée, est peut-être plus proche du Dieu plus divin, que la métaphysique ne l’est de son Dieu, qu’elle comprend comme causa sui »15. Cependant si au plan ontique Heidegger n’est pas très éloigné de la position de Feuerbach, il n’en est pas de même au plan ontologique. On ne rencontre pas chez lui de formules réductives (n’est rien d’autre, n’est que...). Il ne réduit pas la théologie à l’anthropologie.
3D’ailleurs l’idée de Dieu ne fait pas chez lui partie de celle de l’homme, mais de celle de l’être. Ce qui ne veut pas dire qu’il réduit la théologie à l’ontologie, il serait plus juste de dire qu’il élargit et qu’il ouvre l’ontologie à la théologie, car grâce à l’idée de Dieu toute réalité, pas seulement l’homme, devient sacrée.
4La vraie dimension dans laquelle la question de Dieu doit être posée est donc la dimension ontologique. « C’est seulement à partir de la vérité de l’être que se laisse penser l’essence du sacré. C’est seulement à partir de l’essence du sacré qu’on peut penser l’essence de la divinité. C’est seulement dans la lumière de l’essence de la divinité que peut être pensé et dit, ce que le mot Dieu doit nommer »16. Nous avons donc la séquence suivante :
5Être-sacré-divinité (dimension ontologique) — Dieu (réalité ontique).
6Il ne s’agit évidemment pas ici d’une séquence causale, comme si l’on pouvait déduire Dieu de la Divinité, la divinité du sacré et le sacré de l’être. Ce serait subordonner Dieu, ce qui équivaut à le nier. L’idée de dimension est tirée de l’espace, comme ce en quoi quelque chose se déploie, il n’y a pas de relation causale entre l’espace et les objets qui s’y trouvent. Cependant cette idée n’est pas prise ici au sens spatial, mais au sens le plus large possible : « La dimension n’est pas le spatial connu. Ce serait plutôt l’espace et l’espace-temps qui se déploient dans le dimensionnel, qui en tant que tel est l’être lui-même »17.
7Nous avons vu qu’originairement Heidegger concevait cette dimension du sacré, elle-même tributaire de la dimension de l’être, comme un élargissement du mythe comme fonction de la conscience constituante (Cassirer) en possibilité de l’existence humaine en général. Le moment de l’existence humaine qui correspondait au mythe était la déréliction, l’existence livrée au monde en tant que dominée par ce à quoi elle est livrée, le pendant de la déréliction était alors la toute-puissance. « To ϑείoν signifie : l’étant comme tel — le ciel : l’englobant et le tout-puissant, ce sous quoi et envers quoi nous sommes jetés, ce par quoi nous sommes impressionnés et subjugués : le tout-puissant. Le θέoλoγειν est une contemplation du cosmos (cf. De mundo 391 b4). Maintenons donc : la philosophie comme philosophie première a par conséquent un double caractère, elle est science de l’être et science du tout-puissant (ce double caractère correspond à la dualité de l’existence et de la déréliction) »18.
8Notons que cette relation du sacré et de l’être ne doit pas être confondue avec le caractère onto-théologique de la métaphysique, qui pour Heidegger en est l’avatar nihiliste. Nous aurons l’occasion d’y revenir. Notons aussi la parenté de cette description du divin avec la conception kantienne et schillerienne du sublime, notamment du sublime dynamique. Le sublime représente en effet l’expérience esthétique de la grandeur absolue et de la toute-puissance19. Avec ce qu’on a appelé la Kehre le centre de gravité passera chez Heidegger dans cette double relation :
être — Dasein (existence humaine)
sacré — déréliction
9du Dasein à l’être et de la déréliction au sacré. Il s’agit toujours de relations à l’intérieur de la dimension ontologique.
10Si le rapport entre la dimension ontologique et la réalité ontique n’est pas de l’ordre de la causalité il est de celui de la vérité. La dimension a pour Heidegger la fonction d’ouvrir ou de fermer le domaine dans lequel l’étant peut apparaître. Il parle en ce sens de l’ouverture et de la fermeture du domaine du sacré. La dimension est susceptible de révéler comme aussi de cacher. « L’absence du dévoilement de l’être comme tel entraîne la disparition de tout ce qui est salutaire dans l’étant, cette disparition du salutaire entraîne avec elle et ferme l’ouverture du sacré. La fermeture du sacré obscurcit toute apparition du divin. Cet obscurcissement affermit et cache l’absence de Dieu »20.
11Mais cette fermeture qui entraîne l’absence du Dieu le plus divin est aussi responsable de l’émergence d’un Dieu moins divin : le Dieu de la métaphysique, le Dieu de la morale, le Dieu créateur, la causa sui. « Le retrait de l’être ne s’épuise pas dans le voilement. L’être laisse plutôt apparaître autre chose en cachant son essence, à savoir le fondement sous la forme des ἁϱχαί, αἰτίαι, des rationes, causae, des principes, des causes et des raisons rationnelles. En se retirant l’être laisse en place ces formes de fondement, qui demeurent inconnues quant à leur origine21. L’émergence de la causalité, du principe de raison, qui dans la métaphysique et l’onto-théologie forment la base de la démonstration de l’existence de Dieu selon le schème classique : effet — cause causée (ou seconde) — cause non causée (ou première ou causa) est interprétée par Heidegger comme une conséquence du retrait ou de l’oubli de l’être. C’est lui qui entraîne la recherche du fondement de l’étant dans un autre étant, l’étant suprême. « La métaphysique reconnaît certes : l’étant n’est pas sans l’être. Mais cela à peine dit, elle déplace tout de suite l’être dans un étant, que celui-ci soit l’étant suprême au sens de la cause suprême, que ce soit l’étant le plus remarquable au sens de la subjectivité comme condition de possibilité de toute objectivité, ou que ce soit à la suite de la synthèse des deux fondements de l’être dans l’étant, la définition de l’Etant suprême comme l’absolu au sens de la subjectivité inconditionnelle »22. La pensée de Heidegger semble être la suivante : la métaphysique ne pouvant plus ramener l’étant à l’être, elle est contrainte de rechercher pour celui-ci un fondement dans l’étant qui dans la hiérarchie apparaît comme le premier. Celui-ci à une certaine époque a été appelé Dieu, mais il a été appelé aussi le sujet ou la subjectivité absolue. On peut donc passer de Dieu à l’homme-Dieu et à l’homme sans que la démarche métaphysique fondamentale qui va du conditionné à l’inconditionné ne subisse une modification. C’est donc parce qu’elle ne pense pas ou qu’elle ne pense plus l’être, que la métaphysique devient théologique. « C’est parce que la métaphysique pensant l’étant comme tel, demeure interpellée par l’être, mais pense celui-ci en vue de l’étant et à partir de celui-ci, qu’elle doit dire (λέγειν) en tant que telle le divin au sens du fondement suprême existant. La métaphysique est en elle-même théologie. Elle est ceci en tant qu’elle dit l’étant en tant qu’étant l’ὄv ἦ ὔ. L’ontologie est en même temps et nécessairement théologie »23. Ainsi le caractère ontothéologique de la métaphysique est la conséquence du retrait de l’être et avec lui du sacré, de la divinité, de Dieu. C’est donc le défaut de la pensée de l’être qui à l’intérieur de la métaphysique est à l’origine de la réflexion sur Dieu, alors que Heidegger affirme par ailleurs, que Dieu ne peut être pensé qu’à partir de l’être. Par conséquent le Dieu de la métaphysique ne peut être pour lui qu’une idole, dont Nietzsche a annoncé à juste titre le crépuscule. Le Dieu fondé sur la causalité ne peut être qu’un Dieu déchu de sa divinité. « Ainsi là où tout étant se présente dans la lumière de la relation de cause à effet, Dieu lui-même peut perdre pour la représentation tout le sacré et toute la grandeur, le mystère de sa distance : dans la lumière de la causalité, Dieu peut déchoir en cause, en causa efficiens. Même à l’intérieur de la théologie, il devient alors le Dieu des philosophes, de ceux en effet, qui définissent le révélé et le caché d’après la causalité du faire, sans jamais se donner la peine de réfléchir sur l’origine fondamentale de cette causalité »24. En ironisant sur ce thème : « Devant la causa sui l’homme ne peut rempli de crainte tomber à genoux, ni peut-il devant ce Dieu chanter et danser »25, il pourrait sembler que Heidegger se rapproche de Pascal, opposant le Dieu de la foi, de la prière et du culte au Dieu des philosophes. Si dans certains écrits de jeunesse, Heidegger accorde encore à la pensée chrétienne une place à part dans la mesure où elle s’appuie sur la foi, il interprète plus tard le christianisme dans le cadre de l’histoire, c’est-à-dire de l’oubli de l’être. « Le grec, le christianisme, le moderne, le planétaire et l’occidental au sens indiqué, nous le pensons à partir d’un trait fondamental de l’être, que comme ᾶλήθεια il cache plutôt dans la λήθη, qu’il ne révèle »26. Or dans le cadre de l’histoire de l’être, la pensée chrétienne correspond pour Heidegger à la métamorphose de l’ἐνέϱγεια en actualitas. C’est dans cette figure de l’être que la causalité, notamment la causalité efficiente passe au premier plan et trouve son expression suprême dans la doctrine du Dieu créateur. « Quand l’être s’est transformé en actualitas (effectivité) l’étant devient alors l’effectif, il est déterminé par l’activité au sens de la fabrication causale. A partir de là s’explique l’effectivité de l’activité humaine et de la création divine. Car l’être transformé en actualitas donne à l’étant en sa totalité ce trait fondamental, dont la représentation de la foi chrétienne pourra s’emparer pour s’assurer une justification métaphysique. A l’inverse la position fondamentale de l’être comme actualitas, reçoit de la domination de l’interprétation chrétienne-ecclésiastique, une évidence qui depuis est devenue déterminante pour la compréhension ultérieure de l’être de l’étant, même en dehors de la position stricte de la foi »27. Ainsi il y a pour Heidegger une correspondance totale entre le Dieu créateur et le Dieu de la métaphysique. « Mais l’actualitas est la causalitas. Le caractère causal de l’être comme effectivité se manifeste dans toute sa pureté en cet étant, qui accomplit l’essence de l’être au sens le plus élevé, en tant qu’il est l’étant qui ne peut jamais ne pas être. Pensé théologiquement cet étant s’appelle Dieu »28. Même le qualificatif de « summum bonum » est pour Heidegger non pas un qualificatif moral, mais l’expression la plus pure de la causalité. Même si chez Thomas d’Aquin Dieu n’est pas appelé causa sui, mais ipsum esse subsistens, il est la cause par essence.
12Le second attribut du Dieu chrétien, son caractère de sauveur est également interprété par Heidegger dans le cadre de l’histoire de l’être. La recherche chrétienne du salut, notamment la doctrine de la justification de la foi apparaît comme une recherche d’assurance et de sécurité, qu’il rapproche de la recherche cartésienne d’une assurance dans le doute. C’est la même assurance, que l’homme recherche d’abord en Dieu et qu’il finira par trouver en lui-même. Ainsi la recherche chrétienne du salut apparaît comme une étape du développement de la métaphysique de la subjectivité, un moment de la transformation de la vérité en certitude. « A proprement parler la doctrina christiana ne veut pas transmettre un savoir sur ce qu’est l’étant, mais sa vérité est entièrement une vérité salutaire. Il s’agit de l’assurance du salut de l’âme immortelle individuelle. Toutes les connaissances se rapportent à l’ordre du salut et sont au service de l’assurance et de la promotion du salut. Toute l’histoire devient une histoire du salut : création, chute, rédemption, jugement dernier. La nouveauté de l’époque moderne par rapport à l’époque médiévale, chrétienne consiste dans le fait que l’homme entreprend à partir de lui-même et avec ses propres forces d’être sûr et certain de son humanité au milieu de l’étant dans sa totalité. L’idée essentielle chrétienne de la certitude du salut est reprise, mais le salut n’est pas la béatitude éternelle dans l’au-delà »29. Nous retrouvons ici la même démarche : l’absence de demeure dans l’être, qui s’est retiré, entraîne la recherche d’une assurance dans un étant qui est d’abord l’autre monde et qui finit par être ce monde-ci. C’est toujours la même démarche nihiliste qui ne débute pas avec la négation du monde de l’au-delà, mais avec la recherche d’assurance conditionnée par l’oubli de l’être et qui pose le monde de l’au-delà avant de le nier. « Le nihilisme ne règne pas seulement là où le Dieu chrétien est renié, où le christianisme est combattu, où on se contente de prêcher un athéisme vulgaire libre-penseur »30. « L’incroyance au sens du reniement de la doctrine de la foi chrétienne n’est donc jamais l’essence et le fondement, mais toujours simplement une conséquence du nihilisme, car il se pourrait que le christianisme soit lui-même une conséquence et un avatar du nihilisme »31. Même les prophètes d’Israël sont d’après Heidegger mus par cette recherche de la sécurité. C’est en cela que leur prophétisme se distingue de celui des poètes. « Les ”prophètes” de ces religions ne se contentent pas de prédire la parole fondatrice du sacré. Ils prédisent tout de suite le Dieu sur lequel compte l’assurance de la délivrance dans la béatitude supra-terrestre. Il ne faut pas dégrader la poésie de Hölderlin par le ”religieux” de la ”religion”, qui est une affaire de l’interprétation romaine du rapport entre les hommes et les dieux »32. Il y a là probablement l’explication de l’absence dans l’œuvre de Heidegger de tout commentaire des prophètes de la « religion », alors qu’il ne cesse de commenter les prophètes de la poésie. Contre cette interprétation du prophétisme dans le cadre de la religion prêtée aux Romains et de la métaphysique de la subjectivité Martin Buber affirme : « Les prophètes d’Israël n’ont jamais prédit le Dieu sur lequel compte le besoin de sécurité de leurs auditeurs ; ils ont toujours eu tendance à détruire toute sécurité et à prêcher le Dieu non désiré dans l’abîme ouvert de la dernière insécurité »33. Quel est le sens de ce privilège que Heidegger accorde à la relation ontologique de l’étant à l’être sur la relation ontique de l’étant à l’étant qui commande, comme nous l’avons vu, toute sa réflexion sur la question de Dieu. S’agit-il, comme le suggère E. Levinas, de « subordonner la relation avec quelqu’un qui est un étant (la relation éthique) à une relation avec l’être de l’étant qui, impersonnelle, permet la saisie, la domination de l’étant (à une relation de savoir), subordonne la justice à la liberté »34 ? S’il y a effectivement derrière ce que Heidegger appelle la différence ontologique, un accent mis sur une attitude fondamentale de l’existence humaine, ce n’est pas la relation de savoir, dont il ne cesse de critiquer la prétention, mais la relation « esthétique ». S’il s’agit bien d’une relation de liberté, elle est le contraire de la domination, car elle s’oppose au déterminisme, à la causalité, où règne effectivement la domination d’un étant sur un autre.
13Chez Nietzsche déjà note Heidegger « l’art apparaît comme le mouvement d’opposition le plus remarquable contre le nihilisme »35 et il cite l’aphorisme de Nietzsche : « Notre religion, notre morale et notre philosophie sont des formes de décadence de l’homme. Le mouvement contraire : l’art ».36.
14A la fin de la conférence sur la technique Heidegger aussi voit le salut dans l’art : « Si à l’art est accordée cette possibilité suprême de son essence, au milieu du danger extrême personne ne peut le savoir »37. Toute la conférence n’est d’ailleurs qu’une méditation sur l’origine de la technique dans la τεχνή (l’art). Pour comprendre la fonction de l’art dans la pensée de Heidegger, il faut se situer dans la tradition de la philosophie de l’art inaugurée par Kant dans la Critique du Jugement. L’attitude esthétique est définie par Kant comme un plaisir sans intérêt38. Ceci veut dire, commente Heidegger, que « pour qu’une chose nous paraisse belle, nous devons laisser apparaître cette chose devant nous en tant qu’elle-même, dans son propre rang et sa dignité. Nous ne devons pas par avance la rapporter à quelque chose d’autre, à nos fins et intentions, en fonction d’une satisfaction possible, ou d’un avantage. L’attitude envers le beau comme tel, dit Kant, est la libre faveur, nous devons laisser libre l’objet en ce qu’il est, nous devons lui laisser et lui accorder ce qui lui appartient à lui-même et ce qu’il nous apporte »39.
15La définition négative : sans intérêt distingue l’attitude envers le beau de l’attitude du désir qui use de l’objet pour lui-même en le consommant et en le détruisant, mais positivement elle indique un intérêt pour l’objet lui-même, qu’elle laisse subsister librement en lui-même. C’est cette attitude que Heidegger désigne par le mot Seinlassen (laisser être).
16Mais l’attitude esthétique ne se distingue pas seulement du désir, elle se distingue aussi du savoir. Schiller définit la beauté comme la liberté dans le phénomène. Or lorsque nous pensons les phénomènes, nous les rapportons nécessairement au déterminisme et à la causalité, connaître c’est en effet chercher le pourquoi, si nous voulons contempler une chose dans sa beauté nous devons suspendre notre recherche de la causalité. « Une forme apparaît comme libre, lorsque nous ne trouvons son fondement ni en dehors d’elle, ni que nous soyons incités à la rechercher en dehors d’elle-même... » Belle est par conséquent une forme qui s’explique par elle-même40. Cette conception de la beauté comme liberté dans le phénomène est illustrée dans le vers de Silesius : « La rose est sans pourquoi, elle fleurit parce qu’elle fleurit », repris par Heidegger dans Le principe de raison. Dans le commentaire de cette sentence apparaît clairement la relation profonde qu’il y a entre la liberté de la forme, la suspension du principe de la raison, la beauté, la φύσις et l’être. « Le ”parce que” ne renvoie pas ici comme d’habitude à quelque chose d’autre, qui n’est pas un fleurir et qui commencerait la floraison ailleurs. Le ”parce que” du poème renvoie simplement la floraison à elle-même. La floraison se fonde sur elle-même, a son fondement auprès d’elle-même et en elle-même. La floraison est une pure éclosion à partir d’elle-même — une pure parution. « Mais ce qui est beau, apparaît bienheureux en lui-même, dit Morike, dans le vers final de son poème Pour une lampe. La beauté n’est donc pas une propriété qui s’ajoute à l’être comme un décors. La beauté est une modalité suprême de l’être, ce qui signifie ici : la pure éclosion et parution à partir de soi-même. Les penseurs grecs les plus anciens parlaient de φύσις, parole que nous dégradons radicalement si nous la traduisons par nature. Le ”parce que” nomme le fondement, mais le fondement est dans le poème le fleurir simple de la rose, son être-rose. Le principe de raison n’est pas renié par le dicton : la rose est sans raison. Le principe de raison raisonne plutôt ici sous une modalité qui d’un certain point de vue rend visible le fondement comme l’être et l’être comme fondement »41. On voit clairement dans ce texte que la différence ontologique entre l’étant et l’être correspond à la différence entre le pourquoi et le parce que, à la différence entre la causalité et la liberté. Ce que Heidegger reproche au fond à la démarche métaphysique du principe de raison, c’est l’homogénéité de la séquence causale, l’absence de toute rupture dans la série qui va de l’effet à la cause causée et finalement à la causa sui, ce qui équivaut d’ailleurs à la négation de la liberté. Pour assurer cette rupture Kant distinguait entre les phénomènes et le noumène, rapportant l’hétoronomie ou le déterminisme aux phénomènes et la liberté ou l’autonomie au noumène, Heidegger lui distingue entre l’étant et l’être, en rapportant la causalité à l’étant et la liberté à l’être. Ainsi il introduit la liberté dans les phénomènes. Chez Kant et Schiller il n’y avait de liberté qu’au plan moral, au plan phénoménal la liberté n’apparaissait que sous forme analogique : c’était alors la beauté. La beauté étant la liberté dans le phénomène, on comprend pourquoi chez Heidegger la vérité de l’être est liée à l’art et à la beauté. Dans l’Essence du fondement la liberté est affirmée comme le fondement du fondement et dans l’Essence de la vérité la vérité est fondée dans la liberté. « La vérité est la vérité de l’être. La beauté ne se rencontre pas à côté de cette vérité. Quand la vérité se met dans l’œuvre elle apparaît. L’apparition est, en tant que cet être dans la vérité dans l’œuvre et comme œuvre, la beauté. Ainsi le beau appartient à la mise en œuvre de la vérité. Elle n’est pas seulement relative au plaisir et seulement l’objet de celui-ci. Le beau consiste en effet dans la forme, mais seulement parce que la forme est apparue autrefois à partir de l’être qui fait de l’étant un étant. Alors l’être apparut comme εἰδoς. L’ἴδϵα s’est adaptée à la μορφή. Le σύνολοv, le tout unique de μορφή et d’ὄλη, à savoir l’ἔϱγoν, est sous la modalité de l’ἐνέϱγεια. » Peut-on expliquer plus clairement que la conception grecque de l’être est une conception artistique. La présence de l’être dans la φυσις et l’ἄλήθεια n’est rien d’autre que l’apparition de l’étant dans la beauté. Ensuite l’ἐνέϱγειαια. devient actualitas, l’actualitas devient effectivité, qui devient objectivité, qui devient vécu (Erlebnis). Dans cette histoire de l’être, il s’agit en fait d’un glissement de l’attitude esthétique à l’attitude technique-pratique, de la libre faveur au désir. L’histoire de l’art et l’histoire de l’être ne sont pas étrangères l’une à l’autre. « Dans la façon dont pour le monde occidental, l’étant est la réalité effective, se cache un rapport particulier de la beauté avec la vérité. A la métamorphose essentielle de la vérité correspond l’histoire essentielle de l’art occidental »42. Cette histoire essentielle de l’art occidental est que l’art comme expression la plus haute de la réalité appartient au passé. « L’art est et demeure pour nous, quant à sa détermination la plus élevée du passé. Il a perdu pour nous la vraie vérité et la vitalité et a été rélégué davantage dans notre représentation, plutôt que d’affirmer dans la réalité son ancienne nécessité et sa place suprême »43. Cette période essentielle mais révolue de l’art correspond pour Schelling à la prédominance dans le langage du symbole sur l’allégorie et le schème. Alors que dans les deux premières figures le mot ou l’œuvre ne fait que signifier, dans la dernière le mot et l’œuvre rendent présent44. Dans l’allégorie la déesse Δική signifie la justice, dans le symbole elle est la justice. Le symbole confère aux objets de l’imagination une réalité, qu’ils n’ont plus dans l’allégorie et dans le schème. « Par sa présence le temple donne seulement aux choses leur aspect et aux hommes la vision d’eux-mêmes. Cette vision demeure ouverte aussi longtemps que l’œuvre demeure une œuvre, aussi longtemps que le Dieu ne l’a pas fui. Il en est ainsi du tableau de Dieu que le vainqueur lui consacre dans le combat. Ce n’est pas une reproduction, pour nous faire voir plus facilement quelle figure peut avoir le Dieu, mais c’est une œuvre qui rend présent le dieu lui-même et qui est ainsi elle-même le dieu. Ceci vaut également de l’œuvre du langage : la poésie. Dans la tragédie rien n’est représenté, ni mis en scène, mais le combat entre les nouveaux dieux et les anciens a réellement lieu »45. Cette réalité que le symbole confère aux objets n’est pas la réalité ordinaire, c’est une réalité poétique, une réalité qui suit immédiatement de sa possibilité. « Toutes les figures de l’art, donc principalement les dieux, sont réelles parce qu’elles sont possibles... Au sens où par exemple un esprit ordinaire croit à la réalité des choses sensibles, les Grecs n’ont pas conçu les dieux, et ne les ont pas tenus pour réels, ni pour irréels. Au sens plus élevé, ils étaient pour les Grecs plus réels que toute autre réalité »46 Le sacré accorde la parole et apparaît lui-même dans cette parole. La parole est l’avènement du sacré.
17« Il faut répéter à nouveau : la présence des dieux et l’apparition du monde ne sont pas seulement une conséquence de la parole, mais sont contemporaines avec elle »47. Ceci ne veut pas dire que chez Heidegger la parole ou l’imagination serait créatrice des dieux. Cette conception suppose la primauté de la subjectivité, qui suppose elle-même l’abandon de l’attitude de la libre faveur, de l’attitude envers le beau. « Les dieux ne peuvent accéder à la parole, que dans la mesure où ils nous interpellent et nous soumettent à leur interpellation. La parole qui nomme les dieux est toujours une réponse à une telle interpellation »48. Ce qui n’implique nullement qu’il faut concevoir les dieux comme des interlocuteurs sous forme de personnes, dans une relation de je à tu. Heidegger écarte la religion au sens de l’interprétation romaine, c’est-à-dire comme lien interpersonnel. Cette interpellation se fait au plus profond de l’homme lui-même, à condition de concevoir l’homme non comme sujet enfermé en lui-même, mais comme existence extatique, comme Dasein.
18Quand cette relation esthétique fondamentale disparaît au profit de la seule relation utilitaire, alors les choses ne sont plus belles. Elles perdent leur liberté dans l’apparence pour être soumises au déterminisme de la causalité. Le désir remplace alors chez l’homme la libre faveur. Tout étant devient alors un moyen de satisfaction de la subjectivité humaine, à laquelle tout est référé. C’est dans ce processus que consiste pour Heidegger le meurtre (ontologique) de Dieu, annoncé par Nietzsche : « Le meurtre signifie le processus dans lequel l’étant comme tel n’est pas seulement anéanti, mais devient autre en son être. Dans ce processus l’homme aussi et surtout lui, devient également autre. Il devient celui qui supprime l’étant en tant qu’en soi. La révolte humaine dans la subjectivité fait de l’étant un objet. Mais l’objet est ce qui est fixé dans la représentation. La suppression de l’étant en soi, le meurtre de Dieu, s’accomplit dans l’assurance de sa position, dans laquelle l’homme s’assure les positions matérielles, corporelles, psychiques et spirituelles, et cela pour sa propre sécurité, qui veut la domination sur l’étant comme l’ensemble des objets possibles.49 « La pensée des valeurs est le meurtre radical » parce que « la position des valeurs a subordonné tout étant en lui-même à soi et l’a supprimé ainsi comme être en soi, l’a tué »50. La science aussi en passant du côté du désir, ne laisse plus apparaître l’étant en lui-même, mais l’objective, c’est-à-dire n’atteint en lui que ce qui par avance est autorisé par son mode de représentation comme objet possible. Ainsi la destruction ontologique des objets précède leur destruction ontique possible. « Le savoir contraignant dans son domaine, celui des objets a déjà détruit les objets comme objets, longtemps avant l’explosion de la bombe atomique »51.
Notes de bas de page
1 B. PASCAL, Pensées et opuscules, éd. Brunschvicg, Paris, Hachette, n. 613.
2 M. HEIDEGGER, Identität und Differenz, Pfüllingen, Neske, 1977, p. 45.
3 M. HEIDEGGER, Gesamtausgabe, Bd. 26., Frankfurt am Main, Klostermann, p. 211.
4 M. HEIDEGGER, Platons Lehre von der Warheit. Mit einem Brief über den Humanismus, Bern, Franke, 1954, 102.
5 M. HEIDEGGER, Gesamtausgabe, Bd. 26., Frankfurt am Main, Klostermann, p. 211.
6 A. FEUERBACH, Vom Wesens des Christentums, Anhang, Frankfurt am Main, Suhrkap, 1974.
7 M. HEIDEGGER, Recension de E. Cassirer, Das mythische Denken, in Ernst Cassirer Martin Heidegger, Débat sur le Kantisme et la philosophie, Paris, Beauchesne, 1972.
8 M. HEIDEGGER, Gesamtausgabe, Bd. 26., Frankfurt am Main, Klostermann, p. 211.
9 Ibidem.
10 M. HEIDEGGER, Holzwege, Frankfurt am Main, Klostermann, 1957, p. 240.
11 M. HEIDEGGER, op. cit. p. 246.
12 Ibidem.
13 Ibidem.
14 HEIDEGGER, Nietzsche, Bd. I, Pfullingen, Neske, 1961, p. 322.
15 M. HEIDEGGER, Identität und Differenz, Pfullingen, Neske, 1957, p. 46.
16 Platons Lehre von der Wahrheit. Mit einem Brief über den Humanismus, Bern, Franke, 1954, p. 102.
17 M. HEIDEGGER, op. cit. p. 79.
18 M. HEIDEGGER, Gesamtausgabe, Bd. 26., Frankfurt am Main, Klostermann, p. 13.
19 E. KANT, Kritik der Urteilskraft, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft
20 M. HEIDEGGER, Nietzsche Bd. II, Pfullingen, Neske, 1961, p. 394.
21 M. HEIDEGGER, Der Satz vont Grund, Pfullingen, Neske, 1958, p. 183.
22 M. HEIDEGGER, Nietzsche, Bd. II, Pfullingen, Neske, 1961, p. 347.
23 M. HEIDEGGER, op. cit., p. 348.
24 M. HEIDEGGER, Vorträge urtd Aufsätze, Pfullingen, Neske, 1945, p. 34.
25 M. HEIDEGGER, Identität und Differenz, Pfullingen, Neske, 1957, p. 45.
26 M. HEIDEGGER, Holzwege, Frankfurt am Main, Klostermann, p. 310.
27 M. HEIDEGGER, Nietzsche, Bd. II, Pfullingen, Neske, 1961, p. 414.
28 M. HEIDEGGER, op. cit., p. 416.
29 M. HEIDEGGER, op. cit. p. 132.
30 M. HEIDEGGER, Holzwege, Frankfurt am Main, Klostermann, p. 202.
31 M. HEIDEGGER, op. cit. p. 204.
32 M. HEIDEGGER, Erläuterungen zu Hölderlins Dichtung, Frankfurt am Main, Klostermann, 1951, p. 108.
33 M. BUBER, Gottesfinsternis. Betrachtungen zur Beziehung zwischen Religion und Philosophie (WW I), München, 1962, p. 509.
34 E. LEVINAS, Totalité et infini, La Haye, Nijhoff, 1968, p. 15.
35 M. HEIDEGGER, Nietzsche, Bd. I, Pfullingen, Neske, 1961, p. 87.
36 F. NIETZSCHE, Der Wille zur Macht, Taschenausgabe, p. 794.
37 M. HEIDEGGER, Vortràge und Aufsätze, Pfullingen, Neske, 1945, p. 43.
38 E. KANT, Kritik der Urteilskraft, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, p. 2.
39 M. HEIDEGGER, Nietzsche, Bd. I, Pfullingen, Neske, 1961, p. 129.
40 F. SCHILLER, Kallias oder über die Schönheit in Gesammelte Werke, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft.
41 M. HEIDEGGER, Der Satz vom Grund, Pfullingen, Neske, 1958, p. 101.
42 M. HEIDEGGER, Holzwege, Frankfurt am Main, Klostermann, p. 67.
43 G.W.F. HEGEL, Aesthetik, Berlin, Aufbau-Verlag, 1955, p. 57.
44 F.W. J. SCHELLING, Philosophie der Kunst, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1974, & 39.
45 M. HEIDEGGER, Holzwege, Frankfurt am Main, Klostermann, p. 32.
46 F.W.J. SCHELLING, Philosophie der Kunst, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1974, p. 30
47 M. HEIDEGGER, Erläuterutigen zu Hölderlins Dichtung, Frankfurt am Main, Klostermann, 1951, p. 37.
48 M. HEIDEGGER, op. cit. p. 37.
49 M. HEIDEGGER, Holzwege, Frankfurt am Main, Klostermann, 1952, p. 242.
50 Ibidem.
51 M. HEIDEGGER, Vorträge und Aufsätze, Pfullingen, Neske, 1945, p. 168
Auteur
Maître de conférences aux Facultés universitaires Saint-Louis et professeur à l’École des sciences philosophiques et religieuses.
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