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Chapitre IV. Déplacement et reconversion du religieux, aujourd’hui

p. 75-90


Texte intégral

1Penser le « religieux » aujourd’hui, en laissant au substantif, préfixé de son article, un sens neutre, assez indéterminé pour l’ouvrir éventuellement à des formes inédites de réalisation, c’est, semble-t-il, se rendre compte d’une situation qui serait, selon certains, sans pareille dans l’histoire et, de surcroît, spécifique de notre occident judéo-chrétien. Si je me permets d’accentuer le qualificatif judéo-chrétien, c’est tout d’abord en raison d’une prudence, qui limite la réflexion que je propose à un contexte relativement précis et qui évite par là-même un double danger : celui des généralités vagues et celui des généralisations hâtives. C’est aussi, et surtout, pour une autre raison, plus subtile, qui fait droit à une opinion assez répandue, selon laquelle le christianisme lui-même, disons plutôt le judéo-christianisme, serait responsable de cet effacement progressif du « religieux » ; effacement dont la courbe d’évolution actuelle annonce une imminente et totale disparition. Toutefois, la responsabilité dont on parle pourrait s’entendre de deux façons : soit comme fait d'inadaptation, plusieurs fois répétée, aux changements historiques qui eussent provoqué, en temps opportun et dans une société religieuse moins rigide, de salutaires mutations ; soit, plus profondément, parce que le christianisme, non par un accident d’histoire mais en vertu de son « essence », aurait été, selon une formule en passe de devenir célèbre : « la religion de la sortie de la religion » ; à moins qu’on ne suggère, adoptant une autre perspective, une étroite liaison entre christianisme et athéisme. Je ferai abstraction de ces thèses, pour donner libre cours aux questions qui me paraissent les plus pressantes :

  • Quels sont les motifs les plus plausibles de l’effacement du religieux ?
  • Quel en serait le sens ?
  • Comment un chrétien peut-il entendre, de l'intérieur de sa foi, la mise en question du « religieux chrétien » ?

I

21. Effacement ou crise ? A voir les « choses », comme elles sont le plus souvent « ressenties », il s’agirait moins d’une crise, en l’acception habituelle du mot, qui ne préjuge pas de la tournure, positive ou négative, du changement, que d’une tendance, virtuellement assurée de sa limite dans une extinction pure et simple. Tout se passe, pour un sens commun assez bien partagé, comme si nous avions affaire à un mouvement irréversible vers une dégradation accélérée, assimilable à une mort certaine. Un réflexe critique mettrait peut-être un bémol à cette assurance. Mais ce correctif modérateur ne figure probablement pas dans l’appréhension ordinaire du phénomène. Du reste, même pour la conscience spontanée, il s’agit moins d’une prévision de fin à brève échéance, que d’une vection, estimée irrésistible. On croit assister à la phase terminale, qui peut durer longtemps, d’un monde, d’ores et déjà révolu1.

32. Il est toujours délicat d’analyser, pour en repérer les facteurs probables, un état d’esprit anonyme, une sorte de doxa qui s’insinue en chacun comme l’air que l’on respire, et qui relève de l’impression plus encore que du jugement, tel qu’il s’affirme en des œuvres de penseurs, plus ou moins prestigieux. Ce n’est point qu’on puisse négliger l’influence de maîtres ou de doctrines (qu’on songe à l’influence diffuse de la psychanalyse ou du marxisme) auxquels les media, quelle qu’en soit la nature, confèrent l’universalité potentielle des techniques de la communication. Mais si réels qu’ils soient, leur pouvoir renforce, plus qu’il ne constitue, la pression d’un milieu de pensée impersonnelle, en lequel, « nous vivons, nous nous mouvons, en lequel nous sommes ». L’esprit critique, privilège jadis de quelques-uns, est devenu propriété collective. Le paradoxe, si paradoxe il y a, consiste précisément en cette conversion, déplorée par certains, de la distance critique, de la « prise personnelle de position », en un bien commun, qui est en nous sans nous, à la manière d'un a priori de perception, ou de forme percevante, aussi étrangère à la calme réflexion qu’à la remise en question de ce que nous croyons. L’incroyance généralisée n’échappe pas à la croyance insurveillée. Telle est, me semble-t-il, la situation présente, face au fait religieux.

43. Pour la décrire, en l’un ou l’autre de ses aspects (sans prétendre à l’exhaustivité), je retiendrai les deux attitudes qui me semblent caractériser ce nouvel esprit généralisé : la première se définit par une insensibilité « à la chose religieuse » ; la seconde relève du ressentiment.

5L’insensibilité dont je parle me paraît être l’effet de la surdétermination, par la science et la technique, du monde où nous vivons. Quoi qu'il en soit des positions, philosophiques ou religieuses, des scientifiques et des savants — elles ne sont pas l’objet de mon propos — on peut affirmer, sans trop de risque, que le phénomène massif du savoir, en tant que milieu universel qui enveloppe toutes nos démarches et nos pratiques, sécrète, chez les profanes que nous sommes tous plus ou moins, non seulement un sentiment de respect quasi religieux, mais l’impression irrésistible que lui seul, par sa rigueur et son efficacité, est capable de résoudre les problèmes que nous nous posons. Les questions insolubles par la science ne sont plus des questions véritables. Il s’ensuit que tout ce qui ne ressortit pas à son emprise s’évapore dans l’horizon, archaïque et confus, du mythe et de la légende. Un certain néopositivisme, quel que soit le jugement qu’on porte sur lui, a fort bien exprimé ce nouveau sens commun, en déclarant non-sensées ou absurdes, les « propositions » (en réalité des « pseudo-propositions »), soustraites à la vérification scientifique. Il s’ensuit, ultérieurement, que les « problèmes de sens », que les religions ou les métaphysiques croyaient indispensables à la conduite humaine, sont désormais nuls et non avenus. Plus exactement ils sont ressentis comme inexistants. Dès lors le « religieux » qui prétendait unir les hommes, alors qu’il n’a cessé de les diviser, perd jusqu'à cette ombre d’existence ou de « résistance », qui permettait de le traiter comme un adversaire. Il s’évanouit devant le nouvel universel, de puissance et de connaissance, car le pouvoir et le savoir vont de pair — en lequel se rassemble tout ce qui porte un nom d’homme. Tout au plus serait-il en nous un « passé » définitivement dépassé, bien que susceptible de ressurgir, sous forme de consolation, par une défaillance de l’impératif de lucidité.

6On objectera peut-être que tout cela est trop simple. Que le savoir et le pouvoir ne liquident pas tous les problèmes, et que leur existence même ne cesse de nous interroger. Ou encore que « l’objet » du savoir masque un « projet » qui restitue, en ce nouveau contexte, des interrogations que l’on croyait abolies. Ou bien que la puissance n’est pas le dernier mot de la liberté, vu qu’elle peut asservir autant que libérer. Certains se plaisent à dénoncer la nouvelle idole, et à rappeler la nécessité de l’iconoclasme, devant la menace d’un absolu, trop sûr de son évidence. Je n’ai point à en disconvenir. Je cherche à comprendre le phénomène d’insensibilité auquel je me réfère, et dont la cause prochaine est, pour une large part, celle que je tentais de repérer.

74. Le ressentiment est tout autre chose que l’insensibilité. Il a aussi une autre origine. Et une plus longue histoire, qui est celle d’une Eglise — voire des Eglises — dont le pouvoir, en s’exacerbant de sa propre apodicticité, et d’une orthodoxie toujours plus ombrageuse, a condamné toutes les novations, scientifiques et politiques, pour ne rien dire de la philosophie, de la littérature, et de la critique textuelle. Les faits sont trop connus pour qu’il soit nécessaire d’y insister, bien que, dans le jugement négatif qui résume, pour l’opinion commune, l’ensemble de ces occasions manquées, la réalité spécifique de chaque événement ne puisse être appréciée avec le recul dont dispose l’historien, supposé « observateur désintéressé ». Ici, de nouveau, nous constatons le poids d’une impression massive, ou globale, qui joue à l'instar d’une « fulguration » indiscutable, soustraite à toute remise en question, et d’autant plus tenace que la tradition éducative crée, chez les plus jeunes, une « typique » de réaction, analogue à une « habitude » invétérée. Or, comme l’observait s. Thomas, dans un tout autre contexte, « la coutume, celle surtout qui sévit dès l’enfance, a la force d’une nature ; à tel point que ce dont on est imbu dès le commencement est aussi fermement tenu que ce qui est, par soi et naturellement »2. Le vieux maître visait, par cette remarque, l’origine de la thèse, selon laquelle « que Dieu soit » est une évidence première, qui se passe de toute démonstration. Croyance et incroyance, sans être logées à la même enseigne, accusent, par ce biais de l’imprégnation précoce, une solidité à toute épreuve, qu’une information ultérieure parviendra rarement à infirmer. Dans le cas du ressentiment, le point sensible, qui se trouve blessé par une histoire sommairement racontée, n’est autre que cette exigence de liberté ou de libre respiration que, communément, qui que nous soyons, nous associons au respect de notre dignité. Et s’il y a « ressentiment », c’est aussi, et peut-être surtout, parce que le christianisme de l’Evangile inaugurait dans le monde un mouvement de libération que le devenir historique n’aurait cessé de démentir. La réaction de Spinoza, et son scandale, est, à sa façon, exemplaire. Comment une doctrine d’amour, qui devait rassembler tous les peuples, a pu aboutir à une guerre des religions ? De même, dans le cas présent, si nous substituons « liberté » au terme « amour ». On pourrait parler, à ce propos, d’un conflit entre « essence » et « existence ». Et d’un conflit tel, qu’il n’y aurait plus d’espoir d’y porter remède. Dans le ressentiment, affleure, avec l’amertume de la déception, le destin d’un irréversible : «impossible désormais qu’il en soit autrement ». En conséquence, tout effort pour renverser le courant se heurterait à la pesanteur d’une histoire qu’on ne peut remonter « à rebours ». C’est ce désespoir, rarement serein, qui caractérise nombre de chrétiens qui se disent, aujourd'hui, « sans Eglise ». Dans l’analyse que je propose, il y aurait donc, à la rigueur, deux sortes de ressentiment. L’un, de résonance chrétienne, en appelle, contre l’Eglise, à la liberté de l’Evangile. Le second, qui refuse toute distinction entre foi évangélique et appartenance à une société religieuse, n’accorderait à l’Evangile lui-même qu’un intérêt rétrospectif. Sa radicalité mesure son importance dans le débat.

85. Si l’on accepte que ressentiment et insensibilité représentent les deux attitudes qui, en deçà d’une aristocratique intellectualité, commandent, face au « religieux », les comportements les plus visibles, une nouvelle question se pose dont on voit mal comment on pourrait l’éviter. Et pour une raison somme toute assez simple. On ne saurait vivre de pur ressentiment et de pure insensibilité. Mais s’il faut bien « s’accrocher à quelque chose », sous peine d’une démission suicidaire, n’est-il pas tentant de se demander si « ce à quoi l’on donne désormais sa confiance » ne nourrit pas une énergie laissée vacante par la désertion du religieux. L’image nous guette alors d’un déplacement ou d’une reconversion d’énergie qui maintiendrait, en sa substance sinon en ses modes, un élan voué désormais à un tout autre destin.

II

91. Il convient, cependant, de ne point précipiter la réponse. Par prudence d’abord. Empruntée à la physique du siècle dernier par la psychanalyse, la terminologie de « l’énergie », et de sa transformation conservation, risque d’induire à de faciles « réemplois ». De surcroît, un esprit religieux, en dehors même de toute formation théologique, est enclin à retrouver « la religion » là même où elle a cessé de s’imposer, parce que, croit-on, elle définit ce qu’il y aurait de plus profond en l’homme et de plus universel. Comment, dans ces conditions, serait-elle absente, en dépit de son apparente disparition du « théâtre » des opérations humaines, quel que soit le domaine d’application ? De plus, ce retrait du « religieux », creuserait, au jugement de certains, par une sorte d’« horreur du vide », une nostalgie diffuse qui, même inconsciente et en raison de son inconscience, continuerait de soutenir l’effort d’exister.

102. Une variante de cette thèse affleure parfois (en dehors de toute référence religieuse) qui prétend discerner dans l’âme humaine une orientation fondamentale, à laquelle le langage de « l’inconditionné » confère une certaine spécificité. Le terme ainsi choisi aurait l’avantage de marquer un écart avec la traditionnelle appellation « l’Absolu », dont on redoute les dangereuses liaisons avec le Singulier qui condense toutes les perfections du divin. Si je comprends bien, « inconditionné » ne désigne pas un « être réalissime », mais une vection ou un rapport de l’humain à son plus intime « au-delà ».

11Je ne chicanerai pas sur le vocabulaire, tout en restant sceptique ou réservé quant à la distinction supposée. Il importe, toutefois, de ne point laisser dans le vague l’inconditionné dont on formule l’hypothèse. Serait-il possible de préciser sa fonction ; puis la manière, de nos jours, d’exercer la fonction qu’on lui attribue ?

12Sur le premier point, j’avancerai une réponse qui renvoie à une réflexion sur un antique argument, qualifié d’ontologique. Si l’on cherche, en retrait de sa structure logique, les présupposés auxquels il s’appuie, et qui en serait l’armature phénoménologique, on discerne avec quelque vraisemblance les sous-entendus suivants :

ce qui mérite d’être, doit être
ce qui doit être doit pouvoir être
ce qui peut être est (ou sera).

13Du mérite au devoir, du devoir au pouvoir ; du pouvoir à sa réalisation, l'implication pourrait n’être pas évidente pour un logicien qui hésite à conclure du « possible » à « l’actuel ». Dans l’ordre de l’action, et de son dynamisme, le « possible » lui-même s’inscrit dans l'axe d’une énergie de réalisation, laquelle requiert, pour sa mise en œuvre, l’aimantation ou la séduction par un x qui l’enchante et que les anciens appelaient le Bien. Quel que soit le nom qu’on lui donne, il faut qu’une attraction sollicite l’agir, s’il est vrai que dans l’indétermination pure rien ne se passe ni ne saurait se passer. Faute d’un lexique plus approprié, et pour faire droit au sens profond de l'axioma antique, je choisis l’expression « ce qui mérite d’être », pour signifier cet attrait initial qui a valeur de principe. L’argument dit « ontologique », en sa volonté de rigueur, ne saurait se dispenser de ce préalable, si diverse qu’en soit l’interprétation3.

14Ainsi compris, l’« argument ontologique », en son « esprit » tout au moins, est le présupposé inéluctable de toute conduite humaine, qui ne se résout pas dans la pression de la coutume ou des réflexes. Pour l’illustrer, je prendrai un seul exemple. Le concept marxiste d'exploitation (Ausbeutung), opposé à la notion d'aliénation (Entfremdung) qu’il substitue scientifiquement, enveloppe de droit la référence à une situation intolérable qui doit être supprimée. Mais il n’entraîne cette action « révolutionnaire », qu’en vertu de ce qui mérite d’être (et qui ne l’est pas), à savoir, au terme d’un effort de libération de l’esclavage, la liberté du monde humain. Connexion indissoluble sur laquelle on peut lire le schématisme de l’argument, tel que je me suis efforcé de le restituer.

153. Quels pourraient être, dans la conjoncture actuelle, les « inconditionnés », en lesquels se vérifie la quasi-définition que j’en proposais ?

16Etrangers à une ferveur religieuse, que le ressentiment et l’insensibilité semblent avoir mis sinon à mort du moins entre parenthèses, les « objectifs » qui « méritent d’être » ne figurent sur aucune liste établie d’avance ; si celle-ci existe, je n’y ai point eu accès. Il est permis, cependant, au contact de la jeunesse qu’on eut l’occasion de rencontrer, d’observer tel ou tel « motif » de sa recherche et de son élan. Pour ma part, mais en reconnaissant volontiers les limites de mon approche, j’avoue avoir été séduit par l’un ou l’autre de ces itinéraires où l’âge juvénile fait l’expérience de son enthousiasme et de sa décision ; décision qui fait ressort sur le champ des possibles qu’offre la situation.

17Je mentionnerai en premier lieu ceux que fascine le lointain (le lointain pourrait être aussi le plus proche). Que cherchent-ils au juste ? Il serait aisé d’évoquer le vague à l’âme d’un romantisme attardé. Je préfère à ces critiques de sexagénaires une réflexion moins liée à l’état des artères. Ce que cherchent ces nouveaux pèlerins qui, pour la plupart, sont des chrétiens désabusés, c’est, en effet un autre espace. Il n’est pas évident qu’ils aient lu le « Pèlerin chérubinique ». La lecture, du reste, n’eût fait qu’actualiser une sensibilité qui en surdétermine le texte et l’oblige à parler. Leur voyage, en effet, n’est pas un prurit de touriste, mais le chant de ces pas qui tracent un chemin ; un chemin, qui les conduit, croient-ils, « vers eux-mêmes » ; ou encore vers un « chez soi » qui abriterait la « profondeur du soi ». S’il est un verbe qu’ils devraient affectionner, c’est bien le verbe « demeurer » ; entendant par là un « agir » qui déborde le « faire », et les objets divers qui le spécifient. Tel est l’inconditionné qui les attire et qui leur permet d’habiter ce monde et de n’en point désespérer. On ne les confondra pas avec les partisans d’une écologie sectaire. Si l’on tient à parler d'écologie, c’est à condition d’en élargir la signification pour l’identifier à l’unique nécessaire qui réalise l’adéquation de « l’être-là » à l’être tout court.

184. Le second groupe est moins porté vers le « soi », si profond soit-il, que vers les autres. Le scandale, qui est à l’origine du mouvement de ces jeunes — moins jeunes, peut-être, que les premiers –, est le fait massif de la misère, en tant que, pour les trois quarts du monde, elle est devenue l’impossibilité du nécessaire. Il y a là, plus impressionnant pour eux que le fait massif du « scientifico-technique » dont on eut espéré qu’il y portât remède, une situation désespérante, mais qui, loin de les désespérer, enflamme leur impatiente énergie. Ils ont été marqués par le marxisme, sans que, pour autant, ils estiment indispensable un acte d’allégeance. Le ressentiment à l’égard d’une Eglise, trop longtemps sourde aux problèmes des déshérités, entre pour une bonne part dans les composantes de leur action. On ne leur demandera pas de justifier leur décision. Le principe de raison n’est probablement pas le centre de leur pensée-action. Ils « vont », eux aussi, poussés par quelque chose qui leur importe plus que la lucidité d’une rétrospection. Cette impressionnante générosité récuse tout calcul. Peut-être passent-ils parmi nous comme la flamme d’une gratuité qui nous interroge, et nous laisse partagés entre la beauté d'un éclair de grâce et la crainte sénile d’une illusion, Je préfère leur rendre grâces de ne point épouser nos timidités.

195. On me permettra de jeter un regard rapide à une autre jeunesse, fort éloignée des deux premières, en parfait contraste avec elles, car, loin de s’enthousiasmer pour une « cause », on la définirait plutôt par l’absence de toute « cause », à laquelle on se dévouerait inconditionnellement. Il s’agit de jeunes qui mettent leur point d’honneur à ne pas être la proie de tout ce qui se dit, qui se croit, ou qui, d’une manière ou de l’autre, force le jugement en le soumettant à l’opinion régnante. A cet égard, la religion leur paraît exemplaire d’une conduite qu’on retrouve dans tous les domaines, et qu’ils caractérisent comme « besoin de croyance ». C’est un fait, disent-ils, que le savoir lui-même, lorsqu’il se divulgue, diffuse une nouvelle croyance, aussi naïve que l’ancienne. A leur façon, qui n’est pas celle de la Bible, ils se méfient de « toutes les images taillées » que les propagandes, d’où qu’elles viennent, distribuent à profusion sur les écrans les plus divers. On dirait qu’ils ont fait un vœu solennel de « continence » ; un vœu dont on se demande s’il peut être respecté jusqu’au bout. Quoi qu’il en soit, en admettant même que l'Epoché puisse être intégralement maintenue, il reste que quelque chose les « tient » à quoi « ils tiennent » plus qu’à tout autre. Cet inconditionné, qui sous-tend leur souci d’indépendance, on l’exprimerait volontiers par un impératif catégorique de lucidité. Parfois, lorsqu’ils ont une certaine pratique de la réflexion, ils aimeraient opposer à la prétendue lumière des évidences incontestées ce retrait de distance auquel ils donnent précisément le beau nom de « lucidité ». Mais la lucidité est plutôt froide et austère. Peut-on se contenter de la « distance critique » qui protège contre les « entraînements » auxquels la plupart succombent, innocentes victimes d’une « pression d’extériorité » ? Que préservent donc ces jeunes, lorsqu’ils semblent faire de la méfiance l’axiome universel de leur conduite ? La crainte de l’asservissement est la face négative d’une « chose » et d’une « cause » qu’ils mettent au-dessus de tout. La lucidité serait l’autre nom de ce qui, vague mais toujours fascinant, continue de s’appeler « liberté ». Mais la liberté a deux visages. Le plus connu est celui de la puissance, puissance de produire, de transformer, dont le savoir technique nous fournit le paradigme. au risque de nous aveugler. Plus subtil, cet « agir » qui n’est pas un « faire », mais dont on pourrait dire qu’il juge le « faire » pour ne point convertir ses œuvres en images d’idolâtrie. Liberté du second degré, qui ne se confond ni avec un scepticisme de commande ou de simple désillusion, ni avec un refus de la science qui nous ramènerait au fantasme d’une « nature pure ». L’apparente froideur de la distance n’abolit pas cette « bullition interne » dont parlait Maître Eckhart et qui serait, en chacun, comme un joyeux pas de danse qui ne pose le pied sur la terre ferme que pour le lever aussitôt dans le refus de s’y attarder.

206. Je n’oublie pas, au terme d’une trop sommaire revue de quelques formes modernes de l'« inconditionné », la question initiale : en quel sens parlerait-on, à leur sujet, de « déplacement », de « reconversion » ?

21Plus immédiate, une interrogation, concernant le religieux lui-même, prévient notre réponse. Est-ce que, lui aussi, n’exemplifie pas les sous-entendus de l’argument ontologique4 ? Y aurait-il une religion qui ne serait point consacrée à ce qui mérite d'être avec son cortège d’implications ? Le plus souvent, ce mérite d’être prend la forme des litanies au Très Haut et, dans une réflexion subséquente, celle d’une théologie de l’éminence, qui cumule dans la singularité de l’Absolu le tous des perfections, disséminées sur les degrés d’une hiérarchie. Il conviendrait ici d’amorcer l’analyse des qualificatifs que préfixe la particule superlative « le plus... ». La formule anselmienne « ce par rapport à quoi on ne saurait penser un plus grand », est un modèle parmi d’autres de ce qui soulève la pensée religieuse. La particularité de la religion est de ne point se satisfaire d’un « maximum » ou d’un optimum anonyme. C’est pourquoi, l’abstraction de l’inconditionné ne lui suffit pas. Il lui faut un singulier qui tourne son visage vers ceux qui en invoquent l’excellence ; qu’on puisse prier, parfois, comme en Afrique, en dansant devant lui et en l’entraînant dans la danse. Que cette personnalisation ait ses dangers, nul n’en disconviendra. On sait, hélas ! aujourd’hui même, que la religion fabrique de la fièvre et que le Dieu qu’on invoque est aussi le dieu des guerres de religion. Mais on a le droit de se demander s’il est possible de « servir » un Dieu qui excède toute mesure sans être menacé de cet excès que stigmatise le substantif sectarisme, comme si ce substantif faisait écho à sa substance. Les religions dites monothéistes n’ont pas été, dans leur histoire, exemptes de ce péril majeur, qui provoque, de nos jours, en certains milieux, plus que des réticences5. Pour suggérer une timide réponse à notre question, j’admettrais, au titre d’hypothèse, que « l’inconditionné », dont une action sérieuse et efficace se dispense difficilement, trahit, dans les formes contemporaines qu’il peut prendre, une étrange ferveur qu’il emprunte, réminiscence plus ou moins lointaine et active, à « l’excessif » religieux. En ce sens, il n’est pas improbable que le caractère récessif de la religion dans nos milieux occidentaux ait pour complément un certain déplacement et reconversion ; et que ce déplacement puisse donner lieu, en certains cas, à des « excès », tout proches des sectarismes incriminés. Ce n’est pas une raison pour les caractériser comme de « nouvelles religions » ; à moins de conférer au terme « religion », quand on l’applique, par exemple, à un certain marxisme politique, une élasticité sémantique qu’il serait prudent de surveiller.

III

22« Les choses étant ce qu’elles sont », comment un chrétien « réagirait », selon l’inspiration de sa foi ?

23« Réagir », « réaction » : verbe ou substantif, le terme est souvent péjoratif. Un mot terrible de Max Scheler, si j’ai bonne souvenance, disait de l’attitude des chrétiens : « Reaktion keine Aktion ». On « réagit » : autant dire que le christianisme n’a jamais l’initiative ; il suit comme il peut, plutôt mal que bien, laissant à d’autres le privilège de l’initiative et de l’invention. Une maigre consolation qu’on entend parfois serait, accusant la pesanteur des institutions, de rappeler qu’il en est ainsi partout dans le monde, et que les mouvements révolutionnaires eux-mêmes n’échappent pas au destin de la longue durée et de la sclérose. D’où, face à la situation, deux solutions possibles : ou bien tourner le dos au passé, en reconnaissant de bonne grâce parfois qu’il n’est pas purement négatif ; ou bien, conscient de l’inadéquation inévitable de l’Eglise ou des Eglises à leur inspiration d’origine, « réactiver » (ce qui est tout autre chose que « réagir ») les ferments évangéliques qui n’ont pas épuisé leur puissance d’avenir. Un certain marxisme se trouve lui aussi confronté à une alternative analogue. Le chrétien que je suis choisi la seconde solution. J’essaierai de m’expliquer sur les manières possibles de la présenter.

241. Il serait peut-être opportun, bien que le sujet soit « bateau », de s’interroger à nouveau, justement à propos du « phénomène d’insensibilité » dont on a tenu compte, sur le rapport du christianisme à l’esprit scientifique. Il était de mise, jadis, en dépit de l’exemplarité du « cas Galilée », de souligner l’harmonie de fond entre la foi et le savoir. On tablait alors sur le fait que le christianisme, aidé du reste de la tradition juive, avait, de par son monothéisme, « désenchanté » le monde, en le destituant des « présences divines » dont le polythéisme le peuplait, selon la formule, souvent répétée, d’Héraclite, sur un univers « plein d’âmes ». Par ce désenchantement la voie royale s’ouvrait aux explications dites « mécaniques » de la science ; et ce serait par une infidélité, fort regrettable, à cette restitution du cosmos à l’autonomie de ses forces et de leur humaine intelligibilité, qu’un conflit, réputé par la suite inexpiable, avait rompu la « nouvelle alliance » dont on attribuait, trop généreusement, à l’Evangile, l’inauguration. Prolongeant ce qu’on n’ose appeler une « tradition », un théologien contemporain, Gabriel Vahanian, dans un ouvrage insuffisamment remarqué6, a repris la question pour montrer, contre de tenaces résistances, que la théologie des Eglises est restée fort en retard sur les requêtes de la situation. Si je l’ai bien compris, la crise actuelle consiste, essentiellement, dans l’écart entre la culture technique et le christianisme ; plus exactement, dans l’incompatibilité actuelle entre monde technique et monde religieux. Ce divorce intolérable frustre la technique de son corrélatif indispensable, vu que tout complexe culturel comporte une religiosité qui lui est propre. Inversement toute combinaison religieuse requiert un ensemble de structures culturelles appropriées. De nos jours, la foi chrétienne serait l’élément religieux de la technique, et la technique l’élément culturel le plus adapté, contrairement à ce que l’on pense communément, aux requêtes de la foi chrétienne. La nouveauté de la technique serait donc seule en mesure de répondre au novum de l’être chrétien. Je ne sais si les Eglises, ainsi alertées, consentiront à payer le prix d’une conversion qui exige de nombreux sacrifices, tant sur le plan de la doctrine, encore trop lourde d’éléments présumés « mythiques » (le « salut » par exemple), que sur celui des pratiques et de la régulation des conduites. L’originalité de la thèse mérite, cependant, une très sérieuse attention. Elle invite à un changement radical, tout particulièrement quand il s’agit des « sciences de la vie » et des « manipulations qu’elles rendent possibles ». Dans quelle mesure le respect de la « vie », qu’on observe, en dehors des positions catholiques, en des formations religieuses aussi diverses que le judaïsme, l’Islam, et les cultes de l’Inde, est-il compatible avec une maîtrise de plus en plus affirmée non seulement sur les forces de la nature inorganique mais aussi, et surtout, sur le destin génétique de l’homme lui-même ? S. Thomas, jadis, en écho plus ou moins fidèle à une antique tradition grecque, définissait « l’être libre » comme celui qui est « cause de soi ». Cette « causalité de soi par soi », qui confère à l’humain la responsabilité de son être, s’étend aujourd’hui à la substance héréditaire qui semblait jusqu’alors résister à toute entreprise. La foi doit-elle condamner l’audace de Prométhée dérobant aux dieux le feu de la vie ? Telle est la question posée à l’audace de la foi par le nouveau génie de la puissance. D’autre part, un appel à la lucidité, une lucidité qui s’accomode mal des réticences, nous vient des disciplines, dont la qualification scientifique est mal assurée, mais qui poussent avec intrépidité l’interrogation sur les « en deçà », psychiques ou sociaux, du religieux en général et de la foi chrétienne en particulier. D’un côté comme de l’autre, qu’il s’agisse de « puissance » ou de « lucidité », l’intelligence de la foi doit se mesurer, en sa nouveauté d’origine, et en sa liberté, aux plus récentes aventures d’une histoire exaltante qui ne peut qu’exalter son courage d’être et de penser7.

252. Mais, demandera-t-on, ce courage d’être et de penser ne serait-il pas quelque peu chimérique quand on se souvient de la peur, la grande peur, de la liberté si souvent manifestée dans le passé par les Eglises, l’Eglise catholique en particulier ? Nous rattachions à ces souvenirs le ressentiment qui affecte nombre d’anciens chrétiens et de chrétiens d’aujourd’hui. Une fois encore, il n’est pas question de minimiser la gravité de ce contentieux ; ou, ne pouvant le justifier, de se satisfaire d’explications, d’ailleurs plausibles, par les conditions de l’époque ou la rudesse de nos ancêtres ; pour ne rien dire de la consolation platonique qu’on se donne parfois par la distinction entre l’essentiel et l’accidentel ; distinction qui a servi récemment, en référence au christianisme, pour atténuer la dure impression que laissent à des marxistes fervents les « accidents » d’une certaine histoire. Je crois malsaine cette rumination indéfinie des malheurs d’antan. Puisqu’il s’agit des chrétiens, et de chrétiens qui invoquent, parfois, à l’adresse de leur Eglise, la liberté de l’Evangile, j’oserai leur rappeler qu’aucune raison contraignante ne détermine une décision, fût-ce celle de « faire confiance à l’Evangile ». Ce qui importe dès lors, c’est la responsabilité qui nous incombe de faire advenir, selon la mesure de nos possibilités, ce novum évangélique dont il est dit, en saint Jean, qu’il « n’est pas encore apparu ». Quelques amis voudraient me persuader que le christianisme en est encore à son commencement. A vrai dire, j’aime penser, comme Maître Eckhart, que le monde, quel qu’il soit, est « toujours en son commencement », c’est à-dire, ajoutait le vieux maître, « en son principe ». Quelles seraient donc ces lignes de principe « évangéliques », susceptibles, aujourd'hui encore, de susciter une improbable ferveur ?

263. L’avouerai-je, je dois à ces jeunes qui ont choisi d’autres chemins mais qui, au hasard des rencontres, m’ont communiqué un tantinet de leur enthousiasme, de m’avoir éveillé à telle ou telle ligne d’Evangile, qu’ils ignoraient peut-être, et que j’avais jusqu’ici négligée.

27Il me plut ainsi de me souvenir, en mémoire de leur passage sur les routes d’Orient, que la première question, posée par l’Evangile johannique, est précisément celle-ci : Maître où habites-tu ?

28Qu’il y ait, aujourd’hui, pour bien des chrétiens une difficulté d’« habiter » leur Eglise, c’est l’évidence même. On déplore, à ce propos, soit la perte des « croyances » soit leur « labilité ». Et il est évident que, de nos jours, « on en prend et on en laisse » avec le Credo traditionnel. On incrimine une éventuelle contamination par le milieu. Peut-être, bien qu’il ne faille pas les négliger car elles sont nécessaires, insiste-t-on, d’une manière trop unilatérale, sur les formules de la foi, « Les énoncés », dont les plus courants sont d’origine conciliaire. Or le « je crois que », modalité qui préfixe l’énonciation, se fonde sur un « Je crois en » qui accompagne les articles du Symbole des Apôtres. Mais ce « Je crois en » n’est lui-même possible que si l’appartenance dont il témoigne, et qui est en crise pour beaucoup, s’appuie à un préalable ; un préalable qui soit, justement, la réponse, à la première question : Maître où habites-tu ? Si on relit le texte de Jean (1, 38-39), il est aisé de s’apercevoir que le Christ renvoie aux disciples la responsabilité de la réponse : Venez et voyez (variante : « vous verrez »). Ce n’est pas au Maître de répondre. La réponse est au terme d’un « venir » et d’un « voir », bref d’une sorte d’expérience, qui est à la fois itinéraire et pratique d’un certain « lieu », où l’on puisse demeurer. A ceux qui, en dépit de leur bonne volonté, « se trouvent mal » dans leur Eglise, tout en faisant confiance à l’Evangile, il importe donc « de venir et de voir », c’est-à dire de tracer eux-mêmes le chemin qui les mènerait là où ils souhaiteraient aller. Le chemin n’est pas tout fait, en dépit de la Parole « Je suis la voie, la vérité, la vie ». L’initiative doit vérifier si pour chacun il en est bien ainsi, si le Christ qui est au bout du voyage correspond vraiment à ce qui, pour lui, « mérite d’être, doit être et donc peut être ». Impossible désormais de se laisser passivement porter par une tradition dont la ressource, si indispensable qu’elle soit, n’acquiert sa suffisance et son efficacité que par le poids d’un « agir » personnel qui, à travers les Ecritures, plus exactement les « lieux d’Ecriture » et, au gré des affinités, accepte l’invitation et s’estime en mesure de l’honorer. Alors mais alors seulement, pourra retentir l’impératif « sois ici » qui conclut par l’« être là » du chrétien le jugement « il est bon d’être auprès de lui », de se mouvoir en son espace et, confirmant la première expérience, d’« habiter » une véritable « demeure ».

294. Insérées dans ce milieu de libre mobilité, les questions pourront se poser qui ont obsédé les formules dogmatiques : qui est Jésus ? Qu’est-il ? Précédées de la question « où le trouver ? » elles seront moins abstraites, plus adhérentes au libre devenir de chaque chrétien.

30Le plus surprenant peut-être de cette quête christique, son dernier mot pour ainsi dire, sera celui du jugement dernier. Sommé jadis devant Pilate de dire « qui il est », il se révèle, en ce moment ultime et suprême, dans l’abandon des plus déshérités : « J’étais nu, j’avais faim, j’avais soif ». Le plus quotidien serait-il le plus essentiel ? Le « Je » mystérieux plane sur ceux qui attendent de nous qu’il ait la figure d’un nom et la lumière d’un visage. Car c’est en eux qu’il demeure. La question « qui es-tu » rejoint l’autre et première question « maître où habites-tu ?» Innommable et omninommable, le « Je » du dernier jour attend lui aussi notre réponse. Mais « venir et voir » c’est aussi et surtout faire qu'il soit. L’advenir du Christ est le noble souci du chrétien, le secret de son dynamisme et de sa folie. Paul, jadis, avait nommé cette folie. A ceux qui le cherchent, l’ombre de la Croix ne cesse de faire signe. C’est là qu’il habite, et qu’il attire « tout » à lui.

Notes de bas de page

1 Il serait tentant de rapprocher le cas du « religieux » de celui de la « métaphysique », en sa définition heideggérienne, dont la « fin », au sens d’« épuisement », échappe rait au doute, même si le temps de la fin s’étend indéfiniment. Il me paraît dangereux de presser cette analogie.

2 Summa contra gentiles, lib. I, c. 11

3 En sa formule classique, l’argument se donne comme enchaînement conceptuel. Pris dans son acception dynamique, il vise moins l’être nécessaire nommé Dieu, que l'être à venir de ce qui mérite d’être.

4 Cf supra p. 81.

5 Ces réflexions s’appliquent surtout, en effet, aux religions dites monothéistes : judaïsme, christianisme. Islam. On ne saurait minimiser leur gravité. La lutte contre l’intolérance n’est pas un trait spécifique de l’Europe des lumières, L’aversion à l’égard des chrétiens que l'on constate dans le néo-platonisme de Porphyre et de Proclus est, en grande partie, motivée par ce privilège d’unicité d’excellence qui engendre les conflits les plus meurtriers. Le « polythéisme », plus conciliant, fait figure, par contraste, de libéralisme avancé. Les religions orientales séduisent bien des occidentaux par cette générosité qui accueille sur leurs autels toutes les figures du divin. Il convient, cependant, d’y regarder de plus près. Quoi qu’il en soit, le problème du monothéisme ne peut être, de nos jours, minimisé. Je lui ai consacré un ouvrage : Unicité et Monothéisme, Paris, Le Cerf, 1981

6 Dieu et l'Utopie, l’Eglise et la Technique, Paris, éditions du Cerf, 1977. Pour de plus amples explications je renvoie à mon article L’Eglise et la Technique, dans Religious Studies, t. 12, 1983, p. 1-18.

7 Il me semble, en effet, qu'une des tâches présentes de l'intelligence de foi est de prendre conscience de ses ressources pour faire siennes ces interrogations qui, par leur nouveauté, provoquent ou devraient provoquer l’énergie du novum sur lequel Vahanian ne cesse d’insister. Comment comprendre l'impératif de domination sur les forces de la nature que consigne le premier chapitre de la Genèse ? Comment actualiser l’énergie critique immanente à la foi et qui est en elle l’analogue de cette lucidité si prisée aujourd’hui ? Une réflexion théologique sans crainte et sans reproche devrait prendre en charge ces nobles et redoutables questions.

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