Imaginaire et invention sociale-historique : entre autonomie et hétéronomie
p. 151-166
Texte intégral
1Comment penser la transformation sociale ? Comment penser l’émergence du nouveau dans l’histoire ? Selon Castoriadis, la pensée traditionnelle (ou « héritée ») a toujours répondu à ces questions en ramenant le surgissement de formes nouvelles à la simple recombinaison d’éléments préalablement donnés, ou à l’explicitation de schèmes déjà implicitement présupposés. Que ce soit sur un mode dialectique ou autre, le devenir historique des sociétés est toujours conçu comme le produit de différents facteurs, comme la résultante plus ou moins nécessaire de tensions et d’oppositions qui traversent ces sociétés. Ce faisant, rabattant le nouveau sur l’ancien, la pensée héritée a toujours nié selon lui la possibilité même d’une création ou d’une nouveauté qui soit vraiment radicale. « L’ontologie et la logique héritées sont, ici, démunies, car elles sont condamnées à ignorer l’être propre du social historique1. » A l’inverse, il s’agit pour Castoriadis d’envisager l’émergence du nouveau comme une création positive, non réductible à des éléments extérieurs. Ce qui implique de considérer la société et son devenir – le social-historique – en tant que région ontologique spécifique, avec son mode d’être propre : l’auto-création.
2Chez Castoriadis, la créativité sociale est envisagée de manière radicale, puisque tous les éléments et toutes les couches de la société sont posés comme des créations, ou du moins comme des institutions, au sens le plus actif du terme. Cela signifie que tout le domaine social-historique est le produit d’une activité instituante, qui s’appuie certes sur une première strate de données naturelles, mais qui en modifie à chaque fois profondément le sens. Ainsi le capitalisme par exemple, en tant que structure sociale, n’est pas le résultat purement mécanique de facteurs économiques ou matériels, mais représente au contraire un type d’organisation sociale qui s’institue à un certain moment historique comme une forme nouvelle, en grande partie imprévisible. On peut dire que contrairement à Marx, c’est l’ordre du symbolique qui détermine la structure sociale, et non pas les conditions matérielles. Mais qu’en est-il de ces formes sociales nouvelles, des significations qu’elles mettent en œuvre, et comment s’instituent-t-elles ?
3Selon Castoriadis, toute société est structurée de manière cohérente par une série de significations centrales, qui fonctionnent comme des schèmes, organisateurs de tous les comportements, valeurs et institutions propres à cette société donnée. Ainsi par exemple de la réification de l’ouvrier en tant que marchandise dans la société capitaliste2. Ces significations, en tant que schèmes à la manière kantienne, sont produites par une force instituante qui n’est autre qu’une imagination ou un imaginaire social. « Cet élément, qui donne à la fonctionnalité de chaque système institutionnel son orientation spécifique, qui surdétermine le choix et les connexions des réseaux symboliques, création de chaque époque historique, sa façon singulière de vivre, de voir et de faire sa propre existence, son monde et ses rapports à lui, ce structurant originaire, ce signifié-signifiant central, source de ce qui se donne chaque fois comme sens indiscutable et indiscuté, support des articulations et des distinctions de ce qui importe et de ce qui n’importe pas, origine du surcroît d’être des objets d’investissement pratique, affectif et intellectuel, individuels ou collectifs – cet élément n’est rien d’autre que l’imaginaire de la société ou de l’époque considérée3. » Autant dire que l’imaginaire ne s’oppose pas ici à la réalité comme une fiction inconsistante, mais structure au contraire cette réalité sociale jusque dans ses aspects les plus concrets.
4Le support de cet imaginaire social-historique n’est pas l’individu. Il n’est même pas un quelconque groupe d’individus, ni un sujet collectif. Nous avons affaire à une instance anonyme d’un genre particulier, ne pouvant être réduite à un sujet qui en serait le support, débordant toutes les identités abstraites qu’on pourrait lui prêter. « Il est clair que l’on ne peut rapporter les significations imaginaires sociales à un “sujet” construit exprès pour les “porter” – que l’on appelle celui-ci “conscience du groupe”, “inconscient collectif” ou comme on voudra ; ces termes ont été forgés, et les pseudo-entités correspondantes construites, par exportation ou décalque illégitimes et en fonction de l’incapacité d’affronter ce qui est le mode d’être spécifique des significations4. » Mais si Castoriadis refuse le terme d’inconscient collectif, il compare pourtant explicitement l’imaginaire social-historique à la psyché inconsciente de l’individu. Il les met explicitement en parallèle comme deux expressions d’un imaginaire plus général ou plus radical : « La question de la psyché [...] n’est en vérité pas séparable de la question du social-historique, deux expressions de l’imaginaire radical, là, comme imagination radicale, ici, comme imaginaire social5. » Comme l’inconscient, l’imaginaire social-historique est réfractaire à la logique ensembliste-identitaire (ensidique), qui est entièrement orientée par le schème de la déterminité. Il fonctionne au contraire sous la loi de l’association libre, de l’ambivalence et de la confusion des contraires. Et comme l’inconscient freudien, il associe tout à la fois des représentations, des affects et des intentions.
5Surtout, et c’est là le point essentiel pour Castoriadis : l’imaginaire social a comme l’inconscient la structure d’un magma. Par ce terme, Castoriadis désigne un mode d’être spécifique, échappant en grande partie à la logique ensidique. Dans L’institution imaginaire de la société, il reprend notamment à Freud la métaphore des « couches superposées de lave », qu’il développe en ajoutant que ces couches ne sont elles-mêmes pas totalement distinctes, et communiquent entre elles par des « conduits volcaniques » sans être jamais totalement solidifiées, suggérant ainsi une multiplicité partiellement indistincte, et dont les termes passent les uns dans les autres6. D’où l’image du magma. « Essayons enfin, moyennant une accumulation de métaphores contradictoires, de donner une description intuitive de ce que nous entendons par magma [...]. Nous avons à penser une multiplicité qui n’est pas une au sens reçu du terme, mais que nous représentons comme une, et qui n’est pas multiplicité, au sens que nous pourrions dénombrer [...] ce qu’elle “contient”, mais où nous pouvons repérer chaque fois des termes non absolument confondus ; ou encore, une indéfinité de termes éventuellement changeants rassemblés par une prérelation facultativement transitive (le renvoi) ; ou le tenir-ensemble des ingrédients distincts-indistincts d’une diversité ; ou encore un faisceau indéfiniment embrouillé de tissus conjonctifs, faits d’étoffes différentes et pourtant homogènes, partout constellé de singularités virtuelles et évanescentes7. » On peut raisonnablement faire l’hypothèse, tant les métaphores utilisées sont proches, d’une influence de Merleau-Ponty, et de sa notion de verticalité8.
6Toute société s’altère donc constamment elle-même, en un processus plus ou moins continu de création de formes et de significations nouvelles, sous l’effet d’un imaginaire social anonyme, structuré comme un magma : matrice polymorphe de schèmes sociaux renouvelés. Mais comment se produit concrètement la genèse de ces nouvelles significations, et comment décrire le passage d’une forme de société à une autre ? Sur ce point, Castoriadis est on ne peut plus explicite : il est tout simplement impossible d’expliquer en quelque manière la genèse de formes nouvelles, ni même d’observer sur le moment les modalités d’une transition, sous peine de nier la nouveauté même du surgissement créatif. Rapporter une création à des facteurs extérieurs ou à des étapes plus anciennes, c’est on l’a dit amoindrir la nouveauté de cette création. Par ailleurs, étant donné que le surgissement d’un nouveau schème transforme radicalement, à la manière d’une Gestalt, toute la réalité historique subséquente, on ne saurait analyser rétrospectivement un tel surgissement que selon un schème qui s’est déjà imposé au préalable, et non pas avant ou en dehors de celui-ci. Une fois qu’une signification a surgi dans le champ social-historique, il est en somme impossible de revenir en arrière, et de faire comme si elle n’existait pas encore. « Comment pourrait-on constituer ce qui est constituant des sociétés historiques ? Comment comprendre cette position originaire, qui est condition de compréhensibilité du développement ultérieur ? Il faut se donner, posséder déjà cette signification initiale9. » Dès lors, la genèse des significations imaginaires sociales nous échappe par principe, ou alors la seule explication possible – récurrente dans les textes de Castoriadis – est « par création10. »
7Il faut encore ajouter un élément déterminant pour compléter ce bref rappel des grandes lignes de la pensée de Castoriadis. Toute société, dans ses multiples aspects, est le produit d’un imaginaire structurant ou schématisant, qui n’est en fait rien d’autre que cette même société, ou qui ne représente pas une instance distincte, extérieure à ses propres productions imaginaires. Pourtant, la plupart du temps nous dit Castoriadis, les sociétés humaines se masquent à elles-mêmes ce pouvoir instituant qui gît en elles, et qui les a produites comme telles. Elles n’assument pas d’être à elles-mêmes leur propre production signifiante, leur propre création. Elles projettent alors ce pouvoir instituant sur une instance extérieure – que celle-ci se nomme Dieu, forces de la Nature ou Lois du marché – censée être la source ou le facteur déterminant de leurs significations centrales. Castoriadis parle alors de société hétéronome. « Presque partout, presque toujours les sociétés ont vécu dans l’hétéronomie instituée. De cet état, la représentation instituée d’une source extra-sociale du nomos fait partie intégrante11. » Mais un tel refus de prendre en charge cette capacité instituante du social-historique n’est pourtant pas une fatalité. On peut trouver dans l’histoire des exemples de sociétés autonomes, dont les significations imaginaires sont presque entièrement articulées autour de l’idée d’une maîtrise de leurs propres créations imaginaires sociales, des sociétés ayant pour ainsi dire intériorisé la puissance instituante et créatrice qui les anime, et qui donc sont susceptibles de remettre en questions toutes les significations instituées léguées par la tradition. « Les sociétés dans lesquelles se manifestent la possibilité et la capacité de mettre en question les institutions et les significations établies sont une infime exception dans l’histoire de l’humanité. En fait, nous n’en avons que deux exemples : un premier exemple en Grèce ancienne, avec la naissance de la démocratie et de la philosophie, et un deuxième en Europe occidentale, après la longue période hétéronome du Moyen-Âge12. »
8Mais Castoriadis ne s’arrête pas sur le seul constat de l’existence de formes autonomes de sociétés, il revendique l’autonomie comme la forme souhaitable et authentique de société, dans son rapport à son propre imaginaire instituant. Il s’agit de promouvoir l’autonomie comme eidos social, un eidos jamais pleinement actualisé, mais constamment en quête de lui-même, en tant que projet d’autonomie dit Castoriadis13. Ne mérite par ailleurs le nom de politique qu’une société articulée autour de ce projet. « La politique est projet d’autonomie : activité collective réfléchie et lucide visant l’institution globale de la société comme telle14. » C’est également au nom de ce projet qu’il peut adopter une position critique dans le champ de la pensée politique, et qu’il peut surtout dénoncer certaines dérives contemporaines. Selon son diagnostic en effet, on assisterait en Occident, depuis les années soixante-dix environ, à un recul global du projet d’autonomie, recul lié avant tout à l’apathie consommatoire orchestrée par le néo-libéralisme régnant, et à la soi-disant fatalité des processus économiques qui régiraient nos sociétés15.
9En ce qui concerne la question de l’autonomie, il faut signaler ici une nouvelle fois l’importance de l’analogie avec l’inconscient freudien16. Il ne s’agit pas en effet d’autonomie au sens d’une crispation rigide – ou « névrotique » – sur une identité souveraine et incontestée. Castoriadis cite souvent à ce propos la célèbre formule de Freud : « Là où ça était, je dois advenir17 ». De manière analogue à la psyché individuelle, l’autonomie de la société ne se gagne pas par le refoulement du magma de significations instituantes de l’imaginaire (conçu ici à la manière d’un « ça » collectif), refoulement qui autonomiserait alors cet imaginaire comme instance apparemment extérieure à la société (on a là le modèle d’une société hétéronome), mais elle s’opère au contraire par l’apprivoisement lucide et délibératif de cette altérité interne, en rapatriant ainsi toute son énergie au service de la capacité instituante propre de la société. Autonomie signifie donc ici d’emblée un certain rapport à l’altérité, et non pas sa contestation. « Le problème de l’autonomie est que le sujet rencontre en lui-même un sens qui n’est pas sien et qu’il a à le transformer en l’utilisant ; si l’autonomie est ce rapport dans lequel les autres sont toujours présents comme altérité et comme ipséité du sujet – alors l’autonomie n’est concevable [...] que comme un problème et un rapport social18. »
10Avant d’en venir à soulever quelques points délicats, j’aimerais insister ici sur l’intérêt que présente la conception castoriadienne de l’institution sociale comme création imaginaire. Je considère pour ma part qu’on ne saurait minimiser l’importance de l’invention de formes nouvelles dans la dynamique politique des sociétés, et la contribution de Castoriadis à la compréhension de cette inventivité est à mon avis tout à fait déterminante. Certains éléments et non des moindres méritent certes d’être réinterrogés en profondeur, mais la conception castoriadienne autorise une telle interrogation, en lui apportant une base de départ. Je vais être ainsi amené dans la suite de cette étude à revenir de façon assez critique sur certains éléments, voire même à quitter résolument l’orbite de la pensée castoriadienne. Pourtant, il me semble précisément utile de s’appuyer sur une telle conception pour mieux s’en départir. Elle a le mérite de poser la question de l’autonomie dans la création sociale de manière tout à fait extrême, rendant par là plus visible et sans doute plus sensible toute une série d’enjeux voire d’apories.
11Considérons tout d’abord la question de l’imaginaire, en tant qu’instance productrice de formes nouvelles. Quel est le statut ou la nature de cette instance ? Castoriadis nous dit qu’elle n’est en aucune façon un sujet19, et pourtant la comparaison constante avec l’élaboration de l’inconscient freudien tend à faire de cet imaginaire quelque chose comme une subjectivité, certes complexe et fractionnée, contenant en elle-même une part d’anonyme et d’étrangeté, mais une subjectivité tout de même. Cela d’autant plus que le chemin vers l’autonomie passe en quelque manière par une réappropriation de cette hétérogénéité interne, une sorte de retour à soi qui, s’il ne correspond pas entièrement à la souveraineté cartésienne du sujet moderne, n’en reproduit pas moins le schéma fondamental. C’est ce schéma de retour qui est encore souligné par la structure de pour soi que Castoriadis confère à la société en général : « La société est sur le mode d’être du pour soi – et chaque société est un pour soi20 ». Plus encore que la parenté psychanalytique, qui poserait par ailleurs toute la délicate question de la nature du sujet freudien, l’imaginaire social ou la société instituante est constamment placée en position de sujet grammatical dans le texte même de Castoriadis. Prenons par exemple la phrase suivante : « Chaque société fait aussi être son propre mode d’auto-altération, que l’on peut aussi appeler sa temporalité – c’est-à-dire se fait être aussi comme mode d’être21. » En quel sens une société peut-elle « faire être » son mode de temporalité ? Et surtout : en quel sens le sujet – unique – de cette production de schèmes temporels est-il « la » société ? Castoriadis a beau nier une quelconque substantification de l’instance productrice de l’imaginaire social22, il lui accorde pourtant à travers tous ses textes de bien mystérieuses volontés et pouvoirs, aussi étendus que sa définition est floue. Cette instance anonyme n’est nulle part un « qui » situable, et c’est comme si toute la société – plus ou moins inconsciemment – se voulait et se créait telle ou telle.
12Ce flou quant à la nature et à la localisation du support subjectif de l’imaginaire social nous ramène également à la question de l’autonomie. Certes là encore, et Castoriadis y insiste beaucoup, il ne s’agit pas d’autonomie au sens classique, kantien avant tout. Je l’ai déjà évoqué en effet, le sujet autonome ne tire pas de sa seule structure a priori les normes de son comportement. Il se constitue en lien avec une altérité qu’il ne nie pas en l’absorbant, mais avec laquelle il entre dans un rapport lucide d’éclaircissement progressif. Cependant, même si cet éclaircissement ne sera jamais total, on retrouve là néanmoins le schème fondamental de l’autonomie comme retour à ses propres normes à partir d’un trajet de médiation aliénante. Une médiation et une altérité qui est également celle de l’expérience empirique singulière. « L’autonomie n’est pas désinsertion à l’égard de l’effectivité (comme l’autonomie kantienne), mais transformation lucide de l’effectivité (de soi-même et des autres), à partir de cette même effectivité. A partir ne signifie pas que l’effectivité fournit des causes, ou des normes. Ici encore, nous avons une relation originale, modèle d’elle-même, impensable dans les catégories héritées. L’autonomie est autoposition d’une norme, à partir d’un contenu de vie effectif, et en relation avec ce contenu23. » Transformation de l’effectivité à partir de cette effectivité, voilà qui réduit l’événement empirique singulier à n’être que l’occasion vite dépassée d’un trajet d’auto-position.
13Castoriadis en reste donc à une vision classique – pour ne pas dire métaphysique – du sujet et de son autonomie. Avec toujours les mêmes apories : d’où le sujet tire-t-il la prééminence de sa position ? selon quelle mystérieuse « énergie » produit-il les formes et les normes de sa propre création ? et en quel sens tirerait-il ces formes de sa seule faculté créatrice ? en quel sens lui attribuer une volonté et une intention productrices ? comment éviter enfin que le monde ne se résorbe entièrement dans cette intention productrice de significations ? Pour dépasser ces apories, et dépasser surtout ce centrage problématique autour du sujet et de ses facultés, il faudrait à mon sens revaloriser l’hétéronomie aux dépens de l’autonomie, c’est-à-dire revenir sur l’altérité qui gît au cœur du mouvement de création ou d’invention. Si la création s’effectue « à partir de l’effectivité », et si l’on refuse de ne faire de cette effectivité qu’une occasion à élaborer et à dépasser, alors c’est précisément cette effectivité – l’événement imprévu d’un surgissement empirique – qui doit devenir le lieu même de l’invention et de la nouveauté, et non pas une faculté subjective. Mais se pose alors la question de la nouveauté, question intrinsèquement connectée à celle de l’altérité hétéronome.
14On comprend en effet pourquoi Castoriadis refuse de rapporter de quelque manière que ce soit l’invention imaginaire à une instance extérieure au sujet et à ses facultés. « L’institution social-historique [...] est création, qui ne saurait trouver hors d’elle-même des conditions nécessaires et suffisantes24. » De même selon la proposition que j’ai citée plus haut, aucune extériorité ne doit « fournir des causes ou des normes », c’est-à-dire que pour que le surgissement du nouveau demeure une pure surprise imprévisible, et donc véritablement nouveau, il ne saurait dépendre d’autre chose que de lui-même. Et ce même, c’est précisément le « sujet » social-historique, qui ne tire l’invention nouvelle que de sa propre faculté interne. À l’inverse, si on refuse ce centrage trop exclusif sur le sujet, il faut alors dire que la nouveauté survient – au sujet – de l’extérieur, qu’elle est précisément de l’ordre de l’effectivité « à partir » de laquelle se produit l’émergence d’une norme ou d’une forme. Mais pour penser cela, il ne faut pas réduire le mouvement de ce surgissement « extérieur » – altérité ou étrangeté faudrait-il dire – à une causalité (« fournir des causes »), ou à l’imposition d’une contrainte, ce que fait Castoriadis, se fermant par là à d’autres voies de pensée. Réduire l’hétéronomie à une contrainte extérieure, causale, c’est précisément se condamner à un concept trop étroit d’autonomie, centré sur les facultés d’un sujet pensé encore de manière métaphysique, à savoir comme spontanéité productrice.
15D’autre part, c’est le caractère immotivé de l’invention imaginaire sociale qui se trouve alors mis en question. Chez Castoriadis, l’invention de nouvelles significations sociales-historiques se fait totalement gratuitement, selon la pure spontanéité de l’imaginaire radical. « L’institution social-historique comme telle, et chaque institution d’une société sera/paraîtra donc toujours [...] arbitraire et immotivée en ses éléments essentiels25. » On a ainsi l’impression que toute nouvelle forme sociale aurait aussi bien pu survenir à n’importe quel autre moment historique, et qu’il n’y a ainsi pas de lentes préparations, ni tâtonnements ou développements progressifs dans la conception castoriadienne du social-historique. Ainsi parle-t-il d’« un processus où les “essais et erreurs” ne jouent pratiquement aucun rôle26 ». Le nouveau surgit d’un seul coup, et en tant que tel il rompt toute référence à ce qui le précédait. « La forme créée est, comme telle, irréductible au déjà-là, non composable, ensidiquement, à partir de celui-ci27. » On a là un concept extrême et radical de création, qui me paraît occulter non seulement la lenteur des processus historiques, mais également leur stratification plurielle, comme nous le verrons plus loin. Il faudrait au contraire accepter une motivation des phénomènes de création sociale-historique, mais une motivation qui ne se réduise pas – abusivement chez Castoriadis – à une composition ensidique, calculable à partir de données préexistantes. Motivation ne signifie pas seulement en effet dérivation causale, mais peut être entendu également comme une urgence ou une réquisition pratique, urgence à laquelle – ou plutôt dans laquelle – répond l’invention, à condition toutefois de ne pas faire de cette réquisition un événement préalable et distinct de la réponse. Comme le dit Lévinas, je réponds toujours avant d’avoir entendu la requête, c’est-à-dire avant d’avoir pu m’en ressaisir, « obéissance précédant toute écoute du commandement28 ». Mais cette réquisition n’est pas une cause extérieure, elle aiguillonne de l’intérieur le mouvement du répondre, comme un excès fécond29.
16Mais revenons à Castoriadis. Il y va également de la question du lieu de l’invention sociale et politique. Si ce lieu n’est pas un sujet – même élargi aux dimensions d’un inconscient anonyme ou d’un pour soi collectif – et si on privilégie l’altérité de l’événement par rapport à l’autonomie du sujet, si donc c’est l’événement imprévisible qui fait le lieu de l’invention, alors ce mouvement de retour à l’effectivité sociale aux dépens d’une entité subjective englobante s’accompagne nécessairement d’un fractionnement ou d’une pluralisation. A l’inverse, il est tout à fait frappant de constater combien, dans les descriptions de Castoriadis, l’institution imaginaire de la société est unitaire et cohérente. Elle est « ce qui tient une société ensemble30. » Et plus loin : « L’institution de la société [...] est évidemment faite de plusieurs institutions particulières. Celles-ci forment, et fonctionnent comme un tout cohérent. [...] Il y a donc une unité de l’institution totale de la société ; [...] l’unité et la cohésion interne du tissu immensément complexe de significations qui [...] orientent et dirigent toute la vie de la société considérée31. » On ne saurait être plus clair dans l’unification et la totalisation, et l’on ne peut manquer d’être surpris par la rapidité avec laquelle Castoriadis liquide « l’évidence » de la pluralité des institutions, et « l’immense complexité » du tissu des significations. Tout cela est vite sacrifié « en raison de l’unité essentielle de l’espace social32 ». Il faut entendre ici l’adjectif essentiel en son sens le plus technique, puisque Castoriadis ne cesse de ramener les significations imaginaires sociales à un eidos, qui plus est singulier. Ainsi chaque société possède « son eidos particulier33 ». Et comme dans la bonne tradition métaphysique, l’unité d’essence implique « cohérence », « complémentarité » et « complétude » entre les divers éléments rassemblés en elle : « Ils doivent être connectés de façon interne34 ».
17Castoriadis demeure donc fondamentalement dépendant d’un schème unitaire pour penser la structure des significations imaginaires sociales. Il faut à mon sens rapporter cette caractéristique essentielle de sa pensée au fait qu’il envisage la société avant tout comme « monde commun » ou « kosmos koinos35 ». La société est véritablement rassemblée – et donc unifiée – autour de ses significations imaginaires centrales, qui sont dès lors communes à cette société, ou qu’elle possède en propre, comme le pour soi qu’elle est vis-à-vis d’elle-même. Dès lors, pluralité des institutions et complexité du champ social sont comme on l’a vu rapidement écrasées. Il n’y a donc selon Castoriadis qu’un seul univers cohérent de significations imaginaires à la fois, et à un certain moment, il se trouve tout entier et quasiment d’un seul coup remplacé par un seul autre univers, tout aussi cohérent et unifié. Cela ne signifie pas que toutes les institutions changent subitement de nature, mais qu’elles reçoivent soudain une nouvelle signification. On peut renvoyer ici par exemple à ses descriptions de l’émergence du capitalisme36, ou encore à la création de la ville médiévale37. Castoriadis énonce certes qu’il n’y a pas là pure discontinuité, puisque la nouvelle forme « contient [...] des éléments hérités dont on peut (mais pas toujours) retracer l’origine38 ». Cela ne change toutefois rien à la soudaineté du changement, car ces éléments anciens qui se maintiennent dans la nouvelle forme sociale-historique changent totalement de valeur, en raison précisément de leur intégration à cette autre forme. C’est le « cercle de la création39 » que met en avant Castoriadis : les éléments ne prennent leur sens qu’en fonction de la forme qui les englobe, et celle-ci ne peut se soutenir que de ces éléments ainsi configurés. Par exemple en ce qui concerne la ville médiévale : « Le bourg libre est inconcevable sans les protobourgeois, qui sont inconcevables en dehors du bourg40. » Ainsi le changement de signification (quelle que soit l’ancienneté des éléments repris dans cette nouvelle forme) se fait d’un seul coup et unitairement, puisque le cercle ne peut être brisé, ses divers éléments ne pouvant être décrits pour eux-mêmes, dans leurs fractionnements et leurs ramifications temporelles, en dehors de leur intégration globale. Ce que je disais plus haut à propos du refus de la lenteur et des longues transformations sociales souterraines chez Castoriadis, est donc clairement à rapporter à sa vision unitaire de l’eidos imaginaire.
18On ne saurait à mon sens souscrire à une telle réduction unitaire du social. Il s’agit au contraire selon moi de retrouver toute l’hétérogénéité du social, toute sa stratification plurielle, qu’on ne peut réduire à l’unité et à la cohérence sans perdre ainsi toute sa richesse. La chose est d’autant plus surprenante chez Castoriadis, que son concept de magma laissait présager une toute autre complexité, avec les strates et couches multiples connotées par cette image. Il apparaît en somme qu’il ne profite pas des potentialités intéressantes de cette notion. La création sociale historique semble toujours s’effectuer chez lui d’un seul coup et d’un seul bloc. Ce qu’il est dès lors impossible de décrire, de retracer, c’est la genèse progressive des formes, en gestation complexe et fractionnée dans les diverses couches de la société. Non pas dans le but d’expliquer pourquoi un tel changement se produit (et le réduire ainsi à des causes extérieures), mais pour comprendre comment il se produit. Pourtant, on peut trouver quelques rares passages de son œuvre dans lesquels le moment même de la création, c’est-à-dire l’instant du passage d’une signification à une autre, est abordé de front. De manière tout à fait significative, il s’agit notamment d’un texte consacré à la genèse de la signification chez Merleau-Ponty : « Le dicible et l’indicible », dans les Carrefours du labyrinthe 1. J’aimerais m’y arrêter un instant.
19Castoriadis y réaffirme certes que le surgissement d’une signification ne peut être compris en dehors de cette signification déjà surgie, et donc toujours trop tard41, mais il laisse apparaître néanmoins une autre approche possible en reprenant certaines descriptions merleau-pontiennes. Ainsi par exemple de la description du geste de Matisse qui « commence dix actions possibles » et exécute devant la toile « comme une danse propitiatoire42 ». Il y a bien ici, et Castoriadis doit le reconnaître, un tâtonnement essentiel dans le processus de création : « Le geste de Matisse c’est ce tâtonnement concret qui culmine dans l’éclair nécessaire43 ». L’idée de tâtonnement implique que la nouvelle signification n’est pas choisie parmi un certain nombre de possible déjà disponibles, et qu’on testerait l’un après l’autre. Il faut bien plutôt dire qu’une tension habite le geste en train de se produire, tension qui l’aiguillonne comme l’anticipation indéterminée de la signification à venir, et qui ne lui laissera aucun repos jusqu’à ce qu’enfin cette signification jaillisse, comme la réponse à une question silencieuse et insistante. « Un sens insupportable, car insaisissable et insistant, intraitable et tenace, essaie, investit, abandonne, module tel groupe de signes jusqu’au moment jubilatoire des phrases, des thèmes, des gestes enfin trouvés44. » Si une telle tension ou une telle insistance habite intimement la signification disponible, instituée, et que cette tension ne renvoie pas à une configuration clairement anticipée ou déjà déterminée, c’est que la nouveauté inquiète pour ainsi dire le présent par une sorte d’absence, par le vide autour duquel elle en vient à s’articuler. « C’est [...] un vide qui gonfle dans le déjà exprimé ; vide déterminé en ce sens que celui qui va parler sait qu’il y a à dire autre chose et plus que le déjà dit, mais n’en sait positivement que cela, que ce n’est pas dit par le déjà dit45. » Néanmoins, étant donné que la nouvelle signification ne se déduit pas par simple négation complète du déjà donné, le vide en question est en fait moins déterminé que déterminant, « position indéterminée et déterminante46 ».
20Ainsi, il devient possible de suivre en quelque façon sur le moment même, le surgissement du nouveau. Mais si quelque chose comme un vide déterminant, ou une absence, vient insister au cœur du donné, sans pouvoir être réduit à celui-ci, cela signifie très précisément que la nouveauté non encore produite hante le présent comme une altérité ou plutôt une étrangeté fondamentale. C’est précisément en tant qu’étrangère que cette signification peut être « insupportable » pour reprendre un des termes cités plus haut. C’est en tant qu’étrangère qu’elle « insiste » de manière « tenace » au cœur d’une situation qu’elle déborde et excède, c’est-à-dire par rapport à laquelle – ou avec les outils de laquelle – elle ne peut être mesurée. Parler ainsi d’étrangeté, c’est une nouvelle fois revenir sur la notion même d’autonomie dans la création sociale-historique. En quel sens y aurait-il création autonome, ou auto-institution, si l’instance en question (imaginaire social ou société instituante) se trouve débordée par une exigence étrangère qui l’aiguillonne de l’intérieur ?
21Plus important encore, une telle hétérogénéité à l’œuvre dans le moment de surgissement du nouveau implique également que ce surgissement ne se fait pas d’un bloc, transformant de façon cohérente la totalité du champ. Au contraire, qui dit tâtonnement dit ensemble de gestes qui se produisent de façon partielle, fragmentaire, avant d’avoir trouvé leur cohérence unitaire. Au niveau social-historique, les gestes tâtonnants du peintre, dans leur fragmentation en quête de cohérence, se retrouvent dans la fragmentation des différentes couches ou strates des magmas. La tension ou le vide déterminant au cœur des significations instituées, se produit entre ces différentes strates, comme elle se produit entre les coups de pinceau, inquiétés par ce qui leur échappe. Qu’est-ce à dire ? Que le changement social ne se produit pas partout au même endroit et à la même vitesse. C’est dans une certaine strate – classe, groupe, catégorie sociale – qu’une forme se produit, répondant à telle urgence pratique propre à telle situation, forme qui n’est d’ailleurs pas nécessairement perçue comme nouvelle par les membres de cette strate. D’autres fois, dans la majorité des cas peut-être même, ce n’est pas une forme nouvelle qui surgit, mais une forme ancienne, désuète ou longtemps oubliée dans quelque recoin stagnant du champ social-historique, qui vient tout à coup trouver un nouvel emploi, ou réactualiser des potentialités endormies. Mais cette forme entre de toute manière en tension avec d’autres formes, liées à d’autres strates sociales, dans lesquelles elle sera transposée et réadaptée, pour répondre à d’autres types d’urgences. Ce n’est que progressivement qu’elle va se révéler, par série de transpositions et de modifications, non seulement comme différente, ou suffisamment différente pour faire rupture, mais surtout qu’elle va se montrer opérante comme schème général appliqué à toute une portion du champ, répondant soudain à la demande silencieuse qui traversait ce champ comme un malaise grandissant, un malaise renforcé ou aiguisé encore par les premières mises en place tâtonnantes de cette forme générale. Il faudrait montrer comment cette soudaineté opérante de la « forme juste » – « éclair nécessaire » – a été en fait préparée lentement, à chacune de ses transpositions, dans chacun des lieux distincts où elle s’est spécifiée, par d’autres soudaines correspondances fragmentaires, adaptées à tel micro portion du champ, et répondant à telles exigences informulées, tels « vides » déterminants. Non pas une seule transformation d’un bloc donc, mais des séries de surgissement discontinus et fragmentaires, emboîtés les uns dans les autres, avec des sauts, des reculs, des effacements et des échecs. Une transformation plurielle et conflictuelle, dans laquelle la tension ou le vide insistant qui investit le champ social-historique ne se produit pas de manière globale et diffuse, mais de manière différenciée et polémique, entre les multiples couches et portions du champ. Si globalité il y a, elle n’est que la résultante d’un lent processus, et elle ne saurait jamais être parfaite, car toujours à chaque fois minée par de nouvelles différenciations. Certes, le tâtonnement cesse soudain dans la fulgurance du geste enfin trouvé, mais cette nouvelle cohérence se voit très vite ré-inquiétée par d’autres tensions. Je ne veux pas développer trop cette description des modalités complexes du surgissement de la nouveauté dans le champ social, ce qui nous entraînerait trop loin de la lettre même du texte de Castoriadis. Qu’il me suffise ici d’avoir indiqué brièvement la simple possibilité d’un tel type de description.
22En résumé, si Castoriadis valorise à raison le rôle de l’invention dans la dynamique sociale, nos analyses nous ont néanmoins conduit à déplacer sa position sur deux points. Tout d’abord, la création n’est pas à rabattre sur une instance autonome, que celle-ci soit pensée comme sujet, inconscient magmatique, imaginaire radical ou société instituante. Il faut penser à l’inverse une hétéronomie créatrice, dans laquelle l’extériorité ne représente ni une contrainte ni une quelconque causalité. Il s’agirait de penser quelque chose comme une invention de formes sous le coup de l’étranger, ou en réponse à une réquisition étrangère47. En second lieu, s’il s’agit bel et bien d’une création de formes (ou d’eidos), néanmoins ces formes ne doivent pas être pensées – de manière tout à fait traditionnelle – comme intégration unitaire et totalisante, et ceci quand bien même on concevrait une pluralité simultanée de ces formes et non pas une seule, comme cela semble être le cas chez Castoriadis pour telle société considérée. Il s’agit non seulement de penser une pluralité conflictuelle de formes, mais de penser la forme elle-même comme d’emblée fracturée de l’intérieur pour ainsi dire, constellation étoilée ou éclatée sous la poussée d’une exigence qui la travaille inlassablement, ajustée autant que désajustée par elle.
23Je conclurai en revenant sur les conséquences politiques d’un tel changement de perspective. Que devient alors le projet d’autonomie, entendu comme valeur normative ou comme type de société à promouvoir ? Certes, il s’agit de refuser l’hétéronomie telle que la conçoit Castoriadis, à savoir comme conservatisme figé des institutions, jamais remises en question, et comme projection du nomos sur une source extérieure et arbitraire, que cette source soit représentée par Dieu ou par les lois du marché. Mais pour autant, ce n’est pas la société elle-même qui a la capacité de se mettre en question toute seule, grâce notamment à de saines institutions démocratiques bien conçues. Car la remise en question lui vient toujours d’ailleurs, elle vient la provoquer comme une étrangeté que même la plus bienveillante des démocratie ne parvient pas à intégrer, toujours en reste, en surplus. C’est toujours sous une requête étrangère qu’une société est amenée à réviser ses institutions, c’est-à-dire à se reprendre comme réponse toujours insuffisante aux multiples requêtes qui la tenaillent. C’est cette réquisition qui assure sa constante remise en question, la continuelle fécondité de ses réponses se reprenant toujours à nouveau, une fécondité et une mise en jeu que le sujet politique autonome ne saurait se donner à lui-même. Sous le coup de multiples requêtes étrangères qui l’aiguillonnent, la société est ainsi conduite à une ré-institution permanente, ré-institution qui n’est peut-être qu’un autre nom destiné à reprendre et à déplacer le schème par lequel tant de luttes pour la création sociale se sont pensées avant nous, à savoir celui de révolution.
Notes de bas de page
1 C. Castoriadis, Domaines de l’homme (Les carrefours du labyrinthe 2), Paris, Point Seuil, 1986, p. 288.
2 « Ce dont il s’agit dans la réification [...] c’est l’instauration d’une nouvelle signification opérante, la saisie d’une catégorie d’hommes par une autre catégorie comme assimilable, à tous égards pratiques, à des animaux ou à des choses » (L’institution imaginaire de la société, Paris, Point Seuil, 1975, p. 213).
3 ID., p. 219.
4 ID., p. 528.
5 ID., p. 401.
6 ID., p. 456.
7 ID., p. 498.
8 M. Merleau-Ponty, Le visible et l’invisible, Paris, Gallimard, 1964, notamment p. 274 et 284.
9 L’institution, p. 231.
10 Sur ce point, cf. Domaines de l’homme, op. cit., p. 290. Ou encore Figures du pensable (Carrefours 6), Paris, Seuil, 1999, p. 94-95.
11 Le monde morcelé (Carrefours 3), Paris, Seuil, 1990, p. 159.
12 Figures du pensable, p. 97.
13 Cf. notamment Le monde morcelé, op. cit., p. 160.
14 ID., p. 166.
15 Cf. avant tout La montée de l’insignifiance, dans le volume du même nom (Carrefours 4), Paris, Seuil, 1996. Cf. également Figures du pensable, p. 109, ou encore Fait et à faire (Carrefours 5), Paris, Seuil, 1997, p. 75-76.
16 Faut-il le rappeler, Castoriadis a exercé la psychanalyse durant plus de 25 ans.
17 L’institution imaginaire, p. 150-160 ; Le monde morcelé, p. 176-177.
18 L’institution, p. 159.
19 Cf. par exemple Domaines de l’homme, p. 280 : « aucun “sujet” ou “individu” ».
20 Fait et à faire, p. 13.
21 L’institution, p. 546. Autre exemple frappant dans Domaines de l’homme, p. 281 : « Toute société [...] instaure, crée son propre monde, dans lequel, évidemment, elle s’inclut. »
22 Cf. par exemple Domaines de l’homme, p. 280 : « Nous observons ici [...] la création de ce que j’appelle l’imaginaire social ou la société instituante [...] prenant grand soin de ne pas en faire, de nouveau, une autre “chose”, un autre “sujet” ou une autre “idée”. »
23 Fait et à faire, p. 57.
24 Fait et à faire, p. 178.
25 Ibidem.
26 ID., p. 34.
27 ID., p. 61.
28 E. Levinas, Autrement qu’être ou au-delà de l’essence, La Haye, Martinus Nijhof, 1974, p. 189.
29 Pour une inscription pratique de ce schème, je renvoie avant tout aux travaux de Bernhard Waldenfels, consacrés à ce qu’il nomme responsivité, notamment son ouvrage Antwortregister, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1994. Cf. également mon ouvrage L’impatience des réponses, Paris, CNRS Éditions, 2004.
30 Domaines de l’homme, p. 277. Même expression dans Figures du pensable, p. 274.
31 Domaines de l’homme, p. 279. Cf. également Fait et à faire, p. 177 : les « schèmes » de l’institution imaginaire « doivent organiser la totalité du social effectif ».
32 Figures du pensable, p. 275.
33 ID., p. 272.
34 ID., p. 274. Cf. également Fait et à faire, p. 177 : « Il y a cohésion, solidarité interne, inhérence réciproque ».
35 L’institution, p. 534. Même expression dans Fait et à faire, p. 178.
36 Cf. notamment Domaines de l’homme, p. 290-291.
37 Fait et à faire, p. 222-225.
38 ID., p. 223.
39 Ibidem.
40 ID., p. 213.
41 « L’expression originale est origine, et dans les trois sens du terme : elle est, devient, et se laisse connaître à partir d’elle-même. En ce sens il n’y en a ni analyse, ni description : pas d’analyse, pas de description de ce qui vient à être dans son mouvement de venue » (Les carrefours du labyrinthe, Paris, Seuil, 1978, p. 179).
42 ID., p. 180.
43 ID., p. 181.
44 ID., p. 182.
45 ID., p. 176.
46 ID., p. 179.
47 On se rapprocherait sans doute ici de ce que tente de penser Jacques Derrida sous le titre d’invention de l’autre. Cf. notamment Psyché. Invention de l’autre, dans le volume du même nom, Paris, Galilée, 1998, p. 11-61.
Auteur
Université de Lausanne
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