Chapitre III. La fonction limitative exercée par l'intérêt. Une relativisation nécessaire
p. 137-153
Texte intégral
« Le véritable criterium auquel s'arrêtera à chaque occasion le législateur ou le juge sera la rupture de l'équilibre des intérêts sociaux en présence ou la comparaison de la qualité sociale des intérêts particuliers. L’intention de nuire, l’absence de motif légitime, le détournement de la finalité d'un droit sont autant d’éléments qui, tantôt réunis, tantôt séparés permettront d’apprécier le degré d’utilité sociale des intérêts comparés ».
L. CAMPION, La théorie de l’abus des droits, Bruxelles-Paris, 1925, p. 310.
« L’essentiel est de reconnaître cette relativité et cette transformation permanente du contenu des droits subjectifs ».
Ibidem, p. 320.
Introduction
1Un individu consacré sujet de droit. Une volonté déclarée autonome. Un intérêt sublimé en droit subjectif. L’individualisme et le volontarisme juridiques ont exalté le personnage du moi-souverain et ont garanti son domaine à l’aide d’un réseau de droits subjectifs qui sont comme autant de forteresses assurant sa puissance. Mais, à la réflexion, cette représentation pourrait pourtant s’avérer fantasmatique : le domaine du droit subjectif ne serait-il pas plutôt un fragile royaume flottant, une plage éphémère d’intimité entourée de toutes parts d’intérêts concurrents ? Pas même une île ou un îlot résistant aux flots des prérogatives rivales parce que solidement ancré dans le sol ; seulement un royaume flottant, emporté lui aussi par le flux des intérêts qui sont tout à la fois son principe et sa mesure.
2Si d’aventure cette réalité fut oubliée au XIXe siècle — disons seulement éclipsée, et sans doute plus en doctrine qu’en jurisprudence — le XXe siècle la rappellera sans équivoque. Il n’y a pas de droit subjectif absolu, pas plus que de volonté souveraine. Il y a seulement des droits conditionnés, mesurés, régulés. Par la loi sans doute qui les accorde, les contrôle ou les reprend. Mais plus encore par l’intérêt dont elle est toujours de quelque manière l’expression. Intérêt général, intérêts collectifs, intérêts des tiers ; il n’est pas jusqu’à l’intérêt du sujet lui-même qui, de l'intérieur en quelque sorte, ne se retourne contre son titulaire, puisque tant est qu’un droit subjectif ne peut être exercé sans intérêt si un tel usage cause quelque préjudice à autrui. L’intérêt conditionne la recevabilité de l’action ; tout aussi bien mesure-t-il l’usage légitime du droit. Le sujet pourra bien se barricader dans l’enceinte de ses droits ; rien n’y fera, le contrôle judiciaire, voire la contrainte législative, introduits en leur sein par le cheval de Troie de l’intérêt (toujours la fonction « subversive » de l'intérêt) en mesureront désormais l’exercice socialement admissible.
3Si, Montesquieu l’évoquait, il y a un « esprit » des lois, de la même manière y a-t-il un « esprit » des droits — ce sera le mérite de Josserand de le rappeler1. « Les prérogatives juridiques, écrit-il, nous paraissent non point comme des droits souverains, mais bien comme des facultés à intérêts limités qui ne sauraient être réalisées correctement que dans le cadre et conformément à l’esprit de l’institution »2. Cet esprit, qu’il définit ailleurs comme « la règle du jeu », veut que les droits soient utilisés à bon escient, selon leur finalité sociale. Si la vie du droit se ramène à une lutte, qu’au moins les « armes » dont se dotent les joueurs ne soient pas « empoisonnées » et que tous les coups ne soient pas autorisés3.
4Au demeurant, le lien paraît étroit entre cet « esprit du droit » et l’« esprit des lois », comme si les lois elles-mêmes n’épuisaient pas la juridicité et ne se développaient, elles aussi, que sur fond de principes non-écrits, éthiques et politiques, qui traduisent les jugements de légitimité de la communauté. A propos de la théorie de l’abus de droit, De Page, citant Hauriou, écrira à cet égard : « les hommes doivent se conformer non pas seulement à la légalité expresse, mais encore aux principes du commerce juridique qui sont sous-jacents à la légalité »4. Sur base de la même citation, Josserand écrira encore : « autour de la règle formelle, autour du droit écrit, vit et bouillonne tout un monde de principes, de directives et de standards »5 ; plus loin il dira, à propos de ces principes généraux sous-jacents à la légalité, qu’ils « constituent un droit naturel à contenu variable et comme une super-légalité »6.
5Voilà donc que, tout ensemble, la loi positive, le droit subjectif consacré, et l’exclusivité du législateur-source de droit, sont entraînés dans un mouvement de recomposition générale du paysage juridique. La loi doit composer avec des principes non-écrits, le droit subjectif opère sous contrôle de l’intérêt, le juge collabore avec le législateur. Laissant pour le chapitre suivant l’étude de ce nouveau « mode de production juridique » sous l’égide de l’intérêt, on analysera ici la fonction de limitation qu’exerce l’intérêt à l’égard des droits subjectifs. Sans doute pense-t-on d’emblée à la théorie de l’abus de droit, dont on montrera qu’elle s’appuie, tant en son fondement qu’en ses divers critères, sur une reconnaissance de l’intérêt (section 1) ; mais le rôle correcteur de l’intérêt ne se réduit pas à cette théorie, aussi diverses que soient ses applications. Sous d’autres formes encore, telle la prise en compte de plus en plus fréquente de « l’intérêt commun » des personnes concernées, se manifestent les fonctions de stabilisation, d’équilibration, d’égalisation, de préservation, de pacification qu’exerce l'intérêt et qui sont comme autant de tempéraments apportés à l’« absolutisme » des droits subjectifs.
Section 1. L’abus de droit. Une théorie paradoxale explicable par l’intérêt
6D’origine jurisprudentielle, l’« abus de droit » est une théorie qui s’impose aujourd’hui comme principe général de droit. Il s’agit, a-t-on écrit, d’une « institution correctrice » qu’il convient d’appliquer de façon « subsidiaire »7. Ainsi pense-t-on équilibrer les exigences contradictoires de l’équité et de la sécurité juridique. Le principe demeure en effet qu’exercer un droit ne saurait en principe constituer une faute, cet exercice entraîna-t-il un préjudice pour les tiers. Telle est en effet la puissance du droit subjectif qu’il s’accompagne — en principe à tout le moins — du droit de nuire à autrui. A la marge cependant le juge s’autorisera à censurer l’exercice exagérément asocial du droit. Une chose est de prendre ses avantages, une autre est de ne se soucier aucunement des intérêts d’autrui, voire de chercher à lui nuire délibérément.
7Si le droit écrit n’offre aucune consécration de cette théorie prise dans sa généralité, du moins en présente-t-il des applications ponctuelles qui se font de plus en plus explicites dans les législations récentes. M. De Bersaques a montré que plusieurs dispositions du Code civil s’inspirent, dès 1804, de ce souci de tempérer la rigueur du droit subjectif8. Ainsi par exemple l’article 1244 qui autorise le juge, dans des conditions très restrictives il est vrai, d’accorder des délais de grâce au débiteur de bonne foi ; ou encore l’article 1184 qui l’autorise également à consentir des délais au débiteur ou à aménager légèrement la convention plutôt que d’en prononcer la résolution comme le demande le créancier9. Plusieurs articles consacrent l’idée que, s’il est permis à chacune des parties à un contrat à durée indéterminée d’y mettre fin à tout moment, encore ne peuvent-elles le faire d’une façon intempestive qui nuirait exagérément aux intérêts du contractant (mandat : art. 2507 ; contrat de société : art. 1869 ; concession de vente exclusive : art. 2 de la loi du 27 juillet 1961). Des législations récentes sont encore plus significatives : on se limitera à citer ici la notion de « licenciement abusif » introduite à l’article 63 de la loi du 3 juillet 1978 sur le contrat de travail des ouvriers ; selon ce texte, est abusif le licenciement qui ne serait pas justifié par l’intérêt de l’entreprise ou par l’aptitude ou la conduite de l’ouvrier10.
8Consacrée ponctuellement par le législateur, appliquée par la jurisprudence, admise — non sans controverse — par la doctrine, la notion même d’abus de droit ne laisse cependant pas d’être paradoxale. Comment peut-on être à la fois dans son droit et commettre une faute, être à la fois « en droit » et « en tort »11 ? Le paradoxe s’explique s’il l’on admet que le droit subjectif n’est pas une fin en lui-même ; plutôt un moyen en vue de l’intérêt qu’il consacre (tantôt l’intérêt du titulaire, tantôt celui de tiers, tantôt les deux). Normalement, comme pour la règle de droit objectif, la présomption est que la légalité d’un droit et de son exercice entraîne présomption de leur légitimité. Un droit, par cela même qu’il est consacré par l’ordre juridique, est très vraisemblablement légitime — de même son exercice. La présomption cependant — sauf à adopter une position résolument dogmatique — est seulement iuris tantum ; présomption simple, elle admet la preuve contraire. Il doit être possible de démontrer une dissociation entre légalité et légitimité d’un comportement. Cette preuve, qui incombe bien entendu au demandeur, devrait amener le juge, dans des cas marginaux sans doute, mais non exceptionnels, à censurer tel exercice d’un droit conforme à sa lettre, par hypothèse, mais néanmoins contraire à son esprit. De même que le non-usage prolongé d’un droit, c’est-à-dire son défaut d’effectivité, peut entraîner sa disparition, comme dans le mécanisme de la prescription extinctive, ainsi aussi l’illégitimité d’un acte ou d’une conduite pourtant conforme à la lettre du Code peut succomber à le censure du juge. De pareilles dissociations entre légalité, légitimité et effectivité se laissent également observer dans le champ du droit objectif12.
9Reste évidemment à justifier les raisons de l’illégitimité de l’usage déterminé d’un droit. Sur un plan théorique et général, tout d’abord : c’est la question du fondement de la théorie de l’abus de droit ; sur un plan pratique et ponctuel ensuite : c’est la question des critères de l’abus.
10En ce qui concerne la question des fondements, on en évoque généralement trois : le détournement de la finalité sociale du droit (Josserand), la violation d’un devoir moral de solidarité sociale (Dabin), la faute aquilienne (Mazeaud et Tunc, suivis aujourd’hui par la majorité de la doctrine)13.
11Partant de l’exemple des droits à finalité altruiste, les droits-fonctions qui doivent s’exercer dans l’intérêt des tiers ou des institutions au service desquels ils sont institués, et qui se prêtent à ce titre à un contrôle social assez rigoureux, Josserand élargit le mécanisme à l’ensemble des droits subjectifs dont aucun, explique-t-il, n’est une prérogative inconditionnée. Même s’ils visent à satisfaire l’intérêt personnel de leur titulaire, encore est-ce, au terme d’une manière de ruse de la raison juridique, en vue d’une finalité plus large d’intérêt général, de sorte qu’ici encore un contrôle s’impose fût-il plus lâche que celui qui s’exerce sur les droits-fonctions. Ainsi l’élément subjectif est-il conservé, contrairement aux thèses de Duguit (seuls qualifient Josserand de collectiviste ceux qui ne l’ont pas lu)14, mais néanmoins maintenu sous tutelle15. On verra plus loin que Josserand prend soin de dégager, cette fois en termes d’équilibration des intérêts, une autre face, subjective, de sa théorie. Il reste que, sous sa face objective de « détournement de la finalité sociale » des droits, la théorie suscita de nombreuses objections. On évoquait les difficultés d’assigner un but social précis à la racine de chaque droit (fallait-il suivre l’opinion de l’auteur historique du texte ou celle du législateur contemporain ? Certains droits, tel le droit de propriété, ne sont-ils pas laissés à l’usage discrétionnaire de leurs titulaires ?), on soulignait l’insécurité d’une évaluation ponctuelle du caractère socialement ou économiquement utile de l’acte ou de la conduite discutée ; on se méfiait sans doute beaucoup de cette intrusion de la sociologie, voire de la politique, dans le droit privé16.
12Aussi bien, d’autres auteurs, tel J. Dabin, préfèrent-ils assigner à la théorie un fondement moral, l’inspiration moraliste du droit présentant certainement à leurs yeux moins de danger que son inscription politique. Le critère de l’abus de droit ne pouvait être, selon l’éminent auteur, qu’extérieur au droit ; il se fonde sur la violation du devoir moral de solidarité : l’égoïsme juridique ne peut prendre le visage d’une rigueur excessive ou encore celui de la témérité et de l’insouciance17. Comme telle cependant cette explication n’eut pas plus de succès que la précédente : ne produisait-elle pas la même insécurité, faute de précision quant à la limite de l’égoïsme inacceptable ? Et puis comment justifier cette « brusque irruption » de la morale dans le droit18 ?
13En définitive, doctrine et jurisprudence semblent s’être majoritairement ralliées au critère de la faute aquilienne. Peut-être ce fondement n’expliquait-il rien de plus que les deux autres (on peut d’ailleurs penser qu’il les englobe l’un et l’autre), mais au moins présentait-il l’avantage de ramener les juristes sur un terrain connu et donc d’enserrer la thèse de l’abus de droit dans un ensemble de limites et de critères bien éprouvés. Il y a abus de droit répréhensible tout simplement parce qu’il y a faute. Dans chaque cas il appartiendra au juge de vérifier si le comportement de celui qui use d’un droit est conforme à celui qu’on peut attendre d’un bon père de famille. « L’exercice du droit dépasse-t-il les limites de l’exercice normal de celui-ci par une personne prudente et diligente ? », interroge la Cour de cassation19.
14On se demandera, quant à nous, si la référence à la faute aquilienne ne cache pas, dans le cas de l’abus de droit, une référence systématique à l’intérêt. « Le juge devra décider si l’usage du droit est normal, écrit P. Van Ommeslaghe, c’est-à-dire s’il est conforme à celui qu’en ferait toute personne, prudente et soucieuse des intérêts d’autrui »20. On pourrait multiplier les citations à l’envi ; à la vérité, il n’est pas une théorie relative à l’abus de droit qui ne se ramène, en définitive, à la prise en considération de l’intérêt conçu comme principe modérateur. Se dessine ainsi très nettement le lien qui rapproche l’abus de droit, l’intérêt et la responsabilité. On peut même se demander si la responsabilité ne représente pas la meilleure contrepartie de l’intérêt. Dans l’introduction de cette étude nous avions laissé en suspens la question de savoir quelle était la notion opposée à celle de l’intérêt. Si l’obligation s’oppose au droit subjectif, à quoi répond l’intérêt ? A la charge, à la contrainte ? Ces réponses, pour ne pas être inexactes, n’étaient pas très satisfaisantes. Sans doute est-ce la responsabilité, notion aussi large et imprécise, mais également aussi souple et opératoire que celle d’intérêt, qui constitue sa meilleure contrepartie. De ma naissance (et même dès ma conception) jusqu’à ma mort (et même au-delà, comme l’atteste l’idée d’« héritage moral »), je développe une multitude d’intérêts dont certains sont consacrés par des droits ; à ces droits répondent des obligations précises d’autrui ; à ces intérêts, les uns virtuels, les autres actuels, les uns indéterminés, les autres précis, répondent quantité de responsabilités pesant sur une foule anonyme de personnes. Ou, plus précisément, la prise en charge de ces divers intérêts s’opère sous la forme d’un devoir général et permanent de prudence et de diligence auquel chacun est tenu de souscrire comme première et principale règle juridique de vie en commun. A l’intérêt des estivants du littoral et des consommateurs de poisson répond la responsabilité des industries opérant des déversements dans des rivières situées plusieurs centaines de kilomètres en amont ; à l’intérêt du piéton répond la responsabilité du conducteur automobile qui, sans doute par le hasard le plus fortuit, emprunte la même rue que celui-ci. Au registre du soft law, du droit « assourdi », incertain, virtuel, l’intérêt et la responsabilité se font écho. Et tout comme il y a un intérêt à la base de tout droit subjectif, il y a bien évidemment une responsabilité (plus assurée cependant, plus automatique) à la source de toute obligation. Simplement l’intérêt déborde le droit, comme la responsabilité excède l’obligation. Aussi bien n’est-il pas étonnant qu’une société comme la nôtre, qui a démultiplié les intérêts protégés, au point de se doter d’une « régulation par l’intérêt » (cf. infra, chapitre IV), paraisse aussi, à certains égards, comme l’a montré F. Ewald, une société « assurantielle », une société qui systématise la couverture, par assurance ou mutualisation, des innombrables responsabilités correspondantes21.
15Pour l’heure, il nous faut revenir à la question du fondement de l’abus de droit et tenter de montrer comment, derrière l’idée de faute aquilienne, c’est en définitive le déséquilibre des intérêts en présence qui est reproché. Ce fondement a été très clairement mis en lumière par L. Campion dans son ouvrage intitulé La théorie de l’abus des droits publié en 192522, deux ans donc avant le livre si souvent cité de Josserand. Il est vrai que Saleilles, Demogue et Gény avaient déjà ouvert la voie. Gény notamment qui écrivait : « on ne découvrira la mesure, juste et vraie, des droits individuels, qu’en scrutant leur but économique et social et en comparant son importance à celui des intérêts qu’ils contrarient »23. Comme on l’a déjà indiqué dans la citation placée en exergue de ce chapitre, Campion ramène lui aussi les différentes hypothèses d’abus de droit dénoncés par la jurisprudence au « déséquilibre des intérêts en présence ». Non pas tellement aux termes d’une opposition frontale entre intérêt égoïste du titulaire du droit subjectif et intérêt d’autrui ; s’il est vrai que le droit subjectif n’est accordé que parce que l’intérêt correspondant paraît socialement utile et donc digne de protection, alors la comparaison s’établit plutôt entre deux composantes de l’intérêt social. L’arbitrage en est d’autant plus aisé et plus légitime : « il y aura exercice antisocial d’une faculté reconnue par la loi, chaque fois que l’intérêt social lésé par cet exercice apparaîtra comme plus considérable que l’intérêt social s’attachant à l’intangibilité de cette faculté »24.
16Quant à Josserand, dont on réduit le plus souvent la pensée au seul critère du « détournement du droit de sa finalité sociale » — sans doute pour mieux le critiquer sous prétexte d’un prétendu collectivisme juridique — on passe généralement sous silence le fait que lui-même dégage une seconde face de sa théorie qui en est, dit-il, le « précipité visible »25. Il s’agit de la recherche du « motif légitime » ou de l'« intérêt légitime » (les deux formules sont interchangeables ; parfois encore parlera-t-on de « cause légitime » ou de « juste motif ») de l’agent. Son acte, par hypothèse querellé, répond-t-il à un intérêt légitime ? Cette question n’est que le versant subjectif du critère plus abstrait de la destination sociale du droit26. Un acte qui nuit à autrui sans contrepartie, sans répondre à un intérêt légitime, est déficitaire, il rompt l’équilibre des intérêts et s’avère donc économiquement et socialement mauvais27 ; il sera sanctionné, notamment sous la forme de dommages-intérêts. L’article 1382 du Code civil apparaît à cet égard comme la « charte de la vie en société » : c’est dans son « ambiance » et sous son contrôle que nos droits se réalisent « socialement »28.
17Ainsi donc le fondement de la faute renvoie-t-il directement au « déséquilibre des intérêts en présence ». A. De Bersaques s’y est rallié sans équivoque : après avoir noté la difficulté de déterminer directement le critère de l’excès d’égoïsme, il observe que celui-ci « résultera, avant tout, de la mise en balance des intérêts rivaux, de la comparaison de leur importance respective »29. Il est en fait très difficile, nous semble-t-il, de s’écarter de ce fondement dès qu’on admet, fût-ce avec des réserves, la nécessité de la théorie de l’abus de droit. Ainsi G. Ripert qui critiquait durement les vues de Josserand au motif que, selon lui, les droits subjectifs sont conférés aux individus dans leur propre intérêt (celui-ci en constituant donc le principe et la mesure)30, reconnaîtra néanmoins qu’il convient de réfréner « l’indifférence trop absolue devant l’intérêt d’autrui »31. De même encore, N. Verheyden-Jeanmart qui considère que le fondement tiré de la rupture d’équilibre est « une référence trop vague et partant dangereuse » et affirme préférable « la notion de disproportion, à condition qu’elle ne soit pas interprétée de manière trop laxiste »32. A vrai dire, on ne voit guère de différence significative entre « rupture d’équilibre » et « disproportion » ; l’important n’est-il pas de s’affranchir de l’absolutisme du droit subjectif et d’en soumettre l’usage à une pesée qui aboutira à une sanction dans les cas où un « déséquilibre » ou une « disproportion » se révèle à l’égard d’autres intérêts ?
18De sorte que une perception gradualiste de la légitimité juridique se substitue à une logique binaire du permis et de l’interdit. Reste évidemment à fixer la mesure du déséquilibre inacceptable, le seuil de la disproportion coupable, ce qui revient à affiner les critères de l’abus de droit. Si, sur ce point, les positions peuvent varier tant en jurisprudence qu’en doctrine, il nous paraît cependant possible de présenter les divers critères d’abus, tels qu’ils résultent notamment de la célèbre note de synthèse publiée en 1976 par P. Van Ommeslaghe à la Revue critique de jurisprudence belge, comme autant de degrés ou de seuils sur l’échelle du déséquilibre des intérêts en présence.
19Soit le premier critère tiré de l’« intention de nuire ». Hypothèse la moins contestable d’abus de droit et exemple préféré des auteurs assignant à la théorie un fondement moral (Dabin, Ripert), l’intention de nuire reste cependant extrêmement malaisée à établir. De sorte que l’indice le plus certain de cette volonté maligne n’est autre que l’absence totale d’intérêt légitime (ou raisonnable) dans le chef de l’agent. A l’analyse, l'acte s’avère totalement « gratuit », de sorte que seule une volonté délibérée de nuire peut l’expliquer. Sans doute faut-il rappeler que le seul fait de porter préjudice à autrui par l’exercice d’une de ses facultés légales ne représente en soi rien d’illicite. Le droit subjectif confère, nous l’avons dit, le droit de nuire (« qui suo iure utitur neminem laedit »)33. Encore faut-il que le préjudice causé à autrui soit en quelque sorte compensé par un avantage dans le chef de l’agent. Faute pour ce dernier de manifester quelque utilité avouable à la base de ce comportement, le dommage causé au tiers apparaîtra comme une raison suffisante de faire pencher le fléau du côté de la victime. Le critère de l’abus résulte donc bien d’un compromis entre les intérêts en présence : absence d’intérêt licite dans le chef de l’agent versus intérêt lésé des victimes34.
20Très proches de cette première hypothèse sont les divers cas, censurés également par la jurisprudence, où l’on cause à autrui un dommage par témérité, légèreté ou imprudence. Ainsi pour les recours « téméraires et vexatoires » à la justice. Sans qu’on puisse parler réellement de pure malveillance, on ne peut néanmoins assigner de fondement rationnel, d’utilité raisonnable au comportement lésionnaire.
21Une deuxième hypothèse d’abus de droit consiste dans le fait de choisir entre plusieurs manières d’exercer son droit, qui présentent un égal intérêt pour le titulaire, celle de ces modalités qui précisément entraîne le plus grave préjudice pour autrui ou pour l’intérêt général35. Ainsi le commerçant qui, plaçant une enseigne sur la façade de son immeuble, occulte la publicité de son voisin. Ici encore, on le remarquera, le préjudice subi est mis en balance avec l’intérêt du titulaire du droit. C’est précisément le fait que ce dernier n’a aucun intérêt particulier à exercer son droit de telle façon (la plus dommageable), plutôt que de telle autre, qui emporte la conviction du juge et l’amène à censurer ce comportement. L’hypothèse est donc très voisine du premier cas retenu.
22Une troisième variété d’abus, à vrai dire la plus intéressante dans le mesure où elle pousse le plus loin le contrôle juridictionnel, réside dans le fait d’adopter un comportement indéniablement avantageux, mais dont les effets sur les tiers s’avèrent exagérément dommageables. Alors que, dans le premier cas on notait une absence totale d’intérêt avouable, que dans le deuxième il y avait équivalence d’intérêt pour l’agent, dans ce troisième cas de figure il y a, au contraire, un intérêt certain dans le chef du titulaire, mais disproportion exagérée entre le profit qu’il retire de son acte et le dommage causé à autrui. Telle par exemple la prétention du propriétaire, dont le terrain est légèrement empiété par la construction voisine, qui vise à obtenir, comme son droit de propriété l’y autorise, l’exécution en nature de la sanction, soit la démolition pure et simple de l’immeuble. De toute évidence le contrôle juridictionnel suppose ici la réalisation d’une pesée, d’une balance des intérêts en présence : « attendu qu’en contraignant le défendeur à démolir le pignon de sa maison, le demandeur lui causerait un dommage énorme, hors de proportion avec la faute légère qu’a pu commettre son voisin et surtout hors de proportion avec le peu d’utilité qu’il pourrait lui-même en retirer »36 ; « attendu que, tenant compte de l’importance limitée du dommage et de la disproportion avec le préjudice qu’une démolition éventuelle causerait aux défendeurs, le tribunal a pu considérer que, dans les circonstances présentes, exiger la démolition dépassait manifestement les limites de l’exercice normal de ce droit »37. Dans le même ordre d’idées, De Bersaques cite encore une décision du juge de paix d’Eghezée qui, au terme de la pesée des avantages et préjudices, impose une solution de compromis qui illustre parfaitement la logique de conciliation qui est celle de l’intérêt. Confronté à la demande d’un propriétaire qui réclamait la suppression de constructions et d’une clôture empiétant sur son fonds, le juge refusa la démolition des bâtiments en raison du grave préjudice que cela entraînerait, mais ordonna en revanche le déplacement des piquets de clôture, puisqu’il s’agit d’un « travail facile et peu coûteux »38.
23Au terme de l’examen de ces trois premiers critères, il apparaît que le comportement du titulaire du droit subjectif, s’il est autonome, ne peut cependant être autarcique. En toute hypothèse sa conduite est susceptible de faire l’objet d’un contrôle social au regard des intérêts en présence. Dès qu’un intérêt tiers est mis sérieusement en cause (intérêt particulier, collectif ou général, peu importe), des comptes seront demandés au sujet de droit : l’absence d’intérêt légitime ou raisonnable dans son chef, l’intérêt indifférent ou l’intérêt insuffisant au regard du préjudice causé seront autant de raisons de conclure à l’abus de droit.
24Reste enfin une dernière hypothèse d’abus, celle qui concerne l’exercice des droits-fonctions. Dans ces hypothèses (on songera par exemple aux droits parentaux, aux prérogatives exercées dans le cadre de la gestion des associations et des sociétés commerciales), le critère pris du « détournement de la finalité sociale », voire du « détournement de pouvoir » s’impose sans difficulté. Mais, à suivre Josserand lui-même, champion de ce critère, il est parfaitement légitime d’en donner une lecture en termes d’intérêts. Le droit-fonction n’est-il pas en effet attribué à l’agent dans l’intérêt d’un tiers (l’enfant, le ménage, la société...) ? Abuser de ce droit, le détourner de sa finalité légitime n’est dès lors rien d’autre que d’en user en vue de son intérêt propre au détriment de ceux en vue desquels il a été institué. Ainsi en est-il par exemple de l’« abus de majorité » dans les sociétés commerciales lorsque le vote intervenu traduit une volonté des actionnaires majoritaires de s’avantager indûment au détriment des intérêts de la société elle-même39.
25Si l’on admet enfin, comme le démontre de façon fort convaincante Van Ommeslaghe40, qu’il n’existe virtuellement plus de droits —-a fortiori de fonctions — discrétionnaires qui échapperaient par nature à l’application de la théorie de l’abus de droit (même la faculté de ne pas contracter a été censurée à l’occasion)41, et que tant les critères que le fondement de cette théorie se laissent appréhender en termes d’équilibration d’intérêts, on concédera que, dans notre droit positif, le rôle modérateur de l’intérêt n’est pas contestable. Du reste ce rôle ne se limite pas, comme nous le montrons dans la section suivante, à la seule dénonciation de l’abus de droit.
Section 2. L’« intérêt commun » et autres types d’intérêts modérateurs
26Il suffit de se rapporter au tableau des occurrences du terme « intérêt » dans le Code civil belge contemporain (cf. supra, chapitre II, section 2) pour se persuader que l’intérêt, en même temps qu’il consacre la montée sur la scène juridique de nouveaux acteurs et contraint à prendre en compte leurs avantages, entraîne, par effet en retour, une forme de contrôle, de limitation ou de finalisation des droits subjectifs environnants. Qu’il s’agisse de l’autorité parentale, de la gestion du ménage, de la représentation des incapables, de l’établissement de la filiation à l’égard du père naturel, de l’homologation d’une adoption, de la modalisation de la durée des baux, de l’aménagement de certaines servitudes, dans toutes ces hypothèses ce sont des droits subjectifs qui passent sous contrôle, des volontés qui sont mises sous tutelle. Des responsabilités nouvelles — contreparties de ces nouveaux intérêts — sont ainsi mises à charge des agents (le père, le mari, le bailleur...) hier encore souverains.
27A. Tribes relève quant à elle plusieurs illustrations tirées du droit français. Ainsi en est-il par exemple du changement de prénom, autorisé par une loi du 12 novembre 1955, à condition qu’il réponde à un « intérêt légitime »42. Dans un ordre de préoccupation sans doute très voisin, la loi belge du 15 mai 1987 autorise le changement de nom patronymique pour autant qu’un « motif sérieux » soit avancé (art. 3). On peut également citer le régime réservé par l’article 900-1 du Code civil français (modifié en 1971) aux clauses d’inaliénabilité inscrites dans les donations et testaments. Celles-ci, en effet, malgré la méfiance traditionnelle du Code à leur égard, seront autorisées si elles sont « temporaires et justifiées par un intérêt sérieux et légitime ». La jurisprudence n’hésite pas cependant à les révoquer s’il s’avère que l’intérêt qu’avait en vue le donateur ou le testateur a disparu ou que l’intérêt du gratifié, ou un autre intérêt plus important, l’emporte sur celui-ci43. Ici encore, l’intérêt, dûment apprécié par le juge, vient moduler l’exercice mécanique des droits subjectifs en présence et l’application linéaire de la loi.
28On citera enfin une dernière illustration tirée d’une catégorie qui semble promise à une large application : l’« intérêt commun » qui vise des situations, sinon d’identité, du moins de convergence d’intérêts : « rencontre heureuse de deux égoïsmes »44. Dès 1804, le Code faisait usage de cette catégorie à l’article 1833, en subordonnant la constitution des sociétés commerciales à « l’intérêt commun des parties ». Depuis lors, la notion a connu de nombreuses applications jurisprudentielles et légales au point qu’on commence à y voir également un « principe général de droit » en formation. Comme « l’abus de droit », mais permettant « d’aller plus loin que ne le permet ce dernier », l’intérêt commun opère comme « un mécanisme correcteur utile et efficace »45. Si l’abus de droit servait à censurer un comportement exagérément égoïste, l’intérêt commun semble jouer un rôle plus positif : plutôt que d’interdire ou de sanctionner, il s’insinue dans l’économie d’un contrat, d’une indivision, d’une communauté ou d’une société pour faire prévaloir des modes de gestion et, plus généralement, un régime juridique marqué par un esprit de loyauté, de bonne foi et de collaboration. De cette façon il émousse les arêtes tranchées du droit subjectif sans pour autant condamner les intérêts individuels.
29Parmi les multiples applications de la théorie, on citera notamment le « mandat d’intérêt commun » — catégorie jurisprudentielle dont l’effet est de s’opposer à la règle classique de la révocabilité du mandat. Il y a « mandat d’intérêt commun » lorsque le mandataire a réalisé des investissements destinés à assurer des bénéfices tant au mandant qu’à lui-même. Dans cette hypothèse, l’irrévocabilité du contrat s’analyse comme la contrepartie de ces investissements.
30Autre illustration de la notion, d’ordre législatif cette fois : les références qu’y fait l’article 815-5 du Code civil français, relatif à l’indivision légale : « un indivisaire peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le consentement d’un coindivisaire serait nécessaire si le refus de celui-ci met en péril l’intérêt commun ». Ainsi l’intérêt commun, dûment établi par le juge, permet-il de passer outre à l’opposition déraisonnable d’un copropriétaire. L’article 577 bis §6 du Code civil belge consacre une solution identique, mais sans faire référence à l’intérêt commun ; il faut, dit le texte, que l’acte soit « reconnu nécessaire » par le juge.
31Bien d’autres domaines sont également informés par l’esprit de collaboration qu’implique l’intérêt commun. On citera, sans autrement détailler ces hypothèses, les groupements de copropriétaires d’actions, les indivisions industrielles, les divers contrats de distribution (commission, courtage, concession, franchisage), les rapports qui se nouent au sein des groupes de sociétés, les groupements momentanés d’entreprises, les accords de recherche en commun, les œuvres littéraires et artistiques de collaboration, les règles relatives à la gestion du ménage, etc....
32Sans doute, Th. Hassler, qui évoque ces différents mécanismes, reconnait-il que l’intérêt commun qui les traverse ne génère pas une « théorie d’une grande rigueur ». Il s’agit plutôt d’une « idée générale » qui exerce une « influence diffuse »46. Du reste, elle ne va pas sans brouiller les cartes (on reconnaîtra ici le rôle subversif de l’intérêt, si souvent observé dans notre étude), en rendant notamment fort malaisées les distinctions entre divers groupements d’intérêt commun (sociétés commerciales, associations, indivisions, régimes matrimoniaux...)47.
33En revanche, l’influence positive de la notion est incontestable. Tantôt elle exerce un rôle de pacification en refoulant l’excès d’individualisme, comme dans les indivisions où elle permet de passer outre au veto d’un seul. Tantôt elle assure l’équilibre des droits et obligations en garantissant la stabilité du contrat (cas du mandat d’intérêt commun), en favorisant l’égalité de traitement (les obligataires d’un même emprunt seront, en vertu de la théorie, traités de façon identique), ou encore en prohibant les clauses léonines dans les contrats de société. Tantôt encore, elle renforce l’obligation de bonne foi, en imposant un devoir de renseignement, de concertation ou même d’assistance dans les contrats de collaboration48.
34Tantôt brutalement refoulé en tant qu’abusif, tantôt subrepticement modulé au nom de l’intérêt commun, le droit subjectif doit composer sur tous les fronts. « Royaume flottant », disions-nous dans l’introduction. Serait-il alors le vestige d’un passé désormais révolu, emporté par la dérive de l’histoire — souverain déchu exilé au pays de l’intérêt ? Un nouveau mode de production du droit se serait-il imposé ? C’est le propos du chapitre suivant que de tenter de répondre à cette question.
Notes de bas de page
1 L. JOSSERAND, De l'esprit des droits et de leur relativité. Théorie dite de l'abus des droits, Paris, 1927.
2 Ibidem, p. 292.
3 Ibidem, p. 9
4 H. DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil belge, t. I, Bruxelles, 19 39, p. 168.
5 Op. cit., p. 2.
6 Ibidem, p. 388.
7 P. VAN OMMESLAGHE, Abus de droit, fraude aux droits des tiers et fraude à la loi, Note sous Cass., 10 septembre 1970, R.C.J.B., 1976, p. 305.
8 A. DE BERSAQUES, L’abus de droit, Note sous Gand, 20 novembre 1950, R.C.J.B., 1953, p. 280.
9 Pour une telle modification partielle, cf. Cass., 9 juin 1961, Pas., 1961, I, p. 1104.
10 Pour plus de détails, cf. la contribution de A. de THEUX, in Droit et intérêt, op.cit., t. III.
11 PLANIOL rejetait la théorie de l’abus de droit pour cette raison (Traité, t. II, 1re éd„ n° 909).
12 Sur cette question cf. F. OST, Essai de définition et de caractérisation de la validité juridique, in Droit et pouvoir, t. I : La validité, études publiés sous la direction de F. Rigaux et G. Haarscher par P. Vassart, Bruxelles, 1987, p. 97 et sv. ; cf. aussi, dans le même volume, les études de H. DUMONT, Ph. GERARD et M. van de KERCHOVE.
13 Pour une synthèse de ce débat, cf. P. VAN OMMESLAGHE, op.cit., p. 305 et sv.
14 Ainsi s’exprime JOSSERAND (op. cit., p. 307) : « l’absolutisme des droits... déchaînerait la lutte des droits, aussi désastreuse et impie que la lutte des classes ». L'auteur s’inspire en fait d’une doctrine solidariste qui renvoie dos à dos individualisme et collectivisme.
15 Ibidem, passim, notamment p. 368 et sv.
16 Parmi ces multiples opposants, J. DABIN (Le droit subjectif, op. cit., p. 289 et sv.) est sans doute l’un des plus virulents. On remarquera cependant que H. DE PAGE, qui prenait dans la question de la lésion d’intérêt (cf. supra, chapitre II, section 1) une position extrêmement négative, emboîte ici le pas à Josserand (op. cit., p. 163 : « celui qui, en usant de son droit, s’inspire d’autres motifs que ceux qui en légitiment l’existence, ou détourne l’institution de sa destination normale, abuse de son droit »). Plusieurs Codes récents font application du fondement finaliste, ainsi les codes soviétique et japonais.
17 Op. cit., p. 234 et sv.
18 En ce sens, P. VAN OMMESLAGHE, op. cit., p. 310.
19 Cass., 10 septembre 1971, R.C.J.B., 1976, p. 303.
20 Op. cit., p. 311.
21 F. EWALD, L’État providence, Paris, 1986, p. 16.
22 L. CAMPION, La théorie de l’abus des droits, Bruxelles-Paris, 1925.
23 F. GENY, Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif, 2e éd., t. II, no 173.
24 L. CAMPION, op. cit., p. 329.
25 L. JOSSERAND, op. cit., p. 375.
26 Ibidem, p. 376 et sv.
27 Ibidem, p. 366.
28 Ibidem, p. 306.
29 A. DE BERSAQUES, op. cit., p.283. Parmi de très nombreuses autorités, l’auteur cite une décision du Tribunal fédéral suisse (26 novembre 1925, Journal (suisse) des tribunaux, 1926, p. 88) qui s’exprime en ces termes : « est illicite le fait de vouloir sacrifier sans scrupules à son propre intérêt, proportionnellement moins important, les intérêts d’autrui plus précieux et plus vitaux ».
30 G. RIPERT, Abus ou relativité des droits, in Rev. crit. législ. et jurispr., 1929, p. 33.
31 ID., La règle morale dans les obligations civiles, Paris, 4e éd., no 103 bis.
32 N. VERHEYDEN-JEANMART, Le souci d’équité et le droit, recyclage en droit, 1981, Mons-Bruxelles-Namur, p. 19.
33 Ainsi formulé le principe est cependant excessif, comme le note très justement H. DE PAGE (op. cit., p. 163). Pris au pied de la lettre, il ferait obstacle à toute application de la théorie de l’abus de droit. Il faut admettre au contraire qu’exercer son droit peut causer un préjudice à autrui, la question restant de déterminer le seuil du préjudice acceptable.
34 Cf. en ce sens A. DE BERSAQUES, op. cit., p. 275 : « Le droit s’accorde avec la morale pour défendre tout acte inutilement nuisible. On ne voit aucun motif de tolérer un préjudice qui ne se trouve compensé par aucun profit licite, individuel ou social ».
35 Cf. Cass., 12 juillet 1917, Pas, I, p. 65 ; Cass., 16 novembre 1961, Pas, 1962, I, p. 332.
36 Civ. namur, 24 décembre 1935, Pas., 1937, IIΙ, p. 58.
37 Cass., 10 septembre 1971, R.C.J.B., 1976, p. 303.
38 12 juillet 1949, Res et Jura immobilia, 1949, p. 455.
39 Sur cette question, cf. les très nombreuses références citées par P. VAN OMMESLAGHE, op. cit., notes 66 à 69.
40 Op. cit., pp. 321-326.
41 Sur le problème en général, cf. J. RONSE, Le contrôle marginal des décisions discrétionnaires en droit privé, in La motivation des décisions de justice, Études publiées par Ch. Perelman et P. Foriers, Bruxelles, 1978, p. 403 et sv. Parler de contrôle « marginal » n’est-ce pas, une fois encore, adopter la logique gradualiste de la pesée ? Cf. par exemple, p. 405 : « si la décision se trouve prise en deça des limites dans lesquelles des décisions raisonnables différentes auraient pu être prises, le juge doit s’abstenir » (nous soulignons).
42 A. TRIBES, Le rôle de la notion d'intérêt en matière civile, op. cit., p. 186.
43 Ibidem, p. 175 et sv.
44 Th. HASSLER, L'intérêt commun, in Rev. Trim. Dr. Com., 1984, p. 581 et sv.
45 Ibidem, p. 638.
46 Ibidem, p. 612.
47 Ibidem, p. 631 et sv.
48 Ibidem, p. 612 et sv.
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