1063 L’ordre juridique de l’Union européenne sera examiné dans le cadre de la troisième partie.
1064 Sur la question, voy. J.M. Kelly, A Short History of Western Legal Theory, op. cit., p. 348-351 ; R. Raymond, Le xxe siècle de 1914 à nos jours. Introduction à l'histoire de notre temps, t. 3, Ed. du Seuil, 1989, p. 13-18. S. Toulmin compare la situation d’incertitude dans les années 1630 et 1930, autour de la notion d’Étatnation : « Thirty years of slaughter in the name of religion preceded the setting up of the modern system of nation-States : thirty years of slaughter in the name of nationhood were needed before Europeans and Americans were ready to acknowledge its shortcomings » (Cosmopolis, op. cit., p. 155-160).
1065 Il écrit que le succès du pragmatisme anglo-américain, « qui fonde la certitude sur l’utilité […] témoigne de l’intense intérêt d’actualité qui s’attache aux problèmes de la certitude ». Celle-ci constitue l’état « initial de la raison, dans l’ordre de la réflexion » ainsi que « la condition de la science : aussi la critériologie est une Théorie de la certitude » (D. Mercier, Cours de philosophie, op. cit., p. 1, 4 et 113).
1066 J. Dewey, The Quest for Certainty, op. cit., p. 6-7. Il écrit encore : « Judging, planning, choice, no matter how toroughly conducted, and action no matter how prudently executed, never are the sole determinants of any outcome » (ibid., p. 8). Les deux commentaires repris sur la quatrième de couverture sont signés par Whitehead et… le juge Holmes (sur ce dernier, voy. infra, no 261).
1067 I. Prigogine, La fin des certitudes, op. cit., p. 12-13 ; A. Papaux, Introduction à la philosophie du « droit en situation », op. cit., p. 65 et 221).
1068 J. Dewey, The Quest for Certainty, op. cit., p. 127-128. Dans une conférence donnée à Princeton en 1939, Albert Einstein confirme cependant sa conviction déterministe, expliquant les défaillances prédictives des sciences par la complexité des phénomènes naturels, et non par le désordre de la nature (A. Einstein, « Science and religion », conférence donnée lors du Princeton Theological Seminary, 1939, disponible à l’adresse suivante : http://www.panarchy.org/einstein/science.religion.1939.html). Au niveau de l’infiniment petit, cette conviction sera mise à mal par le principe d’incertitude d’Heisenberg.
1069 A.N. Whitehead, Science and the Modern World, Pelican Mentor Book, New York, 1948, p. 22-24 et 202. Le réaliste américain B. Cardozo reprendra cette idée (The Paradoxes of Legal Science, Greenwood Press, Westport, 1930, p. 7).
1070 B. Jarrosson, « Histoire des idées scientifiques », op. cit., p. 21. Le choix du mot « incertitude » plutôt que celui d’« indétermination » serait le résultat d’hésitations terminologiques et de traductions maheureuses (J.-M. Lévy-Leblond et Fr. Balibar, « When did the indeterminacy principle become the uncertainty principle ? », A.J.P, 1998, p. 275-280).
1071 K. Popper, L’univers irrésolu, op. cit., p. 135 ; M. W. Schröter, « European Legal Reasoning : a coherence-based Approach », A.R.S.P., 2006, p. 83.
1072 I. Prigogine, La fin des certitudes, op. cit., p. 12-14.
1073 S. Toulmin, Cosmopolis, op. cit., p. 11. Voy. également B. Jarrosson, « Histoire des idées scientifiques », op. cit., p. 21 ; I. Prigogine, La fin des certitudes, op. cit., p. 20.
1074 M. Heidegger, Chemins qui ne mènent nulle part, trad. par W. Brokmeier, Gallimard, Paris, 1962, p. 219.
1075 R.A. Posner, « What has Pragmatism to Offer Law », op. cit., p. 184. On connaît le critère poppérien de falsifiabilité pour la scientificité (voy. B. Jarrosson, « Histoire des idées scientifiques », op. cit., p. 26-27).
1076 L’auteur définit ce déterminisme comme étant la doctrine selon laquelle la « structure du monde est telle que tout événement peut être rationnellement prédit, au degré de précision voulu, à condition qu’une description suffisamment précise des événements passés, ainsi que toutes les lois de la nature, nous soit donnée » (K. Popper, L’univers irrésolu, op. cit., p. 1 ; voy. également p. 27 et 31).
1077 B. Frydman, Le sens des lois, op. cit., p. 536.
1078 Il est aussi considéré comme le fondateur de la philosophie pragmatique, et sera suivi par W. James et J. Dewey. Sur l’influence du pragmatisme de Peirce sur le réalisme américain (Holmes fréquentait un « Metaphysical club » à Harvard où il a notamment côtoyé Peirce), voy. B. Frydman, Le sens des lois, op. cit., p. 426 et 624 ; R.A. Posner, « What has Pragmatism to Offer Law », op. cit., p. 180).
1079 C.S. Peirce, Collected Papers, Harvard University Press, 1963, p. 332, prop. 5.484 : « But by ‘semiosis’ I mean, on the contrary, an action, or influence, which is, or involves, a cooperation of three subjects, such a sign, its object and its interpretant ». Il opère également la distinction entre l’émetteur du message, le message et son récepteur (F. Ost et M. van de Kerchove, De la pyramide au réseau ?, op. cit., p. 389).
1080 B. Frydman, Le sens des lois, op. cit., p. 577-583. Appliqué au droit, la sémiotique de Peirce permet de considérer que le sens d’un texte est donné par un autre texte exprimant la règle contenue par le premier, l’« interprétant » étant l’interprétation du premier texte et l’« interprétant final » l’interprétation sur laquelle s’accorderait « la communauté idéale de chercheurs ». Contrairement à l’idéal cartésien, « l’idée claire et distincte ne constitue donc pas le point de départ de la pensée mais bien son objectif final » et la semiosis « décrit ce processus de clarification progressive de la pensée et donc de son objet, dont l’interprétant final représente l’aboutissement idéal » (ibid., p. 582-586). Sur l’influence de Peirce sur Perelman, voy. infra, note 2111.
1081 Sur l’échec de ce projet « d’axiomatiser le langage démonstratif de toutes les sciences », voy. J.-Cl. Passeron et J. Revel, « Raisonner à partir de singularités », in Penser par cas, J.-Cl. Passeron et J. Revel (dir.), Ed. de l’EHESS, Paris, 2005, p. 38. Dès 1923, B. Russell énonce la distinction entre le noyau certain et la pénombre de doute des mots, dans des termes qui anticipent sur la notion de texture ouverte de Hart : « The fact is that all words are attributable without doubt over a certain area, but become questionable within a penumbra, outside which they are again certainly not attributable. Someone might seek to obtain precision in the use of words by saying that no word is to be applied in the penumbra, but unfortunately the penumbra is itself not accurately definable, and all the vaguenesses which apply to the primary use of words apply also when we try to fix a limit to their indubitable applicability » (« Vagueness », in Collected Papers of Bertrand Russell, J. Slated (éd.), Unwin Hyman, London, 1988, vol. IX, p. 151).
1082 L. Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus, trad. par G.-G. Granger, Gallimard, Paris, 1993, p. 43 (prop. 3.12) ; p. 50-51 (prop. 4.002) ; p. 51-55 (prop. 4.01, 4.021, 4.023 et 4.06) et p. 57 (prop. 4.11).
1083 L. Wittgenstein, Investigations philosophiques, trad. par P. Klossowski, Gallimard, Paris, 1961, § 43.
1084 L. Wittgenstein, De la certitude, trad. par J. Fauve, Gallimard, 1976, p. 131, § 559.
1085 Il formalisera sa pensée dans How to Do Things with Words sur la base de conférences données en 1955 à Harvard (J.O. Urmson, « Editor’s preface », in J.L. Austin, How to Do Things with Words, Clarendon Press, Oxford, 1962, p. v). Sur Austin et la distinction, plus alambiquée, entre actes locutoires, illocutoires et perlocutoires, voy. B. Frydman, Le sens des lois, op. cit., p. 553-559 ; D. Pasteger, « Actes de langage et jurisprudence. Illustrations de la réception de la théorie austinienne de la performativité du langage dans la pratique juridique », Dissensus, 2010, p. 70-71 ; D. Pieret, « From Claim to Rights. Langage, politique et droit », Dissensus, 2010, p. 2. Quelques années plus tard, J. Searle introduira la distinction entre les faits bruts (des hommes en toge noire) et institutionnels (un procès) : « They are indeed facts ; but their existence, unlike the existence of brute facts, presupposes the existence of certain human institutions » (Speech Acts. An Essay in the Philosophy of Language, C.U.P., 1969, p. 51).
1086 Fr. Müller, « Basic Questions of Constitutional Concretization », Rutgers Law Journal, 2000, p. 11-12 ; B. Frydman, Le sens des lois, op. cit., p. 533-536 ; J. Lenoble et F. Ost, Droit, mythe et raison, op. cit., p. 81 ; A. Papaux, Introduction à la philosophie du « droit en situation », op. cit., p. 163-165.
1087 P. H. Neuhaus, « Legal certainty versus Equity in the Conflict of Laws », Law & Cont. Prob., 1963, p. 797.
1088 M Graziadei, « Rights in the European Landscape… », op. cit., p. 70. Le seul endroit dans le monde moderne où le droit naturel, dans un sens thomiste, avait survécu dans la pratique était la jurisprudence des cours et tribunaux irlandais (J.M. Kelly, A Short History of Western Legal Theory, op. cit., p. 425). Dans un arrêt prononcé en 1935, la Cour suprême irlandaise a interprété comme suit la Constitution : « Every act, whether legislative, executive or judicial, in order to be lawful under the Constitution, must be capable of being justified under the authority thereby declared to be derived from God. From this it seems clear that, if any legislation […] were to offend against that acknowledged ultimate Source […], as, for instance, if it were repugnant to the Natural Law, such legislation would be necessarily unconstitutional and invalid, and it would be, therefore, absolutely null and void and inoperative » (The State (Ryan and Others) v. Lennon and Others, opinion du juge Kennedy [1935], 1 I.R., p. 205, nous soulignons).
1089 Aucune section ne lui sera donc consacrée dans les lignes qui suivent.
1090 J. E. Herget et S. Wallace, « The German Free Law Movement… », op. cit., p. 407.
1091 R. Stammler, The Theory of Justice, trad. par I. Husik, The Modern Legal Philosophy Series, New York, Augustus Kelley, 1969, p. 198-199, 207-209, 240 et 484-485.
1092 M. Weber, Rudolf Stammler et le matérialisme historique, Cerf, Paris, 2003.
1093 O. Jouanjan, Une histoire de la pensée juridique en Allemagne, op. cit., p. 295.
1094 M. Weber, Sociologie du droit, trad. J. Grosclaude, PUF, coll. « Quadrige », Paris, 2007, p. 42-43.
1095 The Theory of Justice, op. cit., p. 193-194.
1096 M. Weber, Economie et société, trad. par J. Freund e.a., Plon, Paris, t. 1, 1971, p. 346-350. Il écrit encore que « (s)elon l’ordre normal des choses, le but des personnes qui élaborent en commun une règle de droit ou qui la promulgent est d’ouvrir ou d’assurer par elle », dans le chef de certains individus, « des chances calculables de garder à leur disposition certains bien économiques, ou d’en acquérir la disposition ultérieurement » (ibid., p. 325). Comme le relève Fr. Rigaux, « Max Weber, avait déjà clairement analysé le lien entre sécurité juridique et le développement du capitalisme industriel : celui-ci s’est appuyé sur la prévisibilité des solutions, favorisée par la bureaucratisation du pouvoir politique […] et l’administration du droit par une classe de professionnels » (Introduction à la science du droit, Ed. Vie Ouvrière, Bruxelles, 1974, p. 374). Dans le même sens, F. Moderne, relève que « (l)a primauté de la loi sur les décisions ponctuelles est de nature, selon Weber, à favoriser l’essor du capitalisme dans la mesure où elle permet une prévision rationnelle et un calcul correct des chances et des risques » (« Légitimité des principes généraux et théorie du droit », R.F.D.A., 1999, p. 729).
1097 Il n’ignore pourtant pas l’expression, évoquant notamment « la rédaction systématique du droit dans l’intérêt de la sécurité juridique après des conflits sociaux » (M. Weber, Sociologie du droit, op. cit., p. 196).
1098 On se souviendra qu’il existe, selon lui, « un intérêt politique très puissant à la « sécurité juridique » créée par les codifications » et par un « fonctionnement précis de l’appareil administratif » (supra, no 167).
1099 G. Radbruch, « La sécurité en droit d’après la théorie anglaise », op. cit., p. 87-89 et 98 (« La sécurité du droit est une prémisse de toute civilisation. L’exigence de sécurité naît de la même nécessité profonde que l’idée de la loi de la nature : c’est le besoin de constituer en un ordre le désordre des données dispersées, de pouvoir prévoir et dominer la réalité »).
1100 W. Sauer, « Sécurité juridique et justice », trad. par P. Roubier et H. Mankiewicz, in Recueil Lambert, t. III, Sirey, Paris, 1938, p. 34 et 41-42 (nous soulignons).
1101 G. Radbruch, « Injustice légale et droit supra-légal », A.P.D., 1995, p. 312. Voy. aussi G. Radbruch, Legal Philosophy, in The Legal Philosophies of Lask, Radbruch, and Dabin, trad. par K. Wilk, p. 111 : « With fatal one-sidenesss, the past age of legal positivism saw only the positivity and certainty of the law and caused a long standstill in the systematic examination of the expediency, not mentioned the justice, of enacted law, for decades nearly silencing legal philosophy and legal policy ». Cette affirmation est partagée par P. Martens qui, évoquant les dérives du IIIe Reich et de Vichy, dénonce les « horreurs » issues des « mythes positivistes de la complétude de la loi et de la docilité du juge » (« Les principes généraux du droit », in Au-delà de la loi ? Actualités et évolutions des principes généraux du droit, S. Gilson (dir.), Anthémis, Louvain-la-Neuve, 2006, p. 19). Fr. Rigaux relativise, jurisprudence à l’appui, cette conception et conclut qu’il y a « des raisons de penser que la jurisprudence a péché plus par défaut que par excès de positivisme si l’on déduit de cette doctrine le devoir du juge de se conformer « à la loi » » (La loi des juges, Ed. O. Jacob, Paris, 1997, p. 105-107). En ce sens, voy. l’influence de l’école du Droit libre sur la jurisprudence allemande pendant la guerre (infra, no 255).
1102 G. Radbruch, « Injustice légale et droit supra-légal », op. cit., p. 313.
1103 H. Kelsen, Théorie pure du droit, op. cit., p. 9. Cette seconde édition, remaniée par Kelsen, diffère donc de la première. Déjà en 1926, il préfaçait avec L. Duguit le premier numéro de la Revue internationale de la théorie du droit en ces termes : « Nous croyons avoir des raisons sérieuses pour être persuadés que l’unique moyen pour assouvir nos aspirations vers la justice et vers l’équité, c’est l’assurance résignée qu’il n’y ait pas d’autre justice que celle que l’on trouve dans le droit positif des États et de la communauté des États » (H. Kelsen et L. Duguit, « Préface », Revue internationale de la théorie du droit, 1926, p. 3).
1104 H. Kelsen, Théorie pure du droit, op. cit., p. 13-14 et 83.
1105 Cette distinction entre sollen et sein, héritée de Hume, Kelsen estime qu’elle ne peut « être expliquée davantage » et qu’elle « est donnée à notre conscience de façon immédiate » (ibid., p. 14). Il rejette donc toute conception jusnaturaliste qui affirmerait atteindre « le droit juste immanent dans la nature en le déduisant de la nature, tout comme les hommes retirent l’or de la terre », alors que « la nature, du point de vue de la science, est un ensemble de faits reliés les uns aux autres par la loi de causalité ; et la déduction de normes à partir de faits est logiquement impossible » (« Positivisme juridique et doctrine du droit naturel », in Mélanges en l’honneur de Jean Dabin, Bruxelles-Paris, 1963, p. 142-143).
1106 H. Kelsen, Théorie pure du droit, op. cit., p. 16-17 et 196-197 et 224.
1107 Ibidem, p. 250.
1108 Théorie pure du droit, op. cit., p. 335-342.
1109 G. Radbruch, « La sécurité en droit d’après la théorie anglaise », op. cit., p. 87-89.
1110 Voy. supra, no 212. Comme l’écrivait, en 1824, le juge John Marshall de la Cour suprême : « Judicial power, as contradistinguished from the power of the laws, has no existence. Courts are the mere instruments of the law, and can will nothing. […] Judicial power is never exercised for the purpose of giving effect to the will of the judge, always for the purpose of giving effect to the will of the legislature ; or, in other words, to the will of the law. » (Osborn v. Bank of the United States, 22 U.S. 9 Wheat. 738 (1824), p. 866). Il faudra attendre 1999 pour que la House of Lords condamne explicitement cette théorie qualifiée de conte de fées auquel plus personne ne croit (Kleinwort Benson LTD. v. Lincoln City Council (no 8) 1999, 2 A.C. 345, opinion de Lord Browne-Wilkinson : « The theoretical position has been that judges do not make or change law : they discover and declare the law which is throughout the same. […] This theoretical position is, as Lord Reid said, a fairy tale in which no-one any longer believes. In truth, judges make and change the law. The whole of the common law is judge-made and only by judicial change in the law is the common law kept relevant in a changing world. »).
1111 J. E. Herget et S. Wallace, « The German Free Law Movement […] », op. cit., p. 419. Ces auteurs relèvent que l’influence des écoles positiviste et historique se fit principalement par l’intermédiaire d’auteurs britanniques et identifient le développement ultime de ce type de pensée analytique à la publication, par W.N. Hohfeld, de son célèbre article sur la terminologie juridique en 1913 (W.N. Hohfeld, « Some Fundamental Legal Conceptions as Applied in Judicial Reasoning », Yale L.J., 1913, p. 28-54).
1112 Supreme Court, Humphrey Marshall and Wife vs. James Currie [février 1807], in Reports of Decisions in the Supreme Court of the United States, 5e éd., Little, Brown & Cie, Boston, 1870, vol. 2, p. 60 ; Barry v. Edmunds [avril 1886], Virginia Law Journal, vol. 10, Issue 4 (April 1886), p. 206. Au niveau fédéré, voy. notamment Engels, Sheriff & Cie v. Day and others, Reports of Cases in the Supreme Court of the State of Arkansas, 1842, vol. 3, p. 278.
1113 Cet article est repris dans un ouvrage publié en 1913 : Fr. R. Coudert, Certainty and justice, op. cit., p. 13.
1114 J. Frank, Law and the Modern Mind, op. cit., p. 53. Sur les critiques de Frank à son égard, voy. infra, no 264.
1115 J.H. Beale, A Treatise on the Conflict of Laws, op. cit., p. 45-46, § 4.12 : « The social need of continuity in law is most clearly felt because society needs to know the law in advance of judicial action upon it. In order that law may help rather than hinder the carrying on of the work of society it must be possible for every person, of his own knowledge or by the help of others’ knowledge, to discover the application of the law to any contemplated act. He must be in some way secured against unexpected legal consequences of his actions. Business could not go on, industry could not be maintained unless it were possible for the producer or the merchant to learn how he could conform his activities to the law. For this purpose it must be possible for one learned in the law to speak with authority on the application of law to the proposed acts and to predict with reasonable degree of certainty the decision of courts in case the legality of the acts should be called in question. » (nous soulignons).
1116 J.E. Herget et S. Wallace, « The German Free Law Movement… », op. cit., p. 429-430.
1117 Il apparaît également que, contrairement aux opinions de certains (voy. supra, no 158), la doctrine française n'a pas attendu que le Conseil d'État consacre le principe de sécurité juridique pour affirmer l'importance de la certitude du droit (Th. Piazzon, La sécurité juridique, op. cit., p. 110-112 et les réf. à Battifol, Dabin, Waline et Hauriou). S’il ne cite pas les termes de « sécurité juridique », M. Hauriou se réfère constamment au besoin de stabilité et, complétant la définition d'Ulpien, affirme que le droit est « à la fois l’ars boni et aequi et l’ars stabilis et securi » (« L’ordre social, la justice et le droit », R.T.D. civ., 1927, p. 824).
1118 Selon Heck, l’école du droit libre, qui essaie de libérer les juges des contraintes du droit écrit, est une progéniture de la nouvelle école de la jurisprudence des intérêts et il convient de la répudier (« The Jurisprudence of Interests. An outline », op. cit., p. 32). D’autres auteurs présentent Heck comme un membre dissident de l’école du droit libre (J. E. Herget et S. Wallace, « The German Free Law Movement… », op. cit., p. 418), ce que la chronologie semble confirmer si on prend en compte les premiers écrits de Ph. Heck ou infirmer si on part de Jhering comme précurseur de l’école de la jurisprudence des intérêts.
1119 Ph. Heck, « The Jurisprudence of Interests. An outline », op. cit., p. 31-36. La science juridique doit donc suggérer des règles pour la solution des différents conflits d’intérêts et ensuite les classer et les systématiser, et non l’inverse, les concepts juridiques n’étant que des condensations subséquentes de règles juridiques, des labels apposés sur les tiroirs dans lesquels on range les règles par souci d’efficacité (ibid., p. 37 et 46-48).
1120 Ibidem, p. 37-42. Selon lui, la méthode constructiviste est illogique, peu utile et n’assure pas la sécurité juridique (vu les controverses sur la construction des concepts). Si elle permet au juge de se rassurer quant à l’objectivité de son raisonnement, il s’agit cependant d’un artifice masquant son vrai raisonnement, qu’il qualifie de « crypto-sociologie ».
1121 J.M. Kelly, A Short History of Western Legal Theory, op. cit., p. 359. Certains auteurs identifient déjà ces racines, outre chez Jhering, dans des écrits de J. Kohler en 1886 et du même E. Ehrlich en 1888, ou dans l’œuvre de Fr. Gény (J. E. Herget et S. Wallace, « The German Free Law Movement… », op. cit., p. 408).
1122 Voy. supra, no 168.
1123 H. Kantorowicz, « The Battle for Legal Science » (sous le pseudonyme de Gnavius Flavius), trad. par C. Merrill, G.L.J., 2011, p. 2007-2011 et 2019 (« For it becomes more incredible and utterly out of the question that the creator of a legal proposition had foreseen all cases subordinate to it, and, if he had, would have decided in favor of that proposition. So then no legislator, no power, no will, not that mystical « will of the legal code », and certainly no reality will stick any more behind those universal propositions, and their increasing number of cases within the general public, than the hollow sound of words and the ink of printed paper »). Il entame de la sorte son texte : « May this work recruit new fighters in the struggle for the liberation of legal science, for the assault on the last bastion of scholasticism » (ibid., p. 2005).
1124 Ibidem, p. 2013-2014 et 2024-2025 et 2030.
1125 H. Kelsen, Théorie pure du droit, op. cit., p. 251.
1126 H. Kantorowicz, « The Battle for Legal Science », op. cit., p. 2024. Plus loin, il écrit encore, marquant une différence importante avec le réalisme américain : « 'A judgment must be foreseeable'. A lovely idea of course, but eternally unattainable. If a judgment were foreseeable, there would be no litigation as well as no judgments, for who would endure a lawsuit in which he, as it was foreseen, would lose ? » (ibid., p. 2026). Il est piquant de constater qu’il a pris comme pseudonyme le nom du scribe qui s’est, le premier, battu pour la logique subjective de la sécurité juridique.
1127 J. E. Herget et S. Wallace, « The German Free Law Movement… », op. cit., p. 416-419. J.-M. Kelly évoque également l’exemple du czzzode pénal du 28 juin 1935, qui punissait tout acte déclaré illégal par la loi « qui, à la lumière de l’objectif de base du droit pénal, et selon le sain sentiment populaire, mérite d’être puni » (A Short History of Western Legal Theory, op. cit., p. 360 (trad. libre). Cette influence permet de relativiser le lien entre le régime nazi et le positivisme (voy. supra, no 250).
1128 Sur la controverse visant à déterminer quelle expression, entre celle de « libre recherche scientifique » ou celle, utilisée par Ehrlich, de « Freie Rechtsfindung », fut proposée en premier, voy. J. E. Herget et S. Wallace, « The German Free Law Movement… », op. cit., p. 410.
1129 F. GENY, Méthode d’interprétation et sources en droit privé positif, t. I, 1954, p. 5, § 3.
1130 Méthode d'interprétation…, op. cit., t. I, 1954, p. 64-67 (nos 32-33) ; 217 (no 86) et t. II, p. 87-89 (§ 158-159).
1131 J. E. Herget et S. Wallace, « The German Free Law Movement… », op. cit., p. 409-410.
1132 F. Geny, Méthode d’interprétation, op. cit., t. II, 1954, p. 29-56, spéc. p. 49.
1133 Méthode d'interprétation…, op. cit., t. I, 1954, p. 216-217, no 86.
1134 P. Vander Eycken, Méthode positive de l’interprétation juridique, Falk Fils, Bruxelles, 1906, p. 8, 11, 115, 323 et 326. Pour un résumé critique de cette méthode, voy. B. Frydman, Le sens des lois, op. cit., p. 491.
1135 P. Vander Eycken, Méthode positive de l’interprétation juridique, op. cit., p. 115-116 et 325-326 (ce besoin de sûreté donne également à la loi son caractère conservateur et impose de ne changer les lois « que lorsque les idées nouvelles se sont propagées et ont pris une telle consistance que la situation légale établie en devient véritablement artificielle. Alors la modification est attendue, elle consacre la situation naturelle et, loin de compromettre la sûreté, elle la raffermit »).
1136 Méthode positive…, op. cit., p. 336. Le problème des réactionnaires, poursuit-il, est qu’ils ne saisissent pas ce rapport entre la liberté et la sécurité et privilégient la seconde et le statu quo au lieu de voir que celui-ci ne se justifie que parce qu’il a traduit, à un moment donné, le résultat des forces en présence. En cas de changement, « prétendre à tout prix maintenir ce qui existait précédemment, c'est empêcher l'établissement d'une harmonie nouvelle, qui est devenue nécessaire, c'est compromettre la sécurité elle-même » (ibid., p. 116).
1137 R. Demogue, Les Notions fondamentales du droit privé, essai critique, pour servir d'introduction à l'étude des obligations, Ed. Arthur Rousseau, Paris, 1911, p. 64-67 et 98. Th. Piazzon relève que Demogue ne distingue pas toujours clairement entre sécurité matérielle et juridique (La sécurité juridique, op. cit., p. 102).
1138 R. Demogue, Les notions fondamentales du droit privé, op. cit., p. 68-93 (« l’intelligence la plus aiguisée ne peut prévoir tout ce qui arrivera et risque d'avoir tout prévu, sauf ce qui se produit »).
1139 E. Lévy, « Introduction au droit naturel », in Les fondements du droit, Ed. Félix Alcan, Paris, 1939, p. 96.
1140 E. Lévy, « éléments d’une doctrine », in Les fondements du droit, op. cit., p. 131). Du contrat, il écrivait qu’il était « la procédure de confiance devenue procédure des échanges » (« Définition du contrat », in Les fondements du droit, op. cit., p. 144). Pour une critique de cette importance accordée à la confiance légitime, voy. G. Ripert, « Le socialisme juridique d’Emmanuel Lévy », Revue critique de législation et de jurisprudence, 1928 p. 21-36. Sur la théorie d’E. Lévy, et notamment sa thèse de 1896, voy. également S. Calmes, Du principe de protection de la confiance légitime, op. cit., p. 9 et 593-594.
1141 J.E. Herget et S. Wallace, « The German Free Law Movement… », op. cit., p. 420. Sur le mélange, propre aux États-Unis, du pragmatisme de la Common law, et de l’approche scientifique de l’Europe continentale, voy. H. Pihlajamaki, « Against Metaphysics in Law : The Historical Background of American and Scandinavian Legal Realism Compared », Am. J. Comp. L., 2004, p. 483-484.
1142 J.C. Gray, « Some Definitions and Questions in Jurisprudence », Harv. L. Rev., 1892, p. 24-28. Il est piquant de constater la raison de son désaccord avec la critique, formulée par le professeur Holland, à l’encontre de l’utilisation française du mot « jurisprudence » qui désignait, à l’origine, la science du droit (voy. Th. E. Holland, The Elements of Jurisprudence, 8e éd., Clarendon Press, Oxford, 1896, p. 2-4). Selon Gray, il est au contraire souhaitable d’avoir une expression pour la science qui enseigne la façon dont les tribunaux d’un pays particulier doivent décider les cas. Nul doute que la doctrine française positiviste aurait froncé les sourcils à l’évocation de cette conception.
1143 J.C. Gray, The Nature and Sources of the Law, Ashgate Dartmouth, Aldershot, 1921, p. 54 et 63 (« all the Law is judge-made law »).
1144 Il dénonce l’habitude des juges de minimiser leur pouvoir créateur en affirmant que leur seule fonction est de construire des syllogismes, alors que le droit jurisprudentiel est une sorte de législation (« Some Definitions and Questions in Jurisprudence », op. cit., p. 33 ; The Nature and Sources of the Law, op. cit., p. 63).
1145 J. Frank, Law and the Modern Mind, op. cit., p. 132-133 ; J.M. Kelly, A Short History of Western Legal Theory, op. cit., p. 366-368 ; B. Frydman, Le sens des lois, op. cit., p. 424. Comme le relève Fuller : « The realist himself likes to consider his movement as taking its origin in an address delivered by Justice Holmes in 1897 » (« American Legal Realism », Penn. L. Rev., vol. 82, 1934, p. 429).
1146 O. W. Holmes Jr., Common Law, MacMillan, London, 1882, p. 1 (« The life of the law has not been logic : it has been experience »).
1147 O. W. Holmes Jr., « The Path of the Law », Harv. L.R., 1897, p. 459-461 et 466. Pour un commentaire de cette phrase, voy. S.D. Smith, « The (Always) Imminent Death of the Law », San Diego L. Rev., 2007, p. 52-56. Sur la notion de « bad man » chez Holmes, voy. W. Twining et D. Miers, How To Do Things With Rules, 4e éd., Butterworths, Londres-Edimbourg-Dublin, 1999, p. 73-75.
1148 H. Pihlajamaki, « Against Metaphysics in Law… », op. cit., p. 471 et 479-481 ; J. E. Herget et S. Wallace, « The German Free Law Movement… », op. cit., p. 401. Ces auteurs considèrent que le début officiel du mouvement est un discours donné par le professeur H. Oliphan à la réunion annuelle de l’Association of American Law Schools en 1927 (ibid., p. 431). Pour un exposé critique de la pensée réaliste, voy. M.S. Green, « Legal Realism as Theory of Law », Wm & Mary L. Rev., 2004-2005, p. 1917-1999 ; F. Ost et M. van de Kerchove, De la pyramide au réseau ?, op. cit., p. 376-380. Comme le relève Fuller, si la jurisprudence des intérêts présente certains points communs avec le réalisme américain, elle ne considère pas, à la différence de ce dernier, le droit comme étant la science de la prévision du comportement judiciaire (L. Fuller, « Introduction », in The Jurisprudence of Interests, op. cit., p. xx).
1149 B. Frydman, Le sens des lois, op. cit., p. 424. Pour un exposé très détaillé sur l’influence du mouvement du droit libre sur les thèses réalistes américaines, voy. J. E. Herget et S. Wallace, « The German Free Law Movement… », op. cit., p. 399-455. R. Pound affirme que la certitude recherchée par l’application mécanique de règles fixes au comportement humain a toujours été illusoire mais opère une distinction entre le domaine des affaires et des transactions, où il y a un besoin de sécurité juridique, et les autres domaines du droit qui régulent la vie humaine individuelle, où la flexibilité doit prévaloir (Introduction to the Philosophy of Law, Yale University Press, New Haven, 1922, p. 142-143 ; « The Theory of Judicial Decision », Harv.L.R., 1922-1923, p. 825). Pour Frank, cependant, Pound n’arrive pas à se débarrasser complètement du mythe de la certitude (Law and the Modern Mind, op. cit., p. 221-231).
1150 B.N. Cardozo, The Nature of the Judicial Process, op. cit., p. 166.
1151 B.N. Cardozo, The Nature of the Judicial Process, op. cit., p. 4 (« ‘Nomos’, one might fairly say, is the child of antinomies, and is born of them in travail ») et 5-12 et 14).
1152 Ibidem, p. 10 (« I take judge-made law as one of the existing realities of life ») ; p. 64-74, 103-113, 137 et 150-151.
1153 Ibid., p. 160 (trad. libre : « Somewhere between worship of the past and exaltation of the present, the path of safety will be found »). Il précisera, dix ans plus tard : « Certainty and uniformity are gains not lightly to be sacrificed » (The Paradoxes of Legal Science, op. cit., p. 30).
1154 L.L. Fuller, « American Legal Realism », op. cit., p. 430.
1155 K. Llewellyn, The Bramble Bush. The Classic Lectures on the Law and Law School, O.U.P., New York, 2008, p. 15 et 116. Selon lui : « What these officials do about disputes is, to my mind, the law itself […]. And rules, in all of this, are important to you so far as they help you see or predict what judges will do or so far as they help you to get judges to do something. That is their importance. That is all their importance, except as pretty playthings » (ibid., p. 5 et 7). Il écrit encore : « The only test of whether and how far a rule authoritatively prevails as a rule of Ought is : how far will courts follow it […] » (ibid., p. 82).
1156 Ibidem, p. 35, 63-65 et 165 (« There is no precedent the judge may not at his need either file down to razor thinness or expand into a bludgeon »). Ces prévisions mêmes peuvent être qualifiées de règles : « I have no hesitancy in calling these predictions rules ; they are, however, thus far only rules of the court’s action ; they are statements of the practices of the court » (ibid., p. 81-82). Il est probable que le juge ne s’écarte pas trop facilement d’un précédent, sachant que sa décision sera rétroactive, notamment lorsqu’il ignore le nombre d’attentes qui pourraient être déçues par un revirement de jurisprudence (ibid., p. 77 et 82).
1157 Ibid., p. 70 et 117-118. Dans un régime de prévisibilité presque totale, les hommes perdraient cette élasticité d’esprit nécessaire au cas où un imprévu surgirait malgré tout. Du reste, c’est précisément cette situation de « jeu libre » (free play) qui explique le besoin de droit, car elle permet l’émergence de conflits.
1158 Präjudizienrecht und Rechtsprechung in Amerika, eine Spruch-Auswahl mit Besprechung (1933).
1159 L.L. Fuller, « American Legal Realism », op. cit., p. 432 (« Legal certainty for the layman is not predictability of judicial decision, it is congruence between legal rules and the ways of life »). Il exprime des doutes sur le fait que ces normes « laïques » soient aussi claires que le sous-entend Llewellyn (ibid., p. 433).
1160 M.S. Green, « Legal Realism as Theory of Law », op. cit., p. 1978.
1161 J. Frank, Law and the Modern Mind, op. cit., p. 3-13.
1162 Bien que son analyse semble davantage relever des théories freudiennes (voy. supra, no 223). Sur l’influence de la psychanalyse sur les réalistes et la société américaine des années 1920-1930 en général (W.E. Rumble, « American Legal Realism and the Reduction of Uncertainty », J. Publ. L., 1964, p. 55).
1163 J. Frank, Law and the Modern Mind, op. cit., p. 14-21 : « […] it is obvious enough : to the child, the father is the Infaillible Judge, the Maker of definite rules of conduct ». Il relève que la science souffre également de cette recherche de la figure paternelle, notamment lorsqu’elle supporte la charge d’être la garante de la certitude cosmique. Il reconnaît qu’il existe d’autres explications et souligne abondamment le caractère partiel de la sienne (ibid., p. 22-23, 171, 251, 281-282, 391). Il cite, succinctement, quatorze autres causes dans l’appendice I de son ouvrage : une impulsion religieuse ou esthétique ; l’effet d’habitudes professionnelles ; une interprétation économique (les juges conservateurs, protègent les droits acquis) ; l’instinct humain d’auto-préservation ; l’intérêt pratique à la paix et à la tranquilité ; l’imitation ; la dévotion envers la coutume ; l’inertie ; la paresse ou fatigue physique ; la stupidité ; la structure mentale ; le langage et l’attirance pour la magie des mots ; la tendance de l’esprit à préférer la solution immédiate à un problème ou à assurer la sécurité des convictions.
1164 J. Frank, Law and the Modern Mind, op. cit., p. 8, 35-38, 50-51, 63-70, 102-105 et 270. Il en résulte que tout le monde peut faire une règle de droit, en étudiant les précédents et en faisant des prédictions sur les futures décisions : ce qui fait sa validité, ou sa valeur, c’est son degré de fiabilité et non l’auteur de la prédiction (Ibid., p. 297-298). Sur les faiblesses de cette conception qui assimile des prédictions sur le droit au droit lui-même, voy., outre les critiques précitées de Kelsen (supra, no 265), F. Ost et M. van de Kerchove, De la pyramide au réseau ?, op. cit., p. 379.
1165 J. Frank, Law and the Modern Mind, op. cit., p. 72, 163 et 108-109. En outre, les juges utilisent parfois un langage ambigu pour masquer les changements importants de jurisprudence (ibid., p. 24-34).
1166 Ibidem, p. 32, 113-114 et 123-126 (« For in the last push, a judge’s decisions are the outcome of his entire life-history ») ; p. 148 et 156. Dans un addendum à la seconde impression de son ouvrage, Frank précisera cependant les limites de toute approche prédictive : « That further observation and description of what induces decisions will make future decisions markedly more predictable seems to the writer most improbable. He inclines, tentatively, to the belief that most more accurate description of the judicial process will serve to show that efforts to procure such predictability (via anthropology, economics, sociology, statistics or otherwise) are doomed to failure » (ibid., p. 399). Comme pour lui donner raison, le juge J.C. Hutcheson publiait, la même année que le livre de Frank, un article dans lequel il affirmait qu’un juge ne décide qu’à partir d’une intuition, qu’il formalise par la suite (« The Judgment Intuitive : the Function of the ‘Hunch’in Judicial Decision », Cornell Law. Q., 1929, p. 274-288).
1167 J. Frank, Law and the Modern Mind, op. cit., p. 7.
1168 J. Frank, Law and the Modern Mind, op. cit., p. 105, 149 et 269.
1169 J.R. Maxeiner souligne l’impact de J. Frank sur le discrédit de la notion de sécurité juridique aux États-Unis (« Legal certainty : a European Alternative to American legal indeterminacy ? », Tul. J. Int’L & Comp. L., 2006-2007, p. 544).
1170 Frank écrit qu’en abandonnant l’espoir infantile d’une sécurité juridique absolue, nous pouvons augmenter de façon significative la sécurité juridique réelle (Law and the Modern Mind, op. cit., p. 171). Sur l’ambiguïté du rapport de Frank à l’incertitude, voy. W.E. Rumble, « American Legal Realism… », op. cit., p. 47-51.
1171 Comme le relève W.E. Rumble : « What the legal realists rejected was not the goal of increasing legal certainty, but the particular means which have traditionnaly been relied upon to achieve it » (« American Legal Realism […] », op. cit., p. 46 et 64-65). Dans le même sens, voy. H.J.M. Boukema, Judging. Towards a rational judicial process, W.E.J. Tjeenk Willink, 1980, p. 26.
1172 L.L. Fuller, « American Legal Realism », op. cit., p. 434-437.
1173 W.E. Rumble, « American Legal Realism… », op. cit., p. 61 et 72. J. Frank semble avoir embrassé une sorte de néo-thomisme vers le milieu des années 1940 et K. Llewellyn se serait finalement rapproché d’une pensée jusnaturaliste (J. E. Herget et S. Wallace, « The German Free Law Movement… », op. cit., p. 436 ; J.M. Kelly, A Short History of Western Legal Theory, op. cit., p. 369). En 1940, H.M. Wade écrivait que la sécurité juridique avait régné en maître depuis la naissance de la science juridique et que c’était précisément lorsque la plus grande importance lui était accordée que surgissaient les attaques les plus fréquentes et les plus amères à son encontre. Il estime en outre que l’analyse de Frank n’explique pas en quoi ce désir de certitude serait critiquable (« The concept of legal certainty : a preliminary skirmish », Mod. L. Rev., 1940-1941, p. 188-191).
1174 Kelsen distingue les normes juridiques, créées par les organes compétents et qui sont destinées à produire des effets, des propositions de droit, qui ne visent qu’à décrire ces normes juridiques et qui sont produites par la science juridique. Les premières sont le fait du législateur et des juges et peuvent être valables ou non valables, les secondes émanent de la doctrine et peuvent être vraies ou fausses (Théorie pure du droit, op. cit., p. 78-82).
1175 Théorie pure du droit, op. cit., p. 95-97 (« Prédire les décisions juridictionnelles futures peut être l’affaire des avocats qui conseillent leurs clients. Mais il ne faut pas confondre la science du droit avec la fonction de conseil juridique »).
1176 H.L.A. Hart, Le concept de droit, trad. M. van de Kerckhove, 2e éd., Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles, 2005, p. 150-156. Sur la distinction de Hart entre règles primaires et secondaires, voy. infra, no 274. Les réponses de Hart aux sceptiques ont largement discrédité les thèses des réalistes (M.S. Green, « Legal Realism as Theory of Law », op. cit., p. 1917 ; Ch. Leben, « Le principe de légalité devant la loi et la théorie de l’interprétation judiciaire », in Chaïm Perelman et la pensée contemporaine, textes rassemblés par G. Haarscher, éd. Bruylant, 1994, p. 223-234).
1177 G. Coleman, « The Scandinavian Legal Realists : a Critical Analysis », Fac. L. Rev., 1960, p. 152-162 ; M.S. Green, « Legal Realism as Theory of Law », op. cit., p. 1998 ; F. Ost et M. van de Kerchove, De la pyramide au réseau ?, op. cit., p. 380 ; A. Ross, On Law and Justice, op. cit., p. 68 ; J.M. Kelly, A Short History of Western Legal Theory, op. cit., p. 371-372. Sur les différences et les points communs entre les deux mouvements, voy. H. Pihlajamaki, « Against Metaphysics in Law… », op. cit., p. 470-472.
1178 A. Ross, On Law and Justice, op. cit., p. 29 et 35. La validité d’une norme n’est donc pas une propriété objective de la règle mais dépend d’une disposition psychologique empiriquement observable (F. Ost et M. van de Kerchove, De la pyramide au réseau ?, op. cit., p. 381). A. Dufour parle ainsi du « positivisme psychologique » de Ross (« Droit naturel/Droit positif », op. cit., p. 71). Cette conception ne va pas sans rappeler l’approche subjectiviste de Jellinek. Voy. supra, no 231.
1179 Ibidem, p. 35-36 et 45.
1180 A. Ross, On Law and Justice, op. cit., p. 37, 43 et 70-74.
1181 M.-Th. Bitsch, Histoire de la construction européenne, Ed. Complexe, 2001, p. 15-43.
1182 D. Zolo, « The Rule of Law… », op. cit., p. 43-49 ; L. Ferrajoli, « The Past and the Future of the Rule of Law », in The Rule of Law History, Theory and Criticism, op. cit., p. 336 et s. ; J. Chevallier, L’État post-moderne, op. cit., p. 15-17 et 103-107. Selon P. Moor, cette crise résulte de la coexistence des trois logiques correspondant à chacune des périodes d’action de l’État : l’État policier, l’État prestataire et l’État gestionnaire : « L’une permet aux individus d’empêcher l’État de leur prendre ce qu’ils reçoivent de la société. L’autre les conduit à demander à l’État de leur donner ce que la société leur refuse. La troisième les autorise à attendre de l’État qu’il reconnaisse en eux ce en quoi ils se distinguent du reste de la société. Toutes ensemble, elles font aimer l’État comme un père protecteur et le font haïr comme un père tyrannique ; elles font aimer l’État comme une mère nourricière et le font haïr comme une mère possessive. » (Pour une théorie micropolitique du droit, op. cit., p. 138).
1183 F. Ost et M. van de Kerchove, De la pyramide au réseau ?, op. cit.
1184 Selon D. Zolo, l’ignorance du droit devient une pratique délibérée des juridictions : « Not only is ignorantia legis widespread, since citizens are increasingly unable to know which laws are valid and what their normative impact is, but the deliberate ignorance of law is an inevitable judicial practice, even within the highest courts. To tacitly ignore the law, either totally or partially, seems to be a condition required not only to deliver a judgement, but also to carry out ordinary administrative activities. » (« The Rule of Law… », op. cit., p. 45). Selon N. Luhmann, l’obligation de connaître tout le droit, non seulement est impossible mais serait en plus irrationnelle : « it is not even rational now for the individual both to gain legal knowledge to store for the future and to keep it up to date, however frequently he is confronted with certain legal cases in his occupation. » (A Sociological Theory of Law, op. cit., p. 195).
1185 J.-B. Auby et D. Dero-Bugny, « Les principes de sécurité juridique et de confiance légitime », op. cit., p. 475 ; P. Reuter, « Le recours de la Cour de justice des Communautés européennes à des principes généraux du droit », in Mélanges offerts à Henri Rolin, 1964, p. 280 ; L. Idot, « L’insécurité dans le droit communautaire », op. cit., p. 34. Sur l’importance des considérations économiques pour la Cour, voy. E. Sharpston, « Legitimate Expectations and Economic Reality », op. cit., p. 103.
1186 Voy. infra, troisième partie, chapitre i, section 2.
1187 H. Sesmat, La sécurité moderne. Cycle général de la sécurité juridique, Ed. St-Paul, Paris, 1944, p. 11-20. Il est nécessaire qu’aucun justiciable ne puisse « sensoriellement ignorer le moindre fragment des lois de son statut », ce qui exige, outre le simple accès matériel, qu’il soit en mesure de « le comprendre, en pénétrer sa mentalité, parfois l’étudier en détail et à loisir » (ibid., p. 90-92). Et de conclure que, si « les lois étaient parfaitement conditionnées, si les assujettis avaient reçu et conservé une parfaite information civique sur les bancs de l’école, l’interprétation des lois serait inutile et inconnue » (ibid., p. 94).
1188 F. Rigaux évoque le « véritable culte » que lui voue la doctrine classique (Introduction à la science du droit, op. cit., p. 373).
1189 G. Ripert, Le déclin du droit. études sur la législation contemporaine, L.G.D.J., Paris, 1949, p. 3 et 154. J. Boulanger écrit que « (l)’ordre juridique fondé par le Code civil devait être stable et procurer une indispensable sécurité » (« Principes généraux du droit et droit positif », op. cit., p. 59) et J. Carbonnier, quelques années plus tard, relève qu’au xixe siècle « le droit pouvait s’enseigner comme un enchaînement de certitudes » (Flexible droit, 7e éd., op. cit., p. 167).
1190 P. Roubier, Théorie générale du droit. Histoire des doctrines juridiques et philosophie des valeurs sociales, 2e éd., Sirey, Paris, 1951, p. 318-319 et 332-334. Selon lui, chaque école de pensée juridique a privilégié une de ces valeurs : la sécurité juridique pour les écoles formalistes, la justice pour les écoles idéalistes et le progrès social pour les réalistes (ibid., p. 319, 324 et 326). Th. Piazzon relève que Roubier est souvent présenté comme le plus grand promoteur français de l’idée de sécurité juridique (La sécurité juridique, op. cit., p. 106 et les références citées).
1191 P. Morvan, Le principe de droit privé, op. cit., p. 211 ; R. Grote, « Rule of Law… », op. cit., p. 292. Dès 1920, l’article 38 du statut de la Cour internationale de justice mentionnait « les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées » comme des normes que cette juridiction devait appliquer. Sur l’historique de la notion de principe, voy. E. Pattaro, « Les principes généraux du droit entre raison et autorité », in Arguments d’autorité et arguments de raison en droit, G. Haarscher, L. Ingber et R. Vander Elst (dir.), Ed. Nemesis, Bruxelles, 1988, p. 274-290 ; J.-M. Turlan, « Principe. Jalons pour l’histoire d’un mot », in La responsabilité à travers les âges, Économica, 1989, p. 116-123 ; P. Morvan, Le principe de droit privé, op. cit., p. 16-32.
1192 M. Herdegen, « The Origins and Development of the General Principles of Community Law », in General Principles of European Community Law, op. cit., p. 6.
1193 C.E., Ass., 26 octobre 1945, Aramu, Rec., p. 213. Cet arrêt est généralement présenté comme consacrant la théorie des principes généraux par le Conseil d’État (Ph. Gérard, Droit, égalité et idéologie, op. cit., p. 11), même si certains auteurs identifient des arrêts faisant application de tels principes antérieurement (P. Morvan, Le principe de droit privé, op. cit., p. 310 ; T. Koopmans, « General Principles of Law… », op. cit., p. 26).
1194 Selon Chaïm Perelman, les principes généraux du droit « remplissent actuellement le rôle longtemps dévolu au droit naturel » (« Ordre juridique et consensus », J.T., 1982, p. 133). X. Dieux évoque le « jusnaturalisme foncier des principes généraux du droit », qui entraînent, en l’absence de dispositions légales particulières, une « espèce d’effet direct de l’axiologie dans l’ordre juridique positif » (Le respect dû aux anticipations légitimes d'autrui : essai sur la genèse d'un principe général de droit, Bruylant, Bruxelles, 1995, p. 68 et 88).
1195 Sur la question, voy. supra, no 250.
1196 J.M. Kelly, A Short History of Western Legal Theory, op. cit., p. 353 et les réf. citées ; M. Fromont, « République fédérale d’Allemagne… », op. cit., p. 1209-1224. L. Ferrajoli relève que la sujétion de la législation à la constitution introduit un élément d’insécurité permanente concernant sa validité, mais en même temps réduit l’incertitude en limitant les interprétations « légitimes » possibles (« The Past and the Future of the Rule of Law… », op. cit., p. 329).
1197 T. Tridimas, The General Principles of EU Law, op. cit., p. 24.
1198 M. Fromont, « Le principe de sécurité juridique », op. cit., p. 183 ; P. Popelier, Rechtszekerheid als beginsel, op. cit., p. 162-163 ; J. Chevallier, L’État postmoderne, op. cit., p. 149 (et les réf. citées) ; R. Grote, « Rule of Law… », op. cit. p. 285.
1199 S. Calmes, Du principe de protection de la confiance légitime, op. cit., p. 10 et 19. Sur les antécédents du principe en droit international, voy. J.-Cl. Gautron, « Le principe de protection de la confiance légitime », op. cit., p. 201-202. On assiste ainsi à un retour discret de la logique fiduciaire de la sécurité juridique.
1200 Après guerre, le droit naturel va retrouver une place, certes transformée, chez des auteurs comme G. Radbruch, M. Villey ou, plus tard, J. Finnis (sur la question, voy. J.M. Kelly, A Short History of Western Legal Theory, op. cit., p. 418-428 ; J.-P. Cléro, « Une hypothèse sur l’éclipse de la notion de contrat social », op. cit., p. 93 ; G. Timsit, Les noms de la loi, op. cit., p. 34). Selon Finnis, « Legal positivism is an incoherent intellectual enterprise […]. The centrepiece of natural law theory of law is its explanation of how the making of « purely positive » law can create moral obligations which did NOT exist until the moment of enactment » (« On the Incoherence of Legal Positivism », in Philosophy of Law and Legal Theory : An Anthology, D. Patterson (ed.), Blackwell Publishing, 2003, p. 134 et 140).
1201 H. Hart, The Concept of Law, op. cit., 2e éd., Clarendon Press, Oxford, 1994 ; H.L.A. Hart, Le concept de droit, op. cit.. Par souci de simplicité, et sauf exception, nous nous référerons à la version française par la suite.
1202 Ibidem, p. 110-122, 166-172 et 269. ; Ph. Gérard, « L’idée de règle de reconnaissance : valeur, limites et incertitudes », R.I.E.J., 2010, p. 79. F. Ost relève que la distinction entre règles primaires et secondaires avait déjà été anticipée par Bentham (« Codification et temporalité dans la pensée de J. Bentham », op. cit., p. 174).
1203 Il donne le fameux exemple du panneau qui interdit les véhicules dans un parc et souligne le caractère indéterminé du terme « véhicule » (Le concept de droit, op. cit., p. 141-146). B. Bix considère que la notion d’« open texture » de Hart trouve ses racines dans les travaux de Fr. Waismann, qui renvoient à ceux de Wittgenstein (Law, Language and Legal Indeterminacy, Clarendon Press, Oxford, 1995, p. 10-17). On se rappellera par ailleurs les termes de Russell relatifs à la zone de pénombre autour du sens des mots (voy. supra note 1081). L’exemple des véhicules dans le parc suscitera une littérature abondante, voy. L.L. Fuller, The Morality of Law, op. cit., p. 81-91 ; L.L. Fuller, « Positivism and Fidelity to Law – A Reply to Professor Hart », Harv. L. Rev., 1958, p. 664 ; F. Schauer, « A critical guide to vehicles in the park », New York Univ. L.R., 2008, p. 1109-1111 et les références citées, et p. 1126 sur le lien entre Hart et Russell).
1204 H.L.A. Hart, Le concept de droit, op. cit., p. 147-149 et 154. Il rétorque à la critique de Dworkin, selon laquelle cette création judiciaire du droit serait rétroactive et donc injuste, que ce ne serait le cas que dans la mesure où la décision ne répondrait « pas aux attentes légitimes de ceux qui, en agissant, se sont fondés sur la supposition que les conséquences juridiques de leurs actes seraient déterminées par l’état du droit en vigueur qu’ils connaissaient au moment où ils ont agi ». Or, il en va différemment des cas difficiles (hard cases) dans lesquels les juges exercent un pouvoir discrétionnaire dès lors que ce « sont des cas que le droit a laissés incomplètement réglés et dans lesquels il n’existe pas d’état connu d’un droit clairement établi qui justifierait de telles attentes » (ibid., p. 293-294).
1205 On l’a vu, le point de vue des réalistes lui paraît tout autant critiquable (voy. supra, no 265). Hart relève à cet égard l’« histoire curieuse » de la théorie du droit qui est « aussi bien capable d’ignorer que d’exagérer l’imprécision des règles de droit », décrivant le formalisme et le scepticisme comme les « Scylla et Charybde de la théorie juridique » (ibid., p. 149 et 166).
1206 R. Dworkin, Taking Rights Seriously, Duckworth, London, 1977, p. 22. Dans la postface de la seconde édition de son livre, Hart reconnaît à Dworkin le « grand mérite » d’avoir montré l’importance des principes juridiques et leur rôle dans le raisonnement juridique et confesse la « grave erreur » de n’avoir pas souligné leur « force non décisive » (Le concept de droit, op. cit., p. 280). L’attention sur les principes avait été attirée, bien avant Dworkin, par J. Esser dans son ouvrage Grundsatz und Norm publié en 1956, qui tente de démontrer que la distinction entre droit civil et common law est largement imaginaire dès lors que le juge de droit civil crée aussi du droit sous la couverture d’appliquer la loi écrite, en recourant à des principes généraux du droit, qui sont le plus souvent à l’origine des préceptes moraux (sur Esser, voy. J.M. Kelly, A Short History of Western Legal Theory, op. cit., p. 408-409). Encore avant lui, J. Boulanger avait publié un article pionnier sur les principes généraux du droit (« Principes généraux du droit et droit positif », op. cit., p. 51-74) qui dénonçait l’erreur des exégètes selon laquelle il n’y a de principes que ceux qui peuvent être rattachés à un texte (ibid., p. 63).
1207 R. Dworkin, Taking Rights Seriously, op. cit., p. 21-61. Voy. cependant p. 60-68, où Dworkin semble nuancer sa position. Dans l’Empire du droit, il souligne la distinction fondamentale entre concurrence et contradiction des principes. Le fait qu’ils puissent entrer en concurrence, ne veut pas dire qu’ils sont contradictoires, mais qu’il faut trouver un ordre de priorité entre les deux ou un moyen de les accommoder grâce notamment à une balance d’intérêts (Law’s Empire, Hart Publishing, Oxford, 1998, p. 268-269).
1208 Il reconnaît que, parfois, la certitude du droit est plus importante que son contenu mais qu’il convient de distinguer selon les domaines du droit, l’importance de la certitude comme argument interprétatif devant être proportionnelle à l’importance de la certitude dans le domaine concerné (Law’s Empire, op. cit., p. 367). P. Amselek estime que sa théorie s’apparente « beaucoup, dans son principe même, à la vieille théorie de la « plénitude logiquement nécessaire de la législation écrite » qui a prévalu autrefois dans l’école française de l’exégèse » alors que le droit « n’est ni une œuvre littéraire […] ni une œuvre de purs logiciens construisant une espèce d’axiomatique » (« Le doute sur le droit ou la teneur indécise du droit », in Le doute et le droit, F. Terré, (dir.), Dalloz, Paris, 1994, p. 67-71). Pour d’autres problèmes posés par la théorie dworkinienne, voy. F. Ost, et M. van de Kerchove, De la pyramide au réseau ?, op. cit., p. 427 et s.
1209 A.O. Endicott, Vagueness in Law, O.U.P., Oxford, 2000, p. 12.
1210 R. Dworkin, Law’s Empire, op. cit., p. 228-263. F. Ost et M. van de Kerchove traduisent le terme « fit » par celui de « rapport de convenance ou de justesse » (De la pyramide au réseau, op. cit., p. 425). Ricœur reconnaît dans le « fit » de Dworkin « le fameux principe herméneutique de l’interprétation mutuelle de la partie et du tout » mais regrette qu’il ait manqué l’opportunité de présenter une théorie de l’argumentation (Le Juste, op. cit., p. 167-169). Selon B. Frydman, l’analogie littéraire de Dworkin (roman à la chaîne), si elle a le « mérite de souligner le caractère créatif de l’interprétation judiciaire, […] en occulte en revanche la dimension pratique de prise de décision, essentielle dans l’action de la justice » (Le sens des lois, op. cit., p. 650).
1211 L.L. Fuller, The Morality of Law, op. cit., p. 39-93. Un échec total dans une de ces huit directions ne fait pas simplement un mauvais système juridique mais le prive de toute juridicité (p. 39). Fuller qualifie lui-même ses principes de « droit naturel procédural », dans le sens des règles que le charpentier doit respecter s’il veut que la maison serve l’objectif qui lui est assigné (p. 94-96). Il considère toutefois qu’il existe un principe indiscutable de droit naturel substantiel, à savoir la communication et propose l’injonction suivante : « Open up, maintain, and preserve the integrity of the channels of communication by which men convey to one another what they perceive, feel, and desire » (ibid., p. 186). Si la moralité interne du droit se veut neutre à l’égard d’un certain nombre de questions substantielles, elle postule néanmoins une certaine vision de l’homme, celle d’un agent responsable, capable de comprendre et d’obéir à des règles, et de répondre de ses actes. Le juger en vertu de règles non publiées reviendrait à faire preuve d’indifférence envers ses pouvoirs d’auto-détermination. Inversement, si l’homme n’est pas responsable, la moralité du droit perd sa raison d’être (ibid., p. 162).
1212 Ibidem, p. 99.
1213 P. Popelier, « Legal certainty and principles of proper law making », op. cit., p. 325 ; P. Popelier, Rechtszekerheid als beginsel, op. cit., p. 196-210 ; J. Habermas, Droit et démocratie, op. cit., p. 242 ; S. Van Drooghenbroeck, La proportionnalité dans le droit de la convention, op. cit., p. 657-660. Fuller n’ignorait pourtant pas la notion de sécurité juridique, qu’il utilisait déjà dans un article de 1934. A la suite de Llewellyn, il la limite cependant à la prévisibilité de la décision judiciaire, considérant que la disponibilité du matériau juridique sur laquelle cette prévision est basée est une affaire de « système » juridique (L.L. Fuller, « American Legal Realism », op. cit., p. 431-432).
1214 L.L. Fuller, The Morality of Law, op. cit., p. 41-45.
1215 Ibidem, p. 209 (trad. libre : « The existence of a relatively stable reciprocity of expectations between lawgiver and subject is part of the very idea of a functioning legal order »), p. 214-216 et 227. Il s’inspire des travaux du sociologue G. Simmel, qui considérait, dès la fin du xixe siècle, que toute forme de domination est une forme « sociale », dans le sens où il existe une « réciprocité de l’action » malgré « l’apparence de relations unilatérales » (Sociologie, op. cit., p. 162-168).
1216 Voy. infra, nos 417-418. La logique fiduciaire de la sécurité juridique n’est pas exprimée comme telle par Fuller, qui ne propose du reste que très peu de développements sur la notion de confiance. Elle sous-tend cependant l’essentiel de sa conception du droit.
1217 F.A. Hayek, Law, Legislation and Liberty, op. cit., p. 10-25, 30 et 36-55.
1218 F.A. Hayek, The Constitution of Liberty, Routledge & Kegan Paul, Londres, 1960, p. 225 et 315.
1219 Ibidem, p. 103-106 et 115-119. Il montre l’interaction continue entre règles et attentes : alors que de nouvelles règles peuvent être adoptées pour protéger des attentes existantes, elles risquent d’en créer de nouvelles, auquel cas il appartiendra au juge de déterminer quelle attente est légitime, ce qui créera une nouvelle attente et ainsi de suite » (ibid., p. 102). Selon un principe économique de « negative feedback », l’évolution provient des erreurs commises par ses membres et de la déception de leurs attentes et toute intervention institutionnelle ne fait qu’augmenter l’imprévisibilité des événements (The Constitution of Liberty, op. cit., p. 82).
1220 B. Leoni, Freedom and the Law, op. cit., p. 95. Pour Hayek, c’est l’ignorance qui permet la liberté individuelle (The Constitution of Liberty, op. cit., p. 81). Sur la question, voy. M.C. Pievatolo, « Leoni’s and Hayek’s Critique of the Rule of Law in Continental Europe », in The Rule of Law History, Theory and Criticism, op. cit., p. 421-422.
1221 B. Leoni, Freedom and the Law, op. cit., p. 72-74 : « General regulations laid down in due time and made known to all citizens make it possible for them to foresee what will happen on the legal stage as a consequence of their behavior […]. In brief, the Continental ideal of the certainty of the law was equivalent to the idea of a precisely worded, written formula. This idea of certainty was to a great extent conceived as precision ».
1222 Ibidem, p. 80-95 ; M.C. Pievatolo, « Leoni’s and Hayek’s critique… », op. cit., p. 435 (« Leoni defines law as the normality of social behaviours, i.e. as the set of claims, which might be predictably satisfied »).
1223 D. Zolo, « The Rule of Law… », op. cit., p. 45 ; P. Costa, « Rule of Law… », op. cit., p. 136. Sur l’importance de la sécurité juridique dans la pensée d’Hayek, voy. D. Dyzenhaus, « Recrafting the Rule of Law », in Recrafting the Rule of Law, op. cit., p. 4.
1224 Dans des écrits plus anciens, Hayek témoignait cependant d’une certaine nostalgie à l’égard de la certitude du droit. En 1944, il déplorait ainsi l’incertitude croissante du droit, en raison notamment de l’utilisation de termes vagues comme « fair » ou « reasonable » : « One could write a history of the decline of the Rule of Law, the disappearance of the Rechtsstaat, in terms of the progressive introduction of these vague formulae into legislation and jurisdiction, and of the increasing arbitrariness and uncertainty of […] the law and the judicature… » (The Road to Serfdom, Routledge, Londres, 2001, p. 81).
1225 O.M. Fiss relève que ces deux courants ont émergé dans les années 1970, lorsque le refuge dans une politique d’égocentrisme et de division pouvait s’analyser en une réaction contre le mouvement de la décennie précédente, qui percevait le droit comme un idéal public, l’instance juridictionnelle étant censée promouvoir une certaine moralité commune (« The Death of the Law », Cornell L. Rev., 1986, p. 1-2 et 14).
1226 Selon Posner, le pragmatisme n’est pas anti-scientifique : « It shifts the emphasis in philosophy of science from the discovery of nature’s laws by observation to the formulation of theories about nature that are motivated by the desire of human beings to predict and control their environment » (« What has Pragmatism to Offer Law », op. cit., p. 181 et 184-187 (« The relevant consequences to the pragmatist are long run as well as short run, systemic as well as individual, the importance of stability and predictability as well as the importance of justice to individual parties ») (nous soulignons).
1227 J.M. Kelly, A Short History of Western Legal Theory, op. cit., p. 437 ; B. Frydman, Le sens des lois, op. cit., p. 499-506. Dans ce modèle, les conventions sont préférées aux différentes formes de régulation car elles permettent « de sécuriser et de stabiliser les relations des agents économiques dans un environnement changeant et incertain ». De même, les règles jurisprudentielles sont considérées comme étant plus efficaces dans « la mesure où leur anticipation par les agents économiques encourage ceux-ci à adopter à leur tour des comportements économiques efficaces » et font l’objet d’une procédure plus transparente et contradictoire que le processus législatif (ibid., p. 505, 508 et 511). Sur la Public Choice Theory qui à la base de ces conceptions, voy. infra, note no 1971.
1228 R.A. Posner, « What has Pragmatism to Offer Law », op. cit., p. 187. Pour un résumé de la théorie Law and Economics de Posner, voy. A.C. Hutchinson, « Democracy and Determinacy… », op. cit., p. 546-547.
1229 R.A. Posner, « The Role of the Judge in the Twenty-first Century », Boston University L. Rev., 2006, p. 1051, 1059 et 1060.
1230 L. Wintgens, Droit, principes et théories pour un positivisme critique, op. cit., p. 167 ; O.M. Fiss, « The Death of the Law », Cornell Law Review, 1986, p. 9.
1231 R. Unger, « The Critical Legal Studies Movement », Harvard L. Rev., 1983, p. 563-565 et 571). Sur l’influence de Derrida sur le courant, voy. L.B. Solum, « Indeterminacy », in A companion to Philosophy of Law and Legal Theory, D. Patterson (ed.), Blackwell Publishing, 1996, p. 495 ; W. Twining et D. Miers, How To Do Things With Rules, op. cit., p. 376. Derrida lui-même « juge que les développements des « critical legal studies » […] sont aujourd'hui, du point de vue d'une certaine déconstruction, parmi les plus féconds et les plus nécessaires » (Force de loi, op. cit., p. 23). Pour un résumé des critiques dirigées contre le mouvement des CLS, voy. A.B. Rubin, « Does Law Matter ? A Judge's Response to the Critical Legal Studies Movement », J. Legal Educ., 1987, p. 307-314 ; K. Kress, « Legal Indeterminacy », in Philosophy of Law and Legal Theory : An Anthology, D. Patterson (ed.), Blackwell Publishing, 2003, p. 272-280.
1232 O.M. Fiss, « The Death of the Law », op. cit., p. 9 ; J.R. Maxeiner, « Legal certainty… », op. cit., p. 543 et les réf. citées ; M. Rosenfeld, « The rule of law… », op. cit., p. 1343 ; Ch. M. Yablon, « The Indeterminacy of the Law… », op. cit., p. 935 ; A.C. Hutchinson, « Democracy and Determinacy… », op. cit., p. 557. Selon ce dernier, « law is politics in the sense that what counts as law is never not a political matter » (« The Rule of Law Revisited : Democracy and Courts », in Recrafting the Rule of Law : the Limits of Legal Order, T. Dyzenhaus (ed.), Hart Publishing, Oxford-Portland-Oregon, 1999, p. 210).
1233 D. Kennedy, « Spring Break », Tex. L. Rev., 1985, p. 1418-1419.
1234 R. Unger, « The Critical Legal Studies Movement », op. cit., p. 576-615. Unger recourt aux notions de « negative capability » et « disentrenchment » afin de décrire cette capacité collective et individuelle à détricoter les structures établies et à les remplacer par des structures qui peuvent transformer les occasions de reproduction en opportunités pour leur propre correction (ibid., p. 650).
1235 Selon L. Wintgens, si Unger ne vise pas la sécurité juridique, sa position peut être « comprise comme une critique contre l’exagération de l’appel à la sécurité juridique » (Droit, principes et théories pour un positivisme critique, op. cit., p. 173). Grand contempteur du mouvement, O. Fiss écrit que ses auteurs n’essaient pas de transcender l’incertitude du droit mais s’en réjouissent (« The Death of the Law », op. cit., p. 9).
1236 M. Rosenfeld, « The rule of law… », op. cit., p. 1343.
1237 Selon A. Hutchinson, on attribue à tort à ce courant de pensée la conception selon laquelle l’indétermination du droit le rendrait arbitraire ou entièrement imprévisible. Il réfute le lieu commun selon lequel la décision juridictionnelle ne serait pour les Critics que le résutat d’un choix purement subjectif et conscient, masqué par une motivation rationnelle, alors qu’ils développent une notion nettement plus sophistiquée de l’opération de l’idéologie juridique (« Democracy and Determinacy… », op. cit., p. 558-560). Contra, voy. L.B. Solum, « Indeterminacy », op. cit., p. 489.
1238 R. Unger, « The Critical Legal Studies Movement », op. cit., p. 599-600 et 612-615. Il s’agit de droits comme le droit à la liberté d’expression ou d’association, qui peuvent résister à l’influence d’une division sociale hiérarchisée, et non de droits, comme le droit à la propriété, qui protègent les pouvoirs en place (ibid., p. 600).
1239 O. Jouanjan, « D’un retour de l’acteur dans la théorie juridique », in Fr. Müller et O. Jouanjan, Avant dire droit, op. cit., p. 88.
1240 Fr. Müller et O. Jouanjan, « Présentation », in Fr. Müller et O. Jouanjan, Avant dire droit, op. cit., p. 18. Cette théorie entend dépasser l’approche herméneutique qui présuppose encore une norme juridique écrite préalable qu’il conviendrait simplement d’interpréter (Fr. Müller, « Basic Questions of Constitutional Concretization », op. cit., p. 342 ; O. Jouanjan, « Nommer/Normer. De quelques aspects du rapport Langage/Droit du point de vue de la théorie structurante du droit » in Fr. Müller et O. Jouanjan, Avant dire droit, op. cit., p. 47). Selon Müller, les approches anti-positivistes ont échoué en ce qu’elles « partageaient encore le vieux schéma de l’application et de la violation du droit au sens d’un modèle aprioristique du texte » (Fr. Müller, « Travail de texte, travail de droit : la question linguistique dans la théorie structurante du droit » in Fr. Müller et O. Jouanjan, Avant dire droit, op. cit., p. 28.
1241 Fr. Müller et O. Jouanjan, « Présentation », op. cit., p. 17.
1242 Fr. Müller, « Basic Questions of Constitutional Concretization », op. cit., p. 334 ; Fr. Müller, « Travail de texte, travail de droit… » op. cit., p. 26 ; O. Jouanjan, « Nommer/Normer… », op. cit., p. 57. Pour un résumé de ce processus, voy. également O. Jouanjan, « Faillible droit » in Fr. Müller et O. Jouanjan, Avant dire droit, op. cit., p. 73 ; M. Samson, « La théorie structurante du droit : plaidoyer pour une redéfinition de l’agir juridique », Lex Electronica, vol. 14, no 1, 2009, p. 13-14.
1243 Fr. Müller et O. Jouanjan, « Présentation », op. cit., p. 17-18. Il n’y a donc pas de « centre fixe d’un sens », celui-ci est constamment amené à évoluer, même après jugement final qui peut tout au plus mettre un terme au procès (Fr. Müller, « Travail de texte, travail de droit… », op. cit., p. 33-34). Pour O. Jouanjan, « la norme n’est pas l’objet de l’interprétation, mais bien son résultat » (« Faillible droit », op. cit., p. 71).
1244 Fr. Müller évoque notamment le principe de séparation des pouvoirs, les voies de recours mais également le fait que l’argumentation retenue par le juge est « scientifiquement contrôlable et normativement contrôlée » (Fr. Müller, « Travail de texte, travail de droit… » op. cit., p. 29-38). O. Jouanjan relève que cette théorie « ne considère plus le système juridique comme un "système de normes", mais comme un système d’acteurs, comme un système social de production de normes » (« D’un retour de l’acteur dans la théorie juridique », op. cit., p. 82). Comme le relève P. Moor, pour les tenants de la théorie structurante du droit, le juge n’est pas seulement la bouche de la loi mais aussi son cerveau (Pour une théorie micropolitique du droit, op. cit., p. 211).
1245 Fr. Müller, « Travail de texte, travail de droit… », op. cit., p. 29 et 37. Dans le même sens, voy. le livre de P. Moor, qui propose d’aborder le droit « comme un travail : la production d’un sens à l’intérieur d’un système qui, en même temps qu’il dote ce sens d’une force contraignante, l’exporte vers la réalité qu’il a ainsi reproduite » (Pour une théorie micropolitique du droit, op. cit., p. 25). Il revendique cette parenté avec la théorie structurante du droit (ibid., p. 173).
1246 J.M. Kelly, A Short History of Western Legal Theory, op. cit., p. 331 ; G. Timsit, Les noms de la loi, op. cit., p. 16-20 ; B. Frydman, Le sens des lois, op. cit., 436-437.
1247 F. Ost, « Juge-pacificateur, juge-arbitre, juge-entraîneur. Trois modèles de justice », op. cit., p. 19.
1248 B. Frydman, Le sens des lois, op. cit., p. 447-457. J. Van Compernolle observe que l’État libéral consacrait le triomphe du pouvoir législatif au xixe, que l’État providence a mis en avant le pouvoir exécutif et que le pouvoir judiciaire prévaut à la fin du xxe siècle (« Conclusion. Le rôle du juge dans la cité : vers un gouvernement des juges ? », in Le rôle du juge dans la cité, Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 152).
1249 P. Popelier, Rechtszekerheid als beginsel, op. cit., p. 113-114.