Exergue
p. 1-2
Texte intégral
« Dans une discipline qui ne doit sa valeur scientifique qu’aux concepts théoriques que Freud a forgés dans le progrès de son expérience mais qui, d’être encore mal critiqués et de conserver pour autant l’ambiguïté de la langue vulgaire, profitent de ces résonances non sans encourir les malentendus, il nous semblerait prématuré de rompre la tradition de leur terminologie.
Mais il nous semble que ces termes ne peuvent que s’éclaircir à ce qu’on établisse leur équivalence au langage actuel de l’anthropologie, voire aux derniers problèmes de la philosophie, où souvent la psychanalyse n’a qu’à reprendre son bien.
Urgente en tout cas nous paraît la tâche de dégager dans des notions qui s’amortissent dans un usage de routine, le sens qu’elles retrouvent tant d’un retour sur leur histoire que d’une réflexion sur leurs fondements subjectifs ».
J. Lacan
(Écrits, p. 239-40)
1Cette épigraphe de Lacan imprime à notre propos sa tournure et sa marche ; elle en esquisse le programme. Nous cherchons en effet à suivre, au plus près du texte de Freud, la construction d’un concept fondamental de la psychanalyse : le concept d'identification.
2Lourd des significations que le langage courant lui confère, ce terme d’identification a connu, depuis son avatar psychanalytique, une étonnante fortune au sein des divers dialectes des sciences humaines, de la psychiatrie à la psycho-sociologie. Auprès des analystes eux-mêmes, le terme a fini par oblitérer le problème qui n’avait jamais cessé de mobiliser la pensée de Freud. « Amorti dans un usage de routine », le terme d’identification semble aujourd’hui une acquisition définitive en bonne place dans le bagage conceptuel de la psychanalyse. Peu de traces, là, pour l’incertitude de ce qui demeure, pour nous, une question — et sans doute, la question dont Freud a seulement commencé l’énonciation — à savoir la question du « sujet », du sujet dans son rapport avec l’inconscient, non du sujet de la connaissance.
3A revenir au tracement patient de l’écriture qui l’a inscrit dans la trame de la théorie fondée sur l’expérience originelle des effets de l’inconscient, nous pourrions défaire, « analyser », l’entrelacs des significations sédimentées de ce terme désormais indissociable de ces termes voisins que sont le moi, l’idéal, l’intersubjectivité, la sympathie, etc. Une telle analyse permettrait du même coup de marquer les effets de subversion que Freud a produits dans la psychologie du moi et le savoir en général.
4L’identification serait donc l’index d’une question, à vrai dire séculaire, dont Freud aurait compliqué la formulation en la rapportant à son origine mythique.
5Cette question immémoriale s’enroule dans l’énigme dont le Sphynx inquiète les gens de Thèbes. A cette question, il n’est de réponse que singulière, réponse en acte : l’acte de naissance d’un sujet. Œdipe. Question certes qui s’est engloutie dans la généralité de discours infinis sur le Même et l’Autre, l’Identité et la Différence, le Désir et la Loi, le Moi et l’Autrui. En s’appropriant ce terme d’identification, sans pour autant qu’il en fît jamais l’objet d’une thématisation métapsychologique d’ensemble, Freud a cependant secoué le réseau de cette très ancienne problématique ; il l’a prise là où il la rencontrait journellement : dans l’analyse, dans l’expérience du transfert.
6A cette question aussi démesurée, prise depuis toujours dans le travail spéculatif des philosophes, Freud a donné un tour inouï.
7Nous voulons repérer les moments décisifs de ce « tour » freudien dans la généalogie de sa complication.
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L’identification dans la théorie freudienne
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L’identification dans la théorie freudienne
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