– 5 – L’histoire du contrat de travail et la problématique de l’entreprise avant 1914355
p. 211-248
Texte intégral
1L’histoire sociale a connu ces dernières années un regain d’intérêt. Même si l’état d’avancement des recherches n’a pas encore permis d’écrire une grande synthèse sur l’histoire sociale de la Belgique, de nombreuses monographies de grande valeur ont cependant éclairé des aspects essentiels de cette histoire.
2Curieusement, dans ce foisonnement de recherches, l’histoire de la législation fait figure de parente pauvre et ce, malgré la place centrale qu’occupe le droit social dans nos sociétés contemporaines occidentales. Depuis la première synthèse, très générale, de B.S. Chlepner parue en 1955356 et la contribution importante de R. Devleeschouwer consacrée à la législation du travail en Belgique durant la première moitié du XIXe siècle357, aucune recherche de fond n’a été amorcée dans ce secteur de l’histoire sociale. Cette lacune est d’autant plus surprenante quand on sait l’importance que les partenaires sociaux ont accordé et accordent encore aujourd’hui au droit dans leurs revendications et leurs négociations. L’histoire du droit social reste donc à écrire.
3C’est pour combler en partie cette lacune qu’on a entamé une recherche consacrée à certains aspects juridiques de la « question sociale » au XIXe siècle à partir de l’analyse du contrat de travail, compris au sens large du terme.
4Ce choix s’explique compte tenu de la place essentielle qu’on attribue à cette institution juridique dans les rapports de travail. Le contrat de travail constitue sans conteste la pierre angulaire des relations de travail. Quelles qu’en soient les conditions de formation, la formulation ou le contenu, c’est toujours en référence au contrat de travail que se déterminent les modalités d’exécution de la prestation de travail ainsi que les conditions de rupture en cas de contestation. Les groupes politiques et syndicaux ont bien perçu cette importance lors des discussions sur le projet de loi du contrat de travail de 1900 : pendant plus de dix années, un vaste débat s’engage, portant non seulement sur des problèmes de politique sociale mais aussi sur des questions de fond liées ni plus ni moins au rôle qu’il convient d’assigner au droit civil dans l’organisation des rapports de travail.
5Parmi les nombreux problèmes soulevés lors de l’élaboration de la loi sur le contrat de travail358, la question de l’entreprise a occupé, durant un moment, une place de choix, question à propos de laquelle on peut d’ailleurs légitimement s’interroger. En effet, si on admet que le contrat de travail est un contrat synallagmatique, qu’il implique par conséquent la présence de deux partenaires aux obligations réciproques, on est en droit de s’interroger sur la place que peut occuper la dimension institutionnelle - l’entreprise - dans ce type de relations qui ne visent que des rapports juridiques individuels. La caractéristique de ce contrat fait qu’il exclut en principe de son champ les réalités autres que celles qui concernent les relations entre deux personnes.
6L’entreprise est-elle cependant totalement absente du contrat de travail ? On peut répondre par l’affirmative si on s’en tient à une analyse théorique en termes juridiques. Toutefois, les occasions ne manquent pas où ressurgit le refoulé : tel terme, telle clause, telle technique législative, tel oubli, autant d’indices qui révèlent l’ombre constante de l’entreprise planant sur les relations individuelles de travail. Il est tout aussi symptomatique de relever l’absence de l’entreprise que d’en pointer ici et là la présence.
Section 1. La juridification des relations de travail avant la loi du 10 mars 1900 sur le contrat de travail
7Si nombre d’auteurs s’efforcent de mettre en relief les particularités, voire le particularisme du droit du travail359, il n’en demeure pas moins que la plupart admettent que le droit du travail ne constitue encore aujourd’hui qu’une législation dérogatoire par rapport au Code civil360. Celui-ci reste la matrice originaire du droit social : « jusqu’à présent, le droit belge explique tout par le contrat, par souci de sauvegarder les principes de liberté de travail et d’égalité des citoyens » note P. Horion361, même si ces principes ont été atrophiés ou abandonnés dans d’innombrables lois depuis un quart de siècle.
8Il importe donc de bien cerner cette empreinte civiliste, d’en saisir la portée et d’en mesurer les conséquences économiques et sociales. Ignorer cet ancrage risquerait d’occulter le sens de certaines étapes.
9Après une première esquisse de « législation du travail » à l’époque de la Révolution française et du Code civil, on interrogera la loi sur le contrat de travail de 1900 afin d’évaluer les concordances et les écarts de cette loi par rapport aux principes originaires, loi que d’aucuns considèrent comme un tournant de la législation du travail tandis que d’autres la tiennent pour la forme la plus élaborée de l’approche civiliste de la question des relations de travail.
10Par une série de décisions juridiques, sous-tendues par une philosophie politique et sociale, la Révolution française a largement contribué à l’extension croissante de la société industrielle. Cette profonde mutation économique a pesé lourd dans les rapports entre les hommes. Il importe d’analyser cet impact que l’annexion des Pays-Bas autrichiens à la France le 1er octobre 1795 étendit aux territoires de la future Belgique. Dès lors et jusque bien après le début du régime hollandais, les questions économiques et leurs résultantes sociales et juridiques se résolvent dans les deux pays selon une même optique.
A. La Révolution industrielle, la Révolution française et le droit du travail362
1. Les transformations socio-politiques et économiques
11Que la révolution industrielle ait joué un rôle considérable dans la transformation de notre société, personne ne le conteste : elle a bouleversé radicalement les relations entre les individus, le comportement des classes sociales, la place de chacun dans la société, les conditions de la vie politique et sociale. Elle a sensiblement modifié les conditions de la production : « A un moment privilégié de l’histoire, l’apparition du machinisme s’est combiné avec l’appropriation des machines pour privilégier un mode de rapport doublement adéquat au travail industriel en tant qu’il est un travail collectif et en tant qu’il est un travail subordonné au capital… Le salariat est devenu la condition de tous ceux qui ont mis leur force de travail au service d’une entreprise363.
12Ce phénomène d’industrialisation n’a pu prendre toute son ampleur qu’au moment de la Révolution française. Celle-ci a vu le triomphe d’une idéologie remarquable par sa cohérence et éminemment favorable à la nouvelle classe dominante, l’individualisme libéral, qui s’alimente à une double tradition : sur le plan politique, ce sera l’affirmation de la liberté naturelle de l’homme et de l’égalité des individus, doctrine reçue de J.J. Rousseau et des encyclopédistes ; sur le plan économique, ce seront les conclusions des physiocrates et des libre-échangistes : « l’initiative individuelle, libérée de toute entrave de type corporatif, stimulée par la recherche du profit, régularisée par la concurrence, est conforme à l’intérêt général qu’elle contribue à réaliser ». L’individualisme philosophique fonde le libéralisme économique qui, à son tour, le justifie. Cette idéologie s’est traduite dans le droit.
13C’est dans cet esprit que l’Assemblée nationale vote deux lois importantes qui influenceront dans une très large mesure l’organisation future du travail364.
14Le décret des 2-17 mars 1791, appelé décret Leroy d’Allarde, lève toute restriction à l’exercice d’une profession. Tous droits et conditions d’accès à la maîtrise sont supprimés et remplacés par un impôt, la patente. Aucune autre condition ne peut être imposée à l’exercice d’une profession365. Se trouve ainsi posé le principe de la liberté du travail et du commerce ; chacun peut choisir son travail, chacun peut recruter qui lui plaît. Par cette loi se trouvent condamnées les entraves par les corporations de l’Ancien Régime ; la production y apparaissait comme la résultante d’un travail fourni par tous ceux qui avaient été admis dans les corporations ; les pouvoirs de celles-ci s’exerçaient à leur tour dans les limites fixées par la tradition ou par les privilèges directement concédés par le souverain. La monopolisation de l’activité économique par ces organisations professionnelles aboutit finalement à un cercle vicieux dans lequel les abus provoquaient des réactions et les réactions à leur tour de nouveaux abus injustifiables.
15Le décret des 14-17 juin 1791, appelé également loi Le Chapelier, supprime les associations professionnelles et interdit d’en créer de nouvelles. Selon l’article premier, « l’anéantissement de toutes corporations de travailleurs de même état ou de profession étant une des bases fondamentales de la Révolution française, il est défendu de les rétablir sous quelques prétextes que ce soit » l’article deux porte « que les ouvriers et compagnons ne pourront… former des règlements sur les prétendus intérêts communs » ; et l’article quatre interdit également des coalitions comme « inconstitutionnelles, attentatoires à la liberté et à la déclaration des droits de l’homme »366.
16La justification de ces législations doit être recherchée dans la conception de la société que les révolutionnaires défendent : entre l’État dont le rôle doit se réduire à garantir la libre compétition des employeurs et de la main-d’œuvre et chacune de ces personnes considérée isolément, le nouveau régime ne tolère aucun échelon. On affirme que permettre à des groupements d’intérêts de se former reviendrait à fausser le libre jeu des règles économiques367.
2. Les transformations juridiques
17Le décret d’Allarde et la loi Le Chapelier ont été d’une importance capitale, surtout sur le plan du droit social. Ces lois ont balayé les structures sociales et économiques d’ancien régime mais en même temps a été aboli leur contenu social sans que cette protection ait été remplacée.
18Cette nouvelle conception éthique de la société se traduit sur le plan juridique par un respect illimité de la convention ; la protection sociale cède la place à une conception idyllique des relations de travail : l’employeur et le travailleur sont libres ; ils négocient en toute liberté et entre eux seuls. Ce mécanisme théorique aboutit à une concrétisation de l’accord bilatéral, dans le respect le plus absolu de la liberté individuelle ; ce qui est convenu librement entre deux ou plusieurs citoyens a la même valeur que la loi. Cette façon de voir ne présuppose pas l’égalité économique des parties ; elle constitue au contraire la négation de toute inégalité ; l’égalité est universelle et se manifeste de la façon la plus parfaite dans l’égalité juridique368. Le seul cadre juridique applicable aux rapports de travail sera donc le contrat individuel, désigné par le terme générique « louage d’ouvrage et d’industrie ». Cette conception s’appuyait sur une analyse du contrat de louage chez Pothier ; pour celui-ci, le travail est fourni en conséquence d’un accord de volontés conclu entre individus isolés, juridiquement libres et égaux, accord dont l’objet est un échange de la force du travail considérée comme un bien contre un prix fixe selon la loi de l’offre et de la demande369.
B. La juridification des relations de travail au XIXe siècle
19Durant la période révolutionnaire, les relations de travail sont exclusivement déterminées par le contrat liant l’employeur et le travailleur. La pratique avait cependant démontré que le contrat comme seule source du droit ne présentait pas suffisamment de garanties pour une bonne administration de la justice. Il avait, en effet, été constaté que les parties ne prévoyaient pas toujours tous les effets juridiques de leur accord ; celui-ci donnait lieu à des contestations et à des actions en justice. Il apparut donc nécessaire de prévoir des sources de droit susceptibles de combler les lacunes de la convention370.
20Pour remédier à cette situation, Bonaparte chargea un groupe de juristes de codifier le droit civil ; ce « Code civil des Français » fut publié en 1804 et appliqué également en Belgique.
21Si le régime juridique instauré par le Code Napoléon tend à une plus grande sécurité du droit en remédiant aux lacunes éventuelles de la Convention par l’élaboration d’un droit supplétif traduisant, à défaut d’accord établi, la volonté présumée des parties, il se distingue par un laconisme et un manque d’intérêt remarquable pour les relations de travail : seuls deux articles sont consacrés au contrat de louage de travail371. Ce sont les articles 1780 et 1781372. Mis à part ces deux articles, le contrat de louage de services est considéré comme un contrat civil ordinaire ; par un héritage révolutionnaire, le Code civil confie les rapports de travail à l’autonomie de la volonté et lui appliquera l’article 1134 : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Le contrat de louage de services se trouve ainsi incorporé dans les règles générales de droit des obligations. Et à ce titre, il bénéficie des garanties légales contenues dans les dispositions supplétives destinées à combler les lacunes constatées durant la période révolutionnaire ou les imprécisions manifestées dans l’expression de la volonté373.
22On peut cependant s’interroger sur cette nouvelle conception éthique du droit affirmant une forte confiance dans l’esprit civique et dans le sens de l’équité des parties374. En effet, le Code civil déroge lui-même ouvertement au principe de l’égalité juridique des parties : l’article 1781 cité plus haut en est un exemple manifeste375 comme l’est également la législation sur le livret ouvrier (loi du 12 mars 1802) prévoyant en ses articles 11 et 12 l’interdiction d’employer des ouvriers ou apprentis s’ils ne sont pas porteurs d’un livret de travail portant certificat d’acquit de leurs engagements vis-à-vis de l’employeur376.
23Cette inégalité se retrouve par ailleurs renforcée par une série de dispositions légales prohibitives contenues dans le Code pénal de 1810 punissant toutes concertations professionnelles ou coalitions ouvrières377.
24On peut encore ajouter à ces limitations le décret de 1809 organique des Conseils de Prud’hommes, articulé lui aussi de sorte qu’en aucune manière les représentants du salariat ne puissent s’y trouver en majorité378.
25La révolution de 1830 et la nouvelle Constitution ne modifient rien à cet état : malgré le caractère très libéral de la Constitution belge, les anciennes dispositions resteront en vigueur. Bien que proclamé l’égal de ses concitoyens, le travailleur reste écrasé par un ensemble de contraintes qui ne le tiennent pas tellement éloigné de la condition service ainsi qu’Ernest Solvay devait encore le constater en 1879 :
« L’abolition de l’esclavage et du servage n’a pas été complète, elle n’a pas porté sur la naissance ; l’homme civilisé naît encore noble ou roturier, maître ou valet, dans l’opulence ou le dénuement, après cela seulement, il est libre ; et cette froissante et colossale inégalité du commencement d’une vie à parcourir près de laquelle l’égalité qui suit n’est que dérisoire, est le dernier et le plus important débris du passé de l’humanité que nous ayons à faire disparaître pour qu’une association d’êtres intelligents devienne ce qu’elle doit être : également avantageuse et équitable pour tous et ne fasse regretter à aucun de ses membres la lutte primitive et libre pour l’existence. »379
C. Conclusions
26Bien que les auteurs du Code civil ont eu pour objectif de contribuer à créer une plus grande sécurité dans les relations juridiques, la rapide esquisse que l’on a brossée de cette législation montre à l’évidence que l’efficacité de la protection légale en matière de relations de travail est à peu près nulle. La carence du Code civil est à peu près totale.
27Cette rareté des règles légales est apparue comme une réaction contre le grand nombre de règles tracassières qui encombraient, sous l’Ancien Régime, l’organisation artisanale. Elle apparaît comme une explication des principes individualistes du laisser-faire.
28La primauté reconnue au louage de service reposait sur les principes de la liberté et de l’égalité, les deux piliers majeurs de l’idéologie libérale dont la raison juridique sera la liberté contractuelle et l’égalité juridique. Ces deux postulats créeront un déséquilibre dont souffrira surtout l’économiquement faible, comme le souligne G.H. Camerlynck :
« La discussion n’intervient pas entre “deux bons pères de famille”, conçus in abstracto et discutant sur un pied d’égalité, mais entre un travailleur de condition sociale inférieure… disposant de son seul salaire et ne pouvant attendre au lendemain, et un patron mieux armé par son instruction plus poussée, ses capitaux, son autorité morale et qui, en fait, dictera ses conditions. »380
29L’ouvrier est ainsi contraint d’accepter les conditions de rémunération que l’employeur lui propose ; il subira également les conséquences des fluctuations économiques du marché et se verra contraint d’accepter les diminutions de salaire dans des périodes de chômage et de basse conjoncture ou en cas de difficultés économiques et financières de l’employeur, il sera le premier au détriment duquel on fera des économies.
30Tout cela ne se passe pas toujours sans heurts. Périodiquement, des grèves se déclenchent. C’est d’ailleurs à la suite d’une de ces grèves (mars-avril 1886) qu’une enquête sera faite sur la condition sociale des ouvriers, enquête qui constituera le point de départ de la genèse de la législation sociale en Belgique et plus particulièrement de la législation sur le contrat de travail.
31Il s’agira de vérifier si cette législation rompt avec le système instauré par le Code civil et la pratique économique du capitalisme ou si, au contraire, elle continue à fonctionner à l’intérieur des règles générales du droit civil. En d’autres termes, la législation sacrifie-t-elle la sacro-sainte relation contractuelle, isolant l’individu du contexte de l’entreprise ou articulera-t-elle ces relations dans un ensemble législatif sécurisant, acceptant de prendre en compte l’insertion du travailleur dans un tissu social et économique ?
Section 2. La loi sur le contrat de travail de 1900. Contexte et genèse
A. Jalons chronologiques
32Même si le silence du Code civil sur un contrat, dont la fréquence et l’importance pour une partie toujours plus grande de la population ne pouvaient échapper à personne, fit l’objet de critiques de certains juristes381, le climat général de la vie économique et sociale du milieu du XIXe siècle explique largement l’absence de toute législation modifiant le contrat de louage de service : les ouvriers n’ont pas encore pris conscience de leurs intérêts et de leur force ; les syndicats et associations sont rares ; les défenseurs du libéralisme considèrent le travail comme une marchandise qui peut être vendue et achetée sur le marché où son prix est soumis à l’unique loi de l’offre et de la demande.
33La transformation des esprits ne s’opéra que dans le dernier tiers du XIXe siècle. On le constate tant au niveau de la jurisprudence qu’à travers certains ouvrages de doctrine. Cette évolution ne s’est pas produite dans l’unique champ clos des juristes ou des juges ; elle répond à une série de facteurs sociaux, économiques et politiques favorables à une intervention du législateur dans le domaine social. Il convient de présenter brièvement ce contexte général avant d’analyser sommairement les jalons chronologiques de l’élaboration de la loi sur le contrat de travail proprement dite.
34Dans le monde juridique, c’est par le biais de la responsabilité des parties en cas d’accident de travail que s’opère lentement une modification des mentalités. En cette matière, la jurisprudence appliquait uniformément les articles 1382, 1383 et 1384 du Code civil382. Selon ces articles, l’ouvrier, le domestique ou l’employé qui désirait obtenir la réparation des dommages subis lors d’un accident de travail devait prouver la faute du patron ou de ses préposés. Cette charge de la preuve était très lourde pour l’ouvrier blessé - ou sa famille en cas de décès - qui ne pouvait entamer immédiatement une procédure et découvrir des preuves d’une faute éventuelle imputable au patron. Le problème prit une telle acuité que la jurisprudence admit de plus en plus facilement de simples présomptions de négligence ou d’imprudence dans le chef du patron comme des « preuves de sa faute ».
35Sur le plan de la doctrine, ce sera l’ouvrage de Sainctelette paru en 1884 qui ouvrira une première brèche dans ce domaine en affirmant la responsabilité patronale sur base des articles 1135, 1147 et 1148 du Code civil383. Pour Ch. Sainctelette, l’obligation de réparer les accidents de travail ne trouve pas sa source dans un délit ou un quasi-délit (article 1382 C. civ.) mais dans le contrat lui-même. Le chef d’entreprise est garant de la sécurité ; il doit à la fin du contrat rendre l’ouvrier « dans l’état où il l’a reçu », s’il manque à cette obligation, il viole son contrat et commet une faute dont il est responsable, à moins qu’il ne fasse la preuve des circonstances qui le libèrent de son obligation. Cette thèse aboutit au renversement de la charge de la preuve. La consécration législative du principe de responsabilité contractuelle aurait été une audace d’autant plus grande que cette théorie avait été condamnée par la Cour de cassation.
36Cette étude provoquera une ample controverse à la fin du siècle384, préparant ainsi partiellement une intervention du législateur. On peut citer à titre d’exemple un article d’H. Adan, juriste et assureur, dirigeant la compagnie d’assurance « La Royale Belge » de 1864 à 1901 :
« [...] nous persistons à croire que le législateur doit prendre les mesures nécessaires pour régler ces rapports (de l’ouvrier et du patron) dont l’étendue, les conditions d’exercice n’ont pas été prévues lors de la rédaction du Code et ne peuvent, sans inconvénient, demeurer abandonnées aux interprétations plus ou moins capricieuses de la jurisprudence. Si certaines parties du rapport entre le patron et l’ouvrier doivent être régies par les principes du contrat de louage d’ouvrage, nous croyons qu’il y a lieu d’en formuler les règles générales et particulières, à l’exemple de ce que le Code civil a fait pour le louage des choses. Le droit est contraint de suivre dans ses progrès le développement des rapports sociaux ; il doit aujourd’hui s’inspirer du nouvel état de choses engendré par le développement considérable du travail à l’aide des moteurs mécaniques. »385
37Comme le souligne H. Adan, cette « agitation » du monde du droit rend compte d’une profonde évolution sociale qui travaille la Belgique à la fin du XIXe siècle. Cette histoire est suffisamment connue pour qu’on ne la rappelle pas ici dans sa totalité. Du point de vue qui nous occupe, retenons les éléments suivants.
38Le développement du socialisme en Europe trouve sa consécration en Belgique dans la création du Parti Ouvrier Belge en 1885. S’il ne peut dans l’immédiat espérer faire entendre sa voix au Parlement, ce parti donne aux ouvriers un organe politique qui leur permet de regrouper leurs forces et de s’exprimer grâce notamment aux deux organes de presse du parti, Le Peuple et Vooruit.
39Quant à l’existence des associations, elle cesse d’être éphémère et dispersée. Les syndicats des métiers locaux et régionaux se regroupent sur le plan national, puis le mouvement de concentration déborde les frontières des métiers ; c’est l’apparition des centrales d’industrie unissant tous les travailleurs d’un secteur industriel, quelle que soit leur profession ou leur qualification, et celle des confédérations interprofessionnelles386. Le syndicalisme permettra d’entamer des mouvements revendicatifs précis.
40A ce mouvement, il faut ajouter l’ouverture progressive du monde catholique aux idées nouvelles et le développement au sein du parti libéral d’un courant favorable à l’intervention de l’État dans la vie socio-économique, qui aboutira en 1887 à la création du parti progressiste387.
41Tous ces facteurs ne suffisent cependant pas à porter le problème social sur le plan politique et législatif. Un événement grave sera nécessaire pour amener l’État belge à s’occuper de cette question : ce seront les émeutes de 1886388.
42Sans attacher aux tournants de l’histoire une signification absolue, reconnaissons que 1886 tient solidement son rôle de pivot. Ces « grèves terrifiantes », selon Woeste389, cet « orage déchaîné tout à coup dans un ciel serein »390, cette « année terrible » selon L. Bertrand391, sera aussi une année décisive ; le Roi Léopold II ouvre la session des Chambres le 9 novembre en déclarant : « Peut-être a-t-on trop compté sur le seul effet des principes, d’ailleurs si féconds, de liberté. Il est juste que la loi entoure d’une protection plus spéciale les faibles et les malheureux »392.
43L’effet le plus immédiat sera la mise en place « d’un comité chargé de s’enquérir de la situation industrielle dans le Royaume et d’étudier les mesures qui pourraient l’améliorer ». Cette commission de travail sera instituée le 15 avril 1886393.
44Un élément important manque encore au tableau législatif, celui du régime électoral. Le régime constitutionnel établi par le Congrès accordait des droits électoraux uniquement aux citoyens payant un minimum d’impôts directs. D’où l’absence des représentants du prolétariat dans les institutions politiques. Le cens sera supprimé en 1893 faisant place à un système électoral plural. Les dates ont ici leur importance. Signalons seulement que tous les projets de loi visant à modifier la législation sur le contrat de travail échouèrent jusqu’en 1893. Ce ne sera que lorsque le Parlement comprendra des socialistes en son sein que les projets seront discutés. Et encore, faudra-t-il attendre plus de 7 ans pour que la loi soit votée. On mesure ainsi le poids que représente le régime électoral dans les transformations sociales de la fin du XIXe siècle. On comprend aussi pourquoi cette question du suffrage universel fut une des plus controversées de la dernière décennie du XIXe siècle394.
B. La genèse de la législation sur le contrat de travail
45C’est le 24 janvier 1891 que le Ministre de la Justice Jules Le Jeune installe une commission chargée d’élaborer un avant-projet de loi sur le contrat de louage de services des ouvriers et domestiques395. Le ministre qualifie la mission « d’urgente », ce qui justifie une étude en dehors des travaux de révision du Code civil. La commission compte 5 membres présidée par A. Van Berchem, conseiller à la Cour de cassation.
46Cette mise en place officielle a été précédée d’un long cheminement qu’on pourrait faire remonter aux premières critiques doctrinales formulées en 1863 contre le louage de services par Waelbroeck. Du point de vue du travail parlementaire, on peut situer le point de départ de la discussion de cette législation au moment de la mise en place de la commission de travail en 1886. Et, si 1891 est une date charnière, elle ne marque pas encore la victoire des tenants d’une législation du travail : neuf années sont encore nécessaires pour voir votée cette loi. Soit plus de 14 ans d’harcèlements parlementaires et d’atermoiements gouvernementaux.
47L’histoire de l’élaboration de cette législation mériterait à elle seule une étude fouillée tant elle nécessite une approche visant à mettre en relation le contexte politique, l’opinion des divers groupes de pression, la problématique juridique sur le contrat de louage et la situation économique de cette fin de siècle. Ce n’est pas l’objet de cette étude.
48Toutefois, ce long cheminement doit retenir un instant l’attention non pour sacrifier à l’obsession de la chronologie mais parce qu’il permet de déceler les résistances importantes à cette législation et les formulations successives du projet ; ces deux éléments pèseront lors de la discussion du projet en 1900. Sans ce bref historique, on court le risque de ne pas comprendre les positions en présence ni l’économie générale de la loi de 1900.
1e étape : des initiatives sans lendemain
491886-1887 : Lors des travaux de la commission du travail, le problème d’une législation civile sur le contrat de travail n’est pas abordé comme tel mais il est sous-jacent aux débats ; il est fait allusion au contrat par le biais de la question de la réparation des accidents de travail. Cependant, les questions de droit soulevées par la responsabilité des accidents de travail sont renvoyées à la commission de révision du Code civil396.
501887 : Le 26 juillet 1887, suite à une motion d’ordre introduite par Ch. Sinctelette interrogeant le gouvernement sur son attitude à l’égard des accidents de travail, le ministre des Finances Auguste Beernaert assure que le Gouvernement soumettra des propositions à la Chambre397.
511889 : Le 16 mai 1889, le Ministre de l’Agriculture et des Travaux publics, Léon De Bruyne, promet de déposer pour la fin de la législature un projet de loi sur les accidents de travail398.
521890 : Le 10 juillet 1890, lors de la discussion du projet de loi portant institution d’une caisse de prévoyance et de secours en faveur des accidents de travail399, le Ministre Beernaert déclare : « Nous pouvons aujourd’hui être plus précis encore, la session parlementaire prochaine ne se terminera pas sans que nous vous proposions une nouvelle réglementation du contrat de travail »400.
53De cette brève énumération, il ressort deux choses :
la Chambre admet la nécessité de régler les questions soulevées par le contrat de travail, particulièrement en matière d’accident de travail, mais aucune solution ne se dégage en vue d’amener à ce résultat ;
le gouvernement tergiverse et renouvelle les promesses de déposer un projet de loi sur ce sujet sans y donner une suite immédiate.
2e étape : la commission Van Berchem
541891 : Le débat sur la responsabilité en matière d’accidents de travail est porté devant les Chambres le 24 janvier 1891. Le Ministre Le Jeune installe une commission, présidée par A. Van Berchem, chargée d’élaborer un avant-projet de loi sur le contrat de louage de services des ouvriers et des domestiques. Cette commission rédige un volumineux rapport dont une partie considérable est consacrée à la question de la responsabilité patronale en cas d’accident : sur les 110 articles, 93 concernent cet aspect401. Le Ministre fit sien ce projet et le déposa comme projet de loi sur le bureau de la Chambre le 14 août 1891402. La séance du 14 août est la dernière de la session 1890-1891 ; le gouvernement respecte ainsi partiellement la promesse faite par A. Beernaert le 10 juillet 1890.
551892-1894 : La Chambre ayant été dissoute le 23 mai 1892 au vote de la Déclaration de révision de la Constitution403, ce projet fut frappé de caducité. Représenté le 2 février 1893404, il connut le même sort par suite de la nouvelle dissolution des Chambres en 1894405. Sort définitif cette fois ; en 1895, un nouveau projet de loi d’une ampleur moindre voit le jour.
56Comment expliquer l’abandon du projet préparé par la commission Van Berchem ? Citons quelques éléments sans analyser le poids respectif de chacun d’eux.
De 1890 à 1894, la vie politique belge est dominée par le problème de la révision de la Constitution qui élargira le corps électoral à l’ensemble des citoyens.
Les années 1890-1894 marquent un arrêt dans l’élaboration de la législation sociale406.
L’indécision du gouvernement sur le système à adopter pour assurer la réparation des accidents de travail ; multiplication des déclarations embarrassées et décisions contradictoires sur ce sujet. C’est ainsi que par arrêté royal du 7 avril 1892407 est créé le Conseil supérieur du travail auquel le Gouvernement envisage de soumettre les sujets traités par la commission Van Berchem et de proposer les lois séparées sur divers aspects envisagés au départ de manière globale.
Le travail de la commission spéciale semble également souffrir de quelques défauts importants : hésitations, difficultés de préciser des concepts de base. On peut déduire cela du rapport de la Commission qui se termine sur une note sceptique :
« Quelle que soit l’opinion à laquelle on se range, on conviendra que peu de questions offrent autant de difficultés à résoudre. La commission s’estime heureuse d’avoir contribué à les élucider dans la mesure de ses moyens et à préparer une solution définitive à ce grave problème social »408.
57Mais le point d’achoppement fut le désir de régler en une seule loi la plupart des questions ouvrières à l’ordre du jour (durée du travail, repos dominical, minimum de salaire, accident de travail, etc.) afin de constituer ce qu’on appelle un Code du travail409. Mais l’ambition n’était pas à la mesure de l’évolution des mœurs.
58Ce projet avorté donnera lieu finalement à trois lois séparées : loi sur le règlement d’atelier (15 juin 1896), loi sur le contrat de travail (1900) et loi sur la répartition des dommages résultant des accidents de travail (1903).
3e étape : l’étape décisive
591895 : Le 7 novembre 1895, M. Nyssens, premier titulaire du nouveau Ministère de l’Industrie et du Travail, chargea le Conseil supérieur du Travail410 de mettre au point un projet d’une portée plus restreinte ; il s’agissait d’élaborer, suivant les données d’un canevas rédigé par l’administration, un projet qui devait se limiter au contrat de travail proprement dit. Le Conseil supérieur constitua en son sein une sous-commission dont M. Prins fut à la fois le président et le secrétaire. Bien que le problème de la réparation en cas d’accident de travail débordait le cadre de la mission du Conseil, la commission obtint du Ministre l’autorisation de s’en occuper ; mais seule la partie relative au contrat de travail fut déposée sur le bureau de la Chambre411.
601896 : Le 27 novembre 1896, le Ministre Nyssens déposa le projet sur le contrat de travail.
611897-1900 : Durant cette période, le projet de loi passe par les diverses phases du processus législatif. La discussion publique débute à la Chambre le 24 février 1899 et la loi fut votée le 8 septembre 1899412. Puis passage au Sénat. Le 10 mars 1900, la loi reçoit la sanction royale ; le Moniteur en publie le texte le 14 mars 1900413.
C. Principes fondamentaux de la loi du 10 mars 1900
62La loi de 1900 a donné lieu à de très nombreuses analyses juridiques. Il importe peu, pour l’objet de ce travail, d’examiner en détail l’économie de cette loi. Par contre, il importe de dégager les principes fondamentaux qui rendent compte de la philosophie générale qui a présidé à la confection de cette législation ; ces principes éclaireront la manière dont le contrat de travail est envisagé dans le contexte général des relations de travail à la fin du XIXe siècle et qui, rappelons-le, seront d’application jusqu’après la guerre 1940-1945414.
1. C’est une loi de droit civil
63Ce principe qui ressort d’ailleurs du texte légal a été maintes fois affirmé au cours des travaux préparatoires. Il en résulte donc que la loi dans son application échappe à l’action des inspecteurs du travail, même si ceux-ci constatent que des dispositions d’ordre public ne sont pas respectées, ils ne peuvent faire assurer le respect de la loi415.
2. La loi consacre l’égalité des parties
64Le principe de l’égalité des parties se manifeste particulièrement dans la disposition qui prescrit : « L’obligation et le délai de préavis sont réciproques. S’il était stipulé des délais d’inégale longueur pour les parties en présence, le délai le plus long ferait loi à l’égard de chacune d’elle » (article 19, alinéa 3).
3. C’est une loi de droit supplétif
65Dans l’exposé des motifs, on lit à ce propos :
« Il n’est pas question de restreindre en cette matière pas plus qu’on ne l’a fait pour les autres contrats, la liberté des parties. Le législateur, en présumant leur volonté, ne leur interdit pas les stipulations contraires. »416
66Les règles tracées par la loi, presqu’uniquement fondées sur les principes généraux du droit ou des usages existant, sont considérées comme l’expression de la volonté des parties ; celles-ci peuvent par conséquent y déroger, sauf pour les dispositions reconnues d’ordre public417. C’est ce qui résulte de l’article 3 de la loi.
4. La loi contient des dispositions de droit impératif
67C’est également l’exposé des motifs qui nous l’apprend :
« Cette liberté (des parties) n’est limitée que par des nécessités d’ordre public auxquelles il convient de faire droit, en prohibant, à peine de nullité, certaines clauses qui y sont contraires, ou en interdisant aux parties, sous la même sanction, de se soustraire à certaines obligations déterminées. »418
68Voici quelques exemples de ces dispositions à caractère impératif ; article 4 : admissibilité de la preuve testimoniale ; article 5 : limitation de la durée de la période d’engagement ; article 6 : délais de prescription ; article 13 : responsabilité patronale en cas de remise en dépôt d’outils ; article 29 : capacité de la femme mariée et du mineur d’âge.
5. L’usage supplée au silence des parties
69Cette disposition a été insérée à l’article 3, in fine, de la loi. On s’est demandé comment il fallait résoudre la question de savoir si c’est l’usage ou la loi qui prédomine dans le cas où, la convention étant nulle, l’usage n’était pas conforme au texte de la loi. Question tranchée au cours des travaux préparatoires par une déclaration du Ministre de la Justice :
« La loi l’emporte d’abord incontestablement ; la convention vient ensuite et elle peut même déroger à la loi lorsque celle-ci n’est pas d’ordre public ; enfin arrive l’usage. Ce sont les règles générales du droit commun. »419
70Cette solution s’inspire des dispositions de l’article 1135 du Code civil au terme duquel les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature. Ainsi, la loi établit clairement la hiérarchie des sources du droit dans le contrat de travail. Cette classification témoigne par ailleurs de l’importance croissante que l’on attache au droit écrit.
6. La loi est une loi statutaire qui tend à la sécurité juridique et à l’harmonisation du droit
71Certes, la loi sur le contrat de travail n’apporte pas de solution à tous les problèmes qui peuvent se poser dans les relations de travail. L’exposé des motifs le dit d’ailleurs clairement :
« Le projet n’a donc point pour but de résoudre toutes les questions qui naissent des rapports entre les donneurs et les preneurs de travail. Aussi, serait-il impossible de comprendre, dans une formule unique, les rapports juridiques dérivant du contrat de louage de services envisagés dans la conception la plus large. »420
72Ceci explique pourquoi la loi vise uniquement et sans réserve la seule catégorie des ouvriers. Dans cette optique limitée, le législateur a voulu ordonner les différentes règles de droit commun régissant le contrat de travail.
D. La position des partis au Parlement
73La discussion à la Chambre se termine par un vote à l’unanimité (moins une abstention). N’en déduisons pas pour autant que le principe et le contenu n’ont pas été contestés : dix ans de travaux préparatoires, trois ans de débats parlementaires, vingt-huit séances de discussion publique à la Chambre : ces seuls chiffres attestent de l’âpreté du débat.
74Les discussions sur les articles ont donné lieu à une joute souvent confuse et d’une complexité extrême et incompréhensible si on les compare au contenu du projet. Le plus étonnant c’est que finalement la loi qui fut votée correspond à peu près exactement au texte du projet déposé.
75Il ne s’agit pas ici de retracer l’ensemble de ces débats, souvent byzantins, mais de présenter quelques axes dominants des positions en présence. Celles-ci se sont principalement manifestées lors de la discussion générale.
76Le débat s’est surtout cristallisé autour de deux principes : celui de la liberté de convention et celui de l’égalité entre les parties. Ce sont là, il est vrai, deux axes majeurs de la loi. Ce sont ces lignes de force que M. Cooremans, Ministre de l’Industrie et du Travail, rappelle dès l’ouverture de la séance :
« Une autre caractéristique du projet de loi, c’est le respect de la liberté et de l’égalité juridiques des contractants. Le contrat de travail est une convention synallagmatique où les obligations sont réciproques et établies avec tout le parallélisme que comportent les relations juridiques des parties en présence. Il n’est pas jusqu’à l’ordonnance matérielle du projet de loi qui ne reflète le souci de l’équivalence des obligations entre contractants. D’autre part, la loi ne tend pas à méconnaître la libre volonté des parties et à s’y substituer. Elle laisse toute liberté aux contractants de faire telles conventions que bon leur semble pourvu qu’elles ne soient pas contraires à l’ordre public… En somme, le projet s’inspire du respect de la dignité humaine. Il n’admet pas que l’ouvrier soit un être purement passif ou un insurgé de parti en face d’un exploiteur ou d’un tyran sans scrupule ou sans cœur, mais il présume et doit présumer que, dans leurs rapports contractuels en matière de travail, patrons et ouvriers ont pour seuls soucis la défense mutuelle, la justice et l’équité. »421
77Quant à la justification du caractère limité du projet, le Ministre l’étaye de la manière suivante :
« Ce serait une entreprise bien hardie que de vouloir ainsi renfermer dans le cadre rigide d’une loi unique la solution de tous les problèmes posés entre ceux qui donnent de l’ouvrage et ceux qui demandent du travail. Ce n’est pas que cette solution complète ne doive pas être recherchée ; seulement, c’est là une œuvre laborieuse et de longue haleine qui doit se poursuivre par étapes, avec le soin et la maturité comme aussi avec la diligence que comportent les graves intérêts qui y sont engagés. »422
78Cette opinion, parfaitement conforme à l’état d’esprit qui avait dominé jusqu’alors, fut combattue par l’opposition socialiste et par des membres éminents de la jeune droite.
79Une première observation est formulée par M. Bertrand concernant le caractère incomplet du projet de loi dans son ensemble :
« Pourquoi, après tant d’années d’étude, de renvois à une commission spéciale composée de fonctionnaires et de magistrats, de renvois au Conseil supérieur du travail, pourquoi arriver encore avec une œuvre aussi incomplète que celle que nous discutons en ce moment ? Je me demande comment il se fait que le Gouvernement ait reculé devant la présentation d’un projet de loi complet sur le contrat de travail ! Quelle est en somme l’économie du projet de loi ? En dernière analyse (le projet de loi) se borne à consacrer, à codifier, à légaliser les rapports existants aujourd’hui entre le travail et le capital. C’est en quelque sorte une loi d’enregistrement des mœurs, des usages et coutumes du travail. Aucune innovation n’est à signaler, aucun changement n’est apporté au statu quo, que l’on semble ainsi trouver juste, bon, légitime. »423
80Sur les principes généraux de la loi, à l’opinion orthodoxe et libérale défendue par le Ministre de l’Industrie et du Travail, Furnémont et Vandervelde opposèrent leurs conceptions marxistes, tandis que Renkin et Carton de Wiart, parlant au nom de la jeune droite, n’hésitèrent pas à se séparer de la majorité. Parmi ces interventions, retenons-en deux.
81La liberté des contrats, l’égalité entre les contractants, qu’en est-il réellement ? demandait Furnémont.
« Il se crée entre l’ouvrier et le patron deux contrats. L’ouvrier n’a en sa possession que sa force de travail, il est obligé par les circonstances de la donner en location dans des conditions où son libre arbitre et sa libre volonté n’interviennent que pour une faible part ; et, de l’autre côté, il y a le patron ; qui est non seulement locataire du travail, mais qui est en même temps le propriétaire des instruments de travail et qui les loue à l’ouvrier. Envisagez donc la situation de l’ouvrier qui, par les nécessités de la vie, est obligé d’avoir du travail immédiatement et qui n’a pas les ressources nécessaires qui lui permettent de peser librement les termes du contrat et prenez la situation du patron, qui dispose en maître des moyens de production indispensables à l’ouvrier qui veut exercer son activité. Il ne peut donc être question de mettre les deux situations sur le même pied ; il y a un abîme, au point de vue de la liberté juridique, entre celui qui doit travailler et celui qui détient l’instrument du travail dont le premier a besoin pour accomplir sa fonction. »424
82Jules Renkin était du même avis :
« Jadis, on considérait le contrat de travail comme une vente. L’ouvrier livrait son travail, le patron payait le salaire. Ils n’avaient point d’autres obligations. Mais cette conception ancienne et servile fait place de plus en plus dans les esprits à une conception plus humaine et plus juridique. On comprend de mieux en mieux aujourd’hui que ce contrat ne suppose pas seulement une livraison d’un travail contre paiement d’un salaire. On s’aperçoit qu’il intéresse directement la personne de l’ouvrier ; son existence toute entière, sa santé physique et morale, son intelligence, sa liberté, sa vie et celle de sa famille en dépendent. … Le projet actuel est absolument individualiste. Il suppose que les parties sont égales et maîtresses de leurs conventions… Il suppose la liberté des contractants. Au regard des faits, ni le principe de l’égalité des parties dans le contrat de travail, ni le principe de la liberté économique de l’ouvrier ne sont soutenables. L’un et l’autre sont contredits par les conclusions les plus certaines de la science économique. A ce point de vue, je ne dois rien ajouter à la démonstration qu’a faite l’autre jour M. Furnémont. L’honorable membre a eu raison de dire que l’ouvrier qui vit de son travail et doit, sous peine de disette, en trouver chaque jour l’emploi, ne jouit pas d’une vraie liberté. Cette seule circonstance entrave gravement son indépendance économique. »425
83Toutes les discussions qui suivirent l’examen de chaque article auront toujours comme toile de fond ces deux principes de liberté et d’égalité. On voit par là se dessiner clairement la ligne de démarcation entre les tenants de rapports contractuels liant deux individus supposés libres et égaux et les partisans d’un rapport plus étroitement inséré dans la vie économique et, plus particulièrement, à l’intérieur de l’entreprise. C’est ce débat qu’il convient d’analyser maintenant.
Section 3. La problématique de l’entreprise et la loi de 1900
84On a montré, dans l’introduction, le paradoxe que posait la problématique de l’entreprise par rapport au contrat de travail : le contrat individuel de travail est conclu entre deux personnes ; il ne contient pas, en principe, de références à une autre réalité.
85Cependant, quand le législateur a désigné les parties en présence, il les a qualifiées d’ouvriers d’une part, de chef d’entreprise ou de patron d’autre part, sans préciser davantage le sens de ces deux concepts ni expliquer l’équivalence établie entre les termes de chef d’entreprise et de patron.
86Ce laconisme ne doit pas faire illusion. Lors des discussions parlementaires, il fut question de cette terminologie patronale. Les débats révèlent l’extrême difficulté rencontrée par les parlementaires de l’époque à définir ce concept de chef d’entreprise.
87Par ailleurs, plusieurs articles du contrat de travail contiennent des dispositions se référant à des obligations impliquant davantage que l’unique lien entre « employeur et ouvriers » : plusieurs termes font implicitement référence à la notion de collectivité, de communauté que recouvre notamment le concept d’établissement. On analysera dans un deuxième temps la signification de cette terminologie.
A. Le concept de chef d’entreprise
88Le concept de chef d’entreprise est mentionné dès l’article 1er :
« La présente loi régit le contrat par lequel un ouvrier s’engage à travailler sous l’autorité, la direction et la surveillance d’un chef d’entreprise ou patron… »
89Le libellé de cet article surprend en ce qu’il établit une équivalence entre deux concepts différents. Si l’on peut admettre assez facilement qu’un chef d’entreprise est un patron, peut-on entériner l’inverse ? Plusieurs parlementaires ont souligné cette confusion, sans toutefois parvenir à en cerner les limites autrement que par l’énumération d’exemples. Ainsi, un sénateur de la droite fait remarquer :
« Je persiste à croire que les deux vocables ont une portée toute différente ; il n’arrivera jamais de désigner par les mots « chef d’entreprise » un menuisier occupant deux ou trois ouvriers. Pour tout le monde, il sera considéré comme un patron et non comme un chef d’entreprise. De même, il ne viendrait jamais à l’idée de personne de prétendre que l’agriculteur est un chef d’entreprise et que le fermier soit un chef d’entreprise. Le fermier sera toujours considéré comme un patron par ses ouvriers agricoles. »426
90Ce bref extrait illustre bien la difficulté de saisir ces concepts. On peut déceler, sous ces exemples, deux critères de distinction. D’une part le degré de relation, de contact qu’un ouvrier peut avoir avec son employeur : on parle de patron quand on évoque la petite entreprise dans laquelle les relations sont plus nouées et plus enchevêtrées ; d’autre part, la notion de chef d’entreprise qu’on semble opposer à d’autres types d’unité économique. Ici, une deuxième confusion s’installe entre chef d’entreprise et chef d’industrie. On verra plus loin que, pour la majorité des parlementaires, cette assimilation est réalisée implicitement : quand on parle de chef d’entreprise, on pense à l’industrie ; dans le cas contraire, on parle de patron.
91Le plus surprenant est de constater que l’équivalence des notions de chef d’entreprise et de patron, affirmée dans l’article 1er de la loi, n’est plus reprise dans les articles suivants. L’explication de cette anomalie mérite qu’on s’y attarde un bref instant, tant elle paraît curieuse. A la Chambre, le Ministre du Travail et de l’Industrie justifie cette anomalie de cette façon :
« J’ai admis l’opportunité d’insérer dans le texte du projet de loi l’une et l’autre appellation “chef d’entreprise” ou “patron” ; mais après avoir employé les deux expressions dans les dispositions générales, pourquoi les répéter encore dans tous les articles ? Dans certains articles, cela donnerait lieu à une rédaction vraiment bizarre. »427
92Au Sénat, la réponse du Gouvernement, par la voix du baron Surmont de Volsberghe, est un peu mieux étoffée :
« … Je dois déclarer que ces mots sont absolument synonymes dans le sens de l’article 1er et que, cette synonymie étant établie dans les dispositions générales de la loi, elle subsiste dans les autres, où l’on peut employer indifféremment les termes de “chefs d’entreprise” ou de “patrons”. Quel que soit celui de ces deux mots qui est employé, il désigne toujours la même personnalité : il n’y a pas de difficultés possibles. »428
93S’il y a synonymie, pourquoi avoir maintenu les deux termes ? En fait, la formulation de cet article 1er enregistre, sans le trancher, le débat qui s’est déroulé au Parlement. Et supprimer la double terminologie, comme on l’a fait dans la suite des articles de la loi, esquive la problématique sans la résoudre.
94Cet atermoiement existait en fait dès le point de départ de l’élaboration de cette législation. Dans l’avant-projet du Conseil supérieur de l’industrie et du travail, le terme employé était chef d’entreprise. Dans le projet élaboré par la commission Van Berchem, le mot patron est accolé au mot chef d’entreprise. Dans le projet présenté par Nyssens à la Chambre, il n’est plus question que de « patron ». Enfin, la session centrale de la Chambre a joint au mot « patron » celui de « chef d’entreprise ».
95On le constate, la raison de ces tergiversations réside dans la confusion des concepts de patrons et de chefs d’entreprise ou d’industrie, confusion qu’il importait de lever pour déterminer quelle catégorie de personnes ces articles visaient.
96En fait, ces aléas terminologiques reflètent une confusion à un double niveau :
il y a l’ensemble sémantique chef d’entreprise d’une part et celui de patron d’autre part ;
et à l’intérieur du premier champ sémantique, un débat se déroule sur le sens du mot entreprise.
97On a vu plus haut l’argumentation tendant à assimiler les notions de chefs d’entreprise et de patrons ; elle est quasi inexistante. Seule demeure une intuition ou une conviction basée sur la pratique quotidienne. Le seul système argumentaire utilisé est l’énumération exemplative de cas concrets. A aucun moment, il n’a été perçu qu’on était en présence d’un champ sémantique et juridique très différent : la notion de chef d’entreprise implique une relation contractuelle plus large que la notion de patron qui, elle, focalise le lien plus exclusivement sur une personne physique. Les parlementaires sentent bien que ce contrat touche à un domaine plus large que le simple lien entre un employeur et un ouvrier. On met le doigt, ici, sur un certain anachronisme résultant de l’utilisation d’une technique juridique spécifique au droit civil - le contrat - appliquée à un secteur où les liens sont pluriels et très diversifiés.
98Quant au terme de « chef d’entreprise » proprement dit, il ne donne pas lieu, à la Chambre, à un débat très ouvert ni très systématique. Seul le rapporteur proposa deux critères d’approche, celui de donneur d’ouvrage et celui d’esprit de lucre :
« Quant aux chefs d’industrie et patrons auxquels la loi nouvelle s’appliquera, ce seront tous les donneurs d’ouvrage, qu’ils soient de la grande ou de la petite industrie, commerciale ou agricole - sous réserve des cas où ils ne seraient que de simples particuliers, du moins du point de vue du produit travaillé par leurs ouvriers. Au regard de ce produit, il faudra qu’ils poursuivent un but de lucre ; que ce soit dans le domaine agricole, dans le commerce ou dans l’industrie, peu importera. »429
99Ce critère de lucre a été contesté de manière pertinente par un parlementaire :
« L’honorable rapporteur a été tenté par la distinction qui existe dans nos lois entre l’acte commercial et l’acte civil. Or, il ne s’agit ni d’acte commercial ni d’acte civil : il ne s’agit pas de savoir si le patron a agi avec un esprit de lucre dans le sens de la loi ; il ne faut donc pas faire de distinction si la chose est faite dans un esprit de lucre ou non ; c’est une distinction qui n’est pas dans les termes de la loi ni dans son esprit. »430
100L’objection semble judicieuse et met le doigt, sans s’en rendre compte, sur le nœud de la difficulté, à savoir une approche trop exclusivement juridique de l’entreprise. Et dès lors que des cas concrets sont examinés, les parlementaires se rendent compte de l’inadéquation du terme aux réalités économiques.
101Le rapporteur a perçu confusément cette difficulté et propose la solution suivante :
« Ne définissons pas plus “l’ouvrier” que “le chef d’entreprise” plutôt que de le faire par “à peu près” ; et, c’est à cela qu’on se trouverait réduit si l’on voulait absolument introduire une définition dans la loi. C’est aux tribunaux qu’il appartiendra de dire ce qu’il faut entendre par ces mots… Mais si vous inscrivez dans la loi une définition, on ne s’entendra plus du tout. On nous regardera comme ayant voulu faire table rase de la jurisprudence. »431
102On ne sort donc pas du problème de l’énumération.
103Le débat fut repris au Sénat, mais dans une approche beaucoup plus globale. L’expression « chef d’entreprise » fut analysée par rapport aux autres termes de l’article 1er. Aussi, le Ministre de l’Industrie et du Travail propose-t-il une interprétation plus systématique de la notion :
« Toute la question, suivant l’esprit de la loi, me paraît être de savoir si l’employeur surveille, dirige et commande le travail. Du moment où il se trouve dans ces conditions, peu importe qu’il soit un chef d’entreprise au sens ordinaire du terme ou un simple particulier : il encourt, par le fait même, toutes les responsabilités établies par le projet de loi. »432
104Cette intervention appelle quatre observations :
l’approche proposée ramène le débat sur le terrain du droit. Le Ministre pose ainsi le problème de la spécificité du contrat de travail : la subordination définie par la surveillance, la direction et l’autorité ;
il demeure toujours une confusion : qu’entendre par chef d’entreprise « au sens ordinaire du mot » ?
l’introduction de la notion du simple particulier permet de justifier, en partie, la notion de patron ;
il est surprenant enfin que le Ministre utilise un terme qui aurait mieux recouvert la problématique posée : c’est celui d’employeur433.
105Pourquoi ce terme n’a-t-il pas été repris ? La réponse du député qui l’avait suggéré est sibylline :
« M. Bara : ce mot est-il au dictionnaire ?
M. le baron W. de Selys Longchamps : peu importe qu’il y soit ou non, s’il est correct et rend nettement la pensée. Il est du reste utilisé en économie politique.
M. le président : déposez-vous un amendement ?
M. le baron W. de Selys Longchamps : non, Monsieur le Président, parce que je sais d’avance qu’il ne sera pas adopté. »434
106Vingt-deux ans plus tard, la loi sur le contrat d’emploi parlera d’employeur. Et il faudra attendre la loi de 1978 pour que ce terme soit utilisé dans le contrat de travail d’ouvrier.
107Que conclure ? La loi ne donne pas de définition du chef d’entreprise. On entend par ce terme, ou celui de patron, toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui donne à un ouvrier un ouvrage manuel à effectuer sous son autorité, sa direction et sa surveillance. Il résulte des travaux préparatoires que la Chambre a maintenu l’exclusion de la nécessité du but de lucre. C’est le maintien des deux termes qui permit de concilier les deux positions en présence : réalité de l’entreprise d’une part, primauté de la relation contractuelle d’autre part.
B. Le contrat de travail et l’insertion du salarié dans l’entreprise435
108On a mis en évidence que les auteurs de la loi de 1900 considéraient essentiellement le contrat de travail comme un contrat répondant à l’esprit du Code civil et régi par ses principes. Mais il n’est pas sans intérêt de rechercher si certains articles de cette loi ne vont pas au-delà du Code civil et de voir si cette législation n’envisage pas, à certains moments, l’insertion de l’ouvrier dans un ensemble plus vaste, composé d’une pluralité de participants : l’entreprise.
109Ainsi, en matière de sécurité, l’article 7 dispose que « l’ouvrier a l’obligation… de s’abstenir de tout ce qui pourrait nuire soit à sa propre sécurité, soit à celle de ses compagnons ou de tiers ».
110L’article 20 stipule notamment que l’ouvrier peut être congédié sans préavis « lorsqu’il compromet, par son imprudence, la sécurité de la maison, de l’établissement ou du travail ».
111Et l’article 11 oblige le chef d’entreprise de « tenir une boîte de secours pour les premiers soins médicaux constamment à la disposition du personnel ».
112En matière de moralité, l’article 1 décide que le chef d’entreprise a l’obligation d’observer et de faire observer les bonnes mœurs et les convenances pendant l’exécution du travail. Enfin, l’article 20 précise que le chef d’entreprise peut congédier l’ouvrier sans préavis « lorsqu’il se rend coupable d’un acte d’improbité, de voies de fait ou d’injure grave à l’égard du chef ou du personnel de l’entreprise » et l’article 21 dispose que l’ouvrier peut rompre l’engagement sans préavis « lorsque le chef d’entreprise tolère de la part de ses préposés des actes d’improbité, de voie de fait ou d’injure grave à l’égard de l’ouvrier ».
113« Compagnons », « préposés », « personnel », « établissement », voilà bien une terminologie reflétant bien que le droit et les obligations contenus dans le contrat de travail visent une réalité qui s’étend au-delà des relations exclusives patron-ouvrier. Par ces articles, il est fait allusion à une communauté d’hommes d’une part, à une unité technique d’autre part. Si la première notion ne pose guère de problèmes, le concept d’établissement par contre repose la question de la définition de l’entreprise. Ainsi, dans une même loi, il est fait mention de chef d’entreprise, de patron et d’établissement, sans qu’aucun de ces termes ne soient précisés. Il conviendrait, mais ceci serait l’objet d’un autre travail, d’analyser la législation et les théories économiques pour saisir le contenu précis qu’elles donnent à ces notions436.
114On le voit, le carcan du contrat enserrant les relations individuelles n’est pas aussi hermétique ; des lézardes fissurent cette institution civile qui ne semble pas assez souple pour rendre compte de la réalité de l’entreprise. Ces lézardes ne sont certes qu’esquissées dans la loi de 1900. Elles deviendront des brèches dans la loi du 4 mars 1954 modifiant certaines dispositions de la loi de 1900.
Conclusion
115La loi du 10 mars 1900 constitue le premier effort législatif entrepris pour détailler le statut juridique du travailleur. Elle ambitionne de remédier à l’insuffisance des dispositions du cadre civil qui ne contient à cette époque que deux articles relatifs au louage de service, et au vide laissé par les mesures abolutives des lois et décrets révolutionnaires437. Elle entend réaliser « l’ordonnance juridique des relations entre les chefs d’industrie et les ouvriers »438, faire du louage de services un contrat aussi élaboré que les autres contrats du Code civil. Cette prédominance civiliste revient tel un leitmotiv dans tous les débats ; chaque fois revient l’idée qu’il s’agit « de combler une lacune du Code civil en déterminant les droits et obligations qui dans le silence des parties devient le contrat »439. Cette « obsession » civiliste se marque dans les visées de la loi puisqu’il n’est pas question de porter atteinte aux principes civilistes de liberté et d’égalité juridique des parties. La loi du 10 mars 1900 témoigne en effet nettement d’une réticence à intervenir dans ces domaines. Le législateur éprouve même le besoin d’apaiser l’éventuelle inquiétude que les défenseurs de la liberté pourraient rencontrer440. La loi consistera essentiellement à adopter et à préciser des règles de droit commun en les appliquant aux situations spécifiques du contrat de travail441. Ainsi, le législateur a essentiellement le dessein de rédiger une loi qui éclaire les parties au contrat de travail par l’étendue de leurs droits et de leurs obligations par des dispositions supplétives conçues dans l’esprit du Code civil442.
116Certes, on peut considérer, par certains aspects, que cette loi est une loi de protection. Ce versant se retrouve dans des dispositions impératives qui constituent, dans certaines circonstances, une limitation de la libre convention. Cependant, cette protection se retrouve le plus souvent sous une forme très modérée. Elle ne résulte pas de dispositions qui favoriseraient manifestement l’ouvrier par rapport au patron, comme ce sera le cas plus tard dans la loi sur le contrat d’emploi ou dans les modifications qui seront apportées au contrat de travail après 1945443. Cette protection est toujours réduite et elle est aussitôt modérée par certaines compensations attribuées aux employeurs.
117Une autre pierre d’assise de la loi de 1900 est l’affirmation de la prédominance de la relation contractuelle : la théorie contractuelle soutient que le libre accord des volontés des parties dans le cadre du travail est la source des droits et obligations qui en découlent pour les parties : cet élément contractuel est la condition sine qua non pour la création des autres obligations juridiques444.
118Du point de vue du combat ouvrier de la fin du XIXe siècle, peut-on considérer la loi de 1900 comme une conquête sociale et la mettre sur le même plan que les autres lois sociales votées à cette époque ?
119Une chose apparaît clairement : cette loi sur le contrat de travail n’a pas été arrachée par la minorité ; elle n’a pas fait l’objet de grèves ou d’émeutes. Elle ne donna lieu qu’à une bataille juridique de laquelle le pouvoir en place sortit vainqueur : il obtint de restreindre la portée de la loi, d’en faire une loi dont on peut se demander si elle ne protège pas autant le patron que le travailleur. Ch. Woeste, lors du débat public, éclaire bien, à notre sens, la stratégie suivie par le pouvoir à cette occasion :
« Je veux bien admettre que dans certains cas, les nécessités qui frappent l’ouvrier sont plus pesantes que celles qui pèsent sur les patrons. Cependant, il ne faut pas oublier que, souvent, le patron ne peut pas attendre, ne fut-ce que pour satisfaire à des commandes et que, d’autre part, l’ouvrier a entre les mains le droit redoutable de coalition et de grève… Voilà donc la situation. Il y a, du point de vue du contrat, une égalité juridique incontestable. Le maître et l’ouvrier ont chacun entre les mains des armes à l’aide desquelles ils peuvent assurer l’exécution ou obtenir la modification du contrat. »445
120Contrairement à une opinion reçue, ne peut-on considérer que, par cette loi sur le contrat de travail, le pouvoir a voulu récupérer quelque peu ce qu’il avait dû lâcher durant les années 1880-1900 en matière de lois sociales ? L’hypothèse mériterait un examen approfondi.
121On le voit, la loi de 1900 porte bien l’empreinte de son temps. Certes, elle assure au travailleur des garanties et des moyens de recours contre l’arbitraire patronal ; elle réglemente les conditions de travail et, par conséquent, limite la liberté du patron. Mais elle n’envisage que les rapports individuels entre les partenaires ; elle ne considère que le rapport entre l’unité individuelle de l’ouvrier et l’unité individuelle patronale.
122Les réalités de l’entreprise, les rapports collectifs de travail, la communauté de travail, aucun de ces concepts ne figurent dans le texte législatif même si, lors des débats, un parlementaire socialiste, H. Denis pose le problème à ce niveau :
« C’est le contrat de collectivité qui seul donne définitivement la réalité au principe d’égalité du contrat d’individu à individu. C’est ce droit public qui fait sortir le droit civil du domaine de l’abstraction et de l’illusion ; j’entends parler d’une forme de droit public supérieure à celle à laquelle appartient la législation sur les règlements d’atelier ; c’est la législation, qui j’espère, sera celle d’un avenir prochain. »446
123L’évolution que H. Denis annonçait et souhaitait s’est produite, plus lentement sans doute qu’il ne l’avait perçu. De la conception purement individualiste, on a passé, prudemment, à une conception plus organique. La législation sur le contrat d’emploi de 1922 marque de ce point de vue une étape importante.
Notes de bas de page
355 Cet article a été initialement publié dans la Revue interdisciplinaire d'études juridiques, no 15, 1985, p. 41-88, avec la note initiale suivante : « Ce texte présente une version réduite d’un travail plus ample, notamment du point de vue chronologique, réalisé en 1982 dans le cadre d’un séminaire interdisciplinaire aux Facultés universitaires Saint-Louis consacré à la relation droit-entreprise. Je tiens à remercier le professeur Ph. Godding de m’avoir encouragé à publier ce travail ». Jean-Pierre Nandrin a ensuite développé ses recherches sur ce sujet dans « La genèse de la loi du 10 mars 1900 sur le contrat de travail. Un exemple modèle de fonctionnement législatif ? », dans 2e Congrès des cercles francophones d'histoire et d'archéologie de Belgique. Congrès de Nivelles. 23-26. VIII. 1984, Actes, t. II, Nivelles, 1985, p. 55-65 ; « Contrat de travail et contrat d'emploi : pourquoi deux législations différentes ? », Les Cahiers de la Fonderie, no 14, juin 1993, p. 59-62 ; « La genèse du droit du travail en Belgique. Plaidoyer pour la chronologie », dans Auctoritates. Xenia R.C. Van Caenegem oblata, dir. S. Dauchy, J. Monballyu et A. Wijffels, Bruxelles, Koninklijke Academie voor wetenschappen, letteren en schone kunsten van België, 1997, p. 256-288 (Iuris Scripta Historica, XIII) ; et « La loi du 10 mars 1900 sur le contrat de travail. Du Code civil au "droit civil du travail" », dans Van status tot contract. De arbeidsovereenkomst in België vanuit rechtshistorisch perspectief, dir. B. Debaenst, Bruges, die Keure, 2013, p. 71-84.
356 Chlepner (B.S.), Cent ans d’histoire sociale en Belgique, Bruxelles, 1955.
357 Devleeschouwer (R.), « Logique sociale et législation du travail en Belgique au cours de la première moitié du XIXe siècle », Revue de l’Institut de Sociologie, 1962/2, p. 449-519.
358 Une des questions clefs concerne notamment l’extension à donner au concept même de contrat de travail. Voir à ce sujet Nandrin (J.P.), « La genèse de la loi du 10 mars 1900 sur le contrat de travail… », op. cit., p. 55-65.
359 Voir notamment Patte (M.), « Caractéristiques, exigences et tendances du droit du travail », J.T.T., 1975, p. 17 et s. ; Vogel-Polsky (E.), « Considération sur l’égalité en droit social », J.T.T., 1973, p. 113 et s. ; Horion (P.), Nouveau précis de droit social, belge, Liège, 1969, 2e éd., no 8, p. 32.
360 Voir à ce sujet le travail de synthèse de de Theux (A.), Droit du travail et interprétation. Examen critique de la doctrine et de la jurisprudence récente, Séminaire interdisciplinaire d’études juridiques, Documents de travail no 6, Bruxelles, Facultés universitaires Saint-Louis, 1976.
361 Horion (P.), « Le contrat de travail en droit belge », dans Le contrat de travail dans le droit des pays membres de la C.E.C.A., Paris, 1965, p. 222.
362 Aux ouvrages classiques sur la matière, on doit ajouter comme textes de référence pour ce travail : Devleeshouwer (R.), « Logique sociale et législation du travail en Belgique au cours de la première moitié du XIXe siècle », Revue de l’Institut de Sociologie, 1962/2, p. 449-519 ; Van den Vorst (P.), « Clefs du droit social belge », Revue de l’Université de Bruxelles, 1978, no 13, p. 11-85.
363 Ollier (P. D.), Le droit du travail, Paris, A. Colin, 1972, p. 14.
364 « Il sera libre à toute personne de faire tel négoce ou d’exercer telle profession, art ou métier qu’elle trouvera bon », texte cité par Camerlynck (G.H.), Traité du droit du travail, T. I : Contrat de travail, Paris, Dalloz, 1968, p. 8.
365 Pour la Belgique, voir Van Houtte (H.), Histoire économique de la Belgique à la fin de l’ancien régime, Gand, 1920.
366 Camerlynck (G.H.), op. cit., p. 9.
367 Jacquemyns (G.), « Les réactions contre l’individualisme de 1789 à 1848 », Revue de l’Université de Bruxelles, 1934, no 4, p. 421-437.
368 Lorsque l’Assemblée nationale adopte la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, elle affirme dans son article 1er que tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ; les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité connue (Voir le texte dans Duverger (M.), Constitutions et documents politiques, Paris, P.U.F., 1966, p. 3-4). De même, Le Chapelier, dans son rapport introductif à la loi du même nom, déclare : « Il faut remonter au principe que c’est aux conventions libres d’individus à individus de fixer la journée de travail pour chaque ouvrier, à l’ouvrier de maintenir la convention qui a été faite avec celui qui l’occupe. Quant aux salaires, seules les conventions libres et individuelles peuvent les fixer » (cité par Camerlynck (G.H.), op. cit., p. 8).
369 Camerlynck (G.H.), op. cit., p. 2-4 et, du même auteur, « Le contrat de travail dans le droit des pays membres de la C.E.C.A. Rapport de synthèse », dans op. cit., Paris, Dalloz, 1965, p. 13-14.
370 Delhuvenne (M.), « Problèmes généraux du contrat de travail individuel », dans Droit du Travail, dir. R. Blanpain, t. II, Bruxelles, 1972, p. 36.
371 Le Code civil distingue trois espèces de contrat de louage d’ouvrage et d’industrie (art. 1779), à savoir le contrat de louage de travail, le contrat de transport et le contrat d’entreprise d’ouvrages. Ces contrats semblent être énumérés dans l’ordre inverse de leur importance : deux articles sont consacrés au contrat de louage de travail, cinq au contrat de transport et treize au contrat d’entreprise.
372 Article 1780 : « on ne peut engager ses services qu’à temps ou pour une entreprise déterminée ».
Article 1781 : « le maître est cru sur son affirmation pour la quotité des gages, pour le paiement des salaires de l’année échue et pour les acomptes donnés pour l’année courante ». Cet article a été abrogé par la loi du 14 juillet 1883.
373 La manière de conclure le contrat, ses effets généraux, le mode de fixation des responsabilités, la façon dont le contrat prend fin, la forme et la preuve du contrat, tout cela est prévu par de nouvelles règles juridiques. Enfin, les règles dictées par l’usage et l’équité sont réhabilitées et auront de nouveau à jouer leur propre rôle, si supplétif soit-il (cf. Delhuvenne (M.), op. cit., p. 37).
374 Un exemple typique est fourni par un jugement du Juge de Paix de Hollogne-aux-Pierres du 4 mars 1874 (Pas., 1874, 3, 88 commenté dans Genèse du droit social au cours du XIXe siècle. Travaux et conférence de la Faculté de droit de l’Université Libre de Bruxelles, 1963, 1, p. 25). Selon ce jugement, le patron ne peut modifier les conditions d’exécution du contrat de travail, en l’espère réduire le salaire, que moyennant un préavis donné huit jours d’avance, c’est-à-dire en respectant le même délai de préavis qui serait utile pour mettre fin au contrat « sinon l’égalité qui régit les rapports entre le directeur (des charbonnages) et l’ouvrier serait rompue au profit du premier ».
375 Sur l’analyse de cet article 1781, voir Genèse du droit social…, op. cit., p. 35-44.
376 Voir à ce sujet Chlepner (B.S.), Cent ans d’histoire sociale en Belgique, Bruxelles, P.U.B., 4e édit., 1972, p. 22-24 et 93-95 et Genèse…, op. cit., p. 136-144.
377 Il s’agit des articles 414, 415 et 416 du Code pénal. Pour un commentaire, voir Devleeshouwer (R.), op. cit., p. 452-455.
378 Voir Chlepner (B.S.), op. cit., p. 26 ; Velge (H.), Éléments de droit industriel belge, t. II, Bruxelles, Dewit, 1927, p. 6-8 ; Genèse…, op. cit., p. 145-149.
379 Texte cité par Destree (J.), Vandervelde (E.), Le Socialisme en Belgique, Paris, 1903, p. 275.
380 Camerlynck (G.H.), op. cit., p. 12.
381 Citons, à titre exemplatif, Waelbroeck (D. F), Cours de droit industriel, Paris, 1863-1867.
382 Voir Genèse du droit social, op. cit., p. 55-83 qui examine la jurisprudence et la doctrine touchant à cette matière.
383 Sainctelette (Ch.), De la responsabilité et de la garantie (Accidents de transport et de travail), Paris, 1884.
384 Pour une bibliographie systématique de cette controverse, voir La Belgique judiciaire, t. XLVII, 1889, col. 385-394.
385 Adan (H.), « Droit civil. De la nécessité d’une loi nouvelle réglementant la responsabilité des patrons », La Belgique Judiciaire, t. XLIII, 1885, no 55, 9 juillet, col. 865-870.
386 Spitaels (G.), Le mouvement syndical en Belgique, Bruxelles, 1967, p. 13-26 ; Doucy (A.), « La naissance des premières associations ouvrières. L’évolution du droit de coalition en France, en Angleterre et en Belgique », dans Mélanges offerts à L.E. Troclet, Bruxelles, 1967, p. 113-152.
387 Gaillard (J.), « Un événement politique méconnu, le congrès libéral progressiste du 29 et 30 mai 1887 », Res Publica, t. XVI, 1974, no 5, p. 589-600.
388 Van Kalken (F.), Commotions populaires en Belgique (1834-1902), Bruxelles, 1936 ; Van Santbergen (R.), Une bourrasque sociale, Liège, 1886, Liège, 1969.
389 Cité par Van Kalken (F.), op. cit., p. 75.
390 Verhaegen (A.), Vingt-cinq années d’action sociale, Bruxelles, 1911, p. 48.
391 Cité par Van Kalken (F.), op. cit., p. 75.
392 Ann. parl., Ch., sess. 1886-1887, séance du 9 novembre 1886.
393 Voir Genèse du droit social…, op. cit., p. 197-262. Ce n’est pas la première fois qu’une telle procédure avait lieu. La condition ouvrière et les conditions de travail des femmes et des enfants avaient déjà fait l’objet d’une enquête en 1843 (voir Van Goethem (F.), « L’enquête de 1843 sur la condition des classes ouvrières et sur le travail des femmes et des enfants », Revue du Travail, 1943, p. 648-654).
394 Voir Renard (C.), La conquête du suffrage universel en Belgique, Bruxelles, 1966, les deux premières parties et Dejardin (G.), Le suffrage universel a soixante ans, Bruxelles, Labor, 1979, les deux premières parties.
395 Doc. parl., Ch., session 1891-1892, séance du 17 novembre 1891, no 13, p. 5.
396 Commission du Travail. Conclusions de la Commission, séance du 20 mai 1887, vol. III, p. 593-614.
397 Ann. parl., Ch., session 1886-1897, séance du 26 juillet 1887, p. 1723.
398 Ann. parl., Ch., session 1888-1889, séance du 16 mai 1889, p. 1153.
399 Sur cette institution, voir Chlepner (B.S.), op. cit., p. 218.
400 Ann. parl., Ch., session extraordinaire, 1890, séance du 10 juillet 1890, p. 15.
401 Doc. parl., Ch., session 1891-1892, no 13.
402 Doc. parl., Ch., session 1890-1891, séance du 14 août 1891, no 260.
403 Pasin., T. XXVII, 1892, 23 mai 1892, p. 210.
404 Doc. parl., Ch., 1892-1893, no 91 et 92, 135.
405 Pasin., T. XXIX, 1894, 19 septembre 1894, p. 541.
406 Chlepner (B.S.), op. cit., p. 213.
407 Pasin., T. XXVII, 1892, no 155, 7 avril 1892, p. 172-173.
408 Doc. parl., Ch., session 1891-1892, séance du 17 novembre 1891, no 13, p. 366-367.
409 Chlepner (B.S.), op. cit., p. 217 ; Horion (P.), op. cit., p. 163 ; Defourny (M.), « Histoire sociale : les faits, les idées, la législation », dans Histoire de la Belgique contemporaine (1830-1914), t. II, Bruxelles, Dewit, 1929, p. 344-347.
410 Le Conseil supérieur du Travail est créé le 7 avril 1891 il s’agit d’un service, essentiellement consultatif, rattaché au Ministère de l’Industrie et du Travail, créé le 25 mai 1895. Ces deux institutions permirent un nouveau développement de la législation sociale.
411 Delhuvenne (M.), op. cit., p. 44. Il serait intéressant de confronter les textes préparatoires issus du Conseil supérieur du Travail avec ceux émanant de la commission Prins et d’analyser en détail les débats à ce sujet.
412 A.P.C., session de 1898-1899.
413 Moniteur belge, 1900, 14 mars, no 73, p. 1089-1093.
414 Pour cette synthèse, voir Velge (H.), Éléments de droit industriel belge, t. I, Bruxelles, Dewit, 1927, p. 39-50 ; Horion (P.), op. cit., p. 163-165 ; Defourny (M.), op. cit., p. 344-347 ; Delhuvenne (M.), op. cit., p. 41-48.
415 Il ne faut pas perdre de vue que la teneur du contrat de travail subit déjà les effets d’une série de lois protectrices dont plusieurs présentent un caractère pénal et que le non-respect de ces dispositions est susceptible d’être puni (par exemple la loi du 16 août 1887 sur le paiement des salaires ; la loi du 11 avril 1896 concernant l’inspection du travail ; la loi du 15 août 1889 sur le travail des femmes et des enfants).
416 Pasin., 1900, p. 82.
417 Doc. parl., Sén., 1899-1900, no 19.
418 Pasin., 1900, p. 82.
419 Ann. parl., Sén., 1899-1900, p. 218.
420 Pasin., 1900, p. 86.
421 Ann. parl., Ch., 1898-1899, séance du 24 février 1899, p. 653.
422 Ibidem.
423 Ann. parl., Ch., 1898-1899, séance du 7 mars 1899, p. 765.
424 Ann. parl., Ch., 1898-1899, séance du 24 février 1899, p. 696.
425 Ann. parl., Ch., 1898-1899, séance du 26 février 1899, p. 715.
426 Ann. parl., Sén., session 1899-1900, séance du 28 février 1900, p. 216.
427 Ann. parl., Sén., session 1899-1900, séance du 28 février 1900, p. 216.
428 Ann. parl., Sén., session 1899-1900, séance du 28 février 1900, p. 217.
429 Ann. parl., Ch., session 1898-1899, séance du 17 mars 1899, p. 865.
430 Ann. parl., Ch., session 1898-1899, séance du 17 mars 1899, p. 866.
431 Ann. parl., Sén., session 1899-1900, séance du 16 mars 1899, p. 854.
432 Ann. parl., Sén., session 1899-1900, séance du 23 février 1900, p. 217.
433 « Cette expression serait plus large et ne soulèverait pas les mêmes difficultés d’interprétations » (Ann. parl., Sén., session 1899-1900, séance du 23 février 1900, p. 217).
434 Ann. parl., Sén., session 1899-1900, séance du 23 février 1900, p. 217.
435 Voir à ce sujet Horion (P.), op. cit., p. 168-170.
436 Voir à ce sujet, par exemple, Neuville (J.), « La notion d’entreprise et la loi sur l’organisation de l’économie », Clartés syndicales, août-septembre 1949, no 8-9, p. 1-47.
437 Voir Delahaut (P.J.), « Les étapes et les tendances de l’histoire du droit de louage de services », Revue de Droit social, 1977, no 8, p. 450-451.
438 Doc. parl., Ch., session 1896-1897, p. 450-451.
439 Doc. parl., Sén., session 1899-1900, no 19.
440 Exposé des motifs, Pasin., 1900, p. 82 : « La loi sur le contrat de travail est également acceptable par les partisans et les adversaires de l’intervention de l’État dans le domaine du travail et de l’industrie ».
441 Delhuvenne (M.), op. cit., p. 45.
442 Horion (P.), op. cit., p. 163.
443 Point de protection, par exemple, en matière de sécurité d’emploi ou de revenus.
444 Delhuvenne (M.), op. cit., p. 87.
445 Ann. parl., Ch., séance du 8 mars 1899, p. 780.
446 Ann. parl., Ch., séance du 8 mars 1899, p. 773.
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