1 Comme le dit de manière efficace Viola 1984‚ p. 377‚ « plus la trame est serrée‚ plus le tissu sera résistant ».
2 Sur le passage d’une logique de la « substance » à une logique des « relations » et pour certains exemples de cette logique tirés du monde du droit‚ voir Vogliotti 2001‚ p. 168 et s.
3 En 2014‚ les pourvois parvenus à la Cour de Cassation italienne dans le domaine pénal ont atteint le chiffre énorme‚ pour une cour suprême‚ de 55.822 (53.539 recours en 2016‚ dont 24.461 ont été rejetés par la septième chambre‚ instituée en 2001‚ pour évaluer‚ de plano‚ les pourvois inadmissibles ictu oculi). En 2015‚ dans notre Cour de cassation‚ qui‚ pour les affaires pénales‚ est composée de six chambres ordinaires‚ siégeaient‚ dans les deux matières‚ civile et pénale‚ 239 conseillers (soit 77 % des juges prévus par la loi : 308) et 16 présidents de chambre (soit 29 % des 55 prévus). Les données‚ qui mettent en évidence l’anomalie italienne dans le panorama européen des cours suprêmes‚ sont tirées des rapports du président Giovanni Canzio sur l’administration de la justice en 2015 et en 2016. Cf.‚ sur cette anomalie italienne‚ Chiavario 2014‚ p. 26-29. Sur la situation de la Cour de Cassation italienne et sur les perspectives de réforme‚ voir également les observations de l’ancien président de la Cour‚ Lupo 2016.
4 D’après le rapport sur l’administration de la justice de 2012‚ signé par le président de l’époque Ernesto Lupo‚ les avocats aux conseils étaient‚ au 30 juin 2012‚ au nombre de 50.117‚ contre les 106 de la France. Il est évident qu’un nombre aussi élevé d’avocats habilités à proposer un pourvoi en cassation et à représenter un justiciable devant la Cour est incompatible avec l’idée d’une Cour suprême qui‚ grâce à un nombre restreint de recours et donc de décisions‚ puisse bien orienter et uniformiser la jurisprudence.
5 Fiandaca 2005‚ p. 1734.
6 Dans une lettre du 13 juin 1994 adressée à tous les magistrats de la Cour de cassation‚ le premier président de l’époque‚ Zucconi Galli Fonseca‚ encourageait ses collègues à abandonner « la pratique de l’isolement » et à renforcer la « culture et le soin pour la valeur formelle du précédent‚ encore insuffisante dans notre pratique ». La lettre en question mettait aussi l’accent sur l’importance de la « collaboration » ‚ du « dialogue » ‚ de la « méthode préparatoire et participative » ‚ « d’une relation plus étroite entre le bureau du Massimario [Service de documentation‚ des études et du rapport (SDER) de la Cour] et les Sections » ‚ des « échanges fréquents d’opinion » et sur la nécessité d’organiser des « réunions périodiques pour discuter les questions interprétatives les plus importantes et controversés » (la lettre est publiée dans Esposito & Romeo 1995‚ p. 40-50). Dans la même perspective‚ voir aussi Zagrebelsky V. 1988‚ qui plaide pour l’abandon de la pratique du « dialogue à distance‚ par la voie des arrêts » ‚ pratique qui aboutit à la « personnalisation de la réponse judiciaire » et donc à d’importants conflits de jurisprudence. Dans cette perspective‚ il faut imaginer‚ poursuit-il‚ « des formes nouvelles de participation chorale à l’élaboration et au développement de la jurisprudence ». La discussion devrait « précéder et accompagner les décisions‚ avec la participation de tous les magistrats » ‚ en prévoyant « des moments d’information‚ de discussion‚ d’élaboration de la jurisprudence » ‚ de manière à ce que « la discordance de l’approche culturelle » donne lieu « à des confrontations avant l’exercice de la fonction juridictionnelle ». Ce n’est pas‚ précise-t-il‚ en revenant à la vieille logique de la hiérarchie‚ « incompatible avec le système constitutionnel » ‚ mais à travers cette logique relationnelle et coopérative que l’on pourra raisonnablement atteindre « une uniformité tendancielle de la jurisprudence et une stabilité relative des applications concrètes de la loi » (p. 1577-1578).
7 Cf.‚ sur ce point‚ Esser 1983 [1972]‚ p. 18-20.
8 Pulitanò 2006‚ p. 682.
9 Palazzo 2007‚ p. 1328.
10 Vattimo 1998‚ p. 290 et 289.
11 Dans Vogliotti 2007‚ nous avons intitulé le dernier chapitre : « De la centralité de la loi à la centralité de l’homme de loi ». Voir aussi‚ en français‚ Vogliotti 2001‚ p. 180-187.
12 En Italie‚ il faut rappeler‚ notamment‚ l’important projet de recherche PRIN 2004 (« Observatoire sur la formation juridique »)‚ coordonné par Orlando Roselli (ce projet a donné lieu à la publication de douze volumes chez l’éditeur Esi de Nâples). La collection a été inaugurée en 2005 par le volume de Roselli & Cerulli Irelli 2005. Comme le savent bien les lecteurs francophones‚ en France la discussion sur l’enseignement du droit s’est enflammée suite à l’arrêté du 21 mars 2007 qui a conféré‚ aux diplômés de Sciences Po dans les filières « Droit économique » et « Carrières judiciaires et juridiques » ‚ le droit de se présenter à l’examen d’entrée aux écoles de formation du barreau. Voir‚ à ce propos‚ Jamin 2012‚ qui illustre le projet pédagogique novateur de l’École de droit de Sciences Po. Sur la nécessité et l’urgence d’une nouvelle éducation juridique‚ voir l’ouvrage dirigé par Vogliotti 2019a.
13 Voir‚ dans cette perspective‚ Vogliotti 2016b (reproduit‚ infra‚ dans l’Annexe).
14 Bobbio 1977‚ p. 37‚ selon qui « la politique de la culture‚ en tant que politique des hommes de culture pour la défense des conditions d’existence et de développement de la culture‚ s’oppose à la politique culturelle‚ c’est-à-dire à la planification de la culture de la part des hommes politiques ».
15 Dans un essai passionné Marta Nussbaum‚ professeure de « Law and Ethics » auprès de l’Université de Chicago‚ dénonce les dangers pour l’avenir de la démocratie dérivant d’une instruction pauvre en culture humaniste‚ laquelle promeut « la liberté de la pensée et de la parole‚ l’autonomie du jugement‚ la force de l’imagination » : « Distraits par l’objectif du bien-être‚ nous demandons toujours plus à nos écoles d’enseigner des choses utiles pour devenir des hommes d’affaires plutôt que des citoyens responsables ». Si l’on ne change pas de cap‚ la perspective serait celle d’un avenir de « nations habitées par des personnes techniquement préparées mais qui n’ont pas appris à être critiques envers l’autorité‚ des gens capables de faire des profits mais qui n’ont pas d’imagination » (Nussbaum 2011 [2010]‚ quatrième de couverture et p. 153).
16 C’est dans cet esprit que j’avais proposé‚ en juin 2010‚ de créer‚ auprès de ma Faculté de Droit‚ une Chaire consacrée à la mémoire d’un des pères spirituels de notre Constitution républicaine‚ Alessandro Galante Garrone (1909-2003)‚ juge‚ partisan de la formation « Justice et Liberté » ‚ historien et collaborateur du quotidien « La Stampa » pendant un demi-siècle. Le 19 mai 2016‚ le comité scientifique de la Chaire a organisé une table ronde intitulée « Quelle formation ? Pour quel juriste ? » ‚ avec la participation des cinq premiers titulaires de la Chaire : Gustavo Zagrebelsky‚ Francesco Palazzo‚ Luigi Ferrajoli‚ Pietro Costa et Maria Rosaria Ferrarese (sur le site de mon département – www.digspes.uniupo.it – on peut trouver facilement tous les renseignements sur cette Chaire).
17 J’ai développé ces propos dans Vogliotti 2007‚ p. 305-317 (dernier paragraphe intitulé‚ de manière significative‚ Per un’etica del limite)‚ en m’inspirant‚ entre autres‚ du mythe‚ raconté par Platon dans le Protagoras‚ du don de díke et aidós fait par Zeus aux hommes (aidós est un mot riche de sens : il indique « aussi bien le sentiment de l’honneur‚ de la dignité que la pudeur‚ la retenue‚ la honte‚ la crainte respectueuse » ‚ bref‚ ce qui freine l’action‚ le contraire de l’hýbris). La citation est tirée de Ildefonse 1997‚ p. 231.
18 Calvino 1993‚ p. 75.