La traduction, ciment du « pacte constitutionnel européen »
Une relecture du débat sur la primauté du droit européen par rapport aux Constitutions nationales
p. 449-487
Texte intégral
La présente contribution est dédicacée à Michel van de Kerchove. L’hommage que je lui adresse ici se doit d’être court. Il n’en est pas moins chargé d’émotion. C’est très simple : j’ai le sentiment de lui devoir une part proprement décisive de mon bonheur de travailler aux Facultés universitaires Saint-Louis depuis le début de ma carrière, et même avant celle-ci. En effet, c’est grâce à son enseignement que j’ai aimé le droit, via la théorie du droit ; c’est grâce à son invitation que je suis de venu un de ses assistants ; c’est grâce à sa bienveillance que j’ai appris à grandir et à prendre quelques responsabilités universitaires ; c’est grâce à son discernement que tous les collègues qu’il a recrutés sont devenus de vrais amis, et pas seulement des collègues ; enfin, c’est grâce à l’exemple de sa pratique scientifique et soutenu par ses encouragements que j’ai osé emprunter la voie longue et périlleuse, mais si nécessaire, du travail interdisciplinaire appliqué au droit constitutionnel. Il me permettra de lui redire, ici, pour tous ces cadeaux qui ont façonné ma vie professionnelle, mes remerciements les plus vifs.
1Les relations entre l’ordre juridique communautaire européen et les ordres juridiques nationaux donnent lieu depuis longtemps à des controverses passionnées à propos de la primauté que le droit communautaire revendique non seulement sur les lois nationales, mais aussi sur les normes inscrites dans les Constitutions nationales. L’échec du traité « établissant une Constitution pour l’Europe » signé à Rome le 29 octobre 2004 et son remplacement par le traité de Lisbonne en témoigne. Le défunt traité de Rome bis avait eu l’honnêteté d’affirmer expressément, dans son article 1-6, la primauté de ses prescriptions et des actes adoptés par les institutions de l’Union sur le droit, et donc tout le droit, des États membres. Cette disposition qui ne faisait pourtant que refléter la jurisprudence bien connue de la Cour de justice, notamment dans les célébrissimes arrêts Costa c. Enel1, Simmenthal2 et Internationale Handelgesellschaft3, avait suscité un émoi considérable dans les États attachés à leur souveraineté et à la primauté de leur Constitution nationale, c’est-à-dire pratiquement tous… sauf la Belgique dont on connaît le sens très relatif de l’identité nationale4… Les États les plus émus étaient, outre le Royaume-Uni et les Pays-Bas, ceux qui venaient d’adhérer à l’Union le 1er mai 2004, ce que l’on peut comprendre sans peine si l’on se souvient qu’ils n’avaient retrouvé l’effectivité de leur souveraineté juridique que dix ans plus tôt, à la suite de la chute du mur de Berlin.
2Du coup, après l’échec de la « Constitution » européenne, le traité de Lisbonne – dont le processus de ratification est toujours en cours à l’heure où ces lignes sont écrites – a renoncé à ce bel exercice de transparence vis-à-vis des citoyens européens en gommant l’article Ι-6. Mais la conférence intergouvernementale a adopté une « déclaration no 17 relative à la primauté » qui reproduit lui-même un avis du service juridique du Conseil où l’on peut lire cette phrase magnifique : « Le fait que le principe de primauté ne soit pas inscrit dans le futur traité ne modifiera en rien l’existence de ce principe ni la jurisprudence en vigueur de la Cour de justice. » Hypocrisie ? Compromis en tout cas entre les États attachés à cet élément essentiel de l’« acquis communautaire » – un terme, soit dit en passant, notoirement intraduisible, de l’aveu des traducteurs les plus expérimentés de la Commission5… – et les États soucieux d’éviter tout indice qui pourrait faire croire à la mise en place d’un « super État fédéral ».
3Cette déclaration est « dépourvue de valeur contraignante », disent certains commentateurs6, tandis que d’autres estiment que, « du point de vue du droit international public », elle produira « le même résultat» que l’article I-6 du traité établissant une « Constitution » pour l’Europe7. A vrai dire, une telle déclaration n’est pas à confondre avec un protocole annexé au traité. On a précisément voulu éviter de soumettre au processus de ratification un texte qui mentionne le principe de la primauté. Mais la même déclaration indique que la Conférence intergouvemementale a décidé d’annexer l’avis du service juridique à l’Acte final. Alors il reste à se demander si une annexe à l’Acte final a la même valeur qu’une annexe au traité…8.
4On est déjà ici, on le voit, en plein exercice de traduction, de traduction-dissimulation, pourrait-on dire : la Conférence intergouvernementale a manifestement traduit la consécration jurisprudentielle du principe de primauté dans un dispositif juridique délibérément ambigu pour des raisons purement politiques. Il s’agit de confirmer, tout en le cachant, un statu quo qu’on avait eu l’imprudence d’expliciter. Comme l’a écrit Jacques Ziller, « l’affaire déprimante de la primauté […] apparaît donc comme le symptôme le plus aigu de la disparition de la confiance mutuelle dans l’Union européenne9 »…
5Plus profondément, on peut aussi dénoncer dans cette affaire, c’est ce que l’on voudrait montrer, un déficit de traduction. Pour bien le comprendre, il faut d’abord reconnaître que la primauté revendiquée par le droit communautaire sur les normes constitutionnelles nationales n’est pas recevable par celles-ci sans une traduction. Cette traduction peut être servile ou constructive, nous le verrons, mais elle est en toute hypothèse nécessaire. Elle est, précisons-le, juridiquement nécessaire, dès lors du moins que l’on adhère à la théorie pluraliste du droit. En effet, celle-ci a bien montré que si la primauté du droit international sur les règles du droit interne s’impose évidemment du point de vue du droit international, elle ne s’impose en droit interne qu’à la faveur d’une reconnaissance de cette primauté. Pareille reconnaissance relève de la souveraineté du droit interne lui-même, ses modalités pouvant varier d’un Etat à l’autre. C’est précisément dans cet acte de reconnaissance que se trouve nécessairement une traduction, c’est-à-dire une opération consistant à transférer dans une langue « cible », en l’occurrence le droit national, le message émis dans la langue « source », à savoir la prétention à la primauté du droit européen.
6La thèse que l’on défend ici consiste à dire, premièrement, que cette prétention n’est pas recevable ou « incorporable » par les systèmes constitutionnels nationaux sans une traduction constructive qui en ajuste la portée en fonction des propriétés de ceux-ci et, deuxièmement, que ces traductions nationales de la primauté du droit communautaire européen gagnent à être retraduites à leur tour par ce droit européen de manière également constructive pour en ajuster la portée en fonction de ses propriétés à lui. Ces deux mouvements réalisent ce que l’on peut appeler une double traduction-incorporation constructive ou relevante10 par ajustement mutuel ou une traduction fondée sur une hospitalité11 réciproque mesurée. Autrement dit, on a besoin, d’une part, d’une traduction de la primauté que le droit communautaire postule pour lui-même dans les droits constitutionnels nationaux, de manière à rendre acceptable par ceux-ci l’incorporation de cette exigence ; et, d’autre part, inversement, on a aussi besoin d’une traduction de la suprématie que les Constitutions nationales revendiquent à juste titre pour elles-mêmes dans le droit communautaire primaire, de manière à rendre acceptable par celui-ci le maintien de cette suprématie12.
7Nous allons donc tenter de montrer, premièrement, que certaines jurisprudences constitutionnelles nationales, mais pas toutes, ont réussi, au terme d’un long cheminement, cet exercice de traduction-incorporation par ajustement du principe de primauté du droit européen (I) ; deuxièmement, que le traité de Rome bis établissant une Constitution pour l’Europe et celui de Lisbonne à sa suite ont eu le mérite de se livrer à l’exercice symétrique d’une traduction-incorporation par ajustement du principe de suprématie revendiqué par les Constitutions nationales (II) ; mais – et ce sera notre troisième point – que le malheureux traité de Rome bis a gâché ces avancées et perturbé leur communication aux peuples européens en succombant à la tentation d’une traduction hégémonique ou annexionniste consistant à s’approprier le concept de Constitution, là où un raisonnement bien conduit par « abduction » aurait permis de parler avantageusement de « pacte constitutionnel » (III).
8La présente contribution entend ainsi tirer parti du paradigme et aussi, on le verra, de l’éthique de la traduction pour chercher à enrichir la compréhension des termes du problème classique de la primauté et évaluer les solutions qui lui ont été données. Elle défend la thèse selon laquelle la traduction gagne à s’imposer comme un nouveau paradigme pour la construction européenne, à la fois pour comprendre certains des déficits qui la minent et pour construire des pistes alternatives13, le débat sur la primauté n’étant qu’un objet d’application de ce paradigme parmi beaucoup d’autres.
I. Vers une traduction-incorporation par ajustement du principe de primauté du droit européen dans les droits constitutionnels nationaux
9Les façons dont les droits constitutionnels nationaux ont réagi à la prétention à la primauté du droit communautaire européen ont évolué dans le temps et dans l’espace au long d’une histoire très enchevêtrée, mais dont les principales étapes peuvent faire songer à la métaphore chère à R. Dworkin du roman écrit à la chaîne. Le point de départ du raisonnement est toujours le même : l’Union européenne n’a que des compétences d’attributions ; les États membres sont les maîtres des traités fondateurs et ils n’ont jamais perdu, en droit, ce qu’on appelle la souveraineté formelle, c’est-à-dire la compétence de la compétence. Par conséquent, comme l’a rappelé récemment Denis Alland, « c’est toujours sur le fondement du droit constitutionnel que l’application des solutions tirées du droit communautaire s’opère, et cela continuerait d’être vrai quand bien même on démontrerait que le droit national est, dans sa substance, entièrement "communautarisé" »14.
10Il convient donc d’examiner d’abord les dispositions qui ont été insérées dans les Constitutions nationales (ou dans les lois en ce qui concerne le Royaume-Uni et Malte) pour autoriser l’attribution des compétences qui ont été transférées à l’Union et aux Communautés. La majorité des Constitutions disposent d’une clause analogue à l’article 34 de la Constitution belge qui ne fait aucune référence explicite à l’intégration européenne, même s’il a été inséré dans la Constitution pour fonder les transferts qui ont été consentis aux Communautés15. Parfois ces clauses subordonnent le transfert de compétences au respect de certains principes comme les droits de l’homme et les fondements du régime démocratique16. Sur le plan procédural, elles exigent généralement l’adoption d’une loi, moyennant dans plusieurs États soit un référendum, soit des majorités parlementaires renforcées de quorums et de suffrages, parfois elles-mêmes alignées sur celles requises pour la révision de leur Constitution, notamment mais pas nécessairement, quand le transfert d’attributions contredit la Constitution nationale17. Dans certains cas enfin, une « clause Europe » expresse18 a été rédigée comme en France19, en Allemagne20, en Autriche21 et en Suède22 parce que la clause générale initiale y a été jugée insuffisante pour couvrir les progrès de l’intégration européenne, en particulier depuis le traité de Maastricht23.
11Quoiqu’il en soit, même s’il y a eu une « véritable européanisation des Constitutions des Etats membres », on doit observer que seules deux d’entre elles sont allées jusqu’à reconnaître spécifiquement au droit de l’Union la primauté inconditionnée qui en est, selon la plupart des spécialistes du droit européen, la conséquence naturelle : ce sont les Constitutions des Pays-Bas24 et de l’Irlande25. Par ailleurs, ces clauses sont toujours dépendantes d’une éventuelle révision et aussi de l’interprétation que les juridictions suprêmes leur confèrent. Nombreuses sont les Constitutions qui donnent explicitement à ces juridictions le pouvoir de vérifier la constitutionnalité des traités. En l’absence d’une telle habilitation explicite, les cours constitutionnelles peuvent exercer ce contrôle indirectement par le biais des lois d’approbation des traités.
12L’examen de la jurisprudence des juridictions constitutionnelles révèle qu’aucune d’entre elle « n’a embrassé expressément la conception de la primauté26 » qui est celle de la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt Internationale Handelsgesellschaft, à savoir une conception absolue de cette primauté qui prive les droits constitutionnels de toute immunité, même limitée à certaines hypothèses. Des réserves de constitutionnalité ont été émises par la plupart des juridictions suprêmes qui limitent la reconnaissance du principe de primauté ainsi compris. Certains juristes, éminents spécialistes du droit européen, n’ont jamais pu l’admettre. Ils déduisent des clauses d’attribution de compétences à l’Union que l’on vient d’évoquer une incompétence que les cours constitutionnelles devraient opposer à l’égard de toute demande de contrôle a posteriori de conformité du droit de l’Union à leur Constitution nationale27. Autrement dit, ils considèrent que le principe de primauté revendiqué par le droit européen doit se traduire par cette incompétence systématique des cours constitutionnelles.
13D’autres juristes, souvent des constitutionnalistes, mais parfois aussi des « communautaristes », admettent que si la primauté du droit européen est fondée sur chaque Constitution, « elle est également limitée par cette dernière28 ». Les pouvoirs constituants dérivés ont beau avoir adapté, le cas échéant, leur Constitution avant la ratification d’un nouveau traité conformément à leur clause Europe, il y aura toujours un risque d’inconstitutionnalité en raison d’une norme de droit dérivé ultérieure ou d’une interprétation subséquente de la Cour de justice. On ne saurait donc confondre les clauses d’attribution de compétences à l’Union avec des chèques en blanc. Pour le dire dans le langage du colloque qui est à l’origine de ce livre, une incompétence absolue des juridictions constitutionnelles en cas de conflit entre le droit communautaire et les droits constitutionnels nationaux reviendrait à avaliser une traduction servile de la primauté revendiquée par le droit européen dans ces droits constitutionnels. Il convient donc de chercher à traduire la primauté du droit européen autrement : en incorporant son principe dans les jurisprudences constitutionnelles nationales moyennant des ajustements propres à sauvegarder, dans une mesure compatible avec l’application loyale du droit européen, la suprématie que les Constitutions sont condamnées à conserver logiquement aussi longtemps qu’elles demeureront au fondement de l’ordre juridique communautaire.
14C’est précisément, ce que les cours constitutionnelles allemande, italienne, française, danoise, espagnole et tchèque notamment, ont tenté de faire de manière plus ou moins convaincante. A la différence du Tribunal constitutionnel polonais qui n’est pas loin de pratiquer le déni de traduction en écartant d’emblée la primauté du droit européen en cas de conflit avec sa Constitution29, les juridictions précitées partent aujourd’hui d’une présomption forte selon laquelle le droit communautaire dérivé doit en principe être mis en œuvre nonobstant d’éventuels obstacles constitutionnels30 en raison du principe de primauté de ce droit. Elles reconnaissent donc ledit principe, mais elles lui opposent quelques limites, des « contre-limites » selon l’expression de la doctrine italienne31 ou des « counter-principles » selon la doctrine anglo-saxonne32. Cette expression doit se comprendre par référence aux limites que le transfert de l’exercice de compétences nationales à l’Union européenne impose à la souveraineté matérielle de l’État. Les contre-limites sont donc celles que les juridictions constitutionnelles imposent à ce transfert lui-même. Dans la mesure où le droit européen est compatible avec celles-ci, sa primauté est tenue pour fondée par la Constitution elle-même. C’est sans doute le Tribunal constitutionnel espagnol qui a été le plus loin dans le souci d’articuler cette primauté avec la suprématie que la Constitution entend bien conserver. Dans sa déclaration du 13 décembre 2004 relative à la Constitution pour l’Europe, il différencie conceptuellement, tout en cherchant à les concilier, la primauté du droit européen et la suprématie de la Constitution nationale33. Il constate que c’est la Constitution elle-même qui, en tant que règle suprême régissant la production des normes valides sur le territoire national, a prévu que des normes issues d’un ordre juridique différent du sien pourront s’appliquer, le cas échéant au détriment des normes nationales contraires qui devront alors restées inappliquées. Il en déduit que c’est toujours elle, la Constitution, qui a fondé la primauté du droit européen, sans perdre pour autant sa suprématie.
15Des contre-limites ou réserves de constitutionnalité n’en sont pas moins établies. Elles varient forcément d’un système constitutionnel à l’autre. Il est permis de les synthétiser autour de quatre ordres de préoccupations qui justifient des appréciations différentes.
16Il s’agit premièrement du respect des règles répartitrices des compétences entre l’Union et les États membres. Ainsi, dans un arrêt Carlsen du 6 avril 1998, la Cour suprême du Danemark34, tout en reconnaissant la compétence a priori exclusive de la Cour de justice des Communautés européennes pour contrôler la validité des actes de droit dérivé, considère néanmoins que « les juridictions danoises doivent tenir un acte communautaire pour inapplicable au Danemark dans l’hypothèse exceptionnelle où l’on constaterait, avec toute la certitude requise, qu’un acte communautaire dont la validité a été confirmée par la Cour de justice […] repose sur une mise en œuvre du traité exorbitante du champ de compétence transféré par la loi d’adhésion. Il en va de même, par analogie, en ce qui concerne les règles et les principes de droit communautaire fondés sur la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes35. » Si l’on tient pour idéale une traduction servile marquée par une déférence sans réserve à l’égard du droit européen, on ne peut que dénoncer la complète contradiction qui oppose cet arrêt Carlsen et l’arrêt Internationale Handelsgesellschaft de la Cour de justice36. Mais n’est-il pas plus pertinent de reconnaître avec Jean-Paul Jacqué qu’« un acte communautaire adopté ultra vires ne saurait primer sur une règle de droit interne » ? Dans ce cas, bien sûr, « la question de la compétence devrait être tranchée en premier lieu par la Cour de justice, juge de la validité du droit communautaire, mais il n’est pas exclu que la décision de la Cour soit […] portée devant le juge constitutionnel national », et il ajoute même, ce que je crois contestable, « en dernier ressort37 » Mattias Kumm reconnaît aussi la légitimité de cette protection des « communautés nationales contre des usurpations de compétences injustifiées par l’Union européenne ». L’avenir dépendra, ajoute-t-il, non sans une certaine naïveté peut-être, de l’efficacité des nouvelles techniques de sauvegarde du principe de subsidiarité. Si ces techniques réussissent « à instituer une culture de la subsidiarité soigneusement contrôlée par la Cour de justice », alors les juridictions nationales ne devront pas activer cette réserve de constitutionnalité38.
17Pour notre part, nous ne sous-estimons pas le danger pour l’application effective du droit communautaire dans tous les Etats de l’Union, que cette réserve représente, virtuellement du moins, puisqu’elle n’a pas encore été appliquée, à notre connaissance du moins, par les juridictions constitutionnelles. Si d’aventure elle l’était, la Commission pourrait répliquer par un recours en constatation de manquement. Mais le problème n’est pas de savoir qui a en droit le dernier mot. La question est indécidable : « Tout juge agit dans le cadre d’un ordre juridique dont les règles s’imposent à lui. Il ne saurait reconnaître la primauté à des normes issues d’un autre ordre à moins d’être habilité à le faire par son propre ordre juridique39. » Dans des cas aussi exceptionnels, ce qui importe, c’est de laisser à chaque ordre juridique la faculté d’adresser un message recevable par l’autre et de faire le pari d’un ajustement mutuel. N’est-ce pas ce qui s’est réalisé, à certains égards du moins ? La plupart des cours constitutionnelles ont en quelque sorte traduit le principe de primauté du droit européen en l’incorporant dans leur système constitutionnel national, mais ils l’ont fait moyennant un ajustement qui le rend acceptable – c’est ce que nous appelons une traduction constructive, voire relevante si elle peut passer pour optimale, l’ajustement consistant en un droit de résistance exceptionnel en cas d’excès de compétence. Et il est permis de voir dans plusieurs des dispositions du traité établissant une Constitution pour l’Europe et, à sa suite, du traité de Lisbonne, une réponse collective des Etats à ce message des juridictions suprêmes. Je songe notamment aux réaffirmations du principe des compétences d’attribution40, à l’explicitation de la liste des compétences exclusives41 et aux nouvelles garanties qui ont été procurées à la bonne application du principe de subsidiarité42. Tout se passe comme si cette réponse offrait une retraduction symétrique dans le droit primaire des réserves de constitutionnalité nationales fondées sur le respect des règles de délimitation des compétences. Cette retraduction manifeste une certaine hospitalité pour les préoccupations des cours constitutionnelles, mais dans une mesure qui sauvegarde fatalement, du point de vue du droit communautaire, le pouvoir du dernier mot de la Cour de justice. N’est-ce pas assez exactement ce que François Ost appellerait un « dialogue traductif43 », c’est-à-dire cet exercice patient par lequel on se transfère dans l’univers de l’interlocuteur pour y comprendre en profondeur ses raisons, tout en défendant les siennes propres ?…
18Deuxième ordre de préoccupation des juridictions constitutionnelles : le principe de la légitimité démocratique. C’est sans doute l’arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale allemande du 12 octobre 1993 sur le traité de Maastricht44 qui est le plus significatif d’une réserve de constitutionnalité fondée sur ce motif45. Le principe de la légitimité démocratique recoupe d’abord la première préoccupation : celle de voir rigoureusement respectées les règles qui délimitent les compétences transférées à l’Union46. C’est en effet au nom de l’article 38 de la loi fondamentale qui fait des députés du Bundestag allemand « les représentants de l’ensemble du peuple », combiné avec la clause Europe de l’article 23 et avec celle de l’article 79 qui soustrait le principe démocratique à toute révision constitutionnelle, que la Cour se reconnaît, tout comme la juridiction suprême du Danemark, mais cinq ans avant celle-ci, le pouvoir virtuel de s’opposer à l’application d’actes des institutions européennes qui excéderaient les compétences attribuées par les lois allemandes qui ont approuvé les traités. Mais la Cour va plus loin sur deux points.
19Tout d’abord, ces mêmes dispositions l’autorisent à censurer en amont la loi d’approbation d’un traité et, à travers elle, le traité qui ne déterminerait pas « avec suffisamment de clarté les compétences qui doivent être transférées47 ». Ensuite, et plus encore, elles l’autoriseraient également à censurer, toujours par le biais de la loi d’incorporation, un traité qui priverait le Bundestag allemand du droit de « conserver des missions et des compétences d’un poids substantiel ». Pour la haute juridiction de Karlsruhe, dans une « association d’Etats » (Staatenverbund) comme l’Union européenne, la légitimation démocratique s’effectue en premier lieu et à titre principal par l’intermédiaire des parlements nationaux, même si « s’ajoute – au fur et à mesure de l’accroissement des liens entre les Nations européennes – la légitimation démocratique procurée […] par le Parlement européen élus par les citoyens des États membres ». Certes, précise la Cour, « il importe que les bases démocratiques de l’Union soient élargies en même temps que progresse l’intégration ». Concrètement, elle souhaite voir la légitimation assurée par le Parlement européen croître grâce à l’adoption d’un droit électoral uniforme dans tous les États membres conformément à l’article 138, §3, du traité CEE, devenu 190, §4, du TCE, et à une augmentation de son pouvoir d’influence sur la politique et la formation du droit dans les Communautés européennes». Mais elle prend soin d’ajouter que, « même à un degré plus avancé d’intégration, une démocratie vivante » doit subsister dans les États membres. A ses yeux, « un trop plein de missions et de compétences entre les mains de l’association d’États européenne affaiblirait durablement la démocratie au plan national de telle sorte que les Parlements des États membres ne pourraient plus assurer suffisamment la légitimation de la puissance publique assumée par l’Union48 ».
20On a beaucoup glosé sur cette conception foncièrement politique et passablement stato-centrée de la Cour allemande et sur l’évolution ultérieure de sa doctrine49. On a pu aussi dénoncer la contradiction qui oppose sa vision du Parlement européen à celle de la Cour de justice des Communautés européennes dès son arrêt Van Gend & Loos50. On peut en tout cas reprocher à l’arrêt de la Cour constitutionnelle allemande, sur le plan politique, une vision assez étriquée du problème bien plus complexe de la légitimité démocratique de l’Union. Mais sur le plan juridique, force est de constater que l’interprétation de sa Constitution l’autorise à tenir ce raisonnement, même si elle ne lui aurait pas interdit d’en construire un autre. On peut surtout reconnaître à l’arrêt le mérite d’envoyer un deuxième message précieux à l’Union européenne. Il revient en effet à faire savoir aux États maîtres des traités que la question du déficit démocratique appellera de sa part une vigilance sans faille et qu’en tous les cas « les bases démocratiques de l’Union » doivent s’élargir « en même temps que progresse l’intégration ». Qui oserait nier la pertinence de ce considérant ? Reprocher à la Cour allemande de ne pas avoir repris directement à son compte les propos rassurants de l’arrêt Van Gend & Loos sur le rôle du Parlement européen reviendrait à la cantonner dans une traduction servile ou excessivement déférente du principe de primauté et à la prier d’aliéner beaucoup trop vite la vigilance démocratique dont sa Constitution ne l’a heureusement pas encore déchargée. La traduction-incorporation du principe de primauté moyennant ce deuxième ajustement, du moins dans la reformulation moins stato-centrée que nous venons de lui donner, a au contraire le mérite d’appuyer les forces politiques qui ont exigé l’élargissement des bases démocratiques de l’Union simultanément aux progrès de l’intégration. Ne pourrait-on pas parler d’une traduction « relevante » dans les deux sens du mot, à la fois pertinente et propre à hausser la qualité des deux systèmes en cause ? Ici aussi, on peut dire que le message a été en partie entendu : le déficit démocratique s’est indéniablement réduit depuis le traité de Maastricht. Les réserves de constitutionnalité fondées sur ce principe ont été retraduites dans plusieurs innovations du droit primaire51.
21Le troisième ordre de préoccupation qui fonde les réserves de constitutionnalité des juridictions suprêmes est tiré du respect des droits de l’homme. C’est encore une fois la jurisprudence de la Cour constitutionnelle allemande qui est la plus significative. Dans un premier temps – celui de l’arrêt Solange I du 29 mai 197452, elle juge que malgré le principe de primauté, elle peut contrôler elle-même la législation communautaire au regard des dispositions de la loi fondamentale relative aux droits fondamentaux aussi longtemps (« so lang ») que n’existera pas un catalogue communautaire de droits fondamentaux doté d’une portée identique à ceux de la Loi fondamentale et adopté par une assemblée élue au suffrage universel direct. Le commentaire des partisans d’une traduction servile du principe de primauté du droit communautaire se borne, une fois encore, à dénoncer la violation dudit principe et de la jurisprudence de la Cour de justice53. Or on ne saurait trouver plus bel exemple pour illustrer notre thèse de la fécondité d’une double traduction-incorporation constructive par ajustement mutuel ou d’une traduction fondée sur une hospitalité réciproque mesurée. Comme on le sait, en effet, cette réserve de constitutionnalité a précisément été reçue par la Cour de justice des Communautés européennes comme un puissant incitant à traduire à son tour la préoccupation des droits de l’homme dans le système du droit communautaire en les intégrant dans la catégorie des principes généraux du droit54. Et l’on sait que cet infléchissement de la jurisprudence luxembourgeoise est lui-même à l’origine de l’article 6 du traité sur l’Union européenne, qui a finalement reçu son prolongement dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne rédigée par la Convention que l’on sait, proclamée à Nice en décembre 2000 et à laquelle le traité de Lisbonne entend donner force obligatoire55.
22Auparavant, les progrès jurisprudentiels de la Cour de justice ont rapidement trouvé un écho dans la décision dite Solange II du 22 octobre 198656. La Cour constitutionnelle allemande y annonce qu’elle s’abstiendra dorénavant de contrôler elle-même la conformité du droit communautaire dérivé avec les droits fondamentaux énoncés par la Loi fondamentale allemande, mais moyennant cette nouvelle réserve : cette abstention ne se prolongera qu’aussi longtemps que la Cour de justice assurera une protection des droits fondamentaux opposables aux autorités communautaires, substantiellement similaire à la protection offerte par la Loi fondamentale. La haute juridiction allemande s’octroie donc le pouvoir de contrôler elle-même la constitutionnalité du droit dérivé si jamais le niveau de garantie des droits fondamentaux que procure le droit communautaire devait diminuer. Cette décision n’a pas manqué d’inspirer les pouvoirs constituants allemand et suédois. L’un et l’autre inscriront en effet dans leur Constitution une clause subordonnant les transferts au profit de l’Union européenne à une protection des droits fondamentaux substantiellement comparable à celle de leur propre Constitution57.
23Enfin, un troisième arrêt rendu le 7 juin 2000 dans l’affaire dite des « bananes » a confirmé la réserve de constitutionnalité, mais dans des termes restrictifs qui se veulent manifestement rassurants58 pour les prérogatives de la Cour de justice : « Il est satisfait aux exigences constitutionnelles si la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes garantit, en général, face à la puissance publique communautaire, une protection effective des droits fondamentaux qui doit être respectée pour l’essentiel de la même façon que la protection des droits fondamentaux dont le Grundgesetz fait un impératif […]. Les recours constitutionnels et les renvois préjudiciels effectués par des juridictions continuent d’être d’emblée irrecevables, si leur motivation ne démontre pas que le développement du droit européen qui comprend la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, se situe en dessous du niveau requis de protection des droits fondamentaux fixé à la suite de la décision Solange II…59. » Nombreuses sont les cours constitutionnelles qui sont attachées à la même réserve tirée des droits inaliénables de la personne humaine. C’est notamment le cas des cours constitutionnelles italienne60, espagnole61, polonaise, tchèque et hongroise62.
24Le quatrième et dernier ordre de préoccupation qui fonde les réserves de constitutionnalité nous paraît plus contestable ou, en tout cas, plus dangereux pour l’intégration communautaire. Il est parfois confondu avec le second. Ainsi Mattias Kumm déduit du contre-principe de légitimité démocratique que « les juridictions nationales continuent à avoir de bonnes raisons d’écarter le droit européen quand il viole des normes constitutionnelles claires et spécifiques qui reflètent les engagements essentiels de la communauté nationale63 ». Il est vrai que les cours constitutionnelles sont nombreuses à invoquer cette réserve. La Cour constitutionnelle italienne évoque ainsi dans cette perspective « les principes fondamentaux de (son) ordre constitutionnel64 ». Le Tribunal constitutionnel espagnol retient « les structures constitutionnelles de base » et le « système des valeurs et principes fondamentaux consacrés dans [la] Constitution65 ». Quant au Conseil constitutionnel français, dans sa décision du 10 juin 200466, il se réservait un pouvoir exceptionnel de contrôle de la constitutionnalité d’une loi transposant une directive européenne au cas où celle-ci heurterait « une disposition constitutionnelle expresse ». Mais cette formulation de la réserve a été remplacée par une autre dans la décision du 27 juillet 200667 : il est fait cette fois référence à une règle ou un principe « inhérent à l’identité constitutionnelle de la France ».
25Même si l’on peut comprendre le souci qui trouve à s’exprimer de la sorte, il est permis de s’inquiéter de ce dernier type de réserve parce qu’à la différence des trois autres catégories que l’on a examinées, sa formulation paraît ouvrir au profit des juridictions constitutionnelles nationales un pouvoir d’appréciation discrétionnaire sans limite. Ce que l’on a appelé le « dialogue traductif » suppose que les éventuelles réserves de constitutionnalité soient quelque peu objectivables de manière à pouvoir se prêter à un échange argumenté entre les autorités nationales et celles de l’Union européenne : c’est le cas des règles répartitrices des compétences entre l’Union et ses Etats membres, du principe de légitimité démocratique qui sous-tend les édifices constitutionnels et des droits de l’homme tels qu’ils sont constitutionnellement garantis. Ce n’est pas le cas de la notion nettement plus ouverte et plus floue des « principes fondamentaux » ou de ceux qui seraient «inhérents» à une « identité constitutionnelle68 ».
26On va voir cependant que cette dernière notion identitaire est sur le point de recevoir l’aval du droit communautaire primaire lui-même, dans une certaine mesure du moins. Auparavant, terminons ce premier « trajet traductif » du droit européen vers les droits constitutionnels par deux observations.
27Il faut d’abord souligner que si les juridictions nationales ont posé des contre-limites à la primauté de ce droit européen, elles n’ont jamais fait intervenir celles-ci de manière à créer une situation de blocage. Les contre-limites sont demeurées dans l’ensemble soit assez théoriques, soit aisément assimilables par des révisions constitutionnelles. On ne saurait toutefois négliger l’importance des symboles dans la vie politico-juridique et, comme l’a relevé la Cour constitutionnelle italienne, « ce qui est extrêmement improbable, n’en reste pas moins possible69 »… Par ailleurs, il convient aussi d’observer que si une Constitution voulait anéantir ces contre-limites en adoptant une clause reconnaissant au droit européen une primauté absolue et inconditionnelle, rien ne pourrait empêcher une révision ultérieure de cette clause afin de réintroduire des contre-limites en soustrayant d’autres hypothèses à la primauté. Certes, l’État encourerait le risque d’une procédure en constatation de manquement, mais en droit, la Cour de justice ne pourrait pas à proprement parler invalider pareille norme nationale. La suprématie de la Constitution et la primauté du droit européen sont donc condamnées à chercher les voies d’une conciliation inter-juridique que seule une traduction hospitalière réciproque peut assurer.
28La deuxième observation concerne le cas belge que l’on ne saurait passer sous silence, même si nous devons l’évoquer brièvement. Il illustre assez bien la figure inverse de la traduction servile de la primauté revendiquée par le droit européen dans le droit constitutionnel. Certes, la section de législation du Conseil d’Etat contrôle préventivement la constitutionnalité de tout avant-projet de loi, décret ou ordonnance portant assentiment à un traité, et elle considère que « lorsque les dispositions d’un traité vont au-delà de l’attribution de pouvoirs à une institution supranationale et qu’elles portent atteinte, ce faisant, à d’autres dispositions constitutionnelles que celles relatives à l’exercice de ces pouvoirs […], un assentiment au traité n’est possible qu’après une révision préalable des dispositions en cause de la Constitution70 ». Mais les avis par lesquels la section exerce ce contrôle préventif n’ont pas de force contraignante, et l’expérience démontre que ceux de ses avis qui recommandent le déclenchement de la lourde procédure de révision de la Constitution ne sont pas toujours suivis71. Certes, la Cour constitutionnelle dispose, pour sa part, du pouvoir de contrôler la constitutionnalité d’un traité via la loi d’assentiment que vise un recours en annulation porté devant elle dans un délai de soixante jours à compter de la publication de la loi au Moniteur72. Mais, sauf mauvaise gestion du calendrier des opérations73, ce recours ne peut pas conduire à la remise en cause de la primauté du traité puisque, idéalement au moins, celui-ci ne devrait pas encore avoir été ratifié à ce stade par le Roi74. C’est le recours préjudiciel qui est potentiellement plus dangereux puisqu’il peut interroger la même Cour sur la constitutionnalité d’une loi d’assentiment à un traité qui lie l’État. Mais il faut savoir que depuis 2003, les traités dits « constituants » de l’Union européenne, ainsi que la Convention européenne des droits de l’homme et ses protocoles ne peuvent plus être contestés par la voie d’une question préjudicielle adressée à la Cour75. Ils bénéficient donc en pratique d’une présomption de constitutionnalité que le caractère seulement consultatif des avis de la section de législation du Conseil d’État rend pour le moins contestable.
29Il reste à examiner deux autres hypothèses pour achever la démonstration qu’on ne peut qu’esquisser ici du caractère assez servile de la traduction que l’ordre juridique belge offre de la primauté que ces traités réclament vis-à-vis de la Constitution. La première concerne encore le conflit qui peut opposer l’un d’entre eux à la Constitution belge, mais il est porté cette fois à la connaissance de la Cour de cassation ou de la section du contentieux administratif du Conseil d’État. La première haute juridiction76 considère sans aucune réserve qu’une convention ayant un effet direct prime la Constitution. Elle semble déduire cette solution d’un « principe général de droit77 » qu’elle tire, à la suite du court-circuit logique propre à la théorie moniste qu’elle a embrassée depuis son célèbre arrêt Le Ski du 27 mai 197178, de « la nature du droit international conventionnel79 ». La section du contentieux administratif du Conseil d’État a jugé, pour sa part, que l’article 34 de la Constitution commande de faire primer la jurisprudence de la Cour de justice sur l’accès des ressortissants européens à la fonction publique réglé par l’article 39 du TCE, sur l’article 10 de la Constitution80.
30La seconde hypothèse confirme encore, dans une large mesure du moins, la servilité annoncée de l’ordre juridique belge : elle concerne le conflit entre un acte du droit communautaire dérivé et la Constitution. Dans son avis sur l’avant-projet de loi portant assentiment au traité établissant une Constitution pour l’Europe, la section de législation du Conseil d’État a raisonné comme suit, avec l’aval de la plupart des juristes belge : « L’attribution de pouvoirs déterminés à des institutions de droit international public, qu’autorise l’article 34 de la Constitution, implique nécessairement que ces institutions puissent décider de manière autonome de la manière dont elles exercent ces pouvoirs, sans être liées par les dispositions de la Constitution belge. Cela signifie, du moins en principe, que si, en application du traité à l’examen, une loi européenne ou une loi-cadre européenne par exemple devait être adoptée à l’avenir qui, soit serait elle-même contraire à la Constitution belge, soit obligerait les autorités belges à accomplir des actes incompatibles avec la Constitution, celle-ci ne pourra pas être invoquée à l’encontre de ces actes de droit européen dérivé. Du point de vue constitutionnel, l’article 34 de la Constitution assure l’articulation entre, d’une part, la primauté reconnue au droit européen notamment par l’article 1-6 du traité établissant une Constitution pour l’Europe et par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, et, d’autre part, le rang qu’occupe la Constitution belge dans l’ordre juridique interne […]. Cela étant, dans l’avenir, pour le cas où l’hypothèse se présente d’un conflit entre le droit européen dérivé et des dispositions de la Constitution belge, il pourrait s’avérer souhaitable, voire nécessaire, compte tenu de la portée plus ou moins large qui serait donnée à l’article 34 de la Constitution, de modifier les dispositions constitutionnelles en cause, outre la possibilité, fût-elle théorique, pour la Belgique, de se retirer de l’Union européenne81. »
31La Cour constitutionnelle ne s’est pas encore prononcée clairement sur ce type de conflit opposant un acte de droit communautaire dérivé et la Constitution82, alors qu’elle en a eu l’occasion. Tout ce que l’on sait à ce stade, c’est qu’elle ne se déclare pas incompétente pour en connaître83.
32Quoiqu’il en soit, on le voit, à la différence des grandes cours constitutionnelles européennes, ni la jurisprudence des juridictions suprêmes belges ni la doctrine n’ont construit une théorie un tant soit peu cohérente des réserves de constitutionnalité qui pourraient être opposées, fût-ce dans des circonstances exceptionnelles, à la prétention à la primauté du droit communautaire européen. Il est permis de penser que cette servilité reflète une europhilie politique proportionnée à l’ampleur des doutes existentiels qui minent l’État belge depuis de nombreuses années84.
II. Pour une traduction-incorporation par ajustement du principe de suprématie des Constitutions nationales dans le droit communautaire primaire
33Nous venons de plaider pour une « traduction-incorporation relevante par ajustement » du principe de primauté du droit européen dans les droits constitutionnels nationaux. Il importe à présent de faire le trajet inverse et de plaider cette fois pour une retraduction du principe de suprématie des Constitutions nationales dans des termes acceptables par le droit communautaire européen.
34Ce plaidoyer s’inscrit à rebours de la traduction proprement hégémonique ou annexionniste à laquelle la Cour de justice des Communautés européennes et, à sa suite, les auteurs du traité établissant une « Constitution » pour l’Europe ont procédé. On connaît les emprunts à tout le moins ambigus de la terminologie du droit constitutionnel interne par la Cour de justice85 : le traité instituant la Communauté européenne formerait la « constitution interne de la Communauté », sa « charte constitutionnelle de base » ou encore la « charte constitutionnelle d’une Communauté de droit ». On sait surtout que le traité dit de Rome bis prétendait, de manière plus franchement prédatrice, établir une « Constitution pour l’Europe », et non pas un traité constitutionnel, comme on le dit trop souvent quand l’on confond le véhicule – le traité – et l’objet véhiculé – la soi-disant « Constitution ».
35Nous ne pouvons que redire après tant d’autres combien cette appellation de Constitution européenne est inappropriée86. Bien sûr, les traités européens forment une Constitution au sens matériel, mais comme le disait le conseiller du Premier ministre T. Blair, son club de golf a aussi une constitution comprise dans ce sens matériel87. Une Constitution au sens formel – sens qu’il y a de bonnes raisons de privilégier, comme on le montrera plus loin – se définit habituellement comme la manifestation juridique de la volonté d’un peuple souverain. La souveraineté formelle restant entre les mains des États, notamment à travers le principe décisif d’unanimité pour la révision du traité, il était foncièrement trompeur de parler de « Constitution pour l’Europe88 » et même, plus en amont, de « Convention » puisque celle-ci n’était qu’une assemblée consultative. Il est vrai que « le terme français insignifiant d’enceinte […] frisait le ridicule dans la version anglaise (body)89 »… et que l’on voulait, à juste titre, remotiver les citoyens autour du sens politique du projet européen, mais ce n’était pas une raison pour manipuler le vocabulaire juridique au risque d’inciter aussi bien les souverainistes que les fédéralistes à se rebeller devant cette « fuite en avant nominaliste » et cette « imposture juridique90».
36Il eut été plus pertinent de reconnaître et donc de traduire, mais en en les ajustant bien sûr, les prétentions légitimes des Constitutions nationales à conserver leur suprématie dans les limites que nous avons rappelées. Du côté de la Cour de justice des Communautés européennes, si l’on fait abstraction de la captation rhétorique du label constitutionnel, on peut relever des arrêts qui ont réussi à traduire de manière hospitalière l’attachement des Constitutions nationales, sinon à leur identité, au moins aux valeurs qu’elles entendent privilégier parfois plus que d’autres. L’on songe en particulier à l’arrêt Omega du 14 octobre 200491. Était en cause dans cette affaire un jeu de tir au pistolet laser sur des cibles d’apparence humaine, dont la commercialisation pouvait s’autoriser de la libre prestation de services. La République fédérale allemande s’était opposée à cette commercialisation au nom de l’atteinte à la dignité humaine et donc de l’ordre public92. Le respect de la dignité humaine est évidemment protégé par le droit communautaire, mais les autres Etats membres ne le voyaient pas en cause dans ce genre de jeu. La Cour de justice devait donc décider si l’attachement à la dignité humaine que la loi fondamentale allemande manifeste tout particulièrement dès son premier article pouvait justifier une restriction à la libre prestation de services. En l’occurrence, elle l’a admis, considérant qu’il n’est pas indispensable […] que la mesure restrictive édictée par les autorités d’un État membre corresponde à une conception partagée par l’ensemble des États membres en ce qui concerne les modalités de protection du droit fondamental ou de l’intérêt légitime en cause93. » Il y a lieu de relever, précise la Cour, d’une part, que « l’interdiction de l’exploitation commerciale de jeux de divertissement impliquant la simulation d’actes de violence contre les personnes, en particulier la représentation d’actes de mise à mort d’êtres humains, correspond au niveau de protection de la dignité humaine que la constitution nationale a entendu assurer sur le territoire de la République fédérale d’Allemagne. D’autre part, il convient de constater que, en interdisant uniquement la variante du jeu laser qui a pour objet de tirer sur des cibles humaines et donc de ‘jouer à tuer’ des personnes, l’arrêté litigieux n’est pas allé au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi par les autorités nationales compétentes94. »
37Du côté du droit communautaire primaire, si l’on fait abstraction de sa dénomination malheureuse, le défunt traité établissant une « Constitution » pour l’Europe a aussi eu le mérite de faire un pas dans la direction d’une traduction plus hospitalière pour la prétention des Constitutions nationales à conserver leur suprématie. Ce traité a certes, on l’a déjà relevé, affirmé aux termes de son article 1-6 que « la Constitution et le droit adopté par les institutions de l’Union, dans l’exercice des compétences qui sont attribuées à celle-ci, priment le droit des État membres », non sans annexer une déclaration selon laquelle cette disposition ne confère pas au principe de primauté une portée autre que celle qui était antérieurement la sienne, compte tenu de la jurisprudence de la Cour de justice. Mais il a pris soin d’ajouter dans son article 1-5 que l’Union respecte 1’« identité nationale » des États membres, « inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l’autonomie locale et régionale. Elle respecte les fonctions essentielles de l’État, notamment celles qui ont pour objet d’assurer son intégrité territoriale, de maintenir l’ordre public et de sauvegarder la sécurité nationale ». En outre, il a incorporé la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et programmé l’adhésion à la Convention européenne des droits de l’homme. On ne peut qu’entendre ici l’écho ou, plus précisément, une retraduction, des réserves de constitutionnalité chères aux cours constitutionnelles notamment allemande, italienne, française et espagnole95.
38Nous avons déjà évoqué au début de cette contribution le sort quelque peu ambigu que la Conférence intergouvernementale de 2007 a réservé à la clause sur la primauté et nous savons comment la référence à la Charte et à la CEDH a été sauvegardée. Mais cette CIG a évidemment reproduit à l’identique les termes que l’on vient de citer de l’article I-5 qui imposent à l’Union le respect des « identités nationales » et qui « sanctuarisent », a-t-on dit, les services publics régaliens (police, justice, armée…)96. L’article 4 du traité sur l’Union européenne issu du traité de Lisbonne les reprend donc à son compte97, non sans y ajouter une référence parfaitement redondante au principe des compétences d’attribution98 et aux responsabilités des États en matière de sécurité nationale auxquelles l’Union n’entend pas porter atteinte99.
39Quelle est la portée juridique de cette volonté européenne ainsi réaffirmée de respecter l’« identité nationale » des États, « inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles » ? Dans sa décision du 19 novembre 2004100, le Conseil constitutionnel français en déduit que la place de la Constitution française « au sommet de l’ordre juridique interne » n’est pas contestée101. Jusque là, on peut le suivre sans peine, mais il ajoute qu’« il ressort de l’ensemble des stipulations» du traité établissant une Constitution pour l’Europe qu’il ne modifie pas « la portée du principe de primauté du droit de l’Union telle qu’elle résulte […] de l’article 88-1 de la Constitution » conformément à l’interprétation qu’il en a donnée lui-même, notamment dans sa décision précitée du 10 juin 2004102. Or on se souvient que celle-ci avait émis une réserve au principe de primauté du droit européen au cas où ce dernier heurterait « une disposition constitutionnelle expresse ». De toute évidence, le principe de primauté rappelé par le traité dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour de justice ne saurait tolérer pareille réserve de constitutionnalité103. Le Conseil constitutionnel français feint de ne pas s’en apercevoir.
40On voit ici très clairement les limites des traductions hospitalières réciproques : le traité ne peut pas ou ne veut pas renoncer à sa primauté inconditionnelle, une primauté dont on sait combien les modalités d’application propres au droit communautaire sont originales104. Il n’ose pas ouvrir une brèche dans laquelle pourraient se précipiter les États les moins loyaux qui n’hésiteraient pas à réviser leur Constitution ou à l’interpréter de manière à échapper à leurs obligations européennes. Il ne traduit donc pas littéralement ou servilement les réserves de constitutionnalité des juridictions nationales. Mais il en fournit une traduction acceptable pour le droit européen et sa primauté en annonçant qu’il s’interdira de porter atteinte aux « structures fondamentales politiques et constitutionnelles » des États membres. Les maîtres des traités songent sans doute aux choix que chaque État doit continuer à pouvoir poser en toute souveraineté entre la monarchie et la république, entre les régimes parlementaire, semi-parlementaire, directorial et présidentiel, ou encore entre des structures unitaire, régionalisée ou fédérale105. Il n’empêche, de son côté, le Conseil constitutionnel français interprète ou traduit cette disposition comme si elle l’autorisait à contrôler lui-même la conformité des directives européennes aux normes inhérentes à l’identité constitutionnelle de la France telles que la laïcité et le « rejet des communautarismes et des minorités au profit d’une conception traditionnelle de l’égalité »106. La doctrine française a été nombreuse à approuver cette lecture de l’article 1-6 du traité établissant une Constitution pour l’Europe. Ainsi, Bertrand Mathieu la qualifie de « juridiquement audacieuse, intellectuellement légitime et politiquement opportune107 »…
41Dans sa décision du 20 décembre 2007 sur le traité de Lisbonne, le Conseil constitutionnel a confirmé, sans surprise, que la Constitution française conserve sa suprématie au sommet de l’ordre juridique interne108. L’ajout par la CIG de 2007 des termes que nous avons cités concernant la sécurité nationale109 qui fait partie des réserves de souveraineté incorporées dans le traité n’a pu que le rassurer110.
42Comme on le voit, quand « il y a deux ordres juridiques qu’il faut essayer de faire fonctionner ensemble111 », en l’absence de « grand arbitre » entre leurs juridictions suprêmes respectives et leurs prétentions contradictoires, « il faut bien que le dialogue s’engage112 », ce qui suppose des traductions, non pas nécessairement fidèles, mais ajustées à ce que chaque ordre peut incorporer. Ce dialogue traductif n’a pas pour effet de supprimer les tensions et les phénomènes de pouvoir, mais seulement de les réguler. Chacun des ordres juridiques en cause n’a que partiellement fait droit à la prétention de l’autre, de sorte qu’il conserve des moyens de pression sur celui-ci. Comme l’a parfaitement résumé Jean-Paul Jacqué, la remise en cause de la primauté par une juridiction nationale, même au nom d’une réserve de constitutionnalité, conduirait l’État en cause à subir, outre de fortes pressions politiques, une procédure en constatation de manquement avec les implications financières qu’elle peut comporter, tandis que du côté national, une atteinte portée à la suprématie constitutionnelle par une initiative communautaire ou par la Cour de justice pourrait provoquer « une remise en cause de la primauté » du droit européen et, « par là même, de l’unité du marché intérieur ». Chacun est ainsi incité à tenir compte de l’autre et à « contenir toute velléité d’empiètement113 ».
43Il y a toutefois lieu de remarquer qu’une doctrine récente commence à s’inquiéter des dérives que ce rapport de force pourrait engendrer au détriment de l’intégration européenne114. Elle est tentée du coup de condamner la théorie du pluralisme juridique, ou en tout cas une version normative radicale de cette théorie qui encouragerait les juridictions constitutionnelles à poser éventuellement des actes de résistance souverainiste contre la primauté du droit européen. Nous pensons pour notre part que la théorie pluraliste du droit décrit la réalité juridique adéquatement, mais qu’elle appelle précisément une éthique exigeante de la traduction.
III. La traduction, ciment du « pacte constitutionnel européen »
44On peut conclure de qui précède que le débat sur la primauté dans les relations entre le droit communautaire et les droits des États membres de l’Union se prête à merveille à ce que François Ost appelle avec d’autres « l’éthique de la traduction ». Il s’agit bien de reconnaître positivement l’altérité des systèmes juridiques : chacun doit accepter de se décentrer, de se désapproprier du point de vue de surplomb que tend à lui conférer son autonomie, de se laisser interpeller par l’autre selon un mouvement d’interlocution, de sorte que les positions respectives se déplacent, chacun consentant à des transformations qu’il ne pouvait pas prévoir initialement. La traduction-reconnaissance conduit ainsi à « l’écriture d’un texte second [···] porteur […] de propriétés émergeantes et de significations nouvelles susceptibles d’enrichir à la fois la langue d’origine et la langue de traduction115. » Si l’on se rapproche de l’idéal d’une traduction hospitalière réciproque, chaque droit constitutionnel national accueille le droit communautaire européen en reconnaissant sa prétention à la primauté dans les limites qu’il peut tolérer eu égard à sa suprématie de principe et, en même temps, ces droits constitutionnels nationaux sont accueillis par ce droit européen qui reconnaît à son tour leur suprématie, mais dans les limites qu’il peut tolérer compte tenu de sa primauté de principe. Les relations entre le droit européen et les Constitutions nationales sont bien alors des relations d’hospitalité réciproque où chacun est l’hôte de l’autre, étant entendu que l’hôte est à la fois celui qui reçoit et celui qui est reçu. Notons encore que l’étymologie du terme « hospitalité » est aussi appropriée puisqu’il renvoie aussi bien au mot hostis qui a désigné l’hôte et puis l’ennemi qu’au mot potis qui désigne la maîtrise116. Faut-il le rappeler ? Les relations entre le droit communautaire européen et les droits nationaux sont des relations de coopération et d’intégration, mais aussi des relations de pouvoir où chacun se sent menacé par l’autre. La vertu de la traduction hospitalière réciproque est de faire du droit européen le « même extérieur » des droits internes et de ceux-ci l’« autre intérieur » du droit européen117.
45On pourrait être tenté de protester contre ces jeux de langage en songeant à la sécurité juridique du justiciable qui, lui, a besoin « de vivre dans un ordre stable qui rende prévisible les conséquences juridiques de ses actes118. » Il est vrai que cette sécurité n’est pas absolument garantie parce que l’hypothèse d’un désaccord sur la primauté ne peut pas être entièrement éliminée, mais on sait qu’une sécurité juridique absolue est hors de portée à l’ère de la complexité et qu’elle n’est pas souhaitable non plus. Au moins, l’éthique de la traduction hospitalière réciproque devrait porter les risques au minimum et les réduire à des cas de désaccord aussi féconds que la décision Solange I.
46Pour désigner le fondement de l’ordre juridique communautaire ainsi compris, l’on se permettra de plaider une fois encore pour le concept de pacte constitutionnel. Nous avons montré l’inappropriation du concept de Constitution européenne. Mais cela ne signifie pas qu’il n’y aurait rien de constitutionnel dans l’ordre juridique communautaire européen. Cette position défendue notamment, et avec une constance sans faille, par l’éminent constitutionnaliste français Louis Favoreu n’est pas tenable non plus119. Ce dernier a toujours raisonné selon une logique de l’affrontement entre les « communautaristes » et les « constitutionnalistes » en protestant au nom des seconds parce que les premiers auraient l’outrecuidance de leur expliquer « comment doivent être compris les principales notions et les concepts majeurs » de leur discipline120. Un peu comme chez les Grecs pour qui il n’y avait de logos qu’en langue grecque121, il n’y a selon cette école rien de constitutionnel en dehors des Constitutions au sens formel. La vieille loi de la bipolarité des erreurs permet de repousser ce « déni de traduction » qui n’est pas plus pertinent que « la traduction hégémonique » à laquelle il s’oppose. En effet, tout se passe alors comme si le droit communautaire n’était qu’un avatar du droit international, alors que l’on ne peut rendre compte de son originalité qu’en montrant qu’il prend une place inédite entre le droit international et les droits internes. Il faut donc construire un concept par abduction pour dénommer le fondement juridique de cette Union sans précédent. La méthode de l’abduction s’impose quand il s’agit de « passer du connu à l’inconnu». Elle s’attache aux « équivalences de fonctions ». Elle « jette des ponts au-dessus des différences et établit des équivalences sans jamais prétendre à l’identité122 ».
47La notion de pacte constitutionnel revisitée par Olivier Beaud123, moyennant certains ajustements, peut typiquement s’autoriser de cette méthode abductive. Elle semble optimale pour désigner avec un maximum de rigueur conceptuelle ce dont il est question : ce que la Constitution est à l’État, le pacte constitutionnel l’est à l’Union européenne. Il s’agit d’abord d’un pacte, donc d’un traité conclu entre des Etats, mais on peut assortir ce substantif « pacte » de l’adjectif « constitutionnel » parce qu’il reçoit une qualité ou une manière d’être constitutionnelle de par son objet matériel et de par la co-souveraineté qu’il institue.
48L’on s’explique. Le substantif pacte doit être retenu parce que la première propriété des traités européens est d’être effectivement des traités conclu entre des Etats souverains. Certes, la souveraineté des États n’est intacte que sous l’angle formel, à travers le pouvoir du dernier mot ou la compétence de la compétence qu’ils conservent de iure, alors qu’ils ont perdu des fractions aussi notables de leur souveraineté matérielle que la monnaie, la politique de l’immigration et bientôt la coopération policière et judiciaire en matière pénale. Certes, cette souveraineté formelle est purement négative. Elle se réduit au droit de veto que confère le principe d’unanimité, notamment et surtout lors de la révision des traités, et au droit de retrait unilatéral qui n’est plus contesté depuis le traité qui prétendait paradoxalement instituer une « Constitution » pour l’Europe124. Mais c’est bien la souveraineté formelle qui doit être privilégiée en droit puisque son exercice par l’État qui se retirerait de l’Union conduirait à lui restituer une souveraineté plénière, formelle et matérielle. Il n’y a pas et il n’y a jamais eu de Constitution européenne, faute d’un pouvoir constituant formellement souverain. La souveraineté formelle, par définition une et indivisible, n’a jamais cessé d’appartenir à chacun des États membres.
49Néanmoins, l’adjectif constitutionnel est bien approprié pour viser la qualité seconde de ce pacte formé des traités que l’on connaît, compte tenu de son objet et ce qu’il fonde. Son objet est matériellement constitutionnel puisqu’il régit, d’une part, l’organisation, le fonctionnement et les compétences des institutions européennes et, d’autre part, les droits fondamentaux dont les citoyens de l’Union peuvent invoquer le respect par les institutions européennes et les États quand ils appliquent le droit communautaire. Le pacte mérite en outre et plus encore le qualificatif constitutionnel du point de vue même de la souveraineté parce qu’il remplace la souveraineté positive des États par une co-souveraineté. En effet, dans les nombreux domaines qu’ils ont transférés à l’Union, notamment les plus sensibles pour leur souveraineté matérielle, ils ont perdu, selon des modalités très diverses, le pouvoir de prendre ou d’imposer une décision seuls pour gagner en échange la co-souveraineté que le Pacte organise.
50Bien des auteurs, notamment Jean-Marc Ferry, déduisent de ces traits constitutionnels qu’il doit être permis de parler plus simplement de Constitution européenne125. Ce serait à nos yeux favoriser les malentendus qui se sont révélé si fatals pour le traité qui s’est emparé du substantif et ce serait passer à côté de ce qui fait l’originalité du droit européen. Certes, celui-ci européanise les notions du constitutionnalisme étatique, mais ce faisant il crée un système juridique original qui mérite une dénomination originale126.
51Il est alors permis de conclure de tout ce qui précède que la traduction est bel et bien le « ciment » du pacte constitutionnel européen. En effet, le dédoublement du label constitutionnel qui demeure associé « substantivement » aux États, mais qui mérite aussi d’être attribué « adjectivement » à l’Union européenne justifie que les premiers revendiquent la suprématie de leurs Constitutions respectives, aussi bien que la seconde revendique la primauté de ses prescriptions à elles. Or, nous l’avons montré, seul le « dialogue traductif » peut réguler une telle tension entre des prétentions aussi contradictoires et il est le seul à autoriser l’espoir de rendre cette tension féconde.
Notes de bas de page
1 CJCE, arrêt du 15 juillet 1964 (aff. 6/64).
2 CJCE, arrêt du 9 mars 1978 (aff. 106/77).
3 CJCE, arrêt du 17 décembre 1970 (aff. 11/70).
4 Quelques constitutionnalistes ont fait exception à ce concert d’indifférence. Voy. p. ex. F. Delpérée, « Belgique », in Cours suprêmes nationales et cours européennes : concurrence ou collaboration ?, sous la dir. de J. Iliopoulos-Strangas, Athènes-Bruxelles, Sakkoulas-Bruylant, 2007, p. 129 et s. Comp. A. Alen, « De Grondwet, hoogste rechtsnorm ? », in En hommage à Francis Delpérée. Itinéraire d’un constitutionnaliste, Bruxelles-Paris, Bruylant-LGDJ, 2007, p. 111-113. Le point de vue du droit belge sur la question de la suprématie de la Constitution face aux prétentions du droit communautaire européen est brièvement exposé infra à la fin du point I, par contraste avec le point de vue de la plu part des autres ordres juridiques nationaux.
5 Sans parler des malentendus quand le terme est employé oralement : à qui ? AKI ? aqui ?… Cf. E. Wagner et al., Translating for the European Union Institutions, Manchester, St Jerome Publishing, 2002, p. 64.
6 F.-X. Priollaud et D. Siritzky. Le traité de Lisbonne. Texte et commentaire article par article des nouveaux traités européens (TUE-TFUE), Paris, La Documentation française, 2008, p. 40.
7 J. Ziller, Les nouveaux traités européens : Lisbonne et après, Paris Montchrestien, 2008, p. 103.
8 Cf. ibidem, p. 104.
9 J. Ziller, Les nouveaux traités européens : Lisbonne et après, Paris Montchrestien, 2008, p. 104.
10 Sur cette notion de traduction relevante issue des travaux de J. Derrida, cf. F. Ost, Traduire. Défense et illustration du multilinguisme, Paris, Fayard, 2009, p. 263-264 : constitue une traduction « relevante » celle qui ne se contente pas de convenir, d’être appropriée, mais qui « relève » précisément l’œuvre traduite, c’est-à dire qui la tire vers le haut à la manière de la Aufhebung hégélienne : elle s’en sépare pour la dépasser tout en la conservant.
11 Sur cette notion de traduction hospitalière, cf. ibidem, p. 293295.
12 Dira-t-on que là où nous parlons de traduction, il serait tout aussi possible de parler d’interprétation ? C’est indubitable, mais on rejoint ici les travaux précités de F. Ost, op. cit., p. 133-154, qui montrent de manière convaincante que le paradigme de la traduction a l’avantage de rendre mieux compte des problèmes spécifiques que posent les passages d’un ordre juridique à l’autre, surtout quand ces passages ne sont pas déterminés par une logique hiérarchique verticale et quand ils sont particulièrement exposés au risque de l’échec et du malentendu, ce qui est précisément le cas dans le débat sur la primauté qui nous occupe.
13 C’est aussi la perspective des travaux de N. Walker, « Postnational Constitutionalism and the problem of translation », in European Constitutionalism Beyond the State, éd. par J.H.H. Weiler et M. Wind, Cambridge University Press, 2003, p. 27-54. A juste titre, cet auteur écrit que toute « fanfare constitutionnelle à propos de l’Europe est prématurée aussi longtemps qu’on n’aura pas réussi à résoudre les questions les plus fondamentales que pose la traductibilité de la pensée constitutionnelle dans le schéma postnational. » (p. 31, note 13, trad. Hugues Dumont).
14 D. Alland, « A la recherche de la primauté du droit communautaire », in Droits, 2007. p. 114.
15 L’article 34 de la Constitution belge porte que « l’exercice de pouvoirs déterminés peut être attribué par un traité ou par une loi à des institutions de droit international public ». Sur cette disposition, voy. not. A. Alen, « Les relations entre la Cour de justice des Communautés européennes et les Cours constitutionnelles des États membres », in Liber Amicorum Paul Martens. L’humanisme dans la résolution des conflits. Utopie ou réalité ?, Bruxelles, Larcier, 2007, p. 667-672. Sur les clauses analogues des Constitutions danoise, espagnole, luxembourgeoise, néerlandaise, polonaise, slovaque et tchèque, cf. J.-V. Louis et Th. Ronse, L’ordre juridique de l’Union européenne, Bâle, Bruxelles, Paris, Helbing et Lichtenhahn, Bruylant et LGDJ, 2005, p. 335-336.
16 Voy. par ex. les Constitutions grecque, Slovène et italienne (cf. ibidem, p. 336-337).
17 Cf. J.-V. Louis et Th. Ronse, op. cit., p. 344-346.
18 A portée générale ou à portée sectorielle pour couvrir tel ou tel aspect de l’intégration européenne comme la politique monétaire, la défense, la politique étrangère et de sécurité commune, etc.
19 Voy. l’art. 88-1 de la Constitution française.
20 Voy. lart. 23 de la loi fondamentale allemande.
21 Voy. la loi constitutionnelle spéciale d’adhésion et art. 23D, §1 à 3, de la Constitution autrichienne, avec les commentaires de S. Peyrou-Pistoulet, « Droit constitutionnel et droit communautaire : l’exemple autrichien », in Rev. fr. dr. const., 2001, p. 255.
22 Voy. l’art. 5, al. 1, du chapitre 10 de la Constitution suédoise.
23 Cf. aussi les clauses spécifiques des Constitutions hongroise et estonienne présentées dans J.-V. Louis et Th. Ronse, op. cit., p. 342-343.
24 Voy. son art. 94 tel qu’il est interprété par la doctrine néerlandaise. Cf. P. Popelier, « De verhouding tussen de Belgische grondwet en het internationale recht », in En hommage à Francis Delpérée, op. cit., p. 1234-1236.
25 Voy. son art. 29.4.10°.
26 Cf. J.-V. Louis et Th. Ronse, op. cit., p. 353.
27 Voy. p. ex. J.-V. Louis et Th. Ronse, op. cit., p. 350.
28 J.-P. Jacqué, « Droit constitutionnel national, droit communautaire, CEDH, Charte des Nations unies. L’instabilité des rapports de système entre ordres juridiques ». in Revue française de droit constitutionnel, 69, 2007, p. 12.
29 Cf. l’arrêt du 11 mai 2005 relatif à ladhésion de la Pologne à l’Union européenne et les commentaires de J.-P. Jacqué, op. cit., p. 11-12, et J.-P. Massias, Droit constitutionnel des États d’Europe de l’Est, Paris, PUF, 2008, 2e éd., no 183.
30 Les obstacles qui s’opposent à l’adoption des actes du droit communautaire primaire sont surmontables moyennant une révision de la constitution. La technique française du contrôle juridictionnel préventif a l’avantage d’identifier ces obstacles avec l’autorité de la chose jugée sans remettre en cause le principe de la primauté du droit communautaire : quand le Conseil constitutionnel constate l’incompatibilité d’un traité avec la Constitution, la révision de la Constitution s’impose. Sur la jurisprudence de ce Conseil à propos des transferts de compétence qui appellent une révision constitutionnelle parce qu’ils affectent « les conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale », voy. not. la synthèse de T. Olson et P. Cassia, Le droit international, le droit européen et la hiérarchie des normes, Paris, PUF, 2006, p. 37 et s. Voy. aussi l’art. 95 de la Constitution espagnole. La situation est évidemment différente si l’obstacle provient d’une norme constitutionnelle irrévisable. Tel est le cas évoqué infra du principe de légitimité démocratique et des droits de l’homme dans la loi fondamentale allemande.
31 Cf. J.-P. Jacqué, op. cit., p. 11.
32 M. Kumm, « The jurisprudence of Constitutional Conflict : Constitutional Supremacy in Europe before and after the Constitutional Treaty », in European Law Journal, vol. 11, no 3, May 2005, p. 262-307.
33 Déclaration du Trib. const. espagnol du 13 décembre 2004, traduite et commentée par A. Del Valle Galvez, « Constitution espagnole et traité constitutionnel européen – La déclaration du Tribunal constitucional du 13 décembre 2004 », in C.D.E., 2005, p. 714-715. Adde L. Burgorgue-Larsen, « La déclaration espagnole du 13 décembre 2004 (DTC, no 1/2004). Un Solange II à l’espagnole », in Les Cahiers du Conseil constitutionnel, no 18, 2005, p. 154-161.
34 Elle est à la fois juridiction de dernier ressort et juridiction constitutionnelle.
35 Cité par J.V. Louis et Th. Ronse, op. cit., p. 361. La disposition constitutionnelle danoise (citée par les mêmes auteurs, p. 336) qui autorise les transferts au profit de l’Union européenne est libellée comme suit : « Les attributions dont sont investies les autorités du royaume aux termes de la présente Constitution peuvent être déléguées par une loi et, dans une mesure à déterminer, à des autorités en vertu d’une convention passée par accord réciproque avec d’autres États en vue de promouvoir la coopération et l’ordre juridique internationaux. »
36 Arrêt précité.
37 J.-P. Jacqué, op. cit., p. 13.
38 M. Kumm, op. cit., p. 300.
39 J.-P. Jacqué, op. cit., p. 8,
40 Cf. art. 5, § 1 et 2, du traité sur l’Union européenne (TUE) tel que modifié par le traité de Lisbonne.
41 Cf. art. 3 du traité de Lisbonne sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).
42 Cf. le protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité annexé au traité de Lisbonne.
43 F. Ost, Traduire, op. cit., not. p. 298.
44 Voy. la traduction française par C. Grewe de cet arrêt dans la R.U.D.H., 1993, p. 286-292. L’arrêt rendu par la même Cour constitutionnellle le 30 juin 2009 à propos du traité de Lisbonne a été rendu après la remise du manuscrit à l’éditeur. Il est impossible d’en rendre compte en quelques addenda. On y fera seulement l’une ou l’autre allusion. Il s’inscrit dans la droite ligne de l’arrêt Maastricht, non sans durcir encore son attachement aux réserves de constitutionnalité ici évoquées.
45 L’explication est en partie d’ordre technique. Elle tient au mode de saisine de la Cour : le recours constitutionnel imposait le détour par un droit fondamental, en l’occurrence le droit subjectif déduit de l’article 38 de la loi fondamentale « de participer à l’élection du Bundestag allemand et, par là, de prendre part, à l’échelon fédéral, à la légitimation du pouvoir d’État par le peuple et d’influencer son exercice ». Cf. C. Grewe, « L’arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale allemande du 12 octobre 1993 sur le traité de Maastricht : l’Union européenne et les droits fondamentaux», in R.U.D.H.. 1993, p. 226-231.
46 Dans la mesure où le principe démocratique est déployé par le juge allemand sur le plan national, il remplit « une fonction semblable à la souveraineté » : il indique « les limites constitutionnelles à l’intégration européenne » (C. Grewe, op. cit., p. 228). Aussi, faut-il signaler que c’est bien cet arrêt Maastricht qui a inspiré l’arrêt Carlsen du 6 avril 1998 de la Cour suprême du Danemark mentionné supra à propos de la première préoccupation fondée sur le respect des règles répartitrices des compétences entre l’Union et les États membres. L’influence exercée par l’arrêt Maastricht à cet égard a été considérable. Elle est observable dans la jurisprudence des cours constitutionnelles non seulement danoise, mais aussi polonaise, chypriote, tchèque, française et espagnole, ainsi que dans l’insertion de clauses constitutionnelles en Suède, en Autriche et au Portugal. Voy. à ce sujet J. Baquero Cruz, « The Legacy of the Maastricht-Urteil and the Pluralist Movement », in European Law Journal, vol. 14, no 4, juillet 2008, p. 398-403.
47 Arrêt précité, p. 290.
48 Arrêt précité, p. 289.
49 Sur cet arrêt et ses suites, voy. not. J. Gerkrath, « La critique de la légitimité démocratique de l’Union européenne selon la Cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe », in L’Union européenne, droit, politique, démocratie, Paris, PUF, 1996, p. 209-241, et J. Baquero Cruz, « The Legacy of the Maastricht-Urteil and the Pluralist Movement », in European Law Journal, vol. 14, no 4, juillet 2008, p. 389-422. L’arrêt précité du 30 juin 2009 sur le traité de Lisbonne a encore renforcé ce « statocentrisme ».
50 J.V. Louis et Th. Ronse, op. cit., p. 360.
51 Voy. par exemple les bilans de J.-P. Jacqué, Droit institutionnel de l’Union européenne, Paris, Dalloz, 2006, 4e éd., no 97-108 et Ch. Franck, « Le déficit démocratique : une notion en débat », in Mélanges en hommage à Jean-Victor Louis, Ed. de l’Université de Bruxelles, 2003, vol. I, p. 175 et s.
52 Traduction française dans la Rev. trim. dr. eur., 1975, p. 316, note M. Fromont.
53 Cf. p.ex. J.V. Louis et Th. Ronse, op. cit., p. 363.
54 Même s’il est vrai que la Cour de justice avait déjà fait quelques pas dans cette direction dès avant l’arrêt Solange I.
55 Sur tout cela, voy. not. la synthèse de J.-P. Jacqué, Droit institutionnel de l’Union européenne, op. cit., p. 54-74, complétée par L. Burgorgue-Larsen, « La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne », in L’Union européenne – Édition traité de Lisbonne, sous la dir. de J. Ziller, Paris, La documentation française, 2008, p. 51-58.
56 Cf. traduction française dans la Rev. trim. dr. eur.. 1987, p. 537, note V. Constantinesco.
57 Cf. J.V. Louis et Th. Ronse, op. cit., p. 340-342 ; art. 23, § 1, de la Loi fondamentale allemande et art. 5, al. 1, du chapitre 10 de la Constitution suédoise du 27 février 1974.
58 Notamment après l’arrêt Maastricht précité qui avait aussi exprimé une réserve à propos des droits fondamentaux.
59 Arrêt cité par J.-P. Jacqué, Droit constitutionnel national, droit communautaire… », op. cit., p. 12-13, note 22. Cf. I. Pernice, « Les bananes et les droits fondamentaux : la Cour constitutionnelle allemande fait le point », in C.D.E., 2001 ; C. Grewe, « Le traité de paix avec la Cour de Luxembourg : l’arrêt de la Cour constitutionnelle allemande du 7 juin 2000 relatif au règlement du marché de la banane », in Rev. trim. dr. eur., 2001, Ρ· 1-17. Un autre arrêt plus récent de la Cour constitutionnelle allemande qui se situe dans le sillage des arrêts Maastricht et Solange mérite l’attention : c’est celui du 18 juillet 2005 qui oppose des critiques de constitutionnalité à la législation allemande adoptée pour transposer la décision-cadre sur le mandat d’arrêt européen. Sur cet arrêt, voy. J. Baquero Cruz, op. cit., p. 395-397 et C. Lebeck, « National constitutional control and the limits of European integration – the European Arrest Warrant in the German Federal Constitutional Court », in Public law, incorporating : the British journal of administrative law, 2007, p. 23-32.
60 Cf. not. l’arrêt Fragd des 13-21 avril 1989 commenté par J.-V. Louis et Th. Ronse, op. cit., p. 367-368, et A. ALEN, « Les relations entre la Cour de justice des Communautés européennes et les Cours constitutionnelles des États membres », in Liber Amicorum Paul Martens. L’humanisme dans la résolution des conflits. Utopie ou réalité ?, Bruxelles, Larcier, 2007, p. 678-679.
61 Cf. la déclaration du 13 décembre 2004 du Tribunal constitutionnel espagnol et le commentaire précité de L. Burgorgue-Larsen significativement intitulé « Un Solange II à l’espagnole ».
62 Cf. W. Sadurski, « ’Solange, chapter 3’ » : Constitutional Courts in Central Europe-Democracy-European Union », European University Institute Working Papers, law no 2006/40, et A. Albi, « Supremacy of EC Law in the New Member States. Bringing Parliaments into the Equation of ‘Cooperative Constitutionalism’ », in European Constitutional Law Review, 2007/3, p. 25-67.
63 M. Kumm, op. cit., p. 300.
64 Cf. l’arrêt Fragd du 13 avril 1989 cité par A. Alen, op. cit., p. 678. Cf. la traduction de l’arrêt dans Th. De Berranger, Constitutions nationales et construction communautaire, Paris, LGDJ, 1995, p. 309.
65 Déclaration précitée du Tribunal constitutionnel espagnol du 13 décembre 2004.
66 Cons. const., décision no 2004-496 DC, 10 juin 2004. Rec., 2004, p. 101.
67 Cf. Cons. const., décision no 2006-540 DC du 27 juillet 2006 et les commentaires de F. Chaltiel, « Nouvelles précisions sur les rapports entre le droit constitutionnel et le droit communautaire », in Rev. franç. dr. constit., no 68-2006, et Id., « Les rapports de système entre le droit constitutionnel et le droit européen. Développements récents », in Revue du Marché commun et de l’Union européenne, no 509, juin 2007, p. 361-372.
68 A moins de partager l’interprétation défendue par F. Chaltiel dans « Les rapports de système entre le droit constitutionnel et le droit européen. Développements récents », op. cit., p. 368 et s., qui considère que, compte tenu des limites affectant les compétences de l’Union européenne, « seuls les éléments constitutionnels portant protection des droits (fondamentaux) sont en situation de rencontrer des normes européennes » au titre de F « identité constitutionnelle » nationale. L’arrêt précité du 30 juin 2009 rendu par la Cour constitutionnelle allemande sur le traité de Lisbonne montre cependant que cette notion favorise des réserves beaucoup plus larges. La Cour considère ainsi que la préservation de l’identité constitutionnelle allemande qui renvoie aux principes indérogeables de l’article 79, § 3, de la loi fondamentale, interdit tout progrès dans l’intégration européenne qui remettrait en cause le maintien au niveau national de l’essentiel des politiques pénale, militaire, fiscale, sociale et éducative (cf. § 253-261).
69 Arrêt Fragd du 13 avril 1989 précité.
70 Avis du 15 février 2005 sur l’avant-projet de loi portant assentiment au traité établissant une Constitution pour l’Europe donné par l’assemblée générale de la section de législation du Conseil d’Etat, no 6. publié notamment dans Doc. parl., Sénat, s.o. 2004-2005, no 3-1091/l, p. 526-546, et reproduit dans la Revue française de droit administratif, 2005, p. 242-248. Cet avis a été répété dans celui relatif à l’avant-projet de loi portant assentiment au traité de Lisbonne, Doc. parl., Sénat, s.o. 2007-2008, no 4-568/1. Rappelons que l’article 34 de la Constitution belge permet de transférer, par un traité ou une loi, à des institutions de droit international public, l’exercice de compétences qui sont confiées par la Constitution ou en vertu de celle-ci aux organes de l’État, des Communautés ou des Régions. Il est seulement exigé que ces compétences soient « déterminées » par ledit traité ou ladite loi, ce qui implique, dit le Conseil d’État dans le même avis, « qu’elles y soient suffisamment précisées ».
71 C’est la raison pour laquelle plusieurs constitutionnalistes suggèrent d’organiser un contrôle juridictionnel de constitutionnalité des traités avant leur ratification qui soit systématique et contraignant, ainsi qu’une procédure simplifiée de révision de la Constitution. Voy. not. les contributions de A. Alen, F. Delpérée, H. Dumont, X. Delgrange et S. Van Drooghenbroeck dans La procédure de révision de la Constitution, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 166-167, 148-163, 169-172.
72 Cf. art. 3, § 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d’arbitrage devenue Cour constitutionnelle. La Cour a notamment exercé ce contrôle à l’occasion de l’approbation du traité de Maastricht : cf. C.A., no 76/94 du 18 octobre 1994, et du traité de Lisbonne : cf. C.C., no 125/2009 du 16 juillet 2009.
73 Une occurrence qui se produit de temps en temps…
74 Constitutionnellement, la ratification d’un traité par le Roi qui a pour effet d’engager l’État belge sur la scène internationale ne doit pas nécessairement être postérieure à la loi d’approbation qui conditionne l’aptitude du traité à produire des effets en droit interne (cf. art. 167 de la Constitution), mais l’esprit de l’article 3, §2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d’arbitrage commande d’attendre l’issue d’un éventuel recours en annulation dirigé contre cette loi avant de procéder à cette ratification.
75 Cf. art. 26, § 1er bis, de la loi spéciale du 6 janvier 1989. L’intervention du législateur spécial, particulièrement maladroite, n’a pas pour effet d’interdire à la Cour constitutionnelle de maintenir sa position favorable à la primauté de la Constitution par rapport aux traités autres que ceux visés par cet article 26, § 1er bis.
76 Cf. en particulier l’arrêt du 2 juin 2003 et les trois arrêts des 9 et 16 novembre 2004 commentés notamment par M. Mahieu et J. van Meerbeeck, « Traité international et Constitution nationale », in RCJB, 2007, p. 24-90.
77 Cf. Cass, 5 décembre 1994, Pas., 1994, I. 1048 ; Cass., 3 novembre 2000, Pas., 2000, I, 1663.
78 Cass., 27 mai 1971, Pas., 1971, p. 887 et s. Cet arrêt fondateur qui, comme ceux cités dans la note précédente, ne concernait pas en l’espèce le conflit « traité-Constitution », mais le conflit « traité-loi », avait justifié la primauté du droit international conventionnel directement applicable sur la loi dans des termes de portée très générale, la loi étant englobée dans l’expression « norme de droit interne ». C’est donc bien lui qui est à la source des arrêts cités dans la note 76 qui ont établi la même primauté à l’égard de la Constitution.
79 Cf. Cass., 26 septembre 1978, Pas., 1979, I, 127. Sur cette faute de logique juridique, voy. L. François, « Le recours à une philosophie du droit dans la motivation des décisions juridictionnelles », in Journal des tribunaux, 2005, p. 261-266. On notera que la section de législation du Conseil d’État a avalisé la jurisprudence de l’arrêt Le Ski en invoquant, pour sa part, un « principe général de droit constitutionnel » (voy. les références dans la même étude de L. François, note 10).
80 Cf. CE, arrêt Orfinger, no 62.922, 5 novembre 1996, Journal des tribunaux, 1997, p. 254, note R. Ergec. De manière contestable, l’arrêt semble présenter la jurisprudence de la Cour de justice comme un acte de droit communautaire dérivé, ce qui peut expliquer le recours à l’article 34 de la Constitution pour en justifier la primauté.
81 Avis précité, no 7. Pour un cas d’application, voy. l’avis du Conseil d’État no 39.192/3 du 4 novembre 2005 sur un projet de loi portant révision de la législation pharmaceutique. Doc., parl., Ch., s.o. 2005-2006, no 2189/001, p. 114-117.
82 Elle a en revanche interrogé la Cour de justice sur la compatibilité de la décision cadre sur le mandat d’arrêt européen avec l’article 6, § 2, du TUE (cf. CA, arrêt no 124/2005 du 13 juillet 2005), alors que les autres cours constitutionnelles se sont dispensées de le faire et ont jugé tantôt la décision-cadre, tantôt leur loi de transposition contraire à leur Constitution : cf. J. Baquero Cruz, « The Legacy of the Maastricht-Urteil and the Pluralist Movement », in European Law Journal, vol. 14, no 4, juillet 2008, p. 398-402.
83 Dans son arrêt no 17/2009 du 12 février 2009, la Cour constitutionnelle énonce en effet que « la circonstance que l’intervention du législateur soit dictée par la volonté de transposer une directive européenne dans Tordre juridique belge n’affecte pas la compétence de la Cour » (B.6.2). On cite parfois l’arrêt no 95/2008 du 26 juin 2008 de la Cour constitutionnelle pour illustrer la résistance que celle-ci aurait opposée à une directive au nom de la Constitution : cf. en ce sens la contribution de P. Martens au présent ouvrage. A notre sens, dans cet arrêt, la Cour ne méconnaît pas la directive en cause. Elle se montre seulement et à juste titre plus généreuse que celle-ci dans son interprétation des droits de l’homme en jeu. Pour un exemple de résistance implicite à une interprétation de la CJCE, voy. l’arrêt no 10/2008 du 23 janvier 2008 également commenté par P. Martens dans sa contribution.
84 Cf. H. Dumont, « La crise de l’État belge : un défi pour la raison publique », in Raison publique, no 8, PUPS, 2008, p. 71-93.
85 Cf. not. A. Levade, « La prise en compte spécifique de l’Union européenne par les constitutions nationales », in Constitution et construction européenne, sous la dir. de B. Mathieu, M. Verpeaux et F. Melin-Soucramanien, Paris, Dalloz, 2006, p. 32-33, et J.-Cl. Gautron, cité par L. Favoreu, in Constitution et construction européenne, op. cit., p. 87 et note 5 et p. 1665-166.
86 Voy. la démonstration dans H. Dumont, « La question de l’État européen du point de vue d’un constitutionnaliste », in Droit et Société, no 53, 2003, p. 29-71.
87 L’anecdote est rapportée par J.-Cl. Gautron, « Rapport de synthèse », in Constitution et construction européenne, op. cit., p. 159.
88 Cf. en ce sens parmi tant d’autres B. Mathieu, « Intervention », in Constitution et construction européenne, op. cit., p. 235 : le traité établissant une « Constitution » pour l’Europe « ne peut pas, dans l’ordre juridique interne, basculer complètement dans le champ constitutionnel pour une raison simple, et probablement une seule, c’est que l’on n’a pas transféré à cette nouvelle entité le soin de se modifier complètement elle-même ».
89 L. Burgorgue-Larsen, « Pourquoi une Constitution européenne ? », in Constitution et construction européenne, op. cit., p. 45.
90 L. Burgorgue-Larsen, « Pourquoi une Constitution européenne ? », in Constitution et construction européenne, op. cit., p. 47 et 81.
91 CJCE, arrêt du 14 octobre 2004. affaire C-36/02, Omega Spielhallen, Rec. 19609.
92 Cf. art. 46 du TCE.
93 Considérant no 37.
94 Considérant no 39. La CJCE devrait d’autant mieux comprendre les réserves de constitutionnalité des cours constitutionnelles qu’elle recourt elle-même à cette technique quand il s’agit des interactions entre le droit international public et le droit communautaire européen, interactions qu’elle subordonne aux conditions fixées par les principes « constitutionnels » de la Communauté : cf. en ce sens son arrêt Kadi du 3 septembre 2008, C-402/05 P et C-415/05 P.
95 Comp. J.-Cl. Gautron, « Sur le principe de primauté », in Constitution et construction européenne, op. cit., p. 187 : « on peut y voir le souci des rédacteurs de ménager la souveraineté des États ».
96 Cf. S. Rodrigues, « Service(s) public(s) et droit communautaire », in L’Union européenne – Édition traité de Lisbonne, op. cit., p. 114.
97 Art. 4, § 2, première et deuxième phrases, du TUE issu du traité de Lisbonne, qui figuraient déjà dans le traité établissant une Constitution pour l’Europe : « L’Union respecte l’égalité des États membres devant les traités ainsi que leur identité nationale. inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l’autonomie locale et régionale. Elle respecte les fonctions essentielles de l’État, notamment celles qui ont pour objet d’assurer son intégrité territoriale, de maintenir l’ordre public et de sauvegarder la sécurité nationale. »
98 Art. 4, § 1er, du TUE issu du traité de Lisbonne, qui ne figurait pas dans le traité établissant une Constitution pour l’Europe : « Conformément à l’article 5, toute compétence non attribuée à l’Union dans les traités appartient aux États membres ».
99 Art. 4, § 2, 3e phrase, du TUE issu du traité de Lisbonne, qui ne figurait pas dans le traité établissant une Constitution pour l’Europe : « En particulier, la sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque État membre ».
100 Cons. const., décision no 2004505 DC du 19 novembre 2004, reproduite dans Constitution et contruction européenne, op. cit., p. 241-251.
101 Considérant no 10.
102 Considérant no 13. Pour les références de cette décision, cf. supra.
103 Cf. en ce sens D. Rousseau, « Primauté du droit de l’Union et portée normative de la Charte des droits fondamentaux », in Constitution et construction européenne, op. cit., p. 192193 ; Luchaire, « Intervention », in ibidem, p. 211 ; M. Gautier, « Intervention », in ibidem, p. 214.
104 Cf. not. CJCE, arrêt du 9 mars 1978, Simmenthal, Rec., p. 629.
105 Cf. en ce sens D. Rousseau, op. cit., p. 193.
106 A. Levade, « Une autre lecture de la décision du Conseil constitutionnel », in Constitution et construction européenne, op. cit., p. 209.
107 B. Mathieu, « Propos introductifs », in Constitution et construction européenne, op. cit., p. 180. Dans le même sens, J.-Cl. Gautron, « Sur le principe de primauté », in Constitution et construction européenne, op. cit., p. 189 : le Conseil constitutionnel se voit reconnaître le mérite d’avoir évité « le conflit frontal des deux systèmes juridiques ». S’il avait osé suggérer d’inscrire dans la Constitution française une clause de primauté absolue du droit européen, il se serait infligé un « suicide collectif »… ; D. Chagnollaud, « Propos sur la Charte des droits fondamentaux», in Constitution et construction européenne, op. cit., p. 198 : « la Constitution française ne peut pas être révisée par voie de directive » ; A. Levade, « Une autre lecture de la décision du Conseil constitutionnel », in Constitution et construction européenne, op. cit., p. 206 : « le Conseil constitutionnel ne pouvait pas véritablement […] prendre une position différente ». Contra M. Gautier, « Intervention », in ibidem, p. 214, et D. Rousseau, « Intervention », in ibidem, p. 215-216.
108 Cons. const., décision no 2007-560 DC du 20 décembre 2007. Sur cette décision et ses suites très rassurantes pour la primauté du droit européen, voy. not. F. Chaltiel, « Les rapports de système entre le droit constitutionnel et le droit européen. Développements récents », op. cit., et S. PINON, « Les démêlés du juge constitutionnel et du juge administratif avec le principe de "primauté" du droit communautaire », in A.J.D.A., 9 juin 2008, p. 1077-1081.
109 Cet ajout a été fait à la demande des Britanniques qui souhaitaient distinguer la « sécurité nationale » de « la sécurité intérieure qui englobe la sécurité interne des États membres et celle de l’Union » : F.-X. Priollaud et D. Siritzky, op. cit., p. 39.
110 En ce qui concerne le Conseil d’État et la Cour de cassation, voy. ibidem, p. 4L
111 B. Mathieu, « Intervention », in Constitution et construction européenne, op. cit., p. 216.
112 A. Levade, « Intervention », in Constitution et construction européenne, op. cit., p. 216.
113 J.-P. Jacqué, « Droit constitutionnel national, droit communautaire,… », op. cit., p. 20.
114 Voy. en ce sens l’étude précitée de J. Baquero Cruz.
115 Cf. F. Ost, op. cit., p. 289-299.
116 Cf. F. Ost, op. cit., p. 294-295.
117 Sur la dialectique entre l’« autre intérieur » et le « même extérieur » dans son éthique de la traduction, cf. ibidem, p. 277 et s.
118 J.P. Jacqué, « Droit constitutionnel national, droit communautaire,… », op. cit., p.5.
119 Cf. not. L. Favoreu, « Rapport de synthèse : l’euroscepticisme du droit constitutionnel (suite) », in Constitution et construction européenne, op. cit., p. 85-91.
120 L. Favoreu, op. cit., p. 85. Sur ce clivage, voy. J. S. Bergé, « L’engagement du juriste et la construction européenne : questionnement d’un universitaire », in Frontière du droit, critique des droits. Billets d’humeur en l’honneur de Danielle Lochak, Paris, LGDJ, 2007, p. 299 et s.
121 Cf. F. Ost, op. cit., p. 113.
122 Cf. F. Ost, op. cit., p. 257.
123 Cf. O. Beaud, « La notion de pacte fédératif. Contribution à une théorie constitutionnelle de la Fédération », in Gesellschaftliche Freiheit und vertragliche Bindung in Rechtsgeschichte und Philosophie, sous la dir. de J.-F. Kervégan et H. Mohnhaupt, Frankfurt am Main, Klostermann, 1999, p. 197-270.
124 Cf. art. 1-60 de ce traité devenu l’art. 50 du TFUE issu du traité de Lisbonne. Comp. J.-V. Louis, « Le droit de retrait de l’Union européenne », in Droit du pouvoir, pouvoir du droit. Mélanges offerts à Jean Salmon, Bruxelles, Bruylant, 2007, p. 1293-1316.
125 Cf. J.M. Ferry, « Dépasser le "malaise européen" : la voie cosmopolitique de l’intégration européenne », in Démocratie : la voie européenne, Raison publique, no 7, octobre 2007, p. 11-43. L’espace nous manque malheureusement ici pour répondre plus amplement à ses objections.
126 Comme l’a souligné N. Walker, « Postnational Constitutionalism and the problem of translation », op. cit., p. 37-38, une « bonne » traduction doit reposer sur une méthode et produire un résultat qui puissent être reconnus comme adéquats aussi bien par les experts des systèmes politiques nationaux que par ceux qui pratiquent le système politique postnational de l’Union européenne.
Auteur
Professeur ordinaire aux Facultés universitaires Saint-Louis ; codirecteur du Centre interdisciplinaire de recherche en droit constitutionnel ; président de l’Institut d’études européennes.
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