Bentham le grec ? Bentham le moderne ?
p. 255-277
Texte intégral
1Lorsque l'utilitarisme retenait encore, au début de ce siècle, l'attention des philosophes français, Victor Brochard pouvait écrire : "Il faut avoir présente à l'esprit cette conception de toute la philosophie grecque (...), d'après laquelle le plaisir n'est pas une quantité, capable de croître indéfiniment, mais une qualité, parfaitement déterminée, définie ou, comme dit Epicure lui-même, une limite, péras. On a commis une grave erreur lorsqu'on a rapproché la doctrine d'Epicure de l'utilitarisme anglais qui assigne pour but suprême à l'activité humaine la plus grande somme de plaisirs. Sur quelques points de détail, il peut y avoir des coïncidences entre l'Epicurisme et le Benthamisme ; sur la question essentielle, la définition du plaisir, il y a une opposition radicale" (Etudes de philosophie ancienne et de philosophie moderne, pp. 273-274).
2Notre propos est ici de reprendre, plus en détail, les termes de la comparaison, rapide mais stimulante, qu'établit Victor Brochard entre la pensée qualitative d'Epicure et des Grecs en général et le quantitavisme des Modernes et de Bentham en particulier. Nous espérons, ce faisant, apporter quelque éclairage sur le punctum radiens de la pensée benthamienne : sa théorie du plaisir. Mais pour atteindre ce résultat, il nous faut d'abord établir les conditions du dialogue.
3L'historien peut s'étonner de constater chez Bentham, à la fois une revendication d'hédonisme et une indifférence marquée vis-à-vis des distinctions philosophiques classiques depuis l'époque de Platon, particulièrement celles des plaisirs purs et des plaisirs impurs, des plaisirs stables et des plaisirs en mouvement1. L'importance systématique dans la pensée de Bentham de la notion de plaisir, et de celle, corrélative, de peine ou de douleur, n'a pas entraîné la réflexion philosophique attendue.
4On peut évidemment en indiquer différentes raisons. La plus générale est que la philosophie de l'histoire de la philosophie n'ayant pas, comme chez ses contemporains Hegel ou Comte, de place propre dans le système benthamien, il est naturel que Bentham ne ressente pas le besoin de se situer méthodiquement dans l'évolution générale des idées depuis l'Antiquité, ni même particulièrement dans le courant hédoniste ; on sera donc moins surpris de ne trouver chez lui qu'une seule référence, bien indirecte, à la pensée épicurienne2. La deuxième raison tient aux notions mêmes qui sont ici en cause : notions premières, le plaisir et la douleur ne peuvent être analysés en éléments plus simples mais seulement expérimentés ou désignés et classés dans un cadre taxinomique3. Enfin, troisième raison, derrière les distinctions classiques que nous évoquions, se préparent des "jugements de valeur", opposant les plaisirs vrais et les plaisirs faux (chez Platon) ou les plaisirs bons et les plaisirs mauvais (chez Epicure)4. Or, il est notoire que Bentham, si sensible aux différences de goût dues elles-mêmes à celles des cultures, des milieux sociaux, des tempéraments, des sexes5... répugne à l'usage de distinctions pouvant aboutir à inscrire un grand nombre de satisfactions sur une quasi-liste de proscription.
5Ces trois considérations ne doivent néanmoins pas empêcher tout essai d'approfondissement de la pensée benthamienne du plaisir. Le premier argument protège Bentham des reproches mais ne lui épargne pas des investigations supposées pertinentes. Le second n'empêche pas d'estimer que la taxinomie benthamienne des plaisirs est par trop rhapsodique, reposant sur une simple énumération des sources matérielles (plaisir des sens, de la réputation, de la richesse...). Une ordonnance plus systématique, des concepts plus généraux, permettraient peut-être, par delà les différences phénoménologiques, de faire apparaître des types de plaisirs et de retrouver des catégories traditionnelles. On remarquera d'ailleurs que Bentham, de manière latente dans les Principes de morale et de législation et explicite dans d'autres textes, divise le bien en plaisir positif et absence de douleur, le mal en douleur et privation de plaisir6, s'élevant alors au-dessus de la simple énumération immédiate. Enfin, il est exact que Bentham admet d'une certaine façon que chacun puisse prendre son plaisir où il le trouve, des jeux d'enfants étant susceptibles de revêtir une valeur (hédonistique) équivalente à celle des plus hautes activités artistiques7. Mais ce relativisme est tempéré par l'intention de rationaliser la recherche du plaisir8. Sans ériger en modèle un type de vie unique9, Bentham ne peut admettre un hédonisme anarchique et auto-destructeur, de type sadien10. On peut ainsi penser, et nous essaierons de le prouver, qu'à défaut d'un classique "portrait du sage", Bentham propose implicitement un nombre limité de figures susceptibles d'illustrer sa conception du bonheur, et par là même ses idées politiques et sociales.
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6Nous nous proposons donc de comparer, sur la question du plaisir, la théorie benthamienne avec les grandes doctrines antérieures et principalement celles de l'Antiquité grecque. Malgré leurs divergences, en particulier sur la place du plaisir dans la hiérarchie générale des biens, les principaux philosophes, i.e Platon, Aristote et Epicure, s'accordent sur un point selon nous fondamental : une classification commune où sont distinguées trois situations essentielles candidates, si l'on peut dire, à incarner le vrai plaisir. Avec les mêmes exemples, et à la clé les mêmes réponses, Platon, Aristote et Epicure envisagent en effet 1) l'absence de douleur dont l'exemple type est la santé physique, 2) le plaisir de rétablissement, accompagné d'une cessation concomitante de la douleur, dont 1'exemple-type est la nutrition ou plus généralement le plaisir provenant du recouvrement de la santé, 3) le plaisir d'état, sans douleur antécédente, dont 1'exemple-type est le plaisir de voir, plus généralement les plaisirs esthétiques, ou celui de connaître.
7Esquissons un tableau comparatif de ces doctrines.
I. Platon
1. L'absence de douleur
8Cet état est en vérité insensible et n'est donc pas un plaisir. Quoiqu'elle soit un bien, comme condition, la santé en elle-même ne procure pas de satisfaction (Philèbe 32e), car les mouvements physiologiques équilibrés qui la constituent sont insensibles (id, 43 c). La santé n'est vraiment appréciée qu'à l'issue d'une maladie (République, 583 d, cf. catégorie suivante).
2. Le plaisir de rétablissement
9Il est "mélangé", "impur", puisque attaché nécessairement à la douleur, certes évanescente, de la faim, de la soif11, de la maladie (Philèbe, 46 c, sq.). Ces plaisirs mêlés ne sont toutefois pas seulement corporels, la colère, l'envie,... ont leurs plaisirs pour ainsi dire morbides (id. 47 e sq.). Les plaisirs de cette catégorie ne peuvent constituer de vrais biens, des fins en soi, puisqu'ils existent en vue d'un autre état (la satiété, la santé, la tranquillité) (id. 54 b sq.). Ils mènent, désirés pour eux-mêmes, à une perpétuelle alternance de déséquilibre et d'équilibre, à la vie inquiète du débauché.
3. Le plaisir d'état
10Plaisirs purs car indépendants de la douleur (République, 548 a, sq., Philèbe, 50 c, sq.,), les plaisirs de cette espèce sont sensitivement moins intenses que les précédents mais ontologiquement plus vrais ; ils ne supposent pas un dépérissement qui les précède, ainsi l'exercice de la vue ou de l'ouïe dans l'expérience esthétique. Supérieure à cette dernière, qui reste physique (cf. République, 582 e), la connaissance offre les joies les plus hautes, si toutefois elle ne provient pas d'une curiosité, d'une impatience douloureuse de savoir (Philèbe, 52 a).
II. Aristote
1. L'absence de douleur
11Difficilement supportable pour ceux qui ne connaissent que les plaisirs corporels, il existe effectivement un état intermédiaire entre le plaisir et la douleur (Ethique à Nicomaque, 1154 b, 6-8), qu'on pourrait qualifier de santé inactive, car ce n'est pas la même chose que de n'être pas sourd et d'entendre une belle mélodie (cf., id., 1173 b, 13 sq.). Cet état est nécessaire car on ne peut jouir toujours (1175 a, 3 sq.).
2. Le plaisir de rétablissement
12Les plaisirs de rétablissement sont les plus populaires, i.e. les plus frustres et les plus répandus (id. 1154 b 3 sq.), les plus proches de l'enfance et de l'animalité (id. 1153 a 28). Ils conduisent à l'excès (id. 1154 a 15) et à l'absurdité puisque certains s'assoiffent volontairement pour éprouver le plaisir de boire (id. 1154 b 3)12 Nous avons affaire ici en réalité aux plaisirs que ressent une nature corrompue, non intègre, "en manque". Le caractère de plaisir est donc relatif à l'état du sujet, l'objet n'est pas plaisant réellement, ni le plaisir vraiment plaisir (id. 1152 b 26 sq.).
3. Le plaisir d'état
13Le plaisir accompagne ici l'activité (énergeia) d'une nature saine (id. 1175 a 20), comme dans les plaisirs intellectuels et esthétiques (id. 1174 b 20). Il ignore l'excès (id. 1154 b 15). A la différence de la génésis, l'énergeia n'est pas un processus impliquant changement, mais est parfaite, achevée à chaque instant : la joie de connaître est préférable à la poursuite du savoir (id. 1177 a 25-27). Le plaisir est lié à un "repos actif", une activité sans mouvement (id. 1154 b 27), qui aspire à se prolonger (id. 1153 a 20-23 ; cf. Platon, Republique, 518 a).
III. Epicure
14Le caractère lacunaire et lapidaire des textes d'Epicure a alimenté sur la question du plaisir, entre bien d'autres, les interprétations les plus diverses, mettant toutefois pour la plupart en avant l'originalité de la doctrine, sinon dans l'absolu (cf. Démocrite) du moins par rapport à Platon, Aristote et aux Cyrénaïques13. Il nous semble néanmoins que sous de nombreux aspects la pensée des épicuriens se moule dans les divisions déjà envisagées, aboutit le plus souvent à des conclusions pratiques comparables.
1. L'absence de douleur
15Cf. infra : 3) Le plaisir d'état.
2. Le plaisir de rétablissement
16Epicure appelle "plaisir en mouvement", selon Cicéron14, le plaisir qui naît du processus de suppression de la douleur, que nous avons désigné comme rétablissement15. Comme pour ses prédécesseurs, ce plaisir a ses limites naturelles (bien qu'ignorées des sybarites16 dans la satiété et la santé. Un texte unique17 identifie les plaisirs mobiles avec la joie (chara) et la gaieté (euphrosuné). Sensations accompagnant la réplétion physique, elles peuvent, sans doute, concerner aussi l'âme seule affectée d'une agréable surprise18, du surgissement d'un doux souvenir. Capitale ici, serait l'idée épicurienne d'énergeia qui désignerait un mouvement, une modification, et non comme chez Aristote une plénitude immobile19. Qui plus est, la philosophie étant également définie comme une activité (énergeia)20, la connaissance relèverait des plaisirs en mouvement et serait alors associée aux plaisirs corporels les plus ordinaires. Certes, le savoir a aussi son but21 et sa limite naturels : la suppression de la crainte. Toutefois, sauf a supposer que la crainte réapparaît périodiquement, canine la faim ou la soif, chez celui qui atteint la vérité, on comprend mal pourquoi Epicure prône22 une activité (énergéma) scientifique continue chez le sage, sinon parce que la possession, la médiation et l'enrichissement de la vérité font partie du bonheur (stable) lui-même23.
3. Le plaisir d'état
17L'identification du plaisir fondamental, dit "stable" ou "constitutif" (catastématique), à l'absence de douleur semble tomber sous les critiques anticipatives de tous ceux qui ne voient en cette dernière qu'un état d'insensibilité, un non-plaisir comme une non-douleur. Le bonheur d'Epicure serait celui d'un dormeur selon ses objecteurs cyrénaïques, d'un cadavre selon Clément d'Alexandrie. Mais précisément, Epicure refuse cette assimilation entre absence de douleur et insensibilité : "Chez la plupart des hommes, ce qui est en repos est engourdi, ce qui est en mouvement est enragé"24 ; "la plupart", c'est-à-dire les non-sages, ceux qui, selon l'observation d'Aristote, ne trouvent leur plaisir que dans la mobilité du rétablissement corporel ou dans la poursuite affairée et indéfinie de biens imaginaires (richesses et gloire). De manière tout-à-fait traditionnelle, la philosophie doit donc chez Epicure dénoncer 1'identification "populaire" du plaisir mobile et du plaisir véritable. Mais, outre cette position critique, il faut aussi positivement montrer que le plaisir stable n'est pas un engourdissement, mais une joie : "La condition équilibrée de la chair et l'espoir fondé de la conserver, contiennent pour ceux qui sont capables de se rendre compte25, la joie la plus grande et la plus constante"26. Le terme est significatif, "chara", celui-là même qui tout-à-1'heure désignait le plaisir en mouvement : mais ici la joie n'est plus l'excitation ponctuelle mais le sentiment d'un bien-être serein, le "jucundus sensus" de Lucrèce27.
18Sans chercher à minimiser les différences, on peut considérer que les trois grandes philosophies envisagées s'accordent sur les points suivants :
ce qui est insensible n'est pas un plaisir.
le plaisir, au sens immédiat28 et courant du terme, qui consiste daris la suppression d'une douleur ou d'une gêne, i.e. dans un mouvement, ne détient pas la vérité du plaisir.
l'équilibre naturel du corps et de l'esprit procure ou permet le plaisir achevé, parfait.
19Les divergences proviennent sans doute des objets aptes à procurer le plaisir stable. Chez Epicure, le seuil de conscience semble abaissé, puisque la santé et l'absence de crainte produisent la joie, alors que Platon et Aristote exigent en sus une activité contemplative, d'ordre esthétique ou intellectuel. Encore faut-il se demander si chez Epicure le bonheur dans l'absence de trouble provient d'une sorte de médiation intérieure, quasi-orientale, ou, au contraire, si dans la santé et la sérénité n'est pas impliquée une activité normale29, sentir (voir, entendre,...) pour le corps, penser (philosopher) pour l'esprit, le tout dans un milieu social choisi avec lequel le sage est toujours en contact. Cette activité normale ne rentrerait pas alors dans le cadre de la diversification·30 procurée par les plaisirs mobiles, mais serait une figure de la stabilité.
20On peut donc parler d'un fond de consensus, lié davantage à l'unité d'une civilisation (ou aux échos de la voix de la nature) qu'à une communauté de principes. Comme nous allons le voir, Bentham, par beaucoup d'aspects, rejoint cette sagesse grecque dont il ne modifie pas les éléments de façon substantielle.
21Avant d'aborder l'héllénisme de Bentham, il faut très brièvement examiner si, depuis l'Antiquité, une nouvelle pensée du plaisir, susceptible d'influencer notre auteur, a fait son apparition. La philosophie moderne semble effectivement, principalement avec Hobbes, Spinoza et Leibniz31, avoir tenté d'innover en récusant le dualisme antique du plaisir mobile et du plaisir stable et en proposant une définition unique, applicable à tous les plaisirs. Dans cette perspective, le plaisir correspond au sentiment d'une perfection croissante, à la sensation d'un accroissement ontologique soit à partir d'un "mal positif" (le plaisir de guérir qui supprime la douleur), soit à partir d'un "mal négatif" (le plaisir d'apprendre qui supprime l'ignorance). Cette conception a pour principale conséquence que le plaisir n'est ressenti, sauf le cas exceptionnel de la béatitude spinoziste32, que dans le processus d'acquisition et non pas dans la possession de la perfection, le sujet se trouvant alors contraint, pour ainsi dire, à une perpétuelle course en avant. Il nous faudra donc envisager une quatrième catégorie, désignée par convention comme celle du plaisir d'acquisition, notion voisine du plaisir de redressement, mais distincte, car le plaisir ne naît pas nécessairement ici de la suppression de la douleur.
IV. Bentham
1. L'absence de douleur
22Comme on l'a vu, Bentham ne se contente pas d'une catégorisation binaire, niant tout état intermédiaire entre le plaisir et la douleur. En effet, il divise le bien, en bien positif (le plaisir lui-même) et bien négatif (l'absence - "exemption" - de douleur), le mal étant symétriquement soit positif (la douleur), soit négatif (l'absence de plaisir)33. Comme Bentham le reconnaît34, cette "tétrachotomie" ou quadripartition n'est pas si facile a manipuler, car il est parfois délicat de subsumer un état d'insensibilité sous la catégorie de bien négatif, ou inversement de mal négatif.
23Un premier moyen de clarification, qui tente parfois Bentham35, est d'assimiler le mal négatif à la perte d'un bien. Il n'y aurait pas de mal négatif en soi, mais seulement relativement à un état antérieur dont on éprouverait la nostalgie. Le bien négatif pourrait alors correspondre à la même situation actuelle (par exemple, un même niveau de revenu), mais non issue d'une déchéance. Dans les deux cas, bien évidemment, sans être agréable, l'état du sujet n'aurait rien non plus de douloureux (sinon il serait victime d'un mal positif). Cette première approche ne nous semble pas concorder avec la pensée de Bentham, d'une part parce que celui-ci n'envisage pas toujours le mal négatif comme provenant d'une perte36, d'autre part, et cela revêt une grande importance dans sa théorie de la justice redistributive37, parce que la perte produit, comme l'indique le terme de nostalgie employé supra, une douleur véritable38.
24La meilleure solution nous semble de considérer que tous les termes de la "tétrachotomie" ne se retrouvent pas ensemble dans chacun des domaines où il y a matière à plaisir et douleur. La raison en est que la nature des choses ne laisse pas place à une telle distribution quadripartite. Envisageons par exemple, en suivant Bentham39, la matière de l'amitié ou de l'inimitié. On pourrait penser qu'un découpage adéquat ferait apparaître quatre possibilités "pures", en ne tenant pas compte, afin de simplifier l'analyse, des situations mixtes (amitié des uns et inimitié des autres) :
la possession d'amis, plaisante et relevant du bien positif,
l'absence d'ennemis, non directement sensible et relevant du bien négatif,
l'absence d'amis, non directement déplaisante et relevant du mal négatif,
la présence d'ennemis, douloureuse et relevant du mal positif.
25On remarquera d'abord que les extrêmes impliquent les moyens : si (A) alors (B), si (D) alors (C). Il semble néanmoins difficile de distinguer in concreto le plaisir du bien et celui de l'absence de son contraire ou, comme le dit Bentham, la douleur d'un mal et la peine résultant de l'absence du bien correspondant car, les deux termes "run one into another indistinguishably"40. Mais il faut s'interroger principalement sur la situation médiane où coïncideraient l'absence d'amis et celle d'ennemis. Sommes-nous dans le domaine du bien négatif (absence d'ennemis) ou du mal négatif (absence d'amis) ou dans un état mixte ? Or Bentham semble formel, il y a ici avant tout une peine de privation. L'idée sous-jacente est claire : parce que l'homme est pourvu d'une tendance naturelle au plaisir, l'absence du bien est un manque alors que celle du mal et une simple non-présence, la première prenant naturellement le pas sur la seconde lorsqu'elles co-existent simultanément. Dans ce type de tripartition, l'état médian, bien que dépourvu de douleur positive, relève du mal négatif41. Il en va a fortiori de même dans les bipartitions où le terme supprimé est celui du mal positif. L'exemple-type en serait, sous une forme simplifiée, l'alternative vie sexuelle satisfaisante, abstinence forcée. La frustration sexuelle n'étant pas, le plus souvent, douleur positive, il ne peut y avoir dans l'absence du plaisir autre chose qu'un mal négatif, puisque le bien négatif exigerait la possibilité d'un mal positif ici inexistant42.
26Il apparaît donc que la seule manière d'isoler dans l'absence de douleur un bien négatif, non absorbé par la frustration ou "peine de privation", est de se situer dans des situations dichotomiques où, à l'inverse du domaine sexuel, c'est le pôle du plaisir positif qui est supprimé : 1'exemple-type en est évidemment la classique alternative santé/maladie, le premier terme n'étant pas surpassé dans l'échelle du bien par une "supervitalité" positivement plaisante, l'absence de douleur constitue à n'en pas douter un bien négatif indépendant de toute insatisfaction, et, comme pour les grecs, de tout plaisir.
2. Le plaisir de rétablissement
27Le plaisir de rétablissement offre une première occasion de tester une éventuelle orientation "moderniste" de Bentham, au sens d'une préférence accordée au mouvement sur la stabilité. Or, il ne semble pas que Bentham privilégie, parmi les plaisirs sensuels, ces archétypes du plaisir mobile que sont la satisfaction de la faim et l'apaisement de la soif. Les Principes de morale et de législation n'évoquent les "pleasures of relief" qu'à la fin de la liste des plaisirs43 pour assurer la transition avec les peines ; en effet, les plaisirs de rétablissement s'appuient en quelque sorte sur celles-ci, ils sont "grounded upon pains"44. Il est vrai que, comme dans la Table des ressorts de 1'action45, le plaisir de se nourrir et celui de se désaltérer sont mentionnés par les Principes en tête des plaisirs sensuels46. Il faut toutefois remarquer d'une part qu'ils sont subsumés sous le concept de plaisir du goût et du palais47 et d'autre part qu'ils appartiennent à une liste de neuf groupes de plaisirs, dont aucun n'est un plaisir de rétablissement, comme par exemple le plaisir de l'odorat qui existe sans être concomitant de la suppression d'une douleur. En bref, dans la satisfaction de la faim et de la soif, Bentham ne voit en rien un archétype du plaisir. Bien plus, sans nier leur valeur spécifique de soulagement, de "pleasures of relief", les plaisirs du manger et du boire peuvent être envisagés indépendamment du besoin, comme pure satisfaction du palais.
2bis. Le plaisir d'acquisition
28L'importance relative accordée au plaisir de rétablissement laisse augurer de la position de Bentham sur le plaisir d'acquisition, i.e le plaisir du progrès, de l'accession à un état meilleur, distinct de la jouissance de cet état et finalement supérieur à celle-ci dans la conception moderne. De même qu'il reconnaît l'existence d'un plaisir spécifique du rétablissement, Bentham ne nie pas qu'il existe un plaisir propre du gain ("pleasure of gain"48), illustré évidemment par l'enrichissement économique, mais non forcément limité à ce dernier : "Par les plaisirs de la richesse on signifie ces plaisirs qu'un homme est capable de dériver de la conscience de posséder un ou plusieurs articles (articles) qui figurent sur la liste des instruments de la satisfaction (enjoyment) ou de la sécurité, et plus particulièrement au moment de leur première acquisition ; à ce moment le plaisir peut être caractérisé comme un plaisir de gain ou d'acquisition ; aux autres moments comme un plaisir de possession"49. Ces considérations nous semblent, au sens propre, tout-à-fait classiques. On doit en effet remarquer :
que le plaisir du gain ne se substitue pas au plaisir de la possession ;
qu'en d'autres matières, par exemples les plaisirs de la réputation, acquisition et possession sont assimilées50 ;
que l'idée selon laquelle la première approche d'un bien est la plus plaisante, la plus stimulante pour l'esprit est aussi bien énoncée par Aristote51 ;
enfin et surtout que le plaisir du gain pour Bentham n'est pas le plaisir issu du processus d'acquisition, de la conquête du bien, mais le plaisir de la première possession (du gain une fois obtenu) qu'on peut assimiler à un plaisir de nouveauté ("pleasure of novelty''52).
29Précisons négativement ce point important. Comme nous l'avons signalé au passage, Bentham est fort attentif à la douleur de la perte, état inverse du plaisir du gain. Il est effectivement plus douloureux d'être démuni d'un bien après en avoir joui que d'en avoir toujours été dépourvu, car dans le premier cas s'ajoute le regret du bien disparu. Mais, comme pour le plaisir du gain, il ne s'agit pas là d'une conception dynamique qui situerait avant tout la douleur de la perte, non pas tant, si l'on peut dire, dans l'échéance que dans la déchéance, au sens du processus de perdition, de chute. En d'autres termes, Bentham, quelle que soit la situation concernée, est moins sensible au mouvement qu'à son résultat, l'acte l'emporte sur la puissance.
3. Le plaisir de possession
30Après ce qui précède, on ne sera point surpris de constater que le plaisir de possession constitue chez Bentham, et à l'instar de la tradition grecque, le plaisir au sens premier et plein du terme. Qu'ils soient physiques ou mentaux, la plupart des plaisirs pris en compte par Bentham sont des plaisirs d'état, purs de toute douleur, même disparaissante. La santé elle-même, archétype du bien-être, est la source d'un plaisir positif (distinct de celui de la guérison). Bentham ne surenchérit pas sur la tradition grecque en faisant de la santé, comme non-maladie, un état par soi sensible. Néanmoins, ainsi la concevait Epicure, la santé, comme activité vitale, est la source "d'un sentiment ou d'une circulation des esprits (comme on dit) agréable qui accompagne un état de pleine santé et de vigueur, spécialement dans les moments d'un exercice physique modéré"53. Bentham précise ce degré de modération quand il évoque "l'agréable sensation intérieure produite par un vif mouvement du sang et la ventilation des poumons par un air pur "54.
31Nous retrouvons ici l'idée capitale, clairement énoncée par Aristote, selon laquelle le plaisir d'état, loin de l'exclure, exige l'activité55. Ce sont les modalités de l'energeia benthamienne qu'il importe donc de préciser.
32La difficulté provient ici de certaines affirmations benthamiennes qui semblent inspirées par une inclination à "l'indolence"56 ou par "l'amour du repos" (love of ease)57. En effet, chez Bentham, l'activité (exertion ou labour) ne semble revêtir qu'une valeur instrumentale orientée vers un plaisir ultérieur : "L'aversion - non le désir - est l'émotion - la seule émotion - que le labeur pris en lui-même, est qualifié à produire : d'une émotion telle que 1'amour ou le désir, le repos (ease), qui est le contraire ou 1'absence du labeur - le repos non le labeur - est l'objet. Pour autant que le labeur est pris en son sens propre, l'amour du labeur est une contradiction dans les termes"58 ; "mais l'exercice (exertion) est un effet de l'amour du repos aussi naturel que l'inaction (inaction), quand un petit degré d'exercice promet d'exempter l'individu d'un plus grand"59. Mais Bentham semble par ailleurs associer exercice et plaisir, comme on l'a vu pour la santé, source positive du contentement lorsqu'elle devient objet de conscience par et au cours d'un exercice (certes peu épuisant et quasi-normal comme celui d'une inhalation profonde).
33Bentham va plus loin encore dans cette direction quand il mentionne, parmi les plaisirs, ceux du savoir-faire (skill)60 qui exigent "une plus ou moins grande part de difficulté ou d'exercice"61. A travers cette catégorie, Bentham vise par exemple la différence entre le plaisir de l'activité sensorielle réceptive et celui de la (re)production proprement artistique, qui distingue le mélomane et le musicien. Or ce dernier jouit bien d'un plaisir supplémentaire : "Le plaisir ainsi obtenu (en chantant ou en jouant un instrument) est une chose qui s'additionne et qu'on ne peut absolument pas confondre avec ce dont un homme jouit en écoutant une autre personne (...)"62. Il n'y a pas en réalité chez Bentham de contradiction entre des inspirations respectivement indolentes et, pour ainsi dire, activistes. Le love of ease n'est pas l’amour du repos absolu, mais, à la manière d'Aristote, celui de l'activité aisée, sans peine actuelle, car issue d'une capacité naturelle (voir, entendre..) ou de la possession d'une certaine maîtrise ; l'acquisition de cette dernière peut être laborieuse et pénible (par ex. faire des gammes) mais elle se trouve rentabilisée par le plaisir de l'activité parfaite qui en résulte. Néanmoins cette gratification n'est pas automatique. Elle exige qu'au départ soit effectué un choix judicieux, conforme au génie propre de chacun63. Les langues mortes tourmentent la plupart des enfants qui ne passeront jamais du labour (la peine) à l'exertion (le plaisir actif) ; mais leur étude convient cependant aux plus doués pour l'érudition, qui y trouveront une source permanente de satisfaction"64. L'hédonisme débouche sur une pédagogie.
34Cette conception générale du plaisir d'état permet à Bentham de résoudre au moins partiellement un problème capital : celui de l'ennui dont il fournit la définition suivante : "la douleur qu'un homme ressent quand il expérimente qu'il est dans la condition de ne pas savoir quoi faire de lui-même, cette peine, qui en français est exprimé par le simple mot d'ennui, est une peine de privation qui résulte de l'absence non pas seulement de tous les plaisirs de la nouveauté, mais de toutes les sortes de plaisir quelles qu'elles soient"65 Dans une première approche, l'ennui semble provenir d'un "désœuvrement"66 dû à l'absence matérielle des moyens du plaisir (cas du pauvre sans joie). Dans cette perspective, l'ennui exige des solutions de type économico-social. Mais il est loin de se réduire à cette dimension, car il affecte également "l'homme d'opulente hérédité"67 ou celui qui espérait jouir dans une retraite comblée des fruits accumulés par son travail ; tel est le cas de John Beardmore, - dont Bentham cite la longue notice nécrologique68-, homme plein de santé, entouré d'amis, doté d'une épouse aimable, d'une table abondante, et pourtant mort d'apathie (listlessness). Si l'ennui du pauvre semble (peut-être à tort) devoir être l'objet d'un traitement politique, l'ennui du riche, de l'homme "qui a tout pour être heureux", fait figure de problème quasi-métaphysique, celui du taedium vitae69, et en tout cas constitue un véritable défi pour une théorie hédoniste. L'unique réponse à apporter à ce dernier consiste à découvrir des activités agréables qui échappent à la loi d'airain qui de la répétition fait naître la "satiété"70. Elles doivent donc être susceptibles "de gratifier continuellement la curiosité"71, en assurant la présence quasi-miraculeuse de la nouveauté dans l'identique, tout en évitant naturellement les maux analogues à ceux engendrés par le désœuvrement : l'abrutissement et la violence72.
35Bentham discerne trois types d'activité répondant à ces exigences : le jeu, l'art et la science. Ils ont en commun d'être, au sens large, des savoir-faire (skill), aptes à fournir au sujet qui les maîtrise un renouvellement de ses plaisirs dont sa propre activité est la source principale73 ; c'est pourquoi, par exemple, la seule vraie récompense du savant consiste à poursuivre ses recherches74. Ces trois secteurs ne sont pas de valeur égale bien que leur hiérarchie varie selon le critère retenu ;
Selon l'utilité sociale indirecte, l'art occupe la dernière position, sous le prétexte qu'il peut entretenir (réminiscence platonicienne ou épicurienne ?) des passions socialement nuisibles75. La science est assurément la mieux placée ; toujours innocente, elle est évidemment une source irremplaçable de découvertes et d'inventions utiles76.
Mais, selon la jouissance socialement produite (i.e l'utilité sociale directe), c'est le jeu qui, devant l'art et la science, est élevé au pinacle, car il est accessible à tous (et déjà aux enfants) et pas seulement à une élite, celle assez large des amateurs de plaisirs esthétiques, ou celle, plus resserrée, dotée de capacités intellectuelles importantes.
36Au total, le jeu, parce que populaire et économique, triomphe : les châteaux de cartes de l'enfant sont préférables au Versailles de Louis XIV77.
37Nous conclurons en insistant sur les trois points qui méritent d'être dégagés des analyses précédentes :
Sous l'angle de sa théorie, Bentham n'est pas, comme on le dit souvent, le produit de la modernité philosophante ou de l'esprit du capitalisme. Bentham est ici le disciple des Grecs, comme nous l'avons montré à propos de chacune des catégories qui ont permis l'analyse des plaisirs. Il est, conclusion à peine plus audacieuse, précisément dans la lignée d'Aristote. Ce n'est pas une coïncidence à nos yeux si le jeu et la science sont les deux secteurs, rivaux, que retient le Stagirite quand il étudie, pour conclure l'Ethique à Nicomaque, les conditions du bonheur autarcique. Ce n'est pas non plus un hasard, mais sans doute une vraie réminiscence, si Bentham évoque, ce qui n'a rien d'évident, après Aristote78. la violence guerrière, le sang pour le sang, comme fausse solution et risque majeur du désir égaré d'activité79. Même s'il n'y avait là que rencontres fortuites, le voisinage constant de 1'énergeia et de 1'exertion80 témoigne suffisamment en faveur de notre rapprochement.
Mais ce dernier permet en même temps de désigner l'originalité de Bentham, et même sa modernité. On sait évidemment qu'Aristote, sur l'alternative jeu/science, tranche sans ambiguïté en faveur de la seconde. On a vu que Bentham, mais lui sans exclusive, exprime sa préférence pour le premier. C'est qu'ici se manifeste la spécificité de sa pensée qui se résume en la proposition fameuse : "Tout préjugé mis à part, le jeu de la poussette (push-pin) est de valeur égale aux arts et aux sciences de la musique et de la poésie (...). Tout le monde peut y jouer : la poésie et la musique sont goûtés seulement par un petit nombre"81. Ce qui caractérise Bentham contre Aristote, c'est la démocratisation du bonheur. Le dernier argument qu'Aristote oppose au jeu est issu, au regard d'un Bentham, de l'élitisme qu'il veut dénoncer : "De plus, n'importe qui peut jouir des plaisirs du corps, un esclave pas moins que l'homme le meilleur, mais personne n'admet la participation d'un esclave au bonheur, ni ne lui accorde une vie propre"82. Pour Bentham, au contraire, le plaisir du savant ou de l'aristocrate nanti ne vaut pas davantage que celui de l'enfant ou du pauvre, car "chacun compte pour un et personne pour plus d'un"83.
Mais il n'en faudrait pas conclure que le démocratisme de Bentham en fait le prophète de nos sociétés contemporaines, celles précisément des loisirs de masse, des grands rassemblements ludiques. Le jeu benthamien est, comme le bonheur, radicalement individuel, indépendant d'autrui, pur de tout débordement social ; on ne peut mieux l'exprimer que Bentham lui-même : "Comme amusement pour un ministre d'état, il faut avouer qu'un bien plus adéquat pourrait être trouvé dans le jeu du solitaire, (...). Je vois un sourire de dédain sur les lèvres de nombre de mes lecteurs, qui ne trouveraient pas étrange que l'on jouât aux cartes du crépuscule à l'aube pourvu que cela soit en compagnie. Mais combien est incomparablement supérieur ce jeu solitaire sur beaucoup de jeux de société (social games) - si souvent anti-sociaux (anti-social) dans leurs conséquences ! (...)· C'est un jeu apprécié de quelques heureux individus, en un état que les législateurs peuvent désirer, mais ne peuvent espérer qu'il soit objet de jouissance pour tous à travers le monde entier84-85"
38Nous laisserons au lecteur le soin de mesurer la distance qui sépare ces conclusions du jugement de V. Brochard sur le plaisir et le bonheur (individuel) benthamiens. Où est le quantitativisme chez un auteur dont les certitudes les plus profondes semblent ici moins inspirées par l'esprit de conquête de l'entrepreneur ou par la sensibilité à des jouissances raffinées et multiples, qu'émanées du souvenir des joies enfantines ?
Notes de bas de page
1 Cf. Le Philèbe, analysé infra.
2 Principles of Morals and Legislation, (PML), ai. Bowring (B), 1ère éd., Londres, 1838, 2ème éd. New York, 1962, vol. 1, p. 5. Nos citations ultérieures renverront à cette édition, le premier chiffre indiquera le tome, le second, la page.
3 Cf. PML, chapitre 5.
4 Non pas mauvais en soi mais par leurs conséquences (cf. Usener (Us), Epicurea, fr. 181 ; cf. B I, p. 209).
5 Cf. PML, chapitre 6.
6 Cf. Pannomial Fragments, III, p. 214 et infra, note 33.
7 The Rationale of Reward, (RR), II, p. 253, affirmation sur laquelle nous reviendrons.
8 Ou de rendre compte de la rationalisation opérée spontanément par les individus.
9 Les Epicuriens, eux-mêmes, admettent une certaine diversité.
10 Le plaisir sadien est, dans ses voies, lui aussi rationalisé sinon cérébral. Pour Bentham, il est certainement irrationnel dans son principe.
11 Nous n'évoquerons pas ici la question difficile du plaisir sexuel qui n'est pas précédé d'une véritable douleur d'insatisfaction.
12 Cf. Montaigne se faisant réveiller en pleine nuit pour avoir la joie de se rendormir.
13 Originalité marqués par des oppositions : à Platon sur la question des plaisirs mélangés de douleur (Maximes Capitales (MC), 3), à Aristote quant à la conception de 1'énergeia (Diogène Laërce, Vies..., (DL), X, 136, Us, 219), aux Cyrénaïques sur le plaisir comme absence de douleur (DL, X, 131, et passim).
14 De finibus, II, 9.
15 Comme nous l'avons signalé (note 13), Epicure s'oppose à Platon en n'adret tant pas l'idée d'un plaisir mêlé de douleur : le fait de se nourrir supprime, au moment où l'on absorbe la nourriture, la douleur de la faim. Mais Epicure ne nierait pas que l'interruption trop rapide du processus fasse réapparaître la douleur, qui reste ainsi en filigrane du plaisir (voir également l'idée d'un plaisir mêlé de crainte en MC, 10).
16 Cf. DL, X, 132.
17 Id., 136.
18 Sur le plaisir de la nouveauté chez Aristote, cf. EN, 1175 a, 3 sq.
19 G. RODIS-LEWIS, Epicure et son École, Paris, 1976, p. 233, repris par M. CONCHE, Epicure, Lettres et Maximes, Villiers-sur-mer, 1977, p. 73. Tous deux se fondent essentiellement sur DL, X, 136.
20 Us, 219.
21 Mc, 11.
22 DL, X, 37.
23 Id., 127 ; cf. Sentences Vaticanes (SV), 27.
24 SV, 11, trad. M. CONCHE. On comprend la stratégie de certains des adversaires d'Epicure : si le plaisir en repos est inexistant carme plaisir, les seuls plaisirs que connaissent réellement les épicuriens sont les plaisirs sensuels les plus bas.
25 Les sages par opposition au plus grand nombre.
26 Us, 68, trad. M. CONCHE, op. cit., p. 73.
27 De natura rerum, II, 19.
28 Cf., Aristote, EN, 1173 b 13.
29 Plus naturelle que la suspension de toute activité.
30 MC, 18.
31 Cf. les références indiquées dans notre article "L'utilitarisne canine philosophie de l'avenir" in Le droit et le futur, Paris, 1985, p. 56.
32 Alors que "la joie consiste dans un passage à me perfection plus grande" (Ethique V, 33, sc., et III, 11, sc. ; cf. III, Déf Aff., 2), la béatitude, belle mais difficile autant que rare (Id., V, 42, sc.), "doit consister en ce que l'âne est douée de la perfection elle-même" (Id., V, 33, sc. ; traduction Appuhn).
33 Table of the springs of action (TSA), I. Explanations, § 10, B, I, 206 ; comme le précise Bentham, il ne s'agit pas ici du bien et du mal moral mais senti, "pathologique".
34 Par ex., PML, V, § 24, n., B I, 20.
35 Id. n. 33, § 11 : "négative evil either loss of pleasure".
36 Id., n. 34 et § 20, B I, 19.
37 Cf. notre article Utilitarisme et égalité, in L'égalité, Caen, 1985, p. 160.
38 Que Bentham soustrait précisément du bénéfice de la redistribution.
39 Id., n. 34.
40 Ibid.
41 N'y a-t-il pas là généralisation abusive ? Ne pas jouir des plaisirs du palais, est-ce vraiment me peine de privation ? Ne peut répondre qu'effectivement me nourriture, revigorante, mais composée seulement d'aliments insipides finira à la longue par constituer m tel mal.
42 De toute manière, on retomberait alors dans le type de tripartition déjà envisagée.
43 B I, 19.
44 Ibid.
45 B I, 197.
46 § 4, B I, 18.
47 "les plaisirs du goût et du palais, incluant tous les plaisirs éprouvés en satisfaisant les appétits de la faim et de la soif " (id., B I, 17).
48 Id. § 5, B I 19, cf. I, 198.
49 Ibid.
50 Id § 7, B I, 18.
51 EN, 1175 a, 7-10.
52 PML, id., § 4 al. 9, B I, 18 ; nous reviendrons sur cette notion.
53 Ibid., al. 8.
54 Id. § 33, note al. 1, 4, B I, 21 ; cf. id. chap. VI, § 8, n., B I, 23 ; on peut penser aux exercices respiratoires auxquels se livraient sans doute les épicuriens.
55 Bien distincte, rappelons-le, d'un mouvement évolutif, d'un processus, l'activité est achevée en chacun de ses instants.
56 Id., chap. X, § 28, B I, 55.
57 Ibid, et note.
58 TSA, B I, 214 ; les termes sont soulignés par Bentham.
59 PML, chap X, § 28, n., B I, 56.
60 Id., chap V, § 5, B I, 18.
61 Ibid.
62 Id., n. ; cf. B, VIII, 90.
63 Cf. EN 1175a 27-1175b 25.
64 RR, Liv. III, chap. 3, B II, 258.
65 PML, chap. V, § 22, B I, 19-20.
66 Chrestomathia, Notes to table 1, B VIII, 8.
67 Id., p. 9.
68 Ibid.
69 Ibid.
70 Ibid.
71 RR, Liv III, chap. 3, B I, 258.
72 Nous n'insisterons pas ici sur les conséquences sociales de l'ennui.
73 Comme il se doit dans une conception autarcique du bonheur.
74 RR, Liv III, chap. 2, B II, 256.
75 Id., chap. I, B II, 253 et 255.
76 La science d'utilité, non celle d'amusement ou de curiosité, ibid.
77 Id., p. 255.
78 EN, 1177b, 9-12.
79 RR, id., p. 254.
80 Modéré (différent de PML, chap. V, § 21, al. 9).
81 RR, id., p. 253. Cette proposition, qu'on juge ordinairement comme n'exprimant qu'in relativisme assez plat, doit être lue métaphysiquement par rapport à l'angoisse du "vacuum of mind", historiquement, comme instituant la rupture de Benthan avec Aristote.
82 EN, 1177a, 7-9.
83 Cf. note 37.
84 RR, id., p. 255.
85 Le diagnostic pourrait être modifié si l’on envisageait l’époque actuelle comme caractéristique par l’émergence d’une « désocialisation de masse », dont la console d’ordinateur serait le symbole et parfois l’instrument.
Auteur
Université de Paris II
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