1 L’utilisation de l’adjectif « constitutionnel » à propos de normes appartenant au droit primaire de l’Union européenne ne signifie pas que nous méconnaissons ce qui différencie les constitutions étatiques des normes issues du « pacte constitutionnel européen ». Sur cette dernière expression, voy. H. Dumont, « The European Union, a Plurinational Federation in sensu cosmopolitico », in Multinational Federalism. Problems and Prospects, ed. by M. Seymour et A.-G. Gagnon, Palgrave Macmillan, Basingstoke, 2012, p. 83-106.
2 I. Hachez, « Balises conceptuelles autour des notions de "sources du droit", "force normative" et "soft law" », in R.I.E.J., 2010.65, p. 42 et s.
3 L’on s’en explique dans H. Dumont, Le pluralisme idéologique et l’autonomie culturelle en droit public belge, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis/Bruylant, Bruxelles, 1996, vol. 1, p. 37-51. Pour les diverses applications du concept que l’histoire du droit public belge de la culture autorise, voy. les numéros cités sous la note 8 du no 977 dans le vol. II du même ouvrage. Voy. sur ce travail les commentaires de O. Paye, « Regards sociologiques critiques sur l’approche interdisciplinaire du droit », in Droit et Société, 44/45, 2000, p. 261-272, et P. Martens, Théories du droit et pensée juridique contemporaine, Larcier, Bruxelles, 2003, p. 244 et s. Le concept a été légèrement revu et affiné à l’occasion des utilisations que nous en avons faites dans les travaux ultérieurs suivants (dont nous nous inspirons largement ici) : « Droit public, droit négocié et paralégalité », in Droit négocié, droit imposé ?, sous la dir. de Ph. Gérard, F. Ost, et M. van de Kerchove, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles, 1996, p. 457-489 ; « Le pacte scolaire : une norme paralégale exemplaire », in Het schoolpact van 1958. Ontstaan, grondlijnen en toepassing van een Belgisch compromis – Le pacte scolaire de 1958. Origines, principes et application d’un compromis belge, sous la dir. de E. Witte, J. De Groof, J. Tyssens, VUBPress-Garant, Brussel-Leuven, 1999, p. 657-667 ; « La mobilisation du droit comme instrument de changement du cadre national en Belgique », in Appartenances, institutions et citoyenneté, sous la dir. de P. Noreau et J. Woehrling, Montréal (Québec), Wilson et Lafleur Itée, 2005, p. 89-107 ; « L’État belge résistera-t-il à sa contractualisation ? Considérations critiques sur la mode belge des accords de coopération », Revue de droit de l’ULB, 2006/1, p. 314-344 ; « Coutumes constitutionnelles, conventions de la Constitution et para-légalité », in Liber Amicorum Paul Martens. L’humanisme dans la résolution des conflits. Utopie ou réalité ?, Larcier, Bruxelles, 2007, p. 269-300. Le lecteur trouvera une deuxième version revue et augmentée de cette dernière étude dans le volume I du présent ouvrage sous le titre : « Les coutumes constitutionnelles, une source de droit et de controverses ».
4 Cf. J. Carbonnier, Sociologie juridique, PUF, Paris, 1978, p. 213 et s.
5 Cf. A.-J. Arnaud, Critique de la raison juridique. 1. Où va la sociologie du droit ?, LGDJ, Paris, 1981, p. 20-33, 323-387, 429-438. On se référera en particulier à la très belle analyse que cet auteur a faite de la subversion du droit civil par le droit social porté par le mouvement ouvrier.
6 Cette présentation et l’ensemble de la présente contribution qui approfondit encore le travail d’ajustement du concept ont tiré profit d’une discussion organisée dans le cadre de l’initiative cybernétique et collaborative lancée par le Centre de droit public de l’Université libre de Bruxelles (ULB) sur le thème : « Suis-je l’État ? », à l’occasion du séminaire organisé le 16 octobre 2009 par le Centre interdisciplinaire de recherche en droit constitutionnel (CIRC) et le Centre de recherche en science politique (CReSPO) des Facultés universitaires Saint-Louis. Je remercie tout particulièrement pour leurs interventions Philippe Gérard, Olivier Paye, Johanne Poirier et Rusen Ergec, ainsi que Michel van de Kerchove pour sa relecture de la présente version et les bonnes suggestions qu’elle lui a inspirée.
7 Faut-il le dire, la mise en œuvre du concept d’effectivité requiert le concours de la sociologie juridique. Cf. not. J. Commaille, v° Effectivité, in Dictionnaire de la culture juridique, sous la dir. de D. Alland et S. Rials, Lamy-PUF, Paris, 2003, p. 583-585.
8 La désobéissance civile au sens que lui donne J. Rawls est un cas particulier qui peut s’inscrire dans le concept de para-légalité tel que nous le comprenons, pour autant qu’elle s’accompagne d’une pratique effective de normes positives. Il la définit comme « un acte public, non violent, décidé en conscience, mais politique, contraire à la loi et accompli le plus souvent pour amener à un changement dans la loi ou bien dans la politique du gouvernement » (J. Rawls, Théorie de la justice, trad. fr., Seuil, Paris, 1987, p. 405). On peut ajouter que, comme le phénomène de la para-légalité, celui de la désobéissance civile, à la différence de l’objection de conscience, se caractérise par sa nature collective : « Elle procède de la décision d’un groupe, qui se présente comme une minorité agissante, et se traduit par l’action concertée de celle-ci » (F. Ost, « La désobéissance civile : jalons pour un débat », in Obéir et désobéir, éd. par P.-A. Perrouty, Editions de l’Université de Bruxelles, Bruxelles, 2000, p. 19.
9 Cf. H.L.A. Hart, Le concept de droit, trad. fr. de la deuxième éd., Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles, 2005, p. 99 et s.
10 Cf. M. van de Kerchove et F. Ost, Le système juridique entre ordre et désordre, PUF, Paris, 1988, p. 188 et s.
11 Le caractère juridique des règles internes d’un parti politique peut se démontrer à partir d’une analyse de ses statuts comme « règle de reconnaissance » au sens de Hart. Voy. sur cette notion la contribution au présent ouvrage de Ph. Gérard. Le critère plus kelsénien de la sanction est aussi satisfait dans la mesure où la transgression par un membre du parti de ces règles internes peut donner lieu à des sanctions non négligeables. Voy. à ce sujet S. Depauw, « Parliamentary Party Cohesion and the Scarcity of Sanctions in the Belgian Chamber of Representatives (1991-1995), in Res Publica, 1999, p. 22-23, et D. De Prins, Handboek politieke partijen, Die Keure, Bruges, 2011.
12 Nous avons sur ce point modifié notre théorie initiale.
13 H. Kelsen, Théorie pure du droit, trad. H. Thévenaz, La Baconnière, Neuchâtel, 1988, 2e éd., p. 142.
14 Cette analyse suppose évidemment que l’interprétation de la Constitution ne se réduit pas à un pur acte de volonté comme le prétend la théorie dite réaliste. Nous nous en expliquons dans H. Dumont, « Les spécificités de l’interprétation constitutionnelle au seuil du xxie siècle », in En hommage à Francis Delpérée. Itinéraire d’un constitutionnaliste, Bruylant, Bruxelles, LGDJ, Paris, 2007, p. 477-500. On peut donc démontrer de manière relativement objective le caractère excessivement complaisant de certaines décisions de justice. Pour une intéressante typologie des « techniques judiciaires (ou astuces) de "mise à l’écart" » de normes constitutionnelles, voy. L. Heuschling, « La Constitution formelle », in Traité international de droit constitutionnel, t. I, Théorie de la Constitution, sous la dir. de M. Troper et D. Chagnollaud, Dalloz, Paris, 2012, p. 277-279.
15 Sur ces questions, voy. not. H. Dumont et A. Bailleux, « Esquisses d’une théorie des ouvertures interdisciplinaires accessibles aux juristes », Droit et Société, no 75/2010, p. 275-293.
16 Le terme a été forgé à partir des mots-clés consensus et association : l’État trouve son fondement dans le consensus permanent des associations constitutives du pays (cf. O. Duhamel, Les démocraties. Régimes, histoires, exigences, Seuil, Paris, 1993, p. 75).
17 Sur les notions de « démocratie consociative » et de verzuiling, on se permet de renvoyer aux références figurant dans H. Dumont, Le pluralisme idéologique et l’autonomie culturelle en droit public belge, op. cit., vol. 1, nos 17-18, 303-326, 522-532, et vol. 2, nos 584, 854-858, 976 et s.
18 Cf. en ce sens not. W. Dewachter, Besluitvorming in politiek België, Acco, Leuven-Amersfoort, 1992, p. 112-119.
19 Cf. texte not. in J. De Groof, Le pacte scolaire : coordination et annotations, Story-Scientia/Cepess, Bruxelles, 1990.
20 Cf. texte not. in « Le pacte culturel », Cahiers-Cepess, 1971/4.
21 Pour le pacte scolaire, voy. le chapitre dû à G.H. Dumont qui y est consacré dans La décision politique en Belgique, A. Colin, Paris, 1965, p. 150-176 et le témoignage du même auteur dans De la paix scolaire à la tourmente congolaise 1958-1960. Mémoires, Le Cri, Bruxelles, 1995, p. 9-60. Pour le pacte culturel, voy. H. Dumont, Le pluralisme idéologique et l’autonomie culturelle en droit public belge, op. cit., vol. 2, nos 582 et s.
22 Mon. b., 19 juin 1959.
23 Mon. b., 16 octobre 1973.
24 Voy. en ce sens P. De Visscher, « Les principes constitutionnels en matière d’enseignement », La revue politique, 1955, p. 108-109, et X. Delgrange, « La neutralité de l’enseignement en Communauté française », A. P., 2007-2008, t. 2, p. 126.
25 L. Collard, cité par G.H. Dumont, De la paix scolaire à la tourmente congolaise 1958-1960, op. cit., p. 31.
26 Cf. R. Houben et F. Ingham, Le pacte scolaire et son application, Cepess, Bruxelles, 1962, 2e éd., p. 101, 103, 107-108, 136-137, et G.H. Dumont, De la paix scolaire..., op. cit., p. 31-33 et 43-47.
27 R. Van Eslande, intervention à la Chambre citée et analysée dans H. Dumont, Le pluralisme idéologique..., op. cit., nos 377 et s.
28 L. Collard cité par G.H. Dumont, De la paix scolaire..., op. cit., p. 31-32.
29 M.B., 30 août 1973.
30 Le Pacte scolaire est aussi un exemple frappant de droit négocié paralégalement au stade de sa mise en œuvre dans la mesure où celle-ci sera contrôlée par un organe politique semi-officiel : la commission du Pacte scolaire. Cf. à ce sujet H. Dumont, Le pluralisme idéologique et l’autonomie culturelle..., op. cit., vol. 2, no 681, et idem, « Le pacte scolaire : une norme paralégale exemplaire », op. cit.
31 Sur ces décrets, voy. X. Delgrange, op. cit., p. 129-131.
32 Sur ce qui précède, voy. H. Dumont, Le pluralisme idéologique et l’autonomie culturelle..., op. cit., vol. 1, nos 358 et s. (à propos de l’accord politique du 2 août 1960), nos 446 et s. (à propos de l’avis du Conseil d’État du 8 mai 1970 et de son arrêt du 25 juillet 1968) et vol. 2, nos 606 et s. (à propos de l’élaboration de l’article 20 de la loi du pacte culturel), no 822 (à propos de l’application de cet article) et no 991 et s. (à propos de l’arrêt du 15 juillet 1993 de la Cour d’arbitrage).
33 Cf. X. Mabille, Nouvelle histoire politique de la Belgique, CRISP, Bruxelles, 2011, p. 308.
34 Cf. H. Dumont, Le pluralisme idéologique et l’autonomie culturelle..., op. cit., vol. 1, nos 52 et s., 69 et s., nos 104 et s., nos 280 et s. et P. Martens, op. cit., p. 242 et s.
35 Pour des références plus complètes sur cet exemple, voy. ibidem, vol. 1, nos 282-285.
36 Contrairement à ce qui a été souvent écrit, le renvoi des formulaires du recensement de 1960 par les 183 bourgmestres n’était pas un acte rigoureusement illégal ou séditieux. Ce renvoi était motivé par le fait que ces formulaires qui ne comprenaient déjà plus aucun volet linguistique – il avait été décidé d’organiser un recensement linguistique distinct ultérieurement – étaient rédigés dans les deux langues, alors que la loi du 28 juin 1932 qui était encore en vigueur prévoyait l’unilinguisme des actes administratifs dans les communes sans statut spécial. Le geste n’en est pas moins significatif : les bourgmestres craignaient que ces formulaires bilingues servent à réaliser un recensement linguistique déguisé dans l’hypothèse où ils auraient été dépouillés en fonction de la langue utilisée par les administrés. Cf. en ce sens S. Rillaerts, « La frontière linguistique, 1878-1963 », C.H. du CRISP, 2010, no 2069-2070, p. 57-58 et p. 87.
37 Cité par P. Maroy, « L’évolution de la législation linguistique belge », Rev. Dr. Publ, 1966, p. 490.
38 Rapport de la commission de l’Intérieur du Sénat, cité par P. Maroy, op. cit., p. 490.
39 Il est intéressant d’observer au passage que l’histoire est en train de se répéter aujourd’hui, mais cette fois, c’est une idée de droit confédérale qui se développe dans la para-légalité en parallèle et en concurrence avec l’idée de droit fédérale désormais reconnue par le droit étatique. Ici les acteurs politiques et sociaux porteurs de l’idée de droit para-légale sont plus difficiles à cerner. Il n’y a plus comme tel un mouvement flamand comme celui qui a conduit l’autonomie culturelle jusqu’au fédéralisme. Mais l’existence de forces politiques confédéralistes, pas seulement du côté flamand, est indéniable. C’est l’étude des accords de coopération et de leur fréquente inconstitutionnalité qui nous a permis d’avancer la thèse de la para-légalité. L’exemple-type est l’accord de coopération sur les traités mixtes conclu en violation de la Constitution et qui donne à chaque collectivité politique fédérée un véritable droit de veto, ou encore les accords de coopération relatifs à l’Agence de commerce extérieur et au Jardin botanique qui se substituent au législateur spécial pour permettre aux entités fédérées elles-mêmes de déterminer leurs propres compétences nouvelles. Ces cas sont analysés dans H. Dumont, « L’État belge résistera-t-il à sa contractualisation ? Considérations critiques sur la mode belge des accords de coopération », op. cit., p. 329-333. A la marge de l’idée de droit proprement confédérale, nous avons aussi observé des accords de coopération inconstitutionnels révélateurs d’un schéma institutionnel alternatif para-légal comme celui des résolutions du Parlement flamand du 3 mars 1999 qui ferait passer la Belgique actuelle composée de trois Communautés et de trois Régions à une Belgique privilégiant les deux grandes Communautés au détriment notamment de la Région bruxelloise (cf. ibidem, p. 336).
40 Au sens donné à ce terme par A. Bergounioux et B. Manin, Le régime social-démocrate, PUF, Paris, 1989.
41 Cf. les études fondatrices de P. Schmitter et G. Lehmbruch citées par ibidem, p. 41, note 24. Pour un aperçu synthétique, voy. B. Jobert, « Corporatisme, néo-corporatisme », in Dictionnaire constitutionnel (sous la dir. de O. Duhamel et Y. Mény), PUF, Paris, 1992, p. 236-239 ; P. Muller et G. Saez, « Néocorporatisme et crise de la représentation », in La représentation (sous la dir. de F. d’Arcy), Economica, Paris, 1985, p. 121-140 et B. Marques-Pereira, « "Corporatisme sociétal" et "corporatisme d’État" : deux modes d’échange politique ? », in L’échange politique, sous la dir. de P.H. Claeys et A.-P. Frognier, Ed. de l’Université de Bruxelles, Bruxelles, 1995, p. 117-131.
42 Cf. not. A. Vanderstraeten, « Neo-corporatisme en het Belgisch sociaal-economisch overlegsysteem », Res publica, 1986/4, p. 671-688 ; E. Arcq et B. Marques-Pereira, « Néo-corporatisme et concertation sociale en Belgique », Politiques et management public, 9, no 3, septembre 1991, p. 159-180 ; W. Dewachter, op. cit., p. 127-162 ; et E. Arcq, M. Capron, E. Léonard, P. Reman (sous la dir. de), Dynamiques de la concertation sociale, CRISP, Bruxelles, 2010.
43 On parle de « néo-corporatisme sociétal » pour éviter la confusion avec le « néo-corporatisme d’État » des régimes populistes et nationalistes latino-américains.
44 Ph. Schmitter cité par B. Marques-Pereira, « "Corporatisme sociétal" et "corporatisme d’État"... », op. cit., p. 118.
45 G. Lehmbruch, cité par ibidem, p. 119.
46 B. Jobert, op. cit., p. 238.
47 M.B., 15 janvier 1969 ; err. 4 mars 1969.
48 A. Bergounioux et B. Manin, op. cit., p. 185.
49 Cf. P.-P. Van Gehuchten, « Les conventions collectives, sources de droit », dans le volume II du présent ouvrage.
50 L. François, Théorie des relations collectives du travail en droit belge, Bruylant, Bruxelles, 1980, p. 302.
51 Cf. art. 19 de la loi.
52 Cf. art. 26 de la loi. Pour plus de développements, voy. la contribution précitée de P.-P. Van Gehuchten.
53 M. Leroy, « Un revirement attendu : la nature des conventions collectives de travail », note sous C. E., no 32.348, 12 avril 1989, R.C.J.B., 1991, p. 660.
54 L. François, op. cit., p. 361.
55 Ibidem, p. 355. Rappelons qu’un arrêté royal peut étendre la force obligatoire d’une convention collective à tous les employeurs et travailleurs dont l’activité relève de la compétence de la commission paritaire qui l’a élaborée. Il en résulte seulement que pareille convention aura un effet obligatoire sur tous les contrats de travail conclus dans le secteur qui relève de l’organe paritaire (cf. art. 31 de la loi). On ne retrouve plus dans ce cas la distinction entre les effets impératifs et les effets supplétifs qui s’attachent à une convention non approuvée par arrêté royal.
56 Cf. not. J. Velu, Ph. Quertainmont, M. Leroy, Droit public, t. I, Le statut des gouvernants (I), Bruylant, Bruxelles, 1986, p. 82 ; et A. Alen, Handboek van het Belgisch Staatsrecht, Deurne, Kluwer, 1995, no 21.
57 Cf. not. J. Velu e. a., op. cit., eod. loc. ; A. Alen, op. cit., no 123 ; A. Mast, A. Alen, J. Dujardin, Précis de droit administratif belge, Story-Scientia, Bruxelles, 1989, nos 20-21 ; et, avec les auteurs cités, la contribution au volume 2 du présent ouvrage de Fr. Belleflamme sous le titre : « La forme et la matière dans la définition du règlement aujourd’hui ».
58 L. François, op. cit., p. 355.
59 Voy. Doc. parl., Sén., s.o. 1966-1967, no 148, p. 86-137, ou Pasin., 1968, p. 842 et s. Cet avis est un bel exemple de raisonnement juridique surdéterminé par un a priori favorable à la validité d’un projet pourtant particulièrement difficile à concilier avec la Constitution.
60 Cf. not., outre L. François, op. cit., p. 355-357 : M. Leroy, op. cit., p. 672-673 ; A. Mast, A. Alen, J. Dujardin, Précis de droit administratif belge, Story-Scientia, Bruxelles, 1989, p. 33-34 ; I. Kovalovszky, « A propos du pouvoir réglementaire », A.P., p. 304-305. Comp. T. Bombois, P. Joassart, F. Piret, « Constitution et conventions collectives », in En hommage à Francis Delpérée. Itinéraires d’un constitutionnaliste, op. cit., p. 164, note 27.
61 M. Leroy, op. cit., p. 673. Voy. aussi B. Haubert, « La nature des conventions collectives et des commissions paritaires », in J.T.T., 1992, p. 90. Il est vrai que Mme Haubert tente auparavant de sauver la validité de la loi en invoquant le principe de la plénitude de compétence du législateur. Mais cette thèse ne résiste pas à l’examen. Cf. nos objections dans H. Dumont, « Droit public, droit négocié et para-légalité », op. cit., p. 475-476. et I. Kovalovszky, op. cit., p. 304-305, note 27.
62 L. François, op. cit., p. 306. On sait que les conventions collectives doivent être conformes aux dispositions impératives des lois et arrêtés (cf. art. 9 de la loi). On n’est cependant pas pour autant devant un pouvoir réglementaire d’exécution de lois.
63 On se réfère ici à la théorie de la validité de F. Ost et M. van de Kerchove, De la pyramide au réseau ? Pour une théorie dialectique du droit, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles, 2002, p. 324 et s.
64 S. Romano, L’ordre juridique (trad. fr.), Dalloz, Paris, 1975, p. 94. Ce passage est également cité par L. François, op. cit., p. 358-359. Cf. dans le même sens la contribution précitée de P.-P. Van Gehuchten qui observe que la convention collective n’a « pas attendu d’être une source étatique pour fonctionner comme source du droit ».
65 C.E., no 32.348, 12 avril 1989, R.C.J.B., 1991, p. 652-653. Voy. sur cet arrêt la note précitée de M. Leroy, p. 653-680.
66 Loi du 20 juillet 1991 portant des dispositions sociales et diverses, art. 107, Mon. b., 1er août 1991. Sur le très intéressant arrêt de la Cour d’arbitrage no 37/93 du 19 mai 1993 qui a admis la compatibilité de cette loi avec le principe constitutionnel de non-discrimination, tout en confirmant la nature réglementaire des conventions collectives, voy. H. Dumont, « Droit public, droit négocié et para-légalité », op. cit., p. 479-481 et T. Bombois, P. Joassart, F. Piret, op. cit., p. 170.
67 Dans sa contribution précitée au présent ouvrage, P.-P. Van Gehuchten conteste « l’équation selon laquelle la compétence d’édicter une règle qui s’impose au-delà du cercle restreint des contractants signe une prérogative de puissance publique et fait de la règle un acte administratif ». Il suggère de concilier la nature réglementaire et la nature contractuelle des conventions collectives en invoquant la thèse d’E. Gaillard, Le pouvoir en droit privé, Economica, Paris, 1985. En réalité, cette thèse laisse délibérément de côté les cas où le pouvoir s’exprime par la voie contractuelle. Elle ne vise que des actes unilatéraux dans le cadre de pouvoirs comme ceux des parents sur leurs enfants, de la majorité dans une société ou du chef d’entreprise sur ses salariés. Elle ne résout en rien le problème de constitutionnalité ici développé, pas plus que la référence à la philosophie solidariste du droit de Léon Duguit que notre collègue appelle également à la rescousse. Plus fondamentalement, en tant que « travailliste », celui-ci doute de « l’utilité » et de « la pertinence » du débat sur la constitutionnalité de la loi sur les conventions collectives de travail, « sauf comme question dogmatique et exercice de virtuosité ». Oublierait-il qu’en exigeant que les pouvoirs publics soient exercés conformément à ses prescriptions, la Constitution offre de précieuses garanties pour le respect de diverses exigences démocratiques ? (Pour un bon exemple, voy. l’avis du Conseil d’État sur une proposition de loi visant à contraindre certaines sociétés commerciales à appliquer un code de gouvernance d’entreprise élaboré par des personnes privées, analysé par X. Delgrange et L. Detroux dans leur contribution au volume 2 intitulée : « La soft law intra-législative : les lois dépourvues de contenu normatif ou mollis lex sed lex ? »). Les questions de constitutionalité ne sont donc pas réductibles à des problèmes de cohérence juridique formelle (non négligeables du reste, comme il le reconnaît lui-même) ni à des exercices stériles. Quoi qu’il en soit, la théorie de la para-légalité ici mobilisée ne relève ni des uns ni des autres. Elle entend décrire et expliquer les tensions qui peuvent se développer au cœur de la validité juridique entre, d’une part, le pôle de la légalité et, d’autre part, ceux de l’effectivité et de la légitimité.
68 M. Leroy, op. cit., p. 679.
69 Cela ne signifie pas que la dérogation au profit des juridictions du travail est injustifiable. Ce qui l’est, c’est que les conventions collectives échappent à tout contentieux d’annulation. Elles ne peuvent que faire l’objet d’un refus d’application sur pied de l’article 159 de la Constitution. Pour une bonne suggestion de lege ferenda visant à corriger ce déficit dans le contrôle juridictionnel auquel elles sont soumises, voy. T. Bombois, P. Joassart, F. Piret, op. cit., p. 171.
70 Voy. la doctrine recensée par T. Bombois, P. Joassart, F. Piret, op. cit., p. 159-174.
71 P. Joassart, « Le droit au travail et au libre choix d’une activité professionnelle, le droit à des conditions de travail et à une rémunération équitables et le droit d’information, de consultation et de négociation collective », in Les droits constitutionnels en Belgique. Les enseignements jurisprudentiels de la Cour constitutionnelle, du Conseil d’État et de la Cour de cassation, sous la dir. de M. Verdussen et N. Bonbled, Bruylant, Bruxelles, 2011, vol. 2, p. 1319.
72 I. Kovalovszky, op. cit., p. 305, note 27.
73 Cf. en ce sens T. Bombois, P. Joassart, F. Piret, op. cit., p. 162-163.
74 C.C., arrêt no 145/2004 du 15 septembre 2004, B. 7.4. Voy le commentaire de cet arrêt par P. Joassart, « La négociation sociale, une matière fédérale exclusive : l’union fait l’efficacité », R.B.D.C., 2006/1, p. 97-119.
75 P. Popelier, Democratisch regelgeven, Anvers, Interscentia, 2001, p. 294. Pour éviter toute méprise, redisons que par ces propos, nous ne mettons nullement en cause la légitimité d’un mode de production du droit alternatif comme celui des conventions collectives (à cet égard, nous partageons le jugement de légitimité que P.-P. Van Gehuchten défend dans sa contribution précitée quand il invoque « les deux dimensions constitutives de la justice sociale »). Nous constatons seulement que les indices de sa para-légalité n’ont pas tout à fait disparu parce qu’un doute tenace affecte sa constitutionnalité. De lege ferenda, nous plaidons pour une constitutionnalisation en bonne et due forme. Ce ne devrait pas être un crime ni un combat d’arrière-garde, même pour les « travaillistes ». Si les milieux syndicaux ne veulent pas en entendre parler pour des raisons qui leur appartiennent, on admettra au moins tout l’intérêt pour la sociologie du droit d’en faire le constat.
76 Voy. sa contribution au volume 2 du présent ouvrage intitulée : « L’accord interprofessionnel a-t-il une place parmi les sources de droit du travail ? ».
77 Ibidem.
78 Toutes ces caractéristiques sont relevées par ibid.
79 Comp. ibid., note 61.
80 C’est-à-dire dominé par deux forces politiques distinctes, le Roi et le Parlement, les ministres nommés par le premier et responsables devant le second occupant l’interface.
81 Cf. H. Dumont, « Les coutumes constitutionnelles, une source de droit et de controverses », dans le volume 1 du présent ouvrage.
82 Voy. les exemples cités dans la contribution au volume 2 du présent ouvrage de K. Munungu Lungungu et J. Poirier intitulée « Les accords de coopération entre partenaires fédéraux : entre "sources du droit" et "soft law" », à combiner avec l’analyse de H. Dumont, « L’État belge résistera-t-il à sa contractualisation ? Considérations critiques sur la mode belge des accords de coopération », op. cit., p. 335-337.
83 Voy. les exemples cités dans la contribution précitée de K. Munungu Lungungu et J. Poirier.
84 On peut évoquer ici trois exemples : celui des lois de pouvoirs spéciaux ; celui du pouvoir réglementaire attribué par le pouvoir législatif à des autorités administratives indépendantes (cf. sur ces deux premiers exemples notre contribution précitée : « Les coutumes constitutionnelles, une source de droit et de controverses », et celle précitée aussi de Fr. Belleflamme : « La forme et la matière dans la définition du règlement aujourd’hui ») ; ainsi que l’exemple de la subversion de la liberté d’enseignement que garantit l’article 24 de la Constitution par la montée en puissance de la règle de l’égalité des élèves dans des décrets que la Cour constitutionnelle n’annule pas malgré leur inconstitutionnalité patente... Le consensus des élites politiques pour opérer cette subversion sans réviser formellement la Constitution mérite une analyse en terme de paralégalité, comme l’a bien montré M. El Berhoumi, Le régime juridique de la liberté d’enseignement à l’épreuve des politiques scolaires, thèse, faculté de droit des Facultés universitaires Saint-Louis, 2012, no 546-567, à paraître.
85 Voy. à son sujet la contribution au premier volume du présent ouvrage de Th. Blanchet et J. Keller-Noëllet intitulée : « Peut-on parler de "coutume" en droit de l’Union européenne ? ».
86 Cf. J.-P. Jacqué, Droit institutionnel de l’Union européenne, Dalloz, Paris, 2010, 6e éd., no 530.
87 Cf. ibidem, no 532.
88 Pour une analyse de cet état esprit « intergouverrnementaliste », voy. les analyses politologiques du système politique européen not. dans R. Dehousse, « La méthode communautaire », in Politiques européennes, sous la dir. de R. Dehousse, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, Paris, 2009, p. 13-30 ; S. Saurugger, Théories et concepts de l’intégration européenne, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, Paris, 2009, p. 93 et s. ; et P. Soldatos, Les fondamentaux de l’architecture constitutionnelle de l’Union européenne : essai éclectique d’analyse critique, Bruylant, Bruxelles, 2010, p. 62 et s.
89 Voy. ces domaines dans la contribution précitée de Th. Blanchet et J. Keller-Noëllet.
90 Contribution au volume 1 du présent ouvrage de N. de Sadeleer intitulée : « Classification des actes non contraignant de l’Union européenne ».
91 Voy. aussi la contribution au volume I du présent ouvrage de P.-O. de Broux et I. Mathy intitulée : « Les actes non contraignants dans le droit européen des communications électroniques. Les frontières du soft law européen à l’épreuve » pour des exemples très intéressants de fausses recommandations. Voy. en particulier le cas d’une directive qui permet à une recommandation de déroger à ses propres prescriptions. Cette subversion du principe hiérarchique – une nouvelle « boucle étrange » – justifie à notre sens une analyse en terme de « para-légalité ». Les auteurs précités n’y renoncent dans leur note 21 que parce qu’ils sont prisonniers de la définition du « soft law para-législatif » fournie par I. Hachez que nous nous permettrons d’amender infra au point III.
92 Contribution précitée de N. de Sadeleer.
93 Compris dans un sens distinct de la para-légalité telle que nous l’entendons. Sur cette distinction, cf. infra point III.
94 Cf. la contribution précitée de N. de Sadeleer.
95 N. de Sadeleer, op. cit.
96 Dans ses dimensions de droit européen et de droit national, de droit public et de droit privé, de droit non contraignant et de droit producteur d’effets juridiques.
97 Cf. sa contribution au volume 1 du présent ouvrage intitulée : « La normalisation technique ».
98 « Point de parlement ou de gouvernement mais des assemblées de techniciens s’entendant, par voie de consensus, sur l’élaboration de normes communes », écrit D. Misonne dans sa contribution précitée.
99 Ibidem.
100 Pour une typologie, non pas des normes, mais des comportements que l’on peut qualifier, à un titre ou à un autre, de « transgressions », voy. M. van de Kerchove, « Transgressions. Essai de typologie », contribution présentée le 24 novembre 2011 au colloque « La transgression » organisé par l’université du Sud Toulon-Var, à paraître.
101 Voy. leur contribution au volume 2 du présent ouvrage sous le titre : « Les actes non législatifs du Parlement peuvent-ils être des sources de soft law ? ».
102 Voy. sa contribution au volume 2 du présent ouvrage sous le titre : « Le degré de force obligatoire du ruling ».
103 Cf. supra, A.2.
104 Voy. à ce sujet la contribution précitée de K. Munungu Lungungu et J. Poirier.
105 Cf. supra, note 39.
106 Cf. supra, note 2.
107 Voy. supra les exemples développés au point ii, A, B et C.
108 Voy. supra les exemples évoqués au point ii, E. Quant aux conventions de la Constitution évoquées au point ii, D, elles se situent typiquement dans une zone grise entre l’extra et l’intra-étatique.
109 Voy. dans notre sens la contribution précitée de K. Munungu Lungungu et J. Poirier.
110 Voy. les exemples dans les contributions au présent ouvrage citées supra sous les notes 101, 102 et 104.
111 On ne confondra pas cette hypothèse avec des interprétations contraignantes, le cas échéant, discutables, procurées à des normes lacunaires par des organes habilités à cette fin par le droit positif. Voy. par ex. la jurisprudence de la Chambre des représentants sur les limites de son activité législative en période d’affaires courantes et celle des assemblées en matière de levée de l’immunité parlementaire de leurs membres analysées par N. Lagasse, K. Muylle, M. Van der Hulst, dans leur contribution précitée. Ces exemples ne ressortissent à notre avis ni du « soft law para-législatif » ni de la para-légalité.
112 Cf. la contribution au volume 2 du présent ouvrage de M. van de Kerchove sous le titre : « Les directives d’interprétation en droit : une identité et une force normative à géométrie variable ».
113 Cf. à ce sujet la contribution au volume 2 de Fr. Belleflamme et M. Doutrepont intitulée : « Les circulaires en droit administratif général et en droit des étrangers : révision d’un " classique" des sources alternatives à l’aune d’une théorie des sources du droit » et celle de S. Gerry-Vernières au présent volume intitulée : « Les petites sources du droit (à propos des sources étatiques non contraignantes) ». Dans l’hypothèse où la circulaire contredit le texte constitutionnel ou légal, une analyse en terme de para-légalité est envisageable. Dans la contribution précitée de Fr. Belleflamme et M. Doutrepont, l’exemple des circulaires de la Communauté flamande en matière d’emploi des langues dans les administrations communales s’y prête.
114 Cf. S. Seys, D. de Jonghen et Fr. Tulkens, « Les principes généraux du droit », contribution au volume 2 du présent ouvrage.
115 Dans sa contribution précitée.
116 Par opposition aux accords-cadres « homologués » qui font partie intégrante du droit dérivé de l’Union. Cf. en ce sens la contribution au volume 1 du présent ouvrage de D. Dumont intitulée : « La dialogue social européen et ses instruments : du soft law au hard law, et retour ». On peut toutefois hésiter à les situer tout à fait « à côté » du droit de l’Union dans la mesure où ils sont prévus par l’article 155, § 2, du TFUE. On pourrait parler de « soft law intra-législatif »... ultra-périphérique...
117 I. Hachez, op. cit., p. 46, no 44.
118 Cf. la contribution précitée de N. de Sadeleer. Voy. aussi les exemple des codes de bonne conduite environnementale et des normes ISO que nous avons rangées supra au point II. F. 3, non sans hésitation, il est vrai, parmi les illustrations du concept de para-légalité, alors que la contribution précitée de S. Seys, D. de Jonghe et Fr. Tulkens les classent dans la catégorie du soft law para-législatif qui prolonge ou pallie les silences du droit positif sans le contredire pour autant.
119 Par ce concept, l’on entend la mesure dans laquelle une norme est apte à diriger les conduites de ses destinataires, compte tenu de l’intensité des liens qu’elle entretient avec la légalité, l’effectivité et la légitimité. Cf. I. Hachez, op. cit., p. 17-38.
120 H.L.A. Hart, op. cit., p. 269.
121 Sur nos prémisses épistémologiques, voy. H. Dumont et A. Bailleux, op. cit. Comp. S. Laghmani, « Droit constitutionnel et science politique – Essentiellement à partir du cas français », in Traité international de droit constitutionnel, t. I, Théorie de la Constitution, op. cit., p. 145-180.
122 E. Durkheim, Les règles de la méthode sociologique, 18e éd., PUF, Paris, 1973, p. 59, cité par M. van de Kerchove, « Transgressions. Essai de typologie », op. cit., p. 25.
123 Cf. M. van de Kerchove, ibidem, p. 24-26.