Règles d’engagement, culture stratégique occidentale et désignation de l’adversaire : entre culture de la peur et la peur de ses peurs
p. 85-103
Texte intégral
1Les règles d’engagement (ROE) correspondent à la tradition occidentale – et plus particulièrement américaine – de la guerre. Comme telles, elles respectent les quatre conditions de la guerre juste. La juste cause, destinée à éviter le recours gratuit à la violence, se retrouve dans l’encadrement très précis des conditions d’usage de la force. L’autorité légitime, qui vise à assurer le respect des procédures, pose les conditions de la légalité de l’action entreprise. Le dernier recours se vérifie dans les seuls cas autorisés d’ouverture du feu par l’obligation de protéger ou de se protéger. Enfin, la droiture est garantie par le développement de ces législations qui visent à limiter les atteintes à l’homme, qu’il soit combattant, civil ou prisonnier.
2Les interventions du début des années quatre-vingt dix, en Somalie et en Yougoslavie, ont montré que les ROE élaborées au temps de la guerre froide étaient inadaptées aux nouveaux types de conflits. L’évolution des formes de la guerre, constatée en fait par Carl Schmitt et Raymond Aron dès les années cinquante et soixante, a été la première cause de cette inadaptation. L’absence de délimitation claire entre les situations de paix et de guerre a ainsi abouti à gommer la distinction entre civils et combattants, entre zones de combat et zones d’habitation1. L’habitude depuis les guerres révolutionnaires du monde bipolaire a été prise de longue date de construire les quartiers généraux sous les écoles et d’installer les arsenaux sous les hôpitaux. Il s’agissait pour les guérilléros d’être au milieu de la population civile « comme des poissons dans l’eau » selon la formule célèbre de Mao. La transformation des modalités d’intervention dans le cadre de coalitions multilatérales ou de forces multinationales a constitué la deuxième raison à cette inadaptation, en superposant des règles d’inspiration nationale dans le cadre de mandats – onusiens ou non – rarement clairs, obtenus par consensus entre des diplomaties aux intérêts divergents. Enfin, le triomphe des principes démocratiques sur les totalitarismes posait la question de la légitimité d’un quelconque recours à la force en dehors du cadre de la légitime défense individuelle ou collective. Si la guerre paraissait indispensable pour assurer la survie de nations menacées, elle devenait tout à coup d’autant plus problématique que la culture libérale de compromis se combinait dans les opinions publiques au souhait de tirer parti des « bénéfices de la paix ». L’ensemble des dispositifs existants, qui avait abouti selon le rapport Brahimi rendu en août 2000 au Secrétaire général des Nations unies, à « un échec lamentable » des opérations de maintien de la paix menées durant les dix années qui suivirent la chute du Mur de Berlin fit donc l’objet d’une réforme en profondeur durant la seconde moitié de cette décennie2.
3Dix ans plus tard, ces nouvelles règles d’engagement sont en vigueur dans la majorité des armées occidentales. Plus détaillées et censées être d’un emploi plus aisé, elles énumèrent les conditions dans lesquelles l’usage des armes est autorisé. Le constat qui s’impose au vu du paradoxe fondamental de cette réforme qui visait à préciser les règles d’engagement tout en les rendant plus aisément applicables est que, sur le terrain, les militaires participant à des opérations de maintien de la paix rencontrent toujours autant de difficultés, liées en très grande partie au caractère multilatéral de ces opérations. Le problème posé est des plus triviaux et concerne des officiers subalternes ou des sous-officiers confrontés dans l’urgence à la nécessité de prendre une décision lourde de conséquences. Quelle attitude tenir face à une manifestation cherchant à pénétrer dans un secteur interdit alors que les organisateurs ont pris soin de placer femmes et enfants en tête du cortège ? Comment distinguer dans le feu de l’action la menace directe et l’intention hostile ? Comment concilier l’absence de danger immédiat pour la sécurité du détachement faisant face à une marée humaine et les risques ultérieurs d’atteintes graves à la sécurité des populations vivant dans le secteur protégé ? Quelle solution choisir pour un pilote pris pour cible par un radar, alors que celui-ci est rarement implanté en rase campagne ? Les réponses doivent, le plus souvent, être prises en l’espace de quelques minutes, voir en quelques secondes, sans qu’il soit possible de communiquer avec la hiérarchie, dans une situation de stress poussée à son paroxysme. Le risque toujours possible de poursuites en cas d’usage inapproprié de la force lié à la juridicisation croissante de la guerre moderne ajoute au demeurant un élément supplémentaire d’incertitude.
4La mobilisation de ressources importantes pour rendre plus lisibles les consignes autorisant l’usage des armes s’expliquait donc par la prise de conscience des difficultés concrètes auxquelles étaient confrontés les contingents engagés dans des opérations extérieures. Les résultats attendus n’ont pas été à la hauteur des attentes et il peut paraître intéressant d’essayer de comprendre pour quelles raisons cette réforme généralisée s’est avérée aussi peu concluante. L’hypothèse de départ de cette étude reposera sur un double constat : l’existence d’une culture stratégique occidentale et son caractère fondamentalement ambivalent.
5L’existence d’une culture stratégique propre à l’Occident a fait récemment l’objet d’une thèse soutenue en 2004 à l’Université libre de Bruxelles3. Dans cette thèse, Christophe Wasinski s’appuyait sur les travaux de Michaël Adams, de Kevin Foster, de John Keegan et de David Hanson pour démontrer que cette culture fondée sur l’expérience de la phalange vise à la recherche mythique de l’anéantissement de l’adversaire dans la Mère des batailles. Ce principe sera au cœur de la pensée clausewitzienne qui voyait dans la guerre un affrontement entre deux volontés antagonistes poussées à la surenchère permanente du fait de l’incertitude propre au combat. Il s’ensuivait donc une montée aux extrêmes inévitable, puisque la guerre, en tant que concept, doit mener inéluctablement aux extrêmes. « La guerre est un acte de violence, il n’y a pas de limitation à l’usage de cette violence4 ».
6Parallèlement à cette violence, l’ambivalence de la culture stratégique occidentale impose d’animaliser l’adversaire pour mieux le détruire, tout en s’efforçant de limiter les effets destructeurs de la guerre. Il s’agit donc pour revenir au thème de cette réflexion commune, de réfléchir à cette utilisation de la peur comme moteur de l’action guerrière et à la volonté parallèle de civiliser, autant que faire se peut, les combattants.
7Il résulte de cette approche une inévitable déshumanisation de la guerre (I), déshumanisation aisément vérifiable dans le caractère désincarné des plans de bataille représentés géométriquement par des flèches et des drapeaux. Cependant, dans le même temps, il est loisible de constater avec Bruno Colson et Hervé Coutau-Bégarie5 que l’humanisme n’est pas pour autant absent de cette même pensée stratégique occidentale, humanisme qui conduit à tenter de limiter les effets dévastateurs de la guerre (II).
1. La déshumanisation dans la guerre
8Bien avant que ne soit popularisé le thème de la pax democratica, Tocqueville avait mis à jour dès le XIXe les contradictions des démocraties face à la guerre. Dans le chapitre du Livre II de sa Démocratie en Amérique consacré à « quelques considérations sur la guerre dans les société démocratiques », il pouvait ainsi écrire que tous les régimes démocratiques se ressemblent « en ce point qu’ils redoutent également la guerre et conçoivent pour la paix un même amour. En vain l’ambition ou la colère arme les princes, une sorte d’apathie et de bienveillance universelle les apaise en dépit d’eux-mêmes et leur fait tomber l’épée de la main : les guerres deviennent plus rares », tout en constatant à quelques pages de distance que ces mêmes nations démocratiques peuvent devenir belliqueuses puisque « celles-ci amènent aisément toutes leurs forces disponibles sur le champ de bataille et, quand la nation est riche et nombreuse, elle devient aisément conquérante6. » L’assimilation des démocraties à la civilisation occidentale mériterait à l’évidence d’être discutée mais le cadre de cet article se prête mal à ce type de discussion et nous condamne aux simplifications qui furent tant reprochées à Huntington. Cependant, l’argumentaire de cet auteur dans la défense de sa thèse centrale – qui voulait que le monde occidental ait été occidental avant d’avoir été moderne – n’est pas sans pertinence et nous adopterons ici cette idée d’une communauté de valeurs partagées par les nations occidentales qui se sont progressivement engagées sur la voie de la démocratie7. Cette communauté de valeurs est également identifiable dans la culture stratégique et repose sur cinq points de convergence : la nécessité d’intégrer l’altérité dans la constitution des identités, le rôle de la guerre dans la constitution des États occidentaux, le besoin de la cause juste, la nécessité de transformer des citoyens en soldats et le paradoxe d’une société industrielle pacifique mais qui se nourrit occasionnellement de la guerre.
A. L’altérité dans la construction de l’identité
9Les travaux de Carl Schmitt, de René Girard ou de Jean Delumeau sont suffisamment connus pour ne pas avoir besoin d’être développés ici. La peur est toujours au centre de ces représentations qui aboutissent à nier l’humanité de l’adversaire alors transformé en ennemi pour mieux souder le groupe. « Le vouloir-vivre en commun » de Renan, dans son discours sur la nation française, ne suffit pas à expliquer la genèse de la construction nationale. « Le sang impur » de la Marseillaise était tout aussi indispensable que les hussards de Louis XIV qui dévastèrent le Palatinat le furent dans l’émergence du sentiment national allemand. La peur de l’Autre est l’un des ciments les plus solides pour agréger des communautés affaiblies par leur désunion (cf. le dilemme de l’aversion commune).
10L’exemple a contrario de l’Europe et de la Turquie est à ce titre tout à fait significatif de l’actualité de cette approche de l’identité. La quête d’une identité est en effet au cœur des problématiques internationales de l’Union depuis la déclaration d’identité européenne de Copenhague de 1973 et la déclaration solennelle de 1983. Or, dans le même temps, l’Europe se présentait comme un objet politique non-identifié, prétendant bâtir une nouvelle culture politique postmoderne, où le rejet de l'Autre ne serait plus un élément constitutif de l’identité. A ce titre, l’Union n’a jamais eu de territoire mais des « zones », des « espaces » ou des « marchés » délimités par de simples « bornes » ou « tarifs extérieurs communs » remplaçant la traditionnelle frontière. A l’évidence, cette construction politique originale a su faire preuve d’efficacité en surmontant les multiples crises qui ont émaillé son histoire. Cependant, cette efficacité n’est pas parvenue à bâtir cette « identité » qui fait toujours autant défaut à l’Europe, tant dans ses rapports avec les citoyens européens (cf. le déficit démocratique) que dans ses rapports avec le monde où elle demeure – selon l’expression de Marc Eyskens – « un géant économique, un nain politique et une larve militaire ». En visant à attribuer à l’Union la personnalité morale qui lui fait défaut, le projet de traité constitutionnel tendait donc à renoncer à l’utopie de l’objet politique non identifié pour donner à l’UE l’attribut essentiel qui lui permettrait de revendiquer un rôle politique à la hauteur de ses capacités économiques. Il n’est dans ces conditions guère surprenant que la question de la Turquie se soit posée en même temps avec, en corollaire, deux avenirs possibles pour le devenir de la construction européenne : celle d’une « Europe puissance » se rapprochant du modèle étatique par l’exclusion de la Turquie ou celle d’une « Europe post-moderne » diffusant ses valeurs mais renonçant à trouver sa place dans le concert diplomatique actuel8. L’absence de choix clair explique dès lors la place que la question turque a pu avoir dans les rejets français et hollandais du traité, rejets qui contribuent à nous renvoyer une image toujours brouillée de cette « identité » européenne.
B. Le rôle de la guerre dans la constitution de l’État moderne
11Max Weber, Norbert Elias et Charles Tilly seront ici invoqués comme caution pour développer ce deuxième élément constitutif de la culture stratégique occidentale. La guerre, qui permit la dévolution progressive du monopole de la violence légitime dans les seules mains du souverain, a ainsi été au cœur de la création de l’État moderne. Dans une dialectique toute kantienne, il s’agissait de légitimer la violence comme « moyen spécifique de l’État » pour délégaliser les manifestations de la force. Cette approche avait d’ailleurs une signification autant intérieure qu'extérieure.
12A l’intérieur, la dévolution d’un pouvoir immense dans les tentacules de ce Leviathan hideux n’avait d’autre utilité que de permettre aux communautés de vivre en paix les unes avec les autres. Il convient en effet de remarquer avec Olivier Beaud que les Six Livres de la République de Bodin furent publiés quatre ans après la Saint-Barthélemy et le Leviathan deux ans après la décapitation de Charles Ier9. Les deux siècles qui suivirent la fin du Moyen Âge furent en effet marqués par une guerre civile quasi généralisée dans toute l’Europe (les Dark Ages) sur fond d’opposition entre catholiques et protestants. La constitution de l’État moderne apparut donc comme l’unique solution pour pacifier une société civile belliqueuse, en attribuant à l’autorité politique une force illimitée, seule en mesure de contrôler ces passions intestines.
13A l’extérieur, cette même dialectique devait permettre la cohabitation de souverainetés jalouses de leurs prérogatives en leur faisant également redouter les conséquences d’une guerre qu’elles auraient pu souhaiter déclencher. Cette grammaire de la guerre codifiée par Clausewitz visait à s’appuyer sur le caractère dévastateur de tout conflit comme instrument premier de la dissuasion. Cette logique sera ainsi poussée à ces extrêmes par le nucléaire dont la puissance apocalyptique instaura effectivement cette « longue paix » décrite par John Lewis Gaddis, lequel confirmait en fait l’intuition aronienne : « La paix naissant de la guerre, ce ne serait ni la première, ni la pire des ruses de la Raison10 ».
C. Le besoin de la Juste Cause
14« L’ennemi que l’on combat mérite d’être combattu en raison d’une faute qu’il a commise ». Cet impératif augustinien de la guerre juste laisse bien sûr libre cours à toutes les interprétations. Il se présente néanmoins comme une justification incontournable de toutes les guerres qui ne peuvent être engagées sans avoir Dieu à ses côtés.
15Cet impératif est particulièrement visible dans la tradition américaine qui, il est vrai, est marginale dans la culture occidentale de la guerre11. Il se retrouve néanmoins dans toutes les doctrines stratégiques des États européens pourtant nettement moins critiques à l’égard de la très réaliste « balance of power ».
16Lavés de ce péché originel de la Real Politik, les États-Unis ont toujours revendiqué une place à part dans le concert des nations (le thème de la destinée manifeste). La guerre n’a donc jamais été considérée outre-Atlantique comme la poursuite de la politique par d’autres moyens. Paradoxalement, cette attitude conduit les Américains à refuser le principe clausewitzien de proportionnalité des moyens aux fins poursuivis, destinées à contrôler la violence militaire par la logique politique de soumission de l’adversaire à sa volonté, ce qui déboucha sur le recours aux bombardements massifs contre les populations civiles durant la seconde guerre mondiale ou encore sur l'utilisation du nucléaire en 1945. Il en est résulte que les États-Unis ne conçoivent leur engagement que dans le cadre d’une lutte du Bien (ou du Juste) contre le Mal, ce qui se retrouve aussi bien dans les discours de Ronald Reagan sur « l’Empire du Mal », dans « la guerre contre le Mal » de George Bush ou encore dans le journal dans lequel Eisenhower retraça sa campagne d’Europe sous le titre de « Croisade en Europe ».
17Dans les pays européens, cet impératif de la Juste Cause était tout aussi présent mais dissimulé par d’autres types de justification. Les guerres coloniales furent ainsi menées au nom du « devoir des races supérieures à l’égard des races inférieures » (Jules Ferry) ou au nom du « fardeau de l’homme blanc » du très kiplinesque jingoïsme. Pendant plus d’un siècle, jusqu’à Furet en fait, les guerres révolutionnaires françaises furent justifiées par la menace des monarchies coalisées contre la République, alors même que ces guerres furent provoquées délibérément depuis Paris (affaire du Comtat venaissin, des princes possessionnés d’Alsace...). Une aventure aussi hasardeuse que la guerre d’Indochine fut placée dès le début du conflit sous les auspices de la lutte contre le communisme. Quant aux conflits plus récents dans lesquels la France se trouva engagée (Irak, Kosovo), la diplomatie française veilla toujours avec la plus grande attention à se placer dans le cadre de la légalité internationale, quitte à se contorsionner – comme dans le cas du Kosovo – pour invoquer les mânes d’Antigone quand il n’était pas possible de se référer à Créon.
D. La transformation de citoyens en soldats
18Dans l’une des parties les plus intéressantes de sa thèse, Christophe Wasinski dresse l’inventaire d’une abondante littérature de sociologie militaire décrivant les moyens par lesquels de pacifiques citoyens furent transformés en machines à tuer. Les travaux d’Orner Bartov contribuent ainsi à effacer la distinction commode entre SS et soldats de la Wehrmacht, lesquels se comportèrent avec la même cruauté à la fois du fait du racisme ambiant mais également parce que les services de propagande du IIIe Reich laissaient circuler l’idée selon laquelle les Soviétiques ne faisaient pas de prisonniers. Dans un registre à peine différent, Craig Cameron décrit dans The American Samouraï l’état d’esprit régnant entre 1941 et 1951 dans la 1ère division du corps des Marines, un univers où la cruauté et le sadisme n’apparaissent pas comme étant l’apanage des régimes totalitaires.
19Parfaitement illustré par Stanley Kubrick dans son film Full Metal Jacket, le conditionnement des jeunes hommes incorporés est d’autant plus poussé que rien dans leurs expériences antérieures ne les préparait à devenir des guerriers. Il est clair que l’apprentissage du métier de soldat est en rapport avec le degré de proximité des peuples avec la violence. Or, dans les nations démocratiques, tout a été entrepris pour délégitimer le recours individuel à la force, cette délégitimation commençant dès les cours d’école où la dénonciation est systématiquement privilégiée sur le règlement de comptes. Dans ces conditions, la préparation militaire est obligatoirement plus rude puisqu’il qu’il s’agit de créer un traumatisme à la faveur duquel seront justifiées des pratiques interdites. L’exceptionnalité du moment ne pouvant suffire à briser des interdits ancrés au plus profond de l’inconscient et à créer un esprit de corps aussi contraire à l’individualisme démocratique, il convient de priver l’ennemi de ses qualités d’humain pour rendre acceptable auprès des recrues – et en un temps réduit de surcroît – l’idée selon laquelle l’acte de tuer n’a plus rien d’immoral.
E. Le paradoxe de la société industrielle
20La société industrielle accompagna l’essor du libéralisme et en partagea les valeurs. Anti-étatistes, partisans du laisser-faire, libéraux, financiers et industriels du xixe siècle rêvent d’une vaste République universelle des échanges où le commerce n’a pas déplacé la concurrence des États dans le domaine économique (thème du mercantilisme) mais où les échanges sont une source d’enrichissement mutuel des nations (la théorie du doux commerce de Montesquieu). C’est à ce titre par exemple que Cobden s’opposa à la guerre de Crimée même s’il considérait par ailleurs la guerre comme « le plus grand des consommateurs ». Cependant, cette même société industrielle peut mener à la guerre ou justifier la guerre. Dans son discours d’adieu, Eisenhower faisait ainsi remarquer dans un passage célèbre relatif au lobby militaro-industriel que c’était la guerre de Corée qui avait sorti les États-Unis du début de récession provoqué par la fin du second conflit mondial et le retour des soldats démobilisés.
21La société industrielle qui véhiculait les valeurs pacifiques du libéralisme et du positivisme, contenait dans ses germes tous les éléments indispensables au retour de la guerre totale, pour reprendre le titre d’un ouvrage ancien de John U. Nef12. Ces guerres, qui avaient disparu avec les dernières grandes invasions, s’accompagnaient de l’anéantissement du vaincu, de la mise en esclavage de ses femmes, de la destruction de ses cités et du pillage de ses biens. Les moyens matériels produits par l’industrie combinés à la levée en masse contribuèrent à leur tour à la déshumanisation de la guerre en rendant plus facile l’acte de tuer à distance sans corps-à-corps éprouvants et en rendant les armements existants plus performants, et donc plus meurtriers. L’emploi des premières mitrailleuses durant la guerre de Sécession – la première de ces guerres totales modernes – anticipait ainsi les grandes offensives de la guerre de 1914-1918 au cours desquelles des milliers de fantassins furent jetés sur des tranchées inexpugnables dont on tentait – avec plus ou moins de succès – de briser les résistances par des barrages d’artillerie à grande distance. Les efforts des états-majors pour rompre les accords implicites établis de part et d’autre de la ligne de front entre des adversaires confrontés aux mêmes horreurs, témoignent si besoin est de cette brutalité des doctrines stratégiques qui excluaient la possibilité de donner figure humaine à l’adversaire que l’on combattait.
2. L’humanisme dans la pensée stratégique
22Face au phénomène de la violence, la pense stratégique occidentale n’a cependant jamais adopté une attitude univoque. L’approche privilégiée a, au contraire, été dialectique, comme le montre si bien le paradoxe central de la dissuasion : si vis pacem, para bellum13. D’une manière plus générale, la conjugaison des contraires a été au cœur de toute la réflexion visant à contrôler l’usage de la force, la guerre étant en elle-même « une organisation et partant une canalisation de la violence14. » L’arms control qui permit ainsi de gérer la course aux armements nucléaires entre les deux Grands de la guerre froide consista ainsi à combiner une politique d’armement et une négociation continue entre adversaires qui pointaient leurs armes l’un sur l’autre. La dissuasion nucléaire – qui participait à cet arms control – a, pour sa part, consisté à multiplier les armes pour éviter à l’adversaire la tentation de débuter l’épreuve de force. Comme pouvait l’écrire cyniquement George Luttawk, plus le nombre d’armes disponibles était élevé plus les risques d’affrontement étaient réduits (the more, the better).
23La pensée stratégique occidentale parvint ainsi à placer la violence interétatique – la seule qui était prise en compte par le préambule de la Charte des Nations unies qui ne considérait « le fléau de la guerre » qu’à travers les seuls deux conflits mondiaux – sous un relatif contrôle de la communauté internationale en « légitimant la violence pour délégaliser les manifestations de la force » pour reprendre la formule percutante de John Keegan15. Paradoxalement, la pensée stratégique occidentale contenait en elle-même la reconnaissance de l’égale dignité de la personne humaine alors que les doctrines d’emploi de la force émanant d’autres régions du monde – où la peur de l’Autre n’avait pas été placée en clé de voûte de la pensée militaire – aboutissait à nier les droits du non-combattant considéré comme le bouclier du soldat. Cet « humanisme de la pensée stratégique » se manifeste à travers la diffusion de la culture de compromis propre au libéralisme (A) et à travers une tradition de contrôle des débordements de la soldatesque remontant aux règlements des armées en campagne de l’Ancien Régime (B).
A. La diffusion d'une culture de compromis
24Dans sa Civilisation des mœurs, Norbert Elias constatait que la diffusion des pratiques de la civilisation de cour de l’aristocratie vers la bourgeoisie avait non seulement modifié les comportements dans tous les aspects de la vie quotidienne – depuis les usages de tables jusqu’aux fonctions naturelles – mais s’était également traduite par une transformation des besoins supposés naturels. Au-delà des règles du savoir-vivre déjà imposées par le contrôle social puis progressivement intériorisées, Elias décrit le processus par lequel les pulsions animales individuelles ont été réfrénées. À l’évidence, ce processus de civilisation des individus dans les moindres détails de leur existence a des répercussions dans le rapport à la violence qui, au même titre que le crachat présenté comme un besoin naturel, est refoulé puis banni des us et coutumes. Dans une logique inspirée par le sociologue allemand, il est possible de constater un processus occidental de domestication de la violence individuelle qui aboutit à son exclusion des rapports sociaux.
25Ce contrôle social de la violence a bien sûr été amplifié par l’évolution des systèmes politiques. La constitution de l’État moderne a déjà obéi au besoin d’interdire le recours à la force dans le cadre des rapports de communauté à communauté. La démocratie a ensuite contribué à exclure le recours à la force dans la compétition politique. Dans un troisième temps, la démocratie a été perçue dans la plus pure tradition kantienne comme l’ultime facteur de modération de la compétition internationale. Reprise en 1983 par Michael Doyle16, cette hypothèse a été érigée comme l’une des rares lois possibles des relations internationales et est devenue à ce titre un programme de recherche majeur de la discipline. Bien évidemment, le débat est particulièrement acharné autour de ce paradigme aux conséquences normatives évidentes. Néanmoins nombre des arguments favorables à cette thèse sont difficilement réfutables. Ces arguments sont développés sur les registres complémentaires des institutions et des valeurs et des intérêts communs.
26Le registre institutionnel se décline autour du thème de la culture de compromis propre aux régimes démocratiques. Le partage des compétences en matière de politique extérieure et le droit de regard des parlements sur les décisions de l’exécutif relatives au recours à la force constituent tout d’abord un très sérieux frein aux initiatives intempestives. Le fait que les gouvernements se tournent désormais de plus en plus vers des contractants privés pour des opérations nécessitant un certain degré de recours à la force sans être pour autant de véritables actions militaires (fumigation de champs de coca, par exemple) valide a contrario la justesse de cet argument l17. L’influence de l’opinion publique combinée aux évolutions culturelles de citoyens rendus plus autonomes par les progrès de l’intelligence artificielle impose de la même manière un surcroît de prudence aux décideurs qui pourraient être tentés de considérer que la guerre puisse demeurer un instrument « normal » de l’État. Comme le constatait James Rosenau, « ce ne sont pas les attitudes des citoyens envers la politique qui transforment la politique mondiale mais leurs capacités à employer, articuler, diriger et rendre effectives ces nouvelles attitudes18 ». Enfin, toujours dans le même registre, la démocratie de marché crée un double frein aux aspirations guerrières. Dans sa dimension politique, le libéralisme politique représente une très solide résistance aux pressions économiques qui pourraient jouer en faveur du déclenchement d’hostilités. Dans sa dimension économique, le libéralisme oppose les besoins de l’échange aux aspirations toujours possibles des peuples, même démocratiques, pour la guerre (« la logique de guerre » dont parlait François Mitterrand en 1990 lors de l’invasion du Koweït par l’Irak).
27Dans le second registre d’explication de la pax democratica, la tendance des démocraties à définir leurs intérêts d’une manière convergente rendrait indispensable la coopération entre démocraties. Celles-ci sont alors conduites à participer à des alliances qui se transforment en « communautés de sécurité » où la guerre comme institution sociale est proscrite. Selon Karl Deutsch, ces communautés de sécurités « pluralistes » (type Alliance atlantique) ou « amalgamée » (type Union européenne) reposent sur trois principes : des valeurs partagées, l’anticipation d’avantages économiques et un renoncement à l’usage de la force19.
28Même si les démocraties sont loin d’être pacifiques à l’égard de régimes non-démocratiques, leur propension commune à trouver des solutions politiques à leurs différends mutuels participe à la réduction des tensions internationales. Dans le même temps, leur volonté de diffuser le plus largement possible leur modèle – fût-ce par la force – est mue par le souhait d’élargir l’ère géographique de cette pax democratica, tout en s’attaquant au principal facteur d’instabilité de l’après-guerre froide, à savoir les violences politiques internes pour lesquelles la démocratie exclut la possibilité d’un recours à la force.
B. Le contrôle des débordements
29Le second élément de cet humanisme stratégique réside dans la volonté constante de la culture stratégique occidentale de contrôler les débordements de la soldatesque. Les Règlements des armées en campagne de l’Ancien Régime ont été à l’origine des développements conventionnels considérables destinés à protéger non seulement les combattants mais également les non-combattants et les prisonniers. Ce droit de la guerre (jus in bello) porte bien sûr en lui la trace de l’influence de la société civile. Du passage de Henri Dunand près du champ de bataille de Solferino jusqu’à l’action des ONG dans la création du Tribunal pénal international en 1998, celle-ci a toujours été l'aiguillon humanitaire des États. L’homme, qui pour reprendre la formule de René Jean Dupuy, vivait « en exil dans la collectivité des États20, » trouva dans ces ONG, d'origine essentiellement occidentale, son porte-parole naturel. Néanmoins, il serait abusif de considérer que la culture stratégique ignorait délibérément les souffrances de l’humanité. En soumettant la logique militaire de destruction de l’adversaire à la logique politique de sa soumission, la pensée clausewitzienne imposait le principe fondamental de proportionnalité des moyens aux fins poursuivies. Le but politique de la guerre étant d’imposer sa volonté à l’adversaire, il s’agissait essentiellement d’enrayer la spirale inéluctable de la violence liée au fait que « chaque adversaire fait la loi de l'autre21 ». A moins d’accepter la défaite, chaque partie est en effet logiquement conduite à répliquer à un revers par un usage supérieur de la force. La formule clausewitzienne répondait donc au besoin de contrôler cette spirale naturelle de la guerre puisque, comme l’expliquera ultérieurement Raymond Aron, la paix étant l’idée directrice de la politique, la victoire n’est qu’un des moyens pour y parvenir.
30De l’interdiction des balles dum-dum à l’interdiction des gaz de combat en passant par l’interdiction du recours à des armes bactériologiques ou l’interdiction des mines anti-personnels et bien sûr l’interdiction de la torture et autres traitements inhumains, le jus in bello a progressivement banni l’usage des pratiques « inhumaines ou causant des traumatismes excessifs », intitulé d’une convention adopté en 1980. Le fait que l’on en soit arrivé à concevoir des armes non létales confirme, si besoin est, la constatation de l’existence de cette « loi tendancielle à la réduction de la force employée » constatée par Raymond Aron dès 1962 dans Paix et Guerre entre les Nations. La défaite des deux géants américain et soviétique face aux nains vietnamiens et afghans confirme cette tendance longue qui débouche logiquement sur des concepts nouveaux tels « la guerre zéro mort » ou « la sécurité humaine ». Pétain et « sa victoire au moindre prix possible » avait été préféré dès 1916 à Mangin et « sa victoire à tout prix ». À titre de comparaison, les 300 000 morts de la seule bataille de Verdun (160 000 Français et 140 000 Allemands) doivent être rapportés aux 0,4 % de pertes au sein de la coalition réunie contre l’Irak en 199022. Quatre ans plus tard, le livre blanc de la défense français précisait que les opérations militaires devaient être menées avec « la volonté de minimiser les pertes en vies humaines dans nos rangs, chez l'adversaire éventuel et surtout dans la population civile ». Si l’on se souvient que le général Giap demandait d’accepter « si besoin, les pertes les plus lourdes », force est d’admettre que la volonté de protéger la vie de ses propres hommes s’accompagne dans la culture stratégique occidentale – même à un degré moindre – du souci de préserver l’adversaire et sa population civile, surtout si l’on considère le rôle des médias et de l’opinion publique qui peuvent à tout moment transformer un succès militaire en échec politique23.
31Longtemps réduit au rôle de « chair à canon », l’homme est progressivement devenu le destinataire des politiques de sécurité24. La diminution du pouvoir de destruction de l’atome répondait certes au souci de rendre le nucléaire opérationnel. Cependant, la logique paradoxale de la stratégie aboutissait à rendre cet emploi possible encore plus impensable et donc à éviter que « l'animosité n'explose en passion pure et en brutalité sans restriction25. »
32« Réfléchir à la manière dont la politique extérieure française dans les dix dernières années a mis en œuvre une certaine idée de l’adversaire, c’est s’interroger sur la capacité [...] de négocier plutôt que de combattre, de dialoguer et faire des compromis, plutôt que de dénoncer et de s'opposer26 ». Ce constat qui n’est pas propre à la France ne signifie nullement que les pays disposant d’une culture stratégique similaire aient renoncé définitivement à combattre. En cas de menace claire ou d’atteinte directe à des intérêts considérés comme vitaux, ces nations n’ont aucune difficulté à désigner l’adversaire et à le combattre. L’exacerbation du patriotisme américain après les attentats du 11 septembre n’est guère différente de « l’Union sacrée » qui se reforme en France dans les épreuves27. Les nouvelles règles d’engagement, qui soulignent – même aux États-Unis – la très forte dépendance des gouvernements aux réactions de l’opinion publique, montrent que l’adversaire est désormais défini en référence à l’intérêt national (pour éviter que l’usage de la force ne se retourne contre ceux qui l’emploient) et non plus sur des mobiles idéologiques ou civilisationnels (qui autoriserait une plus grande liberté d’action). Il en résulte que la peur de l'Autre est de moins en moins un référentiel valide de la pensée stratégique occidentale. Par voie de conséquence, la diabolisation de l’adversaire s’avère de plus en plus difficile et si les responsables politiques peuvent être livrés en pâture à l’opinion, les discours dominants tendent à présent à distinguer la responsabilité des gouvernants et l’impuissance des populations, présentées comme les premières victimes de leurs propres maîtres. Le succès de l’expression « dommage collatéral » est à ce titre emblématique du souci de protection des civils, plus évident dans les armées occidentales que chez les stratèges des conflits asymétriques contemporains qui utilisent les populations civiles comme rempart.
33En dehors de ces situations extrêmes, la désignation de l’adversaire est d’autant plus problématique que la majorité des interventions extérieures contemporaines se déroule dans un cadre multilatéral où les intérêts nationaux ne sont pas toujours aisément identifiables. Il en résulte que les règles d’engagement, en dépit de tous les efforts de clarification, ne pourront jamais se présenter comme un outil précis, apportant en toute circonstance la réponse appropriée. Cet effort de clarification est cependant loin d’avoir été inutile. A travers cette réflexion sur l’adversité, c’est en fait l’identité que l’on entend désormais défendre ou promouvoir qui a pu être redéfinie, et à travers elle, le projet collectif de nations engagées volontairement dans un processus de mise sous contrôle de la guerre interétatique. Le fait que la majorité des conflits de l’après-guerre froide dans lesquels ont pu être engagées des armées occidentales – exception faite il est vrai du cas de l’Irak – se situe au niveau infraétatique atteste de cette évolution qui trace une nouvelle ligne de démarcation entre un Occident postindustriel devenu idéaliste et le reste du monde qui s’en tient à une lecture réaliste du devenir des relations internationales. Dans cet environnement inédit, la reformulation des règles d’engagement aura au moins permis de pointer la difficulté qui consiste moins à maîtriser sa peur de l’Autre qu’à identifier les conséquences de la peur de nos peurs, sources de paralysie et d’inefficacité.
Notes de bas de page
1 Voir Carl Schmitt, Théorie du Partisan, Paris, Flammarion, Coll. Champs, 1992.
2 Pour une vue d’ensemble de cette réforme, cf. Herman c. Broadstone, Rules of Engagement in Military Operations Other Than War from Beirut to Bosnia, http://www.smallwars.quantico.usmc.mil/search/Papers/broadstone.pdf.
W.A. Stafford, How to Keep Military Personnel from Going to Jail for doing the Right Thing : Jurisdiction, ROE & The Rules of Deadly Force, in the Army Lawyer, Nov. 2000, DA-PAM 57-50-336, p. 1-25.
Howard H. Hoege III, ROE... Also a Matter of Doctrine, in The Army Lawyer, June 2002, DA-PAM 27-50-353, p. 1-12.
3 Christophe Wasinski, La Représentation de Soi et de l’Autre dans la pensée stratégique – une analyse de la culture stratégique occidentale, thèse brochée, ULB, 2004-2005.
4 Carl von Clausewitz, De la Guerre, Paris, Les Éditions de Minuit, 1955, p. 53.
5 Bruno Colson et Hervé Coutau-Bégarie (éd), Pensée stratégique et humanisme – De la tactique des Anciens à l’éthique de la stratégie, Economica, Bibliothèque Stratégique, 2000.
6 Alexis de Tocqueville, De la Démocratie en Amérique, Paris, Gallimard, 1968, coll. Idées, p. 301 et 304.
7 Huntington soutenait à ce titre que les racines de la civilisation occidentale qui remontent à la Grèce antique et à Rome puis au christianisme et à la Réforme, ont organisé la séparation du religieux et du temporel, la prééminence du droit, l'existence d'une société civile capable de contrebalancer l'absolutisme du pouvoir, le pluralisme politique et des corps représentatifs ainsi que la reconnaissance des libertés de la personne. Même s'il put y avoir des emprunts à d'autres civilisations, Huntington considérait donc que l'Europe occidentale organisa ces différents apports d'une manière spécifique, ce qui expliqua la faillite de la transposition de son modèle par Pierre le Grand ou encore Mustafa Kemal.
8 Voir sur ce point Eric Remacle, De l’euro à la PESC, d’Amsterdam à Helsinki – Les balbutiements d’un « acteur international », in Annuaire français des relations internationales, 2000, no 1, p. 500-501.
9 Olivier Beaud, La Puissance de l’État, Paris, PUF, 1994.
10 Préface de Raymond Aron à Pierre M. Gallois, Stratégie à l'âge nucléaire, Paris, Calmann-Lévy, 1960, p. III
11 Voir Bruno Colson, La stratégie américaine de sécurité et la critique de Clausewitz, in Stratégique, 2000, 76, p. 151-164 et Christophe Wasinski, Paradigme clausewitzien et discours stratégique aux États-Unis, in Stratégique, 2000, no 78-79, p. 75-119.
12 John U. Nef, La route de la guerre totale, Cahier de la Fondation nationale des sciences politiques, 1949.
13 Sur le fonctionnement dialectique de la stratégie, voir Edward Luttwak, Le paradoxe de la stratégie, Paris, Odile Jacob, 1989.
14 Bruno Colson et Hervé Coutau-Bégarie, Pensée stratégique et humanisme..., op. cité, p. X.
15 John Keegan, Histoire de la guerre du néolithique à nos jours, Paris, Dagorno, 1996.
16 Michael Doyle, Kant, Liberal Legacy and Foreign Affairs, in Philosophy and Public Affairs, part I vol. 12 no 3, été 1983, p. 205-235 ; part II vol. 12 no 4, automne 1983, p. 323-353. Du même auteur, voir également : Liberalism and World Politics, in American Political Science Review, vol. 80 no 4, décembre 1986, p. 1151-1169.
17 Voir sur cette privatisation de la sécurité : Jean-Jacques Roche (éd), Insécurités publiques, sécurité privée ? Essais sur les nouveaux mercenaires, Paris, Economica, 2005.
18 James N. Rosenau, Turbulence in World Politics – A Theory of Change and Continuity, Princeton University Press, 1990, p. 334.
19 Karl Deutsch, Political Community and the North Atlantic Area, Princeton (NJ), Princeton University Press, 1957.
20 René-Jean Dupuy, Le Droit international, Paris, Puf, coll. « Que Sais-je ? », 8e éd., 1990, p. 31.
21 Carl von Clausewitz, De la Guerre, op. cité, p. 53.
22 Pour obtenir plus de données chiffrées sur l’évolution des pertes causées par les conflits voir : Jean-Jacques Arzalier, L’Opinion publique, le gouvernement et le commandement face aux pertes de guerre, février 2000, http://www.checkpoint-online.ch/CheckPoint/Forum/For0007-EffetPertesHumaines.html.
23 Le massacre du 16 mars 1968 à My Laï de 504 civils (dont 182 femmes, 173 enfants et 60 vieillards) révélé l’année suivante par le New York Times contribua dans une grande mesure au retournement de l’opinion publique américaine.
24 Voir Jean-François Rioux, La Sécurité humaine – une nouvelle conception des relations internationales, L’Harmattan, coll. Raoul-Dandurand, 2001.
25 Raymond Aron, Paix et Guerre..., op. cité, p. 553-554.
26 Marisol Touraine, La représentation de l’adversaire dans la politique extérieure française depuis 1981, in Revue française de science politique, 1993, vol. 43 no 5, p. 810.
27 Il est d’ailleurs intéressant de comparer les votes du Sénat américain et de l’Assemblée nationale concernant l’entrée en guerre contre l’Irak en janvier 1991. Celle-ci fut autorisée aux États-Unis par 52 voix favorables contre 47 hostiles, alors que 523 députés français approuvèrent la décision du gouvernement contre seulement 43 voix hostiles.
Auteur
Professeur à l’université de Paris II - Panthéon-Assas
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