La menace terroriste : entre logiques expertes et mobilisation des passions politiques
p. 67-84
Texte intégral
1Le terrorisme est, dit-on, l’une des menaces les plus tangibles pour les démocraties, voire la première menace depuis la fin du monde bipolaire et plus encore depuis le 11 septembre. Il les mettrait en effet au défi d’une guerre sans nom, en temps de paix, radicalement irrespectueuse par nature des lois et conventions internationales. Une guerre sans visage, lancée par des adversaires masqués aux objectifs irréalistes1, c’est-à-dire fermés à toute logique de négociation et a fortiori de compromis. Le terrorisme constituerait aussi une angoisse majeure de l’opinion publique si l’on en croit sa mesure périodique (souvent aux lendemains d’attentats...) par les sondages, mais aussi le succès des ouvrages, numéros de revues ou émissions télévisées s’y consacrant.
2Car le terrorisme angoisse certes, mais fascine tout autant. Mode opératoire particulièrement bien adapté aux sociétés démocratiques, il s’agit d’une forme de violence spectacularisée qui, ainsi que le disait déjà Raymond Aron, entend exercer des effets psychologiques « hors de proportion avec ses résultats purement physiques2 » Il place en conséquence la manipulation des émotions3 au centre de sa stratégie afin d’atteindre l’opinion publique par une « onde de choc affectivo-émotionnelle4 » amplifiée par les médias : c’est celle-ci qui est visée, et non pas les victimes en tant que telles, qui ne constituent qu’un instrument pour instaurer une forme paroxystique de peur : un climat de terreur. Cette stratégie d’emprise sur les esprits trouve un terrain propice dans nos sociétés pacifiées et médiatiques. Elle y fait surgir avec brutalité la mort, ordinairement refoulée et déréalisée, l’imprévisibilité et la vulnérabilité de tout un chacun, dans un monde qui tend à refuser les incertitudes et le hasard. D’où l’impression de toute-puissance démiurgique des auteurs : les attentats aveugles disent que tout peut arriver, qu’il n’y a plus de limites ni frontière de culpabilité ou d’innocence dans l’exercice de la violence. En tout cela, le terrorisme est porteur non pas d’angoisse, qui, pour Freud, suppose l’attente du danger et donc une préparation, mais d’effroi suscité par l’effet de surprise et générateur d’effet de paralysie5.
3Si, comme nous le pensons, la dimension psychologique est l’élément essentiel d’une telle stratégie, les discours tenus sur elle et les images qui en sont renvoyées revêtent une importance déterminante pour son efficacité. L’une des tâches d’une approche de sciences sociales devrait alors être, par une froide analyse, de desserrer le lien, au soubassement du terrorisme, entre les faits violents et leurs représentations, certes pas pour l’occulter mais pour l’objectiver. La « menace terroriste » devrait être historicisée puis décodée plutôt qu’acceptée comme la stricte description d’un état de fait, en lui appliquant la méthode de Jean-Pierre Vernant de déchiffrement du mythe qui « vise à dégager, dans la composition même de la fable, l’architecture conceptuelle qui s’y trouve engagée, les grands cadres de la classification impliqués, les choix opérés dans le découpage et le codage du réel, le réseau des rapports que le récit institue, par ses procédures narratives, entre les divers éléments qu’il fait intervenir dans le courant de l’intrigue6. »
4Or, s’il est certain que l’objet « terrorisme » est (ou plus exactement devrait être) un objet central pour les sciences sociales, il est aussi, dans l’état actuel, un exemple paradigmatique des tensions qui les traversent et de leur rapport difficile à la scientificité. Loin de proposer un cadre d’analyse dépassionné du phénomène, capable de juguler les peurs, il faut bien reconnaître que la plupart des productions sur le sujet « vendent de l’angoisse7 »,’et participent ainsi à leur manière à l’accomplissement du projet de terrorisation. L’une des raisons vient de leur fréquente orientation vers l’expertise. Elle les enserre dans la configuration d’affrontement8, mettant aux prises terroristes et contreterroristes, opinion et médias, pour façonner le récit de la terreur dans une alchimie complexe d’émotions, mais aussi de considérations techniques et normatives.
1. Un marqueur du mal en politique
5Premier accroc au protocole savant oublier que « le langage commun véhicule la philosophie spontanée du social9. » Plus exactement, les observateurs n’ont pas oublié la règle élémentaire et reconnaissent que le terme est lourdement connoté, péjoratif, polysémique, dissensuel voire polémique... mais le constat fait, assument son usage sans coup férir. « Sur ce point au moins tout le monde s’entend : le terrorisme est un terme péjoratif. C’est un mot qui comporte des connotations intrinsèquement négatives, qu’on emploie en général pour désigner ses propres ennemis ou son opposition, ou bien ceux avec qui on n’est pas d’accord et que l’on préférerait ignorer10 », explique Bruce Hoffman avant de fustiger quelques pages plus loin la « dévotion servile à la neutralité sémantique » qui serait responsable d’équivoque et d’« absence de définition acceptée par le plus grand nombre11 ».
6De fait, la profusion, la variabilité et la diversité des définitions du terrorisme sont telles qu’elles empêchent d’éclaircir la compréhension d’un fait social majeur du xxe siècle12. Au gré de la conjoncture – et par effet de mode non négligeable –, plusieurs pistes ont été successivement privilégiées. Certaines mettent l’accent sur la fin de cette violence, d’autres sur les moyens mobilisés ou encore les conséquences recherchées. Toutes sont porteuses d’une interprétation particulière mais également dépréciative du phénomène : le terrorisme apparaît être une violence politique disqualifiée. Mais suivant que l’on choisisse l’une ou l’autre définition, une même organisation clandestine sera ou ne sera pas stigmatisée comme « terroriste ». Et les groupes labellisés comme tels ont peu en commun en dehors de l’étiquette ; ils varient considérablement par leur importance numérique, leur mode de structuration, et même leur modus operandi. En somme, plutôt que d’éclairer le problème, ces définitions ont plutôt contribué à l’obscurcir. Avec Walter Laqueur, on peut « prédire, sans risque d’être démenti, que les discussions au sujet d’une définition complète, détaillée du terrorisme continueront pendant longtemps, qu’elles n’aboutiront pas à un consensus et qu’elles n’apporteront pas une contribution notable à la compréhension du terrorisme13. » Juste remarque pourtant non suivie d’effets par son auteur...
7Leur efficace est ailleurs. Par leur extrême sensibilité au contexte, les définitions du terrorisme constituent un indicateur de la figure du mal en politique qui prévaut dans une aire donnée. En témoigne de façon caricaturale la catégorie « État terroriste » établie chaque année par le département d’État américain qui entend ainsi désigner « les ennemis du monde libre », avec d’évidentes considérations politiques. Ont ainsi été recensés comme tels la Libye, la Syrie, l’Iran, la Corée du nord, Cuba, le Soudan. Ils s’exposent à des sanctions économiques (embargo contre le Soudan décrété en novembre 1996) et même militaires (raids aériens contre Tripoli en avril 1986) dont la légalité internationale n’est pas toujours acquise.
8Il en va de même des groupes terroristes proprement dits. Depuis les années soixante-dix, plusieurs « figures du démon » se sont succédé : « ennemi intérieur » rouge, « fil » ou « internationale » rouge, « euroterrorisme », « fil vert », « islamisme ». L’une a irrémédiablement chassé l’autre, focalisant toutes les attentions et inquiétudes du moment, dans une mise sur agenda qui s’impose de la convergence de vues de deux catégories d’acteurs : les journalistes et les experts. C’est ainsi que, sur fond de nouvelles tensions est-ouest (crise des pershing et guerre des étoiles) du début de la décennie 1980, une journaliste américaine, Claire Sterling, lança avec fracas et succès la thèse de l’orchestration du terrorisme par les pays de l’Est dans son ouvrage Le réseau de la terreur14. Sa théorie du complot fomenté par Moscou succédait à celle de la menace euroterroriste voulant que les groupes d’extrême gauche allemands et italiens notamment se soient « accordés » pour lancer une offensive coordonnée sur le continent ; ce qui, l’effet public retombé et les groupes en question démantelés, ne sera jamais établi15.
9La fin du monde bipolaire quelques années plus tard prive brutalement les pays occidentaux de leur adversaire traditionnel. Avec elle, s’effondrent une grille de lecture facile des relations internationales mais aussi une « table d’orientation » essentielle aux services de renseignement et savoir-faire policiers. Pour toute société, l’ennemi est structurant et donc nécessaire. Sa disparition crée un vide qui demande immédiatement à être comblé. Didier Bigo a d’ailleurs montré combien la collaboration policière à l’échelle européenne s’est appuyée sur la mise en exergue des menaces successives de l’euroterrorisme dans les années 1984-1985 puis de la « menace orientale des États terroristes », enfin des organisations mafieuses16.
10Certes, pour que le risque soit crédible, encore faut-il quelques éléments objectifs venant le fonder. Mais par la sélection de l’information, sa mise en scène et son éclairage particulier, il n’est pas si difficile de faire d’un ou deux attentats la preuve d’un complot ourdi à vaste échelle, ni d’interpréter telle action comme relevant tantôt de l’indépendantisme tantôt du fanatisme religieux voire, pourquoi pas, en faire le signal d’une nouvelle guerre de religion. Pour ne prendre qu’un exemple, est-il si évident que le problème irlandais relève d’une lutte d’indépendance, et non pas d’une question religieuse ?
11La construction de la menace islamiste illustre également ces effets de lecture. Il y a sans aucun doute, à compter de la révolution iranienne, des actions violentes conduites par des radicaux. Mais c’est aussi parce que cette empreinte islamiste a « pris » dans les pays occidentaux au point d’être érigée en menace « numéro un » pour notre civilisation (rien de moins) que son potentiel contestataire a été démultiplié dans le monde arabo-musulman par un phénomène qui relève en partie de la prophétie auto-créatrice. Dans une autre configuration, le même acte émanant du même acteur aurait pu être lu au travers d’une grille d’analyse anti-impérialiste ou insurrectionnelle. La représentation guerrière de l’Islam, tout en plongeant ses racines dans l’époque médiévale, renaît dans les années quatre-vingt sous l’influence de multiples facteurs : visibilité accrue de la pratique religieuse, surgissement de l’Islam comme force de contestation à la fois sur la scène internationale et sur la scène intérieure des pays arabo-musulmans, etc. Elle tient surtout au télescopage entre un événement politique aussi inattendu que spectaculaire – l’implosion du bloc de l’Est – et la saillance nouvelle de thèmes tels que l’identité ou la culture, au principe de laquelle s’explique l’écho rencontré par la thèse d’Huntington sur « le choc des civilisations ».
2. La terrorologie, science du terrorisme
12La grande majorité des chercheurs s’intéressant à la question s’accordent sur la confusion qui entoure le terme et dont celui-ci est porteur pour la compréhension du phénomène qu’il est censé traduire. Ils préfèrent souvent, du moins en « interne » (c’est-à-dire à destination de leurs pairs) parler sobrement de « violence politique » plutôt que de « terrorisme », mais choisissent celui-ci en d’autres destinations par commodité de langage et/ou par prudence pour prévenir le risque de la mise au ban déjà évoquée par deux auteurs pionniers de cette réflexion épistémologique : « Le terrorisme est en effet considéré [...] comme un corps étranger, une perversion, un fléau à éliminer à tout prix. Il n’est donc pas un simple objet de rhétorique : il faut avant tout le combattre. Refuser de se placer sur le terrain de l’affrontement, c’est se désigner comme « franc tireur social », et immédiatement être soupçonné de faire le jeu de l’adversaire, de brouiller volontairement les pistes17. »
13Et c’est bien là tout le problème : ajouter à la confusion portée par le terme même, par une « mission » normative et pratique aux études sur le terrorisme. Cette conception pour le moins problématique de la recherche est portée par ce qu’Alexander George18 qualifie de « terrorologie ». « Science du terrorisme », la terrorologie part du postulat que les pays occidentaux sont menacés, en tant que porteurs des droits de l’homme, par des forces irrationnelles contre lesquelles il est temps de sonner la mobilisation générale... y compris des chercheurs qui doivent, par leur métier, contribuer à la lutte. Dans cette perspective, aucune contradiction n’est de mise : quiconque n’adhère pas est accusé de complicité avec les terroristes. Depuis l’œuvre pionnière de l’historien américain Walter Laqueur, la grande majorité des spécialistes ès-terrorisme se range en effet sous la bannière de la contre-insurrection (counterinsurgency), doctrine militaire née durant la guerre froide dans l’objectif de lutter contre un ennemi intérieur. Ils partagent avec les services de renseignement et de répression leurs sources comme leurs objectifs. Tous ont pour objectif d’« anticiper les menaces ». Malheur à ceux qui mettent en doute le consensus entourant le terme de terrorisme : « Ce ne serait qu’un stratagème pour entraver la coopération des politiques de lutte contre le terrorisme19 ! »
14Les experts anglo-saxons ont joué un rôle central dans l’émergence de cette « science du terrorisme ». D’abord par la logique même de « mise en agenda », c’est-à-dire d’inscription à l’ordre du jour des préoccupations des pouvoirs publics, à laquelle participent leurs multiples interventions médiatiques sur le sujet. Mais aussi pour des raisons plus prosaïques qui tiennent au financement de la recherche. Beaucoup, en particulier outre-Atlantique, vivent des commandes des ministères (voire, dans une moindre mesure, des entreprises) qui, par le biais des appels d’offres, orientent notablement les objets d’études en fonction de préoccupations de politiques publiques. Par le fait même d’exister et de connaître un accroissement exponentiel (quelquefois à partir du néant), ces recherches donnent corps à la menace. Elles la rendent tangible, participent à sa diffusion et à sa dramatisation, amplifiées par l’écho médiatique qu’elles reçoivent et l’effroi que suscite un attentat. C’est ainsi, par exemple, qu’aux États-Unis, on a assisté au cours de la dernière décennie du siècle au développement considérable des recherches sur les armes biologiques, mais aussi à des accès de panique périodiques. Il faut y voir la suite de la première guerre du Golfe qui avait éveillé la peur d’un terrorisme de destruction massive manipulé par l’ancien président irakien Saddam Hussein. Les « hypothèses de travail », et par conséquent les sources d’angoisse, sont extrêmement larges aujourd’hui, de « la menace chimique et biologique » qui ferait planer le risque d’un terrorisme disposant d’armes de destruction massive, au « cyberterrorisme ».
15La porosité des sphères et des discours scientifiques d’un côté, des pratiques de l’autre, renvoie à une autre caractéristique des chercheurs anglo-saxons qui les distinguent de leurs homologues français, d’ailleurs bien moins nombreux sur le sujet : beaucoup sont issus des milieux opérationnels de la lutte antiterroriste, sont anciens officiers ou anciens policiers qui opèrent ainsi une reconversion professionnelle. C’est le cas de Richard Clutterbuck : à son départ de l’armée avec le grade de major-général à 55 ans, il est devenu enseignant dans une école militaire, puis à l’université grâce à un doctorat, avant de retourner dans le secteur privé comme responsable d’une société de sécurité spécialisée dans les extorsions, kidnappings et prise d’otages. Brian Jenkins, directeur de la Rand Corporation, s’est sensibilisé au sujet durant la guerre du Vietnam, dont il est un vétéran. La tendance à la création d’instituts privés orientés vers le conseil et la production d’études en vue d’aider à la décision publique (comme la Fondation pour la recherche stratégique), ou de centres de recherche « opérationnels » plus ou moins liés aux ministères20, est bien plus récente en France mais y permet désormais aussi le brassage des parcours professionnels.
16De fait, le « discours expert », comme le qualifie Clotilde Marchetti, est homogène tout en associant des professionnels d’horizons très différents « qui font usage d’une technique ou d’un savoir spécialisé » (militaires, magistrats, policiers, journalistes, « chercheurs »)21, ce qui n’est pas sans poser questions aux et sur les sciences sociales, notamment quant à la lisibilité de leur fonction sociale : est-ce la connaissance et la compréhension ? Est-ce l’expertise et l’aide à la décision ? Qu’est-ce qui confère la qualité d’experts ? Il est troublant de constater par exemple que la direction des trois institutions longtemps hégémoniques sur la question ait été partagée par un universitaire (le Centre for the Study of Terrorism and Political Violence de Paul Wilkinson à la faculté écossaise de Saint Andrews), un « vétéran », Brian Jenkins, pour la Rand Corporation de Washington, et un journaliste, Brian Crozier, à l’Institute of the Conflict Studies de Londres. Quel que soit leur statut (académique pour la première, think tanks privés pour les autres), elles visent à « anticiper les menaces » et, pour l’institut de Paul Wilkinson, à « proposer des briefings au législateur, aux professionnels de la sécurité, aux hauts fonctionnaires du gouvernement [...] et des projets de collaboration aux représentants des industries pouvant être affectées par la menace terroriste22. »
17Il est vrai également que la professionnalisation croissante et encouragée des formations universitaires, ainsi que le développement de filières « sécurité » renforcent un tel brouillage. C’est d’abord au titre de sa fréquente « présence sur divers terrains conflictuels en Asie, Afrique et Amérique latine » que Gérard Chaliand s’est forgé la qualité d’expert des conflits de « basse intensité » avant de devenir « professeur invité » de différentes institutions américaines. Le diplôme de troisième cycle « Analyse des menaces criminelles contemporaines » de Paris II, dirigé par Xavier Raufer avec un conseil « scientifique » composé du doyen, d’un juge, d’un préfet et d’un commissaire divisionnaire, fait intervenir... un seul chercheur sur les vingt-quatre enseignants (neuf policiers, sept consultants, conseillers et autres cadres d’entreprises privées, trois journalistes, deux magistrats, un avocat)23. La difficulté est parfois réelle de donner aux experts une étiquette professionnelle, quand celle-ci ne varie pas suivant les circonstances. Xavier Raufer se présente soit comme journaliste, soit comme expert, soit comme universitaire, étant « chargé d’enseignements » à l’Institut de criminologie rattaché à l’université Paris II-Assas ; il prétend « être journaliste au Collège de France, et professeur au Figaro » et explique son intérêt pour la question du terrorisme par son passé militant au groupuscule d’extrême-droite Occident24.
18Les carrières croisées et la posture experte favorisent la porosité des discours et conduisent certains chercheurs à glisser dans leurs conclusions « savantes » des considérations politiques servant, le plus souvent, les intérêts de leur gouvernement. Ainsi en plein débat sur l’accord de Schengen, les Britanniques Wilkinson et Clutterbuck publiaient des ouvrages où, par le biais de l’équation immigrés-menaces (terroriste comme mafieuse), ils mettaient en garde contre le danger de l’ouverture des frontières25. Un ouvrage « scientifique » du premier s’accompagne d’une ardente promotion de la police britannique qui combat le terrorisme avec « un tel courage et un tel savoir-faire » et convainc « la grande majorité des citoyens en démocratie [...] qu’une force de police efficace est une amie inestimable et la garantie que sont préservées la paix et la sécurité intérieure26 ».
19Évidemment, aucun scientifique ne peut être tenu responsable de l’usage social qui est fait de ses recherches, ni être interdit de prise de position politique ou tout simplement citoyenne. Mais une réflexion épistémologique aussi bien que déontologique devrait en revanche s’imposer pour les spécialistes (et ils sont nombreux) qui assignent explicitement à leurs travaux la charge de participer à une lutte, quelle qu’elle soit, sans prendre la précaution de distinguer ce qui relève de leur « métier » de ce qui relève de leur engagement politique.
20Cette confusion volontaire des genres est d’autant plus dommageable sur le sujet du terrorisme qu’elle vient renforcer le problème méthodologique déjà épineux de la définition et des sources, dans un domaine où les services opérationnels jouissent du quasi-monopole de la documentation en la matière mais aussi de sa diffusion discrétionnaire. On pourrait même préciser que l’information vient presque exclusivement du département d’État américain qui range sous le vocable « terrorisme » toutes les initiatives violentes dirigées contre les États. Or les experts reprennent les statistiques officielles sans jamais s’interroger sur les circonstances de construction (et de variation) de la catégorie qui permettent, par exemple, un rapport de plus du simple au double du nombre d’attentats terroristes entre 1968-1977 selon que l’on prenne les chiffres de la Rand Corporation (1022) ou de la CIA (2698).
3. Le récit terroriste, un récit transgenre
21La confusion des genres explique le style si particulier des productions littéraires signées des dits experts : leur dimension parfois prophétique27, leur ton volontiers emphatique – « le terrorisme international est un affront à la civilisation28, » « le terrorisme a pour but l’asservissement de l’homme » ou encore « l’anéantissement des civilisations traditionnelles et des sociétés structurées29 » – et leur propension au sensationnalisme. Autant de traits qui les rapprochent du style journalistique, lui aussi friand en « révélations » et jugements à l’emporte-pièce. Il y a là une autre entorse majeure à la démarche scientifique : la « science » se confond alors avec l’opinion, au mépris du constat de Gaston Bachelard : « L’opinion pense mal ; elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissances30. » Beaucoup plus rares sont les auteurs qui, à l’inverse et conformément à ce que l’on attend généralement de l’expertise, s’attachent exclusivement à l’exposé minutieux et technique des modes opératoires du terrorisme31.
22Le comble de la confusion est atteint à la sortie d’ouvrages collectifs sous houlette (et caution) scientifique par la qualité du directeur ou de la maison d’édition, dans lesquels s’enchaînent les articles d’« experts » universitaires, de journalistes spécialisés, d’acteurs de la sécurité, et où se mêlent des articles sur des sujets extrêmement divers, quoique rassemblés sous le label commun de « terrorisme » qui devient alors synonyme de toute forme de contestation du pouvoir politique à travers les âges. Confusion entretenue non seulement, on l’a vu, par des formations universitaires sans universitaires, mais aussi par l’évolution du marché éditorial offrant à des non universitaires des directions de collections universitaires, comme « Criminalité internationale » aux Presses Universitaires de France, ou faisant se côtoyer dans une même collection « expert en management stratégique de l’information professeur à l’École de guerre économique », chercheur académique et chercheur d’institut privé ou de société de conseil aux noms mystérieux comme le « C4iFr »32 ou le « CF2R » (pour Centre français de recherche sur le renseignement). Une telle évolution renforce sans aucun doute la difficulté, pour les sciences sociales, à avoir une visibilité aux yeux du grand public, et les amalgame aux catégories d’essayisme, de journalisme et d’expertise, dans un maelström désormais fréquent sur les rayons « science politique » de bien des librairies...
23A l’instar d’un discours journalistique convenu, les livres de la plupart des experts, commandés par l’actualité, versent dans une psychologie qu’il faut malheureusement qualifier de bazar pour dresser le portrait-robot du terroriste : un intellectuel33 petit-bourgeois en situation de frustration due à sa médiocrité et souffrant de troubles psychanalytiques divers (conflit œdipien, paranoïa, schizophrénie, perversité, etc.). Les connotations sexuelles et/ou sexistes y sont fréquentes : telle femme se vengerait des hommes ou rejetterait sa féminité par le recours à la violence, tel militant compenserait une insuffisance physique par le surinvestissement phallique dans les armes...34
24Phantasmes et mythes circulent aisément, comme en témoigne par exemple en 1987 le « mythe du hamster » qui aurait joué un rôle dans l’arrestation des quatre membres d’Action directe : ils auraient été repérés par une enquête menée auprès des fournisseurs de nourriture pour hamsters. Aussitôt la rumeur courut suivant laquelle Nathalie Méningon alimentait ses bêtes de la sacoche de cuir de sa victime Georges Besse. Ce « détail métaphorique », pour reprendre l’expression de Clotilde Marchetti, si souvent présent dans le récit terroriste, suggérait la double monstruosité de la femme terroriste : elle compense le manque de maternité par une tendresse exagérée pour des rongeurs ; tueuse d’hommes et nourrice de bêtes, elle se rend, d’une certaine manière, coupable d’anthropophagie indirecte. Comme le souligne Clotilde Marchetti, « [Le détail métaphorique dans le récit terroriste] se fixe sur des détails anodins qu’il charge de mystères opaques ou de troubles coïncidences, comme pour rappeler que dans les sociétés pacifiées, l’usage de la violence conduit au retour inavoué des vieilles peurs anthropologiques, comme des ancestrales imputations divines. Cette forme magique émerge de manière tout à fait clandestine et dans une certaine mesure, cette métaphore réhabilite une forme atténuée de religiosité dans une société laïque35. »
25Bref, la petite histoire, voire l’imagination, tiennent fréquemment lieu d’analyse tandis que sont gommées les logiques sociales de construction de « dispositions » individuelles, les motivations idéologiques, le contexte général d’émergence du groupe, etc. Récit émotionnel, le récit terroriste tend vers le moralisme et le psychologisme. Il participe de la sorte à son niveau à la disqualification des terroristes qui passe par la mise en exergue de leur double indignité. Indignité politique puisqu’ils se voient dénier toute prétention à se rattacher à la tradition du Mouvement ouvrier, de l’Islam ou autre. Pire, ils contribueraient même à saper la cause au nom de laquelle ils ont pris les armes. Leur indignité morale, attestée soit par des turpitudes ou troubles psychiatriques supposés, soit par un passé douteux, justifierait de son côté que l’on porte sur eux une évaluation strictement criminelle voire pathologique, mais sans doute pas politique. Les récits journalistiques vont dans le même sens. Plusieurs analyses de contenu américaines des articles de presse consacrés à la question ont montré que les médias exercent clairement un contrôle social en contribuant à leur niveau à disqualifier la violence. Ils tendent très clairement à présenter les terroristes comme des déséquilibrés ainsi qu’à légitimer une riposte violente à leur encontre, tandis qu’ils ne mentionnent que marginalement (30 % des cas étudiés) la cause et les objectifs de l’action36.
26Là encore, il ne s’agit pas de pourfendre a priori les écrits à plusieurs mains, mais bien cette pratique qui consiste à ne rien entreprendre qui permettrait facilement au lecteur de savoir de quel point de vue parle tel ou tel auteur. Les mêmes experts autorisés sont invités par les médias à éclairer le phénomène de rhétoriques bien huilées qui fonctionnent à l’identique quels que soient le groupe, l’événement ou le contexte. Aucune faille ne peut venir ébranler l’édifice. D’où le caractère circulaire des discours tenus au « grand public » sur la question terroriste.
4. Le spectacle et l’effroi
27Les médias jouent une place centrale, tant dans la construction du terrorisme comme menace que dans la stratégie terroriste elle-même qui relève du théâtre37. Ainsi que le souligne Pierre Mannoni, « tout attentat terroriste s’efforce de revêtir les aspects d’un drame. Ce drame exige d’être, à la fois, "monté" et "montré" 38 ». Il trouve en particulier par la télévision les ressorts et ressources de son efficacité : se révéler sur la scène sociale et politique ; développer et amplifier l’action ; donner une impression de toute puissance ; s’assurer une emprise efficace sur le public en rendant les menaces crédibles ; renforcer la confiance des militants en eux-mêmes39. En bouleversant leurs programmes et en multipliant les émissions parfois à grands renforts de mise en scène (images d’attentats et d’entraînement, témoignages accordés en tenue de combat ou en combinaison de protection, etc.) et d’interviews alarmistes des dits-experts, les médias participent à l’amplification et à la propagation de l’effet de terreur induit par un événement terroriste. Le détournement de dix-sept jours d’un avion de la TWA par des chiites libanais en juin 1985 a par exemple occupé les deux tiers des JT du soir et donné lieu sur les trois principales chaînes de télévision étatsuniennes à 80 interruptions de programmes et à 500 sujets, soit une moyenne quotidienne de 28,840. Un tel matraquage médiatique exerce des effets immédiats dont ne peuvent que se féliciter les auteurs d’attentats. A la suite de ce détournement et malgré une probabilité infinitésimale de mourir à cause d’un attentat (1 pour 380 000), 1,8 million d’Américains ont renoncé à leur projet de vacances à l’étranger par ce moyen de transport41.
28La logique spectaculaire, voire publicitaire, de la stratégie terroriste a trouvé son apogée lors des attentats du 11 septembre, très clairement conçus, dans un montage mêlant réel et imaginaire de fiction, suivant les règles du drame : unité de temps, unité de lieu, surcharge de symboles42. L’effroi, au sens premier du terme, une « grande frayeur mêlée d’horreur qui glace et saisit » (Petit Robert), qu’ils ont suscité, n’avait jamais été atteint à ce point. Par leur scénographie et leur caractère à la fois rudimentaire (couteaux et sacrifice) et sophistiqué (avions, informatique), les actions combinaient en effet deux angoisses complémentaires des sociétés modernes : l’angoisse « futuriste » de la toute-puissance technologique aux conséquences imparables et l’angoisse « archaïque » de la mort de masse administrée artisanalement. En les déclenchant à l’heure d’ouverture des bureaux, leurs concepteurs étaient assurés de tenir en haleine des millions de spectateurs pour au moins la journée entière et finalement, à s’imposer en « une » des semaines durant. Et c’est là sans doute, dans la stratégie de l’attentat en direct, que réside la seule véritable innovation du 11 septembre. Le climat si particulier instauré par l’événement et par la surcharge en informations a probablement contribué à la diffusion de l’angoisse d’un attentat à l’anthrax qui a suivi.
29La question n’est pas celle de la « complicité » des médias et des terroristes qui conduirait à l’illusion qu’il suffirait, au prix d’une atteinte majeure à la liberté d’information, de tarir la source de communication pour étouffer le phénomène. Si, comme le souligne Roger Dufour, « derrière le journalisme d’information sur l’événement se glisse continuellement un journalisme de fantasmes43, » c’est parce que le spectacle terroriste répond aux attentes psycho-sociales du public. Le psychologue Pierre Mannoni en distingue quatre44 la libido crescendi ou le besoin de croire dans les convictions terroristes, particulièrement présent lors d’une attaque kamikaze par laquelle le militant donne sa vie à la cause, en raison du véritable défi que pose la violence sacrificielle à nos sociétés pacifiées ; la libido mutandi ou le besoin d’émotions fortes rompant avec la routine de la vie quotidienne ; la libido moriendi ou le goût de la mort qui induit l’identification à la victime ; la libido patiendi, ou le sentiment de culpabilité (du « nanti », de l’Occident, etc.) suscité par un acte qui passe pour être l’expression d’un désespoir.
30Tendanciellement, on peut opposer « logique experte » et « logique savante » sur le sujet du terrorisme par une différence de méthodes et de références : le droit et les études militaires pour l’une, mobilisés pour répondre à la question « comment » (prévenir le terrorisme) ; les sciences sociales pour la seconde et répondre au « pourquoi le terrorisme ?». « Supplément d’âme », celles-ci ne sont requises ou tolérées que pour autant que le « pourquoi » conduise au « comment ». A défaut, elles sont suspectes de complaisance à l’égard des terroristes. Tout se passe comme si l’objet terrorisme devait se dérober aux principes de base de la démarche scientifique. Son analyse a été en quelque sorte aspirée par le registre expert qui se prête assez aisément aux contraintes médiatiques pour produire un récit terrifiant et dramatique de la menace terroriste. Mais appréhender le terrorisme par la configuration des acteurs qui participent à la construction de la menace ne saurait être assimilé ou conduire à une négation du phénomène, car on a bien affaire à un type particulier de violence. Pour le comprendre, il faut faire de l’objet « terrorisme » un objet comme un autre, c’est-à-dire à la fois le dépolitiser, le dépassionner et le « désexpertiser ». Un tel programme passe sans doute et d’abord par l’abandon même du terme, mais aussi par sa réintégration dans le domaine de l’action collective, de façon à en comprendre la genèse et les dynamiques particulières.
Notes de bas de page
1 Lewis Coser, Les fonctions du conflit social, trad., Paris, PUF, 1982, p. 33.
2 Raymond Aron, Paix et guerre entre les Nations, Paris, Calmann-Lévy, 1962, p. 176.
3 Sur le sujet, voir Philippe Braud, L'émotion en politique, Paris, Presses de Sciences-po, 1996.
4 Pierre Mannoni, Les logiques du terrorisme, Editions In Press, 2004, p. 119.
5 D’après la distinction établie par S. Freud dans Au-delà du principe du plaisir. Repris dans Jean Laplanche et Jean-Baptiste Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, PUF, 1994, p. 128-129.
6 Jean Pierre Vernant, Mythe et religion en Grèce ancienne, Paris, Le Seuil, 1990, p. 37.
7 Expression reprise, légèrement modifiée, de Gérard Chaliand qui fustige les « vendeurs d'angoisse » dans sa préface au livre de Bruce Hoffman, La mécanique terroriste, trad., Paris, Calmann-Lévy, 1999, p. 9.
8 Expression de Xavier Crettiez (« Les modèles conceptuels d'appréhension du terrorisme », in Les Cahiers de la sécurité intérieure, no 38, 4e trimestre 1999, p. 214) qui prolonge l'analyse de Didier Bigo et Daniel Hermant dans « La relation terroriste », in Etudes polémologiques, no 30-31, 1984, p. 45-63.
9 Pierre Bourdieu, Jean-Claude Chamboredon et Jean-Claude Passeron, Le métier de sociologue, Paris, Mouton éditeur, 4e édition 1983, p. 36.
10 Bruce Hoffman, La mécanique terroriste, trad., Paris, Calmann-Lévy, 1999, p. 38.
11 Ibidem, respectivement p. 46 et p. 47.
12 Cette critique est reprise de mon ouvrage Le terrorisme paru chez Flammarion en 2000. Voir également « Du "terrorisme" comme violence totale ? », in Revue internationale des sciences sociales, no 174, décembre 2002, p. 525-533.
13 Walter Laqueur, Le terrorisme, Paris, PUF, 1979, p. 89.
14 Claire Sterling, Le réseau de la terreur, trad., Paris, Lattès, 1981.
15 Pour un exemple de cette vision globalisante, Xavier Raufer, Terrorisme, violence. Réponses aux questions que tout le monde se pose, Paris, J. J. Pauvert, 1984.
16 Didier Bigo, Polices en réseaux. L'expérience européenne, Paris, Presses de Sciences po, 1996, p. 266-278.
17 Didier Bigo et Daniel Hermant, « La relation terroriste », in Études polémologiques, no 30-31, 1984, p. 46.
18 « The discipline of terrorology » in Alexander George (dir.), Western State Terrorism, Cambridge, Polity Press, 1991, p. 76.
19 Paul Wilkinson, « Terrorism and Propaganda », in Yonah Alexander et Richard Latter, Terrorism and the Media : Dilemnas for Government, Journalists and the Public, Washington, Brassey, 1990, p. 27.
20 Par exemple le CF2R (Centre français de recherche sur le renseignement), créé en 1999, qui « se consacre à l’ensemble des domaines dits de la guerre secrète [...] a pour ambition de contribuer à une connaissance plus approfondie de ces sujets et à la diffusion d'une culture du renseignement en France. » Il est dirigé par un ancien professionnel des services de renseignement, Eric Denécé, qui vient de diriger Al Qaeda. Les nouveaux réseaux de la terreur chez Ellipses.
21 Clotilde Marchetti, Les discours de l'antiterrorisme : Stratégies de pouvoir et culture politique en France et en Grande-Bretagne, thèse de doctorat en science politique, université Paris I, 2003, Tome 1, p. 289.
22 In Clotilde Marchetti, op. cit., p. 438.
23 Analyse de Laurent Mucchielli, Violences et insécurité. Fantasmes et réalité dans le débat français, Paris, La Découverte, 2001, p. 36-37.
24 « J'ai fait partie de la dernière génération de gens qui, très jeunes, sont entrés dans l'OAS vers la fin des années soixante. Après ça, j'ai été militant dans un groupe d'extrême droite qui s'appelle le mouvement Occident. Au moment de mai 1968, il y a eu un quasi basculement [...]. La polarisation était devenue très forte. Et je sais très bien qu'à cet âge-là, on tue aussi facilement qu'on tue une mouche. Je veux dire qu'à ce moment là, armés et clandestins, on nous aurait dit : « Il faut passer à l'action », on l’aurait fait sans aucune espèce d'hésitation. Après, c'est comme le vélo : ça ne s'oublie pas. J'ai donc plus de facilité à me mettre à la place des gens et dans leur tête... j'en ai eu tous les réflexes. » Entretien accordé en 1998 à Clotilde Marchetti, op. cit., p 389.
25 Ibid., p. 260.
26 Paul Wilkinson, Terrorism and the Liberal State, London, Mac Millan, 1986, p. 143.
27 Ainsi Paul Wilkinson peut-il prédire les cibles futures du terrorisme international à partir des statistiques des dernières années : « Plus de la moitié des attentats contre des propriétés ou des bâtiments va vraisemblablement être dirigée contre des bureaux industriels ou d’affaires, environ 10 % le sera probablement contre des bâtiments diplomatiques et près de la moitié de ces 10 % concernera d’autres bâtiments gouvernementaux et militaires. » in Gérard Chaliand (dir.), Les stratégies du terrorisme, Paris, Desclée de Brouwer, 1999, p. 207. Quant au directeur du Terrorism Research Institute for Defence and Strategie Studies basé à Singapour, Rohan Gunaratna, il se dit convaincu qu’« étant donné la difficulté de pirater un avion pour le jeter contre une cible, Al Qaida investira de plus en plus dans des attaques à distance en utilisant des missiles portables sol-air » (in Gérard Chaliand et Arnaud Blin, dir., Histoire du terrorisme de l'Antiquité à Al Qaida, Paris, Bayard, 2004, p. 469). Rappelons, avec Pierre Bourdieu, Jean-Claude Chamboredon et Jean-Claude Passeron que « si, comme dit Bachelard, « tout chimiste doit combattre en lui l'alchimiste », tout sociologue doit combattre en lui-même le prophète social que son public lui demande d'incarner » (in op. cit., p. 42).
28 Walter Laqueur, The Age of Terrorism, Boston, Little Brown, 1987, p. 298.
29 Roland Jacquard, Les dossiers secrets du terrorisme : tueurs sans frontières, Paris, Albin Michel, 1985, p. 11.
30 Gaston Bachelard, La formation de l'esprit scientifique. Contribution à une psychanalyse de la connaissance objective, Paris. Les italiques sont de l'auteur.
31 Par exemple Jean-Luc Marret, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique, dans Techniques du terrorisme, Paris, PUF, 2000.
32 Le C4iFr est une société de conseil créée en janvier 2000, spécialisée en « intelligence économique offensive » qui entend « mettre à la disposition des entreprises les moyens et les savoir-faire dans l'identification et la gestion du risque informationnel ».
33 Xavier Raufer y ajoute l'« archétype » du « militaire frustré » in Terrorisme, violence, Paris, Pauvert, 1984, p. 29.
34 Pour le psychiatre et directeur du Aberrant Behavior Center de Dallas, David G. Hubbard, les pirates de l'air soit seraient schizophrènes soit présenteraient « des traits dépressifs paranoïdes et une forte tendance au suicide ». Ils auraient souvent eu « un père brutal et fréquemment alcoolique et une mère hypocrite, frigide, faisant souvent preuve de fanatisme religieux », et en commun une « passivité sexuelle », attestée par l'auteur par une première expérience sexuelle avec des femmes de deux à vingt ans plus âgées qu’eux... In The Skyjacker. His flight of Fantasy, New York, Mac Millan, 1971. Pour un exemple des approches psychologisantes en France, voir Jean Servier, Le terrorisme, Paris, PUF, « Que sais-je ? », 1992, p. 105-111.
35 Clotilde Marchetti, Les discours de l’anti-terrorisme. Stratégies de pouvoir et culture politique en France et en Grande-Bretagne, Thèse de doctorat de science politique, Paris I, 2003, tome 1, p. 210.
36 In George Gerbner, Violence et terreur dans les médias, Paris, Études et documents d’information de l’Unesco, 1989, p. 19.
37 Suivant le mot célèbre de Brian Jenkins : « Le terrorisme, c'est du théâtre », in International Terrorism and World Security, 1975, p. 16.
38 Pierre Mannoni, Un laboratoire de la peur. Terrorisme et média, Marseille, Hommes & perspectives, 1992, p. 127.
39 Ibid., p 152.
40 1 Bruce Hoffman, op. cit., p. 162. Il signale qu'au cours des années quatre-vingt, le sujet du terrorisme occupait plus de temps d'antenne que la pauvreté, le chômage et le crime réunis.
41 Ibid., p 185.
42 L’analyse qui suit est reprise d'un article écrit avec Xavier Crettiez, « Les attentats du 11 septembre. Continuité et rupture des logiques du terrorisme », in Annuaire français des relations internationales, 2002, p. 58-69.
43 Roger Dufour, « Les ressorts psychologiques de l’efficacité publicitaire du terrorisme », Études polémologiques, 1er trimestre 1986, p. 41
44 Pierre Mannoni, Un laboratoire de la peur, terrorisme et média, Paris, Hommes et perspectives, 1992, p. 114 et suivantes.
Auteur
Maître de conférences à l'université Paris I Sorbonne
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Imaginaire et création historique
Philippe Caumières, Sophie Klimis et Laurent Van Eynde (dir.)
2006
Socialisme ou Barbarie aujourd’hui
Analyses et témoignages
Philippe Caumières, Sophie Klimis et Laurent Van Eynde (dir.)
2012
Le droit romain d’hier à aujourd’hui. Collationes et oblationes
Liber amicorum en l’honneur du professeur Gilbert Hanard
Annette Ruelle et Maxime Berlingin (dir.)
2009
Représenter à l’époque contemporaine
Pratiques littéraires, artistiques et philosophiques
Isabelle Ost, Pierre Piret et Laurent Van Eynde (dir.)
2010
Translatio in fabula
Enjeux d'une rencontre entre fictions et traductions
Sophie Klimis, Laurent Van Eynde et Isabelle Ost (dir.)
2010
Castoriadis et la question de la vérité
Philippe Caumières, Sophie Klimis et Laurent Van Eynde (dir.)
2010