Pouvoir et religion dans le protestantisme1
p. 71-91
Texte intégral
La religion n’est donc qu'une forme particulière de l’espérance, et elle est aussi naturelle au coeur humain que l’espérance elle-même2.
La vérité, force motrice du religieux
1La figure biblique du prophète qui juge le roi, et l’Église sujet de la Couronne, fournissent les deux extrêmes de l’éventail des possibilités des rapports entre convictions (et institutions) religieuses et institutions (et convictions) d’ordre politique. Les rapports peuvent se décliner sur le mode de la suspicion mutuelle (les églises chrétiennes en Chine), ou encore sur celui de la collaboration dans le cadre d’une autonomie certaine des deux sphères (modus vivendi adopté par la plupart des pays de l'Occident) ou sur celui enfin d’une symbiose de plus en plus contestée (l’Italie, le Danemark). Les États-Unis représentent une situation particulière, puisque sur arrière-fond de stricte séparation entre l’État et l’Église, se nouent des alliances entre la politique et la religion qui ne laissent pas de surprendre de l’autre rive de l’Atlantique. Quand, en 1836, le colonel américain James Bowie reçut une mise en demeure du général mexicain Santa Ana, en prélude à la célèbre bataille de l’Alamo à San Antonio, il biffa la formule stéréotypée « Dios y federacion » (entendu la fédération mexicaine) et la remplaça par la devise « Dios y Texas ». Patriotisme et « civil religion » sont encore et toujours les principaux ingrédients du « bouillon de culture » américain, comme l’indiquent les résultats d’une enquête réalisée aux USA en 2003 selon laquelle 48 % des personnes interrogées pensent que Dieu a accordé une protection particulière à la nation américaine tout au long de son histoire3.
2Avant de soumettre à la réflexion quelques éléments « protestants » pour éclairer les articulations entre les réalités de la foi et les structures du pouvoir, je voudrais m’arrêter à la question différente, mais connexe, d’un pouvoir inhérent au religieux. Ce pouvoir n’est autre que la force qui conduit les croyants de telle ou telle persuasion à adhérer, et à aimer jusqu’à la contrainte qui leur est imposée. Le binôme religion et pouvoir doit donc être modifié pour accueillir de manière explicite un troisième terme : vérité. La quête du Dieu véritable peut conduire à la perte de soi et à l’aliénation du sujet, comme le montre bien – pour l’aire protestante calviniste – le romancier vaudois Jacques Chessex. Ecoutez l’effroyable finale des Confessions du Pasteur Burg. Acculé par son délire religieux, le jeune protagoniste s’apprête à s’immoler. « Maintenant je me tourne vers toi, Dieu vainqueur. Je sais que tu me connais entièrement : tu es le maître de mes pensées. Pourtant, je veux écrire ces mots encore, puisque tu ne m’as pas permis de te servir. Car j’ai voulu te servir, Seigneur Dieu, j’étais tien, gagné corps et âme, mais tu m’as déchiré et rejeté. A vrai dire tu as commencé par m’écraser, j’étais effrayé par ta force, par ta colère, et n’osais plus faire un geste. Ta voix couvrait toute autre voix de ses menaces, je me savais d’autant plus faible et misérable que je découvrais plus profondément ta puissance. Pour toi, j’ai souffert des désordres que je contemplais autour de moi. Te voir oublié m’humiliait. [...] J’ai appris ta justice et tes raisons. Oui, tu es juste. Mais ta justice me détruit, et je ne comprends pas le châtiment. Salut, Dieu, capitaine de la vie et de la mort. Je vais me présenter devant toi. Ainsi l’as-tu ordonné, j’en ai saisi l’ordre, je n’hésite pas. Je viens ! Je viens ! Je veux payer4. »
3En termes moins existentiels, on peut dire avec Marc Michel : « Le pouvoir, c’est avant tout le pouvoir de production et de reproduction de l’idéologie qui lui confère la source de sa légitimité, la capacité d’entraîner et d’entretenir l’adhésion sans laquelle son exercice serait ou impossible ou éphémère5 »
4J’avancerai pour commencer l’hypothèse suivante : la religion emprunte au politique le désir de pouvoir, et le politique emprunte au religieux sa passion de vérité (qu’il appelera justice)6.
5La vérité, étoile polaire des croyants, peut devenir dans les faits la bannière sous laquelle se sont perpétrés les pires mensonges, comme le montre avec véracité la fiction de Jacques Chessex. Le religieux ni le politique ne se tiennent à l’écart du tragique décrit par Paul Ricoeur dans un bref essai sur la « Règle d’or » : « L’action n’est pas seulement interaction, transaction, mettant en relation – et le plus souvent en conflit – une pluralité d’agents, mais relation asymétrique entre ce que l’un fait et ce qui est fait à l’autre, ce que l’autre subit. En ce sens, le problème moral naît de ce qu’une menace de violence est inhérente à la structure asymétrique de l’interaction ; dès lors que quelqu’un exerce un pouvoir sur quelqu’un d’autre en agissant, la possibilité de traiter autrui comme un moyen et non comme une fin est inscrite dans la structure même de l’agir humain7. »
6Le discours religieux – qu’on pourrait envisager à la manière d’une action – se meut en discours de pouvoir quand il prétend détenir, à côté des autres mais le plus souvent contre les autres, l’exclusivité de la vérité. La participation à la vérité enfin totale ou la vérité ultime l’autorise à prononcer la déchéance de toutes les autres vérités (partielles ou dénaturées). On ne peut nier la réalité de cette tentation propre aux trois monothéismes. Mais leurs « écritures saintes » ne sont pas univoques. Elles portent les traces de nombreux conflits internes d’interprétations. Ainsi, on y rencontre des affirmations triomphalistes à côté d’intuitions qui viennent briser ces prétentions. La Tanakh (la Bible juive que les chrétiens considèrent comme le Premier Testament) distingue Israël entre les nations. Ce particularisme indéniable d’une partie de la tradition est corrigé par des textes tout aussi canoniques qui traduisent une visée universaliste. Le Deuxième Testament contient des péricopes qui déclarent la supériorité de l’Évangile sur la Loi juive, mais d’autres péricopes affirment qu’il n’y a pas de solution de continuité entre les deux alliances. Le Coran, dans la sourate « La Table servie », revendique pour lui-même d’être le « livre en vérité » ou « le Livre avec la Vérité (Sourate v, 48) selon d’autres traductions. Cela semble disqualifier les autres « gens du Livre » ; toutefois, la notion même de gens du Livre (que l’on rencontre dans la sourate citée) pointe vers une pluralité de révélations.
7Pierre Gisel décrit bien la dynamique qui anime les « livres saints ». « Dès l’Écriture biblique, on voit en effet à l’œuvre une étrange dialectique où celui qui s’imagine être inscrit dans la vraie fidélité se trouve contesté et doit réentendre de l’autre, souvent de l’étranger (celui qui se tient en dehors de l’alliance), la nouveauté redonnée de la Parole ancienne dont il se réclamait, dont il croyait vivre. Dans les évangiles, cette figure de l’exclu ou de l’étranger prend tour à tour le visage des Samaritains, des péagers, des pauvres ou de l’occupant romain8. » L’étrange dialectique décrite par Gisel trouve sa justification, en termes bibliques, dans le désir même de Dieu, ce Dieu qui « choisit ce qui n’est pas, pour réduire à rien ce qui est9. » La contestation du statu quo et la mise en valeur de l’exclu ont été promues chevaux de bataille par les théologies de la libération, à la fois, il me semble, à juste titre et avec parfois une unilatéralité qui demande à être corrigée. Les paroles de Pierre Gisel, même si elles ne visent pas ces théologies de la libération, complètent le propos cité plus haut. « Et pourtant, la même texture biblique atteste aussi nettement que la foi ne nourrit ni n’entraîne une contestation de principe de l'alliance, de la particularité (élection comprise), ou de la vie en institution, avec ses références situées, son Écriture, ses symboles, ses rassemblements et leurs structurations propres. Il faut remettre ce point à l’honneur, à l’encontre de tout spiritualisme principiel, unilatéral, finalement inattentif aux conditions concrètes de l’existence humaine et de ses maturations réelles10. »
8Il existe un exercice du pouvoir au sein même du religieux, par la revendication du religieux de dévoiler la vérité, ou à tout le moins de connaître les lieux où la vérité se donne à voir. Il reste à s’interroger sur les diverses unions entre convictions (religion) et pouvoir, en acceptant donc, provisoirement, par le biais de la notion d’union, de les considérer comme des entités à la fois séparées et susceptibles d’être comparées.
Onction et sanction, don et contre-don, ou le religieux et le politique mutuellement asservis
9Selon Paul Ricœur, il a été admis, « jusqu’à la Révolution en principe, mais au-delà sous des formes résiduelles, que l’institution ecclésiastique et l’institution politique, bien que distinctes, se prêtent un mutuel appui, les deux lignes de force se rejoignant dans l’idée de pouvoir de droit divin. Le politique demande au religieux, représenté par sa hiérarchie, l'onction, c’est-à-dire le signe de sa sacralité ; en échange, l’institution ecclésiastique demande au politique la sanction du bras séculier pour ce qu’elle tient pour schisme et hérésie. Cet échange entre onction et sanction constitue une relation instrumentale croisée, où chacune des institutions reçoit de l’autre ce qui lui manque : la force spirituelle du sacré pour le politique, et la force physique de la contrainte pour le religieux, ou plutôt, l’ecclésiastique11 ». Dans l’analyse de Ricœur, le religieux (rétréci ici à la forme institutionnelle chrétienne de l’ecclésiastique) et le pouvoir politique sont tout de même deux dimensions séparées, se prêtant main forte par le jeu du don et du contre-don.
10Une critique plus radicale prétend discerner dans le « tournant constantinien » la faute originelle du christianisme. C’est à ce moment fatidique où il se serait allié avec le pouvoir au point de se confondre avec celui-ci qu’il aurait perdu son innocence et son intégrité morale. La chrétienté serait devenue, depuis lors, une parodie du politique : le césaro-papisme incarnerait les aspects les plus délétères du pouvoir, tout en ayant compromis, cela va de soi, ce qui faisait la grandeur de la Bonne Nouvelle. Voici un exemple typique du réquisitoire contre la chrétienté. « Né dans la contestation prophétique, le christianisme, d’abord désigné comme « la lie du genre humain », et considéré comme la menace subversive de l’équilibre du monde antique, ne résiste pas longtemps à s’approprier les dépouilles de l’empire romain au point de devenir, pour une large part, la religio civilis de l’Occident, au point de devenir, lui dont le Royaume n’est pas de ce monde, le meilleur allié du pouvoir politique12. »
11En conclusion de cette contribution, j'espère pouvoir rendre plausible une alternative à ce diagnostic pessimiste à outrance (l’inscription comme troisième voie, entre protestation et démission). Entre le Trône et l’Autel catholique romain, entre le Trône ou la démocratie et la chaire protestante, il a souvent existé une communauté d’intérêts, en dépit de querelles comme la crise du droit des investitures, ou le débat récent à la Cour suprême américaine sur le droit d’un étudiant à utiliser une bourse d’État pour étudier la théologie.
12La Réforme reproduit-elle simplement le mécanisme du don et contre-don, de Fonction et de la sanction qui rendent la religion et le pouvoir dépendants l’une de l’autre ? Ou bien est-on en droit d’y percevoir une exception (miraculeuse ?) à la pratique qui avait prévalu auparavant ? Indubitablement, on répondra à ces deux questions par la négative. Car il y a certes des spécificités protestantes dans l’attribution des compétences entre pouvoir spirituel et pouvoir temporel, mais les Réformateurs ont eu à cœur de gagner la confiance des princes afin de mieux asseoir leur propre pouvoir. Celui-ci se fondait dans leur esprit, faut-il le rappeler, sur la légitimité dérivée directement de la vérité ou de la révélation divines.
13La lettre-préface de l’Institution de la Religion chrétienne de Jean Calvin est instructive à cet égard. Le tout jeune Calvin cherche à persuader le roi François ier que les « Évangéliques » (tel était le nom que se donnèrent à l’origine les partisans de la nouvelle interprétation des Écritures) ne sont pas des rebelles, mais les meilleurs des sujets, contrairement aux calomnies dont ils font l’objet. Cette apologie de la cause réformée fait suite au geste de Martin Luther dans son Appel à la noblesse allemande. Luther y esquisse une relation d’obligation mutuelle entre le chrétien, sujet obéissant, et son seigneur temporel, le prince dit pour l’occasion « chrétien ».
14La Réforme représente de l’inédit, ne fût-ce que parce qu’elle vient briser le monolithe absolutiste de l’Occident (« un roi, une foi, un royaume »). El c’est à l’époque de la Réforme que le pouvoir du pouvoir temporel est circonscrit par la théologie devenue instance critique. En 1523, Luther publie De l’autorité temporelle et des limites de l’obéissance qu’on lui doit. Calvin l’imite – en ce point du moins – en développant la notion du respect conditionnel dû aux autorités. Calvin, comme Luther juste avant lui, estimait que les chrétiens devaient supporter un souverain injuste, voire un tyran. Seul Dieu pouvait, le moment venu, écraser l’infâme. Calvin a tout de même envisagé la possibilité d’une résistance au prince. Les instruments en sont les corps intermédiaires, en pratique les parlements.
15Il faut commencer par se reporter au traité sur la liberté chrétienne dans l’Institution de la religion chrétienne. « Il y a un double régime en l’homme : l’un, spirituel, par lequel la conscience est instruite et enseignée des choses de Dieu et de ce qui appartient à la piété ; l’autre, politique ou civil, par lequel l'homme est appris (enseigné) des offices d’humanité et de civilité qu'il faut garder entre les hommes13. » Calvin, en affirmant à la fois la liberté du chrétien et la nécessaire obéissance du citoyen, avance comme sur la corde raide. L’acrobatie consiste à établir que la liberté inaliénable – et véritablement « de droit divin », elle – n’affranchit le chrétien d’aucune manière des devoirs du monde politique, dût-il y subir les rigueurs du tyran. « Car il y a comme deux mondes en l’homme, qui se peuvent gouverner et par divers rois et par diverses lois. Cette distinction sera pour nous avertir que ce que l’Évangile enseigne de la liberté spirituelle, nous ne le tirions point contre droit et raison à la police terrestre, comme si les chrétiens ne devaient point être sujets aux lois humaines, d’autant que leurs consciences sont libres devant Dieu ; ou comme s’ils étaient exempts de toute servitude selon la chair, parce qu’ils sont affranchis selon l’Esprit14. »
16Le raisonnement pourrait sembler naïvement dualiste : ici-bas la servitude, ailleurs la vraie liberté surnaturelle, située en une espèce d’arrière-monde. Nul mépris pour le régime temporel chez Calvin, pourtant. Il « sert à cette présente vie, non pas pour nourrir ou vêtir les hommes, mais pour constituer certaines lois, selon lesquelles les hommes puissent vivre honnêtement et justement avec les autres. » Le régime civil ou politique possède, dans la lecture opérée par Calvin, une nature bienveillante, et des vertus civilisatrices et pédagogiques. Le réformateur ajoute ainsi un usage de la Loi aux deux fins que la tradition théologique lui reconnaissait : celle de convaincre l’humain de ses transgressions et donc de son péché, et celle de garde-fou pour prévenir les débordements violents. Le tertius usus legis calvinien est positif ; ce troisième usage, c’est d’aider les êtres humains « à vivre honnêtement et justement avec les autres ».
17J’attire l’attention sur le fait que les institutions profanes ne sont pas, ici, instrumentalisées dans une perspective exclusivement religieuse ; elles ne sont pas d’abord « justifiées » par leur capacité providentielle à faire régner la paix afin que l’Église puisse proclamer l’Évangile en toute tranquillité (comme le voulait une légitimation traditionnelle de la pax romana). Chez Calvin, il y a une attention à la cité des hommes pour ce qu’elle est : ce lieu d’apprentissage « des offices d’humanité et de civilité qu’il faut garder entre les hommes ». La loi civile, don du Créateur, sert le bien commun. Le réformateur se livre à une diatribe contre ceux qui contestent le troisième usage de la Loi : ce sont les protestants radicaux, notamment certains « anabaptistes », enflammés par la nouveauté du message réformateur. Calvin qualifie ces anomistes de « fantastiques ; » ce sont « ceux qui voudraient que les hommes vivent pêle-mêle comme des rats dans la paille15. » Il dit encore : « Aujourd’hui, il y a des gens forcenés et barbares qui voudraient renverser toutes polices, bien qu’elles soient établies de Dieu16. » (Cette polémique n’est pas toujours équitable, car les « anabaptistes » n’étaient pas tous des forcenés, naturellement).
18Trois siècles plus tard, Alexis de Tocqueville, dans son portrait du puritanisme originel des Anglo-Américains, décrit lui aussi une loi civile idéalisée, vivant en harmonie avec le pouvoir du religieux. « La religion voit dans la liberté civile un noble exercice des facultés de l’homme ; dans le monde politique, un champ livré par le Créateur aux efforts de l’intelligence. Libre et puissante dans sa sphère, satisfaite de la place qui lui est réservée, elle sait que son empire est d’autant mieux établi qu’elle ne règne que par ses propres forces et domine sans appui sur les coeurs. La liberté voit dans la religion la compagne de ses luttes et triomphes, le berceau de son enfance, la source divine de ses droits. Elle considère la religion comme la sauvegarde des mœurs ; les mœurs comme la garantie des lois et le gage de sa propre durée17. » Tocqueville rapporte un extrait des chroniques de Cotton Mather, célèbre pasteur de la Nouvelle-Angleterre. Vers 1650, un magistrat nommé Winthrop proposait cette apologie de la synergie du civil et du moral : « [...] il est une liberté civile et morale qui trouve sa force dans l’union, et que la mission du pouvoir est de protéger ; c’est la liberté de faire sans crainte tout ce qui est juste et bon. Cette sainte liberté, nous devons la défendre dans tous les hasards [...]18.»
19Il me semble que deux critiques peuvent être adressées à Tocqueville : la première vise son analyse du puritanisme américain comme une réalité quasiment sui generis. « Ces mêmes principes [l’idée des droits, de la vie politique, de la vraie liberté], inconnus aux nations européennes ou méprisés par elles, étaient proclamés dans les déserts du nouveau monde et devenaient le symbole futur d’un grand peuple19. » Or nous avons montré combien ces principes étaient contenus déjà, en germe, dans les travaux de Martin Luther et de Jean Calvin.
20Ensuite, le jeune voyageur français rappelle les instances où dans le nouveau monde le bras séculier était sollicité pour faire respecter les coutumes religieuses – les amendes infligées pour infractions au commandement du repos dominical, voire pour sanctionner le refus de participer au culte au moins une fois tous les trois mois, comme par exemple dans la législation du Massachussets, promulguée en l’année 1792 – mais il ne s’offusque pas de cette collusion patente entre les sphères d’influence.
21Revenons au potentiel critique de la théorie calvinienne. Dans le chapitre xx du quatrième livre de l’Institution, le réformateur attaque les défenseurs du pouvoir absolu. Aucune puissance temporelle, dit Calvin, n’est autorisée à inciter ses sujets à désobéir à Dieu : « comme si Dieu en ordonnant des hommes mortels pour dominer, leur avait résigné son droit !20. » Il fustige concrètement les « flatteurs des princes, magnifiant sans fin et mesure la puissance de ceux-ci, les faisant quasi jouter contre Dieu21. »
22La visée du traité sur le gouvernement civil n’en demeure pas moins théologique. Mais sans doute le caractère politique de certaines affirmations bibliques n’a-t-il pas été suffisamment pris en compte, comme si la référence au Christ leur enlevait toute pertinence pratique. Une telle diastase n’opère pas dans les écrits de Calvin. Il conclut sa « théorie politique » par la citation suivante, qui est donc la phrase finale de toute l'Institution : « Nous avons été achetés par Christ, si chèrement que lui a coûté notre rédemption, afin que nous ne devenions point esclaves des mauvaises cupidités des hommes, beaucoup moins [ni] de leur impiété22. »
23Quel est dès lors le régime politique susceptible de nuire le moins à cette liberté du chrétien chèrement acquise, et à la bonne marche de la vie en commun ? Calvin nomme la démocratie ou domination populaire « en laquelle chacun du peuple a puissance » ; ce n’est pas le type de gouvernement qu’il préconise, car là où le populaire possède l’autorité, il est fréquent, selon Calvin, qu’il suscite la sédition. Le Picard se méfie également de la monarchie, en raison de la propension des rois à se muer en tyrans23. En finale il propose une forme éclairée d’oligarchie. « L’espèce de supériorité la plus passable et la plus sûre est que plusieurs gouvernent, s’aidant les uns les autres, et s’avertissent de leur office ; et si quelqu'un s’élève trop haut, que les autres lui soient censeurs et maîtres24. » Ce système de conseils fait appel à des « magistrats constitués pour la défense du peuple », fonction que peuvent remplir « aujourd’hui en chaque royaume les trois états quand ils sont assemblés25 »
24Ce droit de censure exercé à l’encontre du prince par les citoyens peut-il aller jusqu’au tyrannicide, le cas échéant ? Calvin avait ouvert la brèche, discrètement ; des épigones s’y aventureront26. Quelques juristes et théologiens protestants, encore sous le choc de la Saint-Barthélémy, analyseront les conditions sous lesquelles la résistance au roi est légitime. Selon ces monarchomaques, si le pouvoir devient arbitraire et violent, le peuple n’est plus tenu par l’obligation énoncée par l’apôtre – selon le texte souvent invoqué de l’épître aux Romains, chapitre 13, cf. infra – de se soumettre à son autorité en tant qu’instituée par Dieu. Il est des cas où l’on peut destituer le souverain, puisque le pouvoir ne doit pas être absolu, mais responsable devant les représentants du peuple27.
25Entre la civilité et la culture (le religieux étant alors placé du côté des faits de culture), existe-t-il fatalement la rivalité décrite par Hélé Beji, et au vu de ce qui précède peut-on accepter son verdict : « Le religieux par exemple, qui est un critère culturel absolu, débouche en politique sur l’absolutisme28 » ? Le vœu d’André Gounelle, typiquement « protestant, » à la fois modeste et plein d’assurance, me semble représenter la potentialité anti-idolâtrique du calvinisme, avec son respect de l’intégrité des sphères du religieux et du politique. « Je ne prétends pas que l’évangile apporte des solutions aux problèmes de société. Je n’entends nullement identifier, amalgamer, ni même raccorder les principes proclamés par la devise républicaine avec les valeurs évangéliques. Je voudrais seulement indiquer que, même si on peut légitimement les concevoir et les pratiquer dans une perspective totalement différente, il existe aussi une manière chrétienne de comprendre et de vivre la liberté, l’égalité et la fraternité29. »
L’autorité venue de Dieu (Romains 13), ou le chiffre de la Bête (Apocalypse 13) ?
26Les protestants ont, me semble-t-il, lu et relu deux textes bibliques principalement quand il s’agissait de déterminer la nature du pouvoir qui leur faisait face. Ces deux textes déterminent chacun un tempérament : plutôt conservateur l’un, nettement apocalyptique-sectaire l’autre. Au chapitre 13 de l’épître aux Romains, l’apôtre plaide pour la subordination aux autorités, présentées comme ayant pour origine et par conséquent pour légitimation Dieu lui-même. « Que toute personne soit soumise aux autorités en charge. Car il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu », voilà l’exorde du chapitre 1330. Avec deux conséquences on ne peut plus sensibles : la justice pénale et la fiscalité : « Fais le bien, et tu en recevras des éloges ; car elle [l’autorité] est un instrument de Dieu pour te conduire au bien. Mais crains, si tu fais le mal ; car ce n’est pas pour rien qu’elle porte le glaive : elle est un instrument de Dieu pour faire justice et pour châtier qui fait le mal » (Romains 13, 4). Un texte auquel une tradition chrétienne séculaire s’est référée (et continue de se référer, aux États-Unis) pour justifier la peine capitale31, quoiqu’on trouve de fervents abolitionnistes motivés tout autant par leurs convictions chrétiennes ; il n’existe pas une théorie chrétienne de la punition32. L’apôtre poursuit l’argumentation : « N’est-ce pas pour cela même que vous payez les impôts ? Car il s’agit de fonctionnaires qui s’appliquent de par Dieu à cet office ». En finale de la péricope se trouve la règle générale de l’exhortation particulière adressée par Paul aux membres de l’Église locale de Rome : « Rendez à chacun ce qui lui est dû : à qui l’impôt, l’impôt ; à qui les taxes, les taxes ; à qui la crainte, la crainte ; à qui l’honneur, l’honneur » (13,7).
27Le mécanisme analysé par Ricœur, l’instrumentalisation croisée de Fonction et de la sanction entre pouvoir religieux et pouvoir politique, semble se réaliser pleinement dans le texte paulinien et sa réception. Si cela est indéniable, cela provient en partie d’un déficit herméneutique : on a oublié combien la parénèse de Paul est contextuelle. Or ici l’apôtre prend position par rapport à des mouvements séditieux au sein de l’Église romaine qui risquent de jeter un discrédit sur ce qui n’était encore qu’une secte récente d’origine juive. Grave méprise que de vouloir tirer de ces admonitions ponctuelles une théorie complète des relations entre les Églises et l’État, surtout si l’on tient compte de l’hypertrophie de l’État moderne. Après tout, « l’interface » entre le citoyen et l’autorité civile a longtemps été fort réduit : il se résumait, grosso modo, aux seuls domaines de l’impôt et du service militaire. Depuis la fin de l’Ancien Régime, avec la nouvelle privatisation de la religion, l’État a pris en charge des domaines naguère investis par l’Église, tels que la santé et l’éducation (s’y ajoute de nos jours une quasi-religion inédite, celle de la sécurité).
28Voyons l’autre grand texte de référence, aux antipodes : le pouvoir y est assimilé à l’Antéchrist. Jean, le visionnaire de l’île de Patmos, décrit une mondialisation avant la lettre. Le chapitre 13 de l’Apocalypse dénonce la domination mercantile de la Bête. « Par ses manœuvres, tous, petits et grands, riches ou pauvres, libres et esclaves, se feront marquer sur la main droite ou sur le front, et nul ne pourra rien acheter ni vendre s’il n’est marqué au nom de la Bête ou au chiffre de son nom. C’est ici qu’il faut de la finesse ! Que l'homme doué d’esprit calcule le chiffre de la Bête : son chiffre, c’est 666 » (13,16.17)33. Les exégètes s’accordent pour supposer que le nombre de la bête se traduisait, pour les premiers auditeurs, par le nom de l’empereur Néron (selon l’ancienne technique d’interprétation appelée gématrie). Par ailleurs, d’autres textes de facture apocalyptique se trouvent dans le corpus johannique. L’influence dualiste du gnosticisme oriental y est nettement présente, ainsi les passages qui départagent le monde, et l’histoire du genre humain, entre « l’empire des enfants des ténèbres » et celui des « enfants de lumière ».
29Nous savons que Jésus semblait opérer une stricte démarcation entre le pouvoir de Dieu et le pouvoir humain ; César a le droit d’exiger l’impôt. Quand, dans le récit de la passion selon Jean, Jésus comparaît devant Pilate, qui lui rappelle l’étendue de son propre pouvoir, Jésus rétorque : « Tu n’aurais sur moi aucun pouvoir s’il ne t’avait été donné » (19,22). Cela ne revient-il pas à reconnaître que le pouvoir politique – en l’occurrence, pouvoir sur la vie et la mort – a son fondement dans la volonté de Dieu, et que Dieu dès lors accorde un pouvoir légitime à des autorités qui ne le reconnaissent pas comme Dieu unique ? Voilà peut-être une clef pour comprendre le parti-pris paulinien exprimé en Romains 13. La finalité du pouvoir politique, l’apôtre veut croire qu’elle est le bien des sujets, plus précisément la protection des honnêtes gens et son corollaire, la répression de ceux qui font le mal. La visée, même si elle s’appuie sur la coercition (le glaive !) demeure la justice. Paul semble plaider pour une veule subordination au statu quo, mais il convient de ne pas oublier que l'autorité, pour lui, n’a de sens que dans la mesure où elle a pour tâche d’instaurer un ordre juste. Et la fonction du pouvoir temporel, idéalement, est l’incitation au bien. « L’autorité est au service de Dieu pour t’inciter au bien. » La pax romana rassure (ou aveugle) l’apôtre, qui n’envisage pas l’hypothèse où l’État devient démoniaque, où il cesse de remplir les fonctions pour lesquelles Dieu l’a établi – ou encore : où il ne répond plus aux réquisits du contrat social, où il incite au mal et qualifie d’acceptables la corruption et le mensonge, la délation et jusqu’à la torture.
30L’apôtre évoque la crainte de la colère des autorités contrariées comme motif d’obéissance ; ce n’est pas le seul. L’adhésion doit s’appuyer sur la conscience34. Jean Calvin y consacra un paragraphe dans la section de l’Institution intitulée « De la liberté chrétienne ». Prenant pour point de départ le terme latin cum-scientia – il aurait pu faire de même avec le mot grec syn-eidesis – Calvin écrit : « Quand les hommes savent ce que leur esprit a compris, d’où vient le mot de science, aussi quand ils ont le sentiment du jugement de Dieu, qui leur est comme un second témoin, qui ne souffre point d’ensevelir leurs fautes, mais les cite devant le siège du Grand Juge, et les tient comme enferrés : un tel sentiment est appelé con-science [...]. Une simple connaissance pourrait être, en un homme, comme étouffée ; c’est pourquoi la conscience est comme une garde qui lui est donnée pour le veiller et épier, et pour découvrir tout ce qu’il serait bien aise de cacher, s’il le pouvait. Et voilà d’où est venu le proverbe ancien : « La conscience est comme mille témoins35 » La conscience du chrétien devrait le persuader en cas de démonisation du pouvoir qu’il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes (Actes 5,29). Après la guerre de 1939-45, le pasteur Martin Niemöller, interné pendant huit ans dans les camps de Sachsenhausen et de Dachau, disait ceci : l’Église confessante allemande a dénoncé le danger mortel de l’État nazi quand celui-ci a voulu contraindre l’Église à appliquer, elle aussi, le « paragraphe aryen ». Cela impliquait l’interdiction de célébrer le repas du Seigneur entre chrétiens réputés « aryens » et chrétiens d’origine juive. Certes, l’Église a alors réagi ; mais, disait Niemöller : il était déjà trop tard. Les chrétiens auraient dû, « par motif de conscience », faire entendre leur protestation dès que le premier juif avait été envoyé en camp de concentration.
31Il ne fait pas de doute que la plupart des Églises protestantes se reconnaissent davantage dans les rapports de force esquissés par Romains 13 que dans la posture radicale d’Apocalypse 13 qui invite les croyants à « calculer le chiffre de la bête ». Mais le protestantisme, loin d’être monolithique, constitue en réalité une famille d’Églises, et la diversité de tous ceux qui de près ou de loin se réclament de la Réforme peut déconcerter. Entre la « gauche » – issue de l’aile « radicale », tels les anabaptistes, mennonites et Quakers – qui refuse tout serment et tout service militaire, et la « droite » qui, elle, estime normale la présence d’un aumônier au sein de l’armée, les divergences sont considérables. La situation de l’Église d’Angleterre est particulière. Elle est définie à la fois par une posture de subordination (il y a « suprématie royale » car l’Église est définie comme sujet de la Couronne) et par un pouvoir considérable ou « establishment » (puisqu’en contre-partie de la subordination à la Couronne elle est l’Église établie en Angleterre).
32La typologie wéberienne peut aider à interpréter la prolifération d’Églises, d’ecclésioles, de dénominations et de sectes « protestantes », pour autant qu’on se souvienne que Weber esquissait seulement des « idéal-types ». La première typologie wéberienne, la mieux connue, propose de distinguer entre les communautés de type « secte » et celles qui sont de type « Église ». Le terme secte est utilisé, ici, sans connotation péjorative ; il ne comporte pas de jugement sur des contenus hétérodoxes ou hérétiques ; il qualifie simplement la volonté de se « séparer » de la société. Une deuxième typologie oppose l’idéal-type « charismatique » à l’idéal-type « institutionnel ». On peut maintenant, il me semble, y ajouter le clivage autour des références scripturaires préférées : Apocalypse 13 contre Romains 13.
33La coloration sectaire-apocalyptique de certains discours présidentiels est, aux yeux d’à peu près la moitié du peuple américain, incongrue et dangereuse. Il n’est que de rappeler le discours de feu Ronald Reagan annonçant l’imminence de la bataille apocalyptique (« nom de code » : Armaggedon) ; ou celui de George W. Bush qui voulut discerner, parmi les ennemis des États-Unis, « l’axe du mal ». On songe alors à l’étude déjà citée de Paul Ricœur. L’intolérable, où se situe-t-il ? demande le philosophe, et il répond : « dans la pulsion toujours renaissante du pouvoir politique à dire la vérité au lieu de se borner à exercer la justice, ce qui est la suprême ascèse du pouvoir36. »
Les paraboles du royaume (Karl Barth), le démonique (Paul Tillich)
34Vers la fin du livre de l’Apocalypse survient la vision d’une cité de Dieu qui se substitue à la cité humaine : « Et je vis la Cité sainte, Jérusalem nouvelle, qui descendait du ciel, de chez Dieu » (21, 2.10). Cette nouvelle société qui n’est pas faite de main d’homme porte pourtant le nom d’une ville historique : Jérusalem. Certains protestants ont pensé que par leurs actions ils pouvaient préparer et même hâter la venue du Royaume ou de la Jérusalem nouvelle. La politique pouvait – y compris sans qu’elle le sût ! – contribuer à cette réalisation. Telle était la conviction de Walter Rauschenbusch, initiateur, aux États-Unis, dès la première décennie du vingtième siècle, du christianisme social ; de même dans le socialisme religieux, auquel appartenaient également des Juifs, tel Martin Buber, à côté des pasteurs Léonard Ragaz et Hermann Kutter, ainsi que Paul Tillich dans sa période socialiste, de 1926 à 1933. Selon Kutter, c’est Dieu qui instigue les socialistes à accomplir l’œuvre divine (Dieu le mène, 1903), car nolens volens le socialisme est l’instrument du jugement divin sur le « mammonisme » (l’idolâtrie du dieu argent) de la société capitaliste.
35Karl Barth était à la fois solidaire de cet engagement et soucieux d’appliquer une lecture spécifiquement théologique à la crise que traversait l’Europe. La tâche des chrétiens est d’édifier, ici-bas il va sans dire, des « paraboles » du Royaume de Dieu ; la politique est un instrument indispensable. Mais c’est à dessein que Barth utilisa le terme de parabole (« signe »), soulignant de la sorte que les actions humaines, provisoires et imparfaites, pointent seulement vers un avenir qu’elles ne peuvent atteindre. Elles maintiennent néanmoins l’espérance, parfois même sans le savoir. Cette espérance deviendrait mythique et finirait par mourir, comme elle a bien failli mourir de la parousie indéfiniment différée. Propulsés par l’espérance, les chrétiens accomplissent des signes prophétiques pour rappeler que le Dieu du Royaume à venir doit pourtant être annoncé hic et nunc37.
36Le « troisième usage de la Loi » si caractéristique de l’héritage calviniste inspira, je crois, la vision relativement optimiste de Karl Barth quant aux possibilités de l’action politique. Quand, octogénaire, il rencontre de jeunes étudiants en théologie, au début des années soixante, il leur rappelle ses années de pasteur débutant, dans la paroisse industrielle défavorisée de Safenwil en Suisse, et les deux choses qu’il a pu accomplir alors : rédiger un nouveau commentaire de l’épître aux Romains et... mettre sur pied plusieurs syndicats pour les travailleurs de la mine. Ces deux entreprises, Barth estime qu’elles furent d’importance équivalente et toutes deux occupèrent une place centrale dans sa vie d’homme croyant38.
37La trajectoire de Paul Tillich, son contemporain – il mourut en 1965, Barth en 1968 – était plus mouvementée et elle porta la marque, je crois, d’un autre héritage39. Le tempérament luthérien est coloré par un « ostinato » de pessimisme. L’anthropologie luthérienne affirme que l’être humain, tout entier « chair », c’est-à-dire finitude, est radicalement incapable de faire le bien, y compris dans ses (bonnes) œuvres religieuses. Davantage que Barth, Tillich fut donc attentif à l’ambivalence des utopies politiques, même au service d’une espérance eschatologique. Pour rendre compte de la tension, Tillich avait recours à la dialectique de l’autonomie et de la théonomie. C’est l’autonomie qui est « le principe porteur de l’histoire40 », mais elle est en permanence travaillée par la force de l’inconditionné (c’est ainsi que Tillich nomme ce que d’autres entendent par « le divin »). Le symbole du Royaume requiert les médiations autonomes de la vie politique et de la vie économique pour se réaliser. Sans de telles médiations, le symbole resterait un absolu désincarné – ici, Tillich est proche de la position de Barth quant aux « paraboles » indispensables – et il ajoute : il court le risque de devenir tyrannie, donc la perversion démonique d’une bonne intention. Seule une autonomie ouverte sur le principe spirituel d’une théonomie en processus peut échapper au tragique des pouvoirs humains, de la violence et de la méchanceté. Tillich pensait la théonomie non comme une hétéronomie masquée (comme ses détracteurs continueront naturellement de le croire), mais comme la dimension qui protège l’autonomie (légitime) contre elle-même. Mehl et Müller, en commentant l’apport de Tillich à la problématique de la religion et du pouvoir, disent que la théonomie a pour vocation d’être l’antidote d’éventuelles dérives vers l’idolâtrie ou de prétentions démoniques comme la soif d’absolutisme. Les médiations en sont du coup orientées par une signification qui les transcende (qui les « juge » en langage biblique), et qui les justfie41.
Les protestantismes, ce sans-culottisme de la religion
38Un ennemi juré de la Réforme et de la Révolution, Joseph de Maistre, soutint qu’elles furent conçues dans la même matrice. « Le protestantisme est positivement [de manière évidente] et au pied de la lettre le sans-culottisme de la religion. L’un invoque la parole de Dieu, l’autre les droits de l’homme ; mais dans les faits c’est la même théorie, la même marche et le même résultat. Ces deux frères ont brisé la souveraineté pour la distribuer à la multitude42. » Plus tard au xviiie siècle, certains protestants et philo-protestants revendiquent avec fierté le jugement du réactionnaire. Aujourd’hui, on s’accordera avec Jean Baubérot pour manier « une notion plus complexe de la causalité et l'on peut dire plutôt que le protestantisme – ou certains de ses éléments – a constitué une variable parmi d’autres dans l'enchevêtrement des faits sociaux qui ont contribué à faire émerger des sociétés démocratiques43. »
39Ajoutons un élément. Il touche au nom de Dieu. Comme Maurice Bellet le disait fort justement : « Il y a quant à Dieu une proposition incontestable, et une seule : Dieu est un mot de la langue française. » Il est donc possible d’étudier la fortune de ce mot. Or, une rupture est intervenue entre catholiques-romains et protestants en France, dans la manière de l'utiliser. « Dans certaines cultures, ce mot est un nom qui ne saurait être ni prononcé ni écrit. En France, dès que les chrétiens eurent à leur disposition la distinction entre le vouvoiement et le tutoiement, il sembla aller de soi que Dieu et son Fils avaient un rang tel qu’ils devaient être vouvoyés. On sait que les Réformés au xvie siècle furent fiers de leur nouvel usage : “Notre Père qui es aux cieux, Ton Règne vienne...”. L’usage des Réformés [...] amena les catholiques à s’installer dans le vous44. »
40Briser la souveraineté pour la distribuer à la multitude, tel fut le reproche réactionnaire à l’encontre des deux projets de la Réforme et de la Révolution. Le jugement comporte sa part de vérité : le christianisme est animé, entre autres, par une dynamique égalitaire. Elle inspire les Quakers dans leur plain living : ainsi, les hommes n’ôtent jamais leur chapeau pour saluer. Fe baptême est une affirmation de l’égalité en Christ, proclamée en attendant d’être réalisée pleinement : « Il n’y a ni Juif ni Grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme » (Galates 3,28). L’Église a imposé aux Barbares du nord la loi romaine qui prévoyait qu’il n’y eût de mariage sans consentement, une manière de signifier l’égalité des époux au moins à cet égard. Mais pour citer à nouveau Michel Despland et son brillant ouvrage Les hiérarchies sont ébranlées : « La société classique avait accepté un compromis avec des principes fortement inégalitaires. L’accommodement était si parfaitement entré dans les mœurs qu’il n’était plus perçu comme tel. A vie, on vouvoyait Dieu, le roi, le prêtre et son père - et on obéissait45. »
41La Réforme, contrairement à la dénonciation de Joseph de Maistre, n’avait pas brisé ces hiérachies, ces structures sacrées ; elle les avait tout au plus égratignées, avec sa critique du pouvoir solitaire et absolu, concrétisée par la proposition d’instaurer des conseils intermédiaires qui limitassent l’étendue du pouvoir temporel du souverain, toujours enclin à la tyrannie.
42Je voudrais aborder une autre question : en quoi l’exercice du pouvoir peut-il revêtir un sens religieux ? Les protestants, nous l’avons vu, écoutent de préférence soit Romains 13 (soyez soumis aux autorités, car toute autorité qui existe est instituée par Dieu) soit Apocalypse 13 (calculez le chiffre de la Bête). Deux appproches qui, pour divergentes qu’elles soient, ont en commun de situer le pouvoir à l’extérieur des croyants. L’autorité est une réalité d’où ils seraient eux-mêmes absents. C’est en effet le contexte historique de la prédication de Paul et de celle de l’auteur du livre de l’Apocalypse : ils s’adressaient tous deux à une poignée de personnes dénuées de pouvoir politique, au sein d’un Empire écrasant. Bien plus tard, Martin Luther et Jean Calvin diffusèrent la notion du « prince chrétien », dont la fonction principale semble être celui de protecteur : il sauvegarde un espace de liberté pour les chrétiens. Dans tous ces cas de figure, le pouvoir (« le magistrat » au sens ancien) est davantage craint qu’investi. Que dire du protestant qui serait lui-même magistrat ?
Promesses, réussites et échecs
43Des ouvriers démontent un monument en granit pesant deux tonnes et demi, où sont gravés les dix commandements. La Cour suprême américaine vient de se prononcer et vient de faire exécuter sa décision dans le dernier rebondissement d’un conflit burlesque opposant le juge suprême (« chief justice ») de l’état de l’Alabama, Roy Moore, ardent champion de la présence de l'héritage « judéo-chrétien » dans le domaine public, et la Constitution de son pays qui instaure une stricte séparation de l’État et des Églises. Le juge Moore refusa de faire enlever les dix commandements, alléguant que le christianisme est le fondement de la Constitution ainsi que de sa propre conscience. Les défenseurs du monument qui se massent à la cour de Montgomery, capitale de l’état de l’Alabama, portent des vêtements aux inscriptions militantes : « L’homosexualité est un péché, l’islam est un mensonge, l’avortement est un meurtre. » Les tables de la Loi divine installées sur ordre du juge Moore et enlevées à son corps défendant devaient présenter, selon lui, un appel à la conscience fort bienvenu à l’entrée du palais de justice ; elles y étaient les sentinelles de la justice transcendante, en quelque sorte. Mais la cour fédérale se doit de veiller à la neutralité des espaces publics (Au demeurant, je fais remarquer que le texte des dix commandements trahissait déjà sa particularité confessionnelle par le découpage propre aux bibles protestantes, différent de la version synagogale).
44Les vicissitudes de Roy Moore, juge chrétien, résument les contradictions de son héritage. Les législateurs de l’état de Connecticut se donnèrent un code de lois, en 1650, dont la partie pénale débutait ainsi : « Quiconque adorera un autre Dieu que le Seigneur sera mis à mort » (venaient ensuite une dizaine de dispositions tirées des livres du Deutéronome, de l’Exode et du Lévitique). Aujourd’hui, les crèches de Noël sont interdites dans les écoles et le matin les enfants qui y prêtent allégeance au drapeau américain n’ont plus le droit de dire « one nation under God ». Mais les travaux de la Cour suprême et les séances des deux chambres du Sénat commencent toujours par une prière.
45L’histoire du protestantisme est, elle aussi, un catalogue d’inconséquences. Elle est un kaléidoscope où l’on aperçoit le souffle émancipateur de ses grands principes tels que le libre examen et la liberté du chrétien, la séparation et l’autonomie des sphères politique, culturelle et ecclésiale, l’égalité de principe au moins des femmes et des hommes ; quelques réussites partielles, sur la base de ces intuitions inaugurales ; et, à n’en pas douter, des échecs. Car il y eut des persécutions politiques – pas seulement religieuses – à l’encontre de dissidents tels que les anabaptistes ; il existe toujours un extrémisme protestant en Irlande du Nord, et naguère l’apartheid en Afrique du Sud était un racisme fait système, de facture réformée. Ou considérons l'attitude des autorités devant l’occupant nazi aux Pays-Bas. Les élus néerlandais de culture calviniste, se référant à une interprétation littérale de Romains 13, ont dressé méticuleusement les listes des habitants juifs, et ont « donné » une proportion bien plus élévée de concitoyens juifs que les autorités de Belgique. Il y a matière pour une critique du protestantisme.
46Mais la légende dorée, où les chrétiens apparaissent comme saints et martyrs, héros et derniers garants de l’humanité, puise dans la même histoire que la légende noire. Le problème est que nous fait défaut la critériologie . Il reste indécidable si les actes d’un seul juste ou ceux d’une petite communauté (tel que le village « protestant » de Chambon-sur-Lignon) font contrepoids à des actes iniques, ou à la passivité de la majorité silencieuse. Un seul pasteur de l’Église confessante fait-il oublier les égarements des leaders chrétiens-allemands ? Mais à l’inverse, les prédicateurs d’une « théologie des plantations » qui dimanche après dimanche offraient des variations sur un thème unique, choisi dans l’épître à Tite : « Exhorte les esclaves à être soumis à leurs maîtres » peuvent-ils faire oublier que le ferment de l’abolitionnisme fut aussi l’Évangile ? Le père spirituel du méthodisme, John Wesley, ne publia-t-il pas, en 1780 déjà, un pamphlet de protestation contre l’esclavage ?
47Globalement, en dépit de notables exceptions, l’image qui se dégage de l'histoire du protestantisme est celle d’une confession inféodée au pouvoir. Cela explique la tendance, amorcée à la fin des années soixante, à un front commun entre différents mouvements d’émancipation d’une part, d’une nébuleuse appelée « counter-culture » et d’autre part, enfin, une théologie du christianisme réduit au simple message (putatif) des Évangiles, celui de Jésus le bon rabbi de Nazareth. On forgea alors le terme de communautés « exodales », littéralement qui se tiennent au bord des chemins du pouvoir. Ainsi un auteur déjà cité, Marc Michel : « S’il est vrai que l’irruption de la Parole est venue, en elles [ces communautés] rompre à tout jamais le mécanisme fatal du discours religieux, auront-elles la passion d'être, au milieu des nations, le signe brûlant d’une Parole autre ? Si oui, parce que ex-odales, elles se tiendront au bord des chemins du pouvoir, elles pourront de ce lieu qui est nulle part faire signe vers un Autre. Si non, elles continueront, pour leur honte, à trahir l’Exode en installation, à régir l'idéologie de la morale bien-pensante et à sévir au nom du Dieu-très-miséricordieux. Protestation ou légitimation, tel est le choix46. » Bien entendu, le débat est plus complexe, ne fût-ce que en raison des textes bibliques allégués. Au moment du départ sur les chemins de l’Exode, les anciens esclaves « empruntent » l’or de leurs maîtres. Ce fut la célèbre « spoliation des Égyptiens » dont les pères de l’Église firent une lecture allégorique afin de justifier les « emprunts » par les penseurs chrétiens à la culture païenne. Le peuple dut aussi un jour s’installer, et assumer (jusqu’à nos jours, diront certains) les conflits autour d’une Terre promise et d’une Terre ancestrale.
48La critique semble donc à son tour critiquable : le manichéisme qui oppose la protestation à la légitimation comme la lumière aux ténèbres est elle-même susceptible de se transformer en vecteur de violence et d’exclusion. Une troisième voie est praticable : celle de l'inscription. Car les chrétiens ne vivent pas, du moins durablement, dans l’utopie ou le lieu qui est nulle part : certains sont magistrats, policiers, banquiers et médecins. Le christianisme ne peut prétendre à ce lieu écarté, loin des échanges divers qui ensemble constituent ce que nous appelons « monde ». Le christianisme connaît de manière intime le pouvoir, comme nous l’avons brièvement indiqué dans l’introduction par la triade « religion, vérité et pouvoir ». Entre les deux extrêmes de la théocratie ou annexion complète du politique par le religieux, et des situations de précarité où une église affronte une dictature en tant que contre-pouvoir prophétique (comme le fait l’église catholique romaine sous le régime de Castro à Cuba), il existe de nombreuses configurations. Selon Paul Ricœur, il faut penser les relations « longues », qui exigent les médiations institutionnelles, à côté des relations « courtes » interpersonnelles et immédiates47. La manière de fonctionner de l’État privilégie les relations « longues ». Ainsi, la charité, si généreuse soit-elle, ne peut guérir des maux qui sont sociaux, et dont l’ampleur dépasse la capacité des seuls individus. Comme le souligne Ricœur, les chrétiens devraient accepter (comme tous les citoyens du reste) que, sans renoncer à agir personnellement, ils peuvent et doivent exprimer leur compassion pour autrui par la médiation d’institutions mis en place par l’État.
49Les deux éthiciens protestants Roger Mehl et Denis Müller soumettent à la réflexion une double mise en garde concernant l’articulation entre les domaines du religieux et du pouvoir. « L’autonomisation du politique, amorcée par les Réformateurs, radicalisée par les Lumières, ne saurait représenter le dernier mot de la pensée politique moderne, instruite des délires et des pathologies qui surgissent quand l’être humain en vient à revendiquer sa domination sur les autres êtres humains48. » Nous avons vu que les travaux du théologien germano-américain Paul Tillich sur le « démonique » et la démonisation éclairent cette ambivalence constitutive. Mehl et Müller lancent encore le caveat suivant : « La politique nous renvoie à notre ambivalence ; elle ne retrouve sa dignité et sa valeur, de manière ultime, qu’en référence dynamique à l’advenue incommensurable du Dieu de Jésus, ce Jésus livré sur la croix à la force aveugle des pouvoirs humains, tant politiques que religieux49. »
50Chez Matthias Grünewald, dont le retable d’Issenheim représente la Passion peut-être la plus célèbre de l’Occident, il n’y ni soldats ni bourreau auprès de la Croix. Une licence artistique dont la théologie n’a pas le droit de se prévaloir.
Notes de bas de page
1 Exposé donné le 27 octobre 2003.
2 A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, vol. I (1835) rééd. Paris, Flammrion, 1981, p. 403.
3 G. Younge, « God help America », The Guardian, 25 août 2003.
4 Jacques Chessex, Confession du Pasteur Burg, Paris, Christian Bourgeois, 1967, pp. 123 et ss.
5 M. Michel, « Pouvoir, vérité et discours religieux », in M. Michel (sous la direction de). Pouvoir et vérité, Paris, Cerf, coll. Travaux du CERIT, 1981, p. 10.
6 Voir la remarque de John Rawls : « La justice est la première vertu des institutions sociales, comme la vérité l'est pour les sytèmes de pensée. Une théorie aussi élégante et bien structurée soit-elle doit être refusée ou révisée si elle n’est pas vraie ; de même des lois et des institutions, aussi efficaces et cohérente soient-elles, doivent être réformées ou abolies si elles ne sont pas justes », A Theory of Justice, Oxford, Oxford University Press, 1971, p. 3.
7 P. Ricœur, Entre philosophie et théologie, I : la règle d'or en question, 1989, Lectures 3, Aux frontières de la philosophie, Paris, Seuil, p. 274
8 P. Gisel, L’excès du croire. Expérience du monde et accès à soi, Paris, Desclée de Brouwer, 1990, p. 13 et s.
9 i Corinthiens 1, 28, version Traduction œcuménique de la Bible.
10 Ibidem, p. 18.
11 P. Ricœur, « Tolérance, intolérance, intolérable », in Lectures I : Autour du politique, Paris, Seuil, 1991, p. 296.
12 M. Michel, op. cit., p. 14 et s.
13 Ibidem, Livre iii, xx, § 15.
14 Ibidem, iii, xix, § 15.
15 Institution de la Religion chrétienne, iv, xx, § 5.
16 Ibidem, iv, xx, § 1.
17 A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, op. cit., vol. i, p. 104.
18 C. Mather, Magnalia Christi americana, vol. ii, p. 13, cité par Tocqueville, op. cit., p. 102.
19 A. de Tocqueville, op. cit., p. 102.
20 Calvin, op. cit., iv, xx, § 32.
21 Ibidem, iv, xx, § 1.
22 Ibidem, iv, xx, § 32. Calvin cite saint Paul (i Corinthiens 7, 23).
23 Ibidem, iv, xx, § 8.
24 Ibidem.
25 Ibidem, xx, iv, § 31.
26 E. Fuchs et G. Grappe, Le droit de résister. Le protestantisme face au pouvoir, Genève, Labor et Fides, 1989.
27 Les deux principaux monarchomaques furent François Hotman (1524-1590) célèbre juriconsulte réformé, partisan de la restauration d’états génaraux coiffant le roi pour toute décision d’importance nationale ; et le disciple et successeur de Calvin, Théodore de Bèze (1519-1605).
28 H. Beji, « Le pluralisme culturel fonde-t-il un nouvel humanisme ? » in A. M. Dillens (sous la direction de), Le pluralisme des valeurs. Entre particulier et universel, Bruxelles, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, 2003, p. 17.
29 A. Gounelle, Dans la cité. Réflexions d’un croyant, Paris, van Dieren, 2002, p. 117.
30 Traduction : Bible de Jérusalem.
31 Cf. la critique détaillée de cette interprétation par le théologien mennonite (pacifiste) John Howard Yoder, The Politics of Jesus, Grand Rapids, Eerdmans, 1994 (deuxième éd. revisée de la version de 1972), p. 203. Yoder estime que l’épée représente le judiciaire et la police, à l’exécution de la peine de mort.
32 D. Forrester, Christian Justice and Public Policy, Cambridge, Cambridge University Press, 1997, p. 74.
33 Dans le code-barre qui régit de manière invisible la plupart des transactions contemporaines, ce chiffre comporterait 13 unités (le système européen s’étant imposé sur celui de l’empire américain à 12 unités).
34 R. Mehl et D. Mueller, art. « Politique », in P. Gisel (sous la direction de) Encyclopédie du protestantisme, Genève, Labor et Fides / Cerf, 1995, p. 1172-1175.
35 J. Calvin, Institution de la religion chrétienne, iii, xix, § 15.
36 P. Ricœur, art. cit., p. 310.
37 Ibidem, p. 117 et s.
38 K. Barth, Gespräche 1960-1964.
39 A. M. Reijnen, « Vers de nouveaux mondes : la migration dans l’œuvre-vie de Tillich », in M. Boss (sous la direction de) Mutations religieuses de la modernité tardive, Hambourg/Londres, LIT Verlag, 2002.
40 P. Tillich, « Kairos I », (1922), in Christianisme et socialisme, 1922, p. 146.
41 R. Mehl et D. Mueller, art. « Politique », in op. cit., p. 1180.
42 J. de Maistre, Écrits sur la Révolution, rééd. Paris, PUF, 1989, p. 239.
43 J. Bauberot, « Protestantisme et Démocratie », in Démocratie dans les Églises, Bruxelles, Lumen Vitae, coll. Trajectoires, 1999, p. 85.
44 M. Despland, Les hiérarchies sont ébranlées. Politiques et théologies au xixe siècle, Canada, Fides, coll. Héritage et Projet, 1998, p. 15.
45 Ibidem, p. 20 et s.
46 M. Michel, op. cit., p. 17.
47 P. Ricœur, Histoire et Vérité, Paris, Seuil, 1964.
48 R. Mehl et D. Mueller, op. cit., p. 1180.
49 Ibidem.
Auteur
Faculté universitaire de théologie protestante (Bruxelles)
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