Dieu et la littérature
p. 307-324
Texte intégral
Introduction
1« Les dieux sont les hôtes fugitifs de la littérature, prétend Roberto Calasso1. Ils la traversent, laissant leurs noms dans leur sillage. Mais ils la désertent très vite. Chaque fois que l'écrivain ébauche un mot, il doit les reconquérir. La mercurialité, qui préannonce les dieux, est aussi le signe de leur évanescence. Il n'en a pas toujours été ainsi. Du moins tant qu'une liturgie subsistait. L'entrelacement de gestes et de paroles, l'aura de destruction contrôlée, l'usage de certaines matières et non d'autres : voilà ce qui comblait les dieux, tant que les hommes crurent bon de s'adresser à eux »2.
2Apparition, disparition : entre ces deux événements, un bref instant de surgissement : dieu, théos — éclat, éclair, pour désigner que quelque chose a lieu. Dire d'un événement : « C'est théos/dieu », c'est signifier que ça naît, que ça surgit — que le bruit de fond divin se fait entendre. En revanche, suggérera Baudelaire, on peut qualifier d'« a-thos » le goût immodéré de la forme qui pousse à des désordres monstrueux à l'instar de l'imbécillité de celui qui regarde, fasciné, le doigt qui montre plutôt que ce que montre le doigt. Car quiconque se laisse absorber par la passion du beau quitte le terrain du juste et du vrai. Or, dans le domaine de l'art, une telle désertion équivaut à l'absence de l'art et, par conséquent, à la mort de l'homme. En effet, quand la catégorie du « beau » se dégage de l'obéissance au « vrai » et au « bon », un goût immodéré de la forme se développe et la passion frénétique de l'art dévore tout, y compris l'homme, y compris dieu. Rien ne demeure, à la fin — même pas l'art. Seulement des parodies. Car « là où il n'y a point de dieux, disait Novalis, régnent les spectres ! ». Un recours subsiste pourtant dans l'hypothèse d'une telle débâcle : derrière les dieux, en effet, à l'horizon sur lequel ils se détachent, subsiste le chaos d'avant toute création que certains nomment « le divin ». Il se pourrait donc, comme le pensait Mallarmé, qu'au-delà de dieu, voire en tuant dieu, l'on s'ouvre la porte vers le fond divin. On procéderait ainsi à ce genre de perte qui précède toute présence... Il ne m'étonnerait pas que la littérature soit depuis longtemps (toujours) passionnée par cette aventure — risquée.
Dieu et roman - perspective historique
Une tendance à se retirer du monde
3D'après Thomas Pavel3, dont la réflexion (fouillée, très bien renseignée) m'inspirera dans les paragraphes qui suivent, l'émergence du roman n'aurait été possible QUE dans un monde qui a découvert sa propre unité par rapport ou face à la puissance infinie de la divinité unique. Dans cette perspective, le personnage de l’ERMITE incarne à la fois l'extériorité du divin par rapport à l'univers visible et l'existence d'un individu qui, découvrant un idéal infiniment plus haut que ce que les contraintes, les lois sociales ne le laissaient imaginer, osera se dégager de celles-ci pour poursuivre celui-là. Se crée là l'image de l'individu « hors-le-monde » qui ne compte pas tellement s'imposer au monde que poursuivre un idéal de type transcendantal.
4La découverte de la divinité révélera bientôt à l'ascète la vanité de la vie parmi les humains. En sorte qu'au terme de son chemin — de purification, de « mort-au-monde » —, il acquerra l'indépendance individuelle par rapport à la communauté. Un schéma qui, manifestement, nous mène loin de celui qui prévaut dans la Bible où l'on remarque que Dieu, en donnant son appui à Abraham, par exemple, confère à la vie commune une cohésion et une persistance inégalables. Dans le livre de la Genèse, Abraham n'est pas élu seul au statut d'individu-hors-du-monde, mais bien toutes les nations avec et après lui.
5Notons que certains romans (qualifiés par Pavel d'« hellénistiques » — iie-ive s. PCN) chercheront à concilier, par le truchement du thème de l'amour vertueux et de la figure du couple hors-le-monde (entendons par là : choisi par Dieu et prédestiné au bonheur), l'exigence d'ascétisme formulée par la divinité transcendante et l'appel de la vie commune.
Ni tragédie, ni épopée : le roman est un genre neuf
6Qu'est-ce qui caractérise le roman par rapport à la tragédie et à l'épopée, les genres en vogue au moment où il émerge et par rapport auxquels il lui faudra se définir ?
7En un mot comme en mille, on répondra : la contraction, la fusion du foisonnement divin en l'inconcevable puissance d'une divinité unique et invisible, capable de rendre apparente la cohésion du genre humain en relativisant les thèmes du lien du sang et du patriotisme, singulièrement constitutifs du genre épique. L'épopée (on s'en tiendra ici à l'évocation de ce genre seulement : étant (formellement, thématiquement) le plus proche du genre romanesque, c'est lui aussi qui risquera surtout de lui faire de l'ombre, de le concurrencer, l'obligeant à trouver ses propres marques — quant à la tragédie, c'est le cas de dire que c’est encore une tout autre histoire...), en effet, a ceci de particulier qu'elle représente des personnages très enracinés dans leur appartenance locale, motif qui, à lui seul, justifie le conflit s'il est vrai qu'en l'occurrence on s'y bat pour sa terre. Un motif qui sera prolongé par/dans les récits de chevalerie où les héros qui aiment le monde et l’habitent avec bonheur s'affrontent afin d'y imposer une justice tout humaine, la leur, au point de ne laisser plus à Dieu qu’une place ornementale dans les hauteurs inaccessibles de l'univers. Dans le roman, en revanche, le héros capte l’appel de Dieu plus fort que tout devoir envers la cité. Pour ce personnage, le monde se révèle plein d'obstacles dont il ne viendra à bout que par la discipline, un respect pointilleux de l'ordre (divin), une tendance nette à faire place en lui à la spéculation, à l'intériorité, au sens du mystère.
De la puissance divine à la toute-puissance de l'ego
8Face au monde visible, apparemment désordonné et hostile, les héros de roman s'entendent à cultiver le détachement afin de trouver refuge dans leur vraie patrie spirituelle, c'est-à-dire leur intériorité, conçue comme une citadelle imprenable, une espèce de temple où la loi de l'ego remplacera progressivement la loi de Dieu, autrement dit : où l'autonomie (l'indépendance par rapport à Dieu) l'emportera à plate couture sur l'hétéronomie.
9Le problème, c'est que, une fois Dieu mis en boîte, l'ego va tendre à occuper tout l'espace disponible au risque d'entrer dans la spirale de l'homme loup pour l'homme, chacun cherchant à tromper les autres, à en rire, et à fuir en avant ! Dans un monde pareillement « athée », certains auteurs chercheront une échappatoire du côté de la société, lui accordant la place jadis dévolue à la divinité. Las ! le regard de la société n'est vraiment pas celui de Dieu — d'où certaines désillusions (qui constitueront la matière même du roman). En revanche, d'autres auteurs voudront réinvestir le thème de la « dépendance » à une divinité — en suivant la voie indiquée par Boccace, par exemple, lorsqu'il montre la vanité de l'amour détaché de toute transcendance, le danger de la curiosité excessive ou le malheur qui survient une fois qu'on a transgressé la norme (morale).
Un héros problématique dans un monde inauthentique
10Le premier axe, celui de l'autonomie régulée autant que possible par la société-dieu, a été remarquablement inspecté et décrit par Lucien Goldman dans un livre intitulé : Pour une sociologie du roman.
11Pour le critique (marxiste), qui écrit ici dans la mouvance de Lukacs et de Girard, le héros romanesque est problématique, et le roman raconte l'histoire d'une recherche dégradée (démonique) de valeurs authentiques dans un monde dégradé lui aussi mais davantage et autrement. Dans cet ordre d'idées, le roman s'impose donc comme le genre littéraire de la rupture insurmontable (mais pas radicale) entre le héros et le monde. Pas radicale, dis-je, car il existe tout de même une communauté entre le héros et le monde, l'un et l'autre dégradés eu égard aux valeurs authentiques, même si — et c'est là que réside la rupture —, la nature des dégradations est différente.
12Le héros, en effet, cherche inauthentiquement des valeurs authentiques dans un monde inauthentique, conventionnel, décidément et irrémédiablement dégradé, un monde qui a définitivement perdu son âme dans la dérive de la valeur d'usage, encore liée à une préoccupation pour la qualité des gens et des objets, vers la valeur d’échange, cadenassée par l’argument de quantité. Le héros, c’est celui grâce auquel la valeur authentique survit dans le roman, fût-ce implicitement, sur le modèle de la survie implicite de la valeur d'usage dans un monde voué à la production de valeur d'échange.
13Les créateurs, les romanciers, dans la mesure où ils restent orientés vers la valeur d'usage, se posent en marge de la société et deviennent des individus problématiques dont la pensée, le comportement, etc. restent dominés par des valeurs qualitatives sans qu'ils puissent les soustraire complètement à l’impact de la médiation dégradante qui pèse sur l'ensemble de la structure sociale. Sans doute ne sont-ils pas dupes du sort subi par leurs livres dans le monde. C'est pourquoi il leur faut mettre au point une tactique qui leur permette de rejoindre la valeur d'usage dans le détour par des valeurs dégradées soumises aux oukases des valeurs d'échange.
14Dès lors, il n'y aurait de création littéraire, explique Goldmann, que là où l'individu aspire au dépassement et se met en quête de valeurs qualitatives trans-individuelles. L'homme ne peut accéder à l'authenticité que s'il parvient à se concevoir et à se sentir partie prenante d'un ensemble en devenir — et à se situer sur un plan historiquement ou transcendantalement trans-individuel. Or, écrit le critique, la pensée bourgeoise, naturellement, nie tout sacré, tout dépassement... Comment, dans un tel contexte, l'artiste (et le héros qui le représente) pourrait-il ne pas être problématique, c'est-à-dire critique, asocial ? Comment la société ne le pointerait-elle pas au titre de « démon », un titre qui le renvoie bien dans un infernal jeu de miroir ? Or, le roman est, d'un certain point de vue, le terrain où les reflets s'enflamment.
Les limites de l'autonomie
15L'autre ligne romanesque, celle qui met en question la toute-puissance de l'autonomie, a été amplement investiguée par Dostoïevski, auquel Thomas Pavel accorde dans son ouvrage une place de choix. Avec les armes de l'idéalisme, Dostoïevski lutte contre l'idée, pourtant propre à ce courant, selon laquelle l'homme peut et doit se déclarer son propre maître. Sa croisade part d'une question simple : dès lors que l'homme se déclare son propre maître, comment s'y prend-il pour savoir s'il agit bien ou mal ? Car, si les humains sont autorisés à se donner leur propre loi morale, rien n'empêchera certains d'entre eux de promulguer une loi qui les favorise, eux, exclusivement, tout en condamnant leurs semblables — une loi qui les autorise à tuer, par exemple, comme c'est le cas de Raskolnikov dans Crime et châtiment ?
16Dans ce contexte, Dostoïevski est convaincu que : 1°) derrière l'action visible, le diable et le bon Dieu se livrent un combat où ils se disputent (comme dans le livre biblique de Job ou dans certains récits médiévaux) l'âme des protagonistes ; 2°) Dieu ne parle qu'aux âmes individuelles — alors qu'en ce qui concerne le crime collectif, la peur de la juste répression, autrement dit ; « la peur du gendarme », suffit à régler les problèmes ; 3°) l'existence de personnages comme Mychkine montre qu'à la différence des anti-idéalistes purs et durs pour lesquels l'imperfection humaine exprime la vérité incontournable de notre condition, « quelque chose » subsiste qui permet de ne pas désespérer de l'humain — « quelque chose » comme la sainteté contemplative, l'abnégation, une forme de perfection que personne ne peut revendiquer pour lui-même, mais qui est l'attribut d'êtres qui, à moins de souffrir d’une anomalie d'ordre physiologique, sont visiblement inspirés par la grâce divine : des personnages reconnaissables à une sorte de maladresse entée en fait sur ce genre d'humilité qui poussera saint Vincent de Paul, par exemple, à demander pardon aux personnes auxquelles il fait l'aumône. Ce qui caractérise ces « saints », c'est que s'ils ne doivent rien à l'autonomie, ils ne sont pas davantage déterminés par leur milieu ni définis par leur appartenance sociale.
17« Considéré dans son rapport avec le roman idéaliste moderne, écrit Pavel, Dostoïevski apparaît donc comme un des plus redoutables adversaires de l'enchantement de l'intériorité, tant que celui-ci a pour ressort la capacité humaine de découvrir et de suivre librement la norme morale. Laissés à eux-mêmes, nous dit l'auteur de Crime et châtiment, les hommes sont des êtres imparfaits, instables, inaptes à combler par leurs propres moyens le déficit moral qui les caractérise. Seule une perfection qui n'est pas de ce monde illumine parfois quelques élus. Aussi, se plaçant dans la tradition de la spiritualité orthodoxe, Dostoïevski recommande aux hommes de s'abandonner sans arrière-pensée à la bonté divine »4.
18Dans la même perspective, quoique d'un point de vue différent, Franz Kafka raconte l'abolition du lien social et religieux en ayant l'air de respecter les consignes ordinaires de la narration. Son objectif consiste à éclairer la question de la Providence et celle de l'autorité morale individuelle. C'est pourquoi, cherchant ses héros dans le quotidien le plus banal et les plaçant dans les situations les plus déconcertantes, il montre comment un cauchemar à la fois effrayant et cocasse peut (se) lever derrière la mince pellicule de la normalité. Typiquement, le héros kafkaïen s'entête à résoudre le problème au lieu de chercher, comme la plupart de ses congénères, à l'éviter en le contournant ou en faisant machine arrière ! Et Dieu, dans cette histoire ?... Il est absent ! Ce qui n’empêche pas que cette absence soit obscurément vécue, perçue, comme une anomalie — et que l'étrangeté, l'injustice excitent chez les protagonistes (et les lecteurs) l'idée — saugrenue ?... — que les choses ne peuvent pas en rester là ! Kafka parlera donc de la providence infiniment éloignée, tellement qu'elle laisse apparaître l'illusion de la normalité et la folie que donne la loi du monde. Un peu comme le suggère la fameuse théorie juive du Tsim-tsoum, c'est-à-dire du retrait de Dieu, ouvrant sur une liberté dont, le cas échéant, on aurait mal usé à force de mettre Dieu entre parenthèses.
Quelques éléments de théorie du roman
Le roman et la passion de connaître
19Dans L'art du roman, Milan Kundera cite Husserl qui proclame : l'humanité (européenne) se caractérise par une passion de connaître — et, singulièrement, de connaître les gens, le monde, les choses. Pour l'écrivain tchèque, il ne fait guère de doute que le roman réponde à cette requête, quoique de manière originale, sensiblement différente des sciences exactes et humaines. D'où, affirmera-t-il, l’on doit à Cervantès autant qu'à Descartes l'invention des Temps Modernes.
20Qui dit connaissance, assurément, soutient une préoccupation pour la question du vrai et du faux, de la vérité et du mensonge. Or, une des découvertes fondamentales du roman, qu'il semble avoir faite d'emblée, est une découverte de second degré, à savoir : qu'en matière de connaissance, rien n’est simple, que la vérité vraie de la connaissance moderne, c'est la complexité. Une proposition de laquelle on tirera cette conséquence morale : le roman constitue la pierre d'angle d'un âge nouveau voué au relativisme, au perspectivisme, à l'incertitude. Et l'esprit du roman ne sera jamais qu'un esprit de sérieuse insouciance et d'équivoque, incompatible avec quelque système totalitaire ou global que ce soit. Ce que proclame cet esprit urbi et orbi, c'est la vérité éternelle selon laquelle les choses sont plus complexes qu'il n'y paraît. Est-ce tout ? tout ce que le roman apporte ? tout ce qu'il est loisible de se demander à son sujet ? Le roman ne cultive-t-il, en définitive, qu'un souci épistémologique de nature scientifique ? Est-il obnubilé par la question de la vérité, fût-ce la vérité de la complexité, au point d'en oublier d'autres interrogations prégnantes au cœur de l'homme ? Force est de répondre non — et voici pourquoi...
Au cœur du roman, une préoccupation d'ordre éthique
21D'abord, parce qu'il est loisible de dire que si le roman lutte pour connaître, contre l'oubli de l’être, s’il cherche à dévoiler des aspects inconnus de l'existence humaine, des possibilités ignorées, oubliées de l'être (Todorov), c'est non seulement, comme le pense Kundera, pour effacer un péché, une paresse de l'homme en matière de connaissance, mais pour résister à une déchéance, c'est-à-dire, si l'on veut bien suivre Heidegger sur ce terrain mouvant, un retrait de l'être qui, somme toute, ôterait l'être à lui-même, à ce qui le constitue. Pour Heidegger, le problème de l'oubli de l’être fonde la préoccupation éthique — que le roman, entre autres, relaie à sa manière. Cet oubli n'est pas une faute de l'homme seul, mais un événement. Et cet événement, le philosophe allemand n'a guère de peine à le sortir de l’ombre : il s'agit de rien moins que de l'emprise de plus en plus flagrante du règne de la technique dans le monde moderne, du triomphe de l'individualisme intempestif, de l'évacuation comme une malpropre de la théologie au profit d'un humanisme un peu banal et plat. C'est pourquoi l'on est autorisé à tenir que, si le roman lutte contre l'oubli de l'être, c'est, entre autres mais pour une large part, pour se révolter contre l'être en tant qu'il se retire — et le provoquer à changer, à se convertir. Car, l'être qui se retire, c'est précisément ce que Xavier Thévenot, théologien, appelle le mal. Et que la longue familiarité du roman avec le mal (Julien Green n'écrivait-il pas, jadis, que « le mal est au roman comme le bois est à la table » ?) lui donne quelques avantages dans la lutte à mener contre lui, fût-ce, simplement, en le dévoilant.
22En ce sens, il paraît assez clair que la tâche du roman se déploie aussi dans le champ de l'éthique, de la morale. Le roman a trait au bien, écrit Michel Dupuis. Il peut être mû de l'intérieur par l'amour (participer à l'élan de cette formule célèbre de saint Augustin : « Caritas capax verbi », qu'on traduirait par « L’amour fait parler »). Pas de raison, dès lors, de croire qu'il ait, pour exister en tant que tel, à se crisper sur la question de la vérité, de la connaissance vraie. Le bien aussi est censé le préoccuper : le bien que l'amour pointe : l'amour qui fait d'un corps sans reliques une vraie valeur ; l'amour qui fait d'un corps une parole et non seulement une chose. Le roman peut donc à juste titre se préoccuper du bien, même si cela constitue, il faut l'avouer, un souci autrement plus compliqué à cultiver que celui du vrai. Impossible certitude, en l’occurrence !
Un exemple flagrant : Avelino Pared, dans La nuit du décret de Michel del Castillo (Point/Seuil)
23Exemple : Avelino Pared, dans La nuit du décret, de Michel del Castillo. Le jeune inspecteur de police Santiago Laredo vient d'apprendre sa mutation de Murcie à Huesca où il va passer sous les ordres d'Avelino Pared, un policier fameux, auréolé de mystère. Perplexe, il mène discrètement sa petite enquête afin d'éclairer sa lanterne à propos de son chef. Bientôt fasciné par la personnalité de Pared, Laredo en vient à se poser cette question vertigineuse : que peut-on savoir d'un homme ? Enquêteur hors de pair, policier fanatique et froid, adorateur de l'ordre et contempteur du Christ, Pared tient sur Dieu des propos surprenants.
24Un jour qu'ils conversent, Laredo et lui, Don Avelino, qui vient de passer à des considérations générales sur la police, se lance dans un discours dont les résonances théologiques étonnent son jeune interlocuteur : « A Caïn, dit-il, Javeh ne pose qu'une question : "Qu'as-tu fait de ton frère ?". Question exemplaire qui les contient toutes. Les naïfs s'imaginent en effet que la police interroge pour découvrir la vérité. Mais, mon cher Laredo, comment découvrirait-elle la vérité, si elle ne la possédait pas ? Il peut arriver, il est arrivé à Colomb de découvrir l'Amérique en croyant avoir trouvé les Indes, qu'il était parti chercher. Dans la police, ces erreurs de navigation sont rares et d'ailleurs à déconseiller. Mieux vaut s'en tenir à ce que le premier policier de l'Histoire, Javeh, nous enseigne : questionner sur ce que l'on sait déjà. C'est aussi cette sagesse que les inquisiteurs, modèles de toutes les polices, pratiquaient en interrogeant les suspects assis sur l'orthodoxie. N'oubliez pas ceci, mon cher Laredo : la police, avant que d'être une institution d'ordre, est une orthodoxie. Le dogme, voilà son fondement. [...] Rappelez-vous la question de Javeh. Il ne dit pas à Caïn : "Je sais que tu as tué ton frère, je t'ai vu l'assassiner". Non, Il lui demande : "Qu'as-tu fait de ton frère ?", et Il matérialise un œil qui poursuit partout le criminel en fuite, exaspérant son remords, l'acculant à la folie. Cette question, cet œil, c'est toute la police, mon cher Laredo. La question : ne trouvez-vous pas significatif que le mot ait, durant de longs siècles, été synonyme de torture ? Car Javeh torture Caïn, n'est-ce pas ? Il aurait pu le foudroyer, l'anéantir. Mais non. Il s'acharne sur lui. Il le précipite dans le délire, troublant son sommeil, hantant ses rêves, sans lui accorder le moindre répit. Torture propre, sans violence physique, d'un raffinement sublime : un œil grand ouvert suffit à ronger la vie du meurtrier, une question indéfiniment répétée le jette dans le désespoir »5.
25Plus tard, ayant fait constater à Laredo que Dieu, qui savait que Caïn tuerait son frère, n'a rien fait pour l'en empêcher, Pared poursuit en montrant quelles conséquences inouïes induit la nécessité du Mal impliquée par l'attitude du Créateur : « Cela signifie que Dieu lui-même renonce à empêcher le crime, s'inclinant devant la toute-puissance du Mal »6.
26Et lorsqu'il évoque l'épisode où, jeune écolier, Laredo avait usé de la délation pour aboutir à ce que son instituteur, Angel Linarès, soit écarté de l'école, Pared, loin de blâmer son subalterne bourrelé de remords au souvenir de ce triste épisode, l’en félicite au contraire, quoique de manière détournée, en disant : « Croyez-vous au Christ ? J'entends à Jésus, le Christ, au Rédempteur, non pas à Dieu. [...] Pour un policier [...] il s'agit, voyez-vous, d'une question essentielle. Dieu protège la Loi et donc aussi la police. Mais le Fils... Rappelez-vous l'épisode de la femme adultère. Sa réponse à ceux qui lui demandent s'il faut ou non appliquer la Loi, son persiflage cruel, ce dédain dont il fait preuve, cela constitue la condamnation de toute police. A la simplicité de la Loi, à son évidence rigoureuse, Il substitue un commandement trouble, qui ruine la possibilité d'un ordre exact. A ce passage, je réfléchis souvent. D'une certaine façon, il a raison, n'est-ce pas : il en appelle à la loi du cœur contre le code. Il fonde les rapports entre les hommes sur la conscience du sentiment, ce qui ne peut que séduire les femmes et les artistes. Pour ma part, fit-il en baissant la voix et en plongeant son regard dans le mien, je refuse cet attendrissement nauséeux. Je choisis l'ordre contre la confusion informe, le code, avec toutes ses imperfections et ses duretés révoltantes, contre ces béatitudes larmoyantes. Dans cette attitude, le repentir ni le remords n'ont leur place. A-t-il donc fait preuve de pitié envers Caïn, ce Javeh qui, sachant le crime dont le cœur de cet homme se délectait, ne l'a pas empêché de verser le sang du juste ? Et notre doux et larmoyant prophète lui-même qu'a-t-il tenté pour sauver Judas du désespoir ? »7.
La singulière vérité du roman : un franc souci de compassion
27En fait, affirme Tz. Todorov, le romancier n'est pas tellement soucieux de peindre le monde mais une expérience du monde — or, la force de l'expérience ne se confond pas avec la vérité d'adéquation mais elle se mesure à l'écho du texte qui, s'il persiste, nous garantit qu'il nous approche de la vérité. Peut-être non pas celle, calculante, qui a la cote dans l'univers technique, mais celle, méditante, qui s'entend à « dévoiler ». Je veux parler de cette vérité qui ne se contente pas de l'exactitude des faits, mais va en profondeur, au cœur des soucis et des préoccupations, là où aucune interprétation ne peut être déclarée seule ni définitivement vraie, pour révéler le sens caché des gens, des choses — et de Dieu s'il s'avère qu'on peut le découvrir partout pourvu qu’on veuille le chercher et se tenir prêt à le rencontrer.
28« Le roman, écrit M. del Castillo, exige un effet de compassion, l'identification à l'autre, l'abandon de soi ; la théorie, au contraire, parce qu'elle frôle sans cesse l'orgueil, s'accommode de la négation de l'autre, de la proclamation de sa propre vérité. Toute théorie tend à atteindre sa plus parfaite cohérence et, de ce fait, écarte les opinions divergentes, les réfute, les ridiculise, les tue. Que si on lit attentivement Marx, ou même Freud, on découvre très vite cet impérialisme mortifère, les notions de classe ou de pulsion s'enflant, envahissant tout l'espace de l’homme jusqu'à l'étouffer. La lutte des classes aboutit ainsi au règne de la seule classe triomphante, qui s'édifie sur les cadavres de toutes les autres, souillées de bourgeoisisme ; la pulsion dégénère en instinct de mort qui dévore l'histoire, engendre les guerres. Attitude idéologique aux antipodes de l'art, du roman notamment, qui vit, quand il vit, de tensions contraires et de complexité, comme si l'artiste ne pouvait créer qu'en se dédoublant et en exposant ses contradictions. Ce qui induit en lui cette compassion lucide, ce pathos maîtrisé par le rythme qui fondent l'humain. D'où qu'il ne puisse y avoir d'art que religieux, de religere-relier entre eux des éléments disparates, réconcilier les contraires, faire se toucher le haut et le bas, le crime et la vertu... ».
29Dans les essais, affirme pour sa part Emesto Sabato8, l'auteur cherche la cohérence et doit être assez univoque tandis que, dans les romans, le personnage étant ambigu, comme dans la vie réelle, on est projeté dans l'univers des corrélations où la logique du « et » l'emporte sur celle du « ou » qui a toujours garanti la non-contradiction. On respecte les contradictions, on s'y attarde même, on les travaille : on ne cherche pas d'abord à les éliminer ou à les réduire. Ainsi, la littérature pourrait-elle bien être un lieu d'expression majeur de la réconciliation de l'homme avec lui-même, avec les autres, avec le cosmos — voire avec Dieu, fût-ce pour le découvrir, à l'instar de Borgès, lui. Dieu parfait, tout-puissant et omniscient, telle la plus grande création de la littérature fantastique !
30En ce sens, la littérature, et singulièrement le roman, a de quoi jouer le rôle du retour du refoulé au sein du discours de la raison moderne s'annonçant comme raison finie, c'est-à-dire athée — et l'on entend par là, « inaltérable », sans place pour quoi que ce soit d'autre, absolument pure et sans déchet. Je pense à cette réflexion de Pascal Quignard, dans Les ombres errantes :
31« Il est difficile de dissocier les notions d'hygiène, de morale, de sacrifice, de pensée, de racisme, de guerre. Nous épions l'autre, le non-classifié social ou sensoriel, le parasite, la souris, la salive, le marginal, les habitants des interstices (les araignées et les mulots ou les scorpions ne sont jamais ni dedans ni dehors), les universitaires autodidactes, les mammifères poissons, les juifs chrétiens, les mères célibataires, l'eau non potable, les habitants des frontières, qu'il s'agisse des territoires, des pays ou des corps, le sperme, les épingles, les rognures d'ongle, la sueur, la glaire, les revenants, les phobies, les fantasmes (qui piratent le mur qui devait séparer la veille du sommeil). L'art est une production parasitaire. Celui qui fait surgir ce qui jusqu'à lui n'est pas appartient au règne de l'inapproprié. Il n'est pas à sa place. C'est la définition même de la saleté : quelque chose n'est pas à sa place »9.
32J'imagine que le Dieu judéo-chrétien, tellement artiste qu'on le dit créateur, ne rougirait pas d'être peu ou prou lié à/par cette définition ! Dans son histoire avec Job, il contribue à mettre en scène le mystère résistant et opaque du mal tel qu'il se propose dans un monde que les conceptions religieuses majeures (y compris chrétienne), excessivement préoccupées de pureté et obsédées par le thème du sacré (c'est-à-dire par la séparation du pur et de l’impur) ont largement déserté — non toutefois sans que se maintienne la figure du sujet coupable, sans un Dieu aux pieds duquel déposer sa faute pour en être absous, pardonné — en sorte que là où les hommes engendrent la mort, Dieu fasse rejaillir la vie.
Connaître, comprendre, soit, mais pourquoi ? Pour compatir...
33Face au mal, à la souffrance, on peut être tenté soit de porter seul, héroïquement, le péché du monde, soit de SE porter humblement, par un élan du cœur au secours du prochain que sa souffrance condamne à la passivité. On ne peut certes transférer la souffrance de l'un à l'autre, de l'homme souffrant à l'homme agissant censé lui venir en aide. Mais reconnaître le Christ, dans l'enseignement chrétien, n'est-ce pas comprendre que ce transfert est rendu possible par lui, grâce aux paroles qu'il a dites et aux attitudes qu'il a adoptées et dont les croyants font mémoire durant l'eucharistie, non pas pour le plaisir de se les répéter, mais pour les rendre performantes, efficaces ?
34Une des paroles dites par Jésus sur la croix m'a toujours confondu. C'est lorsque, regardant la foule qui le conspue après avoir voulu le faire roi, il prie son Père en disant : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font ». Parole bouleversante, car elle laisse entendre que celui qui commet le mal est plus à plaindre que celui qui le subit. Comme si le choc en retour de la violence sur celui qui la commet était plus redoutable que le crime lui-même. En sorte que le mal commis exige de moi (a fortiori si j'en suis la victime) de le traiter comme souffrance de celui qui le commet. N'est-ce pas là la force paradoxale de la douceur : cette mystérieuse aptitude à prévenir la souffrance de la violence ?...
35L'amour des ennemis, dans l'Évangile, exprime moins le devoir de non-violence face au mal commis, qu'il n'invite à considérer l'acteur de la violence comme victime de sa propre action violente ! Il y a quelque chose de cela chez Dostoïevski, par exemple, quand le meurtrier (Raskolnikov, e.a.) voit dans l'épouvante d'autrui à son égard l'horreur indicible qu'il a de lui-même. Ce renversement évangélique de l'action en son pâtir tient du miracle ! La douceur de Sonia à l'égard de Raskolnikov, son abandon, dévoile la peur à l'origine du mal. Elle renvoie l’acteur du mal à l’angoisse de sa propre action sans le juger mais en le comprenant — et cette compréhension est bien une compassion. Car « ce » sur quoi elle lève, c’est la conviction que toute mauvaise action est en elle-même subie plus qu’elle n'est agie. Faire le mal, c'est s'exposer à pâtir de la mauvaise action commise. Seule la compassion (c’est-à-dire le partage commun des souffrances subies) ouvre la violence au dialogue déchirant et rédempteur avec sa victime.
36Ce que suggère Dostoïevski, à travers ses récits, c'est qu'il existe pour le criminel une voie mystérieuse lui permettant d'échapper au dilemme qui le tenaille. Entre la tentation de rejeter sa victime comme un fantôme terrifiant et l'invention d'un sacrifice susceptible de le dédouaner par rapport à sa victime, une voie moyenne se laisse entrevoir qui consiste à accueillir dans son propre récit-confession le point de vue de l'autre souffrant et muet. Cette parole commune, ce dialogue entre coupable et victime, fonde l'agir humain sur le souci pour la détresse d'autrui.
37Le nouveau commandement, c'est d’aimer son prochain comme soi-même. Réconciliation de soi avec autrui, qui est rendue possible, e.a., par la volonté de donner forme et mots à l'existence d'autrui. L'agir compatissant, ce passif agissant, écrit Frédéric Boyer, est l'acte même qui accomplit le sens de l'Écriture. On retrouve là l'efficacité de ce que les linguistes appellent : « une parole performative », c'est-à-dire une parole qui fait tellement bien ce qu'elle dit qu'elle débouche sur une résurrection. Il est possible d'imaginer, donc, ce que Joseph de Maistre appelait « la réversibilité des douleurs de l'innocence au profit des coupables ». Dans ce processus, le rôle de la parole est considérable : il faut en effet que soit raconté le crime pour sauver de l'insignifiance la passivité muette de la victime. D'où la nécessité pour Dostoïevski (et pour d'autres, bien sûr) de raconter la violence. L'« intéressement » du bourreau aux souffrances de sa victime qu'accomplissent (éthiquement) les arts, appelant de notre part interprétation et activité, constitue sans doute un des plus grands motifs d’espérance aujourd'hui, à une époque où le spectre de la destruction étend son ombre de manière toujours plus menaçante.
38Car, il faut le savoir : le chemin de l'amour croise celui de la violence, singulièrement la violence de la jalousie, de la haine, de la destruction. Or, il y a dans la violence du jaloux ce désir de possession qui retourne la beauté qu'il convoite en force destructrice. Comme si l'amour, et la rencontre des sexes, devaient indiquer aux hommes la possibilité d'une autre voie dont rien ne peut nous promettre qu'elle ne (re)doublera pas le malheur, qu'elle ne sera pas la parodie terrible de la violence et de la haine.
39Dans ce contexte, le doux (qu’on prendra aussi bien pour un idiot), incapable d'aimer ou de haïr, mais seulement capable de bonté — et de compassion —, invite à chercher une caution à la vérité de l'échange avec autrui du côté du désir (actif/libre) de partager ses souffrances. Le doux/innocent/idiot est donc celui qui dénonce par sa tendresse et sa douceur le régime cruel de l'amour passion orienté vers le chaos.
40Dans L'Idiot, Dostoïevski propose, avec le prince Muichkine, de faire de la compassion le seul sceau de l'amour humain possible — car elle seule peut rendre crédible la douceur face à la violence et à la pulsion autodestructrice de la passion. Pour le doux, il n'y a qu'une seule façon d'aimer : c'est d'aimer l'autre comme soi-même. Parce qu'il ne saurait envisager la moindre différence entre soi et les autres, l'innocent partage tout. Las ! la compassion peut aller jusqu'à son renversement. La pitié peut devenir homicide. Car, lorsque le doux est incapable d'être aimé, incapable de vaincre le mal par la douceur, il se peut qu'autour de lui, l'on consente au mal, parce que l'infinie passivité de l'amour du doux n'est plus qu'une copie malade et impuissante de la violence d'autrui. Oui, l'innocence peut alors se révéler complice de la mort.
Conclusion
41Au XIXe siècle, Durkheim avait proféré cette maxime selon laquelle « le religieux est le social » — non tellement parce que le religieux aurait perdu son territoire que parce que le social aurait peu à peu largement empiété sur ses terres, en se superposant à lui d'abord, puis en s'infiltrant partout pour en venir, finalement, à l'englober. Dès lors, la théologie sociale est devenue toute-puissante, l'une de ses caractéristiques majeures étant la toute-puissance totalitaire vu que, désormais, plus rien ne serait censé échapper à ses prises et son emprise.
42Dès lors, la société est devenue le sujet au-delà de tous les sujets — un sujet pour le bien duquel tout se justifie.
43Or, voilà : pour ceux qui répugnaient à ce phénomène, un signe de reconnaissance a subsisté, que le mot « littérature (romanesque) » — en tant qu'il signifie la résistance au sens unique, au totalitarisme, ou à l'oubli (au négationnisme) — a, fût-ce partiellement, recouvert en maintenant ouverte la porte sur une autre réalité que celle à propos de laquelle « tous » se sont « unanimement » mis d'accord !
44A quoi la comparerait-on ? A un fond fuyant, peut-être, irréductible, imprenable, immaîtrisable — quelque chose comme une connaissance qui se laisserait d'autant moins subordonner aux autres qu'elle se saurait intimement traversée par un principe d'inquiétude, de questionnement — d'infini !...
45« La littérature n'appartient jamais à un sujet singulier, affirme Roberto Calasso. Les acteurs sont au moins trois : la main qui écrit, la voix qui parle, le dieu qui surveille et impose. [...] Nous pourrions les appeler le Moi, le Soi et le Divin. Entre ces trois êtres a lieu un processus continu de triangulation. Chaque phrase, chaque forme sont des variations à l'intérieur de ce champ de forces. D'où l'ambiguïté de la littérature. Car le point de vue se déplace sans cesse entre ces extrêmes, sans nous en avertir. Et, parfois, sans en avertir l'auteur »10.
46Cette ambiguïté, pour gênante qu'elle semble aux yeux de quiconque s'est coincé dans la logique du « 2 + 2 = 4 », n'en constitue pas moins la sauvegarde d’un principe d’altérité, d’une ouverture vers autrui, autre chose, ailleurs et autrement. Ainsi, la question de la vérité n'est jamais close une fois pour toutes, et une inquiétude subsiste qui empêche tout honnête homme de se livrer à la paresse. Et quand même elle ne serait pas probable, l’expérience du divin reste possible. Le tombeau du Christ est vide : une case reste vide dans mon jeu de « casse-tête chinois ». Ce défaut est une chance : il préserve la possibilité du jeu, il met le sens en jeu. Si je le veux, je puis remettre l'ouvrage sur le métier. Cette invitation, le roman n'a de cesse de me la lancer, encore et encore...
Notes de bas de page
1 R. Calasso, La littérature et les dieux, Gallimard, 2001.
2 Ibidem, p. 13.
3 Th. Pavel, La pensée du roman, Gallimard, 2003.
4 Ibidem, p. 341.
5 M. Del Castillo, La nuit du décret, Point/Seuil, p. 235.
6 Ibidem, p. 236.
7 Ibidem, p. 302-303.
8 E. Sabato, Résister, Seuil, 2002.
9 P. Quignard, Les ombres errantes, p. 106-107.
10 R. Calasso, La littérature et les dieux, op. cit., p. 173.
Auteur
Théologie, littérature
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