L’autobiographie et le journal intime comme contemplation rétrospective de Dieu. À propos d’Etty Hillesum et d’Ignace de Loyola
p. 281-305
Texte intégral
1Etty Hillesum, jeune femme juive vivant à Amsterdam, meurt le 30 novembre 1943 à Auschwitz à l’âge de 29 ans. Elle laisse derrière elle des écrits d’une richesse tant spirituelle que littéraire : un journal, composé de onze cahiers1, et 73 lettres2 écrites d’Amsterdam ou du camp de transit de Westerbork3.
2Le présent article porte principalement sur ces écrits, ainsi que sur la contemplation chez Ignace de Loyola. Est-il possible de relire l’expérience spirituelle d’Etty Hillesum à la lumière de la contemplation ignatienne tout en sachant que des différences irréductibles séparent nos deux auteurs ? Bien qu’Etty ait fréquenté plusieurs auteurs chrétiens, dont ceux du Nouveau Testament, rien n’indique qu’elle ait cru à Jésus comme Christ et Messie. On peut supposer toutefois qu’elle se soit identifiée à la souffrance de Jésus4. Etty aurait été influencée par la conception chrétienne de la souffrance, mais sans se convertir au christianisme. Mon étude se défend de toutes formes de récupération d’Etty. Mais est-il possible de mettre en évidence certaines similitudes sur les chemins spirituels de nos deux auteurs sans se faire faussement interpréter ? J’ose en relever le défi.
3Dans la contemplation ignatienne, on distingue quatre étapes5 imbriquées les unes dans les autres, de sorte qu’il est possible de reconnaître en même temps, dans une expérience spirituelle, différentes composantes de celles-ci. On ne peut pas séparer ces étapes comme s’il s’agissait de périodes successives et ordonnées, ni enfermer dans un cadre le processus contemplatif avec ses prolongements et ses rythmes. Chaque expérience spirituelle est complexe et garde son caractère unique ; aucun cadre théorique ne peut prétendre la contenir ou la définir. Les quatre étapes de la contemplation ignatienne sont à considérer comme une aide en matière de discernement spirituel, spécialité d’Ignace6. Les étapes se superposent et s’entremêlent ; elles ne se succèdent pas les unes aux autres par mode d’élimination. La vie contemplative chez Ignace, malgré toutes les particularités propres à chaque expérience individuelle, est toujours un décentrement du je en vue d’une union au tu de Dieu, union d’amour entre la volonté humaine et la volonté de Dieu. La personne cherche Dieu partout, en tous et en tout : la personne devient un chercheur de Dieu.
4Mon étude se divise en quatre parties, m’inspirant des quatre principales étapes dans la contemplation ignatienne. Acquérir la liberté intérieure en se décentrant de tout ce qui fait obstacle à la relation entre le je de la personne et le tu de Dieu (1ere partie). Chercher et reconnaître Dieu en tous et en tout (2e partie). Par reconnaissance et par amour, chercher à unir sa volonté à celle de Dieu (3e partie). Et devenir ainsi une collaboratrice ou un collaborateur de Dieu au cœur du monde dans le service pour les autres (4e partie).
5Ces quatre étapes, aussi présentes chez Etty que chez Ignace, sont à relire quotidiennement par ce qu'Ignace appelle l'examen de conscience. Etty, tout comme Ignace, avait la conscience d’avoir une tâche à accomplir, un héritage à laisser. En plus des Constitutions et des Exercices7, Ignace nous a laissé un journal, le récit du Pèlerin, écrit de 1553-1555, alors qu’Etty nous a laissé un journal tenu entre 1941 et 1943. Quatre cents ans séparent ces écrits, mais derrière l’écriture de chacun se trouvent, articulées différemment, quelques questions analogues : comment parvenir à une saine indifférence par rapport à tout ce qui retient captif et empêche d'atteindre la liberté du cœur ? Comment chercher Dieu en toutes choses et concilier présence au monde et présence à Dieu ? Peut-on vivre une authentique vie contemplative hors du cloître, au cœur même d'une vie séculière ? Peut-on être un contemplatif au cœur du monde, un contemplatif dans l’action ? Soulignons que pour l’époque d’Ignace, il s’agit ici d’une première : « Au XVIe siècle, une vie toute donnée au service de Dieu n'est guère concevable en dehors du cloître ou du couvent »8. Mais Ignace perçoit justement le service au cœur du monde comme un effet jaillissant de l'union entre la personne humaine et Dieu. Etty partage le même objectif qu'Ignace : celui d’aider les autres. Etty cherche à se connaître et à se comprendre, afin de pouvoir en aider d’autres qui se poseront peut-être les mêmes questions qu’elle. Mais avant d’aborder le thème de la liberté, situons Etty dans son contexte bouleversé et bouleversant.
Etty Hillesum
6Etty naît le 15 janvier 1914 à Middelburg, en Zélande. Fille de Rebecca Bernstein et Louis Hillesum, Etty a deux frères cadets, Jaap, étudiant en médecine et Mischa, le benjamin, musicien au talent exceptionnel. Ils ont une santé psychologique très fragile, particulièrement Mischa qui souffre de schizophrénie. La famille Hillesum ne pratique pas la religion, mais n’a toutefois pas rompu explicitement avec la tradition juive. En 1939, Etty termine des études en droit public, études qui ne l’ont jamais vraiment intéressée. Mentionnons cependant sa large culture philosophique et littéraire et sa facilité pour les langues (néerlandais, allemand, russe et français). Le contexte historique, à l’intérieur duquel sont rédigés les écrits d’Etty, est celui de la Shoah. En mai 1940, la Hollande est envahie par les nazis qui amorcent un processus de destruction économique du patrimoine juif. Depuis 1937, Etty vit à Amsterdam chez Han Wegerif, comptable retraité, qui loue des chambres dans sa maison. Le 3 février 1941, Etty fait la rencontre d’un psychologue et chirologue9, Julius Spier, avec lequel elle entreprend une thérapie tout en travaillant pour lui comme secrétaire. Leur relation est ambiguë et jalonnée périodiquement de touchers sexuels. Fiancé à une jeune femme vivant à Londres, Spier transmet à Etty son idéal de fidélité qu’ils tenteront plus ou moins maladroitement de respecter ensemble. Ancien patient et collègue de Carl Gustav Jung, Spier est imprégné par cette approche psychanalytique. Sous la guidance de ce dernier, Etty entreprend un combat afin d'atteindre une authentique liberté intérieure.
1ère partie : le décentrement et la liberté intérieure
7« Pour parvenir à cette indifférence et à la liberté du cœur, il [Ignace] s'efforce de maîtriser par le renoncement habituel tout amour désordonné du monde et, par l'abnégation, toute affection désordonnée de lui-même »10. La première étape de la contemplation chez Ignace fait prendre conscience des biens reçus, de l'amour de Dieu, de la relation à soi-même, aux autres et à Dieu. Cette prise de conscience conduit à une prière d'abandon. J. Stierli écrit : « La première chose offerte est la liberté ; elle inclut tous les autres dons. [...] Elle est le centre et le noyau de l'anthropologie ignatienne, comme celle qui rend possible le don de soi à Dieu »11.
8Le 8 mars 1941, Etty commence la rédaction d’un journal. Elle a l’impression qu’au fond d’elle-même se trouve une pelote ligotée maintenue serrée comme dans un étau par quelque chose12. Mais par quoi ? Comment se libérer de ce qui la retient captive ? Julius Spier pourra-t-il l’aider ? Il lui apprend l’importance de se connaître et de maîtriser ses passions. Etty éprouve la pénible sensation d’un désir insatiable devant la beauté des êtres et du monde. Elle est semblable à un jeune enfant qui cherche à tout mettre dans sa bouche : « Quand je trouvais belle une fleur, j’avais envie de la presser sur mon cœur ou de la manger »13. Dès qu'Etty possède l’objet de son désir, dès qu’elle répond à ses impulsions, elle en retire un sentiment de tristesse et de profonde solitude. Qu’il s’agisse d’un paysage, d’un homme ou de son besoin d’écrire, son instinct de possession lui procure un sentiment d’insatisfaction et d’isolement. En fait, Etty ne possède rien du tout, ce sont les choses qui possèdent son cœur et le maintiennent captif. Tout ce qui l’attire devient source de souffrance. Asservie à ses appétits et ses passions, elle se sent comme une misérable prisonnière agglutinée dans sa geôle. Etty veut à tout prix se discipliner pour se libérer. La discipline extérieure est ce qui importe le plus tant et aussi longtemps que la discipline intérieure n'est pas acquise14.
9A cette étape-ci de sa vie, la première forme de liberté à atteindre est une maîtrise de ses passions qu’elle compare parfois à un chien devenu fou ou à un cheval sauvage qu’il faut brider ou encore à de petits enfants agités et bruyants qui courent dans tous les sens au plus profond d’elle-même. Elle s’impose une discipline de vie tant extérieure qu’intérieure. Un processus d’introspection lui permet d’identifier les attaches, aussi subtiles soient-elles, qui l’empêchent de vivre librement. Ce ne sont pas les êtres ou les choses qui sont la source de sa souffrance, mais le rapport qu’elle entretient avec eux : un rapport qui paralyse le dynamisme de l’amour et la marche spirituelle. Etty écrit : « Tant de petites échardes de mon je obstruent le chemin vers une région plus vaste »15. Une région au plus profond d’elle-même où l’attend une rencontre étonnante.
10La vie des juifs à Amsterdam devient de plus en plus difficile ; les restrictions se multiplient. Etty décide de pratiquer une ascèse, un mode de vie plus monacal, afin de maîtriser sa sensualité. N’est-il pas plus facile de s’adapter aux privations qu’on s’impose soi-même plutôt qu’à celles imposées par les autres ? Etty écrit : « Ce qu’on a obtenu librement de soi-même est plus solidement fondé et plus durable que ce qui advient sous la contrainte »16. La restriction est moins pénible lorsqu’elle est subjuguée par sa volonté. La liberté pour Etty consiste en un courage17 d’être, une nouvelle manière de se disposer intérieurement par rapport aux choses, aux êtres et au monde. Etty écrit : « [...] on doit avoir le courage de se détacher de tout, de toute norme et de tout point d’appui conventionnel, on doit oser et risquer le grand saut dans le cosmos ; alors la vie devient infiniment riche et abondante, même dans la plus grande souffrance »18. Mille liens qui l'oppressaient sont rompus, Etty respire librement, se sent forte et porte un regard radieux sur toutes choses19. Elle fait l’expérience d’une mutation essentielle, d’un nouvel éclairage sur le monde qui l'entoure ; « J’ai éprouvé dans la joie à quel point la création de Dieu est belle malgré tout »20. Malgré tout, Etty proclamera jusqu’à la fin la beauté inhérente de la création de Dieu. Elle ressent une jouissance ineffable devant le mystère d’un paysage immobilisé dans le crépuscule, mais cette beauté ne la fait plus souffrir car elle ne souhaite plus la posséder. En gardant les mains ouvertes sans chercher à posséder ce qui l’attire, Etty reçoit infiniment plus. Dans un don de soi, les mains demeurent ouvertes et disposées à tout recevoir en abondance ; dès que les mains se referment, la souffrance naît de la peur de perdre ce qu’on possède ; une expérience de démaîtrise où l’accueil se fait sans la souffrance causée par un instinct de possession. Etty apprend à vivre le moment présent dans la confiance et l’abandon à Dieu. Le soir, en se mettant au lit, elle a l’impression de tenir entre ses bras la riche et surabondante moisson du jour. Il est bon toutefois, remarque-t-elle, qu’un tel état de plénitude ne demeure pas. On doit à chaque fois accepter d’être à nouveau tourmenté et tendre vers un repos encore plus grand21. Etty adopte l’attitude la plus confiante et la plus désintéressée devant la riche moisson du jour. Elle approfondit ainsi sa foi, c’est-à-dire la confiance en quelque chose de plus riche que la moisson du moment présent. Elle espère une plénitude encore plus grande et attend patiemment qu’un nouveau jour lui apporte des trésors et des largesses plus abondantes. Elle ne craint plus la perte de ce qu’elle a déjà reçu, demeurant ainsi disponible à recevoir davantage. La démaîtrise face à cette moisson du jour n’est pas un désintérêt envers les bienfaits de la vie, mais la conscience qu’ils ne sont pas une fin en soi ; Etty préfère s’appuyer sur sa grande confiance en Dieu qui est incomparablement plus solide que les jouissances passagères. Etty reçoit les dons de la vie avec détachement et une saine indifférence. Elle les reçoit, remercie, apprécie, mais refuse de s’y arrêter pour les posséder. Les mains ouvertes, elle s’abandonne à la nuit dans la confiance. Chaque soir, dans un geste d’abandon et de détente, Etty laisse la journée s’en aller avec tout ce qu’elle contient et accepte tout le bien qu’elle n’a pas pu réaliser en sachant qu’un jour nouveau viendra. Elle s’abandonne ainsi à la nuit les mains vides et ouvertes et accepte que cette journée lui échappe. C’est alors qu’elle peut vraiment trouver le repos. Et dans ces mains détendues et vides, qui ne veulent rien retenir par avidité, elle peut alors accueillir un jour nouveau22. On retrouve, selon Stierli, la même dynamique de confiance et d’abandon chez Ignace : « D'une façon générale, plus on se liera à Dieu notre Seigneur et plus on se montrera généreux envers sa divine Majesté, plus aussi on le trouvera généreux envers soi et plus on sera disposé pour recevoir de jour en jour des grâces et des dons spirituels plus grands »23. Un cœur libre de toutes attaches peut ainsi aimer plus librement en Dieu, tout lui donner et tout recevoir. Etty écrit : « Et à présent je suis libre, je ne veux plus rien posséder et alors je possède tout, à présent ma richesse intérieure est infinie »24. Le travail d’introspection permet au je de se discipliner, de se corriger et de se décentrer de lui-même, afin d’accueillir le tu en soi et le tu en l’autre. Selon Etty, la seule manière de corriger quoi que ce soit dans nos relations avec les autres est de travailler d’abord à se corriger soi-même intérieurement. Il lui apparaît de plus en plus clair que c’est le seul moyen d’améliorer la vie en nous et autour de nous25. Il faut veiller à ce que la barbarie ne réveille pas le potentiel de cruauté en chacun. Etty se détache peu à peu de tout ce qui l'empêche d'aimer. Elle écrit : « Hier mon cœur était un oiseau pris dans un piège. Il est redevenu un oiseau libre prenant son essor n’importe où sans aucune entrave. Il fait soleil aujourd’hui »26. Pour atteindre cette liberté intérieure, Etty a dû lutter contre tout ce qui l’empêchait d’atteindre l’essentiel au plus profond d’elle-même, cette meilleure partie d’elle-même qu’elle choisit de nommer Dieu pour plus de commodité, écrit-elle27. Etty peut maintenant prendre librement son envol vers Dieu au plus profond d’elle-même et s’entretenir avec lui en toute intimité. Chez Ignace, la liberté est le centre et le noyau de son anthropologie, car elle rend possible le don de soi à Dieu28. C’est avec beaucoup de détermination qu’Etty se décentre de son je : la pelote ligotée se délie de ce qui la retient dans un étau. Avec l’aide de Spier, elle s’acharne à rompre jusqu’au plus petit fil qui la maintient captive. La liberté intérieure lui procure un sentiment d’invincibilité devant la menace et les persécutions infligées aux juifs. Etty trouve la vie belle malgré tout29 ; des cieux aussi vastes que le firmament se déploient en elle. Elle écrit : « Je trouve la vie belle et je me sens libre. [...] Je crois en Dieu et je crois aux êtres humains et j’ose progressivement mais sincèrement le dire sans une fausse honte »30. Spier lui a appris à dépasser sa honte et à prononcer le mot Dieu. Malgré l’ambiguïté de leur relation, Spier a libéré en elle les sources où Dieu se tient caché31. Etty parvient à sortir de son je et se découvre enfin libre. Elle prend son essor vers le tu de Dieu au plus profond d’elle-même et au plus profond des autres pour chercher et reconnaître Dieu en tous et en tout.
2e partie : chercher et reconnaître Dieu en tous et en tout
11« Pour lui [Ignace], toute chose devient le lieu de sa rencontre avec Dieu et de son service »32. La deuxième étape de la contemplation ignatienne fait prendre conscience de la présence de Dieu en tous et en tout : « [...] Le donateur est présent en chacun de ses dons et veut habiter en celui qui les reçoit : "Regarder comment Dieu habite dans les créatures, dans les éléments par le don de l'être, dans les plantes par la croissance, dans les animaux par la sensation, dans les hommes par le don de l’intelligence, et donc en moi, par le don de l'être, par la vie, par la sensation et par l'intelligence. Comment aussi il fait de moi son temple, m'ayant créé à la ressemblance et à l'image de sa divine Majesté". La seule réponse est celle d'une présence pleine de gratitude auprès du donateur. La mémoire rappelle sa présence, l'intelligence la perçoit et l'amour y communie. Une fois encore, on se trouve renvoyé à l’"amour révérenciel" »33.
12En juin 1941, la situation des juifs s’aggrave. Etty écrit : « On cherche le sens de cette vie, on se demande si elle en a encore un. Mais c’est une affaire à décider seul à seul avec Dieu »34. Mais Etty n’avait-elle pas décidé cette affaire avec Dieu dès le début de son journal ? En mars 1941, elle se demandait ce qui pouvait justifier un tel combat envers ses désirs, s’il valait la peine de se priver ainsi des plaisirs de la vie et de toute façon, qui lui en serait gré ? Il lui vient alors une réponse surprenante ; elle écrit : « Dieu t’en récompensera et ces mots, soudainement versés sous ma petite plume, m’apportent tout à coup une humble force. Peut-être ces mots — Dieu t’en sera reconnaissant — pourront devenir un secours »35. Elle décide de se battre pour Dieu et c’est ce qui lui donne la force de poursuivre son chemin. Mais qui est Dieu pour Etty sinon un grand amour qu’elle cherche à reconnaître en tous et en tout. En novembre 1941, Etty a soudainement une percée vers ce qui va devenir sa vérité : mener un combat au profond d’elle-même pour l’amour des êtres humains36. Ce combat pour l’amour deviendra de plus en plus signifiant pour Etty.
13Le processus de décentrement lui fait découvrir la plus riche partie d’elle-même qu’elle appelle Dieu37. Etty ne sera plus jamais seule, puisque Dieu est en elle et que tout est en Dieu. Un monde nouveau se déploie, un univers où tout est en tous. Elle écrit en février 1942 : « [...] C’est comme si j’étais unie avec — oui avec quoi au juste ? Avec la terre, avec le ciel, avec Dieu, avec tout »38. Etty ne cherche plus un rapport de fusion aux êtres et aux choses, mais une union où tous et chacun sont à la fois unis et seuls. Elle distingue deux sortes de solitudes : la première procure un sentiment d’isolement, d’absurdité et d’incohérence, tandis que la deuxième, au contraire, fait vivre une agréable communion où tout est en tous et en tout. L’expérience de cette deuxième solitude, nous dit-elle, la remplit de force et de confiance. Elle se sent unie à un grand tout rempli de sens, et en retire une grande force intérieure qu’elle peut maintenant partager aux autres39. Etty préfère demeurer seule afin de répandre son amour sur l’humanité plutôt que sur un seul homme : « Mon cœur déborde de passion, mais jamais pour un seul être. Pour tous. Je crois que ce cœur est aussi très riche »40.
14Etty s’étonne de voir des gens gaspiller leurs énergies à mettre en lieu sûr des aspirateurs et des ustensiles en argent au lieu de s’occuper de Dieu au plus profond d’eux-mêmes41. Ils cherchent au dehors d’eux-mêmes alors que tout est là en eux-mêmes. Que leur restera-t-il lorsque le peu qu’ils ont leur sera enlevé ? Etty porte Dieu en elle et cherche à le reconnaître et le faire connaître au cœur de tout être humain rencontré, car tous sont créés, écrit-elle, à l'image de Dieu. Elle écrivait en novembre 1941 : « Il arrive ces derniers temps qu’une phrase isolée de la Bible s’éclaire pour moi d’un sens plus clair, nouveau, plus riche et nourri d’expérience. "Dieu créa l’homme à son image". "Aime ton prochain comme toi-même". Etc. »42.
15Ignace parle de contemplation pour obtenir l’amour, noyau fondamental qui synthétise sa spiritualité43. Il s’agit d’un nouveau regard sur les êtres et le monde : un regard d’en haut, un regard de transparence et un regard synthétique qui saisit l’ensemble des mystères de la foi44. Un regard permettant de reconnaître l'image de Dieu en tous et en tout. Ignace recommandait que tous : « [...] aient le regard toujours fixé sur le bien universel plutôt que sur le particulier »45. Etty devient capable de saisir la vie et les êtres par une vision synthétique où tout est inscrit dans un ordre universel. Spier l’a aidée à intégrer tous les événements de sa vie et à les situer dans un ensemble, dans une totalité indivisible. Il l’ouvre à des perspectives toujours plus vastes. Elle le perçoit comme une sorte de ciment entre tous les morceaux de sa vie et entre toutes ses amitiés. Il réussit à dégager le sens de chaque événement en trouvant sa place dans l’ensemble46. Spier lui apprend à accueillir tous les aspects de la vie, bons et mauvais, comme une partie inhérente de l’existence. Cette acceptation n’empêche pas de s’indigner du mal et de l’injustice. Mais, dit-elle, la vie est belle si on l’accueille dans son ensemble. Etty perçoit le sens entre la vie et la mort, entre la joie et la tristesse, entre tous les événements de la vie qu’elle comprend maintenant comme un tout47. Etty fait une expérience de communion où il lui apparaît avec évidence que tous les êtres humains ont autant de valeur les uns que les autres et qu’ils sont unis dans un grand projet universel. Tout comme Ignace, Etty découvre un regard nouveau. Au sujet d’Ignace, Stierli écrit : « [...] Il reçut de sa divine Majesté des grâces spéciales, et de telles lumières intérieures qu'il commença à porter sur toutes choses un regard nouveau »48.
16Un espace infini se déploie en Etty et lui donne l’impression de porter tous les paysages en elle49. Ce regard contemplatif lui fait redécouvrir le monde et les êtres. Elle les retrouve en Dieu et par Dieu en atteignant un état de plénitude où tout est en tout. Le décentrement du je l’a conduite à la plénitude ; plénitude de l’amour dans un don de soi pour Dieu. Etty fait l’expérience du beau au cœur de tout et de tous. Non seulement la beauté, mais la correspondance et l’ordre qui s’établissent entre eux ; et c’est là les connaître par voie contemplative. La contemplation l’introduit dans un monde nouveau qui déjà était en elle alors qu’elle se cherchait au dehors. Elle ne voit plus de la même manière ; un nouveau regard la libère et l’allège. Elle devient de plus en plus libérée de tous ces fardeaux qu’elle portait sur ses épaules. Toutes les frontières séparant les êtres humains s’effacent à ses yeux. Il lui semble parfois que la vie devient transparente à ses yeux, lui permettant ainsi de comprendre la vie et le cœur des êtres humains. Etty devient de plus en plus libre et sa confiance en Dieu ne cesse étonnamment de croître50. Au camp de Westerbork, elle écrit : « Il y a de la boue, tant de boue qu’il faut avoir quelque part entre les côtes beaucoup de soleil pour ne pas en être psychologiquement victime »51. Un soleil qu’elle contemple au plus profond d’elle-même et qu’elle reflète autour d’elle. Etty cherche maintenant Dieu en elle-même, en tous et en tout. Elle opère ainsi, par amour pour Dieu, une sortie de son je vers le tu de Dieu. Au sujet d’Ignace, Stierli écrit : « Etre instrument, cela signifie pour Ignace une constante et totale sortie de soi »52. Etty sort à la rencontre de Dieu en entrant en elle-même et en entrant en l’autre. L’être humain, perçu comme une créature de Dieu, devient un lieu de rencontre de Dieu. Etty écrit : « J'ai terriblement d’amour pour les êtres humains, parce qu’en chacun d’eux j’aime une part de toi, mon Dieu. Et je te cherche partout en eux et trouve souvent une part de toi »53. Etty participe au regard de Dieu sur toute la création et sur tous les êtres humains. Le regard mystique n’est-il pas celui qui laisse Dieu regarder Dieu par Dieu ? Ce nouveau regard permet de reconnaître les vestiges de Dieu dans les êtres et le monde. Etty écrit : « Je suis convaincue que si je pouvais écrire tout ce que je pense et sens et qui m’apparaît parfois en un éclair soudain avec une telle évidence, ce serait quelque chose de très beau »54. Etty fait l’expérience d’une nouvelle manière de regarder, d’aimer et d’écouter. Ignace semble avoir reçu une grâce semblable. Stierli écrit : « [...] Comme s'il avait vu la cause et l’origine de toutes choses, et comme si le fondement des choses lui avait été révélé »55. S’adressant à Dieu, Etty écrit : « Quand je marche ainsi dans les rues, ton monde me donne beaucoup à réfléchir — on ne peut pas appeler cela de la réflexion, il s’agit davantage d’une tentative pour tout sonder avec un sens nouveau »56. Etty pénètre parfois certains mystères de la vie. Même au camp de Westerbork, il lui arrive de ne pas avoir conscience d’être dans un camp ; elle se découvre de nouvelles facultés qu’elle attribue à la miséricorde de Dieu57. Dans une lettre à ses amis, elle écrit : « Je remarque que dans chaque situation, aussi difficile soit-elle, l’être humain développe de nouveaux organes qui lui permettent de continuer à vivre. En ce sens, Dieu est suffisamment miséricordieux »58.
17Etty ne se lasse pas de rendre grâce à Dieu. Son sentiment de la vie est si fort, si grand, si paisible, si plein de gratitude, qu’elle ne cherche pas à l’exprimer d’un seul mot : « J’ai en moi un bonheur si complet et si parfait, mon Dieu »59. Libérée de son je, Etty ne s’inquiète plus de savoir si elle jouira encore longtemps de son confort : « Et si bientôt je n’en jouis plus, je n’en saurai pas moins qu’ils existent et peuvent embellir la vie, et je les louerai comme un de ses bons côtés, même s’il ne m’est pas donné d’en profiter. Que j’en profite ou non, ce n’est tout de même pas cela qui importe ! »60. Malgré les événements traumatisants qui l’entourent, rien ne peut lui ravir la joie et le sentiment d’éternité qui l’habitent. Elle écrit : « Ce petit morceau d’éternité qu’on porte en soi, on peut l’exprimer en un seul mot aussi bien qu’en dix gros livres classiques. Je suis un être humain heureux et je chante les louanges de cette vie, oui en effet, en l’an de grâce 1942, toujours encore l’an de grâce, la énième année de guerre »61. Débordante de gratitude, Etty prend feu et flamme et fait monter ses louanges au Seigneur : « Je dois toujours renouveler mon exultation mon Dieu : je te suis si reconnaissante d’avoir voulu m’accorder une telle vie »62. Elle remercie Dieu de plus en plus pour ce grand amour et cette joie qu’elle trouve en lui. Etty ne cherche plus que Dieu, puisque tout le reste est inutile. Peu avant sa déportation à Auschwitz, Etty écrit que tout, absolument tout, revient au seul mot Dieu, que ce mot contient tout et rend tout le reste inutile63. Tel que l’écrit Ignace, la seule réponse possible devant un si grand amour est celle d'une prière pleine de gratitude où l’amour appelle l’amour64.
3e partie : unir sa volonté à celle de Dieu
18La troisième étape de la contemplation ignatienne « [...] poursuit dans la même ligne et insiste sur l'"expérience" de l'amour qui se donne. [...] La réponse est logique : il s'agit de faire la volonté de Dieu à travers les tâches de la vie »65. Au sujet d’Ignace, Stierli écrit encore : « Il veut être un pèlerin de la volonté de Dieu, qui ne cesse de demander : "Seigneur, que veux-tu que je fasse ?". [...] Il ne trouve la réponse que peu à peu, souvent à l’encontre de ses propres projets »66. N’en est-il pas de même pour Etty qui avait pris la ferme résolution de se livrer tout entière au service des autres au camp de Westerbork ? Mais était-ce la volonté de Dieu ? Comment accepter maintenant sa santé précaire qui l’empêche de retourner au camp pour aider les autres ? S’adressant à Dieu, elle écrit : « Je ne dois pas "vouloir" les choses, je dois les laisser se développer en moi. [...] Non pas ma volonté, mais Votre volonté advienne »67. Etty renonce à ses ambitions et à ses projets pour s’accorder à la volonté de Dieu. Elle ne veut plus chercher à forcer le destin pour faire sa propre volonté. Elle accepte de se reposer encore quelques jours, mais à condition de n’être qu’une grande prière ininterrompue.
19Bénéficiant d’un statut privilégié par ses fonctions au Conseil juif, Etty revient trois fois à Amsterdam à cause de sa santé. Elle retournera définitivement à Westerbork en juin 1943. Refusant d’éparpiller ses forces en luttant inutilement contre ce qu’elle ne peut pas changer, elle accepte de se laisser porter par Dieu : « [...] Je crois que je me sentirai toujours dans les bras de Dieu »68. De retour à Westerbork à l’été 1943, elle puise parfois dans sa mémoire lorsque la vie devient trop lourde à porter, se rappelant des enseignements de Spier dont certaines citations des évangiles : « Ne vous inquiétez pas de demain : demain s’inquiétera de lui. A chaque jour suffit sa peine ». Etty considère que cette attitude est la seule qui puisse permettre d’affronter la vie au camp de Westerbork69. Mais comment partager avec d’autres la joie que lui procure son assentiment à la vie, à la volonté de Dieu ? Etty écrit : « Les gens ne veulent pas le reconnaître : il vient un moment où l’on ne peut plus agir [souligné par Etty], mais seulement être [souligné par Etty], et accepter »70. Elle prend exemple sur la simplicité et le mutisme du blé qui pousse ou de la pluie qui tombe. Aussi est-ce avec une certaine tranquillité d’esprit que, chaque soir, elle dépose ses nombreux soucis terrestres aux pieds de Dieu71. Etty se détache de toutes ses inquiétudes, de toutes ses ambitions et s’en remet à la volonté de Dieu. Elle écrit : « Je ne lutte pas avec toi, mon Dieu, ma vie n’est qu’un grand dialogue avec toi. Je ne deviendrai peut-être jamais une grande artiste telle que je l’avais vraiment souhaité, mais je suis si bien abritée en toi, mon Dieu »72. Tout un contraste avec sa prière de décembre 1941, lorsqu’elle priait pour que Dieu fasse d’elle un écrivain : « O Dieu, prends-moi dans ta grande main et fais de moi ton instrument, fais-moi écrire »73. Certes, Dieu fait d’elle son instrument, mais à sa propre manière. A présent, Etty ne demande qu’à devenir prière pour se répandre sur tous et chacun. Tout comme Ignace, elle renonce à sa propre volonté. Ignace avait rêvé de devenir un célèbre chevalier, mais Dieu le conduit par un autre chemin. Le leitmotiv d’Ignace maintenant est : « [...] Un amour plein de gratitude, il n'a plus rien à voir avec l'ambition du chevalier d'autrefois »74. Etty ajuste aussi sa volonté à celle de Dieu : « Mais j’accepte tout de tes mains, mon Dieu, comme cela vient. Je sais que c’est toujours bon »75. Elle estime que la volonté de Dieu peut se réaliser en elle dans toutes nouvelles situations et en tous lieux de la terre. Sa valeur humaine ressortira de son comportement dans cette nouvelle situation ; et même si elle n’y survit pas, sa façon de mourir apportera une réponse au qui suis-je76. Etty a dû mener un rude combat avant de pouvoir s’ajuster à la volonté de Dieu. Lorsqu’elle semble succomber sous le poids des soucis et des angoisses, elle se fait des remontrances dans son journal : « Toi qui prétends croire en Dieu, tu dois alors être conséquente et entièrement t’abandonner et faire confiance »77. Etty renouvelle fréquemment ses promesses envers Dieu. Un jour, s’interrogeant sur la volonté de Dieu, elle écrit : « Dans un moment aussi difficile que ce soir, je me demande quelles sont tes intentions envers moi, Dieu. Et peut-être cela dépend-il de mes intentions avec toi ? »78. C’est ainsi que naît en elle un nouvel éclairage, une magnifique intuition : dans la détresse et l’angoisse, il s'agit moins d'appeler Dieu au secours que de l’aider en maintenant sa présence en nous et parmi nous. La foi d’Etty n’est pas une échappatoire, mais un appel à se responsabiliser devant Dieu et devant les autres. Un sens particulier de la responsabilité naît en elle : Etty veut assister, secourir, protéger et aider Dieu. Dans les débuts de son journal, en mars 1941, elle avait recopié quelques phrases des enseignements de Spier, dont : « Dieu aide ceux qui s’aident eux-mêmes. Qui s’aide lui-même se fait confiance et fait confiance à son être intérieur, il fait aussi confiance à Dieu »79. Satisfaite de sa collaboration avec Dieu, Etty écrit en janvier 1942 : « Je trouve, Dieu, que je collabore bien avec toi, que nous collaborons bien ensemble »80. Et c’est ainsi qu’Etty devient une collaboratrice de Dieu au cœur du monde, au cœur d'un monde bouleversé et bouleversant.
4e partie : une collaboratrice de Dieu au cœur du monde
20La quatrième étape de la contemplation ignatienne « [...] considère le mouvement descendant dans son ensemble. [...] "Tous les dons viennent du Père des lumières" et investissent l'homme. Celui-ci, à son tour, par le don de lui-même, s'intégre au mouvement ascendant et devient un instrument par lequel l'amour de Dieu se communique »81. À la différence d’Etty, chez Ignace tout est christocentrique. Etty a peut-être été influencée par la conception chrétienne de la souffrance, mais on ne peut pas parler de christologie chez elle. Elle partage toutefois le même but que l’ordre d’Ignace : « [...] Nous qui, en vertu de notre vocation, outre d'autres obligations nécessaires, devons être occupés la plus grande partie du jour et même de la nuit à aider ceux qui souffrent dans leur corps et dans leur cœur »82. Et Ignace ajoute plus loin : « [...] La personne devient ainsi un instrument efficace de la grâce. [Elle] se laisse conduire par la main divine, [...] pour coopérer à la grâce divine [,..] »83. Comme nous l’avons vu, Etty accepte tout ce qui vient des mains de Dieu, sachant que cela est toujours bon. Etty se trouve à Amsterdam le 15 septembre 1942 lorsque Spier succombe à une maladie. S’adressant à son ami qui vient de mourir, elle écrit : « Tu as été le médiateur entre moi et Dieu et maintenant toi, le médiateur, tu t’es retiré et mon chemin mène désormais directement à Dieu et c’est bien ainsi, je le sens. Et je serai moi-même la médiatrice pour les autres, pour tous ceux que je peux atteindre »84.
21En juillet 1942, Etty avait rendu grâce à Dieu de l’avoir arrachée à la paix de son bureau pour lui faire partager les angoisses et les souffrances des autres car, reconnaît-elle, il serait facile d’avoir une idylle avec Dieu entre les murs préservés de son bureau. Ce qui compte le plus à présent c’est d’emporter Dieu partout avec elle, de le protéger et lui rester fidèle envers et contre tout, comme elle lui a toujours promis85. C’est ainsi qu’Etty se met au service de Dieu. Elle refuse de s’enfermer dans ses belles théories, souhaitant maintenant les confronter à la dure réalité de son époque. Sa vie spirituelle86 n’a de valeur, à son avis, que si elle peut se poursuivre en tous lieux et en toutes circonstances. À quoi pourrait lui servir sa richesse intérieure si elle ne parvient pas à la mettre au service et au profit d’autrui ? Il lui apparaît de plus en plus évident que sa vocation c’est l’amour. Bien que cette intimité entre l’âme et Dieu puisse être expérimentée dans tous les états de vie, Etty s’aperçoit que la voie du mariage avec un homme n’est peut-être pas sa tâche87.
22Elle écrit : « Parfois j’ai le désir de me retirer dans une cellule de moine »88. Attirée par une vie de recueillement, Etty s’interroge sur sa vocation : ne devrait-elle pas de se retirer du monde ? Quelque 400 ans plus tôt, Ignace avait réagi à cette forme d’exclusion : « Comme si la contemplation et le service de Dieu étaient réservés aux moines et à quelques privilégiés habitant la paix des couvents »89. Pour Ignace, il est possible de vivre une authentique vie contemplative au cœur du monde car le service du monde jaillit de l'union entre l’âme et Dieu. Après avoir considéré très brièvement cette alternative d’exclusion, Etty ajoute aussitôt : « C’est ici en ce lieu, dans ce monde et maintenant que je dois trouver la clarté, la paix et l’équilibre »90. Etty n’aura pas à quitter le monde pour y voir clair, mais à quitter un rapport au monde. Depuis le début de son journal, elle entend sa tâche comme un appel à rechercher l’équilibre entre le dehors et le dedans : « Vivre totalement au-dehors et au-dedans, ne rien sacrifier de la réalité extérieure à la vie intérieure, pas plus que l’inverse, voilà une belle tâche »91.
23Etty souhaite partager tout ce qu’elle reçoit de Dieu. Au camp de Westerbork, trois semaines avant d’être déportée vers Auschwitz, elle recopie un extrait de son journal (disparu avec elle à Auschwitz) pour son amie Tide : « Tu m’as tant enrichie, mon Dieu, permets-moi aussi de partager à pleines mains »92. Ignace avait le même désir : partager toutes les grâces dont il avait bénéficié. Stierli note à ce sujet : « [...] Sa vie n'a désormais qu'un seul but : transmettre ce qu'il a reçu. [...] Il veut communiquer à d’autres les dons et les grâces reçus, surtout ce regard mystique »93. L’amour investit la personne d’un désir insatiable de partager et faire goûter aux autres la joie qu’elle reçoit en Dieu.
24Etty sera de plus en plus habitée par un amour des êtres, de Dieu et de toute la création. Elle cherche la trace de l'homme dans sa nudité, sa fragilité, de cet homme bien souvent introuvable94. Et cette trace n’est-elle pas celle de l’image de Dieu ? Etty laisse jaillir à travers elle le rayonnement de l’amour, celui qui témoigne de l’être créé à l'image de Dieu : « [...] Le leitmotiv de ma vie : "Et Dieu créa l’homme à Son Image" »95. Selon Etty, toute image de Dieu devrait s’élever bien au-dessus de l’amour de l’alliance par le sang96. Etty n’éprouve aucune haine ni amertume : « Une fois que cet amour de l'humanité a commencé à s’épanouir en vous, alors il croît à l’infini »97. Cet amour n’est-il pas le seul visage qui puisse nous permettre de reconnaître Dieu au cœur du monde, d’un monde parfois défiguré par le mal ? Le mot amour chez Etty ne renvoie pas toujours à la même réalité : parfois il est associé à cette meilleure partie au plus profond d’elle-même qu’elle appelle Dieu, alors qu’en d’autres temps, on le rencontre comme n’étant qu’un jeu éludant l'essentiel98. Et quel est cet essentiel pour Etty ? Elle écrit : « Ce qu’il y a de plus essentiel et de plus profond en moi se met à l’écoute de ce qu’il y a de plus essentiel et de plus profond en l’autre. Dieu à Dieu »99. Et qu’entend-elle par Dieu ? Au camp de Westerbork, quelques semaines avant d’être déportée vers Auschwitz où elle périra, un ami lui envoie un traité intitulé Et pourtant Dieu est amour100 ; Etty y souscrit pleinement et ceci lui semble plus vrai que jamais. Mais comment peut-elle admettre que Dieu soit amour si l’amour, tel qu’elle le notait, n’est qu'un jeu éludant l’essentiel ? Dieu élude-t-il Dieu ? Qu’entend-elle par le mot amour ? Le comprend-elle selon l’évangéliste Jean avec lequel elle était familière ? À plusieurs reprises, Etty note dans son journal l’importance de l’hymne à l’amour dans la première lettre de saint Paul aux Corinthiens, chapitre 13.
25En juillet 1942, Etty avait noté dans son journal un commentaire de Spier au sujet de cet amour insensé : « Il dit : "C’est une époque pour mettre en pratique : "aimez vos ennemis"." Et si nous le disons, nous, on voudra bien croire que c’est possible ? »101. Etty veut être un témoin de cet amour : « Il faudra bien que quelqu’un puisse survivre pour témoigner plus tard que Dieu était vivant même à cette époque. Et pourquoi ne serais-je pas ce témoin ? »102. Elle veut apporter l’autre côté de ce que les livres d’histoires raconteront sur la lugubre et atroce réalité d’Auschwitz. Elle écrit : « [...] Tout ce que je vis intérieurement n’est pas seulement de moi, je n’ai pas le droit de le garder pour moi seule. Je dois en rendre compte. [...] Suis-je, dans ce petit morceau d’histoire de l’humanité, un des nombreux récepteurs, qui doit ensuite émettre plus loin ? Mais quoi ?
26Cela je ne le sais pas encore »103. Elle souhaite survivre pour témoigner qu’il est possible d’aimer malgré tout. Elle écrit : « C’est aussi la seule manière de pouvoir préparer les temps nouveaux, en les préparant déjà en nous. Je suis intérieurement si légère, sans aucune amertume et j’ai tant de force et d’amour en moi »104. C’est ainsi qu’Etty prépare la venue du règne de l’amour, c’est-à-dire du règne de Dieu.
27Recopiant un passage de l’évangéliste Matthieu, elle écrit : « Cherchez d’abord le règne de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît »105. Dès le début de son journal, Etty avait compris que le Royaume des temps nouveaux commence d’abord en soi-même. Cette recherche du Royaume n’est pas une fuite hors du monde, mais coïncide avec une nouvelle manière pour l’être humain d’exister et d'aimer. Pour Ignace, le royaume de Dieu n’est pas l’antithèse du monde106. Mais pour entrer ainsi dans ce nouvel état de vie, tout en demeurant au cœur du monde, Etty a dû rompre avec son ancien regard et avec tout ce qui maintenait la pelote agglutinée dans une poigne de fer. Pour donner son cœur à Dieu, pour entrer dans une nouvelle existence, Etty a dû se délier de bien des attaches et c’est pourquoi il est si difficile à ceux qui mettent leur joie dans les richesses de ce monde d’entrer dans le royaume des temps nouveaux. Plus l’amour d’Etty croît et plus les exigences de cet amour augmentent. Effectivement plus cet amour grandit, plus aussi grandit celui que l’on porte à Dieu ; et plus l’amour de Dieu va croissant, plus s’accroît l’amour du prochain, parce que ces deux amours ont une même racine et jaillissent d’une même source. Aimer Dieu, nous dit l’évangéliste Jean, c’est demeurer dans son amour. Etty demeure dans l’amour de Dieu et cherche à y faire entrer le plus de monde possible ; ainsi collabore-t-elle à l’amour de Dieu. Elle comprend au plus profond de son être que ce n’est pas ce que fait ou ne fait pas l’être humain qu’il lui faut aimer, mais l’image de Dieu au cœur de tout être humain et de toutes situations.
Conclusion
28Résumons-nous. Dans un premier temps, nous avons vu l’importance de la liberté humaine dans la vie spirituelle, là où le je se reconnaît lui-même (1ère partie). Par une passivité active, enseignée par Spier, Etty a pu de plus en plus reconnaître l’existence d’un tu au plus profond d’elle-même et découvrir un nouveau regard sur elle-même, les autres, le monde et Dieu. Ce nouveau regard fait naître en elle un amour plein de reconnaissance et une vive conscience de la présence de Dieu en elle-même, dans les autres et au cœur du monde (2e partie). Cet amour l’a poussée à se mettre à l’écoute de la volonté de Dieu, là où le je prête une oreille attentive au tu (3e partie). Toujours sous l’effet de l’amour, le je est sorti de lui-même pour se mettre au service du tu, au service de Dieu au cœur du monde. À travers la découverte de divers rapports avec lui (discours à Dieu, pour Dieu et de Dieu), une intuition théologique percutante est apparue chez Etty : dans la détresse et l’angoisse, il s'agit moins d'appeler Dieu au secours que de l’aider à être présent en nous et parmi nous. Ceci l’a menée à un engagement au cœur d’un monde bouleversé : celui de la Shoah. Par le don d’elle-même, Etty est devenue une collaboratrice par laquelle l’amour de Dieu se communique aux autres (4e partie).
29Le cheminement spirituel d’Etty est un bel exemple, dans un contexte d’oppression et d’extermination, de croissance humaine et spirituelle, où s’intégre dans une vie le décentrement du je vers l’écoute et l’accueil du tu en soi-même et en l’autre menant au don de soi par amour pour l’autre, par amour pour Dieu. Un sain processus de décentrement du je pour aller à la rencontre du tu en soi et du tu en l’autre peut en effet aboutir à l’union entre le je et le tu ; là où le je devient le tu et là où le tu devient le je, ensemble ils ne font plus qu’Un.
30Les écrits d’Etty témoignent d’un travail de décentrement de son égocentrisme, impliquant une forme de mise à mort ; ceci donne ensuite naissance à un amour insensé, c’est-à-dire un amour allant au-delà de tout ce qui est raisonnable. Etty découvre un immense amour pour la vie et pour tous les êtres humains qui l’invite de plus en plus à se mettre à la recherche de Dieu. Elle va jusqu’au bout de son idéal spirituel par amour pour la meilleure partie au plus profond d’elle-même qu’elle nomme Dieu. Son seul désir est de chercher et d’aider Dieu. Etty n’a pas cherché à soulever et à trancher une question religieuse ; elle s'est intéressée à une question qui touche tous les êtres humains, à une question humaine : Etty a tout simplement cherché Dieu, qui est amour, en tous et en tout. À l’instar de Spier, elle est devenue un chercheur de Dieu107 en le cherchant partout et en tous. D’une pelote englutinée dans une poigne de fer, elle devient un témoin de l’amour de Dieu.
31Depuis Auschwitz, les théologiens et théologiennes, particulièrement dans l’univers juif108, remettent en question la compréhension de Dieu. Qui est ce Dieu qui a tant promis au peuple de l’Alliance pour ensuite l’abandonner à la toute-puissance de la démence ? Que reste-t-il de ce Dieu, sinon un profond silence qu’il reste à dire ? Ce silence oblige à repenser Dieu. Les textes d’Etty sont porteurs de sens pour plusieurs aujourd’hui. L’expérience humaine et spirituelle d’Etty, si elle est perçue dans son ensemble en identifiant les forces et les faiblesses qui la constituent, peut devenir signifiante pour nous aujourd'hui, c’est-à-dire proposer un sens nouveau à notre existence humaine, parce qu’elle témoigne d’une vision du monde puissante et convaincante qui insiste sur la solidarité mystérieuse des êtres humains et de Dieu face à l’excès du mal dans le monde. L’impuissance de Dieu n’est plus un scandale, mais un appel à nous responsabiliser et, à l’instar d’Etty, à nous engager à aimer, défendre et aider Dieu au cœur de notre monde bousculé ; à devenir des collaboratrices et des collaborateurs de Dieu, recherchant l’image de Dieu en tous et en tout et malgré tout en empruntant un nouveau regard, un regard contemplatif, le regard même de Dieu.
32Au-delà des époques et des cultures, Etty et Ignace n’ont-ils pas cherché Dieu en tous et en tout à travers un processus spirituel de décentrement du je pour s’unir au tu de Dieu, là où le vide appelle la plénitude du tout ? Du décentrement à la plénitude et de la plénitude au décentrement ? Ce processus les a certainement conduits à la joie en Dieu et en l’amour de Dieu. Car, tel que l’avait écrit Ignace : « [...] chacun doit penser qu'il progressera en toutes choses spirituelles dans la mesure où il sortira de son amour, de son vouloir et de ses intérêts propres »109.
Notes de bas de page
1 Le journal d’Etty, commencé le 8 mars 1941 et terminé le 12 octobre 1942, comprend 11 cahiers. Notons que le septième cahier fut égaré par une amie d’Etty plusieurs années après sa mort.
2 Deux nouvelles lettres sont publiées par D. De Costa, Met pen en penseel. Levenskunst van Anne Frank, Etty Hillesum en Charlotte Salomon, Thieme Deventer, Deventer, 2003, 38 p.
3 Il s’agit d’un camp de travail, situé dans la province de Drenthe, où les nazis regroupaient les juifs des Pays-Bas avant de les déporter vers Auschwitz.
4 Cf. D. De Costa, Anne Frank and Etty Hillesum : inscribing spirituality and sexuality, translated by Mischa F. C. Hoyinck and Robert E. Chesal, S.I., Rudgers University Press, 1998, 304 p., p. 213 ; K.J. Hahn, Richtsnoer voor menselijkheid. dans J. G. Garlandt (sous la direction de), Men zou een pleister op vele wonden willen zijn, Reacties op de dagboeken en brieven van Etty Hillesum, Amsterdam, Balans, 1989, 235 p., p. 54-67.
5 Cf. J. Stierli, s.j., Chercher Dieu en toutes choses, vie au cœur du monde et prière ignatienne, Paris, le Centurion, 1985, 185 p.
6 Cf. S. Robert, Une autre connaissance de Dieu. Le discernement chez Ignace de Loyola, Paris, Cerf, Cogitatio Fidei 204, 1997, 604 p.
7 Cf. G. Cusson, Conduis-moi sur le chemin d'éternité, Les exercices dans la vie courante, Montréal, Bellarmin, 3e édition, 1981, 219 p.
8 J. Stierli, Chercher Dieu en toutes choses.... op. cit., p. 7.
9 La chirologie est l’étude de la personnalité par la lecture des mains.
10 J. Stierli, Chercher Dieu en toutes choses..., op. cit., p. 7.
11 Ibidem, p. 93.
12 Je traduis moi-même les références de E. Hillesum, De nagelaten geschriften van Etty Hillesum, 1941-1943, onder redactie van Klaas A.D. Smelik, Amsterdam, Balans, 2002, 883 p., p. 4 (09.03.41). J’indique la date de la citation entre parenthèses.
13 Ibidem, p. 25 (16.03.41).
14 Ibidem, p. 138 (20.10.41).
15 Ibidem, p. 431 (13.06.42).
16 Ibidem., p. 459 (21.06.42).
17 Notons que l’expression avoir k courage revient fréquemment sous la plume d’Etty.
18 E. Hillesum, De nagelaten geschriften van Etty Hillesum..., op. cit., p. 506 (07.07.42).
19 Ibidem, p. 26 (16.03.41).
20 Ibidem, p. 25 (16.03.41).
21 Ibidem, p. 255 (20.02.42).
22 Ibidem, p. 443 (17.06.42).
23 J. Stierli, Chercher Dieu en toutes choses.., op. cit., p. 104.
24 E. Hillesum, De nagelaten geschriften van Etty Hillesum.., op. cit., p. 26 (16.03.41).
25 Ibidem, p. 296 (16.03.42).
26 Ibidem, p. 539 (28.07.42).
27 Ibidem, p. 523 (15.07.42).
28 Cf. J. Stierli, Chercher Dieu en toutes choses.., op. cit., p. 93.
29 Une expression qui revient de plus en plus sous la plume d’Etty, au fur et à mesure que la vie devient plus difficile, voire insupportable.
30 E. Hillesum, De nagelaten geschriften van Etty Hillesum.., op. cit., p. 458 (20.06.42).
31 Ibidem, p. 572 (02.10.42).
32 J. Stierli. Chercher Dieu en toutes choses..., op. cit., p. 82.
33 Ibidem, p. 94.
34 E. Hillesum, De nagelaten geschriften van Etty Hillesum..., op. cit., p. 65 (14.06.41).
35 Ibidem, p. 38 (19.03.41).
36 Ibidem, p. 156 (22.11.41).
37 Ibidem, p. 549 (17.09.42).
38 Ibidem, p. 264 (22.02.42).
39 Ibidem, p. 87 (09.08.41).
40 Ibidem, p. 142 (21.10.41).
41 Ibidem, p. 517 (12.07.42).
42 Ibidem, p. 165 (28.11.41).
43 Cf. J. Stierli, Chercher Dieu en toutes choses..., op. cit., p. 91.
44 Ibidem, p. 133.
45 Ibidem, p. 112.
46 Cf. E. Hillesum, De nagelaten geschriften van Etty Hillesum..., op. cit., p. 352 (22.04.42).
47 Ibidem, p. 487 (03.07.42).
48 J. Stierli, Chercher Dieu en toutes choses..., op. cit., p. 85.
49 Cf. E. Hillesum, De nagelaten geschriften van Etty Hillesum..., op. cit., p. 579 (09.10.42).
50 Ibidem, p. 508 (06.07.42).
51 Ibidem, p. 620 (fin décembre 1942).
52 J. Stierli, Chercher Dieu en toutes choses..., op. cit., p. 142.
53 E. Hlllesum, De nagelaten geschriften van Etty Hillesum..., op. cit., p. 544 (15.09.42).
54 Ibidem, p. 520 (14.07.42).
55 J. Stierli, Chercher Dieu en toutes choses..., op. cit., p. 87.
56 E. Hillesum, De nagelaten geschriften van Etty Hillesum..., op. cit., p. 528 (22.07.42).
57 Ibidem, p. 643 (mi-juin 1943).
58 Ibidem, p. 651 (29.06.43).
59 Ibidem, p. 549 (17.09.42).
60 Ibidem, p. 493 (04.07.42).
61 Ibidem, p. 458 (20.06.42).
62 Ibidem, p. 582 (12.10.42).
63 Ibidem, p. 682 (18.08.43).
64 Cf. J. Stierli, Chercher Dieu en toutes choses..., op. cit., p. 94.
65 Ibidem, p. 93.
66 Ibidem, p. 55.
67 E. Hillesum, De nagelaten geschriften van Etty Hillesum..., op. cit., p. 575 (03.10.42). Notons qu'Etty vouvoie Dieu ici, alors qu’elle le tutoie habituellement. Elle choisit aussi une majuscule pour Votre volonté. Les mots en italiques sont soulignés par Etty dans son journal.
68 Ibidem, p. 514 (11.07.42).
69 Ibidem, p. 672 (31.07.43).
70 Ibidem, p. 669 (10.07.43).
71 Ibidem, p. 672 (31.07.43).
72 Ibidem, p. 682(18.08.43).
73 Ibidem, p. 71 (04.07.41).
74 J. Stierli, Chercher Dieu en toutes choses..., op. cit., p. 91.
75 E. Hillesum, De nagelaten geschriften van Etty Hillesum..., op. cit., p. 545 (15.09.42).
76 Ibidem, p. 515 (11.07.42).
77 Ibidem, p. 527 (21.07.42).
78 Ibidem, p. 562 (24.09.42).
79 Ibidem, p. 34 (19.03.41).
80 Ibidem, p. 232 (09.01.42).
81 J. Stierli, Chercher Dieu en toutes choses..., op. cit., p. 94.
82 Ibidem, p. 98.
83 Ibidem, p. 103.
84 E. Hillesum, De nagelaten geschriflen van Etty Hillesum..., op. cit., p. 546 (15.09.42).
85 Ibidem, p. 528 (22.07.42).
86 Notons que le mot geest en néerlandais renvoie autant à l’activité intellectuelle que spirituelle.
87 Tout au long du journal, on rencontre le mot taak chez Etty, renvoyant à l’écoute d’un appel, à sa recherche ininterrompue de sa tâche à accomplir sur la terre.
88 E. Hillesum, De nagelaten geschriften van Etty Hillesum..., op. cit., p. 75 (04.08.41).
89 J. Stierli, Chercher Dieu en toutes choses..., op. cit., p. 7.
90 E. Hillesum, De nagelaten geschriften van Etty Hillesum..., op. cit., p. 76 (04.08.41).
91 Ibidem, p. 56 (25.03.41).
92 Ibidem, p. 682 (18.08.43).
93 J. Stierli, Chercher Dieu en toutes choses..., op. cit., p. 88-89.
94 Cf. E. Hillesum, De nagelaten geschriften van Etty Hillesum..., op. cit., p. 402 (29.05.42).
95 Ibidem, p. 686 (24.08.43).
96 Ibidem, p. 683 (18.08.43).
97 Ibidem, p. 520 (14.07.42).
98 Ibidem, p. 4.
99 Ibidem, p. 549 (17.09.42).
100 Ibidem, p. 651 (29.06.43).
101 Ibidem, p. 532 (25.07.42).
102 Ibidem, p. 536 (27.07.42).
103 Ibidem, p. 412 (04.06.42).
104 Ibidem, p. 526 (20.07.42).
105 Ibidem, p. 562 (24.09.42).
106 J. Stierli, Chercher Dieu en toutes choses..., op. cit., p. 8.
107 E. Hillesum, De nagelaten geschriften van Etty Hillesum..., op. cit., p. 547 (15.09.42).
108 Nous n'avons qu’à penser à Martin Buber, Hans Jonas, David R. Blumenthal, Rabbi Leon Klenicki, Emmanuel Levinas, etc.
109 J. Stierli, Chercher Dieu en toutes choses..., op. cit., p. 144.
Auteur
Sciences religieuses
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