Du judaïsme comme « demeure oubliée » de l’Occident
p. 49-67
Texte intégral
1. Préliminaires et précautions
1Le but de cette contribution est d’examiner le paradoxe du statut d’une tradition religieuse, le judaïsme, au sein de la conscience collective de l’Occident. Car le judaïsme est à la fois constitutif de la modernité et marginalisé dans cette même modernité au moyen de plusieurs procédés (y compris perfidement bienveillants). Ce paradoxe, et les procédés d’exclusion, constituent la substance de l’ouvrage du chercheur juif français d’origine algérienne, Shmuel Trigano, né en 1948, intitulé La Demeure oubliée1. Je vous invite également à la lecture d’un penseur juif de l’après-guerre, originaire d’Alsace, André Néher, né en 1914. Un recueil d’articles de sa main, paru en 1962, composé d’études publiées depuis 1946, porte des titre et sous-titre programmatiques : L’Existence juive. Solitude et affrontements. Les auteurs, quoique tous deux juifs de culture française, sont néanmoins fort différents (Néher « religieux », le puîné non) ; il n’y a pas entre eux de filiation directe, seul le hasard de mes lectures les réunit ici.
2Sans conteste, les enjeux des réflexions de Néher et de Trigano rejoignent bien, chacun depuis ses préoccupations spécifiques, les enjeux du présent séminaire : retour ou recomposition du « religieux », éventuellement qualifié de « sauvage » ; problématique de la validité de la Parole/des commentaires, rapports conflictuels entre raison et révélation, hétérogénéité des discours philosophique et théologique ; thématique, enfin, de la socialité déployée par le fait religieux : qu’il s’agisse du christianisme et de « feu la chrétienté » (Emmanuel Mounier), de l’islam et de la construction d’une société en accord avec la charia, ou encore le judaïsme actuel et l’éventail des positions (anti)sionistes. Par probité intellectuelle, je suis contrainte de m’efforcer de me prémunir contre la tentation de réduire l’analyse de Trigano (et de Néher) aux seules préoccupations qui sont les miennes ; leur combat n’est pas exactement le mien. Il n’est pas certain que les lecteurs d’André Néher donnent leur assentiment à toutes ses affirmations — certaines semblent assez excessives. Celle-ci, où Néher définit la vocation du Juif comme Hébreu, c’est-à-dire comme passeur, mérite au moins d’être entendue : « Témoin et contemporain de toutes les civilisations en toutes les époques et dans tous les espaces, l’Hébreu a pour tâche de faire passer d’hier à demain les matériaux absolus en lesquels l’homme se reconnaît éternellement : liberté, justice, droit d’enquête, droit d’erreur. Au moment où le monde se transforme, telle est, une fois de plus, la tâche juive : transporter l’acquis de l’humanité sur l’autre rive, faire fructifier les principes humanistes, confisqués par la bourgeoisie libérale à son profit, en une société massifiée. C’est une tâche à laquelle le juif d’aujourd’hui n’est pas appelé seulement par sa vocation abstraite mais par sa solidarité historique avec le monde occidental »2.
3Un quart de siècle plus tard, Trigano est encore plus incisif. « (...) Le champ du moderne épuisé comme il l’est aujourd’hui, le seul horizon théorique qui reste encore possible est celui de la pensée juive »3. Pour Trigano, ceci est la conclusion d’un méticuleux examen de trois grandes figures, passeurs entre le judaïsme et la modernité, de Moïse Maimonide (Moshè ben Maymon, 1135-1204 de l’ère chrétienne) à Baruch Spinoza (1632-1677) et Moses Mendelssohn (1729-1786) ; analyses que je ne puis ici discuter, faute d’espace ; pas davantage que je ne puis faire justice aux éclairantes études de Néher consacrées aux figures bibliques de Caïn et Abel, de Saül ; de Job enfin ; à « la laïcité profane et laïcité sacrée », au dialogue entre Franz Rosenzweig et Eugen Rosenstock ; au rapport entre Jérusalem, Babel et Césarée. Retenons la question suggérée par ces deux penseurs. La question peut se formuler ainsi : et si le silence de Dieu de nos jours avait partie liée avec le silence sur « la source juive » de notre civilisation ?
4Dans la quatrième partie de cet exposé, j’aborderai une application christologique de l’hypothèse de Trigano d’une occultation de la particularité juive. Il sera révélateur, en effet, de suivre de près les vicissitudes d’un titre parfois donné à Jésus de Nazareth, celui de « Fils de David ». Ce titre est rapidement devenu suspect au sein du christianisme de l’Empire romain. Le processus de délégitimation me semble digne d’intérêt : il est symptomatique des transformations du christianisme à l’époque de la séparation d’avec la Synagogue. Le malaise suscité par ce titre à résonances dynastiques-nationalistes tient à la difficulté de penser ensemble l’Histoire (en termes universalistes, forcément) et l’irruption d’un messianique dont les acteurs et les bénéficiaires ne seraient qu’un groupe déterminé. L’histoire et la parole de Dieu demeurent dès lors des grandeurs séparées, jusqu’en un « eschaton » que la théologie officielle s’évertuera à rendre toujours plus spirituel.
5La dernière partie de cette contribution présentera une brève réflexion sur la figure du commentaire, suscitée par les questions des participant(e)s au séminaire au cours des réunions.
2. La demeure oubliée
6« Pourquoi, s’interroge Trigano, cette extrême attention intellectuelle et savante pour la plus lointaine des cultures de l’humanité et ce dédain systématique de l’imposante bâtisse hébraïque ? »4. Plus précisément : « Pourquoi la philosophie serait-elle l’objet d’un questionnement essentiel tandis que la pensée juive relèverait de l’érudition ? ». Plus loin, Trigano préconise une « conversion du regard » : « On doit lire Maimonide comme on lit Platon : comme s’il s’adressait à notre intelligence d’aujourd’hui, et à tout être humain »5.
7D’autres encore plaident pour la reconnaissance de l’universalisme de la pensée biblique. Ainsi, Benjamin Fondane, dans une étude rédigée quelques jours avant son arrestation le 7 mars 1944 et sa déportation au camp de Drancy, après avoir noté l’impuissance de la philosophie et de la théologie devant les questions urgentes de l’existence, écrivait ceci : « Seul parmi les livres, le Livre craque sous la pression d’une possibilité infinie, ouverte à l’Homme, d’un Pouvoir auquel nous sommes invités à participer... Sans doute, la foi aux révélations historiques d’un Dieu vivant commande-t-elle le Livre ; mais sa philosophie, sa métaphysique peuvent être considérées en elles-mêmes et figurer dans une histoire de la Philosophie, sans entraîner par le fait l’obligation d’une adhésion. Dès qu’il y a dans le monde une pensée existentielle, et ne fût-ce qu’un germe, et se crût-elle laïque, elle ne fait que tourner comme une phalène autour de cette philosophie... Qu’elle le veuille ou non, elle est fille, ou parente, de la pensée prophétique, la philosophie existentielle de Kafka. Qu’elle le veuille ou non, elle n’est pas davantage d’Athènes, mais fille de la pensée de la Genèse, la pensée existentielle de Nietzsche... »6. Nietzsche justement qui, en 1882, faisait remarquer que ce que l’Europe devait essentiellement aux Juifs, c’était précisément quelque chose qui tient du meilleur et du pire, qui est gorgé de romantisme et qui ne peut, sans doute, séduire que les plus artistes parmi les philosophes, à savoir : la grandeur du style dans la morale, la terrifiante majesté d’exigences infinies7. La figure de la Loi ne cesse de surgir comme une pierre d’achoppement (skandalon) sur les chemins et sentiers de l’Occident des Lumières.
8Différents mécanismes opèrent pour occulter la pertinence du fait juif. A nous, chrétiens et « laïcs » issus de christianisme, de vérifier, éventuellement, si des mécanismes analogues ont pu contribuer par ailleurs à reléguer le christianisme aux marges de la conscience intellectuelle majoritaire. Dans son dernier ouvrage, Paul Valadier énonce le soupçon d’une désaffection et d’un discrédit de la théologie chrétienne au sein de l'universitas contemporaine. Avec Biaise Pascal, Valadier demande : « Qu’ils apprennent au moins quelle est la religion qu’ils combattent avant que de la combattre » (Pensées, fragm. 427)8. On peut poser la question de savoir de quel côté se trouvent aujourd’hui dogmatisme et paresse de pensée. Personnellement, je suis frappée par l’ignorance et l’inculture de personnes par ailleurs intelligentes et cultivées, à l’égard du « fait chrétien » ; cette ignorance est singulière car, loin d’être ressentie comme une tare, elle est volontiers revendiquée, comme si elle fournissait une garantie de « conformité à la norme ».
9Pour ce qui tient à la « demeure oubliée », le fait juif, nous suivons Trigano dans l’analyse des diverses procédures d’exclusion externes. Il serait certes intéressant d’y ajouter une problématique esquivée par Trigano, celle de l'auto-exécration juive : le « cas » emblématique de Heinrich Heine, ou celui d’Emmanuel Berl affirmant tranquillement, en 1935, à propos des lois de Nuremberg : « Quand (...) on a résolu de regarder l’Allemagne avec toute la justice et l’amitié possibles, on ne saurait remettre en cause cette décision parce que M. Hitler édicte contre les Juifs tel dispositif légal ». Ces exemples relèvent d’un trouble mécanisme d’exclusion interne de sa part de « judaïté ».
10Deux types d’exclusion externe peuvent être discernés : l’occultation au moyen des superlatifs ; les interdits sélectifs. Les superlatifs, pour commencer, seraient au nombre de quatre :
1.
111.1. « Connu, trop connu » : l’Occident se définissant comme une civilisation judéo-chrétienne, quel besoin dès lors d’étudier le judaïsme ? Cet automatisme a un rapport immédiat avec l’enseignement de la tradition chrétienne qui a défini celle-ci comme la continuatrice de l'histoire et de l’être d’Israël. On n’étudie pas la société juive au premier siècle mais les sectes juives au temps de Jésus. Ici, l’occultation n’est pas négatrice, mais à trop « aimer » le judaïsme, la tradition chrétienne l’exclut de facto.
121.2. Le mécanisme du « vrai, trop vrai » est une dérive culturelle du précédent ; il porte également la marque du christianisme. Ici, le judaïsme est crédité d’une vérité si grande qu’elle le vide de toute prégnance, rendant impossible toute considération de son objet. Trigano dit encore : « À trop aimer le judaïsme, on le retranche du monde de l’intelligence pour n’en faire plus qu’une ésotérique intelligence du monde. Ce développement est logique : il s’adapte au fait que l’Occident moderne a rompu avec ses amarres théologiques tout en restant le même »9. Ainsi, on ne peut plus compter le nombre de « légendes hassidiques » insérées dans des prédications, des homélies et autres discours, par des orateurs parfaitement dépourvus de la moindre parcelle de compréhension critique des différents courants de la spiritualité juive. Remarquons que la réduction du judaïsme à un sublime « mystère » n’est pas sans parenté avec une approche également sélective du christianisme et de l’islam, où les seules traditions qui trouvent grâce sont les courants mystiques. La conversion de la célèbre romancière ex-communiste Doris Lessing au Soufisme est un exemple de sélectivité, puisque ce courant mystique est, au sein de la grande maison de l’islam, minoritaire et marginal. Trigano poursuit avec la description de deux systèmes négatifs.
131.3. « Le système du mort, trop mort, qui prend au mot la théorie de la fondation juive de l’Occident chrétien [...] et qui ne veut considérer dans le judaïsme qu’une préhistoire fossile »10. C’est le cas de beaucoup d’études universitaires du judaïsme contemporaines, qui se « construisent comme archéologie »11.
141.4. Le système du faux, trop faux se fonde sur une autre figure du christianisme : il n’est pas héritier du judaïsme, mais s’oppose, au nom de l’Eglise, nouvel Israël et véritable peuple de Dieu, à « l’imposture » de l’ancien Israël, dont la vocation et la vérité seraient maintenant caduques. Trigano décrit la théorie classique de la substitution, où l’Eglise remplace — et donc supprime ! — le peuple élu. L’iconographie chrétienne fournit un exemple aveuglant de cette doctrine : dans la statuaire de la cathédrale de Strasbourg, deux figures féminines, l’une les yeux bandés, l’autre le regard triomphant, représentent la Synagogue et l’Église.
15Ce que Trigano analyse ensuite est aussi du ressort du « faux, trop faux », avec toutefois la particularité que cette critique englobe le christianisme et le judaïsme dans le même mépris. Elle pourrait retrouver son actualité avec le mythe d’une infra-occidentalité indoeuropéenne qui se retournerait à la fois contre la judéité et contre le christianisme en tant que judéo-christianisme, coupables d’avoir corrompu cet hypothétique héritage indo-européen ou aryen. Je songe au programme néo-hédoniste de Michel Onfray, dont la critique virulente vise le christianisme. Dans son point de mire se trouvent le légalisme et l’appel à la sanctification, hérités du judaïsme, mais qui, comme semble l’ignorer intégralement le contempteur postmoderne et paganisant, ont eux-mêmes fait l’objet de subversions au sein du christianisme, comme en témoignent les différentes manières d’articuler « Loi et Évangile », depuis l’apôtre Paul jusqu’à nos jours12. Le programme hédoniste dit « vouloir croire » qu’« une sagesse contemporaine peut s’appuyer sur une pareille logique : réactiver le monde d’avant le christianisme et la culpabilité, d’avant la faute et la haine de soi généralisée, réinjecter une vitalité furieuse dans les sagesses hellénistiques et romaines, jouer Athènes et Rome contre Jérusalem, le paganisme du Jardin philosophique contre le catholicisme de l’Eglise apostolique »13.
16En somme, il est légitime de récapituler les effets des quatre mécanismes d’occultation superlative de la manière suivante : « un même axe les structure : la négation de la dimension de présence, de contemporanéité et donc de vivacité du fait juif qui aboutit à le retrancher de toute pertinence épistémologique »14.
17On peut aborder d’autres procédures d’exclusion, toujours externes, dont les deux variantes de l’interdit sélectif.
2.
182.1. « L’interdit qui frappe la dimension de socialité et d’historicité qui caractérise le fait juif. Le fait juif est défini à l’instar d’une dimension de l’esprit, sans autre envergure sociale ni historique ; l’étude du fait juif se réduit à celle d’une métaphysique ou d’une théologie (mais toujours pas d’une pensée cependant), l’historicité et la socialité étant imputées non aux Juifs, mais aux civilisations d’accueil durant l’exil ou aux civilisations dominantes durant le séjour en Canaan »15. Sans vouloir ôter quoi que ce soit à la critique de Trigano, j’aimerais souligner que l’amputation des dimensions de socialité et de contingence est également perceptible chez certains auteurs juifs. Il n’est que de songer à L’Étoile de la Rédemption où la destinée du « peuple éternel » est appréhendée comme une donnée « anhistorique ».
192.2. « L’interdit du divin : Dieu n’étant pas, par hypothèse dans le savoir moderne, de l’ordre du fait et de l’expérimentation, ce qui relève de son registre ne peut être pris en compte par une éventuelle étude scientifique du judaïsme. Et puisque le fait juif se caractérise par une prégnance diffuse du divin, il se voit dépouillé, dans l’optique scientifique, de la factualité et des qualités dont elle jouit. Le phénomène du divin qui a structuré l’existence trimillénaire d’un peuple ne se voit ainsi ni reconnu ni jugé digne d’une étude d’ordre historique et social. Le trait le plus marquant et le plus original du fait juif est retranché du réel »16.
20Ce sont, en résumé, deux réductions eidétiques que nous percevons jusqu’ici : le judaïsme comme une essence spirituelle ou encore une essence évidée de ce qui la fonde intérieurement, l’expérience de « D. »17.
21Un troisième type de procédure est le partage épistémologique. Trigano y discerne trois lignes de fractures.
3.
223.1. « Le partage religion / raison, qui assigne le fait juif à un autre ordre de savoir que celui de la nature [...]. Ne satisfaisant pas au critère de la rationalité moderne, le fait juif est présenté comme non-moderne ».
233.2. « Le partage normal / pathologique, qui fait qu’il n’y aurait d’audible dans le fait juif que ce qui obéirait aux normes du savoir universitaire occidental. [...] On poursuit le logos occidental dans le fait juif. [...] Dorénavant, sa vérité ne vient plus de son énonciation originelle, mais de sa conformité au référent normatif du savoir moderne. [...] Le fait juif et son discours sont appelés dès lors à se médiatiser en fonction d’un impératif d’apparition : ils ne peuvent désormais apparaître que dans les habits terminologiques de la normalité occidentale »18. Trigano tient à parler du fait juif, de la même manière que je pourrais souhaiter qu’on parlât de la facticité chrétienne. Le processus qu’il décrit est tributaire des Lumières, et de la Révolution française : « Ce nouveau judaïsme est plus qu’une création théorique coupée du réel. Il a une dimension sociopolitique qui montre bien son caractère idéologique. Il correspond à la brisure de la socialité juive par des nouveaux Etats-nations et le sanhédrin napoléonien [...]. Ce judaïsme porte les stigmates idéologiques du pouvoir moderne sur le Juif, de l’interdiction lancée à son encontre »19.
24Cette analyse de Trigano appelle des remarques de notre part. La première pour souligner que, dans une certaine mesure, on pourrait extrapoler depuis la situation du judaïsme et décrire, mutatis mutandis, un processus analogue en ce qui touche au christianisme et à l’islam. La rationalité que les monothéismes ont contribué à forger — en premier lieu le désenchantement de la nature — finit par expulser ceux-ci ! En deuxième lieu, il convient de faire remarquer combien est exigeante la position de Trigano. Il se défend de la réduction à « l’ésotérisme » ou à l’occulte, tout en identifiant le fait juif comme une réalité « saturée » de divin. Ce sont, en définitive, toutes les articulations de l’épistémè occidentale qui demanderaient à être déconstruites. Dans l’univers biblique, le monde et le sacré, la révélation et l’histoire participent d’une même factualité20.
253. 3. « Le partage particulier / universel. Il réduit le judaïsme, retranché de la raison et de la normalité réputées, elles, universelles, à un particularisme, à une particularité dans l’ordre de l’être (...) étant bien entendu, dans cette optique, que le concret et le réel proprement universels sont de l’ordre de la vérité... occidentale. Désormais, c’est de la question de conscience, de l’opinion, du privé, et non de l’ordre des vérités historiques, que relève le fait juif, (...), assigné aux limites d’un ghetto épistémologique, enserré de toutes parts par un milieu théorique qui le dénature, le déconstruit, au lieu de contribuer à faire jaillir sa manifestation profonde »21. Simone de Beauvoir fournit, en contrepoint, une illustration des partis-pris d’universalisme et de refus de l’essentialisme qui débouchent également sur l’occultation des Juifs. Une élève — il s’agit d’Olga D. — lui ayant demandé un jour ce que ça signifiait au juste, d’être juif, « je répondis avec autorité : "Rien. Les Juifs, ça n’existe pas : il n’y a que des hommes”. Elle me raconta, beaucoup plus tard, quel succès elle s’était taillé en entrant dans la chambre du violoniste, et en déclarant : "Mes amis, vous n’existez pas ! C’est mon professeur de philosophie qui me l’a dit !" Sur un grand nombre de points j’étais — Sartre aussi, quoique peut-être à un moindre degré — déplorablement abstraite ». Plus loin, de Beauvoir en méditant sur ses années de jeune adulte se dit : « Je poussai tout de même à un degré exceptionnel mon refus de l'Histoire et de ses risques »22.
26L’envers de la médaille, ou la sœur jumelle de cette méprise généreuse, est l’hypertrophie de particularisme. L’avènement du champ d’études baptisé — c’est le cas de le dire — Wissenscha.fi des Judentums est caractéristique du rétrécissement décrit par Trigano23. J’ai lu avec un vif intérêt une étude de Hannah Arendt — peu connue, je crois —, consacrée à la biographie d’un personnage emblématique de Berlin à l’époque du Romantisme ; à travers les vicissitudes de Rachel Varnhagen, Arendt suggère les contradictions de cette époque concernant « l’émancipation » des juifs d’Allemagne au prix de la privatisation de leur croyance24.
27Le partage universel/particulier est un terrain miné ; entre la Scylla de la disparition (perfidement bienveillante comme nous l’avons dit déjà), par excès d’universalisme, et la Charybde de la « ghettoïsation », il semblerait que quoi que fassent ou disent les juifs il leur sera impossible de sortir indemnes. Un auteur comme André Néher ne pratique-t-il pas une dangereuse surenchère dans ce dernier excès, avec sa thématisation de la solitude du Juif ? « Solitude rituelle et sacerdotale d’abord, par l’obéissance à une Loi, à une Thora, différente de toutes les autres, qui empêche le Juif, enfant d’Israël, de manger à la table commune à tous, qui l’astreint à des rites d’exception : la circoncision, l’observance du Shabbat ; qui le fait sortir à certains moments de l’année des normes auxquelles se plient tous les autres. Il mange pendant le repas de Pâque un pain qui n’est pas celui des autres ; il habite, pendant l’octave de Soukkot, une maison qui n’est pas celle des autres ». Néher souligne encore que ces demandes du « religieux » ne sont pas cantonnées à l’intériorité. « Solitude sociale aussi, car c’est le caractère même de cette loi que de ne pas réglementer le domaine purement religieux, mais tous les domaines de la vie, de telle sorte que les activités sociales quotidiennes sont imprégnées d’une saveur particulière, sont orientées, informées par un ensemble d’intentions qui transforment le Juif-Israël, qui modifient son organisation, sa cité, son Etat »25.
28L’être humain décrit par Néher n’est pas seul(e) dans sa solitude : il ou elle est accompagné(e) par une Présence qui toujours se dérobe. « L’homme-Israël est l’homme interpellé, l’homme du premier commandement : "Je suis ton Dieu". Le corps à corps soutenu par Jacob dans la nuit où il devint Israël, se répète pour chaque Juif. Chaque Juif-Israël est l’homme recherché, désigné, empoigné par Dieu, celui dont Dieu a besoin. Quel est l’homme qui se mettra à la disposition de Dieu, qui assumera en une fonction sacerdotale de constantes obligations divines ; qui acceptera de plier sous le joug d’une loi inflexible, immuable, mais dont le mystère est le signe même de son origine divine, transcendante, éternelle ? »26.
29Ailleurs, à propos des deux catégories fondamentales de la berit (alliance) et de la prophétie, Néher écrit : « Elles impliquent toutes deux une conception coopérative du Divin et de l’humain. L’homme surpris par Dieu dans ses retranchements, traqué sans répit par les interrogations divines, apprend et ressent qu’il est délogé de ses retraites en vue d’une réponse. Le harcèlement divin n’est pas l’indice d’une agressivité, d’une jalousie ou d’une haine, mais le signe de l’amour de Dieu qui a besoin de l’homme pour construire son œuvre. C’est le chantier de cette œuvre que constitue l’Alliance, dont les normes et les péripéties sont décrites dans les parties législatives et historiques de la Bible : Dieu et l’homme y sont associés pour l’édification d’une Cité, dont le plan est connu d’avance, c’est la Thora, la Loi, dont la réalisation se précise au fur et à mesure de l’avancement du temps, l’histoire biblique n’étant autre chose que la narration des succès et des échecs de cet effort pour réaliser la Cité humaine de Dieu »27.
30La double figure de la Loi et de son Donateur constituent-elles les irréfragables constantes du destin juif : « der nie abzuwaschende Jude », comme le disait Heine (qui avait essayé plus d’une fois) ?
3. Le « fait » juif et le Divin hébraïque
31La question fondamentale du « fait » juif est celle du divin, et de l’autorité. L’examen de cette structure et surtout la chronique de son occultation au cours du processus de « normalisation » dont nous avons décrit quelques stratagèmes nous aidera, je l’espère, à saisir l’importance de la « demeure oubliée » et, chemin faisant, les questions du présent séminaire pourraient en recevoir un éclairage oblique. « C’est en effet de la trop grande importance du divin dans la culture du peuple juif que découle l’interdit frappant la culture juive dans une modernité qui s’est pensée comme le contraire de l’âge religieux »28.
32Or, Trigano estime indispensable de tenir compte du concept du divin, dans la problématique des études juives, afin de retrouver le fait social juif ; il ajoute « combien la structure de la laïcité moderne est intensément religieuse »29. L’auteur récapitule ainsi le projet de La Demeure oubliée. Genèse religieuse du politique : « Démontrer que le rapport au divin est l’axe essentiel de la fondation de la modernité et qu’il y a très objectivement, dans le divin, non pas l’artifice gratuit d’une imagination mais un élément directement historique, dont il faut scientifiquement reconnaître l’extrême et décisive importance sous peine de verser dans l’idéologie »30. Plus loin, Trigano précise que cette centralité du divin au cœur de la totalité du fait juif n’entraîne pas sa présence « saturante ». Cette totalité, dit-il, est « ouverte en son cœur même, et sa systématisation ne se caractérise pas par une plénitude positiviste absolue et finie, mais par un champ ouvert qui n’en est pas moins intelligible et "régulier". [...] Il y a toujours, dans notre fait juif, une ouverture, une inadéquation, un désordre, une faille, un glissement, et c’est bien ce qui fait son ordre, sa rationalité systématique. Ce champ ouvert qui régit le fait juif, cet a-systématisme qui structure le système, c’est ce que nous avons appelé le divin, pour échapper au positionnement automatique qu’entraîne l’idéologie moderne dès qu’il est question de Dieu. Nous dirons que le divin — dans son acception spécifiquement hébraïque — est le milieu originel et empirique de l’appréhension hébraïque du monde »31.
33Trigano souhaite prévenir un malentendu en se démarquant de ce qu’il décrit comme le fidéisme de certains chrétiens. « Le divin hébraïque ne saurait renvoyer à "l’insondable mystère de la foi" et à l'irrationalisme, mais tout simplement à une autre raison. On accepte la fondation de la pensée et de la société grecques sur le logos ; on doit accepter, au moins avec autant de rationalité, de vérité et de certitude, la fondation de la pensée et de la société hébraïques sur le divin [...]. Le divin, dans sa conscience hébraïque, c’est objectivement un rapport social, politique et historique à un texte (sinaïtique). Ce rapport constitue la société juive. Il y a une histoire sociale de Dieu, du nom de Dieu, de son concept parmi les personnes et cette histoire comprend même notre présent moderne. [...] Le divin ne constitue nullement une institution positiviste et affirmative, à la manière de son incarnation occidentale. Nous l’avons essentiellement approché à travers la notion d’historicité, que nous avons explicitée avec les notions d’oralité, de passage. Le divin est essentiellement un être "en passage". Ce champ ouvert qui structure donc le fait juif, c’est l’historicité d’Israël ainsi définie, dont le passage est le paradigme général »32.
34Par ailleurs mais également polémique, Néher, en 1959, évoque le topos de « l’obstination juive », vue cette fois-ci de l’intérieur du fait juif (Néher utilise plutôt le terme le « Juif-Israël »). « [...] Le dogme de l’obstination est inhérent également à la Synagogue ; il y porte cependant un autre nom, il y revêt une autre signification. Il est le refus de la triple idolâtrie, à laquelle le christianisme semble prêter l’apparence éblouissante de la vérité religieuse absolue : la réalité de l’Église, la valeur de la civilisation chrétienne, l’Incarnation. Seul parmi tous les peuples, le peuple juif s’obstine à rester aveugle, et à affirmer que ces trois thèmes constituent une trahison à l’égard de Dieu. Dieu seul est vérité, et la réalité de l’Église ne peut être qu’illusion. Dieu seul impose les valeurs, et la civilisation humaine ne tient pas devant le Royaume de Dieu. Lui seul est Dieu, et qui peut-on lui comparer pour qu’il lui ressemble ? »33.
35Il y a lieu de rester perplexe devant les difficultés du partage « universel/particulier ». André Néher et Shmuel Trigano oscillent sans cesse entre le pôle de l’universel — la modernité juive représentant en quelque sorte toute l’expérience moderne de l’Occident —, et l’exacerbation de la particularité (thèmes de la solitude et des affrontements, du divin hébraïque et de la socialité juive à tout jamais inassimilables par le logos grec).
36Cette tension traverse aussi la christologie. Elle est particulièrement sensible dans un titre attribué à Jésus de Nazareth, « fils de David », qui rapidement fut oublié-refoulé, selon des mécanismes analogues, je crois, à ceux décrits dans La Demeure oubliée.
4. La disparition du souvenir du « Fils de David »
37Il est révélateur d’étudier le titre le plus concret qui ait été assigné au Christ. Cette ascription « Celui-ci n’est-il pas le Fils de David ? » est le fait d’une partie de son auditoire — amis et ennemis. Ils le tenaient pour le rejeton longtemps attendu de la maison de David qui, investi de l’Esprit de Dieu, pouvait prétendre au trône et en chasser les usurpateurs. Ce titre réserve bien des surprises : ainsi, le silence du credo sur la filiation davidique (elle est absente du Symbole des Apôtres et du Symbole de Nicée - Constantinople). De nos jours encore, certains théologiens considèrent que le titre, en tant que métaphore de l’espérance d’Israël, a vécu. Jésus n’est pas l’enfant d’Israël, par l’application de la théorie antique de la substitution qui discerne en l’Église le nouvel Israël. Notre propos se situe aux antipodes. A côté de titres à visée transcendante, à première vue, tels que « Fils de l’Homme » ou « Fils de Dieu », le titre « Fils de David » traduit une aspiration religieuse au moyen d’une catégorie immanente. L’intérêt d’associer Jésus à la légendaire dynastie davidique était de donner crédit à la conviction que Dieu « sauve » son peuple en intervenant dans l’histoire. Or penser le kérygme sans incarnation entraîne l’enfermement dans le supranaturalisme, qu’il soit de facture traditionnelle ou qu’il soit revisité par la sécularisation. Le kérygme s’insère dans l’histoire, et l’histoire est « travaillée » par le kérygme, comme la pâte que le ferment fait lever. Ce que Chalcédoine a dit des deux natures du Christ, nous le disons du rapport entre l’histoire et le kérygme, des modes distincts mais inséparables d’exprimer l’intuition de la « descente » de Dieu dans la vie humaine. Celui qui est annoncé comme vere Deus est aussi vere homo ; ou pour être plus précise : vere Judaeus.
38Ce qui est perdu en extension est compensé par la profondeur : Dieu, dans sa kénose, « entre » dans l’histoire, pour le dire avec le langage symbolique. Son accommodation est inconditionnelle, puisque ce divin accepte d’être connu par le truchement d’un destin particulier au sein du peuple juif, en y assumant jusqu’aux aspirations ambiguës comme celle, chauviniste, d’un fils de David34.
39Nous avons propension à spiritualiser ce que nous n’aimons pas regarder en face : le pouvoir politique utilisé à mauvais escient, les tyrans qui écrasent sous leurs bottes les germes du règne de Dieu ; le titre « fils de David », dans sa concrétude, résiste à la spiritualisation. D’abord, il peut être lu à la lumière du rex redividus et de son effet subversif pour les régimes en place. À David, dans l’histoire d’Israël, on finit par attribuer la double fonction de « portrait » d’Israël auprès de Dieu et de « portrait » de Dieu (roi et berger) auprès du peuple. L’attribution davidique, elle, avait une portée politique : à propos de l’entrée messianique à Jérusalem (mise en scène en Matthieu 21, 1-11), on peut dire que les catégories davidiques servaient à interpréter les événements historiques.
40A plusieurs reprises, des empereurs se montrèrent inquiets à l’idée que pouvaient survivre des prétendants de la lignée de David. Domitien, qui fut assassiné en 96, fit frapper monnaie avec l’inscription Judaea Capta ; il convoqua pour interrogatoire des petits-fils de Jude, des petits-neveux de Jésus en quelque sorte. Il les relâcha, rassuré par la réponse spiritualiste qu’ils donnèrent à la question du royaume du Christ : « Ce royaume n’est pas de ce monde, ni de cette terre, mais céleste et angélique »35. Cette retenue est aussi observée par les Juifs. Josèphe, en évoquant le petit-fils (ou arrière petit-fils) de Hillel, le grand Rabbi Siméon ben Gamaliel, dit seulement qu’il est « issu d’une très illustre famille ». S’agit-il d’une litote pour faire allusion à la famille illustre par excellence en Israël ? David Flusser, le savant et philologue juif, suggère que Josèphe se rendait compte des risques encourus s’il attribuait explicitement une généalogie davidique au Rabbi Siméon36.
41L’oubli-refoulement du titre « Fils de David » eut de graves conséquences. « C’est d’abord l’indifférence en matière d’histoire nationale, le peu de prix accordé à la vertu chamelle de la vie d’Israël. Klausner voit dans cette répudiation du destin national juif le point de la doctrine de Jésus qui empêcha son message d’être interprété et accepté par son peuple37. [...] Plus tard, ce fut la possibilité d’un concordat avec l’Empire terrestre, les intérêts du Royaume de Dieu étant sauvegardés par leur sublimation même. L’absolutisme spirituel des chrétiens s'accommode fort bien d’un conservatisme temporel. En niant la valeur de toute espèce d’autorité sur terre, on est indifférent à l’égard de l’incarnation actuelle, donc accidentelle et provisoire, du pouvoir. Et la Croix peut se réconcilier avec Rome »38.
5. Le commentaire, clé de la demeure oubliée
42En conclusion, est-il possible de nouer la gerbe des questions soulevées par la « demeure oubliée » (Trigano), par la « solitude et les affrontements de l’existence juive » (Néher), par le « Fils de David », un titre christologique occulté, et les pistes évoquées au fil des séances du séminaire ? A titre d’hypothèse, je soumets comme catégorie « englobante » le commentaire.
43Souvent méprisé parce que méconnu, le commentaire est un aspect cardinal du « fait juif », comme l’explique Trigano. « Loin de représenter un processus de contrôle et une pratique de répétition, le commentaire hébraïque est le mode maïeutique de la naissance d’autres textes, une problématique d’avènement multiplicatrice, le procédé de la "séparation" d’un texte nouveau à partir d’un texte premier : pour l’herméneutique hébraïque, en effet, toujours un texte nous précède et nous porte. La normalisation moderne a rompu le processus de la créativité hébraïque, qui se déployait dans le commentaire, dans le fil de la filiation. Le commentaire y a fait figure d’un procédé secondaire, réduit à la sphère religieuse [...]. Le discours juif n’était ainsi plus structuré par le commentaire, mais par "l’auteur", le créateur dans sa royale individualité. De lui venait le nouveau, non plus du texte premier. L’individu l’emporta sur le texte originel. Reconduction perverse, en fait, du commentaire (car on ne peut jamais sortir de la filiation, structure constitutive de l’humain), dorénavant commentaire non plus du texte mais, dérisoirement, du sujet lui-même. [...] L’auteur, qui se substitue au commentateur, fait table rase du passé. Il n’est point enfanté. Rien ne le précède, tout le suit. Tout commence avec lui. En un mot, il est la transparence de l’universel »39.
44En contrepoint, écoutons l’émouvant hommage rendu par André Néher au commentaire et à la tradition (« la chaîne ») et à son père, Albert Néher. En ouverture de son étude intitulée Transcendance et Immanence (1946), il reproduit une page écrite par son père, en pleine guerre, le 7 juin 1944, en Corrèze. « Notre passé n’est point une énigme tissée d’hiéroglyphes dont aucune herméneutique ne nous fournit la clé. Nous en sommes le produit direct. Dans une suite sans arrêt ni fissure, nos pères nous ont transmis leur croyance, et le présent nous impose l’obligation de poursuivre cette transmission, de façonner et de continuer la chaîne en vue d’un devenir. [...] Et cette chaîne, le premier anneau en a été formé dans le désert du Sinaï, et depuis, nos aïeux et nos ancêtres y ont sans cesse ajouté ; et voyez encore : ce qui nous attire avec tant de force vers ce puits, c’est de pouvoir montrer, dire et perpétuer : ce dernier chaînon — après celui de mon père — c’est le mien »40.
45Quelques suggestions pour conclure :
Les difficultés que nous rencontrons à faire sens, au sein de la ratio commune, de Dieu comme Parole, ne renvoient-elles pas aux déficits de la généalogie, thématisés par les travaux de Pierre Legendre ?
Le refoulement de la « davidité » de Jésus est peut-être un corollaire de la volonté de voir comme une absolue nouveauté la confession davidique, et le refus de voir en les écrits du « Nouveau » Testament un commentaire de l’Ancien.
Qu’est-ce qu’une question théologique ? (A.M. Dillens). Peut-on suggérer une différence entre le questionnement philosophique qui pose le monde à partir du penseur, de l’universalité de l’Idée ou de l’Être, faisant commencer la parole sur la table rase de l’abstraction, et les questionnements théologiques qui sont définis comme commentaire au sens indiqué plus haut ? En théologie, nolens volens, toute parole a des « parents » de parole ; nous continuons, malgré nous parfois, un texte commencé bien avant nous.
Cela rencontre-t-il les points « origine » et « hiérarchie » ? (F. Coppens).
Le dogme, compris de manière ouverte et dynamique, n’invite-t-il pas à des « séparations » créatrices de la part de ceux et de celles qui sont solidaires avec lui ? (question à José Reding).
Et finalement, pour reprendre les termes de G. de Stexhe, « l’apaisement de la prégnance de Dieu dans la philosophie actuelle » est-il symptomatique d’un épuisement dû à la sensation de satiété en raison de la prolifération des commentaires (et de commentaires des commentaires) ? Ne serait-il pas le signe de la fatigue suscitée par un effort prométhéen d’originalité absolue ?
Notes de bas de page
1 S. Trigano, La Demeure oubliée. Genèse religieuse du politique, Paris, éd. Lieu commun, 1984.
2 A. Neher, Le judaïsme et la crise de la civilisation occidentale (1959), dans L’Existence juive. Solitude et Affrontements, Paris, Seuil, 1962, p. 279.
3 S. Trigano, La Demeure oubliée, op. cit., p. 11 s.
4 Ibidem, p. 29.
5 S. Trigano, La Demeure oubliée, op. cit., p. 402.
6 B. Fondane, cité dans A. Neher, Existence biblique et histoire (1954), dans op. cit., p. 27. Sur Benjamin Fondane, on peut consulter les Actes du Colloque de Royaumont (avril 1998) dans M. Jutrin (sous la direction de), Rencontres autour de Benjamin Fondane, Poète et Philosophe, Paris, Parole et Silence, 2003 ; notamment l’étude consacrée à l’oeuvre roumaine de Fundoianu-Fondane, Judaïsme et Hellénisme : une quête d'identité, par R. Fotiade, dans op. cit., p. 193-203.
7 F. Nietzsche, Jenseits von Gut und Böse.
8 P. Valadier, Un christianisme d’avenir. Pour une nouvelle alliance entre raison et foi, Paris, Seuil, 1999, p. 67. D’autres théologiens, historiens et philosophes émettent des critiques similaires (Jürgen Moltmann, Denis Millier, René Girard, René Reymond).
9 S. Trigano, La Demeure oubliée, op. cit., p. 13.
10 Ibidem.
11 Ibidem, p. 23.
12 Par exemple, au sein de la Concorde ecclésiale de Leuenberg, cette thématique a fait l’objet de discussions approfondies : Gesetz und Evangelium besonders im Blick auf die Entscheidungsfindung in ethischen Fragen. Ergebnis der Beratun gen der Leuenberger Lehrgesprächsgruppe « Gesetz und Evangelium », 1997-2001.
13 M. Onfray, Théorie du corps amoureux. Pour une érotique solaire, Paris, Grasset, 2000, p. 295.
14 S. Trigano, La Demeure oubliée, op. cit., p. 14.
15 Ibidem, p. 14.
16 Ibidem.
17 J’utilise ici le point (imprononcé) pour suggérer l’ineffable tétragramme de la tradition hébraïque.
18 S. Trigano, La Demeure oubliée, op. cit., p. 19.
19 Ibidem, p. 17.
20 On peut rapprocher ces remarques trop sommaires des démonstrations brilllantes de H. Atlan, Les Etincelles du Hasard. Tome I : Connaissance spermatique, Paris, Seuil, 1999.
21 S. Trigano, La Demeure oubliée, op. cit., p. 19.
22 S. de Beauvoir, La Force de l'âge, Paris, Gallimard, 1960, p. 172 et 372.
23 Pour une étude récente de ce phénomène, on se reportera à la contribution de P. Nahum-Simon, Le messianisme dans l’interprétation de la Wissenschaft des Judentums, dans J.-C. Attias, P. Gisel et L. Kaennel (sous la direction de), Messianismes. Variations sur une figure juive, Genève, Labor et Fides, 2000, p. 113-130.
24 H. Arendt, Rahel Varnhagen : The Life of a Jewess, London, 1957. Le texte, complété pour l’essentiel déjà en 1933, au moment où l’auteure était contrainte d’émigrer, parut en allemand peu après la version anglaise : Rahel Varnhagen. Lebensgeschichte einer deutschen Jüdin aus der Romantik (1959).
25 Neher, Le judaïsme et la crise de la civilisation occidentale, op. cit., p. 135.
26 Ibidem, p. 136.
27 Ibidem, p. 28.
28 Trigano, La Demeure oubliée, op. cit., p. 32.
29 Ibidem, p. 33.
30 Ibidem.
31 Ibidem, p. 34.
32 Ibidem, p. 35 et s.
33 A. Neher, Le judaïsme et la crise de la civilisation occidentale, op. cit., p. 222.
34 A.M. Reijnen, L’Ombre de Dieu sur terre. Un essai sur l’incarnation, Genève, Labor et Fides, 1998, p. 77 et s.
35 Eusebe de Césarée, Histoire ecclésiastique, III, XII, 2., et III, XIX-XX, 1-6, Paris, Cerf (Sources Chrétiennes 31), 1952.
36 D. Flusser, The House of David' on an Ossuary, p. 40. Pour tout ce qui précède, A.M. Reijnen, L'Ombre de Dieu sur terre, op. cit., p. 104 et s.
37 J. Klausner, Jésus de Nazareth, Paris, 1933, p. 573-587, cité par André Néher.
38 A. Neher, Le judaïsme et la crise de la civilisation occidentale, op. cit., p. 85.
39 S. Trigano, La Demeure oubliée, op. cit., p. 20.
40 A. Neher, Le judaïsme et la crise de la civilisation occidentale, op. cit., p. 11-13.
Auteur
Théologie
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