Hitler au théâtre : la réponse du grotesque à l’histoire
p. 179-195
Texte intégral
1Une des manières d’aborder le grotesque et son succès dans la littérature moderne est l’approche dite « réaliste ». Celle-ci consiste à voir dans le grotesque la figure mimétique de notre monde : l’expression grotesque serait le reflet, la contre-image d’un monde grotesque. Cette approche a pu trouver ses défenseurs chez Klaus Völker (« le monde actuel est grotesque, la littérature moderne est marquée par le grotesque »1, ou chez Arnold Heidsieck (pour qui le grotesque est « la déformation volontaire de l’homme, l’inhumain causé et produit par l’homme »2. Son meilleur inspirateur en est sans doute Dürrenmatt qui, en 1955, écrivait : « Dans le gâchis de notre siècle, dans cette débandade de la race blanche il n’est plus de fautifs ni de responsables. Personne n’y peut rien et personne ne l’a voulu. La roue tourne toute seule. Tout est entraîné et resté accroché dans un quelconque râteau […]. Seule la comédie a encore prise sur nous. Notre monde a aussi bien mené aux grotesques qu’à la bombe atomique, comme sont grotesques les tableaux apocalyptiques de Jérôme Bosch. Mais le grotesque n’est qu’une expression sensible, un paradoxe sensible, à savoir la forme de l’informe, le visage d’un monde sans visage… »3.
2Le propos n’est pas ici d’étudier la valeur théorique de cette approche4, mais de se pencher sur une question qu’elle induit : une réalité estimée grotesque conduit-elle nécessairement à une expression artistique grotesque ? Pour y répondre, un cas précis sera envisagé, celui d’un personnage historique fameux : Adolf Hitler. A cette réalité correspondra le traitement que quatre auteurs de théâtre lui ont réservé. Ceux-ci sont, à notre connaissance, les seuls à avoir à la fois su représenter le personnage d’Hitler avec talent et obtenu – même si c’est de manière inégale – une reconnaissance internationale5. Etonnamment, ils peuvent être classés de manière symétrique. D’après leur origine, il s’agit de deux auteurs allemands non-juifs, Bertolt Brecht et Heiner Millier, et de deux auteurs juifs : George Tabori, britannique d’origine hongroise et René Kalisky, belge d’origine polonaise. Mais d’après leur âge, on peut reconnaître des « aînés » et des « jeunes ». Brecht et Tabori ont découvert le nazisme alors qu’ils étaient adultes et ont eu la chance de partir en exil (en 1944, Brecht avait quarante-six ans et Tabori trente). A l’inverse, Müller et Kalisky étaient enfants sous le nazisme et en ont souffert directement : en 1944, Müller avait quinze ans et a été enrôlé dans la Volksturm, alors que Kalisky, âgé de huit ans, était caché à Bruxelles et perdait son père à Auschwitz.
Hitler, un personnage historique grotesque
3Affirmer d’un personnage historique qu’il est grotesque relève assez peu du jugement esthétique. Néanmoins, dans le cas d’Hitler, on peut sans trop de risque estimer que la charge historique qu’il a produite a été telle qu’il se dégage de lui une dimension grotesque, plutôt que tragique, tragi-comique ou romantique, sans même considérer qu’elle aurait pu être comique.
4Le seul sens commun retient pour Hitler l’image du fou monstrueux, responsable de la Seconde guerre mondiale, obsédé par sa haine viscérale du juif et son désir d’hégémonie, qui lors de ses discours gesticulait comme un pantin et aboyait l’écume aux lèvres et qui pourtant réussissait à fasciner. De manière étrange la répulsion qu’il provoque stimule aussi le rire, à la différence d’autres dictateurs sinistres. Staline, Mao, Franco n’ont jamais eu un potentiel comique comparable à celui d’Hitler. Il suffit de songer aux innombrables caricatures qu’il a inspirées6 ou au Dictateur de Chaplin. Si en plus on se tourne vers la science historique, les questions surgissent. Comment un tel homme et une telle « carrière » étaient-ils possibles, se demandent les historiens. Pour Sebastien Haffner, le cas d’Hitler est proprement unique dans l’histoire humaine : « On aurait beau chercher quelque chose de comparable dans l’histoire […] Jamais le même homme ne s’est révélé d’abord et pendant longtemps un raté apparemment sans espoir, puis pendant une période tout aussi longue quelqu’un de compétent et apparemment de génial, enfin à nouveau et cette fois, au-delà des apparences, un funeste gâcheur »7.
5Et comme il s’agit d’interroger l’écriture théâtrale, on ne manquera pas d’être sensible au caractère grotesque de certains propos d’Hitler. Ainsi, il aurait déclaré en septembre 1942 : « Il est arrivé aux Juifs de rire de moi ; je ne sais si aujourd’hui ils rient encore de moi, ou si le rire leur est passé ! »8.
6On le voit, la perception du personnage historique d’Hitler et de ses monstruosités répond facilement aux définitions « reconnues » du grotesque, principalement à celle dite « tragique » de Wolfgang Kayser : « L’épouvante mêlée d’un sourire a son fondement dans l’expérience que ce monde qui nous est familier, établi dans un ordre en apparence solide, nous devient étranger soudain, se laisse envahir par des puissances insondables, perd toute cohésion, pour s’abolir enfin avec toutes ses structures […] Nous avons rencontré sans cesse de nouvelles formes de désagrégation : la suppression de la catégorie de la chose, la destruction du concept de personnalité, la mise en pièces de l’ordre historique »9.
7Comment nier qu’Hitler a montré que « l’ordre historique » pouvait être « mis en pièces », qu’un « monde familier, établi dans un ordre en apparence solide » pouvait « se laisser envahir par des puissances insondables », qui lui faisaient « perdre toute force et toute cohésion et abolir toutes ses structures » ?
8Quant à l’autre « pôle » du grotesque, celui défendu par Mikhaïl Bakhtine, il semble au premier abord plus difficile à concilier avec la perception que l’on a du personnage historique. Comment le corps d’Hitler pourrait-il être procréateur10 ? Quel serait le carnaval d’où sortirait un rire profanateur et libérateur ? Et comment est-il possible de reconnaître dans l’hitlérisme « un phénomène en état de changement, de métamorphose encore inachevée, au-delà de la mort et de la naissance, de la croissance et du devenir »11 ? Pourtant, comme nous le verrons, certaines pièces consacrées à Hitler ne sont pas sans offrir un certain crédit à cette approche du grotesque.
La Résistible Ascension d’Arturo Ui : grotesque ou satirique ?
9La première pièce écrite sur Hitler est restée de loin la plus fameuse de toutes. Il s’agit de La Résistible Ascension d’Arturo Ui12 racontant l’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933 à travers l’histoire du chef du gang des choux-fleurs à Chicago. Brecht a écrit cette « parabole dramatique », ainsi que le sous-titre l’indique, en 1941, lors de sa période d’exil, mais il l’a revue et annotée après-guerre. Elle n’a été portée à la scène qu’après sa mort en 195813. La pièce a rapidement connu un grand succès et de très nombreuses études lui ont été consacrées.
10Dans Quatre mises en scène d’« Arturo Ui »14, Philippe Ivernel aborde la dimension grotesque de la pièce. Il fait remarquer que le comique d’Arturo Ui véhicule l’inquiétude et l’effroi et que pour cette raison « c’est la catégorie du grotesque qui rend compte le plus fidèlement de la tonalité de la pièce »15. Il appuie son jugement sur les conclusions de Kayser qui dit : « le grotesque est la forme que prend un univers étranger à lui-même, aliéné, manquant de tout repère pour s’orienter »16. Néanmoins, Philippe Ivernel affirme dans le même texte que « le grotesque de Brecht n’est pas désorientant »17, qu’« il ne répand pas l’obscurité mais la lumière ». Comment comprendre que le grotesque puisse apporter la lumière, surtout dans une approche kayserienne ? N’y a-t-il pas là contradiction ?
11Certes, l’emploi d’« effets grotesques » est indéniable dans Arturo Ui. Ainsi en va-t-il de la dégradation des personnages, une technique que Brecht avait inaugurée longtemps auparavant dans ses pièces de jeunesse. Il l’appelait le « déclin des hommes forts »18 et il a pu l’appliquer (ou songer l’appliquer) à David, Hannibal, Alexandre le Grand, Charles le Téméraire. Réduire le personnage historique à une curiosité était un des multiples moyens mis en oeuvre par Brecht pour rompre avec le théâtre illusionniste et ses effets d’identification.
12Cependant, dans le cas d’Arturo Ui, ce désir de dégrader participe plus du choix politique qu’artistique. En 1941, Hitler était au faîte de sa puissance et donc susceptible de voir ses crimes excusés ou relativisés par le poids qu’il avait acquis dans l’histoire (au même titre que Napoléon n’est pas réduit à sa campagne de Russie). Ainsi, Brecht écrit : « Il faut écraser les grands criminels politiques ; et les écraser sous le ridicule. Car ils ne sont surtout pas de grands criminels politiques, mais les auteurs de grands crimes politiques, ce qui est tout autre chose »19.
13L’assimilation du dictateur à Arturo Ui, un petit gangster veule, sans relief et obsédé par le pouvoir aurait suffi à dégrader Hitler. Mais l’écriture de Brecht va plus loin. A cet effet grotesque, Brecht associe un autre effet, celui de l’inadéquation entre la citation et la situation. Autrement dit, il ajoute une remise en question des conventions et introduit de la distanciation.
14C’est qu’Arturo Ui joue sur un triple registre : c’est à la fois une chronique des années 30 (la prise de pouvoir par Hitler) qui est rappelée au moyen des écriteaux, un mélodrame de Série Noire (par la fable du gang renvoyant à l’univers d’Al Capone) et un drame élisabéthain. La référence à Richard III est explicite. Dès le prologue, le bonimenteur clame :
« Comment ne pas penser à Richard le Troisième ?
Jamais, depuis le temps de Lancastre et Tudor,
Jamais on n’avait vu la même
Histoire de flamme et de mort »20.
15Le renvoi au drame de Shakespeare s’obtient aussi par un pastiche de scènes fameuses21 ou par l’emploi de vers schlegeliens (qui sont typiques des traductions allemandes de Shakespeare22. « Il est nécessaire »23, dit Brecht, « pour que l’action prenne toute sa signification […] de jouer la pièce dans le grand style […] Le comique ne doit jamais aller sans l’horreur ».
16Le spectateur est ainsi constamment balancé entre trois lectures : historique, mélodramatique et tragique. Et chacune d’elle contribue à dégrader Hitler, soit par juxtaposition (Hitler est comparé à un gangster, à Richard III), soit parce que la forme citée est elle-même mise à mal. Ainsi, Hitler n’a pas l’épaisseur tragique de Richard III (comme il n’a pas non plus le charme d’un gangster comme Little Caesar). Si les deux dictateurs tiennent du bouffon, Richard III en est conscient, choisit même de le devenir, alors qu’Arturo Ui l’est malgré lui. Si, jusque dans son déclin. Richard III garde une grandeur nietzschéenne qui l’élève au-dessus des autres, Arturo Ui au contraire n’a aucune intelligence de l’histoire : ne sachant que profiter, il reste au niveau de l’ensemble de son gang sans lequel il ne peut pas grand chose. Par conséquent, Arturo Ui, et donc Hitler, n’est qu’une caricature, un sous-Richard III ou en d’autres termes un Richard III grotesque.
17Il reste à signaler un autre « effet grotesque » : l’intégration du triple registre d’Arturo Ui dans une dimension carnavalesque. La pièce s’ouvre sur une musique de foire et sur l’accueil du public par un bonimenteur :
« Cher Public nous vous présentons
- Vos gueules un peu, dans le fond !
Chapeau là-bas, la petit’ dame ! –
Des gangsters l’historique drame »24.
18On pourrait y ajouter tout ce qui est de l’ordre des invectives (dont au premier chef les discours d’Ui) et aussi les changements de niveaux de langue, les variations sur le vers schlegelien. Tout cela pourrait laisser penser à une « carnavalisation » de la pièce, signe bien caractéristique du grotesque selon Bakhtine. Il n’en demeure pas moins que le rire d’Ui sous « les roulements de tambours et fanfares »25 dans la scène finale n’aboutit pas, loin s’en faut, à une réconciliation de l’homme avec lui-même et le monde.
19La présence de ces effets grotesques est-elle suffisante pour affirmer qu’Arturo Ui est une pièce grotesque ? Brecht n’utilise jamais le mot de grotesque à propos d’Arturo Ui. Il lui préfère les termes de « parabole », de « satire »26 ou d’« effet de pastiche »27. Et on peut signaler qu’il lui est arrivé de réprouver le grotesque en 1930 : « la plus grande erreur serait le grotesque »28, a-t-il écrit à propos de la pièce didactique Rien à tirer de rien. Par contre, dans ses notes sur Arturo Ui, Brecht laisse clairement entrevoir ses intentions politiques : démythifier Hitler et le système qui l’a engendré, tant il est vrai que selon la thèse communiste, le nazisme est la « phase suprême » de l’évolution du capitalisme. Cette idée se trouvait déjà exprimée dans son Essai sur le fascisme : « Pour engager le combat décisif contre son prolétariat, le capitalisme doit rejeter jusqu’au dernier les scrupules qui le retiennent, et balancer par-dessus bord toutes les notions dont il se réclame, liberté, justice, personnalité et jusqu’à la concurrence »29.
20C’est là sans doute que le grotesque d’Arturo Ui devient « lumineux » pour Philippe Ivernel. Mais c’est là aussi qu’il s’éteint. La pièce ne relève plus du grotesque mais bien, ainsi que Brecht le suggère lui-même, de la satire. Une satire où, pour reprendre la définition de Schiller, « une réalité est bien, en tant qu’insuffisance, opposée à l’idéal comme à la réalité suprême »30. Ici, la réalité est celle du capitalisme, lequel peut déboucher sur le nazisme (c’est pourquoi Brecht a ajouté après-guerre l’épilogue avec la fameuse phrase finale « le ventre est encore fécond d’où est sorti la bête immonde »31 et la réalité suprême quant à elle est celle de la justice sociale et de l’égalité entre les hommes, qui, dans l’esprit Brecht, ne peut se concrétiser que dans le communisme.
21Tenant compte de cela, on comprend aussi mieux les fortes réserves de certains commentateurs sur la pièce. Adorno a traité Arturo Ui de « raccourci enfantin »32 et Jan Kott a dénoncé le « simplisme »33 de la pièce, « sa lourde didactique » et « sa naïveté » (tout en lui reconnaissant une « formidable invention théâtrale » et une capacité à donner de superbes spectacles).
22Ainsi, il serait sans doute plus juste de parler d’Arturo Ui comme relevant du genre satirique mais avec un style grotesque, le jeu avec le grotesque étant ici infléchi dans le sens de la démonstration.
Tabori, artiste de la réconciliation
23La question de l’appartenance au genre grotesque se pose aussi pour Mein Kampf (farce)34 de George Tabori. Certains commentaires faits sur la pièce laissent entendre qu’elle relèverait du grotesque (sans doute un grotesque bakhtinien), même s’ils ne le nomment pas. La metteuse en scène Agalha Alexis vante le « rire scandaleux »35, « carnavalesque, d’une puissance infinie » qu’elle induirait. Mireille Losco parle à son propos « de renversement scandaleux de l’Histoire dans le bas corporel »36, de la construction d’un « monde de part en part humorisé, où l’endroit n’a plus d’envers et où la réalité vers laquelle tend la fiction s’avère elle-même instable, impossible, innommable ». Selon elle, l’humour de Tabori renoncerait « au dogmatisme ironique pour mettre en crise tout repère fixe ».
24D’origine juive, George Tabori est né en 1914 à Budapest. Il est parti en Angleterre en 1935, où il est devenu correspondant de guerre pour la BBC. Il a émigré ensuite à Hollywood en 1945 où il a rencontré Brecht, ce qui l’a déterminé à écrire pour le théâtre. Il y est resté jusqu’en 1971. Il s’installe ensuite en Allemagne puis en Autriche. C’est en 1987, à l’âge de 73 ans, qu’il écrit Mein Kampf (farce), qu’il met en scène lui-même à l’Akademietheater de Vienne la même année37.
25L’idée de la pièce est simple : elle retrace la rencontre, dans un asile de nuit de Vienne, du juif Shlomo Herzl avec un jeune artiste sans le sou particulièrement haineux et borné, qui n’est autre qu’Adolf Hitler. Shlomo entreprend d’éduquer Hitler. Il le protège comme une mère, mais le jeu tourne court et le caractère monstrueux d’Hitler finit par surgir. Comme le titre l’indique, l’histoire est racontée sur le mode de la farce. Shlomo tient le rôle du serviteur dévoué, malin, volubile mais malheureux, Hitler celui du maître incapable qui parvient à ses fins grâce au valet, mais demeure méchant et ingrat.
26Cependant on peut se demander si les nombreux effets comiques dépassent le genre de la farce et appartiennent au registre du grotesque. En quoi le double sens des répliques, l’étalage de blagues juives souvent connues, l’accent mis sur la constipation d’Hitler, l’apparition allégorique de la mort, mettent-ils en crise les repères fixes ? Même si on considère la scène de la recette de Himmlischst (alias Himmler) pour cuire le poulet – et qui sert de métaphore pour la Shoah à venir-, celle-ci ne relève-t-elle pas plutôt de l’humour juif et de l’autodérision qui le caractérise que du grotesque proprement dit ?
27A les analyser, les personnages apparaissent difficilement comme grotesques. Shlomo se présente sensible, raisonné, malin, chargé d’humour, avec ses tentations bien sûr, mais pouvant se contrôler et restant humble devant l’adversité. A l’opposé, Hitler n’est que ratage, veulerie, imbécillité, insensibilité. Il n’est guère différent du type d’individu qu’aurait pu être Arturo Ui dans sa jeunesse38. El on reste perplexe devant les propos de Tabori (« Je pense qu’on ne peut venir à bout d’Hitler que si on en reconnaît des traits en soi. On doit comprendre le ‘‘problème Hitler” chacun en soi-même »39 tant les personnages sont dépourvus d’ambiguïté et l’opposition juif/nazi inscrite dans un cadre manichéen.
28La structure dramaturgique de la pièce n’a elle non plus rien de grotesque. Le temps où se déroule la pièce est passé et reconnu comme tel par les personnages juifs (Shlomo et son compagnon Lobkowitz) qui ne se privent pas de se faire des clins d’œil à ce sujet40. Il s’ensuit que l’avenir auquel renvoie le texte n’a plus rien d’inconnu et est donc privé d’enjeu. Le juif martyrisé est bien annoncé par le poulet cuit, mais le spectateur connaît l’issue de la Shoah : Hitler, incarnation de la bêtise et de la violence humaine, sera vaincu et l’Etat d’Israël naîtra.
29En somme. Mein Kampf (farce) peut se voir comme une plongée de Shlomo, alter ego de Tabori, dans son passé. Une plongée ironique, un peu narcissique, un brin masochiste, mais sans risque, qui l’amène à rencontrer l’initiateur de la Shoah et à faire l’essai – mais y croit-il vraiment ? – de le remettre sur la bonne voie. Rien dans la conduite de Shlomo ne prête à redire, tant Hitler est borné. C’est le monde des Aryens qui va de travers, non le sien.
30Il est permis de s’interroger : cette pièce déjà non-grotesque est-elle aussi subversive que certains l’affirment ? Anat Feinberg41, tout en reconnaissant le talent de Tabori, s’est penchée sur la question de la réception de la pièce. Elle se demande si la raison pour laquelle beaucoup de spectateurs sont mal à l’aise à la sortie du spectacle ne tient pas au fait qu’ils se demandent pourquoi un sujet si terrifiant ne les a pas mis mal à l’aise. Elle dit même avoir rencontré des spectateurs qui étaient rassurés de découvrir qu’une pièce juive absolvait la majorité des Allemands de la faute collective et donnait – à la suite d’un certain courant de pensée – toute la responsabilité à Hitler, dépeint comme un névropathe risible. Allant même plus loin, elle42 se demande si Tabori sur ce plan n’est pas devenu le « bon Juif » des Allemands, le « Juif alibi », l’artiste de la réconciliation des Allemands.
31Qu’un texte fasse œuvre de réconciliation n’est sans doute pas un mal en soi, mais c’est une qualité qui est certainement à l’opposé des principes de rupture, de subversion, de mise en crise qui sont caractéristiques du grotesque.
32Ainsi, derrière les apparences, ces deux auteurs de théâtre, les « aînés », n’ont pas traité le personnage d’Hitler de manière grotesque. Le personnage d’Hitler de Tabori apparaît avant tout comme un personnage farcesque, alors que celui de Brecht relève plutôt de la satire, mais d’une satire à laquelle, il est vrai, des effets grotesques ont été ajoutés.
Germania ou le carnaval de l’histoire
33Qu’en est-il des auteurs plus jeunes ? Heiner Müller et René Kalisky ont-ils suivi l’exemple de leurs aînés ? Chez Heiner Müller, le personnage d’Hitler figure comme tel dans deux de ses drames historiques : Germania Mort à Berlin43 et Germania 3 – Les Spectres du Mort-homme44, mais sans y occuper une place centrale comme dans Arturo Ui et Me in Kampf.
34Four ce qui est de Germania Mort à Berlin, Müller en a entamé l’écriture en 1956, l’a reprise en 1961 et l’a terminée en 1971. Cette pièce a été créée par Ernst Wendt à Munich en 1978. Elle se compose de douze tableaux à travers lesquels diverses époques de l’histoire d’Allemagne se trouvent confrontées. La construction, loin d’être un montage aléatoire de scènes, repose sur une structure en diptyque : des séquences au sujet de l’Allemagne avant 1945 (de la Germania de Tacite au Troisième Reich hitlérien) alternent avec des tableaux sur les débuts de la RDA (de 1949 à 1953)45. Hitler apparaît au milieu du drame, au septième tableau, intitulé « La Sainte Famille » et qui se révèle être un régal de grotesque : la situation proposée est à la fois sinistre et ridicule, grand-guignolesque et satirique, politique et surréaliste. On y découvre Hitler buvant un jerrycan d’essence, à côté d’un Goebbels aux seins énormes et en état de grossesse avancée. Tels des clowns, les deux compères discutent et se disputent. Hitler réclame son petit déjeuner. Un garde lui apporte un soldat qu’Hitler avale aussitôt mais en protestant : « J’avais ordonné que mes hommes soient rasés avant que je les mange »46. Goebbels pousse alors un cri de douleur, car l’heure de l’accouchement approche. Hitler se fâche : « Une mère allemande ne crie pas »47. Arrive Germania, énorme, avec une trousse de sage-femme. Elle fait quelques remontrances à Hitler : « J’ai eu assez d’ennuis avec tes histoires de juifs. Il y a des gens qui me montrent du doigt. Encore aujourd’hui. Il y en a qui ne me disent même pas bonjour »48. Mais l’accouchement peut avoir lieu. Il est assez ardu. Les trois rois mages arrivent auprès de cette Sainte Famille. Ils viennent de l’Occident, puisqu’ils représentent les Alliés : les Etats-Unis, l’Angleterre et la France. Ils sont venus pour faciliter la naissance de l’enfant, qui n’est autre que la RFA. Mais au lieu d’un enfant, sort un « loup-thalydomide ». Et alors que les rois mages chantent en chœur « Alléluia », que le loup hurle et que Goebbels se livre à une danse de Saint-Guy, Hitler attache Germania sur la bouche d’un canon. Il le déclenche. Détonation, le rideau tombe.
35Ce tableau, le seul où figure Hitler, illustre donc de manière résolument grotesque la naissance de la RFA. Il fonctionne comme un détail dans une peinture de Bosch. Il est autonome, avec ses particularités et son sens propres, mais associé avec les autres détails qui peuvent être traités de manière grotesque eux aussi, il participe au sens général de la peinture. La dramaturgie de Germania relève d’une esthétique du collage, de l’association d’anecdotes. Par sa construction, la pièce peut faire penser à un cortège de carnaval où chaque char a son expression propre mais qu’un thème commun réunit ; ou aussi aux différents numéros d’une revue théâtrale ; ou encore à des images fulgurantes qui seraient produites lors des rêves.
36Quant à Germania 3 – les Spectres du Mort-homme, elle constitue la dernière pièce de Müller. Il l’a terminée un an avant sa mort, en 1995. Elle a été mise en scène par Martin Wuttke au Berliner Ensemble en 1996. Germania 3 procède en gros de la même technique dramaturgique que Germania Mort à Berlin. Elle a aussi pour objet l’histoire allemande mais « en tant qu’elle fabrique des spectres »49. Müller ressuscite, le temps d’une scène, des figures historiques qui dressent le bilan de leur passé. Hitler apparaît dans la scène intitulée « un chasseur souffla bien dans son cor ». Il en est à sa dernière heure, réfugié dans le bunker de la Chancellerie du Reich, lors de la chute finale. La scène consiste en une variation grotesque sur le thème du Crépuscule des dieux de Wagner (dont la musique s’entend en fin de scène). Tiennent compagnie à Hitler, Goebbels avec ses enfants morts et surtout Staline, « le roi des rats et son dos gigantesque »50. Le morceau de choix consiste dans le discours que tient Hitler avant de se suicider. Pêlemêle, il y annonce son mariage avec Eva Braun (mais devant Richard Wagner), regrette « le triomphe du sous-homme dont s’annonce la domination »51, estime avoir fait « son possible pour exterminer l’humanité qui submerge la planète ». Il déclare aussi avoir fait fusiller son astrologue, qui n’est autre que Nietzsche, afin qu’il le « précède au royaume des morts, qui est la seule réalité sur terre et dont il fut sur terre le gouverneur ». Enfin, il avertit à qui veut l’entendre que sa réputation perdurera au-delà de la mort : « Je meurs en tant que personne privée. Mais la fumée des villes en flammes portera ma renommée autour de la terre, et les cendres des crématoires assombrissant le ciel seront mon monument porté par le vent jusqu’aux étoiles après moi »52.
37On le voit, les deux Germartia relèvent entièrement du grotesque, non seulement au niveau des effets, mais aussi en ce qui concerne la construction de la pièce. On peut y repérer des résonances kayseriennes, comme cet « ordre en apparence solide qui se laisse envahir par des puissances insondables », mais le grotesque müllerien, par ses effets comiques ou grandguignolesques semble se rapprocher davantage du grotesque bakhtinien. Dans cette ligne, on pourrait aussi penser au « grotesque comique absolu »53 de Baudelaire, provoquant un rire qui « a en soi quelque chose de profond, d’axiomatique et de primitif qui se rapproche […] de la vie innocente et de la joie absolue ».
Séduction du bourreau et ambiguïté de la victime
38C’est en 1972, un an après que Müller eut terminé Germania Mort à Berlin que René Kalisky aboutit à la version définitive de Jim le téméraire54. Mais il faut attendre la mort de l’auteur, en 1981, pour que la pièce soit montée55, signe peut-être du désarroi qu’elle provoque chez les metteurs en scène.
39Jim le téméraire met en scène Jim, un juif d’une quarantaine d’années, qui un quart de siècle après la Shoah en est resté traumatisé, même s’il n’a pas été déporté. Il ne quitte plus son lit et à travers les phantasmes que lui procurent ses lectures, il revit l’histoire du nazisme. Il entre ainsi en contact avec Hitler et les protagonistes majeurs du IIIème Reich, que ce soient les inspirateurs occultes de l’idéologie nazie (Lanz von Lisbenfells, Haushofer, Eckart, Morell,…), les exécutants les plus sinistres (Heydrich, Himmler) ou les deux seules femmes qui ont compté pour lui (sa nièce Geli Raubal et Eva Braun).
40Dans Jim le téméraire, les effets grotesques ne sont certainement pas aussi manifestes que dans Arturo Ui ou dans les deux Germania : pas de déformation physique, d’accouchement contre nature ou d’assimilation de l’homme à l’animal, ni non plus de jeu intertextuel ou langagier. Loin de renvoyer à Shakespeare ou de jouer sur la caricature, les répliques des dignitaires nazis sont souvent authentiques56.
41C’est qu’ici le grotesque tient à la situation, aux personnages, ainsi qu’à la relation qu’ils entretiennent entre eux. Le monde de Jim s’est fait envahir par les fameuses « puissances insondables », pour reprendre les expressions de Kayser. Il a « perdu toute cohésion », « a aboli toutes ses structures ». Par une sorte de magie propre aux visions oniriques, Hitler et ses acolytes se mettent à revivre leur histoire, sans remettre en question leur statut de spectres ou l’écart avec le passé. Ils sont même prêts à se métamorphoser en d’autres personnages à mesure que les événements se déroulent : Lanz von Lisbenfells deviendra Eckart puis Himmler alors que Haushofer se transformera en Heydrich puis en Ohlendorf57.
42Kalisky a eu l’occasion de s’expliquer sur les raisons qui l’avaient poussé à écrire Jim le téméraire. Son désir était de faire une pièce sur le nazisme qui romprait avec l’attitude du théâtre militant (et donc partisan), de mettre en accusation le bourreau. Il pense en effet que « réduire l’apocalypse hitlérien aux dimensions d’un hiatus militaro-sadomasochiste est une pratique de rebouteux »58. Pour lui, il est nécessaire d’interpeller la victime.
43C’est ainsi que le traitement qu’il réserve au personnage d’Hitler est tout à fait original. Au lieu de le cantonner dans les défauts et les tares que l’histoire a retenus de lui, il cherche au contraire à exprimer « toutes les facettes de son caractère »59. Par là, il le laisse déployer tout son jeu et révéler son pouvoir de séduction, avec ce qu’il comporte « d’infernal, de tragique, d’insoutenable, d’inavouable »60. On le découvre dans son intimité, dans ses hésitations, dans ses rapports complexes avec les initiés de « l’Ordre du Nouveau Temple », alors qu’il construit sa pensée, tente d’imposer en conscience ses idéaux et de s’affirmer auprès des femmes qui ont compté pour lui. René Kalisky fait ainsi exactement l’inverse de Brecht. Au lieu de « dégrader » Hitler, il cherche à le hisser au niveau d’un démiurge, à faire de lui un authentique Richard III du XXe siècle.
44Et logiquement, face à un Hitler réapprécié, René Kalisky propose une image dégradée du Juif. Jim se présente comme un raté parfait, une parodie de déporté. « Colleur d’imperméables » de son état, mais aussi bégayant, asocial et immature, il est celui qui est obligé de compter sur les pensions allemandes pour survivre. Dans les blagues juives, il aurait pu tenir le rôle de schlimazel, s’il n’avait nourri – c’est là toute son ambiguïté – une fascination inconsidérée pour Hitler, laquelle le pousse à rechercher sa considération et l’amène à se renier lui-même (« J’accepte de n’être rien du tout »61.
45En quelque sorte, Kalisky reprend la situation de Mein Kampf (farce) mais pour la traiter de manière grotesque. Il inverse le mouvement temporel, les hiérarchies et l’ordre des valeurs : ce n’est pas le Juif qui retourne dans le passé, mais le passé qui envahit le présent du Juif et annonce même sans doute son avenir. Il ne s’agit plus pour le Juif d’éduquer Hitler mais au contraire d’être éduqué par lui. C’est Hitler, porte-drapeau du millénarisme, qui se trouve grandi et c’est le Juif représentant du peuple élu qui est rabaissé.
46Entre ces deux personnages ambigus se construit ainsi une relation roi/bouffon assez classique au théâtre (on peut songer au Roi Lear ou à l’Escurial de Ghelderode). Les fourberies, les confrontations et les accès de sympathie s’enchaînent, alimentés par les coups bas et les conflits amoureux des courtisans qui se succèdent. Hitler est à même d’entrer en communication avec les forces du cosmos, d’être réceptif à cet univers qui « se gonfle et se vide suivant un cycle déterminé par les puissances supérieures »62. Et si Jim reste « la victime torturée par ce qu’il craint et admire le plus »63, il se découvre par contre une « prodigieuse liberté », « celle qui lui permet d’admettre joyeusement le potentiel épouvantable à force d’être malfaisant du Führer et de danser dans la “joie objective” d’un monde qu’il a totalement compris »64. Ainsi que l’écrit Jacques Sojcher : « Jim est à la fois l’échec et la victoire de l’homme nouveau ; foncièrement nihiliste, il montre sa face caricaturale, profondément croyant (sa foi en Hitler est inconditionnelle), il donne la preuve – par le mode négatif – de sa réalisation »65.
47La victoire des Alliés sur laquelle se termine la pièce ne met d’ailleurs pas fin à la relation, puisque au moment où Hitler tente de se suicider, Jim essaie de retourner l’arme contre lui. Rien n’est donc résolu, comme il arrive souvent dans les œuvres authentiquement grotesques.
Quel avenir pour Hitler ?
48Le théâtre en a-t-il terminé avec Hitler ? Son personnage est-il destiné à inspirer de nouveaux auteurs et de quelle manière ? Il est évidemment impossible d’y répondre. L’histoire de la dramaturgie nous montre cependant qu’Hitler comme personnage historique n’a pas toujours donné lieu à des représentations théâtrales spécifiquement grotesques, même si les effets grotesques étaient évidents. Si l’on se reporte aux pièces des auteurs postérieurs à Brecht et Tabori, elles montrent une tendance grotesque affirmée : elles se jouent résolument des règles et des conventions en cours et mettent en question le sens de l’histoire. Les deux Germania et Jim le téméraire pourraient laisser entendre qu’on n’en a pas fini avec Hitler. Il se pourrait qu’il soit toujours présent, et pas seulement au théâtre. Il rôderait avec sa clique auprès de nous en tant que spectre, prêt à se rappeler à notre mémoire. Peut-être faut-il s’en amuser comme le fait Heiner Millier ? Mais s’en amuse-t-il vraiment ? Peut-être aussi faut-il s’en préoccuper comme René Kalisky ? Mais ne joue-t-il pas un peu lui aussi ? Toujours est-il que ces deux auteurs, l’allemand et le belge, suggèrent que l’idéologie nazie pourrait réapparaître, sous une forme ou sous une autre, et peut-être pour une fin totale. Dans Germania 3, le spectre d’Hitler dit qu’il a fait « [s]on possible pour exterminer l’humanité qui submerge la planète, mais que d’autres viendront, après [lui], qui poursuivront [s]on travail ». Quant au Hitler de Kalisky, il a cette parole étrangement menaçante : « Il ne s’en trouvera qu’une poignée pour éprouver jusqu’au fond de leurs entrailles que les dés du destin roulent toujours comme les étoiles des galaxies. J’ai jeté les miens fort et loin : on ne les ramassera plus, c’est ça mon règne de mille ans »66.
49Que faut-il en penser ? Peut-être est-ce justement par cette capacité à nous interpeller tout en nous mettant mal à l’aise et nous faisant douter de la pertinence de la question que résident l’intérêt, le charme, mais aussi le mystère de cette forme d’expression artistique que l’on appelle le grotesque.
Notes de bas de page
1 Kl. VÖLKER, « Groteskformen des Theaters », Akzente 7, Munich, 1960 (7. Jg.), p. 321 (« Heute ist die Welt zur Groteske geworden, die moderne Dichtung ist vom Groteske bestimmt »).
2 A. HEIDSIECK, Das Groteske und dus Absurde im modernen Drama, Stuttgart, Kohlhammer, 1969, p. 17 (« die produzierte Entstellung des Mensches, die vom Menschen verübte Unmenschlichkeit »).
3 Fr. DÜRRENMATT, Ecrits sur le théâtre, Paris, Gallimard, 1970, pp. 65-66.
4 Pour cette question, on peut renvoyer aux commentaires de Marielle Silhouette dans son ouvrage Le grotesque clans le théâtre de Bertolt Brecht (1913-1926), Berne, Peter Lang (coll. Contact), 1996, pp. 72-81.
5 D’autres représentations d’Hitler, moins célèbres, ont existé. Des parodies sont apparues pendant les années 30 et la guerre. Ainsi : Das Lanterndl (de Martin Miller), Die Blutnatcht auf dem Schreckenstein oder Ritter Adolars Brautfahrt und ihr grausiges End oder die wahre Liebe ist das nicht (drame satirique représenté à Dachau par Rudolph Kalmer). On peut aussi signaler l’adaptation que Christopher Hampton a faite en 1982 du roman de George Steiner, Le transport de A.H. à San Cristobal, qui donne lieu à un long monologue d’Hitler.
6 Cfr J.-Cl. SIMOEN et Cl. MAILLARD, Hitler à travers la caricature internationale, Paris, Albin Michel, 1974.
7 S. HAFFNER, Un certain Adolf Hitler, Paris, Grasset, 1979, p.77.
8 Cité par G. GORIELY, « L’avènement du national-socialisme : aberration ou fatalité allemande », Socialisme no 148, août 1978, p. 394 (« Die Juden haben einmal über mich gelacht : ich weiβ nicht, ob sie heute noch lachen, oder ob ihnen das Lachen vergangen ist »).
9 Wolfgang Kayser, cité par D. IEHL, Le grotesque, Paris, Presses Universitaires de France, 1997, pp. 13-14.
10 Cfr M. BAKHTINE, L’œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance, Paris, Gallimard (Coll. Tel), 1970, p. 322.
11 ID., p. 33.
12 Toutes les références à Arturo Ui renvoient à la première édition du texte en français (La Résistible Ascension d’Arturo Ui, Paris, L’Arche, 1959).
13 En 1958, Peter Palitzch a créé la pièce à Stuttgart. Mais on retient généralement la mise en scène qu’il a signée au Berliner Ensemble en 1959 avec Manfred Wekwerth (et pour laquelle le spectacle de Stuttgart était la première version). La création française a été l’œuvre de Jean Vilar à Chaillot en 1960.
14 Ph. IVERNEL, « Quatre mises en scènes d’Arturo Ui », Les Voies de la création théâtrale, II, Editions du CNRS, 1970, pp. 53-109.
15 ID., p. 56. Cet avis est aussi partagé par J.-P. BIER pour qui Arturo Ui est une « parabole grotesque » (Auschwitz et les nouvelles littératures allemandes, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, 1979, p.63), ainsi que par D. IEHL qui souligne « la souplesse du grotesque » de Brecht (op. cit., pp. 100-101)
16 Ibidem.
17 Ibidem.
18 Cité par M. SILHOUETTE, op. cit., p. 342.
19 B. BRECHT, « Extraits des notes », Théâtre complet no 7, Paris, l’Arche, 1959, p. 224.
20 B. BRECHT, La Résistible Ascension d’Arturo Ui, op. cit., p. 8.
21 Ainsi, la scène de séduction de Betty Dollfoot (scène XIV), renvoyant à la fameuse scène de séduction d’Anne par Richard III.
22 Dans les traduction françaises, cet effet est rendu par l’utilisation de l’alexandrin.
23 B. BRECHT, « Extrait des notes », op. cit., p. 223.
24 B. BRECHT, La Résistible Ascension d’Arturo Ui, op. cit., p. 7.
25 ID., p. 111.
26 B. BRECHT, « Extrait des notes », op. cit., p. 224 : « Cela ne suffit pas encore à rejeter comme immorale la thèse qui invite la satire à ne pas se mêler de questions sérieuses. C’est précisément aux questions sérieuses qu’elle s’intéresse ».
27 B. BRECHT, Journal de travail, Paris, L’Arche, 1959, 2 avril 1941 : « Pourtant bien que soit donc essentiellement visé un effet de pastiche, quand je fais jouer des gangsters et des marchands de choux-fleurs en vers iambiques, seul moyen d’amener à la lumière de la rampe l’inadéquation de leurs altitudes seigneuriales, il n’empêche que se constitue, là où le vers blanc est maltraité, estropié, étiré, massacré un nouveau matériau formel pour un vers moderne aux rythmes irréguliers et qui peut donner naissance à toutes sortes de choses ».
28 Cité par M. SILHOUETTE, op. cit., p. 12.
29 B. BRECHT, « Essai sur le fascisme », Ecrits sur la politique et la société, Paris, l’Arche, 1970, p. 146.
30 Fr. SCHILLER, Poésie naïve et sentimentale, Paris, Aubier-Montaigne, 1947, p. 143.
31 B. BRECHT. La Résistible Ascension d’Arturo Ui, op. cit., p. 111.
32 Cité par Ph. IVERNEL. op. cit., p. 64.
33 ID., p. 101.
34 G. TABORI, Mein Kampf (farce), Arles, Actes Sud, 1993.
35 Agatha ALEXIS, in Chr. WATTEL, Dossier Pédagogique de « Mein Kampf (farce) », Béthune, Studio-théâtre place Floch, mai 2002.
36 M. LOSCO, « Le Comique comme détour : George Tabori », dans J. DANAN & J.-P. RYNGAERT (éd.), Ecritures dramatiques contemporaines (1980-2000) – L’Avenir d’une crise, Louvain/Paris, Etudes théâtrales no 24-25, 2002, p. 120.
37 La création française a lieu en 1993 au Théâtre de la Colline (Paris) par Jorge Lavelli.
38 Il n’est pas impossible que le personnage d’Ui ait directement inspiré Tabori. La pièce de Brecht lui était familière : il l’avait traduite en anglais (son texte a servi pour la mise en scène de Tony Richardson à New York en 1963).
39 Cité dans « Georges Tabori, une dramaturgie du combat », Année du théâtre 1992-1993 (dir. Pierre Laville), Paris, Hachette, p. 50.
40 C’est ainsi par exemple que Shlomo imagine comme titre à ses mémoires « En attendant Shlomo », mais il optera finalement pour « Mein Kampf » (op. cit., p. 16).
41 A. FEINBERG, The Theatre of George Tabori, Iowa City, University of Iowa Press, 2000, p. 262.
42 ID., p. 267.
43 H. MÜLLER, Germania Mort à Berlin, Paris, L’Arche, 1985.
44 H. MÜLLER, Germania 3. Les Spectres du Mort-homme, Paris, L’Arche, 1996.
45 Pour plus de détails sur l’orchestration de cette confrontation, on peut lire le chapitre que Florence BAILLET consacre aux deux Germania dans son essai (Heiner Müller, Paris, Belin, 2003, pp. 101-129).
46 H. MÜLLER, Germania Mort à Berlin, op. cit., p. 75.
47 ID., p. 77.
48 ID., p.78.
49 J. JOURDHEUIL, « Postface », dans H. MÜLLER, Germania 3. Les Spectres du Mort-homme, op. cit., p. 75.
50 H. MÜLLER, Germania 3. Les Spectres du Mort-homme, op. cit., p. 27.
51 ID., p. 28.
52 ID., p. 29.
53 Ch. BAUDELAIRE, « De l’essence du rire et généralement du comique dans les arts plastiques », Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1961, p. 985.
54 R. KALISKY, Jim le téméraire, Paris, Gallimard, 1971.
55 La création a eu lieu en 1982 à Lille dans une mise en scène de Marc Liebens. La création allemande date de 1991 (Mise en scène de Nikolaus Büchel à Bonn).
56 Pour ses citations et le rôle des divers personnages historiques, René Kalisky s’est largement inspiré du livre d’André BRISSAUD, Hitler et l’ordre noir, Paris, Librairie Académique Perrin, 1969.
57 Cfr la présentation des personnages (op. cit., p. 19).
58 Cité par Marc QUAGHEBEUR, « Ballet de la déception exaltée, “Jim le Téméraire” de René Kalisky », Lettres belges. Entre absence et magie, Bruxelles, Editions Labor, 1990, p. 161.
59 R. KALISKY, Jim le téméraire, op. cit., p. 15.
60 R. KALISKY, « La Séduction pour tuer le mensonge », Sur les Ruines de Carthage/Falsch, Bruxelles, Labor, 1991, p. 15.
61 R. KALISKY, Jim le téméraire, op. cit., p. 44.
62 ID., p. 123.
63 Cfr texte inédit de R. KALISKY, op. cit. p. 161.
64 Ibidem.
65 J. SOJCHER, « Jim ou le phantasme de l’histoire », préface à R. KALISKY, Jim le téméraire, op. cit., p. 10.
66 R. KALISKY, Jim le téméraire, op. cit., p. 106.
Auteur
Centre d’études théâtrales – C.E.T. - Université catholique de Louvain
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