Chapitre V. Théologie et sciences de l’autre, la mystique ignatienne dans les « approches » de Michel de Certeau, s.j.
p. 67-85
Texte intégral
1L’exercice auquel je vais me livrer devant vous est sans doute une gageure. S’aventurer dans la pensée certalienne est une expérience difficile en soi, du fait de la complexité de son écriture et du foisonnement de celle-ci. Mais la difficulté se redouble lorsque l’on veut prendre en compte les multiples interprétations auxquelles les ouvrages de M. de Certeau ont donné lieu en français et en anglais et dont le nombre va croissant.
2Il n’est pas dans mon intention d’entrer dans la complexité de ces lectures. Je voudrais même prendre mes distances par rapport à trois d’entre elles. Il importe, en effet, de dépasser tout autant l’enthousiasme éblouissant des nostalgiques des années nomades, que la critique rapide de ceux qui jugent « le chemin de M. de Certeau trop personnel et ses indications trop laconiques, ou trop encore enfermées dans un langage révolu1 ». Mais, il faut aussi résister à ceux qui ne veulent retenir de l’héritage certalien que son « projet éclaté d’analyse de la modernité2 ».
3M’étant ainsi situé, je voudrais préciser mon propos. Mon désir est de vous présenter la manière dont M. de Certeau a « approché » la mystique ignatienne au long de sa vie. Mon souci est d’être simple et je sais que, ce faisant, j’encours le risque d’être caricatural. En effet, pour traiter mon sujet, je ne peux pas ne pas prendre en compte la totalité de l’œuvre certalienne qui, comme vous le savez, se présente comme un tissage sans cesse repris.
4La manière dont M. de Certeau a procédé fait qu’il est difficile d’établir des césures dans ce qu’il a produit. Aussi ai-je choisi de ne tirer que trois grands fils de l’écheveau qui se trouve devant nous. Nous les appellerons un art de lire, un art de dire et un art de vivre et c’est en vous les présentant que je me risquerai à vous dire ce que j’ai compris des pratiques ignatiennes de celui dont il m’a été donné d’être l’étudiant.
1. La mystique ignatienne à la lumière d’un art de lire
5Plaçons tout d’abord quelques repères biographiques. Quand M. de Certeau entre dans la Compagnie en 1950, il a 25 ans et a déjà acquis une culture littéraire, philosophique et théologique. Pendant une quinzaine d’années, il parcourt les étapes de la formation jésuite, il est ordonné prêtre en 1956 et fait profession en 1963, il participe activement à la revue Christus, l'un des lieux du renouveau contemporain des études ignatiennes3. C’est alors qu’il édite le Mémorial de Pierre Favre4, la Guide spirituelle et la Correspondance de J.-J. Surin5, et qu’il entreprend ses études très fouillées sur les jésuites français des deuxième et troisième générations et, plus largement, sur l’histoire du christianisme aux XVIe et XVIIe siècles. Toutes ces recherches donneront lieu à d’abondantes publications6.
6Avant de nous y aventurer, élargissons un peu le décor avec M. de Certeau lui-même. Il évoque un échange de lettres où S. Freud répond à R. Rolland : « Combien me sont étrangers les mondes dans lesquels vous évoluez ! La mystique m’est aussi fermée que la musique » (29.7.1929). En réalité, précise M. de Certeau, le dissentiment des deux correspondants est caractéristique des perspectives qui opposaient et continuent d’opposer un point de vue mystique et un point de vue scientifique. Cette opposition est fort bien éclairée par son contexte où prennent place E. Durkheim, R. Otto et H. Bremond, mais aussi R. Guénon et A. Huxley, et, bien sûr, W. James, M. Blondel, H. Bergson et J. Baruzi. Bien que d’horizons très divers, ces auteurs ont en commun de « rattacher la mystique à une mentalité primitive, à une tradition marginale et menacée au sein des Eglises, à une intuition devenue étrangère à l’entendement, ou bien encore à un Orient où se lèverait le soleil du sens alors qu’il se couche en Occident »7.
7Cette opposition ne fut pas sans influencer les théologiens de la mystique. Ceux-ci ne tardèrent point à discriminer entre une mystique somatique et une mystique spéculative. On confondit bientôt la mystique avec le miraculeux, l’extraordinaire, le pathologique et c’est ici que prend place, par exemple, un R Poullain8. Dans la seconde moitié du XXe siècle, ces positions extrêmes s’inversèrent chez d’autres auteurs qui, voulant ignorer la somatisation, privilégièrent l’expérience des mystiques. Mais, comme le fait remarquer M. de Certeau, cette « réinvention » de la mystique s’est concentrée trop exclusivement sur une analyse philosophique et théologique des sources textuelles, abandonnant trop volontiers le gênant langage symbolique du corps à la psychologie et à l’ethnologie. Ce faisant, les théologiens ne répétaient-ils pas la rupture entre phénomènes mystiques et expérience existentielle que leurs prédécesseurs du XVIIe siècle avaient initiée sous la pression des sciences humaines naissantes inspirées par le nouveau modèle d’investigation scientifique des Lumières ?
8Dans ses travaux, M. de Certeau tente de dépasser cette difficulté en allant très loin « au bord de la falaise » et en tentant de rendre compte, dans le langage des sciences de l’autre, de pratiques non discursives. Tentons donc de le suivre en nous souvenant qu’il fut d’abord un historien, ainsi que lui-même aimait à le rappeler.
9M. de Certeau connaît parfaitement les déplacements de l'historiographie mais il se tient à distance de la mode quantitative qui domine alors. Dans un article remarquable, De la critique textuelle à ta lecture du texte9, J. Le Brun a très clairement rappelé les principes selon lesquels M. de Certeau se forma à l’école de Jean Orcibal qui dirigea sa thèse. Ceci aide beaucoup à comprendre l’insistance de M. de Certeau à rappeler que « faire de l’histoire », c’est travailler un texte et le « lire » à l’aide de disciplines multiples. Dans La possession de Loudun, il montre la pleine maîtrise qu'il a de cette méthode en soulignant en particulier comment la psychanalyse peut aider à « penser autrement10 ». Ce grand travail, dont le brillant agaça bien des historiens, ne marqua point un terme dans ses travaux érudits. M. de Certeau ne cessa jamais d’explorer le dossier Surin, voire de préparer de nouvelles éditions.
10Mais, au fil des années et d’une manière croissante, M. de Certeau accompagne ses recherches d’une réflexion sur sa propre pratique historienne. Dans L’absent de l’histoire, il regroupe quelques-uns de ses débats avec ses pairs, avec Bremond bien sûr, mais également avec Mandrou et Kolakowski, et plus encore avec M. Foucault11. C’est aussi dans ce recueil, qu’est repris son article important, « Histoire et mystique », dont la lecture permet de mieux comprendre L’écriture de l’histoire12. Dans ce travail de l’historien, M. de Certeau retrouve l’écriture des mystiques : ici et là, « l’impossible » surgit du texte. L’histoire, comme la mystique, sont vouées à dire l’autre, elles sont les enfants d’une absence.
11Dans cette perspective, il est trop clair, pour M. de Certeau, que l’historien, pas plus que le mystique, ne saurait faire de son opération une accumulation de connaissances puisque son but est de donner du sens sur la limite où la société contemporaine s’organise. Dans les entrelacs d’une technique et d’un récit littéraire, d’une production et d’une écriture, d’une « science » et d’une « fiction », l’historien raconte ses voyages au pays des absents, les rencontres qu’il y a faites et comment il en a été transformé, altéré. D’une certaine manière, c’est à entendre cela que M. de Certeau nous convie dans ses premiers écrits.
12Dans son introduction du Mémorial, M. de Certeau écrit : « Favre a énoncé avec les mots de tous sa discussion avec lui-même. Il établissait ainsi entre les hommes et son âme une communication dont ce journal est le signe. Le secret du cœur, énoncé en termes lisibles, appartient désormais à tous13. » Plus loin, dans le texte, il explique quel est ce secret de Favre. Selon les enseignements d’Ignace de Loyola, celui-ci peut saisir chaque instant de sa vie au croisement de deux axes, l’un, de haut en bas, figurant la descente de Dieu jusqu’au fond de l’existence, l’autre de gauche à droite représentant la continuité du temps et l'universalité du prochain14. Dès lors, la vie spirituelle de Favre possédait en elle-même un principe de conduite qui la rattachait immédiatement à l’action de Dieu.
13En 1966, M. de Certeau, dans son article, « L’universalisme ignatien : mystique et mission », reprend et amplifie ces notations15. Dans les lumières reçues à Manresa, une certitude s’est imposée à Ignace de Loyola, qui fonde l’union à Dieu sur le réalisme de son omniprésence : « Tous les biens et tous les dons descendent d’en haut », lit-on dans l'ad amorem16. Pour bien entrer dans cette expérience, il faut la comprendre comme un mouvement où trouver Dieu dans le présent revient à le chercher davantage. Le discernement de l’Esprit est lié en effet à l’extension de la mission, comme le progrès de la contemplation à une lecture toujours plus spirituelle du monde. Mystique et mission tendent donc à s’identifier dans la spiritualité ignatienne, où il est demandé d’apprendre, dans les rencontres avec autrui, à chercher sans cesse un Dieu toujours plus grand.
14Mais la même année, suivant la pente qui est la sienne, M. de Certeau, dans un autre article, « l’épreuve du temps », repris plus tard sous un autre titre, s’interroge sur la manière dont la Compagnie devrait relire ses origines17. Il souhaite qu’elle reconnaisse que celles-ci ne lui sont ni tout à fait étrangères, ni totalement siennes. Il lui faut donc laisser au passé le droit de lui résister et tirer du plus profond d’elle-même la force de s’opposer à lui. Selon l’expression de M. de Certeau, l’histoire peut remplir ainsi une fonction psychanalytique et je le cite : « Nous ne pouvons ni fuir le présent en nous appuyant sur la permanence du passé, ni fuir le passé en l’escamotant habilement derrière une idéologie18. »
15Nous le voyons, plusieurs thèmes importants de la pensée certalienne sont déjà là. Mais passons à la deuxième étape.
2. La mystique ignatienne à la lumière d’un art de dire
16Comme précédemment, je donne de nouveau quelques repères biographiques. En 1967, M. de Certeau est nommé à la rédaction des Recherches de science religieuse, entrant ainsi dans l’un des lieux importants du christianisme français. C’est aussi alors qu’il commence à donner de nombreux articles à la revue Etudes, immergée dans les flux et les reflux qui agitent alors l’Eglise et la société. Comme chacun le sait, il porte sur les événements de Mai 1968 un jugement précis, ce fut le temps où la parole fut prise19. A partir de ce moment, il voyage aux USA, au Chili, au Brésil et en Argentine, mais il enseigne aussi à l’Institut catholique de Paris et aux universités de Jussieu et de Vincennes20. Il pénètre alors en de nombreux réseaux. En 1969, il publie Structures sociales et autorités chrétiennes21, en 1971 La rupture instauratrice, ou le christianisme dans la culture contemporaine22 et en 1974 avec Jean-Marie Domenach Le christianisme éclaté23.
17Dans ces analyses, M. de Certeau cherche comment penser et dire le christianisme dans une société qui n’est plus religieuse24. Il est ainsi conduit à réfléchir à la parenté qui existe entre l’histoire et la théologie. Selon lui, l'une et l’autre, comme la mystique, sont en rapport à une origine manquante. Un tel rapprochement cependant ne peut être qu’une analogie, du fait de la présence de la foi dans la théologie et du rapport constitutif de celle-ci à un avenir eschatologique. De plus, dans cette ouverture en tension, au « pas sans toi » de l’acte de foi, il faut ajouter le « pas sans les autres » d’une pratique communautaire. Telle est, selon M. de Certeau, la voie qui permettrait à la théologie de sortir de sa « misère25 », dans la réconciliation d’un discours et d’une pratique26 pour avancer sans crainte à découvert et se lancer dans un « voyage abrahamique », dans une « rupture instauratrice ». Comme l’a fait remarquer J. Moingt27, un théologien très proche de lui, pour M. de Certeau, la théologie ne peut être que le langage d’une expérience de foi.
18Le christianisme a pour point de départ et pour fondement une perte, une absence, un manque, un départ, celui de Jésus ; la théologie se montrera fidèle à son origine et à sa vocation en respectant cette absence, sans prétendre installer sa propre vérité à la place de celle dont elle a mission d’indiquer l’absence. C’est ici que le discours théologique requiert l’expérience mystique de l’ailleurs. Il est tourné vers son origine pour exprimer la vérité d’où il sort. Mais l’origine est « imprenable », la parole de Jésus, elle-même livrée à travers des écritures et des traditions plurielles et différentes, nous parvient à travers ceux qui l’ont reçue et retransmise dans le langage de leur culture ; la tradition, loin d'être un dépôt fixiste, est transit toujours en mouvement. La théologie est pratique de l’écart, de la distance, comme le fut la parole de Jésus, par rapport à la religion de son temps, elle ne peut que « circuler » ici et maintenant car elle est d’abord communication, donc dialogue avec un autre dont elle accepté de recevoir. La théologie enfin a l’ambition de faire histoire avec d’autres, pour que l’Evangile devienne une réalité toujours en instance d’advenir.
19Ainsi, de même que le fait passé, l’absent de l’histoire, « permet » l’écriture de l’histoire ; de même l’Absent toujours manquant, le Dieu toujours plus grand, « permet » l’écriture mystique ; de même l'irruption de Jésus irrémédiablement disparu « permet » une écriture croyante, une « fable qui fait croire28 ». Mais ce langage théologique, pour M. de Certeau, ne peut être que blessé, non seulement parce qu’il doit témoigner de la « différence » évangélique, mais parce que, dans le champ moderne du savoir, il ne peut qu’attester de l’effacement du corps social de l’Eglise. C’est ainsi peut-être que M. de Certeau est devenu, non un errant, mais un itinérant.
20Si souvent soulignée au moment de sa disparition, cette manière d’être jésuite n’a peut-être pas été perçue alors dans tous ses harmoniques. Cette « figure énigmatique » d'un religieux, appelé à devenir itinérant en demeurant en communion, est en effet l'une des marques de la Compagnie comme M. de Certeau le souligna, dans une prédication, lors d’une profession solennelle à Saint Ignace de Paris en 197 129. Pas sans toi... Ces mots de Heidegger, qui sont aussi, comme je l’ai dit, ceux de la foi, ne se retrouvent-ils pas, sous une forme légèrement différente, chez l’apôtre Paul, dans une prière de la liturgie eucharistique et dans l'Anima Christi qu'aima Loyola. Fais que je ne sois jamais séparé de toi... Pas sans lui, pas sans eux : Mystique et mission30.
21Au cours de ces années, où M. de Certeau multiplie ses interventions sur la réconciliation du dire et du faire, il poursuit ses recherches sur Surin, « ce fantôme qui habita toute sa vie », tout en les élargissant à Jean de la Croix, Thérèse d’Avila, Nicolas de Cues et Angelus Silesius. A plusieurs reprises, il fait le point sur ce qu’il appelle une expérience spirituelle31. A lire attentivement ce qu'il écrit dans « Histoire et mystique32 », on s’aperçoit qu’une question l’habite alors, celle du « langage mystique33 » ou de « l’énonciation mystique34 ». En 1972, il s’explique sur ce point. Choisir de travailler l’œuvre de Surin, écrit-il, c’est se donner « le moyen de préciser comment l’expérience s’inscrit dans un langage, obéit à ses contraintes, constitue pourtant un discours propre et donne lieu à la question de l’Autre dans un système culturel35. »
22Au cœur de la démarche de M. de Certeau, il y a donc l’expérience mystique, mais en tant qu’elle est un modus loquendi, une manière de parler, où, par exemple, de l’indicible est dit dans la faille d'un oxymore, c’est-à-dire dans le rapprochement de deux contraires. Le mystique est celui qui ne peut pas ne pas dire ce qui ne peut pas être dit. Dans un article de 1973, M. de Certeau applique ces réflexions à la mystique ignatienne, en soulignant que le « fondement » dans les Exercices spirituels est « l’espace du désir »36. A qui vient en retraite avec l’idée que Dieu le veut plutôt ici que là, ou que ceci serait mieux que cela, la réponse est d’abord : Non, Dieu est indifférent, plus grand que tous les rendezvous que, toi, tu veux lui donner. A qui veut prendre une décision, il est demandé d’en revenir au principe et d’accepter de se laisser surprendre par la rumeur de la mer ou le murmure de la « brise légère », là où Dieu se trouve.
23Mais cette confession du désir n’est pas « poème » comme l’aurait dit peut-être Rilke, elle est le point de départ d’une « trajectoire » qui fait place à l’Autre, l’amorce d’une traversée, si bien décrite par Surin :
Je veux aller courir parmi le monde,
Où je vivrai comme un enfant perdu,
J’ai pris l’humeur d’une âme vagabonde
Après avoir tout mon bien dépendu.
Ce m’est tout un que je vive ou je meure.
Il me suffit que l’amour me demeure37.
24A la différence d’Augustin, qui cherchait Dieu pour le trouver, Ignace de Loyola invite à renverser la perspective : trouver Dieu et le chercher encore. Si la volonté de Dieu, pour une part est révélée par les Ecritures et précisée dans les directives de l’Eglise, il n’en demeure pas moins que, pour qui veut s’engager sur les chemins non tracés de l’avenir selon le dynamisme d’une création toujours renouvelée, tout reste à faire. C’est alors que se pose la question fondamentale du discernement :
25« Au long des Exercices prévus pour les quatre Semaines, comme en leur Principe et Fondement, écrit M. de Certeau, tout suppose le désir (ou la volonté) qui vient d’ailleurs, circule, s’essaie, et se manifeste dans une série de rapports aux objets présentés par le livret. Le texte lui-même fonctionne comme une attente de l’autre, un espace ordonné par le désir. Il est le jardin construit pour un marcheur venu d’ailleurs. Il marque par des coupures et des silences cette place qu’il n’occupe pas. Ce qui réunit les pièces ordonnées en vue d’un discernement, c’est l’absence de l’autre - le retraitant - qui en est le destinataire mais qui seul fait le voyage. Un voyage dont aucune description ni aucune théorie ne tient lieu38. »
26L’article se termine par ces phrases : « Le texte qui articule ainsi le désir sans prendre sa place ne fonctionne que s’il est pratiqué par l’autre et s’il y a un Autre. Il dépend de son destinataire, qui est aussi son principe. Qu’advient-il de ce texte, lorsque son Autre lui manque ? Le discours n’est plus qu’un objet inerte quand le visiteur qu’il attend ne vient pas et si l’Autre n’est qu’une ombre39... » On peut interpréter cela de bien des manières40, quant à moi, je préfère y voir l’appel à faire un nouveau pas.
3. La mystique ignatienne à la lumière d’une manière de vivre
27En 1978, M. de Certeau s’envole pour la Californie. Pendant six années, il enseigne à l’université de San Diego, dans le département de littérature. Loin d’interrompre les relations multiples nouées en France et ailleurs, il les entretient et poursuit ses recherches avec des amis proches sur L'invention du quotidien. En 1980, il publie le premier tome dont il est lui-même le rédacteur, « les arts de faire41 ». Mais ceci n’arrête pas ces autres travaux. En 1982 paraît La fable mystique42. En 1984, il rentre en France pour devenir directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales à Paris. L’intitulé de sa chaire est « Anthropologie historique des croyances, 16e-18e siècles ». L’année suivante, il meurt dans la Compagnie. Il a soixante ans et laisse interrompue son œuvre. Mais de lui, on a pu écrire ce qu’avait dit Guillaume à la mémoire de Suger de Saint-Denis : « Il partit de bon cœur, parce qu’il estimait qu’un homme de bien ne doit pas partir à la façon de quelqu’un que l’on chasse, que l’on jette dehors contre sa volonté43. »
28Dans les dernières années de sa vie, l’horizon de M. de Certeau s’est transformé. A la suite d’une demande qui lui a été faite, il se lance dans l’observation de l'homme ordinaire44. Cet homme se soustrait en silence à la place que la Raison technicienne semble vouloir lui imposer dans la société de consommation. Il invente le quotidien grâce aux arts de faire. Il s’agit des ruses subtiles, des tactiques de résistance, par lesquelles il détourne les objets et les codes pour se réapproprier l’espace et l’usage à sa façon. Manières de faire des coups, astuces de chasseurs, mises en récit et trouvailles de mots, voire de graffitis, ce sont là mille pratiques inventives qui prouvent, à qui sait les voir, que la foule sans qualité n’est pas obéissante et passive, mais pratique l’écart dans l’usage des produits imposés, dans une liberté buissonnière par laquelle chacun tâche de vivre au mieux l’ordre social et la violence des choses45.
29Dans L'invention du quotidien, M. de Certeau a restitué les ruses anonymes des arts de faire, cette manière nouvelle de vivre en société. Ces analyses pionnières sont celles qui aujourd’hui inspirent le plus les chercheurs contemporains et, tout particulièrement, dans le monde anglo-saxon46. Mais de cette manière de vivre, il est une autre dimension que M. de Certeau explora, les arts de croire. Ses investigations en ces domaines sont même plus anciennes. Depuis « Les révolutions du croyable47 » reprises en 1974 dans La culture au pluriel, en passant par les textes rassemblés déjà dans L’invention du quotidien, jusqu’à « Croire : une pratique sociale de la différence48 » et à « L’institution du croire », une contribution écrite en 1983 à l’occasion d’un congrès des Recherches de science religieuse49, c’est une autre perspective qui se dessine, celle d’une anthropologie du croire50. Là, l’homme, posé à partir de l’autre, doit trouver dans le réel, inaccessible aux représentations et toujours manquant, le répondant qui est à la fois le principe de ce qui est cru et de l’acte de croire51.
30Dans cette phase interrompue des réflexions de M. de Certeau, la foi chrétienne est absente et il serait inconvenant de l’y replacer, en se risquant à une quelconque démarche apologétique. Toutefois, le théologien, en admettant, avec l’anthropologue, que « croire au réel est la modalité d’émergence du sujet », peut tenter, sur cette base, un autre discours.
31Mais il se pourrait que sur ce terrain, M. de Certeau nous ait précédés. En effet, on n’a peut-être pas assez vu, comme l’a fait justement remarquer Luce Giard, qu’en dépit de leur objet fort dissemblable en apparence, L’invention du quotidien et La fable mystique sont comme les deux diptyques d’un même retable52. Le premier a rendu l’autre possible, car ils posent des questions homologues. La fable mystique traite d’un moment déterminé du passé, tandis que L’invention du quotidien a pour enjeu un travail théorique dans le présent. Pour saisir ce rapprochement que j’esquisse ici, il faut se souvenir de ce que M. de Certeau écrit dans son introduction.
32« Depuis que la théologie s’est professionnalisée, les spirituels et les mystiques relèvent le défi de la parole. Ils sont par-là déportés du côté de la fable53. Ils se solidarisent avec toutes les langues qui parlent encore, marquées dans leurs discours par l’assimilation à l’enfant, à la femme, aux illettrés, à la folie, aux anges ou au corps. Ils insinuent partout un extraordinaire : ce sont des citations de voix - de voix de plus en plus séparées du sens que l’écriture conquit, de plus en plus proches du chant et du cri. Leurs mouvements traversent donc une économie scripturaire et s’éteignent, semble-t-il, quand elle triomphe. Aussi la figure passante de la mystique nous interroge-t-elle encore sur ce qui nous reste de parole54. »
33Il est intéressant de noter que cette période que je campe ici dans l'œuvre de M. de Certeau s’ouvre par une étude très fouillée sur « l’illettré éclairé » avec qui Surin voyagea en 1630, au sortir de son troisième an55, qu’elle se poursuit par un ensemble d’études sur « le corps folié56 » ou les « folies déliées57 » comme lieux de la mystique, ou encore par une importante recherche sur Surin, mélancolique et mystique58. Dans la Fable mystique, tout ceci prend place dans une magnifique construction, où sont reprises, mais dans la perspective théorique de L’invention, du quotidien, de nombreuses études antérieures. On y retrouve, dans une perspective élargie allant de Maître Eckhart à Mme Guyon, l’analyse du volo, esquissée précédemment à propos du « fondement » dans les Exercices spirituels59. C’est par une évocation de « figures sauvages » que s’achève l’ouvrage et là viennent prendre rang : Labadie le nomade, les « petits saints » d’Aquitaine et bien sûr l’illettré éclairé.
34Arrêtons-nous à cet illettré éclairé, ce jeune homme rencontré dans le coche qui ramenait Surin de Rouen à Paris. Le jésuite est alors tourmenté, dans son corps et dans sa foi. Comme Tobie, il rencontre un messager de Dieu, tout entier extraordinaire, simple et grossier, qui n’apparaît que pour disparaître. Ce jeune homme est moins une personne qu’un miracle. Il n’y a pas de conversation car on ne s’entretient pas avec l’extraordinaire. Surin, cependant, recueille les paroles dites comme un amoureux plein d’attention pour le trésor qu’il a « découvert ». Pour M. de Certeau, il y a là un jeu de miroirs, un jeu où se raconte l’Absence d’un Autre. Si le jeune homme semble exister puisqu'il mange, que Surin a en lui les traces de son passage, en réalité c’est un « voyageur » qui conduit le jésuite à un Nouveau Monde : le pays d’un pauvre60.
35Curieusement l'illettré parle comme Ignace... Derrière le fils du boulanger du Havre revient l’autorité fondatrice, se profile l’ombre du fondateur en sa jeunesse pionnière et sauvage, comme un esprit de commencement, un ange dans ce désert.
36Mais peut-on aller plus loin ? M. de Certeau a-t-il suggéré davantage ? On a beaucoup discouru sur les premières phrases de La Fable mystique : « Ce livre se présente au nom d’une incompétence : il est exilé de ce qu’il traite. L’écriture que je dédie aux discours mystiques de (ou sur) la présence (de Dieu) a pour statut de ne pas en être61. » S’agit-il d’une provocation, ou d’une précaution due à une extrême pudeur. Je partage le point de vue de Luce Giard et de Stanislas Breton : la lecture du livre suffit à montrer qu’il en était. D’ailleurs, en introduisant sa conférence sur l’expérience spirituelle, ne s’exprimait-il pas en des termes semblables ?
37« Parler en professeur, ce n’est pas possible, quand il s’agit d’expérience. Je n’ose dire non plus que je parle en témoin. Qu’est-ce qu’un témoin, en effet ? Celui que les autres désignent ainsi. Quand il s’agit de Dieu, le témoin est désigné par qui l’envoie, mais il est aussi un menteur, il sait bien que, sans pouvoir parler autrement qu’il ne fait, il n’en trahit pas moins celui dont il parle. Incessamment, il est dépassé et condamné par ce qu'il atteste et ne pourrait nier. Il manquerait donc à la vérité s’il se présentait tout de go comme un témoin. Je suis seulement un voyageur62... »
38M. de Certeau a trop fréquenté les écrits d’Ignace et de ses héritiers jusqu’à Surin inclus, pour savoir l’immense « disproportion » qui existe entre l’homme et Dieu63. Il explique longuement cette situation en évoquant le « pâtir » des mystiques64, mais il sait aussi que le désir de Dieu retournera cette « disproportion » en une « proportion » plus essentielle encore. Ce sont ces présupposés qui guident l'interrogation de M. de Certeau sur les procédures de sa recherche : « Un manquant fait écrire. » Ceci est à entendre, mais il faut aussi aller jusqu’où M. de Certeau veut nous conduire, c’est-à-dire jusque là où voir est dévorant... « Comment vous expliquer ? dit le moine Syméon à son visiteur... Comment décrire le but exorbitant de la marche millénaire, plusieurs fois millénaire, des voyageurs qui se sont mis en route pour voir Dieu ? Je suis vieux et je ne sais toujours pas65... »
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39Faire de l'histoire et de la théologie avec Michel de Certeau66 c'est le faire jusqu'en cette « Extase blanche », en cet ultime hors lieu de son itinérance... cet « heureux naufrage ». Alors puissions-nous découvrir le bien-fondé de ce que nous lisons dans le livre du pèlerin chérubinique :
40« Est mystique celui ou celle qui ne peut s’arrêter de marcher et qui, avec la certitude de ce qui lui manque, sait de chaque lieu et de chaque objet que ce n’est pas ça, qu’on ne peut résider ici ni se contenter de cela. Le désir crée un excès. Il excède, passe et perd les lieux, il fait aller plus loin, ailleurs. Il n’habite nulle part, il est habité67. »
Notes de bas de page
1 M.-F. BRUNEAU, « La mystique et les sciences de l'autre », dans « A partir de Michel de Certeau : de nouvelles frontières », Rue Descartes/25, P.U.F. septembre 1999, p. 27,
2 E. MAIGRET, « Les trois héritages de Michel de Certeau. Un projet éclaté d'analyse de la modernité », Annales, mai - juin 2000, p. 511-55 1.
3 Quelques-uns des articles publiés alors ont été repris dans L'étranger, ou l'union, dans la différence, DDB, coll. Foi vivante, 1969. D’autres ne l’ont pas été, mais certains sont importants pour la spiritualité ignatienne, notamment « Aux lendemains de la décision, la confirmation », Christus, avril 1957, no 14, p. 187-205.
4 Bx. Pierre FAVRE, Mémorial, DDB, coll. Christus no 4, 1960.
5 J.-J. SURIN, Guide spirituel, DDB, coll. Christus no 12, 1963. Correspondance, DDB, coll. Bibliothèque européenne, 1966.
6 Retenons « Crise sociale et réformisme spirituel au début du XVIIe siècle : une nouvelle spiritualité chez les jésuites français », Revue d’ascétique et de mystique, 41 (1965), p. 339-386. Article « Jésuites, III. La réforme de l’intérieur au temps d’Aquaviva, 1581-1615 et IV. Le XVIIe siècle français », Dictionnaire de spiritualité, t. 8, 1973, col. 985-1016.
7 M. de CERTEAU, « Mystique », Encyclopaedia universalis, t. 11, 1971 ; cf. M. Brammer, « Thinking of Practice : Michel de Certeau and the Theorization of Mysticism », in Diacritics, 22 (1992), p. 30 s.
8 Dans Des grâces d'oraison : traité de théologie mystique (1901), l’auteur énumère toutes sortes de phénomènes extraordinaires, comme si ces manifestations étaient l’essence même et le sens de la mystique.
9 J. LE BRUN, « De la critique textuelle à la lecture du texte », Le Débat, 9, 1988, p. 199-116. Dans cet article, l’auteur développe aussi l'influence exercée par J. Baruzi sur Michel de Certeau. Cf. J. Le Brun, « Le secret d’un travail », Le voyage mystique, Michel de Certeau, RSR/Cerf, 1988, p. 77-91.
10 La possession de Loudun, Julliard-Gallimard, coll. Archives, 1970.
11 L'absent de l'histoire, Mairie, coll. Repères, 1973. Les textes sur Foucault sont repris dans Histoire et psychanalyse entre science et. fiction, Gallimard, coll. Folio-Essais, 1987.
12 L’écriture de l'histoire, Gallimard, 1975.
13 Op. cit. p. 7.
14 Ib., p. 18.
15 M. de CERTEAU, « L’universalisme ignatien : mystique et mission », Christus, t. 13, no 50, 1966, p. 173-183.
16 Ignace de LOYOLA, Exercices spirituels, no 237, dans Ecrits, DDB, 1991, p. 174.
17 M. de CERTEAU, « L’épreuve du temps », Christus, t. 13, no 51, 1966, p. 311-331. Ce texte est repris, dans La faiblesse de croire, Seuil, coll. Esprit, 1987, p. 53-74, sous le titre : « Le mythe des origines ».
18 M. de CERTEAU, La faiblesse de croire, op. cit., p. 64.
19 M. de CERTEAU, La prise de parole, DDB, 1968.
20 Dans cette université, créée dans la mouvance du « mouvement de 1968 », M. de Certeau enseigna l’histoire et la psychanalyse.
21 M. de CERTEAU, « Structures sociales et autorités chrétiennes », Etudes, t. 331, (1969), p. 134-148, p. 285-293, t. 332, (1970), p. 268-286.
22 M. de CERTEAU, « La rupture instauratrice ou le christianisme dans la culture contemporaine », Esprit, juin 1971, p. 1177-1274.
23 M. de CERTEAU et J.-M. DOMENACH, Le christianisme éclaté, Seuil, 1974. Ce texte a été rédigé après un débat radiodiffusé de France-Culture, en mai 1973, sur« Le christianisme, une nouvelle mythologie ». La postface, « Comme une goutte d’eau dans la mer », préparait un travail en cours qui aurait dû paraître sous le titre « Du corps à l’écriture, un transit chrétien ». Cet ouvrage, La fable chrétienne, ne vit jamais le jour. Il a été publié dans son intégralité dans La faiblesse de croire.
24 M. de CERTEAU, « How is Christianity thinkable to-day ? », Theology digest (Saint-Louis, Mo), t. 19/4, 1971, p. 334-345.
25 M. de CERTEAU, « La misère de la théologie, question théologique (note discutable et à discuter) », La lettre, no 182, octobre 1973.
26 M, de CERTEAU, « L’articulation du dire et du faire. La contestation universitaire, indice d’une tâche théologique », Etudes théologiques et religieuses, t. 45, (1970), p. 25-44. Cet article fait suite à un important congrès de théologiens, organisé par la revue Concilium à Bruxelles, en septembre de la même année.
27 M. de CERTEAU, jusqu’à la fin de sa vie, a participé au conseil de rédaction des Recherches de science religieuse que dirigeait J. Moingt. Celui-ci a écrit plusieurs articles sur M. de Certeau, théologien, dont « L’ailleurs de la théologie ». dans Le voyage mystique, M. de Certeau, Cerf/RSR, 1988. Cf. C. Geffré, o.p., « Le nonlieu de la théologie », dans Michel de Certeau, ou la différence chrétienne, Cerf. 1991, et « Michel de Certeau, s.j., The first collection of essays in the English language devoted to Certeau’work from the perpective of a theologian », New Blackfriars, 77 (1996), p. 478-528.
28 M. de CERTEAU, La faiblesse de croire, op. cit., p. 293.
29 II s’agissait de la profession solennelle de L. de Varicelles et de deux autres compagnons jésuites (2 février 1971). Ce texte a été publié dans Informations catholiques internationales, « Réflexions sur un personnage énigmatique », 1o avril 1971, p. 15-16.
30 Ceci a été très bien mis en valeur par L. Giard dans son introduction, « Cherchant Dieu », à La faiblesse de croire, op. cit., p. x-xi. Voir M. de Certeau, « La rupture instauratrice », ib., p. 212-215.
31 Ce thème est traité pour la première fois dans Christus, t. 17, no 68. 1970, p. 488-490. Ce texte est repris dans l’article « Mystique » de l’Encyclopaedia universalis.
32 M. de CERTEAU, « Histoire et mystique », Revue d'ascétique et de mystique t. 48. 1972, p. 69-82.
33 M. de CERTEAU, « Mystique au XVIIe siècle. Le problème du langage mystique », L'homme devant Dieu. Mélanges Henri de Lubac. Aubier, coll. Théologie, 1964, t. 2, p. 267-291.
34 M. de CERTEAU, « L’énonciation mystique », Recherches de science religieuse, t. 64, 1976, p. 183-215. Voir G. Petitdemange, « Michel de Certeau et le langage des mystiques », Etudes, t. 365/4, 1986, p. 379-393.
35 M. de CERTEAU, « Histoire et mystique », op. cit. p. 70.
36 M. de CERTEAU, « L’espace du désir ou le fondement des Exercices spirituels », Christus, t. 20, no 77, 1973, p. 118-128.
37 J.-J. SURIN, « Cantique V, De l'abandon intérieur pour se disposer à la perfection de l’amour divin... », Cantiques spirituels de l'amour divin pour l'instruction et la consolation des âmes dévotes, Paris, 1689, p. 18.
38 art. cit, « L’espace du désir », p. 127.
39 Ib„ p. 128.
40 Voir en particulier A. Demoustier. « Histoire, institution et mystique. Jésuites des XVIe et XVIIe siècles », Le voyage mystique, Michel de Certeau, RSR/Cerf, 1988, p. 64-65.
41 M. de CERTEAU, L'invention du quotidien. I. Arts de faire, U.G.E., coll. 10/18. 1980. Nouvelle édition établie et présentée par L. Giard, Gallimard, coll. Folio-Essais, 1990.
42 M. de CERTEAU, La fable mystique, Gallimard, 1982.
43 Cette citation est empruntée à L. de Vaucelles qui a rédigé la notice chronologique de M. de Certeau dans Compagnie, 1987, p. 131-133.
44 Dans la seconde édition de L’invention du quotidien, op. cit., L. Giard, dans son introduction, fait le point sur « l’histoire d’une recherche ».
45 Les lignes qui précèdent sont inspirées de la présentation de L'invention du quotidien par L. Giard. Elles se réfèrent aussi aux études certaliennes sur les langues et les patois.
46 Voir A.-M. CHARTIER et J. HÉBRARD. « L’invention du quotidien, une lecture, des usages », Le Débat, no9, 1988, p. 97-108. E. MAIGRET, « Les trois héritages de Michel de Certeau. Un projet éclaté d’analyse de la modernité », Annales, mai - juin 2000, p. 511-541.
47 M. de CERTEAU, « Les révolutions du croyable », Esprit, février 1969, p. 190-202.
48 M. de CERTEAU, « Une pratique sociale de la différence : « croire », Faire croire. Modalités de la diffusion et de la réception des messages religieux du XIIe au XVe siècle, Rome, Ecole française de Rome, 1981, p. 363-383.
49 M. de CERTEAU, « L’institution du croire. Note de travail », Recherches de science religieuse, t. 71, 1983, p. 61-80.
50 M. de CERTEAU avait l'intention d’écrire un ouvrage sur ce sujet. Voir L. Panier, « Pour une anthropologie du croire. Aspects de la problématique chez Michel de Certeau », in C. Geffré (éd.), Michel de Certeau, ou la différence chrétienne. Cerf, 1991.
51 M. de CERTEAU, « La faiblesse de croire », La faiblesse de croire, Seuil, coll. Esprit, 1987, p. 312-313.
52 L. GIARD, « Mystique et politique, ou l’institution comme objet second », L. Giard, H. Martin, J. Revel, Histoire, Mystique et Politique, Michel de Certeau, Jérôme Millon, 1991, P· 22. Le même rapprochement est esquissé par S. Breton dans « Le pèlerin, voyageur et marcheur », Le voyage mystique, Michel de Certeau, RSR/Cerf, 1988, p. 24.
53 Pourquoi Certeau utilise-t-il le mot « fable » ? Etymologiquement fari signifie parler, aussi la fable est un discours qui dit du vrai, mais ne sait pas ce qu’il dit. Il ne vaut que parce qu’il rend possible...
54 M. de CERTEAU, La fable mystique, op. cit. p. 24.
55 M. de CERTEAU, « L’illettré éclairé dans l’histoire de la lettre de Surin sur le jeune-homme du coche (1630) », Revue d'Ascétique et de mystique, t. 44, 1968, p. 369-412.
56 M. de CERTEAU, « Le corps folié. Mystique et folie au XVIe - XVIIe siècles », dans A. Vendiglione (éd.), La folie dans la psychanalyse, Payot, 1977, p. 189-203.
57 M. de CERTEAU, « Les folies déliées. : séduction de l’autre », Traverses, no 18, intitulé Séduction. La Stratégie des apparences, 1980, p. 26-37.
58 M. de CERTEAU, « Mélancolique et/ou mystique : J.-J. Surin. Fable du nom et mystique du sujet : Surin », Analytiques, no 2, octobre 1978, p. 35-48.
59 M. de CERTEAU, La fable mystique, op. cit. p. 225-242. « Dire », c’est bien ici « faire », mais ce performatif est d’une « espèce étrange », car le sujet privé de référent s’évanouit à son tour. C’est l’oubli de soi... Dire volo, ouvrir cette place du sujet, c’est entrer dans cet oubli.
60 Dans l’opposition entre science mystique et savoir livresque, vient se glisser un changement important : la pauvreté occupe la place de la science mystique. Elle a fonction de contestation dans une société où richesses et cultures cessent d’être chrétiennes. La religion est donc du côté du pauvre.
61 Ib. p. 9
62 M. de CERTEAU, « L'expérience spirituelle », Christus, art. cit., p. 418.
63 M. de CERTEAU explique cela longuement dans son introduction au Guide spirituel, op. cit., p. 35-38. Voir L. Giard, « Mystique et politique ». op. cit., p. 38-39.
64 M. de CERTEAU, « L'absolu du pâtir, passions de mystiques (XVIe - XVIIe siècles), Le Bulletin (Groupe de recherches sémio-linguistiques, EHESS-CN-RS), no 9, juin 1979, p. 26-36.
65 M. de CERTEAU, « Extase blanche », La faiblesse de croire, op. cit, p. 315.
66 Ph. LÉCRIVAIN, « Faire de l'histoire et de la théologie avec Michel de Certeau (1925-1986), Archives de philosophie, t. 63 (2000), p. 249-253.
67 Cité par S. BRETON, op. cit, p. 21.
Auteur
Professeur d’histoire du christianisme aux Facultés Jésuites de Paris (Centre Sèvres)
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