Rationalité du droit et fiction littéraire
p. 343-361
Texte intégral
« DROIT (LE). On ne sait pas ce que c'est »
« JUSTICE. Ne jamais s'en inquiéter »
G. Flaubert, Dictionnaire des idées reçues
1Les réflexions que je voudrais proposer sur le rôle du droit dans la fiction littéraire sont nées d'une intuition qui consiste à prendre le contre-pied des définitions du droit et de la justice que Flaubert évoque malicieusement dans son Dictionnaire des idées reçues. A l’inverse de ces opinions, l'on peut en effet penser que la littérature nous apprend quelque chose sur le droit et qu'elle peut même relayer, selon des voies qui lui sont propres, une interrogation sur la justice.
2Pour confirmer cette intuition, j'ai choisi d'analyser, non pas l'œuvre d'un auteur, mais une série d'œuvres qui ont jalonné l'histoire de la littérature française du XVIe au XXe siècle et dans lesquelles l’évocation du droit et des juristes occupe une place significative. Ces œuvres m'ont paru former un corpus suffisamment étendu, en dépit de sa nature fragmentaire, pour justifier les conclusions de cette recherche.
3Cette analyse doit permettre d'éclairer quelques-uns des enjeux de l'insertion du droit dans la fiction littéraire, essentiellement dans la fiction romanesque. Sans doute, les normes et les institutions juridiques peuvent-elles jouer différents rôles dans l'économie narrative des œuvres de cette nature. Ces rôles varient en fonction des exigences spécifiques de chaque récit et, en tant que tels, se prêtent malaisément à des généralisations. Ainsi, pour prendre un seul exemple, la signification de l'affaire Dreyfus dans la Recherche du temps perdu ne peut-elle se comprendre en dehors du parcours initiatique du narrateur dont elle représente une étape indispensable.
4Toutefois, l'on peut se demander si, en deçà de ces rôles particuliers, la mise en scène du droit par la littérature ne reflète pas également certaines interrogations récurrentes qui concernent l'institution juridique en général. Telle est l'hypothèse qui me servira de fil conducteur au cours de cette enquête. Quoique posées dans un cadre historique chaque fois renouvelé, ces interrogations témoignent d'une réflexion permanente sur la nature du droit et sur les fonctions qu'il remplit ou qu'il devrait remplir en tant qu'institution sociale spécifique.
5L'analyse des œuvres doit ainsi nous permettre de préciser la teneur de ces interrogations, les perspectives dans lesquelles elles sont posées, ainsi que les dimensions constitutives du droit qui forment leur objet.
I
6En raison de son engagement juridique, l'œuvre de Rabelais nous servira de première illustration. Gargantua, Pantagruel et le Tiers Livre s'inscrivent en effet dans la controverse qui oppose au XVIe siècle les défenseurs de l'humanisme juridique aux méthodes d'interprétation des glossateurs italiens. Partisan des méthodes philologiques, historiques et philosophiques de l'humanisme, Rabelais dénonce l'ignorance d'un Accurse ou d'un Bartole. En effet, alors qu’il a entamé des études de droit, Pantagruel passe par l'université de Bourges où il découvre que si les textes des Pandectes sont les plus beaux et les plus élégants, la glose d'Accurse qui les accompagne « est tant salle, tant infame et punaise, que ce n'est que ordure et villenie »1. Le procès opposant Baisecul et Humevesne permet à Rabelais, non seulement de stigmatiser les insuffisances des glossateurs, mais aussi de dénoncer les conséquences pratiques de leurs thèses sur le plan de l'application du droit. Alors que les plus grands juristes de France, d'Italie et d'Angleterre sont incapables de comprendre l'affaire, Pantagruel, qui a obtenu entre-temps sa licence en droit, est appelé à la rescousse pour trancher le litige.
7Il commence par écarter du débat l'ensemble des pièces du dossier dont les auteurs sont accusés d'avoir obscurci l’affaire par de sottes raisons inspirées des opinions d'Accurse, Balde, Bartole et leurs disciples. Il leur est reproché de ne rien comprendre aux Pandectes car ils ignorent tant le latin classique que le grec. De même ignorent-ils la philosophie morale et naturelle dont les lois sont « extirpées »2.
8Pantagruel appelle ensuite les parties pour les entendre de vive voix. Or, les protagonistes exposent l'un et l'autre leurs arguments dans un langage ridiculement incompréhensible qui est censé refléter les discours amphigouriques des juristes formés selon le mos italicus. Pantagruel les prendra au mot en rendant une sentence qui, tout en étant énoncée dans le même langage, contentera les deux parties et suscitera l'extase des juges et des docteurs3.
9Ainsi, chez Rabelais, la fiction littéraire est mise au service d'une querelle sur la science du droit. Grâce aux connaissances philologiques, historiques et philosophiques qu'elle met en œuvre, la science humaniste lui paraît seule en mesure de fournir une connaissance adéquate des nonnes juridiques, en restituant la signification originale des textes du droit romain4.
10Mais la critique des glossateurs ne comporte pas seulement un enjeu scientifique.
11D'un côté, cette critique se prolonge — en aval si je puis dire — sur le plan de l'application des normes. Dans la mesure où ils obscurcissent les questions de droit, les raisonnements basés sur les commentaires des glossateurs, ainsi que sur la dialectique scolastique qui permet de soutenir n'importe quelle thèse et son contraire, favorisent les tromperies et les ruses permettant d'échapper aux lois, tout en allongeant la durée des procès5. La science juridique traditionnelle se voit donc reprocher de ralentir l’application du droit, et même de favoriser les manœuvres immorales par lesquelles les parties tentent d'échapper à cette application. Ces objections révèlent par ailleurs que la critique rabelaisienne se nourrit — cette fois en amont — d'une conception idéale du droit. Droit idéal ou légitime qui est censé correspondre aux normes issues du droit romain, pour autant que leur sens soit adéquatement restitué par la science humaniste et qu’il soit interprété à la lumière de la philosophie. Ainsi dans la lettre qu'il lui envoie au sujet de son éducation, Gargantua recommande-t-il à Pantagruel d'étudier par cœur les beaux textes du droit civil et de les mettre en parallèle avec la philosophie6. Au-delà même du droit romain, Rabelais admet l'existence d'un droit naturel. Dans les chapitres de Gargantua qu'il consacre à la signification des couleurs, Rabelais, alias Alcofribas, soutient en effet que ces significations ne sont pas fixées par des conventions arbitraires, mais qu'elles résultent au contraire de lois universelles qui sont fondées sur une raison naturelle et qui, en tant que telles, sont acceptées par tous les peuples7.
12Dans la mesure où la problématique du droit y occupe une position centrale, le Roman bourgeois d'Antoine Furetière8, publié en 1666, nous offre un deuxième exemple. Juriste de formation, ayant exercé les fonctions de procureur fiscal du bailliage de Saint-Germain-des-Prés, Furetière se propose expressément d'utiliser la fiction, les « histoires fabuleuses », pour tourner en ridicule certains défauts, tel l'esprit de chicane, qui sont liés à la pratique du droit. Avec Furctière, l'on quitte résolument le terrain qui était celui de Rabelais, celui d'un débat sur la science authentique du droit, débat qui présupposait lui-même une conception du droit légitime. Le Roman bourgeois poursuit en apparence une ambition plus modeste qui consiste à tourner en dérision les travers, les excès et les vices de certains individus et, en particulier, des justiciables et des professionnels du droit qui participent à l'administration de la justice. La satire des juristes et des plaideurs est ainsi mise au service d'une entreprise de dénonciation et d'édification morale. Furetière relève même que la fiction, pour autant qu'elle soit suffisamment proche de la réalité, est plus efficace qu’une description réaliste lorsqu'il s'agit de nous corriger de nos travers les plus courants9.
13La première partie du roman, qui décrit la stratégie matrimoniale de Javotte Vollichon, contient déjà une satire assez virulente des juristes et, en particulier, de certains procureurs et avocats. Javotte est la fille du procureur Vollichon dont Furetière dresse un portrait peu flatteur : méchant, malhonnête, chicaneur et avide, Vollichon apparaît comme un fripon qui ne recule pas devant des manœuvres déloyales qui lui vaudront d'ailleurs d'être puni par les juges. Dans un premier temps, les époux Vollichon consentent à ce que leur fille épouse l'avocat Nicodème. Mais, alors que le mariage est sur le point d'être célébré, intervient le procureur Villeflatin qui fait opposition à cet acte en prétendant que le futur marié est lié à sa cliente, la jeune Lucrèce, par une promesse antérieure de mariage. Il est exact qu'avant de faire la connaissance de Javotte, Nicodème avait eu l'imprudence de faire une telle promesse à Lucrèce. Mais Lucrèce, amoureuse d'un marquis et bientôt enceinte de ses œuvres, n'a pas l'intention d'épouser Nicodème. Villeflatin, qui a appris par hasard l'existence de la promesse de Nicodème, prend l'initiative de faire opposition à son mariage avec Javotte, sans consulter Lucrèce au préalable et dans le seul but de tirer de cette procédure un profit personnel. L'affaire se termine par une transaction, Nicodème offrant de dédommager Lucrèce en contrepartie de son désistement. Mais elle aura permis à Villeflatin d'obtenir de Lucrèce, qui a finalement approuvé les démarches du procureur, une substantielle rémunération. A travers Villeflatin, Furetière stigmatise donc à nouveau le zèle procédurier et l'avidité des procureurs qui se préoccupent moins des intérêts de leurs clients que des leurs.
14Ainsi, dans la première partie du Roman bourgeois, Furetière dénonce les agissements de certaines catégories de juristes qui collaborent à l'application juridictionnelle du droit et dont les travers sont critiqués en fonction d'une morale conventionnelle fondée, entre autres, sur le désintéressement et l’honnêteté. La critique porte essentiellement sur les vices, non des agents d'application du droit en général, mais de certains de leurs représentants. Néanmoins, Furetière prête à certains de ses personnages des réflexions de portée générale qui mettent indirectement en cause, sinon la légitimité du droit, au moins sa mise en œuvre, par le biais d’une critique de ses procédures d'application et des juristes qui y prennent part. Ainsi, craignant de devoir épouser Lucrèce selon la promesse qu’il lui a faite, le marquis envisage avec appréhension le procès qu'elle risque d’intenter contre lui : alors que son issue est aléatoire, un procès est en effet toujours très coûteux10. Par ailleurs, Nicodème, après avoir découvert que Lucrèce est enceinte, soupçonne que l'action que ses parents menacent d'exercer contre lui a pour but de le contraindre à épouser leur fille. Or, il relève à ce propos que même si sa cause était mal fondée en droit, Lucrèce pourrait être assistée par des gens de robe capables de lui faire gagner son procès11. Furetière suggère donc, qu'indépendamment même de son coût et de l'incertitude de son issue, un procès en général peut conduire à une décision qui n'est pas conforme aux normes juridiques, moyennant le concours d'habiles juristes. Ainsi, le droit ne trouve pas dans les procédures juridictionnelles une garantie d’application et d'efficacité suffisante.
15Par ailleurs, le Roman bourgeois comporte une seconde partie qui conduit Furetière à élever sa critique sur un plan général. L'esprit de chicane est cette fois pris pour cible en la personne d'une nouvelle héroïne, la redoutable Collantine, dont la manie procédurière est sans limites. Fille d'un sergent, « conçue dans le procès et dans la chicane », Collantine n'a de cesse de s'approprier le bien d'autrui, pourvu qu'il soit litigieux et qu'elle puisse l'acquérir grâce aux procédures les plus complexes auxquelles elle consacre tout son zèle et toute son habileté. Les discussions entre Collantine et l'écrivain Charroselles permettent à Furetière de dénoncer, sous couvert de l'ironie, non plus les travers d'individus déterminés, mais les vices de la justice et de ses auxiliaires en général. Ainsi stigmatise-t-il successivement l'incertitude des connaissances juridiques des avocats, « grands citeurs de Code et d'indigeste »12, le caractère retors et avide des procureurs qui ont le pouvoir de ruiner plus d'un plaideur, ainsi que l'inutilité des procès qui n'apportent satisfaction à aucune des parties, leur imposent des frais considérables et ne servent qu'à enrichir les juges et les auxiliaires de la justice.
16La critique de Furetière est donc essentiellement dirigée contre les procédures d'application juridictionnelle du droit, de même que contre les juristes professionnels qui collaborent à l’administration de la justice. En revanche, la légitimité des normes du droit matériel n'est pas directement mise en cause par le Roman bourgeois.
17En effet, Furetière dénonce moins le défaut de légitimité du droit que son inefficacité. Le droit semble en effet incapable d'imposer ses normes, dans la mesure où ses procédures d'application ne permettent pas aux parties dont les prétentions sont bien fondées d’obtenir gain de cause, tout en leur imposant par ailleurs des charges ruineuses.
18En outre, la critique des procédures d'application du droit débouche sur une objection plus fondamentale. Par l'intermédiaire de Collantine, Furetière suggère que ces mêmes procédures permettent aux plaideurs dont les revendications sont injustifiées, mais qui font preuve d’une habileté suffisante, d'obtenir satisfaction et de s'enrichir aux dépens d'autrui. La critique de l'inefficacité des procédures conduit ainsi à mettre en cause leur légitimité.
19Ces deux déficiences des procédures juridictionnelles ont par ailleurs en commun de favoriser un enrichissement injustifié des juges et des procureurs. Mais la seconde objection me paraît très révélatrice. Sous couvert d'indignation morale, elle me paraît en effet refléter un malaise caractéristique de la transition vers la société moderne et suscité par la progression de l'action rationnelle des justiciables et des juristes, c'est-à-dire de l'action orientée vers le succès, fondée exclusivement sur les exigences de la rationalité instrumentale et stratégique. Les procédures d'application du droit sont critiquées dans la mesure où, en raison de leurs incertitudes, elles se prêtent trop aisément aux stratégies d'enrichissement des individus, alors même que ces stratégies se déploient en dehors des limites tracées par les normes juridiques légitimes. Le Roman bourgeois traduit donc un malaise suscité par le divorce entre, d'une part, la prétention du droit d'établir un ordre social légitime, et, de l'autre, la progression de l'action rationnelle des individus qui est favorisée par l'inefficacité et les déficiences des procédures d'application des normes juridiques. Le Roman bourgeois apparaît donc comme une œuvre symptomatique des tensions qui ont accompagné la progression de la rationalité instrumentale et stratégique dans la société occidentale moderne.
20Je voudrais à présent puiser dans l'œuvre de Balzac quelques éléments supplémentaires pour faire progresser cette enquête. Dans la Comédie humaine, j'ai choisi d'évoquer Le Cousin Pons qui représente l'un des romans les plus instructifs pour analyser la vision balzacienne du droit.
21Cette vision prend un relief particulier si on la compare avec la perspective de Furetière. Pour me limiter à l'essentiel, je me contenterai de pointer la différence principale qui me paraît les opposer. A la différence d'un Furetière qui s'inquiète du divorce entre la légitimité des normes juridiques et la progression de la rationalité instrumentale, cette séparation ne peut plus susciter la réprobation de Balzac. En effet, dans le Cousin Pons, le droit apparaît désormais comme un ensemble de normes qui sont essentiellement destinées à répondre aux impératifs de cette rationalité. A la limite, le droit, dans l'univers balzacien, revêt uniquement la portée d’un instrument neutre et polyvalent qui peut être utilisé par les individus pour atteindre les objectifs de leur choix et, en particulier, pour accroître leurs ressources et favoriser leur ascension sociale. Moyennant certaines réserves que je soulignerai par la suite, la légitimité du droit est ainsi absorbée par sa fonction instrumentale. Ou, pour l'exprimer par d'autres termes, la question de la légitimité du droit est désormais neutralisée ou mise entre parenthèses, de manière à faire apparaître le droit comme un pur instrument, répondant aux exigences de la rationalité instrumentale et stratégique. Le rôle déterminant de cette forme de rationalité est révélé par le fait que dans le Cousin Pons, les actes et les procédures juridiques sont généralement envisagés comme autant de moyens permettant aux individus d'accroître leurs ressources et leur pouvoir. Depuis la Cibot, concierge hypocrite, avide et malhonnête, qui rêve d’être couchée sur le testament de Pons afin d'obtenir une rente13, jusqu'à la présidente Camusot qui veut accroître sa fortune pour assurer à son mari un mandat de député14, en passant par le perfide avocat Fraisier qui cherche à obtenir un emploi de juge de paix15 en récompense de l'annulation du testament de Pons, annulation qui doit permettre aux Camusot d'hériter de la collection d'œuvres d’art de leur malheureux cousin, la plupart des personnages du roman sont engagés dans une activité rationnelle par laquelle ils visent à étendre leurs ressources ou leur pouvoir à l'aide des instruments juridiques adéquats. Il en résulte que le droit matériel et ses procédures de mise en œuvre ne peuvent susciter une question de légitimité et, en particulier, de légitimité morale : cette interrogation ne peut être posée qu'à propos des objectifs poursuivis par les personnages, du caractère de ces derniers, voire des procédés non juridiques qu'ils utilisent le cas échéant pour atteindre leurs buts. Au contraire, la légitimité du droit se concentre dans sa valeur instrumentale.
22Cette valeur instrumentale entraîne deux conséquences.
23En premier lieu, les actes et les procédures juridiques peuvent être mis au service d'objectifs dont la légitimité morale est très variable. Balzac n'adopte à cet égard aucune perspective unilatérale. Les instruments juridiques peuvent être utilisés tant par des personnages retors et sans scrupules, tel l'avocat Fraisier, qui cherchent à satisfaire exclusivement leurs intérêts personnels, que par des personnages qui nous sont présentés sous un jour plus favorable et qui poursuivent des fins altruistes. Ainsi, par exemple, afin de déjouer les manœuvres de Fraisier, Pons fait appel au notaire Hannequin pour dresser devant témoins un second testament par lequel il institue son ami Schmucke légataire universel.
24De même, Balzac évite de donner des juristes une image unilatérale. S'il met en scène des juristes aux capacités limitées, tel le président Camusot, des juristes dépourvus de tout scrupule, tel l'avocat Fraisier, il fait également intervenir des juristes honnêtes et consciencieux, tel le notaire Trognon, qui refuse de divulguer à la Cibot le contenu du premier testament de Pons16, ou le clerc Villemot qui défendra les intérêts de Schmucke lors de la mise sous scellés de la succession de son ami.
25Si dans le Cousin Pons, le droit est essentiellement présenté comme l'ensemble des lois qui fixent les règles constitutives de l'activité rationnelle des membres de la société bourgeoise, l’œuvre de Balzac suggère néanmoins quelques réserves sur la légitimité de l'institution judiciaire. Alors que le droit fournit aux individus les instruments de la poursuite rationnelle de leurs intérêts, le roman balzacien laisse sourdre une insatisfaction, voire une inquiétude qui met en cause l'efficacité et la légitimité, sinon des normes juridiques, au moins de leurs organes d'application. Deux points doivent être relevés à ce propos.
26En premier lieu, le Cousin Pons contient trop de descriptions et d'opinions dévalorisantes concernant la justice pour qu'elle en sorte grandie. L'évocation des intrigues qui se nouent entre les magistrats ainsi qu'entre les auxiliaires de la justice, la description des manœuvres qu'elles suscitent et dont l’ancien avoué Fraisier a d’ailleurs été la victime, de même que certains jugements portés par l’auteur sur l'institution judiciaire en général, accusée de n'être ni très humaine ni très sage17, ne peuvent que mettre en cause l'efficacité, voire la légitimité de cette institution. Sans doute, le fait que l’institution judiciaire soit elle aussi présentée comme l'instrument des ambitions, des passions et des intérêts de ceux-là même qui devraient la servir a nécessairement pour effet de mettre en cause sa capacité d'exercer son rôle légitime de gardienne impartiale des lois. En d'autres termes, l'assimilation entre, d'un côté, la rationalité instrumentale et, de l’autre, la légitimité, assimilation qui domine la perspective de Balzac sur le droit, se heurte à une limite en ce qui concerne l'institution judiciaire. La prétention de légitimité inhérente à l'institution judiciaire entre nécessairement en conflit avec le rôle instrumental que certains de ses organes veulent lui faire jouer au profit de leur carrière, de leurs ressources et de leur pouvoir. De ce point de vue, le roman de Balzac ne peut ignorer la prétention de légitimité qui est intrinsèquement liée à l'institution de la justice et qui se révèle irréductible aux exigences de la rationalité instrumentale.
27En outre, dans la mesure où il consacre la victoire de Fraisier qui l'emporte à la faveur d'une ultime manœuvre d'intimidation, le dénouement du roman traduit un pessimisme moral. Balzac ne laisse-t-il pas entendre que dans un univers social hanté par la recherche du pouvoir, des honneurs et de l'argent, un être tel que Schmucke, l'ami honnête, secourable et désintéressé, est nécessairement voué au rôle de victime sans défense ? Ce pessimisme révèle bien que la critique restreinte suggérée par Balzac, sinon à propos du droit lui-même, au moins à propos de l'institution judiciaire et de ses agents, demeure une critique de portée largement individuelle qui prend sa source dans un ensemble de valeurs morales au rang desquelles figurent, entre autres, l'honnêteté, le désintéressement, la sincérité ou le dévouement. Tous les personnages « négatifs » du roman, qu'il s'agisse de la Cibot, de la présidente Camusot ou de Fraisier, incarnent l'antithèse de ces vertus. Seule une brève allusion à l'inégalité des conditions qui frappe les plus humbles dans une nation pourtant ivre d’égalité laisse percer une critique de portée sociale et politique.
28En revanche, l'interrogation sur la légitimité du droit, ainsi que sur les principes ou les valeurs susceptibles de la justifier, acquiert une tout autre envergure dans une œuvre telle que l'Education sentimentale vers laquelle je voudrais me tourner à présent. Alors que l’œuvre de Balzac implique l’acceptation du droit civil bourgeois, issu de la Révolution et de l'Empire, en s'abstenant de questionner sa légitimité, celle de Flaubert au contraire fait porter sur le droit tout le poids des conflits sociaux, politiques et idéologiques qui divisaient la France au cours des années qui précédèrent et suivirent la Révolution de 1848.
29En effet, à travers les personnages de Frédéric Moreau, Charles Deslauriers ou Baptiste Martinon, tous étudiants en droit, bientôt juristes diplômés, Flaubert confronte ses lecteurs avec l'institution juridique. A la différence de la critique moralisante et limitée que Balzac dirige, sinon contre les normes juridiques, au moins contre certains de leurs agents d'application, l'Education sentimentale offre à la fois une représentation du droit comme ensemble de normes spécifiques, un aperçu de ses fonctions sociales, ainsi qu'une mise à l'épreuve de sa légitimité. Pour réaliser celle-ci, Flaubert mobilise, en recourant aux personnages qui les incarnent, un ensemble de doctrines ou d'opinions qui alimentèrent les conflits idéologiques qui divisaient la société française entre 1840 et 1850. Ces opinions sociales et politiques forment ainsi le prisme ou le kaléidoscope à travers lequel la fiction romanesque pose la question de la légitimité du droit. Au-delà même, la valeur de ces différents points de vue est mise à l'épreuve par la fiction. Aussi bien Flaubert exprime-t-il, dans les passages de sa correspondance qui constituent en quelque sorte le journal de l'Education sentimentale, son intention de critiquer, voire de tourner en dérision, non seulement les thèses d’inspiration socialiste ou néo-catholique, mais aussi les préjugés conservateurs de la bourgeoisie orléaniste18. Les discours stéréotypés qui les expriment sont plongés dans un bain acide où se mêlent la froide restitution, l'ironie19, la satire, voire la dénonciation pure et simple, et qui a pour effet de révéler leur inconsistance.
30L'approche du droit dans l'Education sentimentale s'opère donc en trois temps. Premier temps : la découverte du droit, à travers les études juridiques qu'ont entamées Moreau, Deslauriers et Martinon. Objet d'un enseignement passablement ennuyeux — dont Flaubert avait éprouvé personnellement la rigueur — le droit est présenté comme un ensemble d'institutions, de règles et de concepts particuliers dont la connaissance exige une compréhension de leur cohérence parfois problématique. Ainsi, Frédéric Moreau est-il interrogé lors de son deuxième examen sur la conciliation entre l'article 1351 du Code civil, qui consacre la relativité de l'autorité de la chose jugée, et l'existence d'une voie de recours extraordinaire telle que la tierce opposition20. Mais d'emblée les règles juridiques apparaissent également comme des normes qui sont au service d'objectifs sociaux et de valeurs dont la légitimité peut être contestée. L’on en veut pour preuve le concours d'agrégation auquel se présente Deslauriers et qui conduit ce dernier à critiquer les règles de la prescription au nom de la justice21. Flaubert suggère donc que les institutions juridiques mettent en jeu des exigences de légitimité au nom desquelles elles peuvent être critiquées, à juste titre ou non, et qui peuvent justifier aux yeux d'aucuns leur transformation.
31En un deuxième temps — qui est centré, entre autres, sur les affaires d'Arnoux, les spéculations de Dambreuse et du Père Roque ou les démêlés financiers de Rosanette — le droit est envisagé dans ses fonctions sociales et, en particulier, dans ses fonctions économiques. A la faveur des actes qu'il permet de poser — emprunts, hypothèques, saisies, testaments, constitution de sociétés, acquisition d'actions, mariage même — le droit privé apparaît comme l'instrument des acteurs de la société civile. Avec l'aide de praticiens habiles et compétents, tel l'avocat Deslauriers, le droit permet aux individus de tisser les rapports de coopération ou de compétition par lesquels ils cherchent à accroître leurs ressources et leur sécurité, tout en s'élevant dans la hiérarchie des pouvoirs et du prestige social. Instrument des intérêts, le droit l'est aussi des passions : il offre des armes juridiques qui permettent, par exemple, de satisfaire un désir de vengeance et d'humiliation. Ainsi, sur les conseils de Deslauriers et par l’entremise de Sénécal, entre-temps converti en agent d'affaires, Madame Dambreuse utilise contre Madame Arnoux, sa rivale dans le cœur de Frédéric Moreau, les billets qu'elle et son mari avaient signés au profit de M. Dambreuse.
32Enfin, dépassant cette perspective réaliste centrée sur la rationalité instrumentale et stratégique, Flaubert aborde la problématique de la légitimité du droit dans le troisième temps de sa démonstration. C'est à ce propos qu'il mobilise toute une gamme de doctrines et d'opinions qui peuvent être utilisées dans le but de justifier les règles existantes ou, au contraire, de revendiquer leur transformation, voire leur abolition.
33Or, pour l'essentiel, en évoquant ces thèses contrastées à travers le caractère et les attitudes des personnages qui les représentent, Flaubert tend à dévoiler leur défaut de validité. Diverses stratégies rhétoriques sont mises en œuvre à cette fin. L'une d'entre elles consiste à associer certaines thèses morales, politiques ou sociales à des personnages dont les travers rejaillissent sur leurs opinions de manière à les dévaloriser. Ainsi, d'être associé au vicomte de Cisy dont la sottise et la vanité sont incurables, le légitimisme est-il définitivement discrédité. De même, la haine et la dureté du républicain Sénécal, qui exerce un temps le rôle d'un sous-directeur impitoyable dans la fabrique d'Arnoux22, jettent le doute sur la valeur de son idéal de démocratie vertueuse.
34Ceci conduit à une deuxième stratégie consistant à suggérer que les opinions ne sont que le prolongement de frustrations, de désirs et d'intérêts plus ou moins avouables qu'elles permettent de rationaliser ou de dissimuler. Ainsi, les proclamations révolutionnaires de Deslauriers, qui appelle de ses vœux la « destruction complète de l’ordre actuel »23, son évolution vers un cynisme politique qui rejette tout principe de légitimité24, sont alimentées par un désir de pouvoir auquel se mêlent des frustrations sociales. De même, Mademoiselle Vatnaz puise l'énergie qu’elle consacre à la cause socialiste et féministe dans les désirs qu'elle n'a pu satisfaire : ainsi « avait-elle salué dans la Révolution l'avènement de la vengeance25 » Mais, Flaubert n'épargne pas non plus les prétentions des bourgeois qui se réunissent dans les salons de Madame Dambreuse. Alors qu'ils blâment unanimement tout délit politique, Flaubert déclare : « La plupart des hommes qui étaient là avaient servi, au moins, quatre gouvernements ; et ils auraient vendu la France ou le genre humain pour garantir leur fortune, s'épargner un malaise, un embarras, ou même par simple bassesse, adoration instinctive de la force »26. Flaubert affirme qu'au lendemain des événements de février 1848, ces mêmes hommes, qu'ils soient bonapartistes, légitimistes ou orléanistes, s'empressent tous d'embrasser avec zèle la cause de la République27. Le financier Dambreuse, craignant pour ses propriétés, et le magistrat Martinon, qui prospérait sous le régime précédent, soutiennent hypocritement la nouvelle République, tout en exprimant leur récente sympathie pour les ouvriers28.
35Finalement, au-delà de ces stratégies, Flaubert soumet au feu de son implacable ironie les opinions de tous les camps idéologiques. Les visites que Frédéric Moreau consacre aux clubs politiques, et notamment au mal nommé Club de l'Intelligence, permettent à Flaubert de dresser un catalogue des revendications plus ou moins improvisées, plus ou moins absurdes qui se propagent après février. Mais en regard de ces « nuages de sottise », les bourgeois ne font pas meilleure figure. Décidément, pour Flaubert, le « fanatisme des intérêts » équilibre les « délires du besoin ». Ainsi, la description d'un ultime dîner chez madame Dambreuse lui fournit une fois de plus l'occasion de tourner en dérision les jugements des possédants. Parmi eux, l'industriel Fumichon n’hésite pas à invoquer le droit naturel pour défendre la propriété. Mais il s'agit d'un droit naturel qui s'exprime désormais par la voix du roi des animaux politiques : « C'est un droit écrit dans la nature ! Les enfants tiennent à leurs joujoux ; tous les peuples sont de mon avis, tous les animaux ; le lion même, s'il pouvait parler, se déclarerait propriétaire ! »29.
36Evoquons, pour terminer cette brève enquête, deux œuvres romanesques du XXe siècle, dans lesquelles le droit tient une place sans doute moins importante que chez Balzac ou chez Flaubert, mais qui n'en est pas moins significative. Deux œuvres contrastées par la personnalité et les engagements de leurs auteurs : ainsi ai-je choisi d'évoquer, d'un côté, un roman de Jacques Chardonne, Les destinées sentimentales et, de l'autre, l'une des premières œuvres de Marguerite Duras, Un barrage contre le Pacifique.
37Rappelons que le roman de Chardonne, publié de 1934 à 1936, retrace le destin de Jean Barnery, jeune pasteur issu d'une famille d'industriels engagés dans la production de porcelaine à Limoges. L'échec de son mariage avec Nathalie Capet, bientôt suivi d'un divorce, le conduit à renoncer au pastorat. Remarié avec sa cousine Pauline Pommerel, Jean Barnery accepte finalement, à la demande de ses parents, de succéder à son oncle Robert Barnery à la tête de l'entreprise familiale dont son cousin, Frédéric, doit être évincé. A la veille de la première guerre mondiale, Jean Barnery s'engage dans un projet de modernisation industrielle qui doit permettre à l'entreprise de résister à la concurrence allemande et d'étendre ses marchés aux Etats-Unis. La crise des années trente et le marasme qu'elle provoque dans l’industrie porcelainière empêchent ce projet de produire les résultats escomptés. A la fin du roman, Jean Barnery, victime d'un accident, malade, ne songe plus qu'à céder la direction de son entreprise au fils de Frédéric Barnery.
38Ce bref résumé révèle que la portée du roman de Chardonne dépasse de loin la réputation de « romancier du couple » qui lui a souvent été attribuée. Dans Les destinées sentimentales s'exprime en effet un engagement social, économique et politique qui conduit leur auteur à faire de Jean Barnery le porte-parole d'un projet de modernisation de l'entreprise familiale. Projet sans doute voué à l'échec et, en ce sens, pathétique car, dans sa volonté d'adapter l'entreprise aux exigences de la concurrence internationale tout en préservant la tradition et, plus encore, les limites de la propriété familiale, il se prive des moyens juridiques et financiers qui seuls permettraient d'assurer son succès. De ce point de vue, ce projet reflète sans doute les tensions qui, durant le premier tiers du XXe siècle, s'imposaient à certains secteurs du capitalisme français déchirés entre la nécessité d'affronter la concurrence internationale et la volonté de préserver des structures exclusivement familiales de contrôle et de gestion.
39Porté par Jean Barnery, ce projet de modernisation conservatrice tend à faire du chef d'entreprise l'agent indispensable de sa perpétuation et de son développement, dont dépend par ailleurs le sort d'un grand nombre d'individus. Ces objectifs requièrent non seulement le respect des traditions qui garantissent la réputation des produits, mais aussi l'adaptation des techniques de production. Or, pour disposer des ressources nécessaires, le chef d’entreprise doit jouer le rôle d'une « main visible » chargée d’imposer des sacrifices, non seulement aux travailleurs, mais aussi aux actionnaires auxquels il demeure cependant associé par des liens familiaux. A l'intersection de l'ordre des familles et de l'ordre des affaires, si étroitement imbriqués, le droit apparaît comme l'auxiliaire indispensable de ce projet économique et social.
40Dans Les destinées sentimentales, le droit conserve la fonction instrumentale, en particulier dans le domaine économique, que les œuvres de Balzac et de Flaubert mettaient si fortement en relief. Il permet ainsi de donner à l'entreprise Barnery la forme d'une société en commandite dont les titres sont détenus par les membres d'une même famille30. Garantie de la propriété, le droit en assure également le transfert par les voies de l'héritage ou de la donation. Il est enfin mobilisé au service des stratégies de direction de l'entreprise : ainsi, afin de s'assurer la majorité des voix au sein du conseil, Frédéric Barnery tente de racheter à Nathalie les parts que Jean Barnery lui avait données pour compenser le divorce qu'il lui avait imposé31. Jean fait obstacle à cette manœuvre en convainquant Nathalie de lui remettre en dépôt ses actions qui lui permettront de disposer d'un nombre de voix suffisant pour diriger la société32. Les juristes, dont la compétence est évoquée au passage, prêtent leur concours à ces opérations dont ils assurent le succès. Le droit apparaît donc comme un instrument, sans doute dépourvu d'agrément, mais efficace et même indispensable dans l'univers social et économique, en particulier dans la vie d'un chef d’entreprise dont Jean Barnery décrit les contraintes à sa femme Pauline : il s'agit de mener une vie « où l’on ne se meut sans se référer à un texte, sans consulter un avocat, sans se heurter à une résistance, à un procès, moi qui ne peux voir les papiers bleus de la justice sans vomir... »33.
41Si l'efficacité du droit n'est pas mise en doute, sa légitimité se révèle plus problématique. Elle dépend en fait des objectifs en vue desquels il est mis en œuvre et dont la valeur se communique aux instruments juridiques utilisés. Lorsqu'il s'agit de répartir la propriété entre ses ayants droit ou de réaliser les actes qui sont nécessaires pour assurer le fonctionnement et le développement adéquats de l'entreprise, la légitimité du droit n'est pas mise en question.
42Par contre, dans d'autres hypothèses, le caractère nocif ou illusoire des fins poursuivies a pour effet de réduire cette légitimité. Deux hypothèses peuvent être repérées à cet égard. En premier lieu, un acte juridique, en apparence légitime, peut être vicié par ses conséquences désastreuses. Ainsi, le premier testament par lequel Robert Barnery avait légué à son fils Frédéric ses actions dans la société apparaît comme un acte contestable, étant donné que son bénéficiaire était dépourvu des qualités requises pour gérer l'entreprise. Mais il ne s'agit ici au fond que de l'utilisation malencontreuse d'un instrument juridique dont la valeur de principe n'est pas remise en cause.
43Il en va différemment lorsque le droit, sous la forme de dispositions législatives, poursuit la réalisation d'objectifs chimériques et nuisibles. Jean Barnery ne méconnaît pas la condition misérable qui est encore trop souvent celle des ouvriers de son époque. Il juge inévitables et même justifiées leurs revendications. Mais à ses yeux, l'amélioration de leur condition ne peut se réaliser que par des voies « lentes, rudes et injustes ». Cette amélioration exige la sauvegarde des entreprises dont dépend leur existence. Et cette sauvegarde exige à son tour que la direction de ces entreprises soit confiée à ceux qui, parmi leurs propriétaires, possèdent le sens des responsabilités requis, les compétences nécessaires, et même un instinct qui leur a été transmis par les voies de l'hérédité. De tels dirigeants doivent être en mesure d'imposer aux propriétaires et aux travailleurs les sacrifices qui sont indispensables pour assurer la continuité et le développement des activités industrielles. Chardonne élabore précisément son récit de manière à faire apparaître Jean Barnery comme ce responsable désintéressé qui assume la charge d'assurer le bien de tous ceux qui dépendent de l'entreprise, en dépit de leurs revendications. Ainsi n'agit-il pas en propriétaire puisque Nathalie conserve la propriété des titres sur lesquels son pouvoir est fondé. Tout en appartenant aux contraintes rebutantes de ce monde, le droit apparaît donc comme un instrument indispensable et légitime, pour autant qu'il soit mis au service d'une conception adéquate du progrès économique et social.
44En revanche, sa légitimité est compromise lorsqu'il est utilisé dans le but de créer un monde chimérique. A son fils Max qui évoque les espoirs de l'écrivain socialiste Pierre Vouzelles appelant de ses vœux une société dans laquelle la coopération et le service se substitueraient à la lutte et au profit, Jean Barnery répond qu'un tel monde serait un univers de fonctionnaires et de gendarmes. A la fin du roman, Jean Barnery dénonce les illusions des ouvriers aspirant à de « justes lois »34 qui répartiraient le bien-être entre tous, mais qui, en réalité, les plongeraient à nouveau dans le dénuement.
45La dernière œuvre que je voudrais évoquer, Un barrage contre le Pacifique, peut être lue comme une suite de variations sur le thème du droit, ainsi que sur les notions corrélatives d'illégalité, voire de non-droit. Le livre est dominé par le personnage de la mère, veuve ruinée et désespérée par l'échec de toutes ses tentatives de culture des terres que l'administration de l'Indochine française lui a concédées, mais qui se sont révélées improductives parce que la plus grande partie d'entre elles sont régulièrement inondées par la mer de Chine qu'aucun barrage n'est en mesure d'endiguer. Les plaintes répétitives, l'amertume, le désespoir, la soif de vengeance même de cette femme procèdent d'une conscience du droit bafouée. La mère ne cesse de revendiquer des droits sur les terres concédées, et en particulier l'octroi d'une concession définitive sur la seule parcelle exploitable de son domaine. Un droit qui se justifie à ses yeux par les efforts qu'elle a consentis pour acquérir sa concession : elle y a en effet sacrifié les économies qu'elle avait patiemment amassées durant quinze années de travail. Mais la mère est tout autant consciente de la corruption de l'administration coloniale qui fait obstacle à ses demandes. Si l'administration du cadastre lui a concédé des terres qui se sont révélées incultivables, c'est parce qu'à l'origine la mère n'avait pas été en mesure de soudoyer ses agents, selon l’usage illégal en vigueur.
46Or, le roman de Marguerite Duras qui, à la différence de Chardonne, envisage le droit du point de vue des dominés et des exploités, suggère au moins trois choses.
47En premier lieu que, dans le système colonial tout au moins, les pratiques de corruption de l’administration sont favorisées par le droit lui-même, dans la mesure où il assure aux autorités administratives un pouvoir que Duras qualifie de discrétionnaire et de quasi divin35. Paradoxalement, le droit lui-même sécrète donc l’illégalité et l'injustice.
48Ensuite, qu'à la différence du respect du droit, les pratiques illégales en général sont beaucoup plus efficaces d'un point de vue rationnel. Toutes les formes d'illégalité évoquées dans le roman présentent ce degré d'efficacité. Qu'il s’agisse de la corruption qui assure aux administrateurs publics de substantiels profits, de la fortune du père de M. Jo fondée sur l'exploitation de logements insalubres, de la contrebande qui seule permet aux colons les plus pauvres de tenir le coup et même des menaces physiques qui font fuir les agents du cadastre en tournée d'inspection, les activités illicites apparaissent comme le meilleur moyen de protéger et d'accroître les ressources des individus. En dépit de sa conscience du droit, dans laquelle ses revendications puisent leur énergie, la mère elle-même est contrainte de reconnaître cette efficacité. Dès qu’elle dispose de l'argent que son fils Joseph prétend avoir tiré de la vente d'un diamant qui avait été donné à sa fille Suzanne par M. Jo, la mère, dans l'espoir d'obtenir de nouveaux crédits, se hâte de régler auprès des banques les dettes d'intérêts qu'elle n'avait pu payer auparavant. Les banques ayant repoussé ses demandes, la mère reconnaît, dans un accès de lucidité, que le payement des intérêts était une « honnêteté mal placée »36 car, tout en absorbant l'argent dont elle disposait, il ne lui a pas permis d'obtenir les crédits qu'elle espérait. La malhonnêteté eût été plus efficace.
49L’accent qui est ainsi placé sur l’efficacité rationnelle des comportements illégaux marque une rupture par rapport aux œuvres de Balzac, de Flaubert ou de Chardonne. Même s'il arrive que certains de leurs personnages ne reculent pas devant une action coupable, tel Fraisier lisant le premier testament de Pons ou Frédéric Barnery proposant aux autres héritiers de son père de détruire le second testament qu'ils ont découvert, nous avons constaté que ces auteurs admettaient généralement l'efficacité des actes légaux du point de vue de la rationalité instrumentale et stratégique. Au contraire, le roman de Marguerite Duras laisse entendre que les activités illégales sont de loin préférables à cet égard. Dans l'univers implacable qu'elle met en scène, le droit a cessé d'être l'auxiliaire efficace des stratégies individuelles d'acquisition ou d'ascension sociale.
50Enfin, à la faveur de cette relativisation du droit, le roman suggère que, du point de vue des individus les plus désavantagés, les revendications juridiques inspirées par la confiance dans un droit équitable et impartialement appliqué sont fondées sur une illusion qui traduit une méconnaissance de la toute-puissance d'un système injuste et corrompu. Ainsi, par ses sarcasmes, Suzanne rappelle sans cesse à sa mère la vanité de ses espérances. Alors qu'elle revendique à nouveau le droit d'obtenir une concession définitive sur la part fertile de son domaine, Suzanne lui rétorque : « c'est peut-être ton droit mais tu l'auras pas, c'est comme toujours, tu crois que t'as droit à tout et t'as droit à rien »37.
51Ainsi, en définitive, dans Un barrage contre le Pacifique, la fiction est mise au service d'une dénonciation du régime colonial et du droit qui lui est lié. Par l'intermédiaire du monde fictif qu'elle déploie, l'œuvre remet en cause les prétentions d'efficacité et de légitimité qui sont inhérentes à l'institution juridique. Le droit en vigueur s'y révèle en effet inefficace, non seulement comme auxiliaire de l'action rationnelle des individus, mais aussi en tant qu’institution visant à établir un ordre social légitime. 11 contribue au contraire à préserver un régime qui impose aux indigènes des conditions d'existence inhumaines et dont l'injustice n'épargne pas les colons les plus démunis.
52L'œuvre de Duras laisse cependant entrevoir, par contraste, la voie d’une justice authentique, fondée sur la solidarité, l’équité et l'utilité commune. Ainsi la mère réussit-elle à mobiliser les paysans misérables qui vivent sur les terres limitrophes de sa concession afin de construire en commun des barrages qui seraient profitables à tous. Ces barrages « amoureusement édifiés par des centaines de paysans de la plaine enfin réveillés de leur torpeur millénaire par une espérance soudaine et folle »38 sont cependant rongés par les crabes des rizières et s'écroulent en une nuit sous l'assaut des vagues de l'océan. Duras écrit qu'en dépit de son échec, aucun de ceux qui avaient pris part à cette entreprise n'en voulut à celle qui l'avait dirigée. En évoquant cette approbation, le roman suggère sans doute que ce projet commun, malgré ses déficiences techniques, incarnait pour ceux qui s'y étaient engagés l'espoir d’une organisation sociale fondée sur la justice et la solidarité.
II
53Quelles leçons peut-on tirer des œuvres que nous venons de parcourir ?
54En fait, à la faveur du déplacement qu'elle impose au droit en l'insérant dans le monde fictif qu'elle instaure, et quelle que soit l’ampleur de ce déplacement, l’œuvre littéraire invite le lecteur à une expérience de pensée. L'enjeu de cette expérience me paraît tenir dans la mise à l'épreuve d'un ensemble de prétentions qui sont inhérentes à l'institution juridique et qui constituent autant de dimensions de sa rationalité présumée.
55Cette mise à l'épreuve s'opère apparemment sur trois registres au moins.
56En premier lieu, elle prend essentiellement pour objet les prétentions d'efficacité et de légitimité en vertu desquelles le droit prétend fournir les normes qui permettent d'établir ou de sauvegarder un ordre social présumé légitime. Ces prétentions concernent donc la rationalité matérielle ou substantielle du droit, par opposition à sa rationalité formelle qui traduit pour sa part une exigence de complétude et de cohérence des normes juridiques39. Si elles portent essentiellement sur les normes qui forment son contenu, ces prétentions d'efficacité et de légitimité du droit peuvent cependant se ramifier en prétentions secondaires qui concernent, entre autres, la science du droit, dont l'ambition minimale est de livrer une connaissance adéquate des normes en jeu, ou encore, l’institution de la justice, censée donner aux litiges suscités par l'application des normes juridiques une solution impartiale et conforme au droit.
57Or, à la lumière des textes évoqués dans les pages précédentes, je serais tenté de considérer que l'œuvre littéraire met nécessairement à l'épreuve tout ou partie de ces prétentions lorsqu'elle accorde au droit une place significative dans l'univers fictif qu'elle déploie. Même si la référence au droit peut remplir, et remplit généralement, d'autres fonctions dans l'économie narrative, cette référence a cependant pour effet d'éprouver le bien-fondé des prétentions fondamentales qui sont inhérentes à l'institution du droit. De ce point de vue, il semble que si la littérature peut se saisir du droit, elle soit tout autant saisie par lui, dans la mesure où le droit lui impose en retour certaines interrogations qui sont liées à sa propre rationalité. Les prétentions de rationalité inhérentes au droit sont en effet problématiques dans la mesure où elles requièrent des justifications dont la validité n'est pas incontestable et doit être éprouvée. La fiction littéraire représente précisément l'une des voies que peut emprunter cette mise à l’épreuve. Corrélativement, l'œuvre littéraire confirme que le droit, en tant qu'institution sociale spécifique, repose nécessairement sur des présupposés normatifs déterminés.
58Par ailleurs, éprouver la rationalité du droit ne peut se réaliser en dehors du contexte historique et social dans lequel s'inscrivent les règles juridiques et qui détermine à la fois leur existence et leur efficacité. Ce deuxième registre apparaît évidemment comme un facteur de variabilité. Ainsi rend-il compte, entre autres, de la diversité des systèmes juridiques concrets dont les prétentions sont mises à l’épreuve ou de la pluralité des références idéologiques susceptibles de fournir des critères d'évaluation. Par ailleurs, ce contexte suggère à l'auteur un ensemble de d'interrogations, de nature sociale, politique, morale, religieuse ou économique, au regard desquelles l'efficacité et la légitimité du droit peuvent être évaluées. Encore revient-il à l'auteur, dans l'élaboration de la fiction, de sélectionner les interrogations qui lui paraissent pertinentes. Aussi bien est-ce seulement à la faveur d'une transposition sur le plan de la fiction que les interrogations retenues peuvent orienter l'épreuve à laquelle est soumise la rationalité du droit.
59Ceci nous conduit à un troisième registre, que je me contente de mentionner faute des compétences requises pour en rendre compte de manière adéquate. L'on peut en effet présumer que la mise en question de la rationalité du droit n'est pas sans relation avec le mode d'être au monde de l'auteur. Qu'un Flaubert adopte la position d'un observateur qui tient systématiquement à distance tous les discours susceptibles de fonder la croyance en un ordre social légitime est sans doute étroitement lié à l'expérience psychique de l’artiste. De même, pour prendre un exemple que je n'ai pas évoqué dans les pages précédentes, l'œuvre de Kafka ne contiendrait pas une réflexion lancinante sur le bien-fondé de la loi si, grâce au travail de l'écriture, son auteur n'avait tenté de tenir en respect, tout en l'exploitant, le sentiment obsédant de culpabilité qui le rongeait.
60Si tels sont les trois registres mis en jeu dans une expérience de pensée qui se situe au croisement du transcendantal, de l'historique et de l'individuel, les œuvres que j'ai évoquées révèlent que la mise à l'épreuve des prétentions du droit peut conduire à des évaluations et des prises de position très diversifiées.
61En effet, à la question de savoir si le droit permet d'établir un ordre social légitime, les œuvres en jeu apportent, implicitement ou explicitement, des réponses différentes. L'œuvre de Rabelais implique une réponse positive mais conditionnelle, dans la mesure où les normes du droit romain ne peuvent remplir ce rôle que si elles sont interprétées et appliquées de manière adéquate. Celle de Furetière implique une attitude plus critique, dans la mesure où les déficiences des procédures juridictionnelles y sont dénoncées. Mais le Roman bourgeois ne questionne pas encore la légitimité du droit matériel. Si, sous réserve de quelques exceptions, Balzac soustrait la légitimité des normes et des procédures juridiques à toute interrogation, celle-ci ne portant que sur les objectifs qu'elles permettent d'atteindre et qui dépendent de la volonté des individus, Flaubert au contraire soumet la légitimité du droit à une forme de doute hyperbolique. Nous avons constaté que l'œuvre de Chardonne apporte pour sa part une réponse conditionnelle qui fait dépendre la légitimité du droit des objectifs sociaux qui lui sont assignés. Par contre, dans Un barrage contre le Pacifique, la capacité du droit d'instaurer un ordre social légitime est radicalement mise en cause.
62A cet égard, certaines œuvres évoquent l'idéal d'un droit légitime, sous la forme de normes existantes ou simplement possibles. Rabelais en offre un témoignage : son œuvre traduit en effet la croyance dans l'existence de normes légitimes et efficaces que le droit romain serait en mesure de révéler, pour autant qu'il soit dégagé des commentaires qui l'ont obscurci. Chez Chardonne, ce droit légitime est assimilé aux normes existantes du droit privé, par opposition aux projets de réforme qui tendraient à faire de la loi l'instrument d'une redistribution apparemment plus équitable des ressources et des pouvoirs. Au contraire, le roman de Duras évoque un droit idéal futur dont certaines expériences de coopération sociale révèlent la possibilité.
63Par ailleurs, d'un point de vue sociologique, il apparaît qu'à l'exception sans doute de l'œuvre de Rabelais, la mise à l'épreuve des prétentions d'efficacité et de légitimité du droit s'est opérée, entre autres, à la faveur d'une confrontation avec l'un des aspects les plus caractéristiques de l'évolution de l'action des individus dans la société moderne : la progression de la rationalité instrumentale et stratégique. Les textes de Chardonne, de Flaubert et, surtout, de Balzac confirment que le droit moderne, en particulier le droit privé, a été conçu et envisagé comme un ensembles de nonnes assurant la régulation de l'activité instrumentale et stratégique des individus, quels que soient les problèmes de légitimité engendrés par cette conception. Dans la série des œuvres que j'ai évoquées, le roman de Furetière paraît occuper à cet égard une position initiale, au point de transition entre société traditionnelle et société moderne. Nous avons en effet constaté que, sous couvert de désapprobation morale, il traduit une inquiétude face à la progression de l'action rationnelle des individus, progression qui, tout en étant favorisée par les déficiences des procédures d'application du droit, impliquait une transgression des normes éthiques et juridiques traditionnelles. Un barrage contre le Pacifique représente au contraire le terme de cette évolution, dans la mesure où ce texte met en cause, non seulement la légitimité du droit, mais aussi son efficacité du point de vue de la rationalité instrumentale et stratégique.
64La fiction littéraire suggère donc un ensemble d'évaluations ou de jugements sur les prétentions d'efficacité et de légitimité qui sont inhérentes aux normes juridiques.
65Si l'œuvre littéraire peut assurer cette mise à l'épreuve des prétentions du droit, c'est sans doute parce qu'elle ouvre un monde qui comporte, en raison même de sa nature fictive, « un recours contre toute réalité donnée et, par là même, la possibilité d'une critique du réel »40. La force référentielle de la fiction, telle que l'analyse Paul Ricœur41, peut se manifester sous forme mimétique ou sous forme projective. D'un côté, quoiqu'elle se réfère par principe à un univers distinct du monde ordinaire, la fiction vise indirectement la réalité dans la mesure où elle en propose une redescription. Sans doute, celle-ci n'est-elle pas équivalente à une connaissance élaborée dans le respect des contraintes propres au savoir scientifique et jouissant par là même des garanties qui en résultent. Mais, quoique son élaboration ne soit pas entourée de ces garanties, cette reconstruction peut se révéler pertinente d’un point de vue descriptif42. Confirmée le cas échéant par des recherches historiques et sociologiques, cette redescription éclaire la diversité des dimensions du droit, ainsi que des perspectives selon lesquelles il peut être envisagé dans un contexte social déterminé.
66Par ailleurs, la fiction peut remplir une fonction projective lorsqu'elle anticipe un autre univers possible. Culminant dans le récit utopique, cette anticipation ouvre de nouvelles dimensions de réalité à la lumière desquelles nous pouvons porter un jugement sur le monde tel qu'il est.
67Mais cette possibilité de jugement et de critique du réel ne nous est pas seulement offerte par la fiction lorsqu'elle remplit une fonction projective.
68En effet, dans le registre mimétique, la représentation fictive du réel résulte d'un travail de reconstruction qui procède, entre autres, par sélection, abréviation et condensation. C'est de cette reconstitution sélective que procède l'écart ou la distance qui sépare l'univers fictif de son référent réel. Et c'est cette distance inhérente à la fiction qui nous permet de nous déprendre de la croyance naïve ou dogmatique dans la légitimité du droit, tout en ravivant sa nature problématique.
69Mais il semble que cette reconstitution puisse également impliquer des évaluations qui lui confèrent, au-delà de sa valeur descriptive, une portée normative implicite. Dans cette hypothèse, la représentation fictive revêt la portée d'un modèle qui doit conduire le lecteur à poser un jugement sur la réalité donnée.
70Or, cette portée normative est particulièrement apparente lorsque cette représentation fictive met enjeu l'institution du droit. À partir du monde fictif qu'elle déploie et dont la représentation implique certains jugements de valeur, la littérature nous conduit à réévaluer le bien-fondé des prétentions de rationalité substantielle qui sont inhérentes au droit. L'œuvre littéraire ouvre ainsi à la réflexion l'une des voies qui lui permettent de poser à nouveau la question de l'efficacité et de la légitimité du droit.
Notes de bas de page
1 Fr. RABELAIS, Pantagruel, chap. V, in Œuvres complètes (Edition établie, annotée et préfacée par G. Demerson, texte original établi par M. Renaud, translation par G. Demerson), Paris, Ed. du Seuil, 1995, p. 330.
2 Pantaguel, op. cit., chap. X, p. 368.
3 Pantaguel, op. cit., chap. XI, XII et XIII.
4 Cf. M. SCREECH, Rabelais (trad. de M.-A. de Kisch), Paris, Gallimard, 1992, p. 105-106.
5 Fr. RABELAIS, Pantagruel, op. cit., chap. X, p. 366 et 368.
6 Pantaguel, op. cit., chap. VIII, p. 354.
7 Fr. RABELAIS, Gargantua, chap. X, in Œuvres complètes, op. cit., p. 96.
8 A. FURETIERE, Le Roman bourgeois, in Romanciers du XVIIe siècle (Textes présentés et annotés par A. Adam), Paris, Gallimard (La Pléiade), 1958, p. 899 et suiv.
9 Cf. A. FURETIERE, Advertissement du libraire au lecteur, in Le Roman bourgeois, op. cit., p. 900-901.
10 Le Roman bourgeois, op. cit., p. 944.
11 Le Roman bourgeois, op. cit., p. 949.
12 Le Roman bourgeois, op. cit., p. 1032.
13 Cf. H. de BALZAC, Le Cousin Pons, in La Comédie humaine (Edition présentée par P. Dufief et A.-S. Dufief). Paris, Omnibus, t. III, 1999, p. 479.
14 Cf. Le Cousin Pons, op. cit., p. 550.
15 Cf. Le Cousin Pons, op. cit., p. 553.
16 Cf. Le Cousin Pons, op. cit., p. 583.
17 Cf. Le Cousin Pons, op. cit., p. 443.
18 Cf. G. FLAUBERT, Correspondance (Choix et présentation de B. Masson), Paris, Gallimard (Folio classique), 1998, p. 543 (il s'agit de la lettre du 19 septembre 1868 adressée à George Sand : « Le néo-catholicisme d’une part et le Socialisme de l'autre ont abêti la France.
Je vous ai dit que je ne Battais pas les Démocrates dans mon bouquin. Mais je vous réponds que les Conservateurs ne sont pas ménagés »).
19 Voy. à cet égard les pages que consacre Jacques Dubois à la « sociologie ironique » pratiquée par Flaubert (cf. J. DUBOIS, Les romanciers du réel. De Balzac à Simenon, Paris, Ed. du Seuil, 2000, p. 220-224).
20 Cf. G. FLAUBERT, L'Education sentimentale, in Oeuvres (Texte établi et annoté par A. Thibaudet et R. Dumesnil), Paris, Gallimard (La Pléiade), t. II, 1952, p. 93.
21 Cf. L'Education sentimentale, op. cit., p. 141.
22 Cf. L'Education sentimentale, op. cit., p. 228-229.
23 L'Education sentimentale, op. cit., p. 170.
24 Cf. L'Education sentimentale, op. cit., p. 209.
25 L'Education sentimentale, op. cit., p. 329.
26 L'Education sentimentale, op. cit., p. 270.
27 Cf. L'Education sentimentale, op. cit., p. 324.
28 Cf. L'Education sentimentale, op. cit., p. 328.
29 L'Education sentimentale, op. cit., p. 376. Si l'on en juge par la lettre du 15 décembre 1867 adressée à Jules Duplan, l'ironie de Flaubert était dirigée contre l'ouvrage de Thiers, De la propriété (Paris, Paulin, Lheureux et Cie, 1848) (cf. G. FLAUBERT, Correspondance, op. cit., p. 520).
30 Cf. J. CHARDONNE, Les destinées sentimentales, I : La femme de Jean Barnery, Paris, Grasset, 1934, p. 316.
31 Cf. J. CHARDONNE, Les destinées sentimentales, II : Pauline, Paris, Grasset, 1934, p. 200-201.
32 Cf. Les destinées sentimentales, II, op. cit., p. 218.
33 Les destinées sentimentales, II, op. cit., p. 224.
34 J. CHARDONNE, Les destinées sentimentales, III : Porcelaine de Limoges, Paris, Grasset, 1936, p. 259.
35 Cf. M. DURAS, Un barrage contre le Pacifique, Paris, Gallimard, 1950, Folio, 1978, p. 309.
36 Un barrage contre le Pacifique, op. cit., p. 240.
37 Un barrage contre le Pacifique, op. cit., p. 238.
38 Un barrage contre le Pacifique, op. cit., p. 30.
39 L'on a pu montrer ailleurs que ces prétentions de rationalité, qui font l'objet de présomptions plus ou moins contraignantes, peuvent orienter l'activité interprétative des juges (cf. Ph. GERARD, Droit, égalité et idéologie. Contribution à l'étude critique des principes généraux du droit, Bruxelles, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, 1981, p. 251 et suiv.)
40 P. RICOEUR, Du texte à l'action. Essais d'herméneutique, II, Paris, Ed. du Seuil, 1986, p. 368.
41 Cf. P. RICOEUR, op. cit., p. 220-225.
42 Cette valeur descriptive conduit par exemple un historien tel que François Furet à inviter ses lecteurs à relire L'Education sentimentale pour mesurer la portée des événements de février 1848 (cf. Fr. FURET, Terminer la Révolution. De Louis XVIII à Jules Ferry (1814-1880), Paris, Hachette, 1988, p. 232).
Auteur
Professeur aux Facultés universitaires Saint-Louis
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