« Si se garde cascun de méfaire ». La législation communale de Mons (Hainaut) dans son contexte régional (XIIe-début XVIe siècle). Sources, objets et acteurs1
p. 153-181
Texte intégral
1. Introduction
1Abondance de sources, concentration locale de divers niveaux de pouvoir, taille moyenne, travaux antérieurs portant sur la législation comtale de la principauté dont elle est la capitale, autant d'atouts qui désignent Mons comme étude de cas prometteuse1.
2Capitale du comté de Hainaut, peuplée de 6 à 8000 habitants, elle fut essentiellement une ville d’administration et de résidence princière, ainsi qu’un centre ecclésiastique (signalons l’importance des chapitres Sainte-Waudru et Saint-Germain dans la vie locale, notamment en matière de culte et d’enseignement), devant l’essentiel de sa prospérité au commerce (étape du vin, foire de Toussaint). Si la ville comptait, comme partout, de nombreuses seigneuries foncières, la situation politique est plus claire puisque le comte de Hainaut en était le seigneur direct, nommant le maire et les 7 échevins (10 à partir de 1406). Maire et échevins agissent de concert en tant qu’institution judiciaire ; pour les questions administratives, les échevins travaillent de leur côté, en fonction des intérêts de la ville et en se reposant sur l’avis éventuel du conseil de ville. Officier de justice local, le maire était subordonné à deux autres officiers de justice comtaux, résidant à Mons mais dont le ressort dépassait le cadre urbain : le prévôt de Mons, un des treize officiers chargés d’une circonscription intermédiaire, et le bailli de Hainaut, placé à la tête de tous les officiers du comté. La chaîne hiérarchique maire/prévôt/bailli/comte interviendra à plusieurs reprises dans nos développements : la thèse principale développée ici est que cette chaîne se contente le plus souvent d’être associée au rôle formel de promulgation de la législation scabinale, laissant sauf exceptions le rôle de décideur aux échevins et au conseil de ville2.
3Le cas montois est particulièrement privilégié du point de vue des sources conservées : deux rouleaux et une dizaine de registres, constituant donc une belle série, consacrés exclusivement à la transcription des mesures législatives scabinales (plus de 700 textes de taille très variable, qualifiés de bans de la ville ou plus globalement de bans, estatus et édits3, et à l’époque moderne de bans de police). Pour les bans les plus anciens, l’édition partielle et imparfaite de Devillers, et celle plus récente, critique mais encore inédite, d’A. Guyaux et W. De Keyzer rendent aux chercheurs d’éminents services4. Un repérage systématique de tous les textes ultérieurs fut par contre nécessaire dans le cadre de la présente étude. S’y ajoutent comme nous le verrons une trentaine de textes législatifs promulgués sous la forme d’acte scellé ou de chirographe5. Des sources connexes (comptes communaux et registres de délibération du conseil de ville), dont l’examen est toujours en cours, permettent de préciser les contours du processus législatif.
4Nous verrons successivement comment émerge la capacité des échevins à légiférer, quelles formes écrites et orale prend leur pratique édictale (les sources), quelles matières elle touche (les objets), quelles en sont les modalités de publication, avant de préciser plus avant la place des différents acteurs du processus (auteurs formels et réels) et les mécanismes de relais et d’influence qui pèsent sur son élaboration.
2. Emergence d’une compétence législative scabinale
5La première tâche qui s’impose à nous sera de préciser quand et comment émerge à Mons une compétence législative scabinale6. Nous verrons qu’il s’est agi d’un processus progressif jouant sur la complémentarité des pouvoirs plutôt que sur leur confrontation (il n’y eut pas à Mons, contrairement à d'autres cités des Pays-Bas, de mouvements insurrectionnels au tournant des XIIIe-XIVe siècles7). La compétence scabinale en la matière ne fut d’ailleurs jamais exclusive, et sa reconnaissance princière explicite, tardive (1428).
6Il faut d’emblée rappeler un trait commun aux villes des anciens Pays-Bas : celles-ci n’ont pas de prise sur l'ensemble du droit édictai applicable sur leur territoire ; elles doivent tenir compte du droit d’origine princière et seigneuriale. Nous devons donc tenter de faire la part des choses. Si dans certaines villes la prérogative législative est restée essentiellement princière, comme à Liège et à Namur, et si elle est restée dans d’autres villes essentiellement seigneuriale pendant une phase de départ non négligeable, comme à Nivelles8, à Mons le droit édictai d’intérêt local est très rapidement composé d’un mélange de normes princières et scabinales9. Cette configuration est peut-être la plus commune dans les anciens Pays-Bas, mais cela demanderait bien sûr une vérification systématique.
7De fait, le premier texte législatif connu applicable spécifiquement à la ville de Mons relève du droit édictai princier. Il s’agit d’une ordonnance de la comtesse Marguerite (31 janvier 1251 n. st.) défendant d’injurier les échevins et sergents de Mons. Ce texte renferme un intéressant discours sur les compétences législatives respectives : la comtesse proclame son arbitraire en la matière – « jou les puis à me volenté » - mais n’ordonne qu'après avoir consulté les échevins et obtenu leur accord (« par le conseil et par l’assens des eskievins de Mons ») ; elle cède en outre aux échevins le droit de rappeler l’ordonnance sans son autorisation mais en en informant le bailli10. N’a-t-on pas affaire ici à un moment de transition, où le magistrat encore sous tutelle voit poindre ses futures compétences édictales ? En effet si la comtesse insiste sur sa prérogative législative entière, les échevins n’en sont pas moins formellement et solennellement associés à l’exercice de celle-ci. Qui plus est, en aval de la promulgation, ils se voient concéder la non négligeable compétence de rappel.
8A la fin du siècle au plus tard, la compétence législative des échevins ne fait plus aucun doute. Elle ne découle pas d’un octroi princier explicite, et semble donc naître spontanément des nécessités de la gestion urbaine, probablement ex vi jurisdictionis. Son démarrage est insaisissable, puisqu’elle fonctionne d’abord comme nous le verrons sur un mode oral, pendant un nombre indéterminé d’années. Elle sera ensuite consignée sur un premier rouleau de parchemin tout à la fin du XIIIe siècle, après que le comte eût octroyé une autonomie fiscale à la ville et affranchi ses habitants de certaines charges : on peut donc mettre en parallèle la mise par écrit de cette législation scabinale - la rédaction primitive - avec un démarrage généralisé de la pragmatische Schriftlichkeit montoise (comptes, listes fiscales, etc.) qui coïncide avec l'autonomie fiscale liée aux travaux d’emmuraillement, deux phénomènes qui rendent nécessaire une administration plus développée11. Le mouvement est ainsi lancé, et un nouveau rouleau puis des registres se succèdent à cadence régulière pour consigner les différents stades d’évolution de ce corpus législatif.
9Les deux privilèges comtaux de 1428 conférant le droit de haute justice aux échevins, sont les premiers documents à contenir des stipulations expresses relatives aux rapports entre les différents pouvoirs dans l’exercice de la prérogative législative (désignée par la formule « faire bans, edictz et statuz »). La capacité législative des échevins est reconnue mais subordonnée à l’avis et au consentement des deux officiers comtaux supérieurs, le bailli et le prévôt : « lesdis eschievins porront..., pour le bien, utilité et prouffit de nostre dite ville,..., touttes fois que le cas le requerra et que bon et expédient leur semblera, par l’advis et consentement de noz bailli de Haynnau et prevost de Mons ensemble, faire bans, edis et estatus »12. On a pu dire que ces textes introduisaient une restriction aux compétences échevinales déjà existantes13, ce qui est possible - ce serait alors un effet de la centralisation princière menée par Philippe le Bon, nouveau gouvernant du comté-, mais la mention de ces officiers dans le formulaire des bans de police depuis un demi-siècle (cf. infra) laisse supposer que le privilège confirme plutôt, sur ce point aussi, un état de fait déjà acquis.
10Ceci dit, comme nous le verrons plus loin, cette participation des officiers comtaux à l’élaboration du droit édictai échevinal a pu, à certaines époques en tout cas, rester très tonnelle. Les clauses de rappel des ordonnances de la fin du XIVe et du XVe siècle sont éloquentes à cet égard : de toute la hiérarchie princière, seul le maire subsiste aux côtés des échevins lorsqu’il s’agit d’abroger ou de modifier ces textes ! Par ailleurs, la coexistence d’un droit édictai princier et d’un droit édictai échevinal sous tutelle princière plus ou moins effective, portant tous deux sur un même ressort territorial, n’est pas sans donner lieu à des rapports très complexes : les échevins orientant certains pans de la législation princière, donnant leur accord à certains textes, les officiers princiers surveillant celle de la ville et lui enjoignant de traduire certaines décisions princières dans son propre ordre juridique. Nous verrons plus loin, concrètement, ces mécanismes à l’oeuvre.
3. Pratique édictale et Pragmatische Schriftlichkeit
11Contrairement aux textes princiers, coulés sous la forme d’actes scellés, les premiers textes montois - tous en vernaculaire - sont très nettement d’essence orale. Ce phénomène n’a rien d’exceptionnel ; le professeur Philippe Godding en a d’ailleurs signalé l’existence assez généralisée dans les anciens Pays-Bas14. Pour Mons toutefois, une évolution notable du formulaire diplomatique et une diversification des supports utilisés ont pu être observées15.
12Trois phases peuvent être distinguées à cet égard. La première phase (fin du XIIIe et début du XIVe siècle) se caractérise par la mise par écrit de bans de police d’origine orale. La forme de ceux-ci témoigne nettement de ce caractère d’oralité. Il s’agit d’injonctions ou de prohibitions fort brèves, accumulées en vrac. Le premier témoin écrit, un rouleau de parchemin long de 3 mètres, représente déjà une première codification ou mise en ordre. Cette toute première couche législative compte 151 bans et est transcrite en 1296-99. Ces bans ne mentionnent pas d’auteurs et sont non datés. Il faut donc se contenter de l’incipit du rouleau : « Che sont li ban de Mons », et d’une datation relative sur la base de données prosopographiques ayant trait à des propriétaires de maisons citées comme point de repères dans les bans organisant le marché et la voirie. Dès leur entrée dans la sphère de l’écrit, ces bans de police font faire l’objet d’un processus continu de réélaboration où interviennent de nombreuses mains.
13Des normes sont abrogées ou modifiées par simple biffure ou par ajout de mots entre les lignes ; de nouveaux bans viennent s’inscrire dans les espaces restés vides. Au bout d’une dizaine d’années, la nécessité d’une remise au net se fait sentir et vers 1310 un nouveau rouleau de parchemin est réalisé, de longueur double par rapport au précédent, et le dernier état de la collection des bans y est transcrit : on y retrouve donc, transcrites d'une même main et devenues insoupçonnables, toutes les modifications présentes sur le premier rouleau. Le jeu de biffures et d’ajouts reprend et une troisième mise au net sera réalisée, cette fois sous la forme de cahiers de parchemin, très soignés (règlure, écriture diplomatique très posée, quelques initiales ornées de jeu de plume).
14La seconde phase de l’évolution de la législation montoise est marquée par deux modifications fondamentales. La première est la diversification des supports. Des textes à teneur législative seront dorénavant promulgués par la ville sous forme d’actes scellés (1315) et de chirographes (1317). Ces textes resteront toujours bien moins nombreux que les bans de police : une trentaine sur près de 700 pour l’ensemble du moyen âge. Ils s’en distinguent par plusieurs traits. D’une part une structure organisée, impliquant l’identification des auteurs au moyen de la suscription, une date de temps et de lieu. D’autre part un caractère d’acte authentique (au sens juridique d’acte écrit émanant d'une autorité reconnue et pourvu de signes de validation), alors que les bans de police font l’objet de simples consignations qui n’ont en principe d’autre valeur que celle d’aide-mémoire. Une seconde modification importante affecte la législation montoise durant cette seconde phase. Les bans de police voient leur formulaire évoluer lentement, sans doute sous la double influence de la législation princière et des actes authentiques urbains à teneur législative : ils présentent diverses variétés, témoignant de tâtonnements et d’une transition vers un type plus élaboré (ébauches d’exposés des motifs, de structure en articles et de clauses finales).
15La troisième phase (fin XIVe-XVe s.) voit cet aboutissement se réaliser. A côté des actes scellés et des chirographes, les anciens bans de police accèdent maintenant à un formulaire d’ordonnance plus évolué en même temps que profondément original. A côté d’éléments classiques du discours diplomatique tels qu’exposé des motifs, dispositif structuré en items, et clauses finales, on remarque l’absence notable de corroboration et de date, et le remplacement de l’adresse par un appel de type « Oyés, encore oyés et faites paix ». La suscription est remplacée par une formule constante placée à l’entrée du dispositif, qui mentionne les autorités comtales associées à la promulgation : « nous... faisons le ban, deffensce et commandement de par mons. le conte de Haynnau, mons. le bailliu de Haynnau, mons. le prevost de Mons, le mayeur, eskevins et le justice de le ville toutte, que... ». Les clauses finales de ces ordonnances sont particulièrement développées. A côté de la clause comminatoire fort fréquente, on trouve une clause d’interprétation et de rappel. La clause d’interprétation, contrairement à la législation princière du comté de Hainaut16, est ici fort fréquente et marque l’autonomie échevinale : l'interprétation est réservée aux échevins, seuls compétents dès lors pour l’application de la législation communale. La clause de rappel réserve au maire et aux échevins tout abrogation ou modification ultérieure de la norme énoncée par le dispositif. Cette mention constante est de première importance pour nous, en ce qu'elle nous aide à cerner les auteurs effectifs de la norme. Edictée au nom du comte, du bailli, du prévôt, du maire et des échevins, elle ne sera modifiée que par ses deux derniers, c’est-à-dire les seuls impliqués directement dans la vie locale.
16Dès l’origine, ces textes sont en vernaculaire. Leur support est le moins solennel qui soit : du papier (alors que les comptes sont rédigés sur parchemin) à l’exception des trois premiers témoins. Leur transcription, pour régulière qu’elle soit, ne semble pas avoir été systématique : l’un ou l’autre texte mentionné dans les registres de délibération sont inconnus par ailleurs17. Ils se présentent en outre sans signature ni signe de validation, et il semble dès lors difficile de parler d’enregistrement. S’ils n’ont donc pas la qualité d’actes authentiques, ils n’en jouent pas moins un rôle d’aide-mémoire doté d’une certaine valeur probante. Ils seront en effet allégués lors d’un conflit avec le bailli, afin de prouver l’ancienneté de la capacité des échevins à prévoir des amendes dans les bans qu’ils édictent (1427)18. Au même titre d’aide-mémoire, ils seront consultés en cas de litiges ou de question « préjudicielle ». Lorsque la question s’est posée au conseil de ville de savoir si les taverniers avaient le droit d’entreposer ensemble des vins de type ou d’origine différents, il « fu conclud d’aviser les anchyens escrips faisant mention de cestes ordenances » (1426)19. Lors d'un contentieux opposant les cloutiers aux serruriers, il fut « conclud de sour ce visiter les viès bans » (1429)20.
4. Le contenu de ce droit
17Le droit édictai émanant de la ville de Mons n’est, rappelons-le, qu’un des constituants de l’ordre juridique local. Pour s’en tenir au droit séculier, l’importance de la coutume d'une part et du droit édictai princier - du prince territorial, j’entends, le comte de Hainaut - d’autre part, ne sont pas négligeables. En l’absence d'octroi formel de franchises (le régime communal émerge graduellement et sans heurt apparent à la fin du XIIe et au XIIIe siècle), le comte fixe les grandes lignes de la vie publique locale par son serment inaugural de respect des franchises - celui-ci étant dès lors en quelque sorte la principale incarnation du droit « constitutionnel » local, au sens contemporain du terme21 - et par des privilèges et ordonnances portant sur des questions plus limitées22. D’autre part la législation princière, émanant du prince et de son entourage direct, ou de son conseil en Hainaut, ou de son grand bailli, est bien entendu d’application en ville. Les autorités urbaines ne sont pas sans se préoccuper de cette législation ; c’est ainsi qu’est copié dans les registres de délibération du conseil de ville, le texte d’un ban publié le 25 septembre 1416 « a le maison Willamme de le Loge, au command monseigneur le bailliu de Haynnau », sur le blé, les chômeurs et les chiens23.
18Le droit édictai urbain est donc de facto limité à quelques secteurs : pas de droit constitutionnel, pas ou peu de droit criminel (pas même les coups et blessures, contrairement aux villes flamandes qui légifèrent sur le rapt24), pas ou peu de droit civil (on n’y légifère pas sur les successions comme dans les villes de l’Oberrhein, ni sur les tutelles comme c’est le cas à Bruxelles25), pas ou peu de droit fiscal, surtout en fait des mesures relatives au commerce et à la production artisanale, et à l’ordre public. Les grands secteurs touchés sont en effet l’activité économique26, en ce compris des activités de type (semi-) rural27, et l’ordre public, vaste champ qui nous mène des encombrements de voirie au proxénétisme28. On retrouve donc ici grosso modo les grands secteurs dégagés par D. Clauzel et son équipe pour l’Artois et la Flandre gallicante29, ainsi que, mutatis mutandis, ceux observés pour le Hainaut rural30.
19Le caractère limité des matières touchées par le droit édictai émanant des échevins montois contribue sans nul doute à expliquer le caractère assez consensuel du partage des compétences législatives sur le sol urbain.
20Soulignons en outre qu’à Mons, contrairement à d’autres villes des anciens Pays-Bas comme Gand, les métiers n’ont pas de compétence édictale ou règlementaire reconnue : tous leurs statuts, certes préparés en leur sein, émanent en fait de la ville (maire, échevins et conseil, selon la plupart des actes)31. Il y a un seul cas de législation parallèle à celle de la ville, c’est celle du corps de la draperie, institué par le comte et dont les officiers sont nommés par les échevins : il s’agit donc d'une autorité légiférant et jugeant mais politiquement subordonnée aux échevins et au conseil de ville ; à vrai dire, on ne possède plus que des fragments de sa règlementation32.
21Enfin, la part du droit savant et des juristes universitaires semble minime pour ne pas dire inexistante dans la formation du droit édictai des échevins montois (et l’on mesure toute la distance qui sépare celui-ci du jus proprium des grandes cités italiennes). Ceci peut naturellement s’expliquer en partie par le caractère très terre-à-terre de l’essentiel de cette règlementation. Tout au plus l’apparition relativement précoce du concept de police en 1428 peut-elle indiquer un impact des théories politiques savantes, probablement au travers de son emploi par des textes princiers33.
5. Publication
22Contrairement aux actes scellés et chirographes à teneur législative, la nature même des bans de police proprement dits incite à y voir des textes dont la valeur juridique, la force contraignante, réside dans la promulgation orale ritualisée, dont le texte écrit n’est en théorie qu’une mise par écrit a posteriori et ne possède pas de caractère authentique en soi. Il existe d’ailleurs un office de crieur des bans, désigné comme tel dans les archives de la ville34. En 1433, l’office de crieur des bans a été affermé à un preneur dont l’organe vocal se révèle insatisfaisant. Les échevins retardent donc sa prestation de serment ; il insiste pour être reçu. Le conseil en délibère et préfère confier l’office à un autre candidat35.
23Les mentions du mode de publication dans la rubrique hors teneur des bans (c’est-à-dire dans le titre ajouté lors de sa transcription au texte prononcé oralement) sont rares avant le XVIe siècle :
1428 : « Publijet present le luit[enantl dou m[ayeur] le venredi xviij jour de march l’an xxviij et ossi l’aut[re) estant audes[sure] » (de la même main que le texte)36
1442 : « Publié en le Maison de le Ville presens mess. eschevins d’icelle le mardi devant disner xxiije jour du mois d’octobre en l’an mi liiijc et xlij. » (d’une autre main que le texte)37
1433 : « Publijet present esk[evins) le venredi iiije jour de decembre l’an iiijc xxxiij »38
1463 : « Ce ban fu publiié a plaine breteske en le Maison de le Paix de le ville de Mons le..., presens... »39
24A partir du XVIe siècle, les mentions de publications se font par contre très fréquentes40 et renvoient à un lieu bien précis : la bretèche, bretèque, ou balcon de l’hôtel de ville41.
25Ceci dit, dans la pratique, la rédaction du texte peut bien entendu avoir précédé sa prononciation orale. Cela semble évident dès lors que, contrairement aux bans primitifs, certaines ordonnances couvrent plusieurs folios. Un de ces textes a d’ailleurs été transcrit pour mémoire bien que non publié ; il est donc resté à l’état de projet approuvé : à part la mention hors teneur qui nous renseigne sur cette circonstance particulière, le formulaire est le même que celui des textes ayant abouti à la publication42.
26La publication est-elle unique ou répétée à intervalles ? Il n’y a pas de réponse univoque à cette question. Les bans de la foire de Toussaint sont publiés annuellement lors d’une réunion à la Maison de la Paix43. Mais rien n’indique que les autres bans aient fait l’objet de publications régulières comme c’est parfois le cas ailleurs (notamment dans les communautés rurales pour les bans ayant trait aux activités agricoles saisonnières)44. Certains bans ont bien été republiés mais semble-t-il de façon fort occasionnelle. Le texte d’un ban de 1456 est l’un des premiers à posséder des mentions ultérieures de republication (en 1477 et 1485)45. Au XVIe siècle par contre, ces mentions de rafraîchissement deviennent fréquentes46. Par ailleurs, les dispositions des bans ont souvent comme nous l’avons vu une grande longévité, quitte à être reprises, moyennant parfois des modifications minimes, dans la teneur de textes ultérieurs, mais c’est là un phénomène à bien distinguer de la republication pure et simple.
6. Elaboration : les auteurs
27Avec l’apparition d’un formulaire plus développé, on l’a vu, le comte et la hiérarchie de ses officiers de justice (bailli de Hainaut, prévôt de Mons, maire de Mons) sont explicitement mentionnés comme autorités dont émanent les bans de police, simultanément avec les échevins et la ville de Mons. La question qui se pose est naturellement de savoir dans quelle mesure ces mentions sont effectives ou purement formelles. En l’absence d’arguments déterminants, du fait notamment de la perte en 1940 des archives du Conseil (comtal) de Hainaut, nous en sommes réduits aux conjectures. Mon hypothèse est que cette législation émane des échevins, couverts au besoin et seulement dans certains cas par une délibération du conseil de ville, promulguant formellement leurs décisions au nom du comte et de ses officiers. La participation du plus local de ses officiers, le maire (qui en matière judiciaire semonce l’échevinage) ne me paraît pas assurée, si ce n’est au niveau de la sanction, postérieure à la décision. Ceci dit, le maire et ses supérieurs ont pu être tentés d’intervenir dans le processus législatif, mais cette situation serait plutôt restée exceptionnelle. « Au nom de » est tout de même une formulation fort large, par laquelle la ville peut se prévaloir de l’autorité princière sans l’avoir consultée, mais qui peut également fournir un prétexte d’intervention à l'un ou l'autre des officiers princiers.
28Un conflit de compétence entre le bailli et la ville, étalé sur plusieurs mois (octobre 1427-février 1428) me semble très révélateur des pratiques courantes, au delà de l’objet singulier du litige. Le bailli reproche aux échevins d’avoir fait un ban « ou nom dou prinche, le bailliu de Haynnau et toutte le justice de le ville », comportant des amendes dont une partie reviendrait à la ville. Le bailli conteste en outre à la ville le droit de percevoir ces amendes. Je passe sur les péripéties diverses, dont une grève judiciaire des échevins, pour signaler que la ville eut gain de cause, en faisant la preuve de son droit en produisant le texte d’anciens bans et des extraits de comptabilité. Ce qui est particulièrement intéressant dans cette affaire, c’est que le reproche adressé par le bailli aux échevins porte sur la teneur du ban, seule contestée, et non sur le fait d’avoir publié cette mesure au nom du comte et du bailli sans avoir consulté ceux-ci47. A ce moment du moins, il semble donc admis que cette législation, bien que publiée conjointement au nom du comte et de ses officiers d’une part et de la ville d’autre part, soit l’affaire des échevins. La prise de décision revient à ces derniers, les autorités princières n’ayant qu’un droit de regard lointain justifiant une intervention a posteriori : de concertation, point.
29D’autre part, certains textes plus anciens mentionnent uniquement le maire et les échevins comme autorités dont émane le ban (« Encores fu d’abondant par le mayeur et eskievins accordet, ..., ce qui s’ensuit... », dit par exemple un ban des cordiers)48. Un recueil de bans du XVe siècle porte comme incipit : « Pluiseurs bans et ordenances fais par l’acort dou maieur et des eskievins de le ville de Mons en oultre et au deseure dou livre des anchiens bans, tant en adioustemens fais a ychaux bans comme en aultre maniere », alors même que les ordonnances y transcrites se réclament aussi du comte, du bailli et du prévôt49. La même remarque peut être formulée pour les actes authentiques à teneur législative. L’acte scellé instituant le serment des arbalétriers (10 août 1315) mentionne dans l’intitulation les maire, échevins et communauté de la ville comme auteurs de l’acte, mais sa confirmation par un acte comtal le 29 août suivant présente les seuls échevins comme auteurs50 ! Tous les indices militent donc en faveur d’une ancienne compétence scabinale de décision en matière législative, liée à une implication mayorale peut-être marginale.
30Cette impression est renforcée par ce qui suit. Une notice de mars 1417 dans le registre des délibérations du conseil de ville a trait à la publication d’un ban par le maire : « Dou ban des bouchiers qui est accordés, faire publijer par le mayeur »51. Ce point de procédure n’est pas évoqué à propos des autres bans dont il est question dans les délibérations consignées du conseil de ville. Faut-il en déduire qu’en l’espèce le maire tardait trop à publier cette mesure prise, selon toute vraisemblance, par les échevins ? Y aurait-il un indice du rôle purement protocolaire de cet officier dans le processus législatif local ? Le maire intervient donc essentiellement au niveau de la sanction d’une décision prise, quant à elle, par les échevins (mais n’ayant pas de valeur contraignante sans la publication) ; en outre, il est utile d’associer le maire au processus de publication, puisqu’en matière judiciaire c’est lui qui poursuit les contrevenants, les défère devant les échevins, perçoit les amendes et exécute les jugements scabinaux.
31A ce propos, l’analogie entre fonctions judiciaires et législatives des maire et échevins n’est-elle pas éclairante ? Dans les deux cas, ne sont-ce pas les échevins qui décident et le maire qui assure soit l’exécution, soit la sanction ? D’ailleurs, les sentences criminelles prononcées par le magistrat montois faisaient l’objet d’une criée52, ce qui renforce encore l’analogie entre les deux processus. Analogie très pertinente dans l’hypothèse d’une capacité édictale née ex vi juridictionis... : les rôles respectifs du maire et des échevins en matière législative découleraient tout naturellement de ceux qu’ils occupent sur le terrain judiciaire.
32Certaines mesures législatives, mais pas toutes loin s’en faut, ont fait l’objet d’une discussion par le conseil de ville (dont font partie les échevins mais non le maire). Tout ou partie de ces discussions et décisions a été consigné dans des registres de délibérations. Ces registres n’ont pas de caractère d’authenticité au sens juridique du terme mais sont de simples aide-mémoires sur papier. Leur tenue semble d’ailleurs peu systématique ; la valeur et l’ampleur des renseignements consignés semble pour une bonne part relever de l’arbitraire du clerc communal. Ils sont conservés à partir du XVe siècle. Certaines de ces mentions sont de fait très laconiques, et nous renseignent tout au plus sur la date à laquelle un ban a été discuté53. D’autres par contre sont plus parlantes et laissent voir toute une procédure à l’oeuvre : une commission ad hoc peut être désignée au sein du conseil, chargée d’examiner une requête (« visiter » un texte, lit-on dans ces sources) ou de rédiger un avant-projet ; au terme d’une discussion en séance plénière ce projet peut être adopté ou retourner en commission pour un nouvel examen ou pour une nouvelle rédaction. En voici un exemple : « De viseter l’escript ordenet pour les taverniers prendre argent secq de leur vins, il fu visetés et sambla y estre boin parmy aucune moderation que on y entenda faire. Se y faix present li eskevins exeeptet Veson et dou conseil [suit l’énumération des conseillers présents] »54. La décision d’édicter un ban peut être prise suite à la constatation d’une infraction55. La publication d'un ban échevinal peut aussi être décidée par le conseil de ville sur proposition du maire ; j’en ai relevé un cas56.
33L’interprétation, compétence quasi systématiquement réservée aux échevins par le texte même des bans, a pu faire l’objet de discussions au conseil de ville57.
34Le conseil de ville se prononce aussi pour des mesures législatives édictées sous forme d’acte scellé ou de chirographe. Ainsi le 18 août 1428, à propos des orfèvres et du travail de l’étain : « Item fu liute li minute de le Mettre des orfevres et commis a le passer pluiseurs en ycelle escrips, et pareillement sour le fait de l’estain »58.
7. Elaboration : les mécanismes de relais et d’influence
35Reste à se demander quels mécanismes de relais textuels (inspiration, copies) et d’influence (requêtes, pressions) ont agi sur l’élaboration de la législation scabinale59. De tels mécanismes apparaissent dès les premières couches de bans de police montois. En l’occurrence dans une série de sept bans relatifs aux fripiers, transcrits pour la première fois dans le rouleau datant de ca. 131060 : ces bans impliquent une initiative, ou du moins une consultation, du métier, comme en témoignent la formule notifiant la répartition des amendes (« li acors dou mestier est tels ke... ») et cette répartition elle-même (3/4 au comte et 1/4 au métier, rien pour la ville). L’un des trois bans ajoutés dans le témoin manuscrit suivant (et donc postérieurs d’une dizaine d’années au moins) précise le privilège de juridiction de ce métier sur ses membres en matière de litiges commerciaux61.
36Les mentions de ces mécanismes de relais se font plus fréquentes lorsqu’à la faveur de l’évolution du type diplomatique des bans de police, une place plus grande et de plus en plus systématique y est laissée à un exposé des motifs. Celui-ci comporte fréquemment une mention de relais, qu’il s’agisse d'une requête ou d’une consultation. On peut distinguer les interlocuteurs suivants de l’échevinage : d’autres villes, des habitants, des corps infra-urbains, les auteurs de formes avérées de pression, le comte et les officiers comtaux, le monde rural, l’Eglise.
7.1. D’autres villes
37La mention du relais peut être explicite dans le texte législatif même. Les bans de septembre 1398 sur les étuves, par exemple, sont justifiés, dans l’ex posé des motifs, par diverses raisons et notamment par la volonté de s’aligner sur la situation d’autres villes (« et pour tant que em pluiseurs autres boines villes on n’en use point en tel cas »)62.
38Des sources indirectes nous éclairent davantage encore sur l’élaboration de ces relais, qui peuvent se concrétiser notamment par l’envoi de délégués. La vente des harengs a ainsi fait l’objet d’une longue suite de démarches en 1413 : la nécessité de légiférer est constatée ou évoquée au conseil de ville le 19 mars 141363, un commis est envoyé fin juillet à Tournai et Valenciennes pour s’y informer sur les usages locaux en la matière, il soumet son rapport le 2 août64 ; le texte des ordonnances tournaisiennes a été examiné le 7 octobre65. Même cas de figure en 1483, déjà relevé par Jean-Marie Cauchies : le compte de massarderie mentionne l'envoi de délégués à Valenciennes en janvier pour « les institutions sur le fait des boullenghiers » et à Lille pour « l’ordonnance du pain » en mai66.
39Ce processus joue également en sens inverse. Ainsi, les Athois se font communiquer en 1415 la règlementation des orfèvres montois : le grand bailli de Hainaut témoigne par cédule, scellée du sceau du bailliage, de la teneur des « ordonnance et estatus » que lui ont certifiée les maîtres du métier67. De même, les jurés et conseil de Binche souhaitent en 1448 établir une petite draperie et envoient leur clerc et un juré à Mons pour obtenir, à leurs frais, une copie du piet de la petite draperie de Mons ; le conseil de ville renvoie la question aux jurés de la draperie68.
7.2. Plaintes, pressions et requêtes d’habitants et de corps constitués infra-urbains
40Quelques textes rapportent dans leur exposé des motifs l’intervention de particuliers (on ne sait en général s’ils prennent contact avec les échevins ou avec le conseil, ni par quel canal) demandant qu’il soit porté remède à un abus. Le ban du 2 septembre 1403 sur la voirie mentionne ainsi la plainte de plusieurs habitants comme origine des dispositions qui vont suivre, destinées à remédier à cette situation : « Pour chou que venut est à le congnissanche dou mayeur et des eskevins par pluiseurs qui complaint s’en sont que... » ; l’exposé y ajoute en outre la volonté de s’aligner sur l’usage d’autres villes : « lequel cose est (...) au contraire de ce que on en use en aucune aultre boine ville »69. On aura remarqué le caractère vague de ces allusions. Une plainte d’habitants sur le non-respect de bans antérieurs, est à l’origine du ban du 20 juilllet 1410 sur les pourceaux, comme l'indique l’exposé (« et soit presentement venut a le cognissanche que on fait et use dou contraire, dont pluiseurs se complaindent, qui n’est mies à souffrir »)70. D’autres exemples peuvent être repérés dans les registres de délibération du conseil de ville : il s’agit notamment de particuliers se plaignant de l’activité des tanneurs, de braconnage dans les pièces d’eau de la ville dont ils ont pris le droit de pêche à cens, ou encore d’un encombrement de la voirie71. Une plainte similaire pour un abus commis en zone rurale, dont se fait écho l’exposé des motifs du ban du 7 avril 1413 sur les fosses creusées par les potiers, tuiliers et briquetiers, est plus précise quant au type de lobbying exercé : « avoek ce que pluiseurs complaintes tant de signeurs comme autres en sont jà venues au maieur et eskevins »72.
41A côté de ces interventions émanant de particuliers, prennent place celle de corps constitués subordonnés aux autorités communales, corporations de métiers et confréries diverses, dont on se rappellera qu’elles n’avaient à Mons pas de compétence législative propre (à l’exception de la gilde de la draperie). La requête, que mentionnent souvent les statuts octroyés par la ville à ces corps sous forme d’actes scellés ou de chirographes à teneur législative73, peut se révéler être un véritable Vorurkunde qui fait l’objet d’un examen par le conseil de ville, celui-ci désignant éventuellement une commission en son sein chargée de lui remettre un rapport. Plus modestement, ce mécanisme porte aussi sur l’élaboration de « simples » bans de police, comme en témoigne la délibération du conseil de ville du 8 mars 1451 n. st. à propos d’une supplique que lui ont adressée les fripiers74.
42Des pressions peuvent être exercées sur le magistrat, y compris venant de l’extérieur de la ville. Un cas frappant se produit en 1433. Un grand seigneur de la cour, chambellan et chevalier de la Toison d’Or, écrit à la ville pour lui demander d'abroger une récente ordonnance sur la vente des draps, qui portait préjudice à la draperie de la ville d’Antoing dont il était seigneur. Le conseil de ville lui opposera un refus75.
7.3. Le comte, son conseil et ses officiers
43Les mécanismes de relais et d’influence mettant en jeu le comte et son entourage peuvent se présenter sous plusieurs cas de figures : l’accord ou le refus, l’initiative mixte, l’initiative urbaine d'une mesure princière, l’initiative princière d’une mesure urbaine76.
44Dans certains cas rares, il est fait état d’un accord explicite ou, corollaire possible, d’un refus princier. L’accord préalable explicite du prince et de son conseil est mentionné en tête du dispositif par le ban du 12 mars 1410 sur l’étalage : « nous (...) par le gret et consentement de no très redoubtet signeur et prinche et de sen grant conseil, et ossi par l’acort dou conseil de sedicte ville de Mons, faisons ban et commandement que... ». Ce ban disposait en effet que certains produits jusque là mis en vente dans la rue du Château (un édifice comtal...) devraient dorénavant l’être ailleurs, circonstance qui pourrait expliquer la mention exceptionnelle de cet accord du conseil comtal77.
45Le prince a pu aussi accorder l’autorisation expresse à la ville de promulguer un ban. Ainsi Jean de Hainaut, sire de Beaumont, gouverneur du comté pour sa nièce, autorise - par lettres patentes datées de Mons le 17 décembre 1349 - les mayeur, échevins et conseil de la ville à faire un ban sur les maltôtes (taxes à la consommation perçues par la ville en vertu d’un octroi comtal régulièrement renouvelé) : « ... faisons savoir à tous que, à le pryère dou maïeur, des eskievins et dou consel de le ville de Mons, nous avons accordeit et accordons, pour le commun pourfit de no très chière dame et nièche, le contesse de Haynnau, et de le ditte ville, que uns bans soit fais sour tous chiaus qui maletotte deserviront pour le ditte ville », dont la teneur est précisée par le même document princier78. Il s’agit dans l’histoire montoise d’un cas tout à fait exceptionnel d’octroi explicite du pouvoir d’édicter la norme, qui reste purement circonstanciel et justifié ratione materiae.
46Des ordonnances échevinales furent par contre refusées en 1424 après leur inspection par le bailli de Hainaut, le mayeur de Mons et plusieurs conseillers comtaux (on voit donc ici se concerter l’officier princier local et le sommet de la hiérarchie), au motif que les dispositions scabinales empiétaient sur les droits du prince, ainsi que le relate la comptabilité princière : « pour visiter pluisieurs ordonnances mises oultre par le ville de Mons pour les faire publiier, dont on ne fu point dacord pour ce qu’il y avoit pluisieurs choses qui estaient alencontre de le haulteur et signourie de mon dit signeur le ducq »79. On rappellera aussi le conflit de 1427-28, évoqué plus haut, entre la ville et le bailli.
47Il est possible de mettre en évidence quelques cas d’initiative mixte. Les bans du 3 mai 1411 prohibant la vente à crédit dans les tavernes80 font allusion dans l’exposé des motifs à la préoccupation du comte et de son conseil, conjointement à celle des maire et échevins (« Pour chou que venut est à le congnissance de très hault et très poissant prince, no très redoubté signeur mons. le ducq Guillaume de Baivière, conte de Haynnau et de Hollande, de messigneurs de sen grant et pruden conseil, et ossi dou mayeur et eskevins de le ville de Mons ») : volonté des échevins, en présence d’une initiative princière, de ne pas apparaître comme négligents (car si l’initiative émanait de la ville, pourquoi ne pas mentionner une requête, remontrance ou prise d’avis auprès du conseil princier) ? Plus encore la clause de rappel, mise de façon atypique en tête du dispositif, réserve au comte la modification ou l’abrogation des mesures prises, alors que d’ordinaire elle confie cette prérogative aux maire et échevins. Ici seule l’interprétation est réservée aux échevins, par une clause finale du type habituel. Suffisamment d’éléments semblent donc indiquer une initiative mixte du prince et de la ville dans ce cas précis. Un demi-siècle plus tard, une ordonnance sur le curage des rivières (1460) fut publiée semble-t-il simultanément au nom du prince et de la ville (et non des échevins seuls) pour lui donner plus de force81.
48Il y a des cas où la ville estime opportune une mesure législative mais ne la prend pas elle-même, introduisant au contraire une requête auprès du prince, exclusivement compétent au détriment de la ville, ratione materiae (par exemple la fixation du prix de l’aune de drap82) ou ratione loci (par exemple si une mesure nécessaire ou favorable à la ville doit être prise hors de son ressort : exemption du droit d’étape à Condé83, législation sur les grains84,...)· Dans ce cas, le texte princier, outre la requête, peut aller jusqu’à mentionner l’accord de la ville à la teneur du texte : par exemple le comte Guillaume III, suite à une requête des maire, échevins et conseil de Mons, et par leur accord (« par l'accord et assent »), décide 28 février 1357 n.st. que les immeubles non occupés depuis 3 ans seront acquis au crédirentier si l’« héritier », semoncé trois dimanches consécutifs, ne paie pas son dû85. On peut aussi s’adresser aux officiers territoriaux du prince. En 1456, lors d’une cherté des grains, le conseil de ville décide « de faire publijer par le offisce de mons. le baillj que tous ceulx de le prouvosté ayans bled à vendre les amainent à Mons en halle et non autrepart sour amende »86.
49Certains bans de police sont en effet édictés par d'autres autorités, en particulier celle du prévôt de Mons (officier de justice dont, rappelons-le, la compétence territoriale se situe entre le niveau du comté et celui de l’officier local ou maire de Mons)87. Un de ces bans a fait l’objet d’une discussion par le conseil de ville après sa publication en février 1410 (mais tant la teneur du ban que celle de la délibération nous sont inconnues)88. Deux autres de ces bans du prévôt ont été transcrits dans les registres de la ville au sein des bans échevinaux89. Cette activité prévôtale mériterait de faire l’objet d’un examen plus approfondi. Il ressort d’un incident que prévôt et échevins collaboraient à certaines occasions en matière législative. Pour la Toussaint 1412, le prévôt a fait le ban relatif au port d’armes sans parler as eskevins : faut-il comprendre que la publication n’en a pas été notifiée au préalable, ou plus fondamentament que la teneur n’en a pas fait l’objet d’une concertation ? Toujours est-il que les échevins estiment contraire à l’usage cette façon de faire, et que le prévôt s’en excusera90. En 1427, le prévôt fut requis par le bailli de publier, au nom du conseil princier, un ban interdisant l’exportation d’avoine : ce ban princier a été évoqué par le conseil de ville dans une de ses délibérations91.
50Si la ville peut prendre l'initiative de faire venir une norme d’en haut, il arrive aussi, dans un souci de bonne administration, que les autorités comtales se soucient de l’avis des Montois. A plusieurs occasions, le bailli et le Conseil de Hainaut avertissent la ville et sollicitent son avis sur les mesures qu'ils vont prendre92. Inversément il peut arriver que le prince impose à la ville la publication d’un ban dans son propre ordre juridique : par exemple ce mandement comtal de 1357 ordonnant aux prévôt, maire et échevins de faire « crier nottoirement et obtenir perpetuelment en noditte ville » de ne pas recevoir d’armes en gage d’un prêt93. La délimitation entre législations du prince et de la ville devient ici très floue.
7.4. Rapports de la ville avec l’Eglise
51Terminons par un intéressant dossier, portant sur T interrelation entre droit édictai urbain et droit canonique. Il s’agit, à nouveau, d’une situation assez exceptionnelle dans le cas montois. L’ordonnance échevinale du 9 janvier 1429 prohibe le travail les dimanches et jours fériés, sous peine d’amende et de prison94 : ces dispositions furent prises, d’après l’exposé des motifs, suite à l’indignation de clercs et de prédicateurs face au non-respect de ces jours chômés par les gens de métiers montois. Dans son exposé, ce ban se réfère à « le loy de Dieu et les commandemens de Sainte Eglise » de façon très générale, et, afin sans doute d’éviter un reproche d’empiètement sur les compétences de l’autorité spirituelle, fait part de l’échec des moyens non contraignants mis en oeuvre par des prédicateurs (« combien que par pluiseurs clers et preecheurs a qui en appertient l’exortation et introduction ceste besoigne ait estet pluiseurs fois grandement reprise et blasmée », je souligne). Ratification du droit canonique par le droit scabinal ? A première vue, oui.
52Toutefois, ce texte est assorti d’une série impressionnante d’exceptions touchant notamment les métiers de l’alimentation et de la santé, l’éventualité d’un jour férié tombant le jour du marché hebdomadaire, ou celle d’un tournoi un jour férié. Une clause précise que les exceptions introduites par le magistrat et le conseil de ville, ne sont qu’une dépénalisation sans préjudice des commandements de l’Eglise (« Item ces reservations susdites ont esté et sont par le loy et conseil de le ville faittes pour ce que des cas reserves ne seront prises ne jugijés aucunes loys, et non mies pour vouloir che commandement de no mere sainte Eglise amplyer ne declarer, ains entent ad ce laissier et relenquir en le declaration et moderation de no mere Sainte Eglise »). Bel exemple d’équilibrisme entre deux systèmes normatifs ! Ce texte, apprend-t-on dans les registres de délibération, avait été envisagé dès le 12 mai de Tannée précédente, et encore la veille de sa publication, quand il fut conclu de le « modérer a le discretion des curés de Ste Wauldrud et de St Germain »95, formule qui a la concision habituelle des notices du registre des délibérations du conseil de ville, et au travers de laquelle il faut sans doute comprendre que les exceptions à la norme ont été consenties par les deux curés, moyennant la déclaration de non-préjudice à l'égard du droit ecclésiastique.
53Les conflits restent possibles. En 1429, quelques mois plus tard, parmi les griefs formulés par le promoteur de l'officialité de Cambrai à l’égard de la ville, se trouve celui d’« avoir fait ban que nulz bourgeois ne traysse aultre en cause que devant les eskevins », mesure législative prohibant de facto le recours aux tribunaux ecclésiastiques96.
8. Conclusions
54La ville de Mons n’est pas seule à produire le droit édictai en vigueur sur son territoire. Depuis le XIIIe siècle au moins, et tout au long du Bas Moyen Âge, le comte de Hainaut émet des ordonnances consacrées spécifiquement à la régulation de la vie locale montoise (sans parler des ordonnances applicables à tout le comté voire à plusieurs principautés). Des normes édictales applicables à Mons émanent donc directement du prince.
55Mais quand cette ville légifère - une capacité scabinale née spontanément, sans octroi ni insurrection, mais portant sur des matières limitées -, elle le fait de façon autonome, par la voix de ses échevins, en leur nom et en celui du comte et de ses officiers, sans associer pourtant ceux-ci au processus de décision. Elle leur réserve plutôt une part des amendes et les associe à la promulgation de la norme (rôle protocolaire de sanction avalisant la décision, qui permet un contrôle relatif et a posteriori).
Notes de bas de page
1 Dans le cadre du pôle d’attraction interuniversitaire « La société urbaine au bas moyen âge » (1997-2001), l’équipe des Facultés universitaires Saint-Louis, organisatrice du présent colloque, a concentré ses efforts sur la législation des villes du comté de Hainaut. Ath et Valenciennes font l’objet d’une étude en cours par les soins de mon collègue Ph. Desmette.
2 A défaut de monographie sur l'histoire et les institutions locales, voir L. Devillers, Inventaire analytique des archives de la ville de Mons, tome I, Mons, 1882, p. xi-xxxvi, E. Prud’homme, Les échevins et leurs actes dans la province de Hainaut, Mons, 1891 (MPSSALH, t. 42), p. 126-132, L. Verriest, Le régime seigneurial dans le comté de Hainaut du XIe s. à la Révolution, Louvain, 1916-17, p. 86-89 (relatif à l’échevinage montois comme chef-de-sens), Ch. Piérard, Les plus anciens comptes de la ville de Mons (1279-1356), t. I, Bruxelles, 1971 (Commission royale d’Histoire, série in-4°), L. Zylbergeld, Les villes en Hainaut au moyen âge. Origines et premiers développements (XIe-XIIIe siècles), dans Recueil d'études d'histoire hainuyère offertes à Maurice-A. Arnould, éd. J.-M. Cauchies et J.-M. Duvosquel, t. I, Mons, 1983 (Analectes d’histoire du Hainaut, 1), p. 141-186, et enfin le recueil 700 ans de franchises à Mons : les privilèges de Jean d’Avesnes (1295). Actes du colloque du 14 octobre 1995, Mons, 1996 (ACAM, t. 77). Les échevins sont en fait nommés au nom du comte par le bailli depuis 1315. En dépit de sources abondantes (délibérations, comptes), l’administration de la ville n’a que peu été étudiée pour le moyen âge ; pour une vue d’ensemble et pour un point de départ, on se reportera donc aux travaux concernant la période suivante : J.-P. Hoyois, Le personnel communal des villes sous l’Ancien Régime : l’exemple de Mons à l’époque de Charles Quint (1515-1555), dans G. Bavay et al., Hôtels de ville et maisons communales en Hainaut du moyen âge à nos jours, Bruxelles, 1995, p. 40-59 (article tiré d’un substantiel mémoire de licence en histoire resté inédit et consultable à l’Université catholique de Louvain), et Ph. Guignet, Le pouvoir dans la ville au XVIIIe siècle. Pratiques politiques, notabilité et éthique sociale de part et d'autre de la frontière franco-belge, Paris, 1990 (Civilisations et sociétés, 80). Plusieurs officiers et institutions comtales avaient leur siège dans la capitale (bailli, prévôt, Conseil de Hainaut, Cour féodale). Sur les officiers comtaux, cf. A. Pinchart, Histoire du Conseil souverain de Hainaut, Bruxelles, 1858 (Mémoires couronnés et autres mémoires publiés par l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique, coll. in-8°, t. VII), G.-H. Gondry, Histoire des grands baillis de Hainaut, Mons, 1887 (MPSSALH, 4e série, t. X), fort vieilli, M. Bruwier, Aux origines d’une institution : baillis et prévôts de Hainaut, du XIIe au XIVe siècle, dans Anciens Pays et Assemblées d’Etats, 3, 1952, p. 91-124, et Ph. Cullus, Les officiers de justice des comtes de Hainaut avant Philippe le Bon, dans J.-M. Cauchies et J.-M. Duvosquel (éd.), Recueil d’études d’histoire hainuyère offertes à Maurice-A. Arnould, t. II, Mons, 1983 (Analectes d’histoire du Hainaut, 2), p. 75-89.
3 Le fermier de l’office de l’« envoy et réception du poisson de mer et heren » doit exercer son office office « en entretenant les bans, estatus et édits de ladicte ville faiz pour cause de ladicte marchandise », comme le précise la lettre d’affermage viager par les échevins, jurés et conseil de ville à Jean de le Croix, par ailleurs receveur des aides de Hainaut, pour la somme annuelle de 100 £. tournois, en date du 19 juin 1484 (AVM, no 430, acte original sur parchemin, sceaux de la ville et du bénéficiaire, inédit, extraits dans Devillers, Inventaire analytique, op. cit., t.I, Mons, 1882, p. 237). Le conseil de ville reçut en 1452 la plainte de plusieurs habitants contre les bouchers montois accusés d’agir « contre les bans et estatus d’icelle [de la ville] » en matière de pâturage de bêtes à cornes (AVM, no 1296, fol. 295v). Nombreux autres exemples dans la présente contribution. Aucune terminologie stricte ne définit ces textes. C’est là un constat habituel pour les législations médiévales et modernes dans les anciens Pays-Bas (cf. J.-M. Cauchies, De geschiedenis van de wetgeving, middeleeuwen - moderne tijden : een mijnenveld ?, dans F. Stevens (éd.), Uuytwysens d'archieven. Handelingen van de XIe belgisch-nederlandse rechtshistorische dagen, Louvain, 1992, p. 1-20). Nous-même parlerons à l’occasion d’ordonnance.
4 Rouleaux : AVM, no 1245 et no 1244 (dans l’ordre chronologique). Registres : AVM, no 1243 et no 1246-1258 (du XIVe siècle à 1789). Editions : L. Devillers, Bans de police de la ville de Mons du XIIIe au XVe siècle, Mons, 1897 (Publications de la Société des Bibliophiles belges séant à Mons, 30), portant sur AVM, no 1243, et quelques spécimens de bans tirés des témoins plus récents ; j’exprime ici toute ma reconnaissance à W. De Keyzer qui a généreusement mis à ma disposition l’édition qu’il a préparée avec A. Guyaux (elle porte sur AVM, no 1243, 1244 et 1245). S’y ajoutent quelques textes publiés de façon éparse. Plus de la moitié du corpus reste inédit (cf. note 5). En outre, il semble qu’un registre existant en 1427-28 ait disparu (in casu le « second livre des bans » cité dans AVM, no 1296, fol. 34v-37, alors que le « tierch et darain livre des bans » cité dans le même texte est identifiable à AVM, no 1247, et le « vremal livre » ou livre rouge à AVM, no 1243 ; collation des folios ayant été faite par nos soins).
5 L’inventaire raisonné de ces sources sera publié prochainement sous la forme d’une liste chronologique.
6 Sur les problèmes de définition posés par les notions de législation et de règlementation appliquées au Moyen Âge, je renvoie le lecteur à J.-M. Cauchies, De geschiedenis van de wetgeving, op. cit., p. 1-20, et A. Wolf, Gesetzgebung in Europa, 1100-1500. Zur Entstehung der Territorialstaaten, 2. Aufl., Munich, 1996, p. 3-66. Cf. aussi infra, note 15 in fine. Le manque d’études concernant l’activité législative communale dans les anciens Pays-Bas a déjà été souligné par J.-M. Cauchies, La législation dans les Pays-Bas bourguignons : état de la question et perspectives de recherches, dans Revue d'Histoire du Droit, 61, 1993, p. 383-384. On ne peut guère en effet se reporter qu’aux travaux d’ensemble suivants : J. Gilissen, La législation urbaine en Belgique sous l’ancien régime, dans Revue historique de droit français et étranger, 33, 1955, p. 636-637 (résumé d’une conférence) ; J.-M. Cauchies, Services publics et législation dans les villes des anciens Pays-Bas. Questions d’heuristique et de méthode, dans L’initiative publique des communes en Belgique :fondements historiques (Ancien Régime). Het openbaar initiatief van de gemeenten in België : historische grondslagen (Ancien Régime). 11e colloque international, 11 de internationaal colloquium, Spa, 1-4 sept. 1982. Actes. Handelingen, Bruxelles, 1984 (Crédit Communal de Belgique. Collection Histoire, série in-8°, vol. 65), p. 639-691 (avec discussion p. 689-691) ; Ph. Godding, Les ordonnances des autorités urbaines au moyen âge. Leur apport à la technique législative, dans J.-M. Duvosquel et E. Thoen éd., Peasants and townsmen in medieval Europe. Studia in honorem Adriaan Verhulst, Gand, 1995 (Centre belge d’Histoire rurale, 114), p. 185-201. Cf. aussi F. Desportes, Droit économique et police des métiers en France du Nord (milieu du XIIIe-début du XVIe siècle), dans Revue du Nord, 68, 1981, p. 321-336, qui en dépit d'un titre restrictif prend en compte l’ensemble de la législation urbaine (en ce compris les questions de voirie, de moralité et d’ordre public).
7 Cf. W. Prevenier, Sept cents ans de vie urbaine à Mons, dans 700 ans de franchises, loc. cit., p. 227-235.
8 Cf. Ph. Godding, Les ordonnances des autorités urbaines, op. cit., p. 185-201 ; Ph. Godding et M. Herbecq, Les ordonnances concernant la ville de Nivelles au moyen âge (13e s-1531), dans BCRALO, 36, 1994, p. 1-113 ; et la communication d’A. Marchandisse dans le présent volume.
9 Sur la législation des comtes de Hainaut, applicable à une localité particulière ou à l’ensemble de la principauté territoriale, voir J.-M. Cauchies, Pouvoir législatif et genèse de l’Etat dans les principautés des Pays-Bas (XIIe-XVe s.), dans A. Gouron et A. Rigaudière éd., Renaissance du pouvoir législatif et genèse de l'Etat, Montpellier, 1988 (Publications de la Société d’Histoire du Droit et des Institutions des anciens pays de droit écrit, 3), p. 59-74, Id., Jean d’Avesnes, comte de Hainaut (1280-1304). législateur en son temps, dans 700 ans de franchises à Mons, loc. cit., p. 17-30, et Id., La législation princière dans le comté de Hainaut : ducs de Bourgogne et premiers Habsbourg (1427-1506). Contribution à l'étude des rapports entre gouvernants et gouvernés dans les Pays-Bas à l’aube des temps modernes, Bruxelles, 1982 (Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, 24).
10 Original perdu, transcrit dans AVM, no 1186 [Cartulaire dit Livre rouge], t. I, fol. 14, et t. III, fol. 28v-29v (cf. Devillers, Inventaire analytique, op. cit., no 11) ; éditions : Ch. Faider, Coutumes du pays et comté de Hainaut, t. III, Bruxelles, 1878 (Commission royale des anciennes lois et ordonnances. Recueil des anciennes coutumes de la Belgique), p. 10-11, et L. Devillers, Cartulaire des rentes et cens dus au comte de Hainaut, t. II, Mons, 1875 (Publications de la Société des Bibliophiles belges siégeant à Mons, 23), p. 263. L’ordonnance suivante en date est un texte de la même princesse du 28 mai 1265 prescrivant aux prostituées le port d’une aiguillette jaune à l’épaule (original perdu, copié par l’érudit F. Vinchant, et édité d’après celui-ci par Devillers, Bans de police, op. cit., p. ii, n. 1).
11 Sur tout ceci, cf. E. Bousmar, La diplomatique urbaine montoise et la spécificité des textes législatifs : bans de police et ordonnances (fin XIIIe-début XVIe siècles). Une mutation, des permanences, dans W. Prevenier et Th. de Hemptinne (éd.), La diplomatique urbaine en Europe au moyen âge. Actes du congrès de la Commission internationale de Diplomatique, Gand, 25-29 août 1998, Louvain-Apeldoom, 2000 (Studies in Urban Social, Economic and Political History of the Medieval and Early Modem Low Countries, 9), p. 45-79, passim.
12 L. Devillers, CCH, t. V, p. 25-30 (17 octobre 1428), 38-46 (17 novembre 1428) et 216-223 (interprétation du 10 juin 1433 par le bailli) ; commenté par Devillers, Bans de police, op. cit., p. iii, et par Cauchies, Services publics et législation, op. cit., p. 648.
13 Devillers, Bans de police, op. cit., p. iii.
14 Ph. Godding, Les ordonnances des autorités urbaines, op. cit., p. 185-201.
15 Je résume ici à grands traits les résultats exposés dans E. Bousmar, La diplomatique urbaine montoise, op. cit., ainsi que dans deux études portant sur les bans relatifs aux bouchers et aux « classes dangereuses » (prostituées, mendiants et ouvriers), où le processus de réélaboration des normes par biffures, ajouts et retranscriptions est bien mis en évidence : Id., Les bouchers de Mons entre bans de police et chirographes. Aspects de la législation communale montoise (XIIIe-XVe siècles), dans Sixième Congrès de l’Association des Cercles francophones d’histoire et d'archéologie de Belgique et Lille Congrès de la Fédération des Cercles d’archéologie et d’histoire de Belgique. Congrès de Mons [...] 25, 26 et 27 août 2000. Actes, t. I, Mons, 2000, p. 64 [résumé de communication] et t. II, Mons, 2002, p. 237-255 [texte intégral], et Id., Whores, beggars and labourers : regulation purpose and the penal discourse of a medium-scale city (Mons, 13th-early 16th c.), en voie de publication [communication présentée à la Third European Social Science History Conference (Amsterdam, 12-15 avril 2000, session « Politics of expulsion in medieval cities »)]. Par contraste, à Soignies, les bans conservés sont encore tous de facture archaïque et ne correspondent qu’aux deux premières phases de l’évolution diplomatique montoise (cf. A. Demeuldrf. éd., Les bans de police et les chartes de la draperie de la ville de Soignies, dans Annales du Cercle archéologique du Canton de Soignies, 4, 1909, p. 7-96). La diplomatique des actes législatifs princiers en Hainaut au XVe siècle a été étudiée par Cauchies, La législation princière, op. cit., p. 63-180. On sait que Wolf, Gesetzgebung, op. cit., p. 5, a proposé de définir la norme législative comme étant une « allgemeine Rechtsnorm in Urkundenform », tout en soulignant le caractère plus lâche de cette définition au regard de la législation urbaine (ibid., p. 5-6, n. 22 in fine). Ce critère formel est certainement rencontré dans la phase III de l’évolution diplomatique des bans montois (ainsi bien entendu que dans les actes législatifs scellés ou chirographés) ; on peut estimer qu’un formulaire très rudimentaire est toutefois présent dès le début. D’un autre côté, bien que Wolf, op. cit., notamment p. 16-17 et 28, émette des doutes à ce sujet, et malgré la complexité de la question, je suis d’opinion que le stade oral, préalable dans le cas montois à la mise par écrit de la fin du XIIIe siècle, constitue bien une législation, au sens où les normes sont édictées et imposées par une autorité bien identifiée ayant autorité pour ce faire (je suis donc ici plus proche de la définition proposée par B. Diestelkamp, Einige Beobachtungen zur Geschichte des Gesetzes in vorkonstitutioneller Zeit, dans Zeitschrift für historische Forschung, 10, 1983, p. 385-420, par D. Willoweit, Gesetzgebung und Recht im Übergang vont Spätmittelalter zum frühneuzeitlichen Obrigkeitstaat, dans Zum römischen und neuzeitlichen Gesetzesbegriff, Gôttingen, 1987 (Abhandl. der Akad. der Wiss. in Gottingen, phil.-hist. Klasse, 3. Folge, vol. 157), p. 123-146, et par Cauchies, De geschiedenis van de wetgeving, op. cit.). Enfin, soulignons que la remarque de Wolf, op. cit., p. 28, sur la longue persistance du discours à la troisième personne dans les législations urbaines se vérifie pleinement à Mons jusqu’à la fin du XIVe siècle (formule « On fait le ban que... »).
16 Sur ce point, cf. J.-M. Cauchies, La législation princière, op. cit., p. 130.
17 Par exemple : AVM, no 1296, fol. 69.
18 Le 17 octobre 1427, les échevins montois sont convoqués par le bailli et le conseil princier pour avoir publié des bans dont le profit des amendes revient à la ville. Ils répondent que cela est conforme à l’usage et on leur demande de produire leurs privilèges. Le 20 octobre, le conseil de ville décide de ne pas les montrer mais que la justification par l’usage, attesté par les comptes du prévôt de Mons et ratifié par le serment inaugural princier, doit être considérée comme suffisante (AVM, no 1296, fol. 30). A date inconnue, le bailli interdit au mayeur de semoncer sur les bans contestés ; en représailles, le conseil décide le 13 novembre que les échevins ne jugeront plus aucune infraction aux bans dont le profit des amendes va au prince (AVM, no 1296, fol. 31). Le 10 février 1428 n. st., sur la base des preuves administrées par les échevins, le bailli accepte de renoncer à l’interdiction (AVM, no 1296, fol. 37). Les Montois ont rédigé à l’occasion de cette réunion du 10 février deux memoranda insérés dans le registre de délibération du conseil. L’un d’eux répertorie certains bans dont l’existence sert de preuve du droit de la ville à prévoir des amendes dans sa législation. Assez curieusement les Montois n’ont pas utilisé les deux rouleaux de bans (AVM, no 1244 et no 1245) : ceux-ci, conservant les textes les plus anciens, étaient-ils moins accessibles, pour des raisons de rangement ? ont-ils été oubliés au moment de rédiger le mémorandum ? ou furent-ils une arme gardée en réserve ?
19 Délibération du 31 juillet 1426 : AVM, no 1296, fol. 10, lisible à la lampe de Wood.
20 AVM, no 1296, fol. 60v, délibération du 11 juin 1429.
21 Cf. A. Scufflaire, Les serments d’inauguration des comtes de Hainaut (1272-1427), dans APAE, 1, 1950, p. 79-132, et J.-M. Cauchies, La Constitution, le serment et le prince dans le Hainaut ancien, dans Code et constitution. Liber amicorum John Gilissen. Mélanges historiques, Anvers. 1983, p. 51-60. Le serment de respecter les franchises de la ville est également prêté par le maire ; cf. la formule du serment prêté le 12 février 1541 par le lieutenant du mayeur, en la chapelle scabinale : AVM, no 587, original sur parchemin.
22 E. a. compétences judiciaires des échevins en 1428, augmentation du nombre d’échevins le 2 octobre 1406, instauration d’officiers de la draperie, octrois de perception de maltôtes et d’émission de rentes ; codification et réforme du droit coutumier en matière de procédure civile, de succession, de biens et de personnes le 10 mai 1410 ; ordonnance sur les obligations des orphelins, boissons de grains consommées hors de la ville ou importées en ville (fiscalité et concurrence), collation des offices de la ville (autorisation de conférer gratuitement les offices urbains, de les vendre, compétence du Grand Conseil en cas de litige), exemption d’aides, suppression de la table de jeu locale (1478), octroi pour l’établissement d’une seconde boucherie, ordonnance du grand bailli règlementant la sayetterie (1498). Cfr. Devillers, cch, passim, et J.-M. Cauchies, Liste chronologique provisoire des ordonnances de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, pour le comté de Hainaut (1425-1467), dans BCRALO, 26, 1973-74, p. 35-146, et Id., Liste chronologique des ordonnances de Charles le Hardi, Marie de Bourgogne, Maximilien d'Autriche et Philippe le Beau pour le comté de Hainaut (1467-1506), dans BCRALO, 31. 1982-84, p. 1-125.
23 AVM, 1295, fol. 46r-v. Ce ban ne se trouve pas dans les registres de bans de la ville.
24 Ordonnances urbaines sur le rapt : J. Gilissen, Le statut de la femme dans l’ancien droit belge, dans Recueils de la Société Jean Bodin pour l’histoire comparative des institutions, t. XII, Bruxelles, 1962, p. 255-321 ; M. Greilsammer, Rapts de séduction et rapts violents en Flandre et Brabant à la fin du moyen âge, dans Revue d’histoire du droit, 56, 1988, p. 49-84. En Hainaut par contre, le droit pénal est réglé par la coutume et par la charte pénale de 1200, un texte princier applicable à l’ensemble du comté, et par ses compléments (1323, 1410, 1418, 1484 : ces trois derniers textes ont pour but de réformer la coutume de l’échevinage de Mons) : cf. le travail, vieilli, de F. Cattier, Evolution du droit pénal germanique en Hainaut jusqu’au XVe siècle, dans MPSSALH, 47 (= 5e série, 7), 1894, p. 1-237.
25 Cas rhénan : voir dans ce volume la contribution d’O. Kammerer. Cas bruxellois : Ph. Godding, L’ordonnance du magistrat bruxellois du 19 juin 1445 sur la tutelle, dans Liber amicorum John Gilissen. Code et constitution, mélanges historiques. Anvers, 1983 p. 149-174 ; cf. également Id., Liste chronologique provisoire des ordonnances intéressant le droit privé et pénal de la ville de Bruxelles (1229-1657), dans BCRALO, 17, 1953, p. 339-400.
26 Matières traitées : poissonniers de mer et d’eau douce, boulangers, bouchers, marchands de vin, revendeurs de vivres, sel, grains, fromages et laitages, vendeurs de fruits, moutarde, brasseurs, importation de biens acquis hors du ressort échevinal, taverniers, cabaretiers, graisses, orfèvres, draps, toiles, salaire des ouvriers et prêt de main-d’oeuvre, cordiers, fripiers, chapeliers, tanneurs, cordonniers et savetiers, construction/bâtiment, tuiles, tailleurs (pourpoindeurs), fondeurs de suif, barbiers, lormiers, vente d’herbes et de faisceaux de « laingne », bois, clouterie, étain. Examen de détail d’une de ces matières : E. Bousmar, Les bouchers de Mons entre bans de police et chirographes, op. cit.
27 Matières traitées : warechaix (terrains vagues), pâturages, fenaison et moisson, semences des courtils (jardins).
28 Matières traitées : injures aux assermentés de la ville, aux connétables (appellation locale des doyens de métiers) et aux portiers, immigrants, dés, prostitution et proxénétisme, étuves, chiens, noces, lépreux, tumultes et port d’armes, déambulations nocturnes, immondices, encombrement de la voirie (étaux, charettes), divagation des pourceaux, excommuniés pour dette, poids et mesures, incendie, défaut de comparution judiciaire, tentative de se faire juger par autre cour que par les échevins, ordre public et police durant la foire de Toussaint, saisines, jours fériés. Etude détaillée du discours tenu par les autorités dans les bans relatifs aux vagabonds, mendiants, prostituées et ouvriers : E. Bousmar, Whores, beggars and labourers, op. cit.
29 Voir leur contribution collective dans ce volume.
30 Enumération non exhaustive mais suggestive des matières touchées par les bans de police dont ont à connaître les juridictions échevinales hainuyères : Léo Verriest, Le régime seigneurial, op. cit., Louvain, 1916-17, p. 346, sub i : Si les objets typiques du monde urbain en sont absents (artisanat, prostitution, etc.), c’est bien le même niveau d’intervention terre-à-terre que l’on observe ici. Une comparaison plus poussée des règlementations rurales et urbaines dans le cadre du comté de Hainaut serait souhaitable : l’inspiration des normes rurales n’est-elle pas plus directement seigneuriale, ou coutumière, ou encore imposée par l’échevinage chef-de-sens ? retrouve-t-on des similitudes de formulation ou de teneur ?
31 Je renvoie à ce propos à la liste chronologique en préparation. Pour replacer ces textes dans leur contexte, voir J.-M. Cauchies, Règlements de métiers et rapports de pouvoirs en Hainaut à la fin du moyen âge, dans P. Lambrechts et J.-P. Sosson (éd.), Les métiers au moyen âge. Aspects économiques et sociaux, Louvain-la-Neuve, 1994 (Université catholique de Louvain. Publications de l’Institut d’Etudes médiévales. Textes, études, congrès, vol. 15), p. 35-54, ainsi que J.-P. Hoyois, Métiers et corporations en Hainaut au Moyen Age : une approche historiographique, dans J.-M. Cauchies et S. Dauchy (éd.), Commerce et droit. Actes des Journées internationales de la Société d’Histoire du Droit et des Institutions des Pays flamands, picards et wallons tenues à Ath du 25 au 28 mai 1995, Bruxelles, 1996 (Facultés universitaires Saint-Louis. Cahiers du CRHIDI, no 5-6), p. 117-130.
32 M. Dubois (éd.), Fragments de textes concernant la draperie de Mons au XIVe siècle, avec un avant-propos de M.-A. Arnould, dans ACAM, 61, 1949, p. 131-135 : publication d’extraits de deux textes détruits en mai 1940. Autres bans des officiers de la draperie : AEM, Cartulaires, no 44 [dit Cartulaire de la draperie], fol. 20-54. Curieusement, à Valenciennes, la rivale hainuyère de Mons, la draperie ne dispose pas de compétence législative, alors même que les traditions industrielles de cette ville sont plus affirmées : Cauchies, Services publics et législation..., op. cit., p. 666.
33 Cf. E. Bousmar, Whores, beggars and labourers op. cit., à paraître : la notion apparaît dans l'ordonnance échevinale du 18 mars 1428 (AVM, no 1247, fol. 66 et 83).
34 « De le requeste faite par me dame la duchesse pour Morelet y estre crieur des bans, portet d’acort que on s’en escuseche au plus biel que on puet » (AVM, no 1295, fol. 30v, 19 mars 1413). De même, AVM, no 1296, fol. 110v, 239, 256v-257, 339v. L’office ayant été dévolu par le duc à un de ses protégés alors que la collation en revenait à la ville, une contestation longue de plus d’un an et demi va s’ensuivre (AVM, no 1296, fol. 350 à 366v). On a aussi conservé la trace de paiements au « crieur des bans de le ville de Mons », par ailleurs également chargé de la publication des ordonnances princières (cf. J.-M. Cauchies, La législation princière dans le comté, op. cit., p. 232, n. 173 : gages payés pour l’année 1449 au crieur communal montois Jaquemart Brongnart par le prévôt de Mons pour avoir publié les textes princiers).
35 « Et laendroit fu parlet de ce que Colart le Fèvre, au quel le crierie des bans est demorée à recours par le pris de lxiij £ u environ, avoit le jour del an requis que pour ledit office faire ilz fuist sermentet et receus à faire le serment, le quel coze on avoit mis en delay pour ce que led. recours contenoit que le non ydosne devoit yestre refusée ès payer le haucée et on ne veoit mies que led. Col. fuist bien ydosne de voix. Et pour ce, fu pr| is] à consiller pour savoir s’on refusera led. Col. ou se on prendera Jak. le crieur. Conclud de refuser led. Col. et non tenir ydosne et de faire par le massart poursuir led. Jak. adfin qu’il l’emprende et pardevant loj se par amours faire ne le voelt. » (AVM, no 1296, fol. 95v-96, délibération du 3 janvier 1433 n. st.). Ce Jakemart était-il l’ancien crieur débouté lors de la mise aux enchères de son office ? Un examen des comptes du massard apportera sans doute quelque précision à ce sujet.
36 Ordonnance du 18 mars 1428 sur la prostitution, les étuves et les jeux de hasard : AVM, no 1247, fol. 66. La formule se réfère à une première copie de ce texte dans le même registre mais qui ne possédait pas de date hors teneur (fol. 56-57).
37 Ordonnance du 23 octobre 1442 sur le stockage des vins dans les tavernes : AVM, no 1247, fol. 70.
38 Ordonnance du 4 décembre 1433 en matière de monnaie et de salaires : AVM, no 1247, fol. 73.
39 AVM, no 1246, fol. 307r-v.
40 Cf. AVM, no 1250 à no 1253, passim.
41 Une bretèche est attestée dès le premier hôtel de ville en pierre de 1324-1335 ; par ailleurs, la serrure de l’hôtel de ville du XVe s., actuellement au Musée de la Vie Montoise Maison Jean Lestai t à Mons, avait pour heurtoir une bretèque d’où un homme « lit un ban ou une proclamation » (Ch. Piérard, L’hôtel de ville de Mons, dans Hôtels de ville et maisons communales en Hainaut du moyen âge à nos jours. Monographies, Mouscron, 1995, p. 155-166, ici p. 156 et 161). Cf. J.-M. Cauchies, La publication des textes de loi en Hainaut au XVe siècle, dans Revue du Nord, 56, 1974, p. 113 (résumé d’une communication présentée au colloque de la Société d’Histoire du Droit des Pays flamands, picards et wallons les 31 mai-3 juin 1973) et Id., Bretèques et publications des lois dans les anciens Pays-Bas, dans Revue belge de philologie et d'histoire, 54, 1976, p. 1287-1288 (résumé d’une communication présentée à la Société pour le Progrès des Etudes philologiques et historiques en sa séance du 9 novembre 1975).
42 Ordonnance sur les boulangers, approuvée mais non publiée : AVM, no 1247, fol. 34v-35. Ce texte est précédé de la rubrique suivante : « Ban adviset boin a faire sour le mestier des boulenghiers mais point n’a estet publiiet » ; un trait continu a été tracé dans la marge droite le long du texte.
43 Les mentions sont récurrentes dans les registres de délibérations du conseil de ville et dans les comptes de la massarderie. Voir par exemple l'extrait suivant : « Le nuit de Toussains l’an mil iiijc et Ixviij que le mayeur de Mons, son lieutenant, lesd. eschevins, massart, clers et sergeants de la ditte ville se tinrent ensamble en le maison de le paix, tant pour mander les chincquanteniers et diseniers de la ditte ville et leur dire ce qu’il leur estoit ordonné de faire touchant le garde de la ditte ville pour cause de le fieste de Toussains, corne pour faire publijer bans et ordonnanches pour la ditte fieste ainsy que il est acoustumé de faire, fu frayet et par led. massart payet au command desd. eschevins : ix £ xiii s. x d. » (AVM, no 1556/mass. 342, fol. 30).
44 Republications annuelles en milieu rural hainuyer : cf. L. Verriest, Le régime seigneurial..., op. cit., p. 83-85 et 89. Selon la coutume du comté de Boulogne, les seigneurs ayant bailli, cour et hommes peuvent faire publier chaque année « les bans de mars et les bans d’aoust » (Paris, Archives nationales, X1a 9270, fol. 3, cité par B. Schnerb, Enguerrand de Bournonville et les siens. Un lignage noble du Boulonnais aux XIVe et XVe siècles, Paris, 1997 (Cultures et civilisations médiévales, XIII), p. 59).
45 Ordonnance du 22 octobre 1456 sur la vente du grain, republiée le 25 septembre 1477 et en décembre 1485 : AVM, no 1246, fol. 192v-193. Les mentions de renouvellement sont de deux autres mains : « Renouvellé ce ban et publiié le..., presens... », « Renouvellé en... ».
46 Cf. AVM, no 1250 à no 1253, passim.
47 AVM, no 1296, fol. 30, 31, 34v-37.
48 Textes datés transcrits dans le premier registre datant du XIVe siècle (AVM, no 1243). Le ban cité est une ordonnance de mai 1388 sur les cordiers : ibid., fol. 25.
49 AVM, no 1247.
50 Respectivement AVM, no 65 (qui n’est en fait qu’un minute non scellée) et no 66.
51 AVM, no 1295, fol. 48r.
52 Comme l’atteste un registre de ces criées des années 1548-1583, détruit dans l’incendie des archives en 1940, et dont des extraits ont été publiés par Devillers, Inventaire analytique, op. cit., t. II, Mons, 1888, p. 342-353.
53 Exemples typiques : « Des tavreniers pour cause des nouviaus vins, portet d’acort a faire ban. Item des bouchiers pour leur chairs aporter ou maisiel a certaine heure. Item de mettre ordenance as hierens descoin cl de Flandres » (AVM, 1295, 42v, trois bans décidés le 25 juillet 1415),), « Deu ban des vins d’estaple, porter d’acort que fais soit » (AVM, no 1295, fol. 42v, 12 octobre 1415).
54 AVM, no 1295, fol. 13v, sans date (mars-juin 141 1) ; l’échevin Gillains de Veson était donc absent lors de cette séance (cf. ibid., fol. 20r pour son prénom). Autre exemple encore plus laconique : « De .j. ban fait pour le drapperie il fu visetés » (AVM, no 1295, fol. 18v, 5 décembre 1411).
55 « Dou cambier en le maison douquel on avoit trouvet.j. tonnelet de filles en sen chelier, portet sour.j. que boin estoit que bans fust fais que li cambier ne fesissent nulles filles. » (AVM, no 1295. fol. 27, 10 octobre 1412).
56 AVM, no 1296, fol. 102v (délibération du 30 décembre 1433).
57 Un exemple, à propos des dépenses de noces dites revidailles : « Del esclarchissement d’aucuns poins rewardans le ban des revidailles fu adont parlet et portet d’acort que unshoms veves u femme vev ayans enf. puissent les proismes de leur maris u de leur femmes revider en otel point de linage que seroit li homs u li femme se vivant estaient » (AVM, no 1295, fol. 23, non daté, mars-mai 1412).
58 AVM, no 1296, fol. 61v.
59 La notion de relais a été définie par Cauchies, Services publics et législation, op. cit., p. 681-684.
60 AVM, no 1244 ; cf. l’édition d’une version ultérieure et modifiée de ces bans (AVM, no 1243, fol. 25v-26) par Devillers, Bans de police..., op. cit., p. 45-46.
61 AVM, no 1243, fol. 26 (ban ajouté dans un blanc et donc postérieur à la rédaction originale de ce registre).
62 AVM, no 1243, fol. 43v-44, édité par Devillers, Bans, op. cit., p. 131-135. Cf. aussi l’ordonnance du 4 mai 1403 sur les serruriers : AVM, no 1247, fol. 1-2.
63 « De mettre ordenance au vendage des hierens emelais pour faire adreche as boines gens » (AVM, no 1295, fol. 31 v).
64 « Adont fu remonstrance et relations faite de ce que Jehans Deslers avoit trouvet es villes de Valenchiennes et de Tournay leur envoyés avoit estet le diemence xxxe et le lundj xxxje iour de jullet lan .iiiic. xiij pour le fait des hierens » (AVM, no 1295, fol. 31v).
65 « Des ordenances aportées de Tournay comment on y vent hierens et pisson viseter, il a estet fait u le vije iour doct. Lan iiiic xiij » (AVM, no 1295, fol. 32).
66 J.-M. Cauchies, Services publics et législation, op. cit., p. 679.
67 Texte édité par G. Wymans, Les orfèvres de Mons et leurs premiers statuts de métier (1258-1415), dans Bulletin de la Commission royale d’Histoire, 129, 1963, p. 225-226, no 3. Cette édition remplace celle, défectueuse, d’E. Fourdin, Ordonnance et statuts des orfèvres de la ville de Mons, 1415, dans Bulletin des séances du Cercle archéologique de Mons, 1ère série, no 5, année 1865-66, p. 20.
68 AVM, no 1296, fol. 241v, délibération du 4 mai 1448. Rappelons que la draperie montoise – dont les officiers sont nommés par les échevins – disposait d’une certaine autonomie législative (cf. supra).
69 AVM, no 1247, fol. 30v-31v, édité par Devillers, Bans, op. cit., p. 155-156.
70 AVM, no 1246, fol. 28-30 (numéros de folio soulignés et centrés ; autre foliotation : fol. 41-43).
71 AVM, no 1295, fol. 9v, délibération non datée (avant le 31 juillet 1410) : « Demedame de Falby pour les tasneurs faire neijer leur tasneries et roster leur plains, bans en a estet fais » (autre mention de requête de cette dame : ibid., fol. 14v) ; AVM, no 1295, fol. 47v, samedi 13 février 1417 n. st. : « De le remonstrance Jak. Lekien et autres peskeius qui tiennent par cense des yauwes de le ville, de ce que pluiseurs personnes se avanchissent de peskier en leur yauwes, le samedi xiije jour de fevrier lan iiiic xvj fu li consauls en le maison de le pais et portet d’acort que boin estoit que on y mesist lois de lx s. par ban et au sourplus restaier le damage et y estre corigiés a l'ordenance de le ley » ; AVM, no 1295, fol. 48v, délibération du 7 avril 1417 au plus tard : « De le requeste Simon de St Ghillain pour cause des gages qui sont en le voie del yssue del ostel de le Cleif, portet d’accort que on mette les p[or]t[es] aleur meufarinees et que bans soit fais que il ne soit nuls qui de jours ne de nuit porte es granges laendroit lumiere quelconques sour certaine amende dont li reporteur ait aucune portion ».
72 AVM, no 1247, fol. 30-30v, édité par Devillers, Bans de police, op. cit., p. 172-173.
73 Voyez par exemple l’acte scellé du 31 mai 1419 portant renouvellement et modification des statuts des arbalétriers de Notre-Dame : AVM, no 265 (charte), édité par Devillers, Inventaire analytique, op. cit., p. 149-158.
74 AVM, no 1296, fol. 270 : « Item de le supplication les (sic) vieswariers, afin que chacun se meslant de leur mestiers fussent tenuz de faire fenestres ou estapler au devant de leurs maisons par quoy on puist perchevoir les choses emblées pour les bonnes gens en estre restituez se recongnoistre les peuet. Conclui de pourveir par ban ou autrement que nulz desd. vieswariers, parmentiers ne autres revendans ne facent revendre ce de viesware par eulx accatté par autruy, mais en tiengnent et facent fenestres en les revendant eulx meismes sur certaine amende et que les parties de vieserie que ilz accatteront en leurs maisons ou que on leur apportera a vendre ilz mettent et facent pendre a veue devant leurs maisons par iij jours prochains ens. sans les mettre a autre estat que accattez les aront, sur paine de les perdre et avecques estre pugnis et corregiez par justice tant de prison comme autrement a le dicrecion d’elle. »
75 AVM, no 1296, fol. 101 v. Il s’agit de Jean de Melun (cf. R. De Smedt dir., Les chevaliers de l'Ordre de la Toison d'or au XVe siècle, 2e éd., Francfort s/M., 2000, p. 64-67, no 28, notice réd. par J. Devaux).
76 Cf. Cauchies, Services publics et législation, op. cit., p. 676-686. Pour une présentation plus générale des rapports prince/ville dans les anciens Pays-Bas, cf. J.-M. Cauchies, Potere cittadino e interventiprincipeschi nei Paesi Bassidel Quattrocento, dans S. Gensini (a cura di), Principi e città alla fine del medioevo, San Miniato, 1997 (Centro di Studi sulla Civiltà del tardo medioevo, San Minato. Collana di Studi e Ricerche, vol. 6), p. 1717-39 ; cette question forme aussi le fil conducteur de la récente synthèse de W. Blockmans et W. Prevenier, De Bourgondiërs. De Nederlanden op weg naar eenheid, 1384-1530, Amsterdam-Louvain, 1997.
77 Ordonnance du 12 mars 1410 sur les étalages : AVM, no 1247, fol. 15v-16, éditée par Devillers, Bans de police, op. cit., p. 164-166. La rubrique dans le registre est très typique des incertitudes terminologiques : « Ban et ordenance pour... estalegier... »
78 Devillers, CCH, no CXCIV.
79 Lille, Archives départementales du Nord, B 10384, fol. 34v (la citation fait référence au duc de Bourgogne agissant à l’époque comme mambour et gouverneur du comté), cité par J.-M. Cauchies et H. De Schepper, Justice, grâce et législation. Genèse de l’Etat et moyens juridiques dans les Pays-Bas, 1200-1600, Bruxelles (Facultés universitaires Saint-Louis. Cahiers du CRHIDI, vol. 2), p. 39.
80 AVM, no 1243, fol. 47-48, édité par Devillers, Bans de police, op. cit., p. 144-149.
81 AVM, no 1198, fol. 159v, mentionné par J.-M. Cauchies et H. De Schepper, Justice, grâce et législation, op. cit., p. 39-40. Il s’agit en fait ici d’un passage d’un mémoire inséré dans un recueil factice (fol. 138-160) et contenant le rapport d’inspection de la rivière locale menée le 14 septembre 1460 par deux officiers de finance princiers (le receveur de Hainaut et le receveur de Mons) et un échevin. Les inspecteurs y préconisent, face à la pollution causée par les tanneurs, de renouveler « le ban sour ce anchiennement fait par lesd. eschevins » mais cette fois « de par mondit signeur li ducq et lesdis eschevins » : on peut toutefois se demander comment ceci se traduit dans la pratique, puisque tous les bans échevinaux sont édictés formellement pour partie au nom du prince depuis la fin du XIVe siècle. Serait-il question ici d’un ban antérieur à cette mutation diplomatique, dont on pourait par conséquent croire en 1460 qu’il n’est pas revêtu de l’autorité formelle du comte (un ban de ca. 1310 interdisant de jeter des ordures et des cuirs dans la rivière correspond effectivement à ce profil : AVM, no 1244, édité par Devillers, Bans, op. cit., p. 52) ? Le ban renouvelé n’est-il pas dès lors à classer purement et simplement parmi les bans scabinaux, l’insistance sur la mention du prince étant bien normale dans un document co-rédigé par des officiers comtaux ? Je n’en connais malheureusement pas le texte : il y a fort à parier qu’il réponde au formulaire commun des bans scabinaux de l'époque. Peut-être s’agit-il du ban de la ville publié en application d'une ordonnance princière, non respecté et qu'une ordonnance échevinale de 1463 dit réitérer (AVM, no 1296, fol. 307r-v). Peut-être aussi faut-il penser que l’échevinage jouait volontairement sur l’ambiguïté des législateurs auprès de sa population.
82 « De le suplication mise oultre par cheulx qui drapent en le ville pour avoir leur pris hauchier, veut que maintenant avoit en le ville xxvij. ostilles et avant n’en y soloit que vij u viij, portet d’acort que suplijet soit a mons. que li pris de xij s. l'aune soit remis a xx s. » (AVM, no 1295, fol. 18v, 5 décembre 1411 ; cette mesure eut du succès comme en témoigne plus loin le 9 janvier 1412 la requête de Phelipprart Callebiert ayant acheté du drap à Tournai « audevant le crit des xx s. l'ane », ibid., fol. 19v).
83 « A dont fu par Jehan de Froicappelle remonstrance faite et advertissement donnés de pourcacher par deviers no signeur et prinche que ordenance faire se peuist en le rivière a Condet que les denrées venans de Bruges et alans peuwissent passer sans deskarkier » (AVM. no 1295, fol. 22r, 8 mars 1412).
84 « De parler au conseil de mons. de faire deffensce des blés » (AVM, no 1295, fol. 43, 12 octobre 1415).
85 AVM, no 139 (charte), transcrite dans AVM, no 1186 [= t. I du Cartulaire dit Livre rouge], fol. 4v et t. III, fol. 7v-9v ; édité par Faider, Coutumes, op. cit., t. III, p. 16-19, et par Devillers, CCH t. I, no CCCXI, p. 483-486.
86 AVM, no 1296, fol. 342v.
87 Plusieurs sont discutés a posteriori par le conseil de ville. Par exemple : AVM, no 1296, fol. 90v (modérations sur les toiles publiées par le prévôt, délibération du 5 avril 1432).
88 « Dou ban que le venredj darain jour de [mot biffé : juing] fevrier lan iiijc ix fu par l’office dou prevost de Mons », AVM, no 1295, fol. 5v.
89 Bans du prévôt de Mons du 27 avril 1403 règlementant la prostitution (AVM, no 1247. fol. 4v-5) et du 17 février 1408 réglementant la mendicité (ibid., fol. 5v).
90 « De ce que li prouvos a pour le fieste de Toussaint fait le ban des armeurx et pris des arb. sans parler as eskevins, ce que point n’a estet veut dou tamps passet. Se est voirs que quant par les eskevins l'en fu remonstrance faite, il se escusa que ce avoit estet non siament et sans y viser pour despointier le ville ne voloir aler contre le anchien usage » (AVM, no 1295, 27v, 13 octobre 1412).
91 AVM, no 1296, fol. 30, délibération du 24 octobre 1427.
92 AVM, no 1296, fol. 135v, 12 mai 1438.
93 AVM, no 141 (28 février 1357 n.st.), édité par Devillers, CCH, no CCCXIII ; une mesure semblable est mandée le même jour à la ville hainuyère d’Ath.
94 AVM, no 1247, fol. 53-54v, édité par Devillers, Bans de police, op. cit., p. 185-189.
95 AVM, no 1296, fol. 39 et 55v.
96 AVM, no 1296, fol. 64, délibération du 10 septembre 1429.
Notes de fin
1 Abréviations utilisées : ACAM = Annales du Cercle archéologique de Mons ; AEM = Archives de l’Etat à Mons ; APAE = Anciens Pays et Assemblées d’Etats ; AVM = Archives de la ville de Mons (déposées aux AEM) ; BCRALO = Bulletin de la Commission royale pour la Publication des anciennes lois et ordonnances de Belgique ; CCH = Cartulaire des comtes de Hainaut de/’avènement de Guillaume II à la mort de Jacqueline de Bavière (1337-1436), 6 tomes en 7 vol., Bruxelles, 1881-1896 (Commission royale d’Histoire, in-4°) ; MPSSALH = Mémoires et publications de la Société des Sciences, des Arts et des Lettres du Hainaut.
Auteur
Facultés universitaires Saint-Louis (Bruxelles)
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Imaginaire et création historique
Philippe Caumières, Sophie Klimis et Laurent Van Eynde (dir.)
2006
Socialisme ou Barbarie aujourd’hui
Analyses et témoignages
Philippe Caumières, Sophie Klimis et Laurent Van Eynde (dir.)
2012
Le droit romain d’hier à aujourd’hui. Collationes et oblationes
Liber amicorum en l’honneur du professeur Gilbert Hanard
Annette Ruelle et Maxime Berlingin (dir.)
2009
Représenter à l’époque contemporaine
Pratiques littéraires, artistiques et philosophiques
Isabelle Ost, Pierre Piret et Laurent Van Eynde (dir.)
2010
Translatio in fabula
Enjeux d'une rencontre entre fictions et traductions
Sophie Klimis, Laurent Van Eynde et Isabelle Ost (dir.)
2010
Castoriadis et la question de la vérité
Philippe Caumières, Sophie Klimis et Laurent Van Eynde (dir.)
2010