La référence au droit international comme justification du recours à la force : vers une nouvelle doctrine de la « guerre juste » ?
p. 69-94
Texte intégral
1D’un point de vue académique mais plus encore pratique, le thème de « l’Europe et la guerre » est toujours d’actualité, tant il est vrai que la participation à des conflits armés est une constante de l’histoire politique des Etats européens depuis leur création1. Mais, si le recours à la force est un élément traditionnel de la politique des Puissances européennes, la référence au droit international pour justifier le déclenchement d’une guerre semble un phénomène relativement récent. C’est en 1990, avec le déclenchement de la guerre du Golfe, qu’a été proclamé l’avènement d’un « nouvel ordre mondial » officiellement fondé sur le « règne du droit » dans les relations internationales2. Ce discours légaliste marque un tournant par rapport à l’époque de la guerre froide, pendant laquelle la guerre a été justifiée sur la base de motifs non pas juridiques, mais essentiellement politiques et idéologiques : la lutte contre le communisme (pour ce qui concerne les interventions militaires occidentales), ou le combat contre l’impérialisme et le capitalisme (pour ce qui concerne les interventions militaires soviétiques)3. La référence au droit international, alors presque absente, semble en revanche aujourd’hui devenue incontournable, et on a pu l’observer dans des cas aussi différents que ceux des interventions militaires en Somalie (1992), au Rwanda (opération turquoise en 1994), en Bosnie-Herzégovine (1994-1995), ou encore au Kosovo (1999)4.
2Faut-il interpréter cet appel au droit comme une résurgence ou un renouvellement des doctrines de la « guerre juste », qui ont prévalu en Europe puis dans le monde, pendant plusieurs siècles ?
3On serait à première vue tenté de répondre résolument par la négative, dans la mesure où ces doctrines se fondaient sur un droit « naturel », c’est-à-dire sur un droit que l’on ne pouvait pas clairement distinguer de la morale ou de l’éthique.5 Dans un cas comme celui de la guerre du Golfe, c’est au contraire à un droit international positif que l'on s’est référé, et plus particulièrement à une résolution adoptée en bonne et due forme par le Conseil de sécurité et qui autorisait l’intervention militaire6. Les règles juridiques applicables ont été clairement distinguées de considérations morales, et ont ainsi servi à écarter les critiques portant sur le caractère meurtrier d’une intervention militaire qui a directement provoqué la mort de près de 150.000 victimes7. En renvoyant au droit international, on ne subordonne pas la question de la légitimité de l’intervention à une réflexion d’ordre éthique ; on la ramène à la réunion de conditions juridiques définies, qui doivent suffire à la justifier. Pour simplifier, il ne s’agit pas de se demander si une guerre est « juste », mais de vérifier si cette guerre est « légale ».
4Le précédent de la guerre du Kosovo semble toutefois entrer difficilement dans ce cas de figure. Au contraire de celles qui l’ont précédée (Iraq, Somalie, Rwanda et Bosnie-Herzégovine), l’intervention n’a pu s’appuyer sur une autorisation claire et incontestable du Conseil de sécurité8. En évoquant pourtant une « guerre pour le droit », les Puissances intervenantes, et en particulier les Etats européens, semblent donc s’être référés à un « droit » nouveau, qui s’émancipe largement du droit international positif. L’expression de « droit d’intervention humanitaire » symbolise à elle seule l’idée d’une guerre menée au nom de considérations morales impératives prévalant le cas échéant sur les règles juridiques existantes9. Peut-être pourrait-on dès lors considérer le précédent du Kosovo comme emblématique de l’avènement d’une nouvelle doctrine de la guerre juste, amenée à s’imposer dans les relations internationales du XXIème siècle, ou à tout le moins en Europe10. C’est ce que n’ont pas hésité à faire un certain nombre de commentateurs, que se soit par ailleurs pour regretter cette évolution, ou au contraire s’en féliciter11.
5L’hypothèse du « retour » ou du « renouvellement de la guerre juste » supposerait néanmoins que soient réunies un certain nombre de conditions que l’on peut synthétiser de la manière suivante, et qui seront reprises successivement dans la suite de cet exposé12. Premièrement, on devrait pouvoir observer dans le chef des Puissances intervenantes une prise de distance radicale par rapport au droit international positif existant, celui-ci ayant été largement conçu en opposition aux anciennes doctrines de la guerre juste. Deuxièmement, et en parallèle, on devrait également pouvoir assister à l’émergence d’une véritable doctrine précisant à quelles conditions une guerre pourrait dorénavant être qualifiée de « juste ».
6Nous vérifierons donc successivement ces deux conditions. A cet effet, nous partirons d’une analyse du discours justificatif produit par les responsables politiques européens à l’occasion de la guerre menée au Kosovo en 1999 puisque, comme on vient de le signaler, ce précédent a été présenté comme un véritable tournant dans l’histoire des relations internationales13. Précisons enfin que nous ne prétendons dans ce contexte ni juger de l’opportunité d’une intervention militaire particulière ni même, à tout le moins de manière directe, nous prononcer sur la légitimité de la référence à la « guerre juste » en tant que telle14.
I. Une remise en cause du droit international existant ?
7C’est le Président Chirac qui a évoqué une « opération pour la paix et pour le droit » pour qualifier l’intervention militaire menée au Kosovo, et ce en dépit de l’absence d’une autorisation claire donnée par le Conseil de sécurité15. Faut-il y voir une remise en cause du droit international positif et, plus largement, de la doctrine positiviste qui le sous-tend ?
8Pour répondre à cette question, il faut d’abord rappeler que la Charte des Nations Unies incarne, tout particulièrement sur le plan de la réglementation du recours à la force, une perspective positiviste qui s’oppose radicalement aux doctrines classiques de la « guerre juste »16.
9Avant l’adoption de la Charte17, il suffisait aux puissances intervenantes d’invoquer des « motifs légitimes » pour justifier le déclenchement d’une guerre.
10Ces motifs légitimes étaient définis assez largement, et renvoyaient à des considérations très diverses : la légitime défense — mais entendue très largement comme le fait pour un Etat de défendre ses intérêts —, la défense de la paix ou encore des considérations humanitaires18. C’est bien au nom de ce type d’objectifs qu’ont été déclenchés de nombreux conflits, y compris sur le continent européen19 : il ne faut pas oublier que c’est notamment au nom de la défense des droits de « ses » minorités que l’Allemagne hitlérienne a entamé sa campagne de conquête militaire20.
11Les Etats fondateurs de l’ONU ont entendu se démarquer radicalement de cette conception légitimiste, qui consacrait un véritable jus ad bellum (« droit à la guerre »)21. La Charte instaure au contraire un régime juridique destiné à assurer une cohabitation pacifique entre Etats provenant d’horizons géographiques et culturels divers, et porteurs de conceptions politiques et éthiques différentes22. Désormais, on ne laisse plus à la seule Puissance intervenante le soin de se prononcer sur la légitimité d’une guerre ; il s’agit au contraire d’instaurer « un monopole centralisé de la force au profit de la communauté des Etats »23. On instaure dès lors une procédure organisant des discussions sur l’opportunité et la légitimité d’une intervention, discussions auxquelles prendront part des Etats représentant des sensibilités philosophiques et idéologiques très différentes. Ce n'est que si un accord se dégage en leur sein que la guerre sera considérée comme légale. C’est ainsi que l’on confère au Conseil de sécurité la responsabilité d’assurer une centralisation du recours à la force, soit en autorisant une intervention, soit en vérifiant qu’un Etat agressé exerce son droit de légitime défense conformément à des conditions juridiquement établies24.
12Dans cette logique, seul un droit international positif, qui par définition refuse de faire prévaloir une conception politique ou morale particulière, est le garant du maintien de la paix25. Le droit international contemporain est en ce sens fondé sur un concept d’égalité souveraine, chaque Etat restant libre de déterminer et de promouvoir le régime politique de son choix, mais ne pouvant l’imposer aux autres26. Ce droit ne peut aussi fonctionner qu’au prix d'un certain formalisme, la légalité d’une guerre dépendant non de sa conformité à des valeurs particulières, mais de son respect de certaines conditions de forme, qui renvoient en l’occurrence au vote d’une majorité qualifiée des Etats membres du Conseil de sécurité27.
13Ce bref rappel était indispensable pour comprendre que, dans le cas du Kosovo, les responsables politiques européens se sont démarqués très nettement de cette logique, qu’il s’agisse du concept d’égalité souveraine qui caractérise le droit international, ou de l’approche formaliste qui l’accompagne.
A. Une remise en cause du concept de l'égalité souveraine des Etats
14Concernant le respect de l’égalité souveraine des Etats, tout d’abord, il est évident qu’il a été résolument écarté dans le cas du Kosovo, si pas dans l’ordre du discours, en tout cas dans les faits.
15En premier lieu, il va de soi que l’opération militaire a été menée à l’encontre de la souveraineté de l’Etat yougoslave lui-même. Si la souveraineté de la Yougoslavie a été nommément rappelée dans un certain nombre de déclarations ou de textes28, c’est de façon purement formelle. Il faut en particulier se rappeler que, à l’origine, le conflit a été officiellement enclenché pour obliger la Yougoslavie à accepter des mesures qu’elle était parfaitement libre, en droit, de refuser29. On pense surtout au plan de Rambouillet, parrainé par les Etats européens30. Ce plan instituait au profit du Kosovo un régime d’autonomie très particulier, et même sans précédent, y compris au sein des Etats connaissant une fédéralisation très poussée31. Ce plan permettait par ailleurs aux troupes de l’OTAN d’occuper en permanence et sans limite apparente de temps le Kosovo, mais aussi de stationner sur l’ensemble du territoire yougoslave32. Ce plan évoquait enfin implicitement l’indépendance de la province par l’intermédiaire de l’organisation d’un référendum qui devait être tenu à l’issue d’une période intermédiaire de trois ans33. La question n’est pas ici de se prononcer sur l’opportunité de ces mesures, mais de comprendre que, en droit, la Yougoslavie était évidemment fondée à les refuser, précisément au nom du principe de l’égalité souveraine des Etats telle qu’il est notamment inscrit dans la Charte des Nations Unies34.
16Dans le même sens, et on en arrive ici à un deuxième élément pertinent, il est difficile de continuer à évoquer une égalité souveraine lorsqu’on contourne les procédures du Conseil du sécurité, dont on a vu qu’elles étaient précisément destinées à arbitrer les désaccords opposant des Etats porteurs de conceptions politiques et morales différentes. Dans le cas du Kosovo, les Puissances intervenantes ont soigneusement évité de mettre la question de l’opération militaire au vote, et ont préféré agir sans pouvoir s’appuyer sur un mandat en bonne et due forme35. La situation se démarque radicalement de celle qui avait prévalu notamment dans le cas de l’intervention militaire des Etats occidentaux en Bosnie-Herzégovine. Il faut en effet se rappeler que, dans le cas de la Bosnie, plusieurs résolutions autorisant le recours à la force avaient été adoptées, dès le mois d’août 1992, sans que cela ne donne lieu à l’exercice par la Russie ou par la Chine de son droit de veto36. Les motivations humanitaires mises en exergue par les Etats européens à cette occasion avaient donc reçu l’aval d’Etats porteurs de projets politiques, éthiques et culturels très différents. A ce titre, le concept d’égalité souveraine des Etats avait bel et bien été respecté. Tel n'a indéniablement pas été le cas lors du déclenchement de la guerre du Kosovo.
17On arrive ainsi à un troisième et dernier élément, qui n’est certainement pas le moins important. Contrairement à ce qu’une certaine presse a pu laisser paraître, le contournement des procédures juridiques classiques opéré par les Puissances intervenantes a été remis en cause par un grand nombre d’Etats. Non pas que ceux-ci souhaitaient soutenir ou excuser le régime politique yougoslave et sa politique répressive, bien au contraire pour la plupart d’entre eux. Mais c’est précisément au nom du respect de l’égalité souveraine que de nombreux Etats ont critiqué l’intervention militaire dans son principe37. C’est certainement en ce sens que l’on peut interpréter l’opposition manifestée par des pays comme la Russie et un grand nombre d’Etats issus de l’éclatement de l’ex-U.R.S.S.38, la Chine, Cuba, la Libye ou l’Iraq, mais aussi des pays qui ne sont pas systématiquement opposés aux Puissances occidentales comme l’Inde, l’Iran, l’Afrique du sud, la Namibie ou le Gabon39. Plus caractéristique encore, la grande majorité des Etats latino-américains (Argentine, Brésil, Chili, Pérou, Venezuela, Bolivie, Colombie, Paraguay, Equateur, Uruguay, Panama, Costa Rica, Mexique), traditionnellement alliés des Etats occidentaux, ont, dès le lendemain du déclenchement de la guerre, adopté un communiqué par lequel ils condamnaient l’intervention militaire au nom des règles juridiques bien établies inscrites dans la Charte des Nations Unies40. Dans le même sens, il faut aussi relever que le « droit d’intervention humanitaire » évoqué par les Etats européens a explicitement été rejeté par 132 Etats du Tiers monde, dans deux déclarations de principe, et ce toujours au nom du respect de l’égalité souveraine41.
18On voit bien que les Etats européens se sont radicalement distingués des autres membres de la société internationale par leur volonté de s’émanciper des règles juridiques classiques basées sur la souveraineté des Etats. On peut tirer la même conclusion au sujet d’une deuxième caractéristique essentielle du droit international existant, l’approche formaliste selon laquelle, si l’on veut éviter les conflits et maintenir une coexistence pacifique entre Etats, le droit doit être clairement distingué des considérations morales ou politiques particulières.
B. Une remise en cause de l’approche formaliste caractéristique du droit international existant
19On a souligné d’emblée que c’est au nom d’une certaine moralisation des règles de droit que les Etats européens ont prétendu justifier leur intervention militaire au Kosovo. Ce refus de suivre le principe d’une séparation entre droit et morale peut être illustré de trois façons différentes.
20En premier lieu, on peut s’attacher à une lecture des discours justificatifs produits à l’occasion de la guerre. La stratégie argumentative des responsables politiques européens a en effet visé à contourner la rigueur du droit existant en faisant usage de formules floues mêlant considérations juridiques et morales selon une logique à vrai dire impossible à déceler42.
21Un excellent exemple nous est donné par la Déclaration prononcée par le Conseil européen le 25 mars 1999, soit le lendemain du déclenchement de la guerre :
« Nous, les pays de l’UE, sommes dans l’obligation morale d’assurer que les comportements discriminatoires et la violence, qui sont devenus tangibles avec le massacre de Racak, ne soient pas répétés […]. Nous sommes responsables pour assurer dans la région une paix et une coopération qui garantiront le respect des valeurs européennes de base, c’est-à-dire le respect des droits de l’homme et des minorités, le droit international, les institutions démocratiques et l’inviolabilité des frontières »43.
22L’intervention se fonde ici sur une obligation morale, elle-même destinée à assurer le respect du droit, sans que l’on ne puisse déterminer si cette obligation ou cet objectif peut en tant que tel(le) justifier la violation d’une autre règle de droit international, comme celle qui interdit le recours à la force en l’absence d’une situation de légitime défense ou d’une autorisation du Conseil de sécurité.
23Une deuxième manière d’illustrer la remise en cause du formalisme juridique est d’aborder, au-delà de l’analyse des discours produits, la question fondamentale des relations entre protection des droits de l’homme et respect de la souveraineté des Etats.
24Si on s’en tient au droit international existant, ces deux exigences sont parfaitement compatibles44. Les « droits de l’homme » sont en effet apparus en droit international à partir du moment où les Etats y ont consenti, que ce soit par le biais de la conclusion de traités (Pactes des Nations Unies de 1966, Convention européenne des droits de l’homme,…) ou de la participation à l’élaboration de règles coutumières (notamment à partir de la Déclaration universelle des droits de l’homme). Exiger d’un Etat qu’il respecte des droits de l’homme qu’il s’est engagé à respecter ne peut dès lors en aucun cas équivaloir à une intervention dans ses affaires intérieures, et par conséquent à une atteinte à sa souveraineté45. Dans la même logique, une intervention humanitaire autorisée par le Conseil de sécurité et menée à l’encontre d’un Etat membre des Nations Unies ne peut être considérée comme contraire à la souveraineté de ce dernier qui, en acceptant d’être lié par la Charte, a admis les pouvoirs du Conseil dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité internationales46.
25Le problème est que, dans le cas du Kosovo, aucune résolution de ce type n’a pu être adoptée47. C’est dans ce contexte que protection des droits de l’homme et souveraineté des Etats ont presque systématiquement été opposées, et ce au nom du fait que la protection des droits de l’homme constituerait un impératif à la fois juridique et moral, amené progressivement à supplanter le respect de la souveraineté48. Une prise de position qui, comme on le constate, s’avère entièrement incompatible avec l’approche formaliste qui caractérise le droit international positif.
26Un troisième et dernier élément mérite d’ailleurs d’être signalé à cet égard. On se souviendra que, quelques semaines à peine après le déclenchement du conflit, la Yougoslavie a saisi la Cour internationale de justice pour qu’elle condamne les Etats intervenants au nom des règles juridiques existantes, et en particulier du respect de sa propre souveraineté. Il faut savoir que la C.I.J., principal organe judiciaire des Nations Unies, juge traditionnellement en droit, selon une logique formaliste qui lui dicte de séparer radicalement les questions d’ordre juridique des préoccupations d’ordre moral ou éthique49. C’est sans doute pourquoi l’ensemble des Etats défendeurs, parmi lesquels la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, les Pays-Bas ou la Belgique, ont préféré refuser que la Cour se déclare compétente pour trancher la question50, ce qui n'a pas empêché la Cour d’affirmer d’initiative être « fortement préoccupée par l’emploi de la force en Yougoslavie [et] que, dans les circonstances actuelles, cet emploi soulève des problèmes très graves de droit international »51. C’est que, une fois encore, c’est au nom d’un mélange de justifications morales et juridiques que la guerre a été menée, mélange incompatible avec l’approche formaliste qui caractérise l’ordre juridique international existant.
27Finalement, l’argumentation des Etats européens
« consiste, d’une certaine façon, à faire prévaloir un argument de légitimité, fondé sur la prééminence de certaines valeurs éthiques, incorporées dans des normes juridiques estimées impératives, sur la légalité stricte établie dans le texte de la Charte quant aux conditions du recours à la force »52.
28La question qui se pose est alors de déterminer si l’on a assisté à l’émergence parallèle d’une nouvelle doctrine de la guerre juste, amenée désormais à régir les relations internationales.
II. L’émergence d’une nouvelle doctrine de la « guerre juste » ?
29Il est extrêmement difficile de déceler dans le discours des Etats européens, et même des nombreux auteurs qui se sont penchés sur le sujet, l’émergence d’une nouvelle doctrine précisant à quelles conditions une guerre pourrait dorénavant être qualifiée de juste. Ce scénario se heurte en effet à deux obstacles qui paraissent à l’heure actuelle insurmontables. Premièrement, et en dépit des ambiguïtés que nous venons de relever, il est certainement excessif de considérer que les Etats européens ont radicalement remis en cause le droit international existant, y compris dans le cadre de la crise du Kosovo. Deuxièmement, et par ailleurs, on insistera sur les difficultés considérables de conceptualisation que rencontrent les auteurs qui promeuvent, à travers le concept de « droit d’intervention humanitaire », une sorte de nouvelle doctrine de la guerre juste.
A. L’absence de remise en cause radicale du droit international existant
30En dépit de la confusion des registres de légitimité à laquelle ils se sont livrés en de nombreuses occasions, les responsables politiques européens ont tenu à plusieurs reprises un discours qui se voulait compatible avec le droit international positif. Ce type de discours peut être illustré de plusieurs façons.
31Dans certains cas, on a estimé que l’intervention militaire au Kosovo était une sorte d’exception très particulière qui ne devait en aucun cas porter atteinte à l’existence et au maintien du régime juridique existant. Le discours prononcé par Louis Michel à l’occasion de l’ouverture de la session de 1999 de l’Assemblée générale de l’ONU fournit un excellent exemple. Après avoir noté que « l’intervention de l’OTAN a sensiblement renforcé l’idée que des considérations morales et éthiques sont en train d’éclipser le concept classique de souveraineté nationale » (expression dont on a vu qu’elle incarnait on ne peut mieux un phénomène de confusion des registres de légitimité), le Ministre belge des Affaires étrangères affirme « espérer que le recours à la force sans l’aval du Conseil de sécurité ne constituera pas un précédent », et ce parce que
« le monde a besoin d’un ordre juridique international qui se substitue à la loi du plus fort »53.
32Dans la même optique, le Ministre allemand des Affaires étrangères affirmait devant l’Assemblée générale de l’ONU que :
« Des “interventions humanitaires” pourraient apparaître dans la pratique à l’extérieur du système des Nations Unies. Ce serait très problématique. L’intervention au Kosovo a eu lieu dans une situation où le Conseil de sécurité avait les mains liées, tous les efforts déployés en faveur d’une solution pacifique ayant échoué […]. Cette démarche que seule justifie cette situation particulière ne doit toutefois pas créer de précédent qui affaiblirait le monopole détenu par le Conseil de sécurité pour autoriser l'emploi de la force à des fins légales à l’échelon international, et a fortiori donner carte blanche pour l’emploi extérieur de la force sous le prétexte de fournir une aide humanitaire. Ce serait ouvrir la porte à l’arbitraire et à l’anarchie et nous replongerait dans le monde du XIXème siècle »54.
33Les expressions utilisées montrent bien que, d’un certain point de vue, les autorités européennes considèrent que le recours à la force s’est effectué en marge du droit existant, et non sur la base d’une nouvelle doctrine de la « guerre juste » qui serait amenée à prévaloir dorénavant dans les relations internationales.
34D’autres déclarations, et on en vient ici à une deuxième illustration de ce point de vue, témoignent de la volonté d’interpréter le droit international existant de manière extensive, ce qui montre bien que ce droit reste le cadre de référence pertinent. Les responsables politiques européens ont en effet prétendu à plusieurs reprises que l’intervention militaire avait en réalité été autorisée par le Conseil de sécurité, non pas de manière explicite, mais de manière implicite, trois résolutions qualifiant la situation de menace contre la paix ayant été adoptées tout au long de l’année 199855. Sans se prononcer directement sur la validité de cette argumentation56, on soulignera que la nécessité d’obtenir une autorisation du Conseil de sécurité est paradoxalement confirmée par ces interprétations extensives. Le souci des Etats est de se justifier, non en recourant à une hypothétique doctrine de la guerre juste, mais en se fondant sur les règles juridiques établies57.
35Enfin, troisième et dernière illustration de ce point de vue, certains discours traduisent une volonté de modifier les règles juridiques existantes, en particulier en matière de recours à la force, mais en suivant et en respectant les procédures prévues à cet effet. L’assemblée parlementaire de l’OTAN a ainsi suggéré à ses Etats membres d’œuvrer à une réforme de la Charte de l’ONU visant à assouplir le régime juridique restrictif existant58. Cette position, que l’on rencontre du reste plus rarement, revient là encore à admettre que les règles juridiques établies doivent être respectées, à tout le moins aussi longtemps qu’elles restent en vigueur59.
36Ces différentes illustrations mènent toutes à la même conclusion. La confusion souvent constatée entre registres légaliste, moral et politique, ne se traduit pas par la formulation d’une nouvelle doctrine de la guerre juste amenée à écarter ou à remplacer le droit positif comme critère de légitimité. Les règles classiques fournissent encore la référence constante du discours des puissances intervenantes, même lorsque des idées de réforme sont avancées. Selon toute vraisemblance, les raisons qui ont motivé les Etats à mettre fin au régime juridique prévalant au XIXème siècle, et singulièrement les risques graves d’instabilité et de conflits armés qui en résultaient, restent pertinentes60. Les déclarations de Louis Michel ou de Joska Fischer sont significatives. Visiblement, les Etats européens préfèrent préserver le principe d’un droit positif reposant sur l’égalité souveraine et sur la prohibition de l’intervention armée, même s’ils s’écartent à l’occasion de ses exigences. Le « droit d’intervention humanitaire », mené sans autorisation du Conseil de sécurité, reste assimilé à une politique de force difficilement compatible avec les objectifs de sécurité et de stabilité sur lesquels repose la société internationale actuelle. Dans ce contexte, le droit international existant reste, bon gré mal gré, considéré comme le moins mauvais des régimes.
B. Les difficultés de conceptualisation d’une nouvelle doctrine de la « guerre juste »
37Cela n’empêche pas de nombreux auteurs de poursuivre la réflexion dans le sens de l’élaboration d’une nouvelle doctrine de la guerre juste, qui parviendrait à moraliser le droit existant, sans qu’il soit question de revenir au régime juridique permissif et interventionniste prévalant au XIXème siècle.
38Ces tentatives semblent cependant conduire à un dilemme61. Soit les critères mentionnés comme conditionnant le déclenchement d’une guerre juste sont laissés à l’appréciation des Puissances intervenantes, auquel cas on ne parvient pas à se départir d’une « doctrine » qui correspondait aux relations internationales des siècles précédents. Soit les critères mentionnés s’accompagnent d’une condition de procédure visant à arbitrer les contestations portant sur la réunion de certains d’entre eux (comme par exemple la réalité de la motivation humanitaire), mais l’on semble alors en définitive rester dans le cadre juridique existant.
39Reprenons les deux branches de l’alternative.
40En résumant les écrits de nombreux auteurs qui se sont exprimés sur le sujet62, on peut diviser les critères conditionnant le déclenchement d’une guerre juste en deux catégories, selon qu’ils concernent la situation donnant éventuellement lieu à une intervention, ou les modalités de l’intervention militaire elle-même.
41Quant au premier problème, les auteurs concernés considèrent généralement que :
la situation doit se caractériser par des violations graves et massives des droits de la personne63 ;
les victimes de ces violations doivent avoir elles-mêmes appelé à une intervention militaire étrangère64 ;
l’obstination de l’Etat auteur des exactions doit se révéler telle que tous les moyens pacifiques de règlement ont été épuisés, y compris au sein de l’ONU65.
42Face à cette situation, une intervention militaire serait permise si :
elle est effectivement guidée par un objectif humanitaire66 ;
elle est limitée à ce qui est strictement nécessaire et proportionnel à la poursuite de l’objectif humanitaire67 ;
elle est menée non pas par un seul mais par plusieurs Etats agissant de concert, le cas échéant par l’intermédiaire d’une organisation internationale68.
43Peut-on à partir de ce tableau évoquer l’émergence d’une nouvelle doctrine de la guerre juste ? Nous ne le pensons pas. En premier lieu parce que ces critères ne sont pas fondamentalement nouveaux, mais renvoient largement à ceux qui ont été élaborés il y a plusieurs siècles par les « pères fondateurs »69. Surtout, puisqu’ils ne sont assortis d’aucune procédure particulière d’objectivation, leur interprétation est laissée à la seule appréciation des Puissances intervenantes elles-mêmes, avec toutes les conséquences que cela peut engendrer, et que cela a historiquement70 entraînées. Dans ce contexte, on se demandera par exemple :
quel est le degré au-delà duquel la violation des droits de la personne devient massive ?
comment établir l’existence d’un appel en provenance des victimes ?
à partir de quand peut-on considérer que tous les moyens pacifiques ont été épuisés ?
comment vérifier la sincérité des motivations humanitaires officiellement avancées ?
quels sont les instruments qui permettront de mesurer la nécessité et la proportionnalité de l’action militaire entreprise ?
44Autant de questions qui donneront immanquablement lieu à des divergences d’appréciation lorsque se posera le problème de la légitimité d’une intervention militaire particulière71. Autant de questions qui pourront, dans ce contexte, être tranchées unilatéralement par les puissances intervenantes, comme elles le faisaient aux siècles derniers et comme elles l’ont fait dans le cas du Kosovo72.
45Ce type de « doctrine » pouvait encore être comprise à une époque où prévalaient des philosophies de type essentialiste, dans lesquelles on croyait à des critères de justice intangibles et universels73. Ce sera beaucoup moins facile à défendre aujourd’hui, à une époque où la plupart des théories de la justice insistent sur la nécessité de prévoir des procédures arbitrant les différentes perceptions de la justice que ne peuvent manquer d’avoir les sujets d’une communauté74, à plus forte raison lorsque celle-ci est faiblement intégrée, comme c’est le cas de la société internationale75.
46C’est pourquoi, et on en vient ici à la deuxième branche de l’alternative exposée ci-dessus, certains auteurs ont tenté d’assortir les critères de fond comme ceux de l’objectif humanitaire ou de l’épuisement des moyens diplomatiques, de certaines conditions de procédure.
47C’est dans cette optique que Antonio Cassese, figure reconnue de la doctrine et ancien président du Tribunal pénal international sur l’Ex-Yougoslavie, subordonne la légitimité d’une guerre, non seulement à un certain nombre de conditions de fond qui ont été évoquées, mais aussi au blocage du Conseil de sécurité qui, sans autoriser explicitement une intervention, n’aurait pu que condamner ou déplorer la situation, tout en la qualifiant de menace contre la paix et la sécurité internationales76.
48Cette condition procédurale est destinée à réaliser un compromis entre l’absence de toute forme d’objectivation des litiges portant sur la légitimité de la guerre et la nécessité d’obtenir une autorisation en bonne et due forme pour la déclencher. Elle y échoue à notre avis entièrement. Il faut en effet bien comprendre que, si la proposition du professeur Cassese devenait demain la règle juridique de référence, chaque Etat membre du Conseil de sécurité serait parfaitement conscient qu’en votant en faveur d’une résolution condamnant un Etat, et qualifiant par ailleurs la situation de menace contre la paix, il accepterait en réalité d’autoriser une intervention militaire. Le problème du veto de certains Etats, comme la Chine ou la Russie, n’est donc nullement réglé par cette proposition ; il est simplement déplacé en amont, au moment où le Conseil traite de la question sans envisager explicitement le recours à la force. En définitive, ce cas de figure représente moins la formulation d’une nouvelle doctrine de la guerre juste qu’une tentative quelque peu maladroite d’aménager le droit existant, sans en modifier fondamentalement la teneur77.
49Décidément, il est bien difficile de concevoir une doctrine qui concilie impératifs moraux et prise d’acte de la pluralité des points de vue qui se manifestent inévitablement à l’occasion de conflits comme ceux qui ont éclaté au Kosovo en 199978.
50Dans ce dernier cas, on peut conclure que c’est moins à l’élaboration d’une doctrine qu’à une floraison de déclarations ambiguës et souvent contradictoires que l’on a assisté. C’est bien en ce sens que l’on doit comprendre la référence persistante au droit international comme outil de justification d’une guerre79. Dans certains cas, on semble en revenir à une conception légitimiste du XIXème siècle, les Etats européens s’autoproclamant les seuls juges de ce qui est juste, et les seuls susceptibles d’incarner et de défendre les valeurs de la « communauté internationale »80. Dans d’autres, les responsables politiques européens paraissent refuser de tirer les conséquences de cette conception, devant la crainte que se multiplient demain des guerres peut-être « morales », mais certainement meurtrières. Ils réaffirment alors la nécessité de maintenir un régime juridique basé sur la nécessité de respecter des procédures qui prennent acte de la diversité des positions politiques, éthiques et philosophiques qui caractérise toujours les relations internationales aujourd’hui81.
Notes de bas de page
1 L’affirmation est incontestable, y compris depuis 1945, au regard des multiples opérations militaires menées par les Etats européens en Afrique, en Asie, et même en Europe (en Grèce aux lendemains de la deuxième guerre mondiale, et en Yougoslavie plus récemment). On pense plus particulièrement à des Etats comme la France ou le Royaume-Uni. V. à ce sujet les réflexions de Martti KOSKENNIEMI, « International Law Aspects of the Common Foreifgn and Security Policy » in M. Koskenniem (Ed.), International law Aspects of the European Union, The Hague/London/Boston, Kluwer, 1998, p. 43.
2 On se référera notamment au discours du président Bush, « Message sur l’état de l’Union du 29 janvier 1991 » in Documents d’actualité internationale (ci-après D.A.I.), no 6, 15 mars 1991. ; voy. aussi les autres déclarations reproduites et commentées dans Patrick HERMAN, « Le monde selon Bush : genèse d’un nouvel ordre mondial », A la recherche du nouvel ordre mondial. Tome I. Le droit international à l’épreuve, Bruxelles, Ed. Complexe, 1993, pp. 7 et ss. V. aussi les commentaires de Marcel MERLE, (« Maintien de la paix et idée d’un nouvel ordre mondial », Rapport général in Yves Daudet (éd.). Aspects du système des Nations Unies dans le cadre de l'idée d'un nouvel ordre mondial, Paris, Pédone, 1992, p. 49-50), et de Prosper WEIL (« Le droit international en quête de son identité », R.C.A.D.I., 1992-VI, tome 237, p. 31).
3 Olivier CORTEN, « Droit, force et légitimité dans une société internationale en mutation », R.I.E.J., 1996, no 37, pp. 71-112, sp, pp. 91-94, ainsi que diverses contributions dans Le discours juridique sur la non intervention et la pratique internationale (Actes de la septième rencontre de Reims, Réalités du droit international contemporain 5, Reims, Presses Universitaires, 1986. Ce constat n’empêche pas que le droit soit utilisé en certaines occasions pour critiquer les interventions militaires menées par le bloc adverse ; v. p. ex. la condamnation par les Etats européens de l'invasion du Cambodge par le Vietnam en 1979 (v. la Déclaration commune du 8 mars 1980 des Ministres des affaires étrangères de l’ASEAN et de la CE, reproduite dans Bull. CE 2-1980, pp. 77-78, par. 3, 4 et 5).
4 V. nos développements dans Olivier CORTEN, « Human Rights and Collective Security. Is There an Emerging Right of Humanitarian Intervention ? », Academy of European Law, Collected Courses 1999, à paraître.
5 Pour des éléments plus précis de définition, on se reportera à Letizia
6 V. p. ex. la Déclaration des Douze du 17 janvier 1991 reproduite dans D.A.I., 1991, doc. 59, pp. 103-104, ainsi que la Déclaration des Douze du 28 février 1991, D.A.I., 1991, doc. 88. p. 147. Il s’agit de la résolution 678 (1990), par laquelle le Conseil autorise les Etats à user de « tous les moyens nécessaires » pour libérer le Koweït.
7 Dont plusieurs dizaines de milliers de victimes civiles ; v. les chiffres dans R.G.D.I.P., 1991, p. 955. V. Jean SALMON, « Droit international, politique et idéologie dans la guerre du golfe » in Entre les lignes. La guerre du golfe et le droit international, Bruxelles, Créadif, 1991, pp. 9 et ss.
8 V. à ce sujet les commentaires critiques de N. RONZITTI, « aerei contro la Repubblica federale di Iugoslavia e Carta delle Nazioni Unite », Riv. Dir. Int., 1999, pp. 476 et ss. ; B. SIMMA, « NATO, the UN and the Use of Force : Legal Aspects », European Journal of Int. Law, 1999, pp. 1-22 ; M. SPINDI, « Uso della forza da parte della NATO in Jugoslavia e diritto internazionale », Quaderni Forum, 1998, pp.23 et ss. ; Μ. KOHEN, « L’emploi de la force et la crise du Kosovo : vers un nouveau désordre international », Rev. Belge de droit international, 1999-1, pp. 122 et ss. ; N. VALTICOS, « Les droits de l’homme, le droit international et l’intervention en Yougoslavie », Rev. Gén. Dr. Int. Pub., 2000, pp. 5 et ss. ; D. MOMTAZ, « L’intervention d’humanité de l’OTAN au Kosovo et la règle du non-recours à la force », Rev. Int. Croix Rouge, 2000, pp. 89 et ss. GIANFORMAGGIO, v. « Droit naturel » dans A.J. Arnaud (ed.), Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, Paris, L.G.D.J., Bruxelles, Story Sciencia, 1988, pp. 117-1.18. V. aussi l'ouvrage de P. HAGGENMACHER, Grotius et la doctrine de la guerre juste, Paris, P.U.F., 1993.
9 V. à ce sujet Olivier CORTEN, « Droit, force et légitimité dans une société internationale en mutation », op. cit., et Cao-Huy THUAN, « De l’intervention humanitaire au droit d’ingérence. La morale de l’(extrême) urgence » in C.H. Thuan et A. Fennet (dir.), Mutations internationales et évolution des normes, Paris, P.U.F., 1994, pp. 99 et ss.
10 Le discours de la présidente du Parlement européen prononcé le 21 juillet 1999, selon lequel « l'intervention unie des quinze Etats membres de l’Europe restera, je le crois, comme un acte fondateur de l’Europe politique [...] Une Europe nouvelle a commencé à Pristina, et cette Europe là naît au seuil d’un siècle nouveau » (reproduit dans D.A.I., 1er octobre 1999, doc. 356, p. 783).
11 V. Hugh BEACH et Roy ISBISTER, Old wine, new bottle : the just War tradition and humanitarian intervention, I.S.I.S. Briefing on Humanitarian Intervention, N°3, October 2000 ainsi que dans une perspective opposée, Barbara DELCOURT, « L’utilisation du droit international dans les crises Yougoslaves. Deux droits, deux mesures », Dialogues. Revue internationale d’arts et de Sciences, (Paris), 1999, N°31-32.
12 Certains aspects de la présente étude s’inspirent d’une partie de notre article « Les ambiguïtés de la référence au droit international comme facteur de légitimation. Portée et signification d’une déformalisation du discours légaliste » in O. Corten et B. Delcourt (Eds.), Droit, légitimation et politique exterieure. L’Europe et la guerre du Kosovo, Bruxelles, Bruylant, 2001, pp. 223-260. Nous nous permettrons plus largement de nous référer à des études que nous avons rédigées antérieurement, dans lesquelles on trouvera des développements relatifs à diverses questions abordées dans les lignes qui suivent.
13 Bien entendu, cette sélection est relativement artificielle, et on sera tenté de comparer le discours des Etats européens avec celui produit par les Etats-Unis, ou en core par l’OTAN ; v. à ce sujet Laurence WEERTS, « Droit, politique et morale dans le discours justificatif de l’Union européenne et de l’OTAN : vers une confusion des registres de légitimité » in Droit, légitimation et politique extérieure. L’Europe et la guerre du Kosovo, op.cit., pp. 85-122.
14 Pour plus de précisions épistémologiques ou méthodologiques, nous nous permettons de renvoyer a Olivier CORTEN et Barbara DELCOURT, Droit, légitimation et politique extérieure. L'Europe et la guerre du Kosovo, op. cit., pp. 19-30.
15 V. l’allocution télévisée du 6 avril 1999, reproduite dans D.A.I., 1999, doc 183, p. 383.
16 On se référera tout particulièrement aux articles 2 ainsi qu’aux chapitres VII et VIII de la Charte, exposés et commentés dans J.P. Cot et A. Pellet (Eds.), La Charte des Nations Unies, 2ème éd., Paris, Economica, 1991.
17 On ne peut évidemment rendre compte ici des subtilités de l’évolution du droit international et de la progressive émergence d’une interdiction plus stricte du recours à la force ; v. p. ex. J.H.W. VERZIJL, International Law in Historical Perspective, vol. L Leyden, Sijthoff, 1968, pp. 215 et ss.
18 Voy. p. ex. Hins WEHBERG, « Le problème de la mise de la guerre hors la loi », Recueil des cours de l'Académie de droit international, 1928-IV, tome 24, pp. 153 et ss.
19 V. les nombreux exemples exposés dans Alexandre-Charles KISS. Répertoire de la pratique française en matière de droit international public, Paris, Ed. C.N.R.S., tome II, 1966, pp. 95 et ss.
20 Dans une ordonnance du 16 mars 1939, l’Allemagne établit un « Protectorat » sur la Bohême-Moravie parce que l’Etat tchécoslovaque, qualifié d’« artificiel », n’a pas « réussi à organiser de façon raisonnable les groupes ethniques qui avaient été arbitrairement réunis dans son sein » (texte français dans C.A. Colliard et A. Manin, Droit international et histoire diplomatique. Documents choisis, tome II, Paris, Montchrestien, 1970, pp. 142-144). Le 15 mars, le Dr. Goebels avait fait une déclaration officielle dans laquelle il évoquait le « terrorisme » dont étaient victimes les minorités allemandes, et affirmait que l’intervention militaire était notamment destinée à protéger « tous ceux qui étaient menacés » (texte anglais dans Keesing’s Conternporary Archives, vol. III, 1937-1940, London, Keesing’s Pub., p. 3485).
21 Agnès LEJBOWICZ, « Le droit international et la guerre aujourd’hui », Archives de philosophie, 2000, n°63, p. 427.
22 V. à ce sujet les travaux préparatoires de la Charte reproduits dans Documents of the UN Conference on International Organization, New York, Hein and Co, Buffalo, 1998. Parmi les nombreux ouvrages de référence portant sur ce thème, on se référera à A. Cassese (ed.), The Current Legal Regulation of the Use of Force, Dordrecht/Boston/Lancaster, Martinus Nijhoff, 1986.
23 Hans KELSEN, « Théorie du droit international public », R.C.A.D.L., 1953, tome 84, p. 51.
24 V. p. ex. Yoram DINSTEIN, War, Aggression and-Self-Defense, Cambridge, Grotius, 1988, pp. 254 et ss. (et 2ème éd., 2001), et Linos-Alexandre SICILIANOS, « Le contrôle par le Conseil de sécurité des actes de légitime défense » in Le chapitre VII de la Charte des Nations Unies, S.F.D.I., Paris, Pedone, 1995, pp. 59 et ss.
25 La seule exception à ce principe général, et qui s’explique par des raisons historiques évidentes, renvoie à la lutte contre le régime nazi ; v. l’étude de Jean SALMON, « Internai Aspects of the Right to Self-Determination : Towards a Democratic Legitimacy Principle ? » in Ch. Tomuschat (Ed.), Modem Law of Self-Determination, Dordrecht/Boston/London, Martinus Nijhoff, 1993, pp. 253 et ss. ainsi que, du même auteur, « Vers l’adoption d’un principe de légitimité démocratique ? » in A la recherche du nouvel ordre mondial, op. cit., pp. 66-67 ; v. aussi Linos-Alexandre SICILIANOS, L'ONU et la démocratisation de l'Etat, Paris, Pedone, 2000, p. 31.
26 Voy. à ce sujet la Déclaration sur les relations amicales adoptée par consensus par l’Assemblée générale des Nations Unies le 24 octobre 1970.
27 V. à ce sujet notre étude précitée, « Droit, force et légitimité dans une société internationale en mutation », Agnès LEJBOWICZ, « Le droit international et la guerre aujourd’hui », op. cit., pp. 437438, ainsi que les réflexions de Carl SCMITT, Le nomos de la terre, Paris, P.U.F., Léviathan, 2001, pp. 271 et ss.
28 On pense en particulier aux déclarations du « Groupe de contact », à partir desquelles les Etats européens ont érigé certains principes non négociables au moment des discussions à Rambouillet, principes parmi lesquels on comptait le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Yougoslavie ; v. les textes cités et commentés par Barbara DELCOURT, « La décision de recourir à la force contre la Yougoslavie : quels niveaux de pouvoir, quel rôle pour l’Europe ? » in Droit, légitimation et politique extérieure : L’Europe et la guerre de Kosovo, op. cit., pp. 47 et ss.
29 V. les déclarations des 23 et 24 mars 1999, de l’OTAN ou des autorités françaises ; D.A.I., 1999, doc. 159 à 161, pp. 341-342.
30 Les textes des projets d’accord sont produits dans M. Weller (Ed.), The Crisis in Kosovo 1989-1999. From the Dissolution of Yugoslavia to Rambouillet and the Outbreak of Hostilities, International Documents & Analysis, vol. 1, Cambridge, 1999, pp. 392 et ss. Le texte « final » du plan, ainsi que celui des contre-propositions de la Yougoslavie, se trouvent aussi sur le site internet de TFF (« The Transnational Foundation for Peace and Futur Research »), dont l’adresse est : http://www.transnational.org
31 V. les arguments développés dans notre note : « Tous les moyens diplomatiques avaient-ils réellement été épuisés ? L’échec du plan de Rambouillet » in B. Adam (dir.), La guerre du Kosovo. Eclairages et commentaires, Bruxelles, ed. complexe et ed. GRIP, 1999, pp. 32-42.
32 V. not. Le chapitre VII du plan, ainsi que l’annexe B du volet militaire.
33 Art. I § 3 du chapitre VIII du plan.
34 On relèvera d’ailleurs que ces dispositions n’ont pas été reprises dans la résolution 1244 (1999) adoptée par le Conseil de sécurité à l’issue du conflit, résolution qui constitue toujours aujourd’hui le cadre de référence relatif au statut du Kosovo. Ce texte rappelle au contraire le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Yougoslavie.
35 Les discussions menées au sein du Conseil de sécurité à l’occasion de l’adoption, en 1998, des résolutions 1160, 1999 et 1203, avaient révélé l’opposition de principe d’au moins deux Etats disposant du droit de veto, la Chine et la Russie (v. C.S. 23 septembre 1998, S/PV. 3930 et 24 octobre 1998, S/PV. 3937) ; v. Olivier CORTEN et François DUBUISSON, « L’hypothèse d’une règle émergente fondant une intervention militaire sur une « autorisation implicite » du Conseil de sécurité », Rev. gén. dr. int. publ., 2000, 4, pp. 873-910.
36 Voy. not. les rés. 770 (1992) et 836 (1993), et les commentaires dans Olivier CORTEN et Pierre KLEIN, « L’autorisation de recourir à la force à des fins humanitaires : droit d’ingérence ou retour aux sources ? », European Journal of International Law, 1993-1V, pp. 506-533.
37 V. Olivier CORTEN et Barbara DELCOURT, « Kosovo : le droit international renforcé ? », L’Observateur des Nations Unies, (Aix-en-Provence), 2000, N°8, pp. 133-147.
38 Décision de l’Assemblée interparlementaire des Etats membres de la C.E.I. du 30 avril 1999 (Arménie, Bélarus, Kazakhstan, Kirghizie, Moldova, Russie, Tadjikistan, Ukraine, qui condamne l’intervention militaire et demande à la Yougoslavie de résoudre pacifiquement le conflit au Kosovo ; Annexe à la lettre du 21 avril 1999 adressée au Secrétaire général par le représentant de la Russie auprès de l'ONU, A/53/920 ; S/1999/461.
39 V not. certaines déclarations officielles reproduites dans Le Monde, ainsi que les débats au sein du Conseil de sécurité qui se sont tenus les 24 et 26 mars 1999 (CS/1035 et CS/1036).
40 GRIO/SPT-99/10 ; transmis au Conseil de sécurité par le représentant permanent du Mexique par une lettre du 26 mars 1999, A/53/884-S/1999/347. Les Etats latino-américains sont, pour des raisons historiques évidentes, traditionnellement très attachés au principe de non-intervention ; v. p. ex. Jacques NOËL, Le principe de nonintervention : Théorie et pratique dans les relations inter-américaines, Bruxelles, Bruylant, 1981.
41 Il s’agit en premier lieu de la déclaration adoptée le 24 septembre 1999, par laquelle « The Ministère stressed the need to maintain clear distinctions between humanitarian assistance and other activities of the United Nations. They rejected the so-called right of humanitarian intervention, which has no basis in the UN Charter or in international law » (nous soulignons, par. 69 et 70 ; Déclaration émise à l’occasion du 35ème anniversaire de la création du « groupe des 77 » ; consultable notamment sur le site de cette organisation (http ://www.g77.org/Docs/Decl1999.html)). Une formule similaire se retrouve dans la déclaration émise à l’occasion du sommet de La Havane des 12-14 avril 2000 (v. l'extrait reproduit dans R.G.D.I.P., 2000/3, p. 755, ainsi que la déclaration finale dans D.A.I., 2000, doc. 168, par. 54, p. 442).
42 V. l’étude de Laurence WEERTS, « Droit, politique et morale dans le discours justificatif de l'Union européenne et de l’OTAN : vers une confusion des registres de légitimité » in Droit, légitimation et politique extérieure. L’Europe et la guerre du Kosovo, op.cit.
43 Déclaration du Conseil européen de Berlin, Agence Europe, 25 mars 1999.
44 V. à ce sujet Olivier CORTEN et Pierre KLEIN, Droit d’ingérence ou obligation de réaction ? Les possibilités d’action visant à assurer le respect des droits de la personne face au principe de non-intervention, Bruxelles, Bruylant, 2ème éd., 1996.
45 Ibidem et, des mêmes auteurs, « L’assistance humanitaire face à la souveraineté des Etats », Revue trimestrielle des droits de l’homme, 1992, pp. 343-364.
46 V. notre étude, « Human Rights and Collective Security : Is There an Emerging Right to Humanitarian Intervention ? », op. cit.
47 Le texte des résolutions adoptées en 1998 peut en effet difficilement être interprété en ce sens ; v. les arguments avancés dans Olivier CORTEN et François DUBUISSON, « L’hypothèse d’une règle émergente fondant une intervention militaire sur une autorisation implicite du Conseil de sécurité », loc. cit., not. pp. 884 et ss.
48 Voy. p. ex. la déclaration de Louis Michel reproduite ci-dessous. V. à ce sujet les commentaires de Laurence WEERTS, « Droit, politique et morales dans le discours justificatif de l’Union européenne et de l’OTAN : vers une confusion des registres de légitimité », op. cit., pp. 118-119.
49 On se référera notamment aux affaires du Sud-Ouest-africain, C.I.J., Rec. 1962 et 1966 ou, plus récemment, à l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua ou contre celui-ci (C.I.J., Rec. 1986). Dans ce dernier cas, la Cour a écarté l’argumentation des Etats-Unis qui prétendaient justifier leur intervention militaire au nom de la protection des droits de la personne et de la défense de la démocratie.
50 V. les plaidoiries qui se sont tenues devant la Cour au stade de la demande en indication de mesures conservatoires ; CR 99/15 (11 mai 1999) et CR/26 (13 mai 1999).
51 Ordonnances du 2 juin 1999, Yougoslavie c. Allemagne ; Yougoslavie c. Belgique ; Yougoslavie c. Canada ; Yougoslavie c. Etats-Unis ; Yougoslavie c. Italie ; Yougoslavie c. Espagne ; Yougoslavie c. France ; Yougoslavie c. Pays-Bas ; Yougoslavie c. Portugal ; Yougosavie c. Royaume-Uni, §§ 16-19.
52 Pierre-Marie DUPUY, Droit international public, 5ème éd., Paris, Dalloz, 2000 p. 558.
53 Reproduit dans La Libre Belgique, 27 septembre 1999.
54 Nous soulignons ; Discours prononcé par J. FISCHER, Ministre allemand des Affaires étrangères, à la 54 ème session de l’Assemblée générale des Nations Unies, le 22 septembre 1999, http://www.nato.int/germany/reden/s990922c.html. V. les commentaires présentés par François DUBUISSON dans une autre perspective, « La problématique de la légalité. Enjeux et questionnements » in Droit, légitimation et politique extérieures. L’Europe et la guerre du Kosovo, op. cit., pp. 178 et ss.
55 Voy. p. ex. les discussions qui ont eu lieu au sein du Conseil de sécurité les 24 mars (ONU, Communiqué de presse CS/1035) et 26 mars 1999 (ONU, Communiqué de presse CS/1036). V. aussi les propos tenus par Jean-Bernard Raimond, parlementaire français, lors des débats qui se sont déroulés au sein de l’Assemblée nationale française le 26 mars 1999, Compte-rendu analytique officiel, Sess. Ord. 1998-1999, 79ème jour, 203ème
56 V. à ce sujet Olivier CORTEN et François DUBUISSON, « L’hypothèse d’une règle émergente fondant une intervention militaire sur une « autorisation implicite » du Conseil de sécurité », op.cit.
57 V. les arguments avancés dans notre étude précitée, « Human Rights and Collective Security : Is There an Emerging Right to Humanitarian Intervention ? ».
58 NATO-PA, 1999 Annual Session, Plenary Resolution : NATO and Humanitarian Intervention adopted by the NATO Parliamentary Assembly, Amsterdam, 15 Nov. 1999 (Unofficial Text). Il s’agit certes ici d’une prise de position de l’OTAN, et non d’une organisation européenne. On postulera cependant qu’elle exprime aussi une tendance qui reflète la position des Etats européens.
59 V. nos commentaires dans notre article précité, « Les ambiguïtés de la référence au droit international comme facteur de légitimation. Portée et signification d’une déformalisation du discours légaliste ».
60 V. à ce sujet Marcello KOHEN, « L’emploi de la force et la crise du Kosovo : vers un nouveau désordre international », op.cit. ainsi que notre étude « Un renouveau du droit d’intervention humanitaire ? Vrais problèmes, fausse solution », Revue trimestrielle des droits de l’homme, 2000, pp. 701-702.
61 V. notre article, « Peut-on définir un nouveau droit d’intervention humanitaire ? Dialogues. Revue internationale d’arts et Sciences (Paris), 1999, N°31-32, pp. 200-217.
62 On relèvera que certains de ces critères ont été repris par certaines hautes autori tés politiques, comme Robin Cook dans un discours intitulé « Guiding Humanitarian Intervention », tenu le 19 juillet 2000 (http://www.fco.gov.uk/news/speechtext.,asp3989). Nous nous limiterons essentiellement dans les lignes qui suivent à la prise en compte d’auteurs que nous estimons représentatifs de la doctrine juridique, sans aucune prétention à l’exhaustivité ; n’ont en particulier pas été retenus les écrits de philosophes n’entretenant pas ou peu de liens avec la doctrine en droit international actuel.
63 W.D. VERWEY, « Humanitarian Intervention under International Law », N.I.L.R., 1985, p. 418 ; L. OPPENHEIM, International Law. A Treatise, H. Lauterpacht. ed., 8th ed.. London, Longmans, 1955, p. 315 ; A. BONDE, Traité élémentaire de droit international public, Paris, Dalloz, 1926, p. 245 ; Elisa PERREZ-VERA, « La protection d’humanité en droit international », R.B.D.I., 1969, p. 418 ; Romualdo BERMEJO GARCIA, El marco juridico internacional en materia de uso de la fuerza :ambigüedades y limites, Madrid, editorial civitas S.A., 1993, p. 401.
64 Fernando TESON, Humanitarian Intervention. An Inquiry Info Law and Morality, New York, Transnational Publisher, 1988, pp. 119-120.
65 W.D. VERWEY, « Humanitarian Intervention underInternational Law », op.tit., p. 418 ; Romualdo BERMEJO GARCIA, El marcojuridico international en materia de usa de la fuerza ambigüedades y limites, op. cit., p. 401.
66 Cette condition est formulée de manières différentes par W.D. VERWEY, « Humanitarian Intervention under International Law », op.cit., p. 418 ; Charles ROUSSEAU, Droit international public, Paris, Sirey, tome IV, 1971, p. 49 ; Elisa PERREZ-VERA, « La protection, d’humanité en droit international », op. cit. p. 417 ; Romualdo BERMEJO GARCIA, « Cuestiones actuales remferentes al uso de la fuerza enel Derecho International », Anuario de derecho international, 1999, p. 13.
67 Fernando TESON, Humanitarian Intervention. An Inquiry Into Law and Morality, op. cit., et Mario BETTATI, « Un droit d’ingérence ? », R.G.D.I.P., 1991, p. 657 ; Romualdo BERMEJO GARCIA, El marco juridico international en materia de uso de la fuerza : ambigüedades y limites, op. cit., p. 401.
68 Gustave ROLIN-JACQUEMYNS, « Note sur la théorie de l’intervention », R.D.I.L.C. 1876, pp. 675 et 679, Antoine ROUGIER, « La théorie de l'intervention d'humanité », R.G.D.I.P., 1910, pp. 499 et ss. ; Bernard KOUCHNER, Le malheur des autres, Paris, Odile Jacob, 1991, p. 291 ; Abdul G. KOROMA, « Humanitarian Intervention and Contemporary International Law », R.S.D.I.E., 1995/4, pp. 415-4-16.
69 En ce sens, Hugh BEACH et Roy ISBISTER, Old wine, new bottle : the Just War tradition and humanitarian intervention, op. cit., pp. 1 et ss.
70 V. p. ex. Mohammed BEDJAOUI, « La portée incertaine du concept nouveau de « devoir d’ingérence » dans un monde troublé : quelques interrogations » in Actes du colloque organisé par l’Académie royale du Maroc, Le droit d’ingérence est-il une nouvelle législation du colonialisme ?, 1991, pp. 232-263 ; Jean-Marc SOREL, « Le devoir d’ingérence : longue histoire et ambiguïté constante », Relations internationales et stratégiques, 1991, pp. 95-107 et, plus récemment, B. KINGSBURY, « Sovereignty and Inequality », E.J.I.L., 1999, pp. 618-620.
71 Ainsi, selon certains auteurs, même les interventions militaires des Etats-Unis à la Grenade ou au Panama pouvaient être qualifiées d’interventions humanitaires (F. TESON, Humanitarian Intervention. An Inquiry into Law an Morality, New York, Transational Pub., 1988, pp. 189 et ss. ; A. d’AMATO, « The Invasion of Panama was a Lawful Response to Tyranny », A.J.I.L., 1990, pp. 516-524). V. par ailleurs nos réflexions dans « Un renouveau du « droit d’intervention humanitaire » : vrais problèmes, fausse solution », loc.cit., pp. 695 et ss.
72 Agnès LEJBOWICZ, « Le droit international et la guerre aujourd’hui », loc.cit., p. 437.
73 Epoque en réalité depuis longtemps révolue, dans la mesure où les théories de la souveraineté elles-même s’appuient sur une conception sceptique et relativiste sur le contenu normatif de la justice ; v. Carl SCHMITT, Le nomos de la guerre, op.cit., not. p. 157.
74 Le concept de légitimité procédurale a été développé par diverses théories contemporaines de la justice. On se reportera notamment aux travaux de Jürgen HABERMAS, et en particulier à Droit et démocratie, Paris, Gallimard, 1997. L’auteur affirme notamment que « dans une société pluraliste, la théorie de la justice ne pourra escompter être acceptée que si elle se limite à être une conception post-métaphysique au sens strict, autrement dit si elle évite de prendre parti dans la querelle des formes de vie et de visions du monde concurrentes » (p. 75). Il est vrai que la théorie d’Habermas est loin d’être conçue pour s’appliquer au droit international (v. p. ex. pp. 151 et ss.).
75 V. p. ex. Monique CHEMILLIER-GENDREAU, Humanité et souverainetés. Essais sur la fonction du droit international, Paris, La découverte, 1995.
76 Antonio CASSESE, « Ex iniuria ius oritur : Are We Moving towards International Legitimation of Forcible Humanitarian Countermeasures in the World Community ? », E.J.I.L., 1999.
77 Olivier CORTEN, « Un renouveau du droit d’intervention humanitaire ? Vrais problèmes, fausse solution loc.cit., pp. 703 et ss.
78 Nicolas ANGELET, « Brouillage institutionnel et légitimation procédurale dans la gestion de la crise duKosovo » in Droit, légitimation et politique extérieure. L’Europe et la guerre du Kosovo, op. cit., pp. 207-222.
79 En particulier lorsque sont utilisées des expressions de droit d’« intervention humanitaire », qualifiée par Agnès LEJBOWICZ de « barbarisme juridique » ; « Le droit international et la guerre aujourd'hui », loc. cit., p. 441.
80 V. à ce sujet les réflexions de Pierre KLEIN, « Les problèmes soulevés par la référence à la « communauté internationale » comme facteur de légitimité » in Droit, légitimation et politique extérieur. L’Europe et la guerre du Kosovo, op. cit., pp. 261-298.
81 V. à ce sujet les réflexions de David HELD, « Democracy and the New International Order » in D. Archibuggi et D. Held (Eds.), Cosmopolitan Democracy. An Agenda for a New World order, Cambridge, Polity Press, 1995, p. 116 ainsi que Agnès LEJBOWICZ, Philosophie du droit de international, paris, PU.F., 1999.
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Chargé de cours à l’Université Libre de Bruxelles, et Professeur invité aux Facultés universitaires Saint-Louis. Centre de droit international et de sociologie appliquée au droit international
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