La rupture de la House of Lords avec un strict principe du stare decisis dans le contexte d’une réflexion sur l’accélération du temps juridique
p. 801-836
Texte intégral
PLAN
1. La modification de la règle du précédent à la House of Lords
2. Du London Tramways case au Practice Statement de 1966 : évolutions jurisprudentielles dans le contexte de la règle du précédent obligatoire
2.1. Aperçu théorique — Le concept de binding precedent : que signifie « être lié » par un précédent ?
2.2. La pratique — Les différentes techniques au service du changement
2.2.1. Le traitement de Derry v Peek dans Hedley Byrne
2.2.2. Le traitement du French Marine case dans le Fibrosa case
2.2.3. Le traitement du Earl Cowley case dans le Public Trustee case
2.2.4. Le traitement du Edler Dempster case dans le Midland Silicones case
2.3. Conclusion : le London Tramways case ou la tentative avortée d’arrêter le temps jurisprudentiel
3. Le Practice Statement de 1966 : son incidence sur la transformation du droit par voie jurisprudentielle
3.1. Aperçu théorique — La technique de l’overruling comme moyen d’écarter un précédent de la House of Lords
3.2. La pratique — Les principes circonscrivant l’usage du Practice Statement dans la jurisprudence de la House of Lords à la lumière du modèle du professeur J.W. Harris
3.2.1. Condition préalable à l’exercice du Practice Statement : nécessité d’amélioration du droit. Caractère erroné d’un précédent, justice, sécurité juridique et cohérence
3.2.2. Principes limitant l’exercice du Practice Statement
3.2.2.1. Le « no-new reasons principle »
3.2.2.2. Le « justified reliance principle »
3.2.2.3. Le « comity with the Legislature principle »
3.2.2.4. Le « mootness principle » dans les instances de droit civil
3.3. Conclusion : le Practice Statement de 1966 ou l’émergence d’une méthodologie du changement de la règle jurisprudentielle
4. Remarques finales
1De nombreuses manifestations d’accélération du temps juridique ont été observées dans les sociétés occidentales actuelles : rythme effréné d’adoption, de transformation et d’abrogation des lois, renouvellement incessant des solutions et des doctrines, succès de la justice du référé et des procédures apparentées... Il en résulterait un droit instable, éphémère, aléatoire, saccadé, pendant en quelque sorte de l’instantanéisme qui caractérise l’ensemble de la culture contemporaine. Le phénomène d’accélération du temps juridique lié à celui de l’augmentation de la production juridique donne parfois le vertige. Vertige qui peut se transformer en malaise quand on en vient à se demander « si nos systèmes juridiques ont encore la maîtrise de leur propre changement »1 ou si le droit reste en mesure de projeter ses valeurs dans le futur2. Vertige que certains théoriciens tentent de surmonter en alléguant qu’un bouleversement de paradigmes s’est opéré au sein de nos systèmes juridiques et en proposant des modèles pour penser les transformations du droit et de ses rythmes. « Droit soluble », « nuages », « thermostat » ou « traitement de texte » sont autant de métaphores destinées à rendre compte de cette nouvelle temporalité fondamentalement mobile, multidirectionnelle et réversible3.
2Il faut cependant se garder de toute propension à coller l’étiquette « manifestations d’accélération du temps juridique » à l’ensemble des phénomènes qui favorisent le processus du changement en droit. Ainsi, à première vue, la rupture de la House of Lords avec un strict principe du précédent obligatoire (stare decisis principle)4 dans le Practice Statement de 19665 semble n’être qu’un témoignage de plus de l’émergence d’une nouvelle temporalité dans nos sociétés contemporaines, dans la mesure où cette déclaration facilite l’adaptabilité du droit. Cette étude veut prendre le contre-pied d’une telle interprétation. Dans le cadre d’une réflexion sur le temps en droit, l’adoucissement de la règle du précédent obligatoire à la House of Lords s’analyse plus judicieusement en termes d’un renouement avec la dialectique du changement et de la stabilité. Tenter de montrer que l’usage du Practice Statement de 1966 dans les décisions de la House of Lords reflète plus le souci de rencontrer la question de la méthodologie du changement de la jurisprudence que la volonté de précipiter la modification du droit par voie jurisprudentielle, tel sera l’objet de la présente contribution.
1. La modification de la règle du précédent à la House of Lords
3En guise d’introduction, il importe de rappeler les termes dudit Practice Statement ainsi que le contexte dans lequel il fut adopté. Le 26 juillet 1966, en présence de la plupart des Law Lords6, c’est-à-dire des membres de la House of Lords envisagée dans son rôle de Cour d’appel suprême du Royaume-Uni (Final Court of Appeal), le Lord Chancellor Gardiner fit la déclaration suivante :
4« Their Lordships regard the use of precedent as an indispensable foundation upon which to decide what is the law and its application to individual cases. It provides at least some degree of certainty upon which individuals can rely in the conduct of their affairs, as well as a basis for orderly development of legal rules.
5Their Lordships nevertheless recognise that too rigid adherence to precedent may lead to injustice in a particular case and also unduly restrict the proper development of the law. They propose, therefore, to modify their present practice and, while treating former decisions of this House as normally binding, to depart from a previous decision when it appears right to do so.
6In this connection they will bear in mind the danger of disturbing retrospectively the basis on which contracts, settlements of property and fiscal arrangements have been entered into and also the especial need for certainty as to the criminal law.
7This announcement is not intended to affect the use of precedent elsewhere than in this House »7.
8Par cette déclaration adoptée en dehors de toute procédure juridictionnelle8, la House of Lords s’arrogea donc le pouvoir de s’écarter de ses décisions antérieures quand une telle démarche lui paraît appropriée. Elle rejeta en conséquence un strict principe du stare decisis auquel elle s’était elle-même assujettie depuis le London Tramways case de 18989. A l’occasion de cette décision, le Lord Chancellor Earl of Halsbury avait en effet affirmé au nom de l’ensemble de la House of Lords que « a decision of this House once given upon a point of law is conclusive upon this House afterwards, and that it is impossible to raise that question again as if it was res integra and could be reargued, and so the House be asked to reverse its own decision »10. Il avait fondé cette règle du précédent obligatoire sur des considérations de sécurité juridique, arguant qu’en dépit des situations d’injustice qui peuvent parfois en résulter, l’impératif prioritaire consistait à assurer le caractère prévisible et certain du droit (ce qui, à son estime, nécessitait l’adoption d’un strict principe du stare decisis)11
9Afin d’établir que le Practice Statement de la House of Lords ne participe pas à la surenchère du changement observable dans nos sociétés contemporaines, mais qu’à l’inverse il traduit la volonté de l’articuler, la grille d’analyse suivante est proposée. Dans un premier temps, il s’agira de montrer que quoique la House of Lords se soit placée résolument du côté de la stabilité à la fin du dix-neuvième siècle, elle a développé l’art de transformer ses précédents au sein même de la doctrine du stare decisis avec une telle finesse que cette stabilité fut toute relative. Dans un deuxième temps, l’examen des décisions dans lesquelles la House of Lords eut recours au Practice Statement révèlera qu’une telle démarche demeure exceptionnelle et que l’importance de cette déclaration ne doit pas être appréciée en termes d’une soudaine plus grande mutabilité des précédents de la House of Lords, mais dans ceux de l’émergence d’une méthodologie du changement.
2. Du London Tramways case au Practice Statement de 1966 : évolutions jurisprudentielles dans le contexte de la règle du précédent obligatoire
2.1. Aperçu théorique — Le concept de binding precedent : que signifie « être lié » par un précédent ?
10Sur le plan des principes, le London Tramways case assujettit la House of Lords à une stricte doctrine du stare decisis. Cette juridiction se retrouva ainsi liée par l’ensemble de ses précédents, hormis ceux rendus per incuriam, c’est-à-dire ceux à l’occasion desquels la House of Lords « [has] omitted to notice an Act of Parliament, or [has] acted upon an Act of Parliament which was afterwards found to have been repealed »12.
11Dans le contexte de la doctrine anglaise du précédent judiciaire, « être lié » par un précédent signifie plus précisément être tenu par la ratio decidendi de celui-ci. En d’autres termes, seule la proposition de droit nécessaire au soutien de la décision a vocation à faire précédent13. Le surplus, appelé obiter dictum (« thing said by the way »14, n’a de valeur qu’en fonction de son caractère convaincant ou pertinent15. Comme la ratio decidendi d’une décision est circonscrite à la lumière des faits de l’espèce auxquels elle s’appliqua, la dégager implique un processus d’extrapolation par rapport à l’ensemble des circonstances de l’affaire16, la difficulté majeure consistant à caractériser le degré d’abstraction approprié17. En outre, il ne faut pas perdre de vue que, contrairement à une disposition législative, la ratio decidendi d’une décision n’est pas une proposition juridique figée. C’est une formule qui peut être étendue ou réduite à l’occasion de litiges ultérieurs par la redéfinition constante des faits essentiels qui sont réputés la caractériser18. Le principe de l’autorité du précédent n’existant que dans le cadre des faits considérés comme déterminants (material facts), toute juridiction tenue par ce précédent peut néanmoins l’écarter en le « distinguant » (distinguishing) de l’affaire dont elle est saisie, c’est-à-dire en alléguant que certains faits déterminants diffèrent dans les deux instances. En somme, le principe du stare decisis impose le respect de la règle de droit sur laquelle le précédent obligatoire est fondé, à moins que le juge ainsi tenu ne puisse montrer qu’une distinction existe entre les faits essentiels de ce précédent et ceux de l’affaire pendante devant lui. Cette distinction doit théoriquement être raisonnable, en ce sens qu’elle doit être de nature à justifier l’application d’un régime juridique distinct19.
12Lorsqu’ils se prononcent sur la pratique de la House of Lords dans la période précédant l’adoption du Practice Statement, les auteurs concluent généralement que, dans de nombreuses hypothèses, cette juridiction est parvenue à écarter des précédents indésirables malgré le principe du stare decisis20. Les propos tenus par G.R. Rudd en 1962 soulignent sans l’ombre d’un doute que la règle du précédent obligatoire telle qu’elle est entendue par la House of Lords ne rythme pas avec immobilisme : « the House of Lords has been known to distinguish a new case from an old in circumstances which go very near to a reversal of the previous decision, and enable a fresh direction to be given to judicial thought and precedent »21. Dans la même veine, M. Radin écrivit en 1946 que « the English House of Lords which in modem times has rarely in set terms ‘overruled’22a previous decision, has carried the technique of distinguishing to a very high pitch of ingenuity. In many instances, where they have ‘distinguished’ a precedent advanced, many an American court would have bluntly ‘overruled’ it »23.
13A l’aide d’exemples pris dans la jurisprudence de la House of Lords, les développements qui suivent ambitionnent de prendre la mesure et d’illustrer les propos de ces auteurs, en approfondissant les diverses méthodes utilisées par la House of Lords pour intégrer le changement dans sa jurisprudence à l’époque où elle était tenue par un strict principe du stare decisis.
2.2. La pratique — Les différentes techniques au service du changement
2.2.1. Le traitement de Derry v Peek24 dans Hedley Byrne25 Responsabilité aquilienne du chef d’informations fournies de manière négligente et génératrices d’un dommage financier (tortious liability for negligent misstatements resulting in economic loss)
14Dans l’espèce qui donna lieu à Derry v Peek, une décision de la House of Lords rendue en 1889, le plaignant (plaintif) avait investi dans une société au motif qu’elle avait obtenu l’autorisation d’utiliser des wagons à vapeur en lieu et place de chevaux dans le cadre de son exploitation. Cette information lui avait été fournie sous la forme d’un prospectus rédigé par les directeurs de la société en question. Il s’avéra par la suite qu’une telle autorisation n’avait pas encore été accordée au moment de la rédaction du prospectus et qu’elle fut en réalité ultérieurement refusée par l’administration compétente. Suite à ce refus, la société entra rapidement en liquidation et l’investisseur floué introduisit une action en justice fondée sur la supercherie dont il estimait avoir été victime (action of deceit). La Court of Appeal lui donna gain de cause, mais la House of Lords renversa cette décision à l’unanimité au motif qu’en l’espèce le comportement des directeurs avait été négligent et non frauduleux26. Bien que l’action du plaignant se fondait uniquement sur la supercherie des directeurs (action of deceit), les Law Lords formulèrent leurs jugements (speeches) de manière très générale et rejetèrent également toute responsabilité pour négligence dans les mêmes circonstances, c’est-à-dire en dehors de toute relation contractuelle (action of negligence)27. Dans cette veine, Lord Bramwell déclara que « to found an action for damages there must be a contract and a breach, or fraud »28. De manière plus virulente, il estima « most undesirable that actions should be maintainable in respect of statements, made unreasonably perhaps, but honestly »29.
15Après plus de septante ans, à l’occasion du célèbre Hedley Byrne case de 1963, la House of Lords fut saisie d’une action en dommages et intérêts fondée sur la négligence dont s’était rendue coupable une banque lorsqu’elle délivra, en dehors de toute relation contractuelle, des renseignements sur la solvabilité d’un de ses clients. En l’espèce, Easipower Ltd avait demandé à des agents publicitaires (Hedley Byrne & Co Ltd) de lui réserver des plages publicitaires sur plusieurs chaînes de télévision. Comme la société Hedley Byrne devenait ainsi personnellement responsable à l’égard des sociétés télévisées intéressées, elle s’enquit à deux reprises de la solvabilité et de la respectabilité financière d’Easipower auprès de la banque défenderesse. Cette dernière lui transmit des informations rassurantes à cet égard, tout en précisant que les renseignements ainsi fournis ne pouvaient engager sa responsabilité. Hedley Byrne se fia à ces déclarations et, en conséquence, subit d’énormes pertes lorsque la faillite d’Easipower fut prononcée. Sur le point de savoir si, et dans quelles circonstances, une personne peut obtenir réparation du chef d’un dommage généré par une information fournie de manière négligente, mais non frauduleuse, et obtenue en dehors de toute relation contractuelle, la House of Lords décida que « a negligent, though honest, misrepresentation, spoken or written, may give rise to an action for damages for financial loss caused thereby, apart from any contract or fiduciary relationship, since the law will imply a duty of care when a party seeking information from a party possessed of a special skill trusts him to exercise due t are, and that party knew or ought to have known that reliance was being placed on his skill and judgment »30. Néanmoins, en raison de la clause d’exclusion de responsabilité que la banque défenderesse avait pris soin d’insérer dans son courrier informant de la solvabilité d’Easipower Ltd, la House of Lords jugea que sa responsabilité ne pouvait pas être engagée en l’espèce31.
16De nombreux auteurs estiment que la House of Lords dans Hedley Byrne opéra un revirement de jurisprudence par rapport à la position qu’elle avait adoptée dans Derry v Peek32. Cette analyse est corroborée par le fait que, dans Hedley Byrne, Lords Hodson et Devlin concédèrent que si le recours dans Derry v Peek avait été fondé sur la négligence, la House of Lords l’aurait très vraisemblablement débouté33. En outre, la Court of Appeal jugea à plusieurs reprises que la décision de la House of Lords dans Derry v Peek impliquait le rejet en droit anglais de toute action (remedy) pour des déclarations erronées faites sans fraude en dehors d’une relation contractuelle ou d’une relation qui y est traditionnellement apparentée (fiduciary relationship)34. Sont entre autres représentatifs d’une telle position, les propos de Lord Esher M.R. dans Le Lievre v Gould selon lesquels, dans Derry v Peek, la House of Lords « restated the old law that, in the absence of contract, an action for negligence cannot be maintained where there is no fraud »35. Dans la même veine, la majorité de la Court of Appeal dans Candler v Crane Christmas invoqua notamment l’autorité de Derry v Peek pour décider que « a false statement, carelessly, as contrasted with fraudulently, made by one person to another, though acted upon that other to his detriment, was not actionable in the absence of any contractual or fiduciary relationship between the parties »36.
17Dans Hedley Byrne, les Law Lords s’attachèrent à montrer que Derry v Peek ne constituait pas une autorité sur la question de la responsabilité aquilienne du chef d’une information erronée fournie de manière négligente. Ils « distinguèrent » cette décision et l’espèce qui leur était soumise, arguant que la première ne concernait que les hypothèses de déclarations frauduleuses, ce qui équivalait à réduire sa portée comme une peau de chagrin37. R. Stevens a montré que les Law Lords dans Hedley Byrne raisonnèrent en fonction de la règle de droit idéale et non du droit positif. En d’autres termes, au lieu de rechercher ce que le droit « était », ils s’attelèrent à articuler ce que le droit « devait être ». Sur cette base et par une rationalisation a posteriori, ils démontrèrent qu’aucun précédent de la House of Lords ne les empêchait de parvenir à une telle solution38.
18Bien qu’il soit indubitable que dans Hedley Byrne la House of Lords s’écarta de l’approche adoptée dans Derry v Peek, sur un plan purement technique, il est possible de soutenir qu’elle ne bafoua pas la règle du précédent obligatoire. En effet, étant donné que l’action portée devant la House of Lords à l’occasion de Derry v Peek invoquait la supercherie et non la négligence des directeurs, la ratio decidendi de cette décision peut être strictement circonscrite aux hypothèses de fraude et les considérations relatives aux cas de négligence taxées d’obiter dicta39. Néanmoins, la possibilité de telles évolutions jurisprudentielles dans les limites du principe du stare decisis dévoile la flexibilité de ce principe par le jeu du concept de ratio decidendi40. Dans le cadre d’une réflexion plus générale, les professeurs Cross et Harris ont souligné que l’attitude de la House of Lords dans Hedley Byrne illustre combien la distinction entre ratio decidendi et obiter dictum peut être dénuée de sens en pratique : l’existence d’une clause exclusive de responsabilité en l’espèce dispensait en effet la House of Lords de se prononcer sur l’existence d’un principe général de responsabilité pour des informations erronées fournies de manière négligente. Cette proposition juridique a cependant toujours été réputée appartenir à la ratio decidendi d’Hedley Byrne41.
2.2.2. Le traitement du French Marine case42 dans le Fibrosa case43. Disparition de la cause d’une convention et impossibilité d’exécution d’un contrat suite à un événement indépendant de la volonté des parties (total failure of consideration and frustration in contract law)44
19Au début du siècle, la Court of Appeal décida dans Chandler v Webster45 qu’une somme d’argent payée en exécution d’une convention ne pouvait être recouvrée en dépit de la disparition de la cause de celle-ci (total failure of consideration). En l’espèce, le plaignant avait loué une chambre dans l’intention d’assister à la procession de couronnement d’Edward VII. Le prix était de £141 15s payables immédiatement, mais seuls £100 avaient été versées lorsque la procession fut annulée. Le plaignant chercha à récupérer cette somme en justice. Au lieu d’obtenir un tel remboursement, il se vit condamner à payer le solde de £41 15s par la Court of Appeal. La règle de common law ainsi posée (« the loss lies where it falls ») rencontra l’approbation de la House of Lords dix-sept ans plus tard à l’occasion du French Marine case. Elle la rejeta ensuite explicitement en 1943 dans le Fibrosa case par la voie d’un overruling46 de Chandler v Webster.
20Peu avant la décision de la House of Lords dans le Fibrosa case, le professeur Glanville Williams s’interrogea sur l’incidence du French Marine case quant au statut de la règle « the loss lies where it falls » dans l’hypothèse d’une disparition de la cause d’une convention ou de l’impossibilité d’exécuter un contrat suite à un événement indépendant de la volonté des parties47. Ayant souligné le caractère profondément injuste de cette règle et les critiques acerbes lancées à son encontre par le monde académique et la magistrature48, il tenta de déterminer si la House of Lords pouvait la rejeter tout en respectant les impératifs du principe du stare decisis. Ce remarquable common lawyer avoua qu’il lui était impossible de déterminer avec certitude si la règle décriée faisait partie de la ratio decidendi de la décision de la House of Lords dans le French Marine case49. Il conclut qu’au bout du compte, cela dépendrait de l’attitude que la House of Lords déciderait d’adopter en la matière50.
21A la suite du Fibrosa case dans lequel l’ensemble des Law Lords invalidèrent l’autorité de précédent de Chandler v Webster, le même Glanville Williams publia une étude fouillée sur le traitement qui y avait été réservé au French Marine case. Il s’exprima en ces termes : « The way in which the French marine case was treated in the Fibrosa case is interesting and important from the point of view of the doctrine of precedent. The French Marine case was not, of course, overruled. The House, though it may do the fortiter in re with regard to its own previous decisions, would not dream of behaving otherwise than suaviter modo. Suavity in this context may consist either in ignoring or in distinguishing the obnoxious precedent. Both these methods were applied to the French Marine case »51. Après avoir décortiqué les jugements des Law Lords sur ce point52, il conclut : « A strict adherent of the doctrine of precedent might regard all this as very cavalier treatment of their Lordships’ previous decision. But it will cause much satisfaction among the ranks of those who are opposed to the strict doctrine »53.
2.2.3. Le traitement du Earl Cowley case54 dans Public Trustee case55. Interprétation des articles 1 et 2 du Finance Act, 1894
22Dans le Earl Cowley case de 1899, Lord Macnaghten avait délivré le jugement principal (leading speech) dans lequel il déclara que les articles 1 et 2 du Finance Act de 1894, lesquels définissaient les situations donnant lieu à la naissance de droits de succession, s’excluaient mutuellement56. Cette opinion fut implicitement partagée par d’autres membres de la House of Lords, mais ne fut pas à proprement parler débattue car l’ensemble des Law Lords étaient d’avis que l’espèce relevait de l’article 1er57. Jusqu’en 1960, la portée attribuée aux articles 1 et 2 du Finance Act de 1894 par le très respecté Lord Macnaghten fut toujours traitée comme un principe fondamental dans la matière du droit des successions par le monde judiciaire anglais58. Dans le Public Trustee case, la House of Lords considéra cependant que cette interprétation était profondément erronée. Arguant qu’elle n’avait que l’autorité d’un obiter dictum, les Law Lords (à l’exception de Lord Keith)59 s’estimèrent en droit de la rejeter.
23Le jugement de Viscount Simonds, habituellement un fervent défenseur d’une conception orthodoxe du principe du stare decisis, montre combien la majorité de la House of Lords chercha à écarter un précédent gênant afin d’aboutir à une solution équitable60. Ce magistrat déclara notamment : « I believe that I yield to no one in the importance that I attach to the rule of precedent. But this case stands alone in my experience. Observations so patently wrong (may I be forgiven for saying so) that they leave only a sense of wonderment — unecessary to the decision... —flatly contradicted in 1924 by Lord Haldane who in 1914 had adopted them — the source of endless doubt and confusion to all who have been concerned in the examination or administration of this branch of law — all these factors lead me to the conclusion that I can properly invite your Lordships to say that sections 1 and 2 are not mutually exclusive »61.
2.2.4. Le traitement du Edler Dempster case62 dans le Midland Silicones case63. Effet relatif des contrats (principle of privity of contract)
24Dans le Midland Silicones case, une société d’arrimeurs, dont la responsabilité était engagée pour avoir déchargé des marchandises de manière négligente, invoquait une clause de limitation de responsabilité contenue dans la convention de connaissement dont elle n’était pas partie. La House of Lords fut ainsi confrontée au point de savoir si la décision qu’elle avait rendue dans le Edler Dempster case avait créé une exception générale au principe de l’effet relatif des contrats (lui-même consacré par une décision antérieure de la House of Lords)64 dans l’hypothèse d’un transport de biens par voie maritime. Si la réponse était positive, les appelants (arrimeurs) pouvaient invoquer contre les défendeurs (consignataires des marchandises) la clause limitative de responsabilité en faveur des transporteurs qui figurait dans la convention de connaissement.
25Le Edler Dempster case était réputé pour son manque d’intelligibilité en raison de l’hétérogénéité des motifs avancés par les Law Lords de la majorité en guise de justificatifs à leur décision65. A l’exception de Lord Denning, fervent adversaire du principle of privity of contract66, les autres membres de la House of Lords dans le Midland Silicones case étaient extrêmement désireux de rétablir le caractère absolu de ce principe. Si Lords Keith et Morris eurent recours aux procédés habituellement utilisés pour écarter un précédent gênant (respectivement, la technique des distinctions67 et l’argument d’autorité68, Viscount Simonds et Lord Reid attaquèrent le Edler Dempster case « de front »69. Afin de le neutraliser, ils « inventèrent »70 des exceptions à la règle du précédent obligatoire. Dans cette perspective, Viscount Simonds déclara : « I would cast no doubt upon the doctrine of stare decisis, without which law is at hazard. But I do reserve the right at least to say of any decision of this House that it does not depart from a long-established principle, and particularly dœs not do so without even mentioning it, unless that it made abundantly clear by the majority of the noble Lords who take part in it »71. Les propos de Lord Reid sont beaucoup plus « révolutionnaires » : « if one has to assume that every case has a ratio decidendi to be extracted from the speeches in this House by the ordinary methods of construction of written documents, I think that quite a number of cases will be found of which the rationes decidendi have not in fact been followed.... I would certainly not lightly disregard or depart from any ratio decidendi of this House. But there are at least three classes of cases where I think we are entitled to question or limit it :first, where it is obscure, secondly, where the decision itself is out of line with other authorities or established principles, and thirdly, where it is much wider than was necessary for the decision so that it becomes a question of how far it is proper to distinguish the earlier decision. The first two of these grounds appear to me to apply to the present case »72.
2.3. Conclusion : le London Tramways case ou la tentative avortée d’arrêter le temps jurisprudentiel
26Limiter l’autorité d’un précédent à des situations de fait excessivement restreintes (restrictive distinguishing), transformer une ratio decidendi en obiter dictum, omettre un précédent gênant, refaçonner la règle posée par un précédent et, de manière plus inhabituelle, créer une exception au principe du stare decisis, telles ont été les voies majeures par lesquelles la House of Lords a échappé à la trop grande rigueur de la règle du précédent obligatoire.
27L’attitude très libérale adoptée par la House of Lords vis-à-vis de certains de ses précédents73 a d’ailleurs parfois plongé les théoriciens du droit dans les affres de la perplexité. Comment donner du sens à deux décisions irréconciliables de la House of Lords rendues sous les auspices de la doctrine du stare decisis sans manquer de déférence aux membres éminents de cette juridiction suprême ? Dans cette perspective, Sir Frederick Pollock écrivit : « within recent years the House of Lords has given two decisions on questions arising out of trade unions disputes, of which we may not say that they are not consistent, but from which the profession has not yet succeeded in extracting any consistent and generally approved doctrine. We know that the second of them cannot overrule the first, but it has considerably modify the sense in which it was understood at time »74.
28Les manipulations dont le principe du stare decisis fit l’objet dans la pratique de la House of Lords traduisent finalement l’impossibilité radicale de figer le temps jurisprudentiel et l’irréductibilité de la fonction juridictionnelle aux postulats positivistes75. En renouvelant cette doctrine, la House of Lords réinstaura une dialectique entre stabilité et changement dans sa jurisprudence et se donna la possibilité d’en revenir à plus de transparence.
3. Le Practice Statement de 1966 : son incidence sur la transformation du droit par voie jurisprudentielle
3.1. Aperçu théorique — La technique de l’overruling76 comme moyen d’écarter un précédent de la House of Lords
29Depuis le Practice Statement de 1966, la House of Lords est sujette à « a qualified doctrine of horizontal bindingness »77 : ses précédents ont en principe force contraignante, mais elle est désormais habilitée à les invalider par la technique de l’overruling78. Ainsi est-il plus approprié de parler d’un « adoucissement de la théorie du stare decisis » à la House of Lords et non de son abandon79, une analyse corroborée par les propos de nombreux Law Lords soulignant la grande circonspection qui doit entourer tout recours au Practice Statement80.
30La notion d’overruling est intrinsèquement liée à celle de ratio decidendi. Comme l’explique le professeur Jim Harris, « the exercise of the overruling power has, as a necessary premise, the assumption that some proposition (x) has until this present judgment formed part of the law by virtue of the authority of the now-impugned earlier decision »81. Dès lors, pour qu’il y ait effectivement overruling, « it must appear that their Lordships recognise that the law prior to its present decision had authority of a ratio decidendi of the House which, up to this moment was binding on all inferior courts ; and that the House now lays down that the proposition founded on that earlier ratio decidendi is no longer to be treated as part of English law »82.
31Répondant à cette définition, neuf cas d’overrulings ont été recensés à ce jour83. Il serait donc irréaliste de parler d’effets révolutionnaires du Practice Statement dans la perspective d’une accélération du temps juridique. L’importance de cette déclaration ne doit cependant pas être sous-estimée : elle a incité la House of Lords à circonscrire le champ d’application du Practice Statement et l’a ainsi conduite à débattre plus ouvertement des principes régissant le changement de sa jurisprudence. De manière encore timide bien qu’incontestable, une méthodologie de la transformation de la règle jurisprudentielle émerge à l’heure actuelle des décisions de la House of Lords et semble déborder la sphère du Practice Statement proprement dit.
32Les principes mobilisés par la House of Lords lorsqu’elle opère un overruling ou lorsqu’elle refuse d’adopter une telle démarche (negative overruling cases)84 dépassent les lignes directrices fournies par le Practice Statement. Ils sont difficiles à articuler en raison de la réticence des Law Lords à l’idée de cataloguer les hypothèses dans lesquelles un overruling est souhaitable85. Une telle attitude reflète notamment leur volonté de ne pas s’enfermer dans un carcan théorique les privant de la flexibilité dont ils se sont dotés par l’adoption du Practice Statement. Ainsi, alors que dans Hudson, Lord Wilberforce semblait exclure la possibilité d’un overruling sur des questions d’interprétation d’actes législatifs86, il revint sur cette opinion dans Vestey où il déclara : « the discretion conferred by the Practice Statement... is a general one. We should exercise it sparingly and try to keep it governed by stated principles. But the fact that the circumstances of one particular case cannot be brought precisely within the formulae used in others, of a different character, should not be fatal to its exercise — or the discretion would become ossified »87.
33La question de l’existence d’une théorie générale de l’overruling a particulièrement retenu l’attention de trois auteurs parmi les common lawyers : les professeurs Julius Stone88, Alan Paterson89 et Jim Harris90. L’analyse de ce dernier est à mon sens la plus concluante, principalement parce qu’elle a le mérite de fournir un modèle capable d’inclure l’ensemble des instances dans lesquelles la House of Lords a rejeté l’un de ses précédents par l’exercice du Practice Statement ou a refusé de recourir à une telle démarche vis-à-vis d’un précédent dont l’exactitude reste sujette à caution.
3.2. La pratique — Les principes circonscrivant l’usage du Practice Statement dans la jurisprudence de la House of Lords à la lumière du modèle du professeur J. W. Harris
34Expliciter la thèse du professeur Harris selon laquelle il existe dans la jurisprudence de la House of Lords des principes qui, non seulement expliquent, mais également justifient le recours (ou le refus de recourir) au pouvoir conféré par le Practice Statement, tel sera l’objet des développements qui suivent. Ces derniers tendent également à appliquer le modèle de J.W. Harris aux instances qu’il n’a pu prendre en compte en raison de leur caractère postérieur à son étude.
35Dans son analyse, Jim Harris montre qu’avant de s’écarter d’un de ses précédents, la House of Lords se doit d’être convaincue qu’une telle démarche va dans le sens de l’amélioration du droit en général. Il souligne en outre que, même dans les hypothèses où un overruling entraînerait une telle amélioration, quatre principes restreignent l’usage du Practice Statement. Ces derniers mettent en jeu des considérations relatives à l’irrévocabilité des solutions juridiques, à la confiance légitime des justiciables, à la courtoisie envers le Législateur et aux limites de la demande en justice. Ils permettent de saisir pourquoi le caractère erroné d’un précédent ne peut en lui-même légitimer un recours au Practice Statement.
3.2.1. Condition préalable à l’exercice du Practice Statement : nécessité d’amélioration du droit. Caractère erroné d’un précédent, justice, sécurité juridique et cohérence
36La House of Lords ne recourt au Practice Statement que lorsqu’elle considère qu’une amélioration du droit en résultera91. A cet égard, comme l’illustre la célèbre déclaration de Lord Reid dans Knuller, le caractère manifestement erroné d’un précédent ne constitue pas un motif suffisant : « our change of practice in no longer regarding previous decisions of this House as absolutely binding does not mean that whenever we think that a previous decision was wrong we should reverse it. In the general interest of certainty in the law we must be sure that there is some very good reason before we so act »92. Ces propos sont particulièrement révélateurs quand ils sont pris dans leur contexte : dans Knuller, il s’agissait de décider du sort à réserver à Shaw93, un précédent très critiqué de la House of Lords qui avait établi une nouvelle infraction en matière de mœurs (crime of conspiracy to corrupt public morals) et à l’occasion duquel Lord Reid lui-même s’était farouchement opposé à la décision de la majorité de la House of Lords dans une opinion minoritaire (dissenting speech).
37Si le caractère erroné d’un précédent ne constitue pas un motif suffisant à l’exercice du Practice Statement, il n’en est pas non plus la condition nécessaire : un overruling peut être motivé à la lumière des transformations sociales, techniques ou commerciales qui sont survenues depuis l’époque du précédent incriminé. Dans Miliangos94, la House of Lords fut confrontée au point de savoir si les juridictions anglaises pouvaient rendre des décisions libellées en monnaie étrangère. Par une majorité de quatre contre un, les Law Lords répondirent par l’affirmative et écartèrent la « sterling judgment rule » que la House of Lords avait admise dans le Havana Railway case95. Ce faisant, ils ne plaidèrent pas que cette décision était erronée à l’époque de son prononcé, mais qu’en raison de nouveaux besoins économiques, une modification du droit s’imposait96. L’overruling d’Havana fut donc justifié tant à la lumière de transformations commerciales qui s’étaient produites depuis cette décision qu’au regard de la possibilité de formuler, « sans réelle difficulté pratique », une « nouvelle règle plus adéquate »97.
38L’amélioration du droit attribuée à un recours au Practice Statement n’est donc pas essentiellement tributaire de la correction d’une erreur qui se serait glissée dans l’arsenal juridique sous la forme d’un précédent incorrect. Lorsque la House of Lords évalue si un overruling produira un mieux juridique, le professeur Harris a montré qu’elle prend en compte des considérations de justice, de sécurité juridique et de cohérence98.
39Comme justifications présidant à l’abandon d’une doctrine stricte du stare decisis à la House of Lords, le Practice Statement suggère que « adherence to precedent may lead to injustice in a particular case and also unduly restrict the proper development of the law »99 Les Law Lords n’envisagent pas la question des effets injustes d’un précédent par rapport à l’issue d’une instance particulière, mais à la lumière d’une application généralisée de la règle contestée. Ce type d’approche est corroboré par le jugement de Lord Edmund-Davies dans Vestey à l’occasion duquel il affirma : « I am forced to the conclusion that the interests, not only of the respondents but of the public at large alike, demand that the claim of the executive in this matter be challenged and rejected »100. Dans cette décision, la House of Lords s’intéressa à la portée de l’article 412 de l’Income Tax Act, 1952. De manière unanime, les Law Lords rejetèrent l’interprétation de cette disposition donnée par la House of Lords dans Congreve101 en raison de ses conséquences arbitraires et injustes dans les espèces du type de Vestey. Il fut de plus souligné que de telles répercussions n’avaient pas été envisagées par la House of Lords lorsqu’elle décida Congreve.
40De l’avis de la House of Lords, une amélioration du droit peut être nécessaire parce que la règle actuelle produit des résultats imprévisibles et met ainsi en péril la sécurité juridique102. Dans The Johanna Oldendorff103, le débat tourna autour de la détermination de l’endroit où un cargo est réputé arrivé à son port de destination (« arrived ship »), afin d’établir qui supporte le coût d’un retard de livraison. A l’exception de Lord Morris, les Law Lords rejetèrent la décision de la House of Lords dans The Aello104 et substituèrent la règle du lieu d’attente habituel (« usual waiting place » rule) à celle du lieu où le déchargement peut s’effectuer (« available to load » rule). Ils justifièrent cette décision en montrant que la règle incriminée ne fournissait pas un test fiable quant à la détermination du moment où le délai de retard commence à courir105. Le souci de la House of Lords de rétablir la sécurité juridique par la voie d’un overruling est également manifeste dans Murphy106, une espèce mettant en jeu la responsabilité d’une administration locale. Dans cette décision, l’idée que le droit doit être constitué de règles susceptibles d’une application aisée fut l’une des raisons alléguées par les Law Lords pour écarter les propositions juridiques posées par la House of Lords dans Anns107, celles-ci étant accusées de générer de « capricious distinctions »108.
41La nécessité de disposer de règles juridiques intelligibles est souvent associée à l’impératif de cohérence en droit : une telle exigence milite en faveur du rejet d’un usage alambiqué de la technique des distinctions dans la mesure où un tel procédé compromet la prévisibilité des recours en justice. De l’avis de Lord Reid, le Practice Statement fut tout spécialement adopté pour rencontrer cette préoccupation : « it is notorious that where an existing decision is disapproved but cannot be overruled courts tend to distinguish it on inadequate grounds »109. Dans The Johanna Oldendorjf, Lord Reid s’évertua à montrer que la décision de la House of Lords dans The Aello subit un tel traitement dans des instances postérieures en raison de la manière insatisfaisante dont un « arrived ship » y était défini110. Dans la même veine, il fut accepté par la House of Lords dans Howe111 que le précédent incriminé (Lynch)112 avait engendré des « distinctions illogiques » dans les litiges ultérieurs, à savoir une différence de traitement injustifiée entre deux catégories de meurtriers traditionnellement établies en droit anglais113. Dans Lynch, la House of Lords avait décidé que la défense de provocation pouvait être plaidée par une personne accusée de meurtre en tant qu’aide ou complice (« principal in the second degree »). Ultérieurement, le Judicial Committee of the Privy Council refusa d’étendre ce moyen de défense aux personnes accusées de meurtre en tant qu’agents principaux (« principals in the first degree »)114. La présence de deux régimes juridiques différents pour l’infraction de meurtre fut considérée comme étant une source de confusions par l’unanimité de la House of Lords dans Howe, et Lynch fut écarté en vertu du Practice Statement.
42Des considérations de cohérence peuvent plus généralement avoir trait à la nécessaire cohésion d’un domaine juridique particulier. Dans le dernier cas d’overruling décidé par la House of Lords en 1996, Westdeutsche115, la question était de savoir si, lorsqu’une somme d’argent est payée par une partie à un contrat annulé ultérieurement en raison de l’incapacité de l’autre partie (ultra vires doctrine), la première dispose d’un titre particulier (proprietary claim) qui lui confère le droit de capitaliser les intérêts dus sur la somme originairement versée. En 1914, dans une décision particulièrement critiquée par le monde académique, la House of Lords avait répondu par l’affirmative116. Cette décision fut rejetée en vertu du Practice Statement dans Westdeutsche, notamment en raison de son décalage avec les développements ultérieurs du droit des quasi-contrats (law of restitution) et étant donné que son élimination en tant qu’autorité permettrait à la matière considérée d’être « established in accordance with principle and commercial common sense »117. Par contre, dans La Pintada118, l’argument de cohérence joua à l’encontre d’un overruling. Dans cette décision, l’ensemble des Law Lords reconnurent que la règle posée par London-Chatham119 générait des conséquences inéquitables vis-à-vis de certains créanciers. Ils s’opposèrent néanmoins à sa suppression par la voie d’un overruling, arguant notamment qu’une telle démarche engendrerait une différence de traitement illogique entre certaines catégories de créanciers, au vu des normes législatives en vigueur dans une matière connexe120.
3.2.2. Principes limitant l’exercice du Practice Statement
43Le modèle du professeur Harris articule quatre principes mobilisés par la House of Lords à titre de freins à l’usage du Practice Statement. Ils mettent en jeu des considérations relatives à l’irrévocabilité des solutions juridiques (« no-new reasons principle »), à la confiance légitime des justiciables (« justified reliance principle »), à la courtoisie envers le Législateur (« comity with the Legislature principle ») et aux limites de la demande en justice (« mootness principle »).
3.2.2.1. Le « no-new reasons principle »
44En vertu de ce principe, un overruling n’est admissible qu’à la condition que les arguments présentés pour et contre la règle de droit considérée introduisent des éléments non pris en compte dans le précédent incriminé121. Le concept de « nouvelles raisons » est entendu de manière très large par la House of Lords : négligence d’un principe de droit constitutionnel122 ou de common law123, omission d’un document établissant l’intention du Législateur124, non-évaluation des conséquences indésirables d’un précédent telles qu’elles sont apparues à la lumière de l’expérience125, changement de circonstances de nature à justifier une nouvelle solution juridique126, développement du droit dans une direction différente de celle de la doctrine du précédent incriminé127… Par contre, la question de savoir quelle est la lecture la plus naturelle à donner à une disposition législative est généralement présumée ne donner naissance à aucune « nouvelle raison »128.
45Le « no-new reasons principle » vise à assurer l’irrévocabilité des solutions juridiques (finality)129 et, par implication, à empêcher la House of Lords de changer son fusil d’épaule, c’est-à-dire de revenir à la solution du précédent incriminé par un deuxième overruling. De l’avis de Lord Pearson, « if a tenable view taken by a majority in the first appeal could be overruled by a majority preferring another tenable view in a second appeal, then the original tenable view could be restored by a majority preferring it in a third appeal. Finality of decision would be utterly lost »130. Il importe de noter que la crainte de double overrulings ne relève pas du pur cas d’école, car la House of Lords ne siège pas en assemblée plénière (in banc) quand elle envisage de s’écarter d’un de ses précédents131. En tout état de cause, une telle règle de procédure n’offrirait pas une garantie absolue, les Law Lords changeant parfois d’avis sur la solution à donner à un problème juridique. Il est ainsi des cas où un membre de la majorité de l’Appellate Committee qui rendit le précédent incriminé plaida ultérieurement en faveur de son invalidation par l’usage du Practice Statement132.
46L’exigence de « nouvelles raisons » pour justifier un overruling peut néanmoins être négligée dans les hypothèses où le précédent mis sur la sellette bafoua un principe fondamental de common law. Une telle attitude fut adoptée par la House of Lords dans Howe133 où, en rejetant Lynch134, elle fut soucieuse de ré-établir la règle traditionnelle de common law en vertu de laquelle la provocation ne peut jamais être un moyen de défense pour une personne accusée de meurtre, que ce soit à titre d’auteur, d’aide ou de complice (principal in the first or in the second degree)135.
3.2.2.2. Le « justified reliance principle »
47Comme un overruling opère de manière rétroactive et que la House of Lords s’est toujours défendue de recourir à la technique du prospective overruling136, un tel procédé est susceptible de mettre à mal les expectatives des citoyens : ils peuvent subir un préjudice pour avoir adapté leur comportement à la règle désormais rejetée137. Le Practice Statement lui-même exhorte les Law Lords à la prudence en insistant sur le danger de modifier rétroactivement les bases sur lesquelles les contrats, les accords relatifs aux biens et les arrangements fiscaux ont été conclus, ainsi que le besoin tout particulier de sécurité juridique en droit pénal138. Cependant, aucune branche du droit n’a été a priori exclue du champ d’application du Practice Statement, les Law Lords ayant considéré la question du respect des attentes légitimes dans le contexte spécifique de chaque instance. Par exemple, dans Westdeutsche139, Lord Browne-Wilkinson souligna que quoique le précédent incriminé Sinclair140 mettait en jeu des intérêts vis-à-vis desquels le Practice Statement recommandait la plus extrême circonspection (il s’agissait de property rights), un overruling en l’espèce ne devrait pas en pratique perturber les droits établis de longue date141.
48De par sa nature même, le principe du respect des attentes légitimes des citoyens est loin d’être absolu. D’une part, il a peu de poids dans les hypothèses où la règle incriminée a engendré des « distinctions » alambiquées (over-subtle distinctions) à l’occasion de litiges ultérieurs142. Dans de telles situations, un retour à la sécurité juridique commanderait plutôt l’usage du Practice Statement. D’autre part, il est des instances pour lesquelles plaider en faveur du respect des attentes légitimes a peu de sens, de telles attentes étant par essence inexistantes143.
49En droit pénal, la question du respect des expectatives des citoyens paraît beaucoup plus délicate en raison du principe fondamental qui prohibe toute répression d’un acte qui, au moment de sa commission, pouvait raisonnablement être considéré non-criminel. Cependant, dans Shivpuri144 et dans Howe145, le recours au Practice Statement eut pour effet d’étendre la sphère du droit pénal (interprétation extensive d’une infraction et réduction de la portée d’un moyen de défense). Ces deux instances montrent que, dans l’esprit de la House of Lords, le principe du respect des attentes légitimes des citoyens n’empêche pas l’usage du Practice Statement quand celui-ci rend pénalement répréhensible un comportement qui était préalablement licite. Une telle approche semble en accord avec celle adoptée récemment par la Cour européenne des droits de l’homme. Cette juridiction décida qu’en abolissant la règle de common law datant du dix-septième siècle, selon laquelle un mari ne peut être tenu coupable du chef de viol à l’égard de sa femme légitime (marital rape exemption), la House of Lords146 ne contrevint pas à l’article 7 (1) de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales147. A l’appui de sa décision, la Cour souligna qu’« il est solidement établi dans la tradition du Royaume-Uni comme des autres Etats parties à la Convention que la jurisprudence, en tant que source du droit, contribue nécessairement à l’évolution progressive du droit pénal »148. Elle ajouta qu’« on ne saurait interpréter l’article 7 de la Convention comme proscrivant la clarification graduelle des règles de la responsabilité pénale par l’interprétation judiciaire d’une affaire à l’autre, à condition que le résultat soit cohérent avec la substance de l’infraction et raisonnablement prévisible »149. En l’espèce, la Cour estima que ces deux exigences avaient été respectées.
3.2.2.3. Le « comity with the Legislature principle »
50Le principe de courtoisie envers le Législateur implique que la House of Lords ne s’écarte pas d’un de ses précédents si, à la suite de celui-ci, le Législateur a agi en regardant la proposition juridique qu’il contient comme fixant le droit en vigueur150. Un tel argument fut notamment invoqué dans Knuller151 par plusieurs Law Lords : ceux-ci soulignèrent que depuis le précédent incriminé, Shaw152, qui avait établi une nouvelle infraction en matière de mœurs (crime of conspiracy to corrupt public morals), le Parlement était intervenu dans ce domaine du droit pénal sans pour autant abroger l’infraction critiquée153. Cependant, un tel principe est regardé avec une grande perplexité par certains Law Lords. Ainsi, Lord Reid qui s’opposa également au rejet de Shaw dans Knuller, déclara : « I am not greatly impressed by the argument that Parliament must be held to have approved that decision because in recent years there have been several occasions when Parliament could appropriately have dealt with it if it had disapproved of the decision »154.
51De manière plus générale, il importe de noter que la délimitation du rôle à jouer par la House of Lords dans le développement du droit est un facteur pris en compte par les Law Lords quand ils envisagent de recourir au Practice Statement. Des termes de Lord Scarman dans Khawaja155 (une décision dans laquelle la House of Lords rejeta l’interprétation qu’elle avait donnée dans Zamir156 de l’expression « illegal entrant » figurant à l’article 33 de l’Immigration Act, 1971) « the possibility that legislation may be the better course is one which, though not mentioned in the Statement, the House will not overlook »157. Dans cette perspective, Lord Wilberforce déclara dans Miliangos158 : « it is entirely within this House’s duty, in the course of administering justice, to give the law a new direction in a particular case where, on principle and in reason, it appears right to do so. I cannot accept the suggestion that because a rule is long established only legislation can change it - that may be so when the rule is so deeply entrenched that it has infected the whole legal system, or the choice of a new rule involves more far-reaching research than courts can carry out »159.
3.2.2.4. Le « mootness principle » dans les instances de droit civil
52La « mootness doctrine », célèbre dans la jurisprudence de la Cour suprême des Etats-Unis d’Amérique, prescrit aux juridictions de s’abstenir de changer ou de développer le droit lorsqu’une telle attitude n’a pas d’implication sur l’affaire en cause160. En mettant l’accent sur le fait que la résolution des litiges reste la mission première d’une cour de justice, ce principe tend à maintenir un équilibre entre les fonctions imparties respectivement au Législateur et au pouvoir judiciaire. Dans les matières de droit civil où le besoin de sécurité juridique n’est pas aussi fondamental qu’en droit pénal, les Law Lords semblent d’avis qu’un overruling n’est pas justifié si, en vertu des circonstances de l’espèce, il ne modifiera pas l’issue du recours161. Dans cette perspective, Lord Goff déclara dans Antclizo : « Your Lordships’ House has repeatedly stressed that they will not embark on an inquiry into an issue which is only of academic interest... ; a fortiori they should not do so where the inquiry involves a review of a previous decision of your Lordships’ House, because it cannot be right to hold, obiter, that such a previous decision was wrong »162. Dans les instances où la House of Lords accepta de recourir au Practice Statement, le mootness principle est également pris en compte : les Law Lords s’y attellent à montrer que « distinguer » le précédent critiqué serait inadéquat et que le recours à la technique de l’overruling constitue la seule voie appropriée.
53Le « mootness principle » est cependant loin d’être concluant. Ainsi, dans Murphy, la House of Lords rejeta à l’unanimité la règle qu’elle avait posée dans Anns163, selon laquelle une administration locale, qui exerce de manière négligente son pouvoir de contrôler la conformité de constructions destinées à l’habitation avec la réglementation en vigueur, est tenue à des dommages et intérêts si le bâtiment se révèle dangereux pour la santé ou la sécurité de ses occupants. Dans Murphy164, la House of Lords aurait pu néanmoins éviter de recourir au Practice Statement tout en donnant gain de cause à l’administration locale : au vu des circonstances particulières de l’espèce, elle aurait pu juger que ni la santé, ni la sécurité des occupants n’étaient en péril165 ; d’autre part, elle aurait pu facilement décider que l’autorité locale n’avait pas été négligente en l’espèce, étant donné qu’elle avait pris la peine de consulter des ingénieurs réputés pour leur compétence lorsqu’elle contrôla l’habitabilité du bâtiment litigieux... Mais en 1991, la House of Lords désirait manifestement en finir avec Anns166 !
3.3. Conclusion : le Practice Statement de 1966 ou l’émergence d’une méthodologie du changement de la règle jurisprudentielle
54Le Practice Statement implique formellement la reconnaissance du phénomène de création du droit par les juges et constitue un moment décisif dans l’abandon de la conception selon laquelle les juges sont seulement les « découvreurs » et les « interprètes » du droit167. Il traduit plus particulièrement le rôle fondamental de la House of Lords à cet égard et tend à légitimer son rôle dans le processus de modernisation du droit168. Travaillant dans un cadre institutionnel bâti autour des principes de souveraineté parlementaire et de responsabilité démocratique, les Law Lords ne désirent cependant pas apparaître comme des usurpateurs de la fonction législative. En conséquence, ils ont recours au pouvoir conféré par le Practice Statement avec une extrême circonspection et s’efforcent de régir son usage par le respect de divers standards. Dans cette mesure, ils ont répondu au souhait formulé en 1965 par R. Stevens : « if the law lords are given the power to overrule their own earlier decisions, the power will only lead to intelligent results if the judges are willing to discuss more openly the processes they are using »169.
55Le professeur Julius Stone a suggéré que la question de l’exercice de la liberté de s’écarter d’un précédent répond finalement à des choix très proches de ceux mis en jeu dans le développement continuel de la common law170. Dans cette perspective, il est frappant de constater la similarité des principes mobilisés par la House of Lords lorsqu’elle rejette l’un de ses précédents par la voie d’un overruling avec les critères définis par Lord Lowry en 1995 quand il débattit des limites de la fonction du pouvoir judiciaire dans l’adaptation des règles de common law. Il s’exprima en ces termes : « It is hard, when discussing the propriety of judicial law-making, to reason conclusively from one situation to another... I believe, however, that one can find in the authorities some aids to navigation across an uncertainly charted sea. (1) If the solution is doubtful, the judges should beware of imposing their own remedy. (2) Caution should prevail if Parliament has rejected opportunities of clearing up a known difficulty or has legislated, while leaving the difficulty untouched. (3) Disputed matters of social policy are less suitable areas for judicial intervention than purely legal problems. (4) Fundamental legal doctrines should not be lightly set aside. (5) Judges should not make a change unless they can achieve finality and certainty »171.
56Nonobstant le scepticisme affiché par certains commentateurs quant à l’importance du Practice Statement au vu des techniques utilisées par la House of Lords avant 1966 pour écarter des précédents inopportuns172, cette déclaration a incité les Law Lords à faire preuve de plus de transparence quand ils participent au renouvellement du droit. Il importe néanmoins de ne pas se fourvoyer. Les principes circonscrivant l’utilisation du Practice Statement ne sont somme toute que des autorégulations mobilisées par la House of Lords qui demeure maître suprême de sa jurisprudence, sauf au Législateur à intervenir pour contrarier l’autorité d’un précédent. De plus, les questions de droit substantiel restent le centre d’attention premier des Law Lords, aucun d’entre eux n’ayant jamais tenté d’articuler les principes régissant le recours au Practice Statement. En outre, il importe de garder à l’esprit que l’overruling n’est que l’une des techniques utilisées par la House of Lords pour modifier la portée de ses précédents, les méthodes traditionnelles de « distinguishing » restant largement à l’ordre du jour173.
4. Remarques finales
57Cette étude n’a certes pas la prétention de réfuter le constat général d’accélération du temps juridique dans les sociétés occidentales. Elle constitue simplement une mise en garde contre les abus qu’il y aurait à penser la temporalité dans nos systèmes juridiques uniquement en termes d’accélération. Dans cet esprit, j’ai tenté de montrer que la rupture de la House of Lords avec un strict principe du stare decisis en 1966 reflète plus le souci de rencontrer la question de la méthodologie du changement de la jurisprudence que la volonté de précipiter l’élaboration du droit par voie jurisprudentielle.
58Par le Practice Statement de 1966, la House of Lords renoue avec la dialectique entre stabilité et changement. Rejetant sa position intenable de la fin du dix-neuvième siècle qui soumettait ses décisions au « temps intemporel de la dogmatique juridique » en les inscrivant résolument du côté du pôle de la stabilité, elle reconnaît que le temps de la jurisprudence est celui de « l’alternance, entre l’avance et le retard »174. Ce faisant, elle en revient à une méthodologie qui s’apparente à celle ayant présidé au lent développement de la common law. Au lieu d’être cristallisée dans les règles de droit substantiel, la continuité opère au sein même du raisonnement judiciaire175, par la voie d’une constante « réverbération du passé sur le futur »176. Dans cette perspective, l’existence de principes gouvernant l’usage du Practice Statement traduit une procéduralisation de la vérité en lieu et place d’une conception monolithique de celle-ci.
Notes de bas de page
1 F. OST, Le temps virtuel des lois contemporaines ou comment le droit est traité dans la société de l’information, in J.T., 1997, p. 57.
2 F. OST, L’instantané ou l’institué ? L’institué ou l’instituant ? Le droit a-t-il pour vocation de durer ?, in F. OST et M. VAN HOECKE (sous la direction de), Temps et droit. Le droit a-t-il pour vocation de durer ?, Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 14.
3 Pour un compte-rendu critique de ces différents modèles, voir F. OST, Le temps virtuel des lois contemporaines ou comment le droit est traité dans la société de l’information, in J.T., 1997, p. 54.
4 La formule stare decisis est en réalité la contraction de l’expression stare rationibus decidendis (« keep to the rationes decidendi of past cases ») ou de stare decisis et non quieta movere (« to stand by decisions and disturb not what is settled »). Voir C. S. LOBINGIER, Precedent in Past and Present Legal Systems (1946) 44 Michigan LR 959 ; R. CROSS and J.W. HARRIS, Precedent in English Law (Oxford, Clarendon Press, 4th ed., 1991) 100.
Bien qu’originairement, le principe du stare decisis désigne le caractère désirable ou la pratique de se conformer aux précédents, cette locution est généralement utilisée par les auteurs anglais contemporains comme un synonyme de la règle du précédent obligatoire (binding precedent). Sur les différentes acceptions de l’expression « stare decisis », voir S.H. BAILEY and M.J. GUNN, Smith and Bailey on the Modem English Legal System (London, Sweet & Maxwell, 3rd ed., 1996) footnote 2 at p. 413.
5 Practice Statement (Judicial precedent) [1966] 1 WLR 1234.
6 Voir Lord DENNING, From Precedent to Precedent (Romanes Lectures delivered at the University of Oxford, on the 21 st May 1959), in The Discipline of Law (London, Butterworths, 1979) 296.
7 Practice Statement (Judicial precedent) [1966] 1 WLR 1234. Pour une traduction française de cette déclaration, consulter E. AGOSTINI, Droit comparé, Paris, P.U.F., 1988, p. 222-223 ; G. DWORKIN, Un adoucissement de ta théorie du stare decisis à la Chambre des Lords, in R.I.D.C., 1967, p. 190. Voir aussi la note explicative communiquée à la presse par la House of Lords en même temps que le Practice Statement et reproduite dans M. ZANDER, The Law-Making Process (London, Butterworths, 4th ed. 1994) 192-193.
8 J.H. LANGBEIN, Modem Jurisprudence in the House of Lords : the Passing of London Tramways, (1968) 53 Cornell LR footnote 2 at p. 808 ; R. CROSS and J.W. HARRIS, Precedent in English Law, op. cit., 104.
9 London Tramways v London County Council [1898] AC 375, HL. Remarquez que le Law Report mentionne le nom de l’appelant de manière erronée ; consulter R. CROSS and J.W. HARRIS, ibid., footnote 22 at p. 102.
10 London Tramways v London County Council 11898] AC 375, 379, HL. En réalité, depuis la décision de la House of Lords dans Beamish v Beamish en 1861 (9 HL Cas 735 ; 11 ER 735), il semble acquis que la House of Lords se considère liée par ses précédents (voir P.J. EVANS, Change in the Doctrine of Precedent during the Nineteenth century, in L. Goldstein (ed.), Precedent in Law (Oxford, Clarendon Press, 1991)58 ; R. CROSS and J.W. HARRIS, ibid., 102). Cependant, le London Tramways case est l’autorité habituellement citée par le monde académique et la magistrature à cet égard et ce, probablement en raison du fait que cette décision intervint après l’Appellate Jurisdiction Act de 1876 qui conféra à la House of Lords sa forme contemporaine en mettant fin au recrutement de ses membres par voie héréditaire.
11 Les propos tenus par Earl of Halsbury L.C. sont les suivants : « I do not deny that cases of individual hardship may arise, and there may be a current of opinion in the profession that such and such a judgment was erroneous ; but what is that occasional interference with what is perhaps abstract justice as compared with the inconvenience — the disastrous inconvenience — of having each question subject to being reargued and the dealing of mankind rendered doubtful by reason of different decisions, so that in truth and in fact there would be no real final Court of Appeal ? » ([1898] AC 375, 380, HL).
12 London Tramways v London County Council [1898] AC 375, 380 per Lord Halsbury.
13 M. ZANDER, The Law-Making Process (London, Butterworths, 4th ed., 1994) 263 ; R.J. WALKER and R. WARD. Walker & Walker’s English Legal System (London, Butterworths, 7th ed., 1994) 60 ; S.H. BAILEY and M.J. GUNN, Smith and Bailey on the Modem English Legal System (London, Sweet & Maxwell, 3rd edn, 1996) 413.
La notion de ratio decidendi est la source de nombreux débats en théorie du droit. A ce sujet, comparer A.L. GOODHART, Determining the Ratio Decidendi of a Case, in Essays in Jurisprudence and the Common Law (Cambridge, CUP, 1931) 1-26 ; J.L. MONTROSE, The Ratio Decidendi of a Case (1957) 20 MLR 587-595 ; J. STONE, The Ratio of the Ratio Decidendi (1959) 22 MLR 597-620 ; A.W.B. SIMPSON, The Ratio Decidendi of a Case and the Doctrine of Binding Precedent, in A.G. Guest (ed.), Oxfords Essays in Jurisprudence (Oxford, OUP, 1st Series, 1961) 159-163, 169-170 ; R.CROSS, The House of Lords and the Rules of Precedent, in P.M.S. Hacker and J. Raz (ed.), Law, Morality and Society (Oxford, Clarendon Press, 1977) 153 ; D.N. MACCORMICK, Why Cases Have Rationes and What These Are, in L. Goldstein (ed.), Precedent in Law, op. cit., 155-182.
14 G.L. WILLIAMS, Salmond on Jurisprudence (London, Sweet & Maxwell Ltd, 11th ed., 1957) 224.
15 Z. BANKOWSKI, D.N. MACCORMICK and G. MARSHALL, Precedent in the United Kingdom, in MacCormick, D.N, and Summers, R.S. (ed), Interpreting Precedents : a Comparative Study (Aldershot, Dartmouth Publishing Co Ltd, Ashgate Publishing Ltd, 1997) 336.
16 G.L. WILLIAMS, Learning the Law (London, Stevens & Sons, 11th ed., 1982) 72.
17 M. ZANDER, The Law-Making Process (London, Butterworths, 4th ed., 1994) 263-264.
18 I. MCLEOD, Legal Method (London, Macmillan Press, 1993) 116 ; M. ZANDER, The Law-Making Process, ibid., 269.
19 A.W.B. SIMPSON, The Ratio Decidendi of a Case and the Doctrine of Binding Precedent, in A.G. Guest (ed.), Oxfords Essays in Jurisprudence (Oxford, OUP, 1st Series, 1961) 175 ; R.W.M. DIAS jurisprudence (London, Butterworths, 5th ed., 1985) 145-146.
20 Outre les auteurs cités aux deux notes suivantes, voir A.L. GOODHART, “Note” (1966) 82 LQR 442 ; G. DWORKIN, Un adoucissement de la théorie du stare decisis à la Chambre des Lords, op. cit., p. 187 ; L.J. BLOM-COOPER and G.R. DREWRY, Final Appeal. A Study of the House of Lords in its Judicial Capacity (Oxford, Clarendon Press, 1972) 517 ; J. STONE, On the Liberation of Appellate Judges. How not to do it ! (1972) 35 MLR 468 ; M.D.A. FREEMAN, Lloyd’s Introduction to Jurisprudence (London, Sweet & Maxwell Ltd, 6th ed., 1994) 1262.
21 G.R. RUDD, The English Legal System (London, Butterworths, 1962) 52.
22 Théoricien du droit américain, M. Radin estime avec pragmatisme que la House of Lords a parfois rejeté un de ses précédents par la voie d’un overruling. Les auteurs anglais se gardent en général d’émettre une telle opinion. Afin d’assurer une cohérence entre la pratique et les principes, ils s’efforcent plutôt de donner du sens aux décisions de la House of Lords dans les limites du prescrit de la règle du précédent obligatoire. Voir, par exemple, les propos reproduits infra de Sir F. POLLOCK, A First Book of Jurisprudence (London, Macmillan and Co Ltd, 4th ed., 1918) footnote 2 at p. 338 et de G.L. WILLIAMS, The End of Chandler v. Webster (1942) 6 MLR 47.
23 M. RADIN, The Trail of the Calf (1946) 32 Cornell LQ 143. Voir aussi W.O. DOUGLAS, Stare Decisis, The eight annual Benjamin N. Cardozo Lecture delivered on the 12th April 1949 (New York, the Association of the Bar of the City of New York, 1949) 22.
24 Derry v Peek (1889) 14 App Cas 337, HL.
25 Hedley Byrne & Co Ltd v Heller and Partners Ltd [1964] AC 465, HL.
26 Cette décision de la House of Lords suscita la désapprobation du Parlement qui adopta le Directors’Liability Act, 1890. Cette réaction législative fut cependant limitée au domaine du droit commercial. Voir P.H. WINFIELD, The Law of Tort (1935) 51 LQR 258.
27 En ce sens, voir R.B. STEVENS, Hedley Byrne v. Heller : Judicial Creativity and Doctrinal Possibility (1964) 27 MLR 132 ; Law and Politics. The House of Lords as a Judicial Body, 1800-1976 (London, Weidenfeld and Nicolson, 1978) 156.
28 Derry v Peek (1889) 14 App Cas 337, 347, HL.
29 (1889) 14 App Cas 337, 352, HL. Voir aussi p. 350 per Lord Bramwell et p. 376 per Lord Herschell.
30 Hedley Byrne & Co Ltd v Heller and Partners Ltd [1964] AC 465,466, HL (selon la formule de l’éditeur, telle qu’elle synthétise les opinions émises sur ce point : p. 486 per Lord Reid, p. 502-503 per Lord Morris, p. 514 per Lord Hodson, p. 529-530 per Lord Devlin, p. 539 per Lord Pearce).
31 [1964] AC 465, 492 per Lord Reid, 504 per Lord Morris, 511 per Lord Hodson, 533 per Lord Devlin, 540 per Lord Pearce.
32 R.B. STEVENS, Hedley Byrne v. Heller : Judicial Creativity and Doctrinal Possibility, op. cit., 132 ; Law and Politics. The House of Lords as a Judicial Body, 1800-1976, op. cit., 156 ; B.A. HEPPLE and M.H. MATTHEWS, Tort : Cases and Materials (London, Butterworths, 4th ed., 1991) 168 ; D. HOWARTH, Textbook on Tort (London, Butterworths, 1995) 270 ; Z. BANKOWSKI, D.N. MACCORMICK and G. MARSHALL, Precedent in the United Kingdom, op. cit., 344.
33 Lord Hodson jugea que Derry v Peek « certainly decided that careless statements recklessly but honestly made by directors in a prospectus issued to the public were not actionable on the basis of fraud, and inferentially that such statements would not be actionable in negligence (which had not in fact been pleaded) » ([1964] AC 465, 508 (c’est moi qui souligne), HL). Lord Devlin, quant à lui, déclara que « there was in Derry v Peek...no plea of innocent or negligent misrepresentation and so their Lordships did not make any pronouncement on that. I am bound to say that had there been such a plea I am sure that the House would have reiected it » ([1964] AC 465, 518-519 (c’est moi qui souligne), HL).
34 En ce sens, voir P.H. WINFIELD, The Law of Tort (1935) 51 LQR 258.
35 Le Lievre and Dennes v Gould [1893] 1 QB 491, 498, CA.
36 Candler v Crane Christmas & Co [1951] 2 K B 164, 165, CA (selon la formule de l’éditeur, telle qu’elle synthétise les opinions émises sur ce point : p. 185 per Asquith L.J., p. 196 per Cohen L.J.). Il importe cependant de noter que Lord Denning ne partagea pas l’opinion de la majorité de la Court of Appeal sur la portée qu’elle conféra à la décision de la House of Lords dans Derry v Peek ([1951] 2 KB 164, 177, CA).
37 Hedley Byrne & Co Ltd v Heller and Partners Ltd [1964] AC 465, 484 per Lord Reid, 500 per Lord Morris, 512 per Lord Hodson, 516 & 518 per Lord Devlin, 535 per Lord Pearce. Voir B.A. HEPPLE and M.H. MATTHEWS, Tort : Cases and Materials, op. cit., 168 ; J. STAPLETON, Duty of Care and Economic Loss : a Wider Agenda (1991) 107 LQR 260.
38 R.B. STEVENS, Hedley Byrne v. Heller : Judicial Creativite and Doctinal Possibilite, op. cit., 27 MLR 131.
39 En ce sens, voir P.H. WINFIELD, The Law of Tort (1935) 51 LQR 258.
40 Le professeur Julius Stone s’est particulièrement intéressé à cette question : « Poor, indeed, must be the common lawyer who has not paused to ask... how the ‘perpetual process of change’ in the body of the common law ‘can be reconciled with the principle of authority and the rule of stare decisis ?’... He is challenged to ask what magic at the heart of the system of stare decisis can transform a symbol of immobility into a vehicule of change ? » (The Ratio of the Ratio Decidendi (1959) 22 MLR 597).
41 R. CROSS and J.W. HARRIS, Precedent in English Law, op. cit., 79-80. Pour une opinion plus nuancée, voir R.W.M. DIAS, Jurisprudence (London, Butterworths, 5th ed., 1985) footnote 6 at p. 148.
42 French Marine v Compagnie Napolitaine d’Eclairage et de Chauffage par te Gaz [1921] 2 AC 494, HL.
43 Fibrosa Spolka Akcyjna v Fairbairn Lawson Combe Barbour Ltd [1943] AC 32, HL. Sur l’incidence du Fibrosa case en droit positif, voir R.B. STEVENS, Law and Politics. The House of Lords as a Judicial Body, 1800-1976, op. cit., footnote 198 at p. 388.
44 Sur les notions de consideration et de frustration en droit anglais des contrats, voir M.P. FURMSTON, Cheshire, Fifoot and Furmston’s Law of Contract (London, Butterworths, 12th ed., 1991) 70, 529. Pour une approche comparative des concepts de cause en droit français et de consideration en droit anglais, voir B.S. MARKESINIS, La notion de consideration dans la common law : Vieux problèmes. Nouvelles théories, in R.R.J., 1985, p. 586-596.
45 [1904] 1 KB 493, CA.
46 L’overruling est la technique par laquelle une décision judiciaire est rejetée de l’arsenal juridique en tant que précédent. Un overruling se distingue d’un reversal of judgment qui consiste, pour une juridiction d’appel, à renverser la décision d’une juridiction inférieure et à substituer sa propre décision. Lorsqu’un overruling est prononcé, il n’affecte pas la situation juridique des parties au regard desquelles le précédent critiqué fut rendu. Celles-ci restent liées par le principe de l’autorité de la chose jugée (res judicata). De plus, alors qu’un overruling suppose nécessairement la désapprobation de la ratio decidendi du précédent considéré, un reversal of judgment peut être fondé sur d’autres considérations. Voir R.W.M. DIAS, Jurisprudence, op. cit., 144-151 ; A.K.R. KIRALFY, The English Legal System (London, Sweet & Maxwell, 8th ed., 1990) 82 ; Z. BANKOWSKI, D.N. MACCORMICK and G. MARSHALL, Precedent in the United Kingdom, op. cit., 328.
47 G.L WILLIAMS, The Coronation Cases – II (1941) 5 MLR 9-13.
48 G.L WILLIAMS, ibid., 5 MLR 9 et les références citées aux notes 44 et 45. Voir aussi H.C. GUTTERIDGE, Contract and Commercial Law (1935) 51 LQR 112 et les références citées à la note 42.
49 G.L WILLIAMS, ibid., 5 MLR 10.
50 G.L WILLIAMS, ibid., 5 MLR 13.
51 G.L. WILLIAMS, The End of Chandler v. Webster (1942) 6 MLR 47 (c’est moi qui souligne).
52 Fibrosa Spolka Akcyjna v Fairbairn Lawson Combe Barbour Ltd [1943] AC 32, 43-44 per Viscount Simonds L.C., 54 per Lord Atkin, 71 per Lord Wright, 73-74 per Lord Roche, 79-80 per Lord Porter. Ni Lord Russell, ni Lord Macmillan ne daignèrent citer le French Marine case dans leur jugement.
53 G.L. WILLIAMS, The End of Chandler v. Webster (1942) 6 MLR 48. Voir aussi G.L. WILLIAMS, Salmond on Jurisprudence (London, Sweet & Maxwell Ltd, 10th ed., 1947) 198.
54 Earl Cowley v The Commissioners of Inland Revenue [1899] AC 198, HL.
55 Public Trustee v Inland Revenue Commissioners [I960] AC 398, HL.
56 [1899] AC 198, 212, HL.
57 [1899] AC 198, 207 per Earl of Halsbury L.C., 217 per Lord Shand, 218 per Lord Davey (mais voir p. 219 où Lord Davey semble se contredire).
58 Voir C.K. ALLEN, Precedent Limps On (1965) 81 LQR 36.
59 [1960] AC 398,429, HL.
60 En ce sens, voir G. DWORKIN, Stare Decisis in the House of Lords (1962) 25 MLR footnote 9 at p. 165, p. 170.
61 [1960] AC 398,415-416, HL ; voir aussi p. 417 et 419-421 per Lord Radcliffe, p. 428 per Lord Cohen.
62 Elder, Dempster & Co Ltd v Paterson, Zochonis & Co Ltd [1924] AC 522, HL.
63 Scrutions Ltd v Midland Silicones Ltd [1962] AC 446, HL.
64 Dunlop Pneumatic Tyre Co Ltd v Selfridge & Co Ltd [1915] AC 847, HL.
65 Voir C.K. ALLEN, Precedent Limps On (1965) 81 LQR 36 ; G. DWORKIN, Stare Decisis in the House of Lords (1962) 25 MLR 171 ; R. CROSS, State Decisis in Contemporary England (1966) 82 LQR 210.
66 Lord DENNING, The Discipline of Law (London, Butterworths, 1979) 289-290. Dans Scrutions Ltd v Midland Silicones Ltd, il est particulièrement amusant de voir Lord Denning (le juge « rebelle ») adopter une approche orthodoxe à l’égard du principe du stare decisis. Avec une pointe d’ironie, Alan Paterson note que « Lord Denning’s chiding of his colleagues for not following a binding precedent of the House is of particular interest. He appears to delight in using the arguments against his colleagues which they have previously used against him. Thus in Scruttons he quoted the arguments which the majority in Close v. Steel Co. used against him, against his colleagues » (The Law Lords (London, Macmillan Press, 1982) footnote 94 at p. 249).
67 Lord Keith jugea que « the present case on its facts is far removed from the Edler Dempster case » ([1962] AC 446, 480, HL).
68 Lord Morris affirma purement et simplement que le Edler Dempster case n’avait pas pu établir une exception à la doctrine de l’effet relatif des contrats ([1962] AC 446, 494, HL).
69 Viscound Simonds et Lord Reid eurent également recours à la technique des distinctions, mais de manière incidente ([1962] AC 446, 469, 475, 479, HL).
70 Selon l’expression de G. Dworkin (Un adoucissement de la théorie du stare decisis à la Chambre des Lords, op. cit., p. 189).
71 [1962] AC 446, 469, HL.
72 [1962] AC 446, 476-477, HL.
73 Il est important de noter que la House of Lords n’a pas toujours, loin s’en faut, adopté une attitude « libérale » vis-à-vis de ses précédents. Elle a parfois refusé d’éluder un de ses précédents ayant posé une règle unanimement qualifiée d’injuste ou d’absurde et les déclarations dans lesquelles certains Law Lords en appellent au strict respect d’un précédent en se refusant toute latitude d’en questionner la pertinence sont loin d’être l’exception. Voir, par exemple, Cull v Commissioners of Inland Revenue Commissioners ([1940] AC 51, 60 per Lord Atkin, 65-66 per Lord Macmillan, 68-69 per Lord Wright) et le commentaire de Lord WRIGHT, “Precedent” (1943) 8 CLJ 123 ; Nash v Tamplin & Sons Brewery Brighton Ltd [1952] AC 231, HL et les « judicial regrets » exprimés par Lord Reid, p. 250 ; Myers v DPP [1965] AC 1001. 1021-1022 per Lord Reid et le commentaire de C.K. ALLEN, Precedent Limps On (1965) 81 LQR 38.
74 Sir F. POLLOCK, A First Book of Jurisprudence (London, Macmillan and Co Ltd, 4th ed., 1918) footnote 2 at p. 338.
75 Il importe de rappeler que l’emprise de la conception positiviste en théorie du droit au dix-neuvième siècle fut l’une des causes majeures de l’émergence d’un strict principe du stare decisis à la House of Lords. Voir D.N. MACCORMICK, Can stare decisis be abolished ? (1966) 78 JR 204205 ; J.A. JOLOWICZ, La jurisprudence en droit anglais : aperçu sur la règle du précédent, in Arch. phil. dr., 1985, p. 108 ; P.S. ATIYAH, and R.S. SUMMERS, Form and Substance in Anglo-American Law. A Comparative Study of Legal Reasoning, Legal Theory, and Legal Institutions (Oxford, Clarendon Press, 1987) 240-245 ; P.J. EVANS, Change in the Doctrine of Precedent during the Nineteenth century, op. cit., 35-36, 64-71 ; G.J. POSTEMA, Roots of our Notion of Precedent, in L. Goldstein (ed.). Precedent in Law, 11 14 ; P. WESLEY-SMITH, Theories of Adjudication and the Status of Stare Decisis, in L. Goldstein (ed.), Precedent in Law, op. cit., 82-83.
76 Le concept d’overruling n’a pas d’équivalent fonctionnel dans notre tradition juridique qui ne connaît pas le système du précédent obligatoire. Le traduire par « abrogation », « annulation », « cassation », « résiliation », « révocation », « invalidation » ou « infirmation » me semble inapproprié en raison des contextes spécifiques dans lesquels ces termes sont utilisés en droit belge. D’autre part, les expressions « rejet », « suppression », « élimination » me paraissent juridiquement « trop neutres ». En conséquence, j’ai choisi de conserver la formule anglaise.
77 Z. BANKOWSKI, D.N. MACCORMICK and G. MARSHALL, Precedent in the United Kingdom, op. cit., 329, voir aussi p. 326. Consulter également A. PECZENIK, The Binding Force of Precedent, in MacCormick, D.N. and Summers, R.S. (eds), Interpreting Precedents : a Comparative Study, 475.
R. Bronaugh estime cependant qu’il est théoriquement plus correct de parler d’une forte valeur « persuasive » des précédents de la House of Lords plutôt que d’une valeur contraignante conditionnelle (Persuasive Precedent, in L. Goldstein (ed.), Precedent in Law, op. cit., 241). Sa thèse rejoint celle défendue par Lord Diplock dans Saif Ali v Sydney Mitchell and Co : « In this House,... since the Practice Direction of 1966...,all propositions of law laid down in the speeches in previous appeals are persuasive only » ([1980] AC 198, 217, HL). Cependant, comme l’a très justement noté Stephen Perry, « [s]uch a characterization does not, however, seem to accord very well with actual English practice » (Judicial Obligation, Precedent and the Common law » (1987) 7 OJLS footnote 108 at 246).
78 Il importe de noter que les années qui suivirent le prononcé du Practice Statement virent se développer une polémique relative à sa validité. Il fut accusé d’être auto-référentiel et anticonstitutionnel par certains auteurs. Ce débat demeura cependant largement académique.
Sur la question de la validité du Practice Statement telle qu’elle fut débattue au sein de la House of Lords, voir la plaidoirie de Roger Parker Q.C. dans Cassell and Co Ltd v Broome [1972] AC 1027, 1038, HL. Le Practice Statement fut décrit comme une « constitutional convention having the force of law » par Lord Simon of Glaisdale dans Miliangos v George Frank (Textiles) Ltd [1976] AC 443, 472, HL. Pour une critique de cette analyse, voir A. PATERSON, The Law Lords (London, Macmillan Press, 1982) 152.
Plus généralement, consulter J.C. HICKS, The Liar Paradox in Legal Reasoning (1971) 29 CLJ 283-284 ; J. STONE, 1966 and All That ! Loosing the Chains of Precedent (1969) 69 Columbia LR 1162-1168 ; R. CROSS, The House of Lords and the Rules of Precedent, in P.M.S. Hacker and J. Raz (eds), Law, Morality and Society (Oxford, Clarendon Press, 1977) 153 ; L. GOLDSTEIN, Four Alleged Paradoxes in Legal Reasoning (1979) 38 CLJ 386-391 ; P.J. EVANS, The Status of Rules of Precedent (1982) 41 CLJ 162-179 et The Status of Rules of Precedent : a Brief Reply (1984) 43 CLJ 108-110 ; L. GOLDSTEIN, Some Problems About Precedents (1984) 43 CLJ 88-107 ; A. BLACKSHIELD, « Practical Reason » and « Conventional Wisdom » : The House of Lords and Precedent, in L. Goldstein (ed.), Precedent in Law, op. cit., 107-154.
79 G. DWORKIN, Un adoucissement de la théorie du stare decisis à la Chambre des Lords, in R.I.D.C., 1967, p. 185.
80 Voir, par exemple, R v National Insurance Commissioner, Ex p Hudson [1972] AC 944, 966 per Lord Reid, 1024 per Lord Simon of Glaisdale ; Vestey v Inland Revenue Commissioners [1980] AC 1148, 1178 per Lord Wilberforce.
81 J. W. HARRIS, Towards Principles of Overruling - When Should a Final Court of Appeal Second Guess ? (1990) 10 OJLS 140.
82 J.W. HARRIS, Legal Philosophies (London, Butterworths. 2nd ed., 1997) 172.
83 EL Oldendorff and Co GmbH v Tradax Export SA, The Johanna Oldendorff [1974] AC 479, HL ; Miliangos v George Frank (Textiles) Ltd [1976] AC 443, HL ; Dick v Burgh of Falkirk [1976] SLTR 21, HL ; Vestey v Inland Revenue Commissioners [1980] AC 1148, HL ; R v Secretary of State for the Home Department, Ex p Khawaja [1984] AC 74, HL ; R v Shivpuri [1987] AC 1, HL ; R v Howe [1987] AC 417, HL ; Murphy v Brentwood District Council [1990] 2 All ER 908, HL ; Westdeutsche Landesbank Girozentrale v Islington London Borough Council [1996] AC 669, HL. Voir J.W. HARRIS, Legal Philosophies, op. cit., footnote 5 at p. 172.
A. Paterson a dénombré un plus grand nombre d’instances d’overrulings. Il fonde cependant sa classification sur les informations qui lui ont été personnellement communiquées par certains Law Lords au cours d’entretiens privés et non sur les caractéristiques techniques des jugements de ces derniers (The Law Lords (London, Macmillan Press, 1982) 163-165).
84 Les negative overruling cases sont les instances dans lesquelles la House of Lords a refusé de rejeter un précédent sur la base du Practice Statement de 1966 et où certains Law Lords ont estimé que, même dans l’hypothèse où le précédent incriminé était tenu pour erroné, il serait inapproprié de recourir au Practice Statement. Cette dernière précision vise à exclure les espèces pour lesquelles la House of Lords jugea que le précédent était si manifestement correct qu’il ne pouvait être question de recourir au Practice Statement. Voir J.W. HARRIS, Towards Principles of Overruling. op. cit., 10 OJLS 140-141.
Dans le cadre de la présente étude, seuls les negative overruling cases suivants ont retenu mon attention : R v National Insurance Commissioner, Ex p Hudson [1972] AC 944, HL ; Knuller (Publishing, Printing and Promotions) Ltd v DPP [1973] AC 435, HL ; Fitzleet Estates Ltd v Cherry (Inspecter of Taxes) [1977] 3 All ER 996, HL ; Paal Wilson and Co AS v Partenreederei Hannah Blumenthal, The Hannah Blumenthal [1982] 3 WLR 1149, HL ; Pirelli General Cable Works Ltd v Oscar Faber and Partners [1983] 2 AC 1, HL ; President of India v La Pintada Compania Navigation SA [1985] 1 AC 104, HL ; Food Corporation of India v Antclizo Shipping Corporation, The Antclizo [1988] 2 All ER 513, HL. Une liste plus complète est donnée par R. CROSS and J.W. HARRIS, Precedent in English Law, op. cit., footnote 50 at p. 136.
85 Voir, par exemple, R v National Insurance Commissioner, Ex p Hudson [1972] AC 944, 966 per Lord Reid ; Paal Wilson and Co AS v Partenreederei Hannah Blumenthal, The Hannah Blumenthal [1982] 3 WLR 1149, 1172 per Lord Roskill.
86 R v National Insurance Commissioner, Ex p Hudson [1972] AC 944, 946, HL.
87 Vestey v Inland Revenue Commissioners [1980] AC 1148, 1178, HL.
88 J. STONE, On the Liberation of Appellate Judges. How not to do it ! (1972) 35 MLR 469-473 ; The Lords at the Crossroads - When to « Depart » and How ! [1972] 46 Australian LJ 483-489 ; Precedent and Law : Dynamics of Common Law Crowth (Sydney, Butterworths, 1985) 176-185.
89 A. PATERSON, The Law Lords, op. cit., esp. 156-160.
90 J.W. HARRIS, Towards Principles of Overruling, op. cit., 10 OJLS 135-199 ; Murphy Makes it Eight - Overruling Comes to Negligence (1991) 11 OJLS 416-430.
91 J.W. HARRIS, Towards Principles of Overruling, op. cit., 10 OJLS 149.
92 Knuller (Publishing, Printing and Promotions) Ltd v DPP [1973J AC 435, 455, HL.
Pour d’autres affirmations de l’opinion selon laquelle le caractère erroné d’un précédent n’est pas un motif suffisant pour s’en écarter, voir R v National Insurance Commissioner, Ex p Hudson [1972] 1 AC 944, 966 per Lord Reid, 973 per Lord Morris, 996 per Lord Pearson, 1023 per Lord Simon of Glaisdale ; Miliangos v George Frank (Textiles) Ltd [1976] AC 443, 495-496 per Lord Cross of Chelsea ; Fitzleet Estates Ltd v Cherry (Inspector of Taxes) [1977] 3 All ER 996, 999 per Lord Wilberforce, 1001 per Lord Edmund-Davies ; Paul Wilson and Co AS v Partenreederei Hannah Blumenthal, The Hannah Blumenthal [1982] 3 WLR 1149, 1163 per Lord Brandon.
93 Shaw v DPP [1962] AC 220, HL.
94 Miliangos v George Frank (Textiles) Ltd [1976] AC 443, HL.
95 Re United Railways of Havana and Regla Warehouses Ltd [1961] AC 1007, HL.
96 [1976] AC 443, 460 per Lord Wilberforce (avec lequel Lord Edmund-Davies à la p. 498 et Lord Fraser à la p. 501 marquèrent leur accord). Seul Lord Cross établit le caractère erroné de Havana ([1976] AC 443. 494-497).
97 [1976] AC 443, 467 per Lord Wilberforce.
98 J.W. HARRIS, Towards Principles of Overruling, op. cit., 10 OJLS 152-156.
99 Practice Statement (Judicial precedent) [1966] 1 WLR 1234.
100 Vestey v Inland Revenue Commissioners [1980] AC 1148, 1197, HL. Voir aussi Miliangos v George Frank (Textiles) Ltd [1976] AC 443, 467 & 469-470 per Lord Wilberforce, 501 per Lord Edmund-Davies ; Dick v Burgh of Falkirk [1976] SLTR 21, 23 per Lord Wilberforce, 29 per Lord Kilbrandon.
101 Congreve v Inland Revenue Commissioners [1948] 1 All ER 948, HL.
102 Outre les exemples développés infra, voir Knuller (Publishing, Printing and Promotions) Ltd v DPP [1973] AC 435, 480 per Lord Diplock (dans une opinion minoritaire).
103 EL Oldendorff and Co GmbH v Tradax Export SA, The Johanna Oldendorff [1974] AC 479, HL.
104 Societad Financiera de Bienes Raices SA v Agrimpex Hungarian Trading Co for Agricultural Products, The Aello [1961] AC 135, HL.
105 [1974] AC 479, 533 per Lord Reid, 555 and 561 per Lord Diplock.
106 Murphy v Brentwood District Council [1990] 2 All ER 908, HL.
107 Anns v Merton London Borough Council [1978] AC 728, HL.
108 [1990] 2 ALL ER 908, 911 per Lord Mackay, 918 per Lord Keith, 929 per Lord Bridge, 935 per Lord Oliver, 942 per Lord Jauncey.
109 R v National Insurance Commissioner, Ex p Hudson [1972] AC 944, 966, HL.
110 EL Oldendorff and Co GmbH v Tradax Export SA, The Johanna Oldendorff [1974] AC 479, 535, HL.
111 R v Howe [1987] AC 417, HL.
112 DPP for Northern Ireland v Lynch [1975] AC 653, HL.
113 [19871 AC 417, 437 per Lord Bridge, 4.38 per Lord Brandon.
114 Abbott v The Queen [1977] AC 755, PC.
115 Westdeutsche Landesbank Girozentrale v Islington London Borough Council [1996] AC 669, HL.
116 Sinclair v Brougham [1914] AC 398, HL.
117 [1996] AC 669, 714 per Lord Browne-Wilkinson. Voir aussi p. 710 et 713.
118 President of India v La Pintada Compania Navigacion SA [1985] 1 AC 104, HL.
119 London, Chatham and Dover Railway Co v South Esatern Railway Co [1893] AC 429, HL.
120 [19851 1 AC 104, 131 per Lord Brandon.
121 J.W. HARRIS, Towards Principles of Overruling, op. cit., 10 OJLS 157-169, 196.
122 Voir, par exemple, R v Secretary of State for the Home Department, Ex p Khawaja [1984] AC 74, 109 per Lord Scarman, 125 per Lord Bridge.
123 Murphy v Brentwood District Council [1990] 2 All ER 908, 918 per Lord Keith, 931 per Lord Bridge, 931 & 938 per Lord Oliver, 942-943 per Lord Jauncey.
124 Voir, par exemple, R v Shivpuri [1987] AC 1, 21 per Lord Bridge.
125 Voir, par exemple, Vestey v Inland Revenue Commissioners [1980] AC 1148, 1176 per Lord Wilberforce, 1187 per Viscount Dilhome, 1196 per Lord Edmund-Davies.
126 Voir, par exemple, Miliangos v George Frank (Textiles) Ltd [1976] AC 443, 462 per Lord Wilberforce, 497 per Lord Cross of Chelsea, 501 per Lord Edmund-Davies.
127 Voir, par exemple, Dick v Burgh of Falkirk [1976] SLTR 21, 29 per Lord Kilbrandon.
128 R v National Insurance Commissioner, Ex p Hudson [1972] AC 944, 966 per Lord Reid, 996-997 per Lord Pearson, 1024 per Lord Simon of Glaisdale.
Bien que Vestey, Khawaja et Shivpuri concernaient l’interprétation de dispositions législatives, l’enjeu de ces instances ne portait pas uniquement sur des questions sémantiques ([1980] AC 1148, HL ; [1984] AC 74, HL ; [1987] AC 1, HL).
129 Knuller (Publishing, Printing and Promotions) Ltd v DPP [1973] AC 435.455 per Lord Reid, 463 per Lord Morris ; Fitzleet Estates Ltd v Cherry (Inspector of Taxes) [1977] 3 All ER 996, 999 per Lord Wilberforce ; Paal Wilson and Co AS v Partenreederei Hannah Blumenthal, The Hannah Blumenthal [1982] 3 WLR 1149, 1172-1173 per Lord Roskill.
130 R v National Insurance Commissioner, Ex p Hudson [1972] AC 944, 996-997, HL.
131 Un quorum de cinq Law Lords est généralement requis pour que l’Appellate Committee de la House of Lords puisse siéger. Dans certaines affaires particulièrement sensibles, un quorum de sept Law Lords est réuni. Parmi les instances où le recours au Practice Statement fut débattu, les décisions suivantes furent prises à un siège de sept juges : R v National Insurance Commissioner, Exp Hudson [1912] AC 944, HL ; Murphy v Brentwood District Council [1990] 2 All ER 908, HL.
Lord Simon of Glaisdale déclara à plusieurs reprises que la House of Lords devrait siéger en assemblée plénière (in banc) quand elle procède à une importante réforme juridique ou lorsqu’elle recourt au Practice Statement (R v National Insurance Commissioner, Ex p Hudson [1972] AC 944, 1027, HL ; Miliangos v George Frank (Textiles) Ltd [1976] AC 443, 490, HL). Voir aussi A. SAMUELS, The House of Lords in Banc (1991) 10 Civil Just Q 6-8.
132 Rv Secretary of State for the Home Department, Exp Khawaja [1984] AC 74,98 per Lord Fraser, 105 per Lord Wilberforce (de manière moins explicite) ; R v Shivpuri [1987] AC 1,23 per Lord Bridge.
133 R v Howe [1987] AC 417, HL.
134 DPP for Northern Ireland v Lynch [1975] AC 653, HL.
135 [1987] AC 417, 430 per Lord Hailsham, 437-438 per Lord Bridge, 438 per Lord Bradon, 439 per Lord Griffiths, 448-449 per Lord Mackay.
136 En faveur de l’usage de la technique du prospective overruling dans la pratique de la House of Lords, voir Lord Simon of Glaisdale dans R v National Insurance Commissioner, Ex p Hudson [1972] AC 944, 1026, HL (Lord Diplock partagea ce point de vue, p. 1015) et dans Miliangos v George Frank (Textiles) Ltd [1976] AC 443, 490, HL.
Sur la notion de prospective overruling et son utilisation par certaines Cours suprêmes de common law, voir A.G.L. NICOL, Prospective Overruling : a New Device for English Courts ? (1976) 39 MLR 542-560 ; L.V. PROTT, When Will a Superior Court Overrule Its Own Decision ? (1978) 52 Australian LJ 305-308, 314-315 ; R. CROSS and J.W. HARRIS, Precedent in English Law, op. cit., 228, 230-231 ; I. MCLEOD, Legal Method (London, Macmillan Press, 1993) 140-153.
137 J.W. HARRIS, Towards Principles of Overruling, op. cit., 10 OJLS 169-177, 197.
138 Practice Statement (Judicial precedent) [1966] 1 WLR 1234.
139 Westdeutsche Landesbank Girozentrale v Islington London Borough Council [1996] AC 669, HL.
140 Sinclair v Brougham [1914] AC 398, HL.
141 [1996] AC 669,714, HL.
De même, les overrulings qui intervinrent dans The Johanna Oldendorff et dans Miliangos étaient de nature à affecter les bases sur lesquelles des contrats commerciaux avaient été conclus ([1974] AC 479, HL ; [1976] AC 443, HL) ; dans Vestey, la House of Lords eut recours au Practice Statement pour invalider un précédent relatif à l’interprétation d’un texte de droit fiscal ([1980] AC 1148, HL) ; dans Shivpuri et Howe, l’usage du Practice Statement eut pour effet d’élargir la sphère du droit pénal ([1987] AC 1, HL ; [1987] AC 417, HL).
142 Voir, par exemple, les remarques de Lord Reid dans EL Oldendorffand Co GmbH v Tradax Export SA. The Johanna Oldendorff [1974] AC 479, 535, HL.
143 Voir, par exemple, Dick v Burgh of Falkirk [1976] STLR 21, 28-29 per Lord Kilbrandon ; R v Shivpuri [1987] AC 1, 11 per Lord Hailsham, 23 per Lord Bridge ; Murphy v Brentwood District Council [1990] 2 All ER 908, 923 per Lord Keith.
144 R v Shivpuri [1987] AC 1, HL.
145 R v Howe [1987] AC 417, HL.
146 Il s’agit de la décision de la House of Lords dans R v R [1992] 1 AC 599, HL.
147 C.E.D.H., 22 novembre 1995, in R.T.D.H., 1996, p. 459 et les obs. critiques de S. VAN DROOGHENBROECK, Interprétation jurisprudentielle et non-rétroactivité de la loi pénale.
148 Ibid., p. 460-461, no 36.
149 Ibid., p. 461, no 36.
150 J.W. HARRIS, Towards Principles of Overruling, op. cit., 10 OJLS 177.
151 Knuller (Publishing, Printing and Promotions) Ltd v DPP [1973] AC 435, HL.
152 Shaw v DPP [1962] AC 220, HL.
153 [1973] AC 435, 466 per Lord Morris, 489 per Lord Simon of Glaisdale, 496 per Lord Kilbrandon. Voir aussi R v National Insurance Commissioner, Ex p Hudson [1972] AC 944, 1025 per Lord Simon of Glaisdale ; President of India v La Pintada Compania Navigacion SA [1985] AC 104, 129-130 per Lord Brandon.
154 [1973] 1 AC 435, 455, HL.
155 R v Secretary of State for the Home Department, Ex p Khawaja [1984] AC 74, HL.
156 R v Secretary of State for the Home Department, Ex p Zamir [1980] AC 930, HL.
157 [1984] AC 74, 106, HL. Voir aussi Pirelli General Cable Works Ltd v Oscar Faber and Partners [1983] 2AC 1, 19 per Lord Fraser, 19 per Lord Scarman.
158 Miliangos v George Frank (Textiles) Ltd [1976] AC 443, HL.
159 [1976] AC 443,469, HL ; contra Lord Simon of Glaisdale, ibid., 470 ; voir aussi Dick v Burgh of Falkirk [1976] STLR 21, 24 per Lord Wilberforce, 28 per Lord Kilbrandon.
160 J.W. HARRIS, Towards Principles of Overruling, op. cit., 10 OJLS 180.
161 Le mootness principle ne joua aucun rôle dans Shivpuri et Howe, deux instances ressortant au droit pénal dans lesquelles la même solution aurait pu être atteinte sans overruling.
162 Food Corporation of India v Antclizo Shipping Corporation, The Antclizo [1988] 2 All ER 513, 516, HL.
163 Anns v Merton London Borough Council [1978] AC 728, HL.
164 Murphy v Brentwood District Council [1990] 2 All ER 908, HL.
165 Sur la particularité des circonstances de fait à cet égard, voir D. HOWARTH, Negligence after Murphy : Time to Re-Think (1991) 50 CLJ 59.
166 Lords Keith et Oliver déclarèrent qu’il n’était pas nécessaire de considérer si, au regard des circonstances de l’espèce, l’administration locale n’avait pas été négligente ([1990] 2 All ER 908, 924, 938, HL).
Cette attitude tranche avec celle adoptée par la House of Lords vis-à-vis de Anns quelques années auparavant dans D & F Estates Ltd v Church Commissioners for England ([1989] 1 AC 177, HL). Bien que, dans cette décision, des doutes sur le caractère correct de Anns furent déjà exprimés, la House of Lords prit le parti de « distinguer » ce précédent plutôt que de recourir au Practice Statement. Lords Bridge et Oliver furent d’ailleurs très attentifs à réconcilier la ratio de Anns relative à la responsabilité des constructeurs avec l’approche plus orthodoxe préférée dans D & F Estates Ltd ([1989] 1 AC 177, 207 per Lord Bridge, 212 and 214 per Lord Oliver). Pour une comparaison de l’attitude adoptée par la House of Lords vis-à-vis de Anns dans D & F Estates Ltd et dans Murphy, voir J. FLEMING, The Law of Torts (Sydney, LBC Information Services, 9th ed., 1998) 525-526.
167 R v National Insurance Commissioner, Exp Hudson [1972] AC 944, 1026 per Lord Simon of Glaisdale.
La théorie de l’effet déclaratif des précédents est cependant toujours vivace dans la jurisprudence de la House of Lords, comme l’illustre sa décision récente dans Kleinwort Benson Ltd v Lincoln City Council [1998] (3 WLR 1095, HL). Voir spécialement p. 1117-1119 per Lord Goff, p. 1139 per Lord Hoffmann, p. 1148 per Lord Hope ; contra, p. 1100 per Lord Browne-Wilkinson, p. 1132 per Lord Lloyd.
168 Pour une réflexion plus générale sur la fonction des Cours suprêmes dans la modernisation du droit, voir A. TUNC, Synthèse – La Cour judiciaire suprême. Enquête comparative, in R.I.D.C., 1978, sp. 14.
169 R.B. STEVENS, The Role of a Final Appeal Court in a Democracy : the House of Lords Today (1965) 28 MLR 539.
170 J. STONE, The Lords at the Crossroads - When to « Depart » and How ! [1972] 46 Australian LJ 489.
171 C (a minor) v DPP [1996] AC 1, 28, HL. Dans cette décision, la House of Lords refusa de remettre en question l’ancienne règle de common law présumant doli incapax l’enfant âgé de dix à quatorze ans. Réformant la décision de la juridiction inférieure qui jugea que cette règle était désuète et devait être écartée, la House of Lords la maintint tout en reconnaissant que son application pouvait engendrer des anomalies et mêmes des absurdités. Il importe de noter que cette règle de common law n’avait jamais fait l’objet d’un précédent de la House of Lords et qu’elle pouvait donc être rejetée sans recours au Practice Statement.
172 Voir, par exemple, A.L. GOODHART, “Note” (1966) 82 LQR 442 ; L.J. BLOMCOOPER and G.R. DREWRY, Final Appeal. A Study of the House of Lords in its Judicial Capacity (Oxford, Clarendon Press, 1972) 517 ; Lord LLOYD OF HAMPSTEAD, Introduction to Jurisprudence (London, Sweet & Maxwell Ltd, 3rd ed., 1972). 706. Il est intéressant de noter que le passage de référence est répété à la lettre dans les éditions ultérieures d’introduction to Jurisprudence : (4th ed. with Freeman, MDA, 1979) 824, (5th ed. by Freeman, MDA, 1985) 1104, (6th ed. by Freeman MDA, 1994) 1262.
173 Pour un exemple extrême, voir le traitement de Junior Books Ltd v Veitchi Co Ltd ([1983] 1 AC 520, HL) dans D and F Estates Ltd v Church Commissioners for England ([1989] AC 177, HL) et dans Murphy v Brentwood District Council ([1990] 2 All ER 908, HL).
174 Dans une remarquable étude, F. Ost et M. van de Kerchove ont dégagé huit formes de temporalité en droit. Le « temps intemporel de la dogmatique juridique » me paraît correspondre à celui proposé par Earl of Halsbury L.C. dans le London Tramways case de 1898, en ce sens qu’il traduit « une aptitude à préserver la pérennité du message sous la diversité des argumentations et l’âpreté des controverses ». Le « temps de l’alternance entre l’avance et le retard, la mémoire et l’anticipation » s’avère, à mon sens, convenir à la philosophie ayant présidé à l’adoption du Practice Statement de 1966. Dans cette conception, « la marche du temps, rythmée... par la prudence, semble adopter le tracé de la spirale qui se transforme sans jamais se renier, qui change sans cesser d’accumuler, qui s’éloigne de son point de départ tout en s’en rapprochant, qui s’ouvre sans pour autant se disperser » (Pluralisme temporel et changement. Les jeux du droit, in Nouveaux itinéraires en droit. Hommages à François Rigaux, Bruxelles, Bruylant, 1993, p. 390-391 et p. 395-396).
175 Pour un développement de cette idée dans le cadre d’une analyse des différentes conceptions de la common law présentes dans la jurisprudence du Judicial Committee of the Privy Council, voir J.W. HARRIS, The Privy Council and the Common law (1990) 106 LQR 574-600. De manière plus générale, voir aussi A.W.B. SIMPSON, The Common law and Legal Theory, in W. Twining (ed.), Legal Theory and Common law (Oxford, Basil Blackwell, 1986) 8-25.
176 Selon l’expression de F. Rigaux (Une machine à remonter le temps : la doctrine du précédent, in F. OST et M. VAN HOECKE (sous la direction de), Temps et droit. Le droit a-t-il pour vocation de durer ?, op. cit., p. 72).
Auteur
Aspirant au Fonds National de la Recherche Scientifique (rattachée à l’Université Libre de Bruxelles)
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