Les temps multiples de la justice des mineurs
p. 617-639
Texte intégral
Introduction
1Les origines de la « justice des mineurs » remontent, en Belgique, à la loi sur la protection de l’enfance de 1912. Cette loi, qui organise un régime spécifique de justice pour les mineurs séparé de la justice pénale des adultes, introduit aussi un régime de temporalité particulier, lié à la logique « tutélaire » d’un modèle « protecteur » et à ses évolutions au cours des années.
2C’est la temporalité « finaliste » du modèle protectionnel qui sera au cœur de cette contribution. En guise de préliminaire, et pour mieux saisir la spécificité temporelle du régime protectionnel, on soulignera rapidement les principales caractéristiques temporelles de la justice pénale des adultes qui domine la scène criminelle à la fin du 19e siècle : c’est de ce régime, applicable aux mineurs, que va en effet progressivement s’émanciper la « justice des enfants » au tournant du 20e siècle. Par ailleurs, on évoquera la remise en question de la logique protectionnel le à l’aube de l’an 2000 et ses impacts sur le plan temporel. Dans un champ marqué par le retour d’une tentation pénale, la temporalité « prospective » et « diachronique » de la justice des mineurs est menacée par une temporalité plus « rétrospective » centrée sur l’acte ou la faute passée, mais aussi par une temporalité gestionnaire plus immédiate centrée sur le présent de la réduction des risques.
I. La justice pénale des mineurs dans la temporalité « prométhéenne » de l’âge classique
Le contexte temporel de la justice pénale classique
3La pénalité connaît un vaste mouvement de réforme qui traverse l’Europe des Lumières à la fin du 18e siècle1. Synthétisé avec brio par Beccaria dans son petit Traité des délits et des peines de 1766, le projet pénal des Lumières s’articule autour d’une pénalité légaliste centrée sur l’acte, qui se pense sur un modèle rationaliste, utilitariste et garantiste, dont la temporalité dominante peut être qualifiée de « prométhéenne »2.
4Légaliste, car pour la raison moderne le Vrai et le Juste sont dans la Loi qui bénéficie d’une double légitimité, transcendante en tant qu’elle est « œuvre de Raison », populaire en tant qu’elle est l’expression du peuple réuni par contrat. Le droit pénal tel qu’il se construit alors privilégie le recours à la loi codifiée, vecteur jugé particulièrement pertinent pour inscrire la face répressive d’un projet politique et moral dans la durée. Et même si, à l’instar de J. Bentham, on se méfie de l’idéal d’un code qui se construit dans un « esprit de perpétuité », du possible « despotisme d’une loi irrévocable », voire des « sophismes de ceux qui enchaînent la postérité »3, la loi pénale a bien vocation à modeler le visage socio-politique et la morale sociale des années futures.
5Ce droit pénal légaliste est aussi un droit pénal de l’acte. L’acte incriminé par la loi pénale devient la condition et la mesure de la peine, dans son intensité comme dans sa durée : celle-ci sera donc énoncée de manière aussi précise et déterminée que possible, comme le symbolisera l’idéal (rapidement jugé utopique et source d’injustice in concreto) de « peines fixes au taux invariable » propre au code pénal français de 1791 ou encore la série impressionnante de combinaisons temporelles, scandées par des « degrés de durée », « longue », « continue » ou « limitée », qui déterminent « la durée convenable du temps » d’emprisonnement dans certains codes pénaux réformateurs de l’époque classique4. Le droit pénal classique de l’acte est marqué par un souci de sécurité et de prévisibilité qui impose la rigueur d’un système de peines tarifées, aux contours clairs et définis. En cela, la pénalité classique tranche avec « l’arbitraire » des juges « prudents » d’Ancien Régime mais aussi avec le caractère progressivement plus extensible et plus fluide des systèmes de politique criminelle ultérieurs. L’émergence progressive, au cœur de l’économie classique, d’un « droit pénal de l’agent » à des fins de défense de la société, favorisera en effet des modes d’intervention pénale plus souples, quant à l’objet et à la nature, à la finalité et à la durée des peines, en fonction de l’« état » du délinquant.
6Rationaliste, car la conception de l’humain comme être doué de raison s’impose au cœur du projet des Lumières et de sa version pénale. Sera dès lors considéré comme pénalement responsable et susceptible d’encourir une peine, l’individu doué de raison et de libre-arbitre qui fait le choix de transgresser en acte la loi pénale. Seuil d’âge et discernement moral pour les plus jeunes s’imposent alors comme pierres angulaires de la responsabilité pénale, s’inscrivant dans la foulée d’une très ancienne tradition qui associe, comme dans le Code criminel de Charles-Quint de 1532, la jeunesse à une possible ou probable « défaillance de la raison »5.
7Utilitariste, car dans la foulée des écrits de Beccaria et de Bentham, la dimension traditionnellement vindicative ou expiatoire d’une peine axée sur la rétribution d’une faute morale ou la réparation d’un dommage s’efface (sans disparaître totalement) au profit d’un impératif prioritaire de prévention. Bien sûr, des finalités diverses de la peine, postulant des rapports différents au temps, coexistent et continuent à se croiser. Mais dans des sociétés qui commencent à croire au progrès par l’histoire et à penser la construction d’un avenir « utile au plus grand nombre », la hiérarchie des priorités s’inverse : à une peine-expiation centrée sur le passé, les systèmes pénaux modernes préfèrent une peine-prévention orientée vers le futur, même si le calcul d’une peine « proportionnée » conserve une dimension rétributive à caractère rétrospectif qui ne s’efface jamais tout à fait. Que l’on se penche sur les discours des philosophes réformateurs du XVIIIe siècle, de Montesquieu à Beccaria, de Voltaire à Bentham, que l’on examine les textes des codes pénaux classiques de l’époque, le fil est bien toujours le même : la peine regarde désormais prioritairement vers l’avenir, soucieuse de transformer un mal en bien et de contribuer à une « guerre » contre la criminalité qu’il s’agit d’éradiquer demain. L’émergence et le succès foudroyant de l’emprisonnement comme peine n’est sans doute pas étranger à cette nouvelle temporalité futuriste de la peine : l’emprisonnement-travail est en effet une sanction pénale particulièrement adéquate, puisqu’elle permet de croiser les unités de temps et de travail, la « durée » et « l’intensité » de la peine pour atteindre la « juste proportion » que requiert l’efficacité de la prévention. A cela s’ajoute que le recours à une peine « douce » (pour l’époque) mais de longue durée paraît aux pénalistes modernes d’une efficacité dissuasive plus importante que l’instantané d’une peine « atroce » dont l’effet disparaît « en un instant ». Développée par Beccaria à propos du remplacement de la peine de mort par « l’esclavage perpétuel », l’argumentation est le signe d’un élan plus général : le temps futur et son écoulement s’imposent comme données incontournables pour une pénalité moderne qui lie étroitement l’idéal d’efficacité préventive à un calcul mental, à une psychologie des associations entre le délit et la représentation de la peine qui lui est associée6.
8Garantiste enfin, car en réponse à l’« arbitraire » des juges de l’Ancien Régime, il s’agit d’assurer la « sûreté » du justiciable face à la machine pénale étatique qui se met en place. Un ensemble de droits et de garanties procédurales est alors introduit dans le procès pénal (séparation claire des fonctions de justice répressive, subordination au législateur pénal des pouvoirs séparés du « vengeur public » et du juge de fond, instauration de la présomption d’innocence de l’accusé, respect des droits de la défense, publicité de la procédure, motivation des jugements ou encore suppression de la torture inquisitoriale...)7 pour lutter contre « les abus d’un pouvoir sans bornes » comme le dira Beccaria8. Le formalisme judiciaire et les rituels de la justice imposent le respect du temps des procédures et s’appréhendent comme une exigence morale pour protéger le sujet de droit, sa « sûreté » et ses libertés face à la justice. Comme le souligne Montesquieu, « les formalités de la justice,... les dépenses, les longueurs, les dangers même de la justice, sont le prix que chaque citoyen donne pour sa liberté » et il faut se réjouir que dans les Etats modernes « où la tête du moindre citoyen est considérable, on ne lui ôte son honneur et ses biens qu’après un long examen ; on ne le prive de la vie... qu’en lui laissant tous les moyens possibles de la défendre »9.
9Une justice « prométhéenne » orientée prioritairement sur un futur qu’il faut organiser selon une loi qui a vocation à durer, une pénalité qui vise à préserver l’ordre social présent et à venir, une rationalité procédurale respectueuse du temps et des formes de la vérité judiciaire, tel est le cadre organique d’une justice tarifée, fondée sur l’acte et la responsabilité morale du délinquant pour mieux contrer les risques d’une dérive punitive « arbitraire » et contraire à la « sûreté » des citoyens. Tel est aussi le cadre qui domine le régime pénal des mineurs, même si certaines particularités s’immiscent progressivement, creusant un sillon qui, au fil du temps, entraînera un changement de régime pour les mineurs délinquants.
La justice pénale des mineurs : seuil d’âge et discernement, flexibilité temporelle et régime de sûreté
10Quelle est, dans ce contexte, la spécificité du régime pénal des mineurs ? C’est sur le double plan de la responsabilité pénale et de la durée des sanctions que le particularisme se laisse progressivement repérer. Pour les Lumières, on l’a souligné plus haut, la culpabilité pénale repose sur le principe d’une responsabilité d’ordre moral : le libre-arbitre est le critère et la mesure de la responsabilité pénale, celle-ci étant susceptible d’être tempérée (cause d’excuse, circonstance atténuante) voire de disparaître (cause de non imputabilité) s’il est entaché d’un vice qui l’atténue ou le neutralise.
11Le mineur est-il être doué de libre-volonté et partant susceptible d’être soumis aux rigueurs de la loi pénale ? La question n’est pas nouvelle : on sait qu’à Rome déjà, l’infans de moins de 7 ans était considéré comme totalement incapable, que l’infans proximus bénéficiait d’une présomption (réfragable) d’incapacité jusqu’à l’âge de 14 ans, alors que le minores entre 14 et 25 ans était jugé responsable mais bénéficiait, selon les cas, d’une diminution de peine en raison de sa minorité10. Quelques siècles plus tard, le Code criminel de Charles Quint de 1532 reprend l’idée d’une atténuation de la responsabilité pénale en raison de la jeunesse. Assimilée à une « défaillance de la raison », voire à une « infirmité », la jeunesse justifie tantôt une justice rendue « selon le Conseil des gens de loi » (art. 171), tantôt une « peine adoucie pour les jeunes voleurs de moins de 14 ans » dont on présume une absence de responsabilité au moins partielle. Néanmoins, à l’approche des 14 ans, la question du discernement refait surface, puisque la présomption de « raison défaillante » peut être renversée dans certains cas où le mineur fait preuve d’une « malice » qui tend à prouver un esprit raisonnable (art. 164)11.
12Implicitement, cette césure progressive entre la responsabilité pénale de l’adulte et celle du mineur souligne une conception évolutive de l’être humain qui se construit par étapes comme individu responsable à part entière. S’il possède d’entrée de jeu toutes les potentialités de l’adulte, l’enfant n’est pas d’emblée un adulte en miniature pour autant : il ne développe et ne fait siennes ses potentialités qu’avec le temps, ce qui justifie une responsabilité graduée en fonction de divers seuils d’âge. Ce principe, s’il instaure une différentiation entre le régime pénal de l’adulte et celui du mineur, octroie un rôle pivot à la question du discernement comme critère de responsabilité à l’intérieur du champ de la minorité. Il ne sera plus démenti par la suite dans la justice pénale des mineurs. C’est ce que montre la magistrale analyse généalogique que consacre Fr. Tulkens aux étapes significatives de l’évolution historique du droit pénal des mineurs entre 1791 et 191212, sur laquelle on s’appuie largement ici.
13Le Code pénal de 1791 fait sien ce système de responsabilité, que l’on trouve d’ailleurs dans la plupart des codes et projets de codes pénaux absolutistes de l’époque classique13 : un seuil fixe la responsabilité pénale à 16 ans, âge auquel le jeune adulte est présumé doué de libre-arbitre et avoir réalisé son potentiel d’homme adulte. En deçà de cet âge, la responsabilité pénale est clairement subordonnée à la question du « discernement » (art. 1). En l’absence de discernement, l’acquittement s’impose, alors que sa présence justifie la culpabilité et le prononcé d’une peine pour les crimes commis, la peine étant néanmoins atténuée en raison de la minorité qui vaut cause d’excuse légale.
14Le code pénal de 1810 maintient la limite d’âge et le discernement comme pierres angulaires d’un système qui s’applique désormais également aux délits commis par les mineurs. Toutefois, le code prévoit une innovation qui concerne le mineur acquitté à défaut de discernement : ce dernier pourra soit être remis à ses parents, soit être conduit dans une maison de correction pour un nombre d’années que le jugement déterminera mais qui, toutefois, ne pourra excéder « sa vingtième année » (art. 66). L’innovation n’est pas sans intérêt : elle constitue une première entorse au principe d’un droit pénal de l’acte dont les tarifs sont fixés de manière claire par la loi en référence à la transgression commise. Cette mesure plus flexible quant à sa durée — elle n’est cadrée que par un seuil maximal à ne pas dépasser — introduit dans le champ de la justice des mineurs le principe de mesures de « sûreté-protection » à durée indéterminée, système qui tendra à se généraliser avec le modèle protectionnel de la loi de 1912.
15Quant au code pénal néoclassique de 1867, il maintient le double principe du seuil d’âge (16 ans) et du discernement. Mais ici encore, certaines innovations annoncent le basculement prochain vers un modèle de protection de l’enfance : ainsi, le mineur acquitté à défaut de discernement « pourra être mis à la disposition du gouvernement pour un temps qui ne dépassera pas l’époque où il aura accompli sa 21e année » (art. 72). Cet internement de nature administrative n’est pas une peine, souligne la doctrine de l’époque14. Il s’agit plutôt d’un « moyen de correction et de réforme employé par l’autorité dans le but de vaincre les penchants vicieux et dépravés de l’enfant par l’éducation et la discipline »15. Autrement dit, le sens de la mesure est ici de combler une brèche que connaît le système pénal dans la défense de la société face aux mineurs délinquants acquittés à défaut de discernement et qui seraient néanmoins dangereux. Conformément au système antérieur, le mineur délinquant doué de discernement est jugé responsable et donc punissable — il est dans certains cas passible d’un enfermement en prison — mais il bénéficie d’une excuse générale de minorité qui entraîne une réduction de peine (art. 73). Pour ce mineur délinquant doué de discernement, le code pénal de 1867 n’envisageait pas de mise à disposition du gouvernement.
16Que faire dès lors avec les mineurs dangereux à l’expiration de leur peine ? Ce problème sera saisi à bras le corps par la loi du 27 novembre 1891 pour la répression du vagabondage et de la mendicité dont l’article 26 dispose que « les Cours et tribunaux pourront, lorsqu’ils condamneront à l’emprisonnement un individu n’ayant pas atteint l’âge de 16 ans accomplis, ordonner qu’il restera à la disposition du gouvernement depuis l’expiration de sa peine jusqu’à sa majorité ». Ici encore, souligne la doctrine autorisée de l’époque, la mesure n’est pas à considérer comme une aggravation de la peine, mais comme une mesure de protection prise dans l’intérêt du jeune délinquant16, un intérêt néanmoins subordonné à celui de la défense sociale. La nouvelle loi sur le vagabondage et la mendicité de 1891 le souligne en effet clairement : cette mesure de protection est d’abord une mesure de sûreté par laquelle il s’agit, avec un internement de durée prolongée, de « réagir contre les influences pernicieuses ou de réformer des instincts vicieux chez des enfants considérés comme formant la pépinière des classes dangereuses, qu’ils aient agi avec ou sans discernement »17.
17Bien avant 1912, le système rigide du droit pénal (néo)classique des mineurs est donc progressivement contaminé par des mesures qui trahissent l’idéologie montante de la défense sociale. Apparition de mesures de « protection sûreté » à durée partiellement indéterminée, brèches ouvertes dans le garantisme procédural par le recours à des sanctions administratives, accroissement de l’autonomie et du pouvoir de décision des autorités de jugement auxquelles il faut, dira Ducpétiaux, donner « le temps nécessaire pour travailler efficacement à la réforme des condamnés »18, glissement progressif, à partir des années 1880, d’un principe de responsabilité morale vers une responsabilité sociale, le train du changement est en marche. Avec lui s’impose dans la justice des mineurs une temporalité « finaliste » plus souple et flexible.
II. La loi de 1912 sur la protection de l’enfance : la temporalité finaliste d’un modèle « protectionnel »
Le droit pénal de l’État social : une temporalité flexible et « pro-active » orientée par le « but à atteindre »
18A la fin du 19e siècle, se glissant dans les moules du modèle libéral, le droit de l’État social se fait interventionniste et mobilisateur, propulsif et technocratique pour mieux investir le futur. Désormais, il ne s’agit plus seulement d’encadrer le jeu social par un arsenal de règles fortes mais limitées aux domaines régaliens de l’État (monnaie, justice et police), mais aussi d’utiliser le droit pour transformer la société et réaliser in concreto une plus grande justice sociale.
19Cette logique finaliste du droit, incarnée par la pensée de Jhering, père de la « Zweckgedanke », s’implante en droit pénal à travers l’Union internationale de droit pénal, fondée à Berlin en 188919. A. Prins, membre de cette association et père de la défense sociale en Belgique, explique cette avancée d’une rationalité finaliste ou téléologique dans le champ de la pénalité : « Si l’idée de but est la seule qui donne un sens à l’Univers et à la vie, comme à toute entreprise humaine, elle est certes la seule aussi qui donne un sens au droit. Sans l’espoir et la possibilité du mieux, le droit n’a aucune raison d’être ; la force suffit... En droit pénal plus spécialement, supposez un instant que nous ayons soudain la certitude que tout doit finir, que le futur n’existe pas,... Quelle valeur pratique auraient encore (malgré l’Impératif catégorique de Kant) les lois promulguées, les jugements rendus ou à rendre, les peines subies ou à subir ? La justice pénale n’est efficace que si nous avons un avenir et un but. Or la doctrine de la défense sociale... fournit à nos efforts un but digne d’être poursuivi et qui consiste à sauvegarder, par des mesures appropriées, le patrimoine de sécurité et de moralité sociale dont nous avons la garde »20.
20Les progrès de l’interventionnisme transformateur du droit, marqués prioritairement par le déploiement important du droit social, sont donc également perceptibles dans le champ pénal. Pour des besoins de défense sociale, qui peuvent se lire comme le versant pénal de l’idéal protecteur de l’État social, dans un projet marqué par la peur et le souci d’ordre, l’humanisme moral mais aussi la « tentation totalitaire »21, le droit pénal diversifie ses modalités d’intervention dans la perspective du « but à atteindre » : préserver l’ordre et les valeurs sociales.
21La temporalité de la règle pénale est inévitablement touchée par ce processus. Bien sûr, le droit pénal a toujours vocation à gérer le futur. Mais l’avenir se fait incertain et la temporalité de la longue durée, apanage par excellence d’une loi codifiée jusque-là « noyau dur » de la réaction pénale, est mise en question. En témoignent, par exemple, les obstacles que rencontre la réforme du code pénal, monument « destiné à durer », l’émergence, déjà évoquée à la fin du siècle dernier par A. Prins, de « lois de circonstances » et de lois « temporaires »22 ou le succès croissant d’un mode de législation déléguée qui laisse à l’exécutif le soin de fixer par le biais d’arrêtés royaux le contenu des grands principes posés par la loi23. L’exécutif apparaît en effet mieux armé pour s’adapter aux évolutions, se couler dans un cadre souple où il s’agit d’exercer une action rapide sur une réalité en mouvement constant.
22Dans les faits, la temporalité longue de la loi pénale se combine désormais à la temporalité plus courte de l’administration. Elle peut aussi faire place au temps du juge pénal dont la mission évolue au même titre que celle de ses collègues civils ou administratifs : s’émancipant du rôle de « bouche de la loi » auquel le confinait Montesquieu, le juge pénal de l’État social s’octroie dans certains secteurs du champ pénal un espace d’autonomie, des marges de manœuvres considérables pour atteindre souplement un « but » qu’il s’est fixé. Ceci l’amène, dans un certain nombre de cas, à évaluer les intérêts respectifs et potentiellement contradictoires d’un individu « dangereux » et de la société à protéger, à jauger et à traiter dans le temps la déviance d’un individu à normaliser ou à discipliner, en fonction d’une normativité dont les véritables sbires sont les instances psycho-médico-sociales. L’irruption du thème de la « dangerosité » renforcera considérablement ce temps du juge, mettant à sa disposition un panel de mesures diversifiées qui élargit son éventail de choix et introduisant le principe d’une indétermination temporelle des sanctions prises. Aux peines prévues par le Code pénal de 1867, s’ajoutent en effet, à travers diverses lois de défense sociale complémentaires au Code pénal, un ensemble diversifié de mesures de protection ou de sûreté qui individualisent la prise en charge d’individus particuliers que l’on classe, série et répartit en fonction de leur dangerosité. Comme le souligne A. Prins, le « danger social futur » que représente le criminel ou le futur criminel ne se traite pas de manière uniforme et il est donc nécessaire de « diversifier les régimes eux-mêmes en les adaptant à la nature du danger que l’individualité permanente du coupable fait courir à la société ». Pour répondre au « but unique qui est le maintien de l’ordre », les mesures à prendre ne sont donc « pas uniquement des peines ; elle sont aussi bien éducatives, charitables, protectrices, réparatrices que répressives... »24.
23De même, la personnalisation que requiert un souci de protection individuelle et de sûreté collective se satisfait mal d’une sanction ou d’une mesure rigide dont la durée serait fixée à l’avance. Qu’envisager de mieux, dès lors, pour épouser la trajectoire d’individus soumis au diagnostic de dangerosité émanant d’autorités médico-légales, qu’un panel de mesures à durée indéterminée ? En quelques phrases limpides, Prins justifie le recours à cette flexibilité temporelle que revendique le mouvement de défense sociale pour les individus « dangereux » et « irresponsables ». Selon le célèbre juriste belge, la sentence à durée indéterminée — dont on voit émerger divers exemples dans les législations étrangères — se justifie quand « on reconnaît que la durée de la détention doit dépendre plus de la nature et du caractère du coupable que de la nature et du caractère du délit », lorsque la peine est considérée comme « un acte de défense sociale dont l’intensité est proportionnée au danger personnifié par le délinquant ». Dès lors, s’il faut éviter « l’indétermination de la peine (qui) n’est pas en harmonie avec l’ensemble des principes de notre droit public » pour un délinquant « normal et responsable » — on peut très bien prévoir une « peine de longue durée » pour le récidiviste jugé dangereux pour la société —, le recours à la sentence indéterminée se justifie par contre vis-à-vis des anormaux, des mineurs, des mendiants et des vagabonds. Prins s’en explique à propos des délinquants anormaux : « toutes les fois que la physiologie, la psychiatrie, la médecine mentale rencontrent le résidu des classes dangereuses, dont l’incapacité psychique exclut ainsi la condamnation à une peine de prison, la sentence indéterminée l’emporte et la peine déterminée est un principe illogique ». Pour ce type de condamnés, « il serait excessif de consacrer une détention perpétuelle et d’exclure l’hypothèse de guérison », mais il serait tout aussi absurde « de prononcer une peine temporaire et de prophétiser la date où la mise en liberté n’offrira aucun danger ». Qu’il s’agisse de « mesures de préservation » pour les délinquants anormaux, de « mesures d’éducation » pour les jeunes délinquants ou de « mesures de protection » pour les mendiants et les vagabonds, la sentence indéterminée est la seule voie réaliste, puisqu’il est impossible de prévoir à l’avance la durée nécessaire du traitement ou de la tutelle envisagée25.
24Mais la défense de la société ne serait pas complète si les mesures de sûreté et de protection judiciaire à durée indéterminée en aval ne s’articulaient à une politique de prévention de la déviance en amont. Dans le fil d’une lecture « sociologique » de la déviance qui associe la délinquance aux milieux sociaux les plus défavorisés, la déviance à la misère et à ses effets délétères pour l’être humain, l’économie cumulée de peines et de mesures défensives de préservation sociale prend appui sur des mesures préventives, individuelles et sociales, qui conduisent à une intervention avant l’acte contre les causes identifiées ou supposées de situations porteuses de menaces et de dangers. En appui de l’intervention pénale, une politique de prévention conçue comme devancement de la déviance se justifie dans divers champs porteurs de risques et producteurs de déviance26. Les projets du sociologue E. Ferri, un des ténors socialistes de l’Ecole positive italienne, sont à cet égard des plus explicites. Ferri propose en effet d’articuler un système diversifié de peines à un régime de « substituts pénaux », soit à un ensemble de mesures de prévention qu’on qualifierait aujourd’hui de « policières », « situationnelles » et « sociales »27. En Belgique, une tendance similaire existe : « lorsqu’on examine par exemple les textes légaux et réglementaires adoptés ou discutés à l’époque de Prins — et beaucoup, nous l’avons vu sous son inspiration — on observe la volonté d’intervention de l’État dans différents champs considérés comme constitutifs de désordre et donc de danger : celui de la famille (le mariage), celui du logement (les habitations ouvrières), celui de la moralité (l’alcoolisme, le vagabondage, l’im prévoyance), celui des relations de travail », écrit Fr. Tulkens28. Politique sociale, politique de prévention et politique criminelle s’inscrivent dans un continuum surdéterminé par la question de la sécurité et de la lutte contre le crime. Le patronage et la philanthropie (ancêtres du travail social), tels qu’ils sont pensés à la fin du 19e siècle, s’inscriront parfaitement dans cette perspective.
La loi de 1912 sur la protection de l’enfance : le temps d’une justice « tutélaire » au service de la défense sociale
25Parmi d’autres législations de défense sociale29, la loi de 1912 sur la protection de l’enfance répercute les principales évolutions évoquées ci-dessus et leur traduction temporelle. Au stade de création de la loi, on ne peut que souligner le travail important réalisé à l’initiative du gouvernement30. L’élaboration législative se déplace vers l’exécutif et le rôle du législateur parlementaire se réduit. Ainsi, même si le processus global de la réforme peut être considéré comme relativement long (une vingtaine d’années), l’adoption de la loi au Parlement se fera sur un rythme accéléré, au nom de l’urgence à enrayer « le recrutement de l’armée du désordre » et à se porter « au-devant du danger, comme aux jours des épidémies et des grandes catastrophes... ». Si l’argument est aujourd’hui devenu classique, il soulève nombre de critiques qui ne le sont pas moins : évoquant « précipitations », « coups de force », « travaux forcés » ou « délibérations in extremis », certains accusent le ministère de la justice de vouloir « forcer la main » du Sénat. D’autres dénoncent les « défauts de forme », les vices de rédaction et d’ordonnance, l’inconsistance de la terminologie, les lacunes, incohérences et obscurités inhérentes à ce type de législation accélérée31.
26Mais sur quels fondements repose cette urgence du changement ? Fondamentalement, sur un double constat : l’échec du modèle pénal pour lutter contre la délinquance des mineurs, d’une part, les impasses d’un principe de responsabilité morale ou les difficultés que posent la question du discernement du mineur comme critère de la responsabilité pénale, d’autre part. C’est pour sortir de cette double impasse que s’élabore un modèle « protectionnel » qui cherche à contrôler la « pépinière du crime » et à réformer les jeunes délinquants, dans un but final de prévention de la criminalité. Cette thématique, qui répond largement aux discours dominants du mouvement de la « défense sociale », invite à sortir le mineur de la justice pénale. Il s’agit de l’introduire dans le cadre protecteur d’une justice spécifique chargée de prendre en charge un enfant dont le fait pénal apparaît désormais comme le symptôme d’un état de déficience à traiter.
27Une justice des mineurs, paternelle et tutélaire prend forme. Elle confie au juge la mission de guider et guérir ceux qui comparaissent devant lui32, élargissant largement son champ d’action, quitte à courir le risque d’attribuer à ce juge, à la fois « père » et « confesseur », des pouvoirs que d’aucuns jugeront « exorbitants »33. Dans un contexte marqué par l’engouement positiviste pour les sciences sociologique, psychologique, médicale et psychiatrique34, cette justice tutélaire est aussi une justice d’expertise : le juge des enfants peut s’y appuyer sur « l’autorité » de savoirs constitués pour déterminer au plus juste les mesures appropriées « au tempérament, à l’âge, au milieu de l’enfant ». Opérant un glissement important vers un droit quasi pénal de l’agent plus soucieux de la personne de l’enfant que de l’acte commis, le modèle protectionnel prend ses distances avec une justice punitive « tarifée » pour privilégier une justice individualisée en fonction de la personnalité, des intérêts et de la dangerosité sociale de l’enfant35. Conséquence de ce tournant subjectiviste, les mesures de garde, d’éducation et de préservation, envisagées dans une optique de prévention, de traitement et de guérison seront à « durée indéterminée », puisqu’elles visent la transformation morale de l’enfant pour le rendre conforme aux normes sociales et qu’« on ne peut évidemment deviner la date à laquelle l’éducation aura produit des résultats appréciables »36.
28Conformément à la logique de défense sociale, le système de préservation judiciaire de la jeunesse délinquante va prendre appui, lui aussi, sur un panel de mesures de prévention avant l’acte pour agir sur les causes de la délinquance des enfants. Parmi les dispositifs qui traduisent l’intervention de l’État avant toute infraction pénale, le patronage et la philanthropie s’imposent progressivement comme des leviers importants de prévention à la fin du 19e siècle. Pris dans une conception « morale-hygiéniste » qui tend à faire de l’exclusion, de la déviance et des figures qui l’incarnent une « pathologie » qu’il faut guérir pour le bénéfice du corps social tout entier, le patronage se conçoit comme un rapport d’assistance curative destiné à « guérir le mal social » qui couve au sein des classes laborieuses37 et donc aussi comme un outil discret de contrôle social qu’on taxerait aujourd’hui de « pro-actif ». Dans cette perspective de prévention. l’enfance, « pépinière des classes dangereuses », est évidemment un terrain d’intervention privilégié. Aussi, dès la fin du 19e siècle, l’action préventive des comités de patronage s’intensifie à l’égard de l’enfance abandonnée, la société prenant conscience que « ce n’est pas dans le relèvement moral des condamnés qu’il faut chercher la solution du problème de la criminalité ; c’est du côté de l’enfance moralement abandonnée »38. Dans le même temps, la « Belgique charitable »39 se mobilise autour de l’enfant. A travers diverses organisations philanthropiques privées, les femmes notamment se mobilisent en bonnes mères de famille pour transmettre les valeurs sociales et morales de la bourgeoisie aux « enfants du peuple »40. Conformément au projet défini par E. Ferri en Italie, la perspective d’une politique criminelle « intégrée », tablant sur les ressources cumulées de la protection para-pénale après l’acte et d’une prévention « défensive » avant l’acte — mais ne s’agit-il pas d’un pléonasme ? — se dessine pour traiter des « inadaptés sociaux » au titre de leur « périculosité ». Ses contours idéologiques ne sont pas sans rappeler les discours sur la « nouvelle prévention globale et intégrée »41 que véhiculent les projets contemporains en matière de politique sociale et judiciaire de la jeunesse.
III. La loi de 1965 sur la protection de la jeunesse : éduquer et émanciper pour l’avenir
Du souci politique de défense sociale à un idéal de protection et d’émancipation sociale
29Si la logique ascensionnelle de l’État social creuse ses sillons dès la fin du 19e siècle, le vent des « trente glorieuses » après la deuxième guerre mondiale lui donne une nouvelle impulsion. Se déployant dans le cadre de démocraties de la croissance qui se doublent d’un projet de société à vocation assurantielle, l’État social se fait plus « herculéen » que jamais, porteur d’un projet de démocratie « réelle » qui entend soumettre la régulation économique au feu croisé de considérations morales et politiques pour le bien du plus grand nombre. Plus que jamais auparavant, la démocratie se fait sociale, le « Welfare State » d’après-guerre investissant le présent pour réaliser in concreto une plus grande justice sociale. Corollaire d’une société qui a confiance en son avenir, qui croit au projet et au changement, elle distille auprès des acteurs présents dans les champs socio-culturels une image ascensionnelle et égalitaire de l’action sociale. Au vocabulaire d’ordre et de préservation succède un discours qui parle d’émancipation et de participation, de socialisation et d’intégration mais aussi de tolérance et de transformation de la société, tout en dénonçant les dangers de « normalisation » que souligne une lecture foucaldienne des dispositifs « disciplinaires » d’un ordre social inchangé.
30Cet optimisme du projet politique de l’État social n’est pas sans répercussion sur le champ pénal. Là où, avant-guerre, le discours de la défense sociale était dominé par le souci de lutter contre la criminalité et de protéger la société, le balancier oscille après la seconde guerre mondiale vers une politique criminelle plus « humaniste », soucieuse du respect des droits de l’homme et de la resocialisation du délinquant, de sa dignité et de sa réinscription dans le monde commun. L’influence de la défense sociale nouvelle42 se fait sentir, tant dans les discours que dans les pratiques pénales en Belgique : « si la recherche de la dangerosité avait pour but d’assurer la défense de la société, la recherche de la personnalité vise à réaliser la réadaptation de l’individu », écrivent Fr. Tulkens et M. van de Kerchove43. Tant la réforme de la loi sur les anormaux mentaux de 1964, que l’adoption de la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation, ou les divers projets de loi qui amèneront la dépénalisation du vagabondage considéré, au fil du temps, comme un problème social, s’inscrivent dans ce nouvel état d’esprit. C’est également le cas de la loi du 8 avril 1965 sur la protection de la jeunesse qui vient « corriger » la loi de 1912, sans en bouleverser la logique fondamentale.
Les inflexions du modèle de justice tutélaire : une temporalité diachronique au service d’une trajectoire individuelle
31La loi du 8 avril 1965 sur la protection de la jeunesse, qui porte le seuil de la majorité pénale à 18 ans, étend le régime paternaliste de protection étatique à un ensemble de jeunes, infracteurs ou non, dont l’attitude ou la situation témoignent d’un « état de danger » ou de précarité sociale.
32Sur le plan formel, la réforme de 1965 joue la continuité : la logique tutélaire est maintenue, la justice des mineurs continuant à incarner un modèle de justice dialogal et interactif, discret et peu solennel, dédramatisant et consensuel44. Juge unique entouré d’experts, le magistrat de la jeunesse continue à bénéficier d’un panel de mesures (en principe) diversifiées, à durée indéterminée. De même, la liberté que le juge s’octroiera d’imposer certaines mesures par ordonnance ou par jugement lui permettra de privilégier une procédure tantôt plus rapide tantôt plus lente et de jouer sur le temps judiciaire pour trouver, au cas par cas, la plus juste décision. La flexibilité procédurale a ses revers sur le plan du respect des droits et sera d’ailleurs condamnée par la Cour de cassation45. Elle garde néanmoins ses partisans qui jugent nécessaire le maintien d’une certaine souplesse dans un régime de justice plus individualisé à vocation éducative.
33Quant au fond, le souci de protection, d’éducation et d’intégration s’accentue dans un dispositif qui prévoit l’introduction de mesures de protection sociale aux côtés de la protection judiciaire. Et même si les effets pervers d’une extension de la logique protectionnelle à des mineurs non-délinquants sont dénoncés, c’est in fine un objectif de promotion sociale et culturelle des jeunes qui oriente le nouveau système mis en place. Entre idéal et réalité, il y a bien sûr de la marge : il n’empêche, une des spécificités du modèle mis en place est de reconnaître la « vulnérabilité sociale » de jeunes « en danger » et de souligner implicitement que la déviance des jeunes est aussi (sinon surtout) l’effet de processus institutionnels discriminatoires cumulatifs qui condamnent des jeunes en perte d’affiliation à l’exil.
34Au fil du temps, l’orientation ouvertement « paternaliste » du modèle protecteur se fait donc plus éducative et émancipatrice, orientée vers le futur d’un jeune qu’il s’agit de reconstruire. Sans doute est-ce l’introduction dans la loi de 1965 des mesures de prestations éducatives ou philanthropiques qui souligne le mieux cette volonté de revaloriser un jeune par d’une intervention qui privilégie la construction de son avenir à partir de ses ressources et de celles de son entourage46. Comme le soulignent certains Services de Prestation Educative et Philanthropique (SPEP) chargés de superviser l’exécution par le jeune de ces « sanctions alternatives », dans le processus mis en place par la mesure de prestation, « le jeune devient un partenaire auquel on ne demande pas seulement des comptes pour son passé. Il lui est surtout demandé d’assumer la responsabilité de son devenir »47. La démarche éducative propre au modèle protectionnel est donc ici fondamentalement orientée vers l’avenir. Elle s’inscrit dans une perspective « prospective » où il s’agit d’accompagner le jeune dans une logique de projet, en mobilisant ses compétences, ses capacités, sa responsabilité. Mais si elle s’oriente résolument vers le futur du jeune, la démarche prospective n’exclut pas pour autant toute référence au passé. Le retour sur l’acte peut s’avérer utile, lorsque sa discussion permet de dépasser une dette contractée et d’envisager plus sereinement un projet futur. Dans nombre de cas, le projet éducatif privilégie au fond une temporalité plus « diachronique » que purement « prospective », articulant le passé lié à l’acte, le présent de l’intervention et le projet du jeune pour donner sens à une trajectoire individuelle qui se conçoit comme construction dans le temps48. Au cœur d’une temporalité de la durée, le passé comme « champ d’expérience » et le futur comme « horizon d’attente », pour reprendre les termes de Reinhart Koselleck, la « prétérition » et la « futurition », l’amont et l’aval sont liés pour ouvrir un espace d’initiative et de responsabilité49.
35La perspective futuriste qui constitue la ligne de fuite de la temporalité « diachronique » propre au modèle protectionnel atteint son point culminant au début des années 1990. La promulgation en Communauté française de Belgique d’un décret du 4 mars 1991 sur l’Aide à la jeunesse — ce texte suit de quelques années un décret de philosophie semblable promulgué dès 1985 en Région flamande — consacre la priorité d’une politique sociale « offensive » à l’égard des jeunes dont il faut ouvrir l’horizon d’attentes : socialisation, émancipation et participation sont les maître-mots d’une politique d’aide qui se veut la plus généraliste possible et souhaite laisser le judiciaire à distance. Cette politique table en effet, dans un ordre de priorité décroissant, sur de « nouvelles structures de solidarité » en tenant compte de mécanismes collatéraux « liés au logement, aux revenus, à l’emploi », sur des dispositifs d’aide générale, d’aide spécialisée et de protection judiciaire pour freiner une spirale négative de désaffiliation sociale. Cherchant des relais durables, elle poursuit un objectif de socialisation « lent et continu » qui accepte de suivre le temps du sujet, y compris le temps de ses échecs ou de ses rechutes, quitte à ce que des résultats visés à long terme ne soient ni immédiatement rentables, ni immédiatement visibles.
IV. Intervention dans l’urgence et jugement rétrospectif : le temps finaliste de la justice des mineurs en question
36Paradoxalement, ce modèle d’aide et de protection de la jeunesse connaît sa consécration symbolique au moment même où l’ensemble du projet « tutélaire » est remis en cause. Le début des années 1990 voit en effet le succès croissant d’un autre « discours de vérité » sur le jeu social et sur la déviance des mineurs. Apologie du libéralisme économique et domination de l’économique comme culture, déclin d’un principe de solidarité « aveugle » et détricotage des mécanismes assurantiels de l’État social, montée de l’individualisme et apologie du chacun pour soi contribuent à mettre l’accent sur la responsabilité individuelle. Dans des sociétés où l’action publique se rabat de plus en plus sur les fonctions régaliennes de police et de justice, la priorité est désormais à la régulation et au contrôle immédiat des effets individuels de la question sociale plutôt qu’à un travail à visée prospective sur les mécanismes collectifs producteurs d’inégalités, d’exclusions et de sous-cultures déviantes. Ce changement de priorité répond aussi à une inversion de notre rapport au temps et à l’histoire. Que traduit le succès de cette logique régulatoire sinon une perte de confiance dans nos capacités à agir l’avenir et à investir un futur sous contrôle ? Comme le souligne J. Cl. Guillebaud, « la modernité désanchantée ne s’est pas contentée de congédier les promesses de l’avenir pour exalter celles du présent. Elle n’a pas seulement perdu sa représentation valorisée du futur. Elle renonce peu à peu à agir sur la marche du monde »50. L’éviction du politique et le déclin des mouvements collectifs au profit de l’automaticité du marché et de la valorisation du destin individuel sont autant de signes de cet abandon du « projet ».
37Ce déclin d’un temps futuriste a ses répercussions sur la justice des mineurs. La remise en question des temporalités prospective et diachronique propres à la logique protectionnelle favorise une logique de contrôle de la petite délinquance et une tendance à la repénalisation de la protection de la jeunesse. Dominées par le souci de « gérer les risques » de la déviance des jeunes, les politiques d’aide et de prévention affichent aujourd’hui leur préférence pour une temporalité gestionnaire qui fait la part belle à la « proximité » et privilégie le seul présent. Quant au modèle d’intervention judiciaire, il tend à privilégier une temporalité plus directement « rétrospective », tournée vers le passé d’une faute à payer ou d’un dommage à réparer.
La nouvelle prévention, entre proximité temporelle et spatiale
38En matière de prévention, la logique offensive du décret de l’Aide à la jeunesse se trouve battue en brèche par l’émergence des contrats de prévention et des contrats de sécurité dès 199251. Ces derniers dispositifs incarnent le principe d’une « nouvelle prévention » partenariale et intégrée. A la distance froide et aveugle de l’interventionnisme sectoriel propre à l’État social, la nouvelle prévention oppose la chaleur d’une « approche globale au niveau local », soit la combinatoire d’une action locale en réseau qui associe acteurs policiers et travailleurs sociaux, mais aussi magistrats du parquet dont la vocation « préventive » s’accentue. Innovante sur la forme, la nouvelle prévention partenariale traduit aussi un changement d’orientation au fond : à la dialectique téléologique de l’« émancipation » et du « traitement » de l’individu, au projet d’une transformation sociale des conditions de vie collective succède un discours plus pragmatique de régulation socio-sécuritaire des dysfonctionnements individuels et sociaux dont témoigne la présence de catégories standardisées d’individus à risques. Là où il s’agissait de « traiter » par des actions discrètes et à long terme des jeunes vulnérables et de rendre leur problèmes politiquement visibles, il s’agit désormais « d’invisibiliser » les groupes à risques et de neutraliser leurs problèmes au moyen d’actions rapides et spectaculaires.
39Le changement d’orientation « gestionnaire » est également perceptible sur le plan des temporalités de l’action. Au futur incertain de projets émancipatoires à long terme, on préfère désormais le spectacle de « coups » visibles et (médiatiquement) rentables à court terme. Au temps long de « l’éducation » et du « traitement » se substitue, souvent contre le gré des acteurs de terrain qui résistent comme ils le peuvent, le temps plus immédiat d’une « gestion » dans l’urgence qui devient sa propre finalité. Le téléphone mobile fait désormais partie des ingrédients obligatoires pour nombre de travailleurs sociaux, susceptibles d’être appelés à tout moment pour combler des brèches ou répondre à des urgences diverses. Mais cet idéal de proximité temporelle ne serait guère qu’un leurre s’il ne s’accompagnait d’un souci de proximité spatiale : intervenir vite suppose intervenir sur place. La démultiplication des dispositifs locaux de prévention souligne la nécessité de ceinturer la déviance au plus près de l’action, en « délocalisant » les services dans les quartiers à risques52.
La justice des mineurs : accélération des procédures et orientation rétrospective des mesures
40Si la prévention se fait gestionnaire et centrée sur le présent, l’intervention judiciaire se profile comme « sanctionnelle » et tournée vers le passé. Aujourd’hui, la justice tutélaire et futuriste des mineurs est remise en cause. Jugé tout à la fois inefficace et déresponsabilisant, oublieux des droits du mineur et des réalités vécues par la victime, le modèle protectionnel est en passe d’être remodelé. Alors qu’un correctif « pénal » est déjà perceptible dans les pratiques, des projets de réforme actuellement en discussion annoncent l’avènement d’un modèle hybride « sanctionnel-restaurateur », au croisement d’un projet sanctionnel proposé en 1996 par une Commission nationale pour la réforme de la législation relative à la protection de la jeunesse53 et d’un contreprojet « sanctionnel-restaurateur » rédigé par L. Walgrave et son équipe de la Katholieke Universiteit Leuven il y a quelques mois à peine54.
41Dans le feu des changements théoriques et pratiques qui s’annoncent, on discerne une double évolution temporelle qui accompagne la tentation répressive. La première concerne l’accélération de l’intervention judiciaire, marquée aujourd’hui par un souci de rapidité, voire d’instantanéité. Comme dans la justice pénale des adultes, l’idéal d’une « justice en temps réel » s’immisce dans la justice des mineurs. Le recours aux prestations sur ordonnance plutôt que sur jugement, l’introduction de « mesures de diversion » mises à disposition des parquets ou encore l’intronisation toute récente d’une « procédure accélérée » empruntée à la justice des adultes en témoignent55. La justification de cette accélération de la justice des mineurs n’est guère différente de celle qui préside à l’accélération de la justice pénale des adultes : lutter contre le sentiment d’impunité tant chez les mineurs qu’auprès de la population, éviter qu’une mesure trop tardive ne perde sens et pertinence pour l’auteur des faits, soulager l’encombrement de la justice56. Cette accélération pose manifestement question aux acteurs de terrain, notamment quand l’idéal de rapidité se traduit par une déformalisation de la justice qui conduit à déléguer au parquet jeunesse des missions de justice traditionnellement du ressort du juge de la jeunesse57.
42La seconde évolution concerne l’orientation temporelle de la décision judiciaire. Comme dans la justice pénale des adultes, la justice des mineurs connaît une remise en question de l’idéal futuriste du traitement et le retour de modèles rétributif ou réparateur, axés l’un sur la punition d’une faute passée, l’autre sur la réparation du dommage causé. Dans les deux cas, une justice « rétrospective » tournée principalement vers le passé est privilégiée, même si toute dimension prospective n’est pas totalement évacuée. On ne discutera pas ici en détail le modèle sanctionnel proposé par la Commission Cornélis. Soucieux de rompre avec la logique protectionnelle, ce projet, qui amorce un « retour discret au pénal » selon certains58, maintient dans les termes une finalité éducative à l’intervention judiciaire. Cependant, cet idéal éducatif se conçoit de plus en plus sur le registre unique de « l’intégration des normes de la vie sociale » : éduquer, dans le modèle sanctionnel, ce n’est plus tant « traiter » ou « émanciper » que sanctionner l’acte par une risposte « proportionnée » ou recourir à un salutaire « rappel de la loi » destiné à responsabiliser le mineur délinquant. Si tout caractère diachronique n’est pas dénié à l’intervention judiciaire, le principe en est singulièrement érodé dans un projet plus directement centré sur l’acte que sur la personne du mineur.
43La tendance rétrospective, déjà perceptible dans le projet Cornélis, est encore plus nette dans le modèle « sanctionnel-restaurateur » proposé par Lode Walgrave et ses collègues. Faisant de la réparation du dommage subi par la victime la priorité de l’intervention judiciaire, ce modèle ne s’intéresse plus que de manière accessoire à la personne du mineur et privilégie une temporalité rétrospective axée sur l’acte passé et le dommage causé à la victime. Le fait n’étant plus assimilé à un « signal révélateur de certains problèmes (droit protectionnel) », le sens que prend l’acte pour son auteur comme pour la société n’est plus une variable pertinente de l’intervention, estiment les auteurs. Dès lors, chercher à faire du sens à partir de l’acte, s’en servir comme levier pour orienter un trajet futur à construire devient accessoire dans un modèle réparateur qui ne fait plus de l’avenir du mineur une priorité59. A la différence du droit protectionnel qui travaille dans une perspective « prospective » et vise « un objectif dans l’avenir, à savoir l’adoption par les jeunes d’un complément conforme à la norme », le droit restaurateur travaille donc « de manière rétrospective », son intervention étant fondée sur « les dommages causés dans le passé ». Et les auteurs de regretter dans la foulée, qu’en Belgique, la prestation communautaire, par exemple, soit toujours cadrée par le modèle protectionnel et que, par conséquent, les « motifs pédagogiques » y dominent, ce que l’adoption du modèle restaurateur devrait permettre de conjurer60.
Conclusion
44Aujourd’hui, la justice des mineurs est à la croisée des chemins. Après un siècle dominé par la logique protectionnelle, on semble s’acheminer vers un retour au pénal. La montée victimaire et l’importance de l’opinion publique comme destinataire de l’intervention judiciaire encouragent tout à la fois une accélération de l’intervention judiciaire et une repénalisation de la protection de la jeunesse. On se permettra ici une double mise en garde.
45Tout d’abord, si l’intérêt d’une intervention rapide est réel, il ne peut masquer le risque de « précipitation » : à une époque où tout pousse à réagir dans l’immédiateté de l’émotion, la tentation existe d’alimenter trop vite le système judiciaire avec des affaires qui n’en méritent pas tant, de trancher sans prendre le temps du dialogue qui permet d’éclairer un cas toujours particulier, de privilégier le règlement informel sans respecter le jeu des procédures dont la pensée classique a pourtant souligné toute l’importance. On soulignera aussi ici que la question de la rapidité de l’intervention n’est pas à confondre avec celle de sa « durée » et qu’une intervention plus rapide n’est pas incompatible avec l’écoulement d’un certain délai entre le moment de l’entrée en action de la justice et la décision judiciaire.
46La repénalisation de la protection de la jeunesse, ensuite, pose évidemment question. Elle s’opère au nom de l’échec d’un modèle protectionnel, lui-même mis en place en 1912 au nom de l’échec du régime pénal des mineurs. Quels que soient ici les jugements que l’on puisse porter sur cette évolution en cours — tant les partisans du modèle « sanctionnel » que ceux du modèle « sanctionnel restaurateur » se défendent de prôner un retour au pénal —, on ne peut que constater, dans les projets en cours, la priorité « rétrospective » d’une justice « tarifée » centrée sur la seule sanction ou réparation de l’acte passé. Ce mouvement-là est bien réel et constitue une rupture nette avec la temporalité diachronique propre au modèle protectionnel centré sur la personne du mineur. Cette temporalité rétrospective nous paraît d’une singulière pauvreté, se contentant d’attribuer à la décision judiciaire le rôle « d’effaceur » d’un acte et de ses conséquences pour le mineur. On lui préfère la logique diachronique d’un modèle protectionnel qui, même s’il est susceptible d’évolutions, attribue au juge le rôle de « passeur » entre passé et avenir, au moyen d’une intervention dont la finalité éducative exclut de faire une croix sur le futur.
Notes de bas de page
1 Sur cette question, on se permet de renvoyer à Y. CARTUYVELS, D’où vient le code pénal ? Une approche généalogique des premiers codes pénaux absolutistes au XVIIIe siècle, Bruxelles, Montréal, Ottawa, De Boeck Université, PUM, PUO, 1996.
2 Voyez Y. CARTUYVELS et F. OST, Crise du lien social et crise du temps juridique. Le droit est-il encore en mesure d’instituer la société ? L’exemple du droit pénal, Bruxelles, Fondation Roi Baudouin, 1998, p. 71-77.
3 J. BENTHAM, Traité des sophismes politiques, in Œuvres de J. Bentham, jurisconsulte anglais, éd. E. Dumon, t. I, Bruxelles, p. 490.
4 Allgemeines Gesetz über Verbrechen und derselben Bestrafung, Wien, 1787, I, art. 22-23.
5 Code criminel de l’empereur Charles V, vulgairement appelé La Caroline : Contenant les Loix qui sont suivies dans les Juridictions Criminelles de l’Empire ; Et à l’usage des Conseils de Guerre des troupes suisses (1532), Maestricht, J. E. Dufour et Ph. Roux, 1779.
6 Sur ce thème, voyez M. van de KERCHOVE, La naturalisation des peines, in Images et usages de la nature en droit, sous la dir. de Ph. GERARD, F. OST, M. van de KERCHOVE, Bruxelles, F.U.S.L. 1993, p. 262-270.
7 Voyez F. TULKENS et M. van de KERCHOVE, Introduction au droit pénal. Aspects juridiques et criminologiques, Bruxelles, Story-Scientia, 4e éd., 1998, p. 22-23.
8 C. BECCARIA, Des délits et des peines, Paris, Alcan, 1979, p. 11.
9 MONTESQUIEU, De l’esprit des lois, Paris, 1871, p. 72-73.
10 E. VERHELLEN, Jeugdbescherming en jeugdbeschermingsrecht, Antwerpen-Arnhem, Kluwer en Gouda-Quint, 1988, p. 12-15.
11 Code criminel de l’empereur Charles V, vulgairement appelé La Caroline, op. cit.
12 Fr. TULKENS, Droit de l’aide et de la protection de la jeunesse, Syllabus de cours, T. I, Faculté de droit, Université Catholique de Louvain, 1998-1999, p. 280.
13 Sur ces codes, voyez Y. CARTUYVELS, D’où vient le code pénal ? Une approche généalogique des premiers codes pénaux absolutistes au XVIIIe siècle, op. cit., p. 145-363.
14 J. S. G. NYPELS, Le Code pénal belge interprété, Bruxelles, Bruylant, 1896, p. 236, no 5.
15 J. J. HAUSS, Les principes généraux du droit pénal belge, 1879, 3e éd., reprint, Bruxelles, E. Swinnen, 1979, t. 2, p. 506.
16 J. S. G. NYPELS, Le Code pénal belge interprété, op. cit., p. 237, no 9.
17 Exposé des motifs de la loi du 27 novembre 1891 pour la répression du vagabondage et de la mendicité, Doc. part. Chambre, 1890-1891, no 7, p. 7, cité in Fr. TULKENS, op. cit., p. 15.
18 E. DUCPETIAUX, Rapport sur l’organisation du quartier des jeunes détenus à Saint-Bernard, Bruxelles, 1834, cité in Fr. TULKENS, op. cit., p. 17.
19 Fr. TULKENS et M. van de KERCHOVE, Introduction au droit pénal. Aspects juridiques et criminologiques, op. cit., p. 111-112.
20 A. PRINS, La défense sociale et les transformations du droit pénal, Genève, 1986, p. 43-44.
21 Fr. TULKENS, Introduction, in A. PRINS, La défense sociale et les transformations du droit pénal, Genève, 1986, p. XX.
22 A. PRINS, Science pénale et droit positif Bruxelles, Paris, 1899, p. 48-49. Prins définit une « loi de circonstance » comme une loi dont la formation est due à des circonstances spéciales et dont l’action cesse au moment où ces circonstances cessent.
23 La législation pénale en matière de drogues, introduite en Belgique par une loi de 1921, fournit un bon exemple de « législation par délégation » (voyez e. a. F. MERCENIER, Toxicomanie, délinquance et loi pénale. Rapport de recherche F.N.R.S., Université Catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve, 1997, p. 38-40).
24 A. PRINS, La défense sociale et les transformations du droit pénal, op. cit., p. 55-56.
25 A. PRINS, Science pénale et droit positif, op. cit., p. 453-461. Voir aussi E. FERRI, Sociologie criminelle, Paris, 1893, p. 495 et sv.
26 Si l’Ecole positiviste italienne considère le crime comme symptôme d’une pathologie individuelle ou signe d’une constitution psychique anormale, une approche plus sociologique, dans la foulée des travaux plus anciens d’un Quételet notamment, considère le crime comme phénomène social lié au « milieu » ou à l’existence de groupes sociaux marginalisés que leurs conditions d’existence poussent à la déviance (« les classes dangereuses ») (F. DIGNEFFE, Problèmes et représentations du crime et du criminel, de Howard (1777) à Engels (1845), op. cit., p. 139-212).
27 E. FERRI, La sociologie criminelle, trad. fr. par L. Terrier, Paris, F. Alcan, 1905, p. 268 et sv.
28 Fr. TULKENS, Introduction, in A. PRINS, La défense sociale et les transformations du droit pénal, op. cit., p. XX.
29 M. van de KERCHOVE, Le droit sans peines. Aspects de la dépénalisation en Belgique et aux Etats-Unis, Bruxelles, F.U.S.L., 1987, p. 23-175.
30 Sur le processus de création de la loi de 1912, voyez Fr. TULKENS. Droit de l’aide et de la protection de la jeunesse, op. cit., p. 35-58.
31 Ibidem, p. 57-59.
32 Pandectes Belges, v° Tribunaux pour enfants, t. III, Bruxelles, Larcier, 1925, col. 443, no 434, cité in Fr. TULKENS, op. cit., p. 77.
33 Intervention de M. Wiener, Rapport de la Commission de la justice au Sénat par A. Braun, Pasinomie, 1912, p. 432.
34 J. TREPANNIER et Fr. TULKENS, Délinquance et protection de la jeunesse. Aux sources des lois belge et canadienne sur l’enfance, Bruxelles, Montréal, Ottawa, 1995, p. 84-92.
35 S. DUPONT-BOUCHAT, L’intérêt de l’enfant. Approche historique, in (sous la direction de Ph. GERARD, F. OST et M. van de KERCHOVE), Droit et intérêt, t. III, Bruxelles, F.U.S.L., 1990, p. 23-54 ; M. PERROT, Sur la notion d’intérêt de l’enfant et son émergence au XIXe siècle, in Actes. Cahiers d’action juridique, no 37, 1982, p. 40-43.
36 A. PRINS, Science pénale et droit positif, op. cit., p. 461.
37 I. DESCHAMPS, Le travail social écartelé. Pour un chemin praticable entre l’aide et le contrôle, Bruxelles, Evo, 1994, p. 71-73. Voir aussi P. LASCOUMES, Prévention et contrôle social. Les contradictions du travail social, Genève, Médecine et Hygiène, 1977.
38 Annales parlementaires, Sénat, session 1888-1889, séance du 27 mars 1889, p. 155, cité in Fr. TULKENS, op. cit., p. 30.
39 Ch. VLOEBERGHS, Belgique charitable, Bruxelles, Librairie nationale, 1904.
40 E. PLASKY, La protection et l’éducation de l’enfant du peuple en Belgique. L’école pour la vie, Bruxelles, Société belge de librairie, 1912.
41 Y. CARTUYVELS, Les politiques de prévention socio-pénales en Belgique, métamorphose de l’action étatique ? in (sous la direction de Ph. GERARD, F. OST et M. van de KERCHOVE), Droit négocié, droit imposé ?, Bruxelles, F.U.S.L., 1996, p. 581-603.
42 M. ANCEL, La défense sociale nouvelle. Un mouvement de politique criminelle humaniste, 3e éd., Paris, 1981.
43 Fr. TULKENS et M. van de KERCHOVE, Introduction au droit pénal. Aspects juridiques et criminologiques, op. cit., p. 119.
44 A. GARAPON, Modèle garantiste et modèle paternaliste dans les systèmes de justice des mineurs, in Actes, avril 1989. no°66, p. 19-23.
45 Cass. (2e chambre), 4 mars 1997, J.L.M.B., 1997, p. 1379.
46 Pour une approche juridique de l’apparition et du développement de ces mesures, voyez e.a. M. PREUMONT, Travail d’intérêt général et médiation pénale dans le droit des mineurs : les aspects juridiques, in (sous la direction de Ph. MARY), Travail d’intérêt général et médiation pénale, Socialisation du pénal ou pénalisation du social ?, Bruxelles, Bruylant, 1997, p. 145-164.
47 . Pour de plus amples développements, voyez Y. CARTUYVELS et J. CULTIAUX, Des alternatives qui valent la peine. Recherche action menée en collaboration avec le C.A.R.P.E. et LE PRISME, Bruxelles, Fondation Roi Baudouin, 1999, p. 137-144.
48 Ibidem, p. 142-144.
49 R. KOSELLECK, Le futur passé, Paris, 1990, cité in J. CHESNAUX, Habiter le temps. Passé, présent, futur : esquisse d’un dialogue politique, Paris, Bayard éd., 1996, p. 19.
50 J. Cl. GUILLEBAUD, La refondation du monde, Paris, Seuil, 1999, p. 117.
51 Y. CARTUYVELS, Les politiques de prévention socio-pénales en Belgique, métamorphose de l’action étatique ?, op. cit., p. 581-603.
52 Sur les divers types de proximité en jeu dans ces nouvelles politiques socio-judiciaires, voyez Y. CARTUYVELS et Ph. MARY, Justice de proximité ou proximité de la justice ? Etat des lieux en Belgique, in (sous la direction de A. WYVEKENS et J. FAGET), La médiation en question, Toulouse, Eres, 2000 (à paraître).
53 Commission nationale pour la réforme de la législation relative à la protection de la jeunesse, Rapport final, 1996.
54 H. GEUDENS, W. SCHELKENS et L. WALGRAVE, A la recherche d’un droit sanctionnel restaurateur, in Journal du Droit des Jeunes, mars 1998, no 173, p. 4.
55 Voyez Y. CARTUYVELS et J. CULTIAUX, op. cit., p. 137-142.
56 Voyez e.a. N. DE VROEDE, Une réponse nouvelle à la délinquance des jeunes : les mesures de diversion, in Journal du Droit des Jeunes, 1994, no 133, p. 13-15.
57 Voyez Y. CARTUYVELS et J. CULTIAUX, op. cit., p. 138-141.
58 Fr. TULKENS, La justice des mineurs entre son passé et son avenir, in Journal du Droit des Jeunes, no 173, mars 1998, p. 25-30.
59 H. GEUDENS, W. SCHELKENS et L. WALGRAVE, A la recherche d’un droit sanctionnel restaurateur, op. cit., p. 6.
60 Ibidem, p. 6, note 3.
Auteur
Professeur aux Facultés universitaires Saint-Louis
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