Le temps, la proportionnalité et le juge européen des droits de l’Homme
p. 335-394
Texte intégral
Introduction
1« Règle d’or de la jurisprudence européenne des droits de l’Homme ». Telle est la dignité à laquelle L.-E. Pettiti élevait, en 1995, le principe de proportionnalité1. Pareille qualification ne pourrait aujourd’hui être sérieusement contestée2. Rares, voire introuvables, sont en effet les secteurs du droit de la Convention européenne des droits de l’Homme dans lesquels la proportionnalité, selon des modalités et des dénominations diverses, ne s’est pas imposée3 comme technique d’arbitrage des conflits d’intérêts4, particuliers et généraux, qui forment le nœud des affaires déférées à Strasbourg5.
2Semblable constat ne va pas sans soulever certaines questions. Loin de prétendre en faire ici l’inventaire, nous nous bornerons à mettre en lumière la menace qu’une telle surconsommation de proportionnalité fait peser sur le nécessaire rôle « pédagogique » que la Convention assigne à ses organes d’application.
3Révélé entre les lignes de l’instrument conventionnel, endossé en son principe par la Cour européenne et revendiqué par certains des membres de celle-ci, un tel rôle pédagogique prend racine dans une compréhension duale des objets du litige strasbourgeois6 : contestation particulière portant, dans le court terme, sur l’existence et l’étendue des droits de tel individu au sein d’un contexte particulier, ce litige est aussi l’occasion fournie au juge européen des droits de l’Homme de dire le droit de la Convention, c’est-à-dire d’en préciser, pour le long terme, les exigences générales et abstraites en fournissant sur ce point, à son auditoire, des directives relativement claires (§ 1).
4« Finalité de long terme » de l’office du juge strasbourgeois, ce rôle pédagogique s’accommode mal, tout d’abord, de la proportionnalité comme règle d’adjudication du litige, dès lors que celle-ci apparaît comme un puissant générateur de casuistique, et, corrélativement, d’imprévisibilité (§ 2).
5Ensuite, et peut-être même surtout, ce rôle pédagogique souffrira de la transformation de la proportionnalité en une « discipline » que le juge des droits de l’Homme s’impose à lui-même. Plus originale que la précédente, l’hypothèse ici avancée est celle de l’émergence d’une véritable « proportionnalité de la fonction de juger » du juge strasbourgeois, qui conduit ce dernier, non seulement à s’interroger, dans une démarche résolument conséquentialiste, sur les effets de ses décisions, mais aussi à ne pas dire le droit plus qu’il n’est nécessaire pour trancher le litige particulier qui lui est soumis. Cette dernière directive, qu’un constitutionnaliste américain désigna sous le terme de « decisional minimalism »7, emporte de facto une abdication de toute visée pédagogique de l’office du juge (§ 3).
6Corrélative de cette double hypertrophie de la proportionnalité, l’imprévisibilité qui gagne le droit européen des droits de l’Homme se trouvera être à la source d’une accélération de son temps juridique ; subie ou entretenue, l’imprévisibilité, nous le verrons, est un multiplicateur exponentiel de litiges. C’est à l’aune de se constat que pourra être perçu le caractère éminemment paradoxal de la « prudence » dont est tirée la légitimité d’une telle hypertrophie (§ 4).
§ 1. Le rôle pédagogique du juge européen des droits de l’Homme
a) Considérations générales
7« Dire le droit applicable à toutes les hypothèses semblables »8. Cette définition de l’activité de juridiction pourra apparaître relativement banale. Elle n’en a pas moins le mérite de rappeler la double finalité, qu’à des degrés divers, toute décision de justice est appelée à assumer.
8Finalité de court terme déployée dans une temporalité essentiellement rétrospective, tout d’abord. Il s’agit, par l’énoncé d’une norme de portée individuelle ou collective9 formant le dispositif de la décision considérée, de dissiper la situation d’incertitude10 que concrétise le litige particulier présidant à cette décision. Envisagée sous ce seul angle, la décision de justice et l’office du juge s’inscrivent, selon la terminologie d’E. Serverin, dans le cadre d’une activité de « régulation juridictionnelle »11 dont le produit global s’identifie au « contentieux »12.
9Comme le relève cependant A. Sériaux13, l’office du juge ne s’épuise pas dans cette finalité de court terme consistant à « dire le droit pour le prochain », identifié aux parties litigeantes. En tranchant tel litige déterminé, la décision de justice, à des degrés variables, poursuit également, hors du cadre du procès et dans la durée, une finalité de long terme, prospective. Cette seconde finalité, consistant à « dire le droit pour le lointain »14, procède du rappel et de la systématisation, par la motivation de la décision de justice, des règles et principes généraux et abstraits que la décision concrétise par voie d’interprétation, et dont le champ normatif15 couvre toutes les « hypothèses semblables » à celle qui forme la trame du litige particulier soumis hic et nunc par les parties. Envisagée sous cette finalité de long terme, le produit de l’activité du juge recevra le nom de « jurisprudence »16.
10Sans doute conviendrait-il d’introduire toutes les nuances qui affectent le statut de la « finalité de long terme » de l’acte de juger, selon que l’on se trouve au sein d’un ordre juridique connaissant la règle du précédent obligatoire, ou selon la position occupée par chacune des juridictions au sein de la hiérarchie judiciaire17.
11Cependant, nous nous limiterons ici à souligner que la solidarité entre « finalité de court terme » et « finalité de long terme », inhérentes à tout acte de juger, ne pourrait trouver meilleure expression que dans la formalisation syllogistique du raisonnement judiciaire. Fût-elle en réalité produite par l’intuition18 pour être a posteriori artificiellement19 « replâtrée »20 dans un moule déductiviste, il n’empêche que la conclusion du syllogisme (finalité de court terme de l’acte de juger) devra, sur un plan méthodologique, être présentée comme l’application mécanique de sa majeure, norme générale et abstraite obligatoirement énoncée par le juge et censée préexister, et donc survivre, à cette application (finalité de long terme). En d’autres termes, et quel que soit son caractère contre-factuel, la formalisation syllogistique a cette vertu qu’elle oblige le juge qui s’y astreint à assumer de front les finalités de court terme et de long terme de l’acte de juger : le litige ne peut recevoir de solution concrète que moyennant rappel de la règle générale qui dicte la solution applicable aux hypothèses semblables.
b) Finalité de court terme et finalité de long terme du jugement strasbourgeois
12Rarement juge n’endossa aussi explicitement la double finalité de l’acte de juger que la Cour européenne des droits de l’Homme, à l’occasion de son arrêt Irlande c. le Royaume-Uni du 18 janvier 197821. En réponse au gouvernement britannique qui, reconnaissant l’existence d’une partie des violations du prescrit conventionnel qui lui étaient imputées, plaidait l’inutilité d’une décision de la Cour sur ce point, l’arrêt du 18 janvier 1978 affirmera en effet que « (les arrêts de la Cour) servent non seulement à trancher les cas dont elle est saisie, mais plus largement à clarifier, sauvegarder et développer les normes de la Convention et à contribuer de la sorte au respect, par les Etats, des engagements qu’ils ont assumés en leur qualité de parties contractantes (...) »22-23.
13Dotée d’une portée de principe24, cette reconnaissance de la finalité de long terme de la décision strasbourgeoise, et, corrélativement, du rôle pédagogique25 de son auteur, s’impose comme une nécessité inhérente au système mis en place par la Convention européenne des droits de l’Homme.
14Ce système repose en effet sur un principe de subsidiarité26. Si la Cour européenne est en effet l’interprète authentique27 de l’instrument conventionnel, ce sont en revanche les autorités nationales qui en sont les juges de première ligne28. La garantie des droits conventionnels repose donc sur une répartition des tâches entre le juge international et les autorités nationales, répartition que l’article 35 nouveau — épuisement préalable des voies de recours internes — rend obligatoire, et dont l’article 13 — droit au recours devant une instance nationale — assure l’effectivité. Pareille collaboration ne peut cependant s’avérer fructueuse que si la Cour européenne veille à la finalité de long terme de son office, en prenant prétexte des cas particuliers qui lui sont soumis pour « contribuer à ce que les règles générales qui leur sont applicables soient mieux connues et mieux comprises »29 de la part des autorités étatiques30. En d’autres termes, « (...) la position actuelle de la Cour au sein de la Communauté juridique instituée par la Convention (...) commande (à celle-ci) de ne pas fonder ses décisions (uniquement)31 sur les particularités de l’espèce, mais de s’efforcer (en outre)32 de les motiver, si possible, de manière à donner des directives claires aux juridictions et aux autorités nationales pour les catégories d’affaires concernées »33.
15Prérequis de la possibilité même de leur reconnaître une « autorité de chose interprétée »34, l’assignation d’une fonction pédagogique aux arrêts de la Cour était déjà perceptible dans les travaux préparatoires de la Convention35 et ressort assez clairement de l’article 32 nouveau de celle-ci. Loin en effet de cantonner la fonction du juge européen à l’« application » de l’instrument européen, cette disposition lui assigne en outre la mission de l’« interpréter ».
c) L’arrêt « pédagogiquement idéal »36
16Par arrêt « pédagogiquement idéal », nous entendrons la décision qui, vouée directement à trancher un litige particulier, se donne cependant comme objectif d’éviter la répétition future d’un semblable litige, et ce, en énonçant et en précisant les règles générales et abstraites qui, à l’avenir, détermineront les droits et obligations des personnes se trouvant dans une situation comparable à celle des parties au litige à l’occasion duquel cet arrêt « idéal » intervient.
17La possibilité d’un tel « arrêt idéal » repose sur un effort permanent de distanciation du juge vis-à-vis du litige particulier, distanciation qu’autorisent au demeurant le prescrit conventionnel et la jurisprudence formée à son propos.
18Distanciation par rapport aux parties et à leur préférences, tout d’abord. Le litige ne peut être entrevu comme la « chose » des parties qu’il met aux prises, mais bien comme l’occasion possible d’une contribution à l’édification d’un « ordre public européen »37.
19S’en déduit, premièrement, que, selon la Convention et la jurisprudence strasbourgeoise, ni la mort de la partie requérante38, ni la cessation de la violation dont elle se prétend victime39, ni l’acquiescement à l’existence de celleci40, ni même le « règlement amiable » intervenu entre la victime et l’État défendeur41, ne pourraient dispenser le juge de se prononcer sur la (les) question(s) en litige lorsque sa (leur) résolution présente un intérêt pour la clarification des droits et obligations que la Convention reconnaît et impose.
20S’en déduit, deuxièmement, l’adoption, par les organes strasbourgeois, d’une conception extrêmement souple du principe dispositif. Ainsi voit-on les organes de la Convention affirmer, à maintes reprises, leur pouvoir de requalifier d’office certains griefs soumis par la requête42, de soulever motu proprio cer tains autres griefs43, de rechercher d’initiative l’éventuelle justification de l’atteinte à un droit garanti nonobstant le mutisme du gouvernement défendeur sur ce point44, ou encore, de refuser de faire droit à la demande d’une partie tendant à limiter l’objet du litige à certaines des questions juridiques initialement soulevées45.
21Distanciation par rapport au particularisme des circonstances du litige, ensuite. À la facilité consistant à puiser, dans l’irréductible singularité de l’affaire soumise, un « fatras de motifs »46, sans préciser ce qui, dans cet ensemble indistinct, relève de l’essentiel, du surabondant, voire de l’irrelevant47, le « juge pédagogue » préférera la sincérité d’une motivation ne reprenant que les éléments explicitement reconnus comme nécessaires et suffisants au soutènement de la position qu’il adopte.
22Distanciation par rapport au naturel souci d’économie de la procédure, enfin. Si la finalité de court terme de l’office du juge strasbourgeois s’avère satisfaite sitôt que celui-ci est en mesure d’accéder à l’une des thèses de la partie requérante, sa mission pédagogique pourra cependant lui enjoindre d’examiner, au-delà d’une telle conclusion, l’ensemble des autres questions litigieuses soulevées par l’affaire.
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23Telles sont, sommairement décrites, les conditions de possibilité d’une maximisation de la finalité de long terme des décisions strasbourgeoises et du rôle pédagogique de leur auteur. Reste maintenant à déterminer dans quelle mesure elles demeurent compatibles avec un recours à la « proportionnalité ».
§ 2. Finalité de long terme et utilisation de la proportionnalité comme règle d’adjudication du litige
24Comme règle de comportement des États, le principe de proportionnalité fit l’objet, au sein du droit de la Convention, d’une « irrésistible dispersion »48 dont on ne peut ici49 que retracer les grandes lignes50. Apparu dans la jurisprudence de la Cour51 relative à l’article 14 aux fins d’établir le départ entre dis tinction de traitement autorisée et discrimination prohibée52, la proportionnalité fut ensuite utilisée pour donner corps aux notions de « nécessité dans une société démocratique » des restrictions aux droits garantis par les articles 8 à 1153 et 2 du quatrième protocole additionnel54, de « stricte mesure » des dérogations permises par l’article 1555 et « d’absolue nécessité » des exceptions visées par l’article 2, § 256. La proportionnalité conditionne également l’admissibilité des limitations étatiques au droit de se marier et au droit de propriété, visés respectivement par les articles 1257 et 1er du premier protocole additionnel58. À leur proportionnalité est par ailleurs subordonnée la licéité des limitations implicites qui assortissent le droit d’accès à un tribunal déduit de l’article 659, les droits de vote et d’éligibilité dégagés de l’article 3 du premier protocole additionnel60, et le droit à l’instruction visé par l’article 2 du premier protocole additionnel.
25Comme élément d’interprétation, la proportionnalité s’identifie au « juste équilibre » au départ duquel la jurisprudence strasbourgeoise entend déduire l’existence d’obligations positives à charge de l’État61. C’est également la proportionnalité qui définit, au niveau de l’article 4, ce qu’il y a lieu d’entendre par « travail forcé et obligatoire »62. Non sans susciter la critique, elle fut même introduite au niveau de l’article 363, lequel prohibe pourtant, sans restriction ni dérogation, la torture ainsi que les traitements inhumains ou dégradants. Dans ce dernier domaine, la proportionnalité survit actuellement aux fins de définition de la condition de « stricte nécessité » de la contrainte physique utilisée par les autorités policières nationales à l’égard d’une personne arrêtée ou détenue64.
26Paradoxe ou conséquence inéluctable ? La multiplication des recours à la proportionnalité n’en facilite aucunement la définition65. Sans prétendre ici épuiser la problématique — une analyse approfondie serait pour cela nécessaire —, il apparaît que la jurisprudence strasbourgeoise, prise globalement66 et abstraction faite des éventuelles contradictions qui l’affectent, entend déduire de la notion de proportionnalité au moins trois exigences67. La première est celle de l’appropriation de la mesure limitative d’un droit fondamental pour parvenir à l’objectif qu’elle se fixe68. La seconde est celle de la nécessité de la mesure limitative : il ne doit pas exister d’autre mesure qui, tout aussi efficace pour la réalisation de l’objectif projeté, génère cependant un moindre préjudice pour les droits en cause69. Enfin, la proportionnalité suppose une « balance des intérêts en présence » ; fût-elle appropriée et nécessaire comme décrit ci-dessus, la mesure limitative ne doit pas induire, au détriment des droits garantis, une somme de préjudices disproportionnée par rapport au bénéfice qu’elle dégage au profit de l’intérêt général70.
27Des trois exigences ainsi rappelées, la troisième, dont l’existence semble la mieux assurée au sein de la jurisprudence strasbourgeoise, s’expose volontiers à la critique. Taxée de subjective71, la balance des intérêts apparaît surtout comme un puissant vecteur de casuistique et d’imprévisibilité72. De l’aveu même de l’un ou l’autre juge73, elle relègue certains contentieux, à l’instar de celui portant sur la compatibilité des expulsions d’étrangers avec l’article 874, à une véritable « loterie »75.
28La finalité de long terme des décisions strasbourgeoises ne peut que souffrir d’une telle casuistique. Sans doute les nonnes générales et abstraites, à l’aune desquelles la balance des intérêts se trouve conduite, seront-elles rappelées par la jurisprudence avec une régularité exemplaire. Un tel rappel ne sert cependant que très insuffisamment la finalité de long terme des décisions qui y procèdent76. En effet, à l’inverse de la majeure du syllogisme, de telles normes ne sont plus des règles mais bien des principes77 dont la seule applicabilité à des « hypothèses semblables » n’en conditionne pas automatiquement la solution78 : il s’en déduit qu’une « balance des intérêts » doit systématiquement être effectuée « à plateaux vierges » pour aborder et résoudre chacun des cas d’espèce dans son irréductible particularité (« all things considered »)79.
§ 3. Finalité de long terme et transformation de la proportionnalité en discipline du juge européen
29Traversant de part en part le quotidien du juge européen des droits de l’Homme, la proportionnalité se serait-elle imposée comme discipline gouvernant son office ?
30La question paraîtra saugrenue ; elle se doit d’être bien comprise. Il ne s’agit pas ici de défendre, sur fond d’une compréhension fantaisiste de l’adage patere legem quam ipse fecisti, l’idée selon laquelle il existerait une quelconque obligation pour un juge de se plier aux mêmes règles que celles qu’il entend imposer à ses justiciables. Notre réflexion se bornera simplement à mettre en lumière, au travers d’une analyse de sa jurisprudence, que le juge européen conçoit son office et la double finalité de ses décisions comme si le premier et les secondes devaient se plier à un impératif de proportionnalité. En d’autres termes, il ne s’agit pas de soutenir que le juge européen a l’obligation de juger de manière proportionnée, mais bien de montrer, au travers de différents symptômes issus de sa pratique et à la lumière des différentes acceptions de la proportionnalité recensées ci-dessus80, qu’il se fait l’obligation de juger de manière proportionnée.
a) La décision dans la balance des intérêts : le conséquentialisme
31Pereat mundus, fiat Justifia ? Le propos semble d’un autre âge. Quoique Thémis continue à être représentée les yeux bandés, le juge ne manque pas d’avoir égard aux effets que sa décision est susceptible d’avoir au-delà du litige qui l’a suscitée. Peut-être cela a-t-il toujours été le cas, implicitement. L’originalité est cependant qu’un tel conséquentialisme81 est aujourd’hui ouvertement confessé, voire encouragé82. Dans ce cadre, le juge ne cache plus qu’il met en balance l’intérêt du Droit, incarné par sa décision, avec les autres intérêts que cette décision est susceptible de léser.
32Un tel conséquentialisme, dont P. Martens affirme le souci au sein de la Cour d’arbitrage83, est ouvertement affiché par la Cour de justice des Communautés européennes84. C’est au demeurant en s’inspirant de cette dernière que la Cour européenne des droits de l’Homme, dans son arrêt Marckx c. La Belgique du 13 juin 197985 reconnaîtra que, quoique « la Cour n’a pas à se livrer à un examen abstrait des textes législatifs (belges) incriminés », mais doit se limiter à rechercher « si leur application aux requérants cadre ou non avec la Convention », il n’en demeure pas moins que sa décision produira « fatalement des effets au-delà du cas d’espèce »86. Par conséquent, l’arrêt du 13 juin 197987 affirme, en citant la jurisprudence Defrenne, que « les conséquences pratiques de toute décision juridique doivent être pesées avec soin », aux fins, in casu, de concilier la nécessité d’une interprétation évolutive de la Convention et les impératifs de la sécurité juridique. Pareille conciliation prendra, en l’occurrence, la forme d’une limitation dans le temps de l’effet déclaratif de l’interprétation donnée par l’arrêt Marckx à certaines dispositions conventionnelles88.
33Ce conséquentialisme, que la Cour européenne ne révèle que rarement89 mais qui imprègne parfois les opinions séparées de certains de ses juges90, peut nuire à la fonction pédagogique de la jurisprudence européenne. L’hypothèse ici avancée est celle d’une réticence de la juridiction européenne à s’exprimer par voie de normes générales et abstraites eu égard aux conséquences, parfois incertaines, que de telles normes pourraient provoquer dans les ordres juridiques nationaux91, et d’une inclination, en pareille hypothèse, à rendre une décision d’espèce satisfaisante, sans plus, à sa finalité de court terme. En revanche, pareille inhibition cesserait lorsque les dicta généraux et abstraits du juge européen, virtuellement porteurs d’effets considérables, s’avéreraient en réalité ne revêtir qu’une portée « platonique », limitée à enregistrer ou à encourager une évolution juridique accomplie ou en voie d’achèvement. Cette hypothèse, iconoclaste, fut brillamment défendue par le Professeur Rigaux à l’occasion d’un récent colloque consacré à l’interprétation de la Convention européenne des droits de l’Homme92. Cherchant en effet à expliquer les disparités de la mobilisation, par la jurisprudence européenne, de la technique de l’interprétation évolutive, et la coexistence, dans ce domaine, d’audace et de pusillanimité, l’éminent juriste émet l’idée selon laquelle les paradigmes de l’interprétation évolutive sont intervenus dans des affaires où l’État défendeur acquiesçait, plus ou moins explicitement, aux griefs formés à l’encontre de sa législation. De la sorte, cet État « tendait une perche » aux organes de la Convention et levait les réticences que ceux-ci eussent pu éprouver à l’idée de condamner, par voie générale et abstraite, ladite législation93. En un mot, les organes de la Convention étaient invités à enfoncer des portes ouvertes.
34À l’appui de cette hypothèse, le Professeur Rigaux rappelle que l’arrêt Marckx c. La Belgique94 fut rendu alors qu’avait préalablement été déposé un projet de loi portant modification des dispositions du code civil incriminées devant la Cour, projet de loi dont l’exposé des motifs confessait ouvertement le caractère discriminatoire du statut des enfants naturels en droit belge95. De même, le Gouvernement britannique avait-il signalé, à l’occasion de l’affaire Dudgeon c. Le Royaume-Uni96, qu’il avait projeté, en juillet 1978, d’abolir en Irlande du Nord la répression de l’homosexualité, comme il l’avait déjà fait en Angleterre et au Pays de Galles97. Enfin, l’attorney-général de l’île de Man faisait état, dans l’affaire Tyrer c. Le Royaume-Uni98, du dépôt, devant le Parlement de l’île, d’un projet de loi abolissant le châtiment judiciaire corporel comme sanction pour le délit dont A. Tyrer s’était rendu coupable99. La validité de la grille de lecture mise en place par le Professeur Rigaux semble même confirmée hors de la seule jurisprudence relative à l’interprétation évolutive. Exceptionnelles100 sont en effet les hypothèses où un ordre juridique interne ne sera pas condamné à Strasbourg alors même qu’il « tend la perche » à une telle condamnation, soit que la législation, la jurisprudence, ou la pratique administrative nationales incriminées aient fait l’objet ou s’apprêtent à faire l’objet d’une modification au moment du jugement de la Cour, soit que le gouvernement défendeur acquiesce tout simplement à tout ou partie des griefs qui lui sont adressés101. D’où la tentation de poser l’équation selon laquelle le caractère pédagogique d’une décision sera inversement proportionnel à la taille des enjeux qui lui sont sous-jacents102.
b) Dire le droit dans la mesure strictement nécessaire à la résolution du cas particulier : le refus pédagogique
35L’agrégation de divers phénomènes met en lumière une tendance du juge strasbourgeois à s’auto-imposer une discipline d’économie de motivation et de procédure, se traduisant par un refus de dire le droit au-delà de ce qui est nécessaire pour la résolution du litige particulier qui lui est soumis. Observée par les meilleurs auteurs à l’aide, précisément, de la sémantique de la proportionnalité103, cette tendance ne sera ici illustrée qu’au travers de ses symptômes les plus caractéristiques : l’inventaire dressé ne prétend en aucune façon à l’exhaustivité.
b. 1) le refus de doctrine
36Le droit de la Convention repose largement sur un ensemble de « doctrines » dont, paradoxalement, la Cour se refusa, à un moment ou à un autre104, à livrer ne fut-ce que les grandes lignes. Ainsi l’arrêt Golder c Le Royaume-Uni du 21 février 1975105 estima-t-il qu’il n’entrait pas dans le rôle de la Cour d’élaborer une théorie générale des limitations implicites aux droits des personnes détenues106. De même, l’on trouve dans l’arrêt Plattform « Ärtze für das Leben » c. L’Autriche du 21 juin 1988107 l’affirmation selon laquelle la Cour n’a pas à développer une théorie générale des obligations positives découlant de la Convention108. Par ailleurs, et quoique l’occasion lui en ait été offerte à plusieurs reprises, il ressort de la jurisprudence de la Cour que celle-ci s’est abstenue, via un raisonnement pragmatique109, d’énoncer quelque propos de principe110 sur la validité substantielle des renonciations aux droits garantis par la Convention111.
37Enfin, divers observateurs constatent que, quoique ne s’y étant jamais expressément refusée, la Cour européenne s’abstient de développer quelque théorie concernant certaines questions d’importance fondamentale, à l’instar de la définition du concept de « notion autonome »112, de la répartition de la charge de la preuve dans le cadre du procès strasbourgeois113,... ou du contenu du principe de proportionnalité.
b.2) Le refus d’interprétation
38Il est diverses notions utilisées par le texte conventionnel dont la Cour européenne se refusa expressément à donner une définition générale et abstraite, en compréhension. En la matière fut privilégiée une démarche résolument casuistique au départ de laquelle, par incrémentalisme et au prix d’une certaine insécurité juridique, la définition peut éventuellement être reconstruite en extension. Ainsi en va-t-il de la notion de « droits et obligations de caractère civil », à laquelle l’arrêt Benthem c. Les Pays-Bas du 23 octobre 1985114 n’estima pas nécessaire — nonobstant l’invitation de la Commission115 — de donner une définition générale et abstraite. D’aucuns ont avancé l’idée qu’un tel refus se trouve notamment à l’origine des incertitudes qui traversent la matière, à l’heure actuelle encore116.
39Dans un même ordre d’idées, il fallut attendre l’arrêt Sigurdur Sigurjonsson c. L’Islande du 30 juin 1993117 pour que la Cour apporte une réponse à la question que les arrêts Young, James et Webster c. Le Royaume-Uni du 13 août 1981118 et Sibson c. Le Royaume-Uni du 20 avril 1993119 n’estimaient pas nécessaire de trancher : l’article 11 de la Convention consacre-t-il le droit négatif de ne pas s’associer ? La salutaire pédagogie dont fait preuve l’arrêt Sigurjonsson en répondant à cette question — in casu de manière affirmative120 —, est cependant, et paradoxalement, immédiatement contrebalancée par l’introduction pragmatique d’une nouvelle inconnue. Affirmant que « l’article 11 consacre un droit négatif d’association », la Cour ajoute néanmoins qu’elle « ne croit pas devoir rechercher en l’occurrence si ce droit s’y trouve inclus à l’égal du droit positif »121. Pas davantage l’arrêt Gustafsson c. La Suède du 25 avril 1996122 n’estimera-t-il nécessaire de trancher cette question que certains juges dissidents tenaient pourtant pour « fondamentale »123.
40De tels « refus d’interprétation » générale et abstraite124 expliquent la récurrence de certaines problématiques dans la jurisprudence des organes de la Convention : les incertitudes entretenues sont vecteurs de répétition des situations litigieuses, et corrélativement, de nouvelles requêtes. Deux « contentieux » — le terme est ici délibérément choisi125 — illustrent cette proposition.
41Le premier contentieux est celui de la compatibilité avec l’article 9 de la répression pénale du prosélytisme religieux en Grèce. Premier à s’être prononcé sur la question, l’arrêt Kokkinakis du 25 mai 1993126 ne brille pas par sa pédagogie. Privilégiant — au grand dam des juges dissidents et des commentateurs127 — un contrôle de conventionnalité portant, non sur la loi grecque, mais sur son application in casu, l’arrêt invite à réaliser une distinction entre, d’une part, « le témoignage chrétien », protégé par l’article 9, et, d’autre part, « le prosélytisme abusif », à la seule répression duquel les juridictions grecques devraient se limiter128. Toutefois, ce même arrêt estime qu’en l’espèce, il n’a pas à définir in abstracto un tel prosélytisme abusif129. En conséquence, la loi grecque ne pouvait être sauvée qu’à charge d’une interprétation conforme pour les besoins de laquelle la Cour s’abstenait de fournir quelque directive130. Faudra-t-il s’étonner, dans ce cadre, que la jurisprudence grecque, postérieure à l’arrêt Kokkinakis, se soit singulièrement brouillée131 et que la Cour de cassation grecque, dans un arrêt du 30 juillet 1993, ait pu croire qu’elle pouvait s’en tenir à sa jurisprudence antérieure à l’arrêt Kokkinakis132 ? Faudra-t-il dès lors s’étonner que l’affaire tranchée par l’arrêt de la Cour de cassation grecque susvisé ait dû faire l’objet d’une nouvelle requête devant les instances strasbourgeoises, laquelle se solda, le 24 février 1998, par une nouvelle condamnation de la Grèce133 ?
42Le second contentieux est celui à l’occasion duquel fut soulevée la question de savoir si le Parlement européen pouvait être tenu pour un « corps législatif » au sens de l’article 3 du premier protocole additionnel de la Convention134. Pareille qualification supposait la résolution affirmative d’une double question. La première, tributaire de l’évolution de la construction communautaire, était celle de l’amplitude des pouvoirs du Parlement européen. La seconde, indépendante d’une telle évolution, visait la possibilité de qualifier un organe supranational de « corps législatif ». Pragmatisme faisant, rien moins que vingt années de jurisprudence auront été nécessaires pour obtenir une position de principe à ce sujet.
43Dans une décision K. Lindsay c. Le Royaume-Uni du 8 mars 1979135, la Commission disait ne pas exclure « que l’évolution des Communautés européennes puisse contraindre les Hautes Parties contractantes à reconnaître le droit garanti par l’article 3 du protocole (1) à l’égard de nouveaux organes représentatifs assumant en partie les pouvoirs et fonctions des corps législatifs nationaux ». Toutefois, la Commission notait qu’à l’époque considérée, le « Parlement européen n’exerç(ait) pas le pouvoir législatif au sens strict (...) » et « constitu(ait) un organe consultatif en matière législative » exerçant « certains pouvoirs budgétaires et de contrôle ». En définitive cependant, la décision Lindsay ne trancha pas la question car, même à supposer l’article 3 du protocole 1 applicable au Parlement européen, cette disposition n’eût de toute façon pas été violée. De manière substantiellement identique, la décision Alliance des belges de la Communauté européenne c. La Belgique du 10 mai 1979136 laissera la question ouverte. L’entrée en vigueur de l’Acte unique européen invitait sans doute à réinterroger cette première jurisprudence. Néanmoins, la Commission, dans ses décisions Tête c. La France du 9 décembre 1987137 et Fournier c. La France du 10 mars 1988138, estima que les pouvoirs du Parlement européen étaient à l’époque encore insuffisants pour qu’on puisse le qualifier de « corps législatif dans le sens que l’on donne d’ordinaire à cette expression ». En définitive, et une fois encore, la Commission laissera la question ouverte, car, même à supposer l’article 3 du protocole 1 applicable, il n’eût de toute façon pas été violé in casu.
44L’entrée en vigueur du Traité de Maastricht modifiait une nouvelle fois les données du problème. Il n’en demeure pas moins qu’une décision André c. La France du 18 octobre 1995139 parvint encore à l’éluder selon une technique bien éprouvée : même applicable au Parlement européen, l’article 3 du premier protocole ne serait de toute façon pas, in casu, violé. Saisie pour la première fois de la question à l’occasion de son arrêt Ahmed c. Le Royaume-Uni du 2 septembre 1998140, la Cour n’entendit pas se départir du pragmatisme qui, jusqu’alors, avait dominé la jurisprudence de la Commission. Cette affaire soulevait notamment la question de savoir si l’interdiction faite à certains fonctionnaires de se porter candidats aux élections locales, nationales et européennes contrevenait à l’article 3 du premier protocole additionnel. Constatant qu’en toute hypothèse, pareille interdiction pouvait être admise au titre des limitations implicites des droits garantis par cette disposition141, la Cour142 déclare le grief non fondé « sans se prononcer sur la question de savoir si les élections aux assemblées locales ou les élections au Parlement européen sont couvertes par l’article 3 du Protocole no 1 »143.
45L’épilogue de cette « saga du Parlement européen » ne sera atteint qu’à la faveur de l’affaire Matthews c. Le Royaume-Uni, tranchée par arrêt de la nouvelle Cour du 18 février 1999144. Ressortissante britannique, la requérante réside à Gibraltar. Pour cette raison, elle ne dispose pas de la possibilité de parti ciper aux élections du Parlement européen. Soulevant des griefs tirés de la violation de l’article 3 du premier protocole, pris isolément et combiné avec l’article 14, la requête n’ouvrait pas la voie à une résolution pragmatique du litige. En particulier, la technique du « à supposer applicable », prisée par le passé, se révélait inopérante. En effet, dès lors que la suppression pure et simple du droit de vote de la requérante emportait atteinte à la substance même du droit garanti par l’article 3 du protocole 1, la question de l’applicabilité de cette disposition devenait incontournable ; elle ne fut, en l’occurrence, pas contournée.
46Dans son rapport du 29 octobre 1997145, la Commission affirmera avoir, dès l’origine, indexé sa jurisprudence à la seule évolution des compétences du Parlement européen, et ce, aux fins de déterminer si ce dernier pouvait être qualifié de « législateur ». Par contre, elle reconnaîtra ne jamais avoir pris position sur la question de savoir si la notion de « corps législatif », contenue à l’article 3 du premier protocole, pouvait être appliquée à un organe supranational146. Or, se référant sur ce point aux intentions des pères fondateurs de la Convention, le rapport du 29 octobre 1997 conclut cette question par la négative147. Diamétralement opposée sera la position adoptée par l’arrêt du 18 février 1999148. Celui-ci conclut à l’applicabilité de l’article 3 du protocole 1 au Parlement européen, en affirmant notamment, sur fond d’interprétation évolutive, que « le simple fait qu’un organe n’a pas été envisagé par les auteurs de la Convention ne saurait empêcher cet organe d’entrer dans le domaine de la Convention. Dans la mesure où les Etats contractants organisent des structures constitutionnelles ou parlementaires communes par des traités internationaux, la Cour doit tenir compte, pour interpréter la Convention et ses protocoles, des changements structurels opérés par des accords mutuels ».
47Cet épilogue laisse songeur. Qui ne voit que la controverse vidée par l’affaire Matthews s’articulait en réalité autour de deux thèses — interprétation historique contre interprétation évolutive — dont la soutenance et l’affrontement, en termes rigoureusement identiques, aurait pu — n’eût été le pragmatisme de la Commission — avoir lieu vingt ans plus tôt ?
b.3) La technique de « l’hypothèse de travail »
48Largement à l’oeuvre dans la « saga du Parlement européen » retracée cidessus, la technique de l’« hypothèse de travail »149 permet aux organes de la Convention de faire l’économie d’une interprétation de celle-ci et, partant, de contourner les difficultés et controverses qui pourraient naître sur ce point. Cette technique consiste à s’abstenir de se prononcer sur l’applicabilité, à une situation litigieuse, d’une disposition conventionnelle déterminée, en constatant que, même applicable, ladite disposition ne serait de toute façon pas violée.
49Cette technique, connue de la Commission150 et volontiers pratiquée par la Cour de Justice des Communautés européennes151, est relativement ancienne dans la jurisprudence de la Cour. On la retrouve déjà à l’oeuvre, au niveau de l’article 6, dans l’arrêt Klass c. L’Allemagne du 6 septembre 1978152. Se posait dans cette affaire la question de savoir si les mesures de surveillance de la correspondance en vigueur en Allemagne mettaient en cause les « droits civils » ou aboutissaient à une « accusation en matière pénale ». Dans l’un ou l’autre cas, l’article 6 eût trouvé à s’appliquer aux fins de garantir aux individus concernés « le droit à un tribunal ». La Cour ne tranchera cependant pas cette question d’applicabilité : même applicable, l’article 6 n’était pas, in casu, violé153.
50Un autre exemple154 de ce type de raisonnement illustre tout à la fois son efficacité à contourner les questions hautement problématiques et la subtilité de la logique qu’il mobilise. Dans une décision X. c. Le Royaume-Uni du 13 mai 1980155, la Commission fut confrontée à la question de savoir si la protection du droit à la « vie », assurée par l’article 2, pouvait s’interpréter comme visant également « la vie à naître » du fœtus. Selon la Commission, trois réponses étaient envisageables. Soit l’on considère que l’article 2 protège de manière absolue le droit à la vie du fœtus ; soit l’on considère que l’article 2 protège ce droit en l’assortissant de limitations implicites ; soit l’on considère que l’article 2 ne concerne pas le fœtus.
51La première interprétation est logiquement écartée par la Commission : « Si l’on déclarait que la portée de l’article 2 s’étend au fœtus et que la protection accordée par cet article devait, en l’absence de limitation expresse, être considérée comme absolue, il faudrait en déduire qu’un avortement est interdit, même lorsque la poursuite de la grossesse mettrait gravement en danger la vie de la future mère ». Cela signifierait que la « vie à naître du fœtus est plus précieuse que celle de la femme enceinte ». Or, « (...) pareille interprétation serait contraire à l’objet et au but de la Convention ».
52Sur cette base, la Commission n’estima pas nécessaire de trancher entre les deux autres interprétations possibles de l’article 2 visées ci-dessus. En effet, que l’on opte pour l’une ou l’autre, la mesure incriminée par la requête ne se révélait de toute façon pas incompatible avec cette disposition conventionnelle. Un tel pragmatisme, caractéristique de toute la jurisprudence strasbourgeoise relative à l’avortement156, conduit, à l’heure actuelle encore, à maintenir dans l’incertitude le statut de l’enfant à naître vis-à-vis de l’instrument conventionnel. S’étonnera-t-on, en pareille circonstance, que la Cour d’arbitrage157 et la Cour de cassation158 belges, aboutissent, sur cette question, à des conclusions diamétralement opposées ?
53Enfin, l’on constatera que la technique de l’hypothèse de travail sera volontiers mobilisée lorsqu’une question d’interprétation, in abstracto délicate et controversable, ne fait cependant pas, dans le litige particulier, l’objet d’une contestation entre parties litigeantes159. Ainsi, l’affaire Laskey, Jaggard et Brown c. Le Royaume-Uni160 soulevait-elle le problème de l’inclusion, sous le concept de « vie privée », de pratiques sadomasochistes organisées. Largement critiquée par la doctrine, la position de l’arrêt du 19 février 1997161 sera, sur ce point, résolument pragmatique. Affirmant que « toute pratique sexuelle menée à huis clos ne relève pas nécessairement du domaine de l’article 8 », et constatant le degré d’organisation atteint par les pratiques incriminées en l’espèce (recrutement, nombre de participants, mises à disposition de chambres équipées, enregistrement vidéo), la Cour en déduisait qu’il était « donc permis de se demander, vu les circonstances particulières de l’espèce, si les pratiques sexuelles des requérants relèvent entièrement de la notion de “vie privée” ». Toutefois, la Cour constate qu’« aucun des comparants n’(a) contesté ce point ». En conséquence, elle « (...) ne voit pas de raison de l’examiner de sa propre initiative. Partant donc du postulat que les poursuites engagées contre les requérants et leur condamnation ont constitué une ingérence dans leur vie privée, elle recherchera si celle-ci était “nécessaire dans une société démocratique” au sens du second paragraphe de l’article 8 ». Qu’ils y voient une abdication, par la Cour, de sa fonction d’interprétation162, ou une porte ouverte à une protection des droits fondamentaux assurée « à la tête du client »163, la plupart des commentateurs déplorèrent le pragmatisme ainsi manifesté par l’arrêt du 19 février 1997.
b.4) La dénégation d’effet précédentiel
54Diverses affaires164 virent la Cour dénier tout effet précédentiel aux positions relativement constructives qu’elle adoptait aux fins de résolution du litige.
55Ainsi l’arrêt Gaskin c. Le Royaume-Uni du 7 juillet 1989165 devait-il se prononcer sur la compatibilité avec l’article 8 du refus, opposé au requérant, de consulter le dossier établi à son nom lorsqu’il était pupille de l’assistance publique. Au chapitre de l’applicabilité de la disposition conventionnelle invoquée, la Cour affirmera qu’« à n’en point douter, les pièces versées au dossier concernent la “vie privée et familiale” de M. Gaskin à un degré tel que le problème de leur accessibilité à l’intéressé entre dans le domaine de l’article 8 »166. Toutefois, l’arrêt du 7 juillet 1989 entendit immédiatement préciser que « par une telle conclusion, la Cour n’exprime aucune opinion sur la question de savoir si des droits généraux d’accès à des données et renseignements personnels peuvent se déduire du paragraphe 1er de l’article 8. Elle ne se trouve pas appelée à trancher dans l’abstrait de grands problèmes de principe en la matière, mais à statuer sur le cas concret du requérant »167.
56Une même dénégation d’effet précédentiel fut observable, quoique de manière implicite, à l’occasion de l’affaire D. c. Le Royaume-Uni, tranchée par la Cour le 2 mai 1997168. Trafiquant de drogue et malade du Sida en phase terminale, le requérant estime contraire à l’article 3 le fait d’être expulsé vers SaintKitts où il ne dispose, ni d’un logement, ni d’une famille, ni d’un soutien moral ou financier, ni même de la possibilité d’obtenir un traitement médical approprié. Développant une interprétation relativement constructive des exigences de l’article 3 de la Convention, l’arrêt du 2 mai 1997 avait abouti à la conclusion que « (...) la mise à exécution de la décision d’expulser (le requérant) vers Saint-Kitts constituerait, de la part de l’État défendeur, un traitement inhumain ». Toutefois, la Cour affirma, à deux reprises, n’atteindre cette conclusion qu’eu égard aux « circonstances exceptionnelles »169 de l’affaire. Enfin, et comme s’il convenait de dissuader davantage son lecteur de l’envie de lui prêter quelqu’effet de précédent170, l’arrêt du 2 mai 1997 s’empresse d’ajouter que « les non-nationaux qui ont purgé leur peine d’emprisonnement et sont sous le coup d’un arrêté d’expulsion ne peuvent en principe revendiquer le droit de rester sur le territoire d’un État contractant afin de continuer à bénéficier de l’assistance médicale, sociale ou autre, assurée durant leur séjour en prison par l’État qui les expulse »171.
b.5) Le refus de contrôle in abstracto
57L’on ne dénombre plus les décisions qui, selon une formulation plus ou moins identique, réaffirment l’idée selon laquelle, « dans des affaires issues d’une requête individuelle (article 25 [devenu 34]), la Cour n’a point pour tâche de contrôler dans l’abstrait la législation litigieuse ; elle doit se borner autant que possible à examiner les problèmes soulevés par le cas dont on l’a saisie »172.
58Un tel refus de contrôle abstrait puise son origine dans la nature du recours institué par l’article 25 (nouveau 34) de la Convention. Comme l’affirma l’arrêt Klass c. L’Allemagne du 6 septembre 1978173, « contrairement à l’article 24 [nouveau 33] selon lequel l’intérêt général s’attachant au respect de la Convention rend recevable, sous réserve des autres conditions fixées, une requête interétatique, l’article 25 [nouveau 34] exige qu’un individu requérant se prétende effectivement lésé par la violation qu’il allègue (...)· Il n’institue pas au profit des particuliers une sorte d’actio popularis pour l’interprétation de la Convention : il ne les autorise pas à se plaindre in abstracto d’une loi par cela seul qu’elle leur semble enfreindre la Convention ».
59Corollaire des conditions de reconnaissance d’un locus standi individuel, le refus de contrôle abstrait se transforma rapidement en directive de l’examen du fond du litige strasbourgeois174. En ce domaine cependant, la pratique stras bourgeoise semble en perpétuel excès par rapport à l’affirmation simpliste d’un refus de contrôle in abstracto du droit interne et d’une focalisation exclusive sur son application concrète à l’individu demandeur. Au demeurant, le discours même de la Cour ne semble pas, sur ce point, à l’abri de la contradiction175. De même176, nombreux sont ceux qui constatent un divorce occasionnel entre ce discours et sa mise en oeuvre pratique.
60Il ne pourrait être question de dresser ici un tableau, fut-il simplifié, de la pratique strasbourgeoise sous l’angle du caractère abstrait ou concret du contrôle exercé dans le cadre de requêtes individuelles ; d’autres s’y sont livrés avant nous177. De même, il ne sera pas question de résumer ici l’intense controverse doctrinale178 qu’articule cette question, au point, parfois, de diviser les organes de la Convention entre partisans de l’exercice d’un contrôle abstrait du droit national179 et champions d’une autolimitation de l’examen aux seules données du litige suscité par l’application concrète de la règle interne180. Nous nous bornerons ici à formuler deux remarques.
61La première invite à constater que le refus d’un examen abstrait du droit interne, et la focalisation corrélative de l’examen sur les seules circonstances de la cause, induit la récurrence d’une même question litigieuse. Emblématique est, à cet égard, le contentieux formé autour de la question de la compatibilité des compétences exercées par la Cour administrative autrichienne avec l’exigence de « pleine juridiction » déduite de l’article 6181.
62La seconde remarque tient à l’attitude des Etats parties visà-vis du contrôle abstrait de leurs règles internes. Intuitivement, l’on pourrait avancer qu’un tel contrôle abstrait, eu égard à ses conséquences possibles, sera perçu avec défaveur par l’État mis en cause. Cependant, la pratique strasbourgeoise tend fréquemment à démentir cette première intuition. Ainsi que l’ont relevé M.-A. Eissen182 et J. Callewaert183, l’exercice d’un contrôle in abstracto de la législation mise en cause peut rencontrer les voeux du gouvernement défendeur qui, par souci de sécurité juridique, souhaite voir définitivement tranchée la question de la conventionnalité de cette législation. Un tel souci peut se concrétiser directement par une demande de contrôle abstrait émanant de l’État mis en cause184. Il se révèle également, mais indirectement cette fois-ci, dans la propension de certains États parties à rechercher, dans la jurisprudence antérieure de la Cour, un éventuel brevet de conventionnalité qui aurait été décerné à leurs lois ou pratiques ultérieurement remises en cause185.
b.6) L’économie de procédure
63Nombre de dispositions conventionnelles subordonnent la licéité des ingérences dans les droits qu’elles consacrent à la réunion d’une triple condition de légalité, de légitimité et de proportionnalité. Ces conditions étant cumulatives, il s’en déduit que l’absence de l’une d’entre elles apparaît comme la base nécessaire et suffisante du constat de violation de la disposition conventionnelle en cause, et, partant, de la satisfaction de la finalité de court terme du litige strasbourgeois. Dans cette optique, tout examen supplémentaire des autres con ditions de licéité fixées par la règle s’inscrit nécessairement dans une démarche somptuaire dotée d’une visée résolument pédagogique.
64Soucieuse d’économie de procédure, la pratique strasbourgeoise répugne à se livrer à ce type de démarche somptuaire : en atteste le nombre important d’affaires où, ayant constaté que l’ingérence litigieuse ne satisfaisait pas à la condition de légalité, la Cour n’estima pas nécessaire d’examiner de surcroît si les conditions de légitimité et de proportionnalité se trouvaient, quant à elles, remplies186.
65Cantonnant l’État défendeur dans l’incertitude concernant la conventionnalité matérielle des mesures par lui adoptées187, et plus largement, la communauté des Etats membres dans l’ignorance des principes qui régissent la matière, pareille économie de procédure a pu — rarement il est vrai — être critiquée au sein même des organes d’application de la Convention. Tel fut le cas dans l’affaire Malone c. Le Royaume-Uni, tranchée par arrêt de la Cour du 2 août 1984188.
66Cette affaire soulevait en effet la question de la compatibilité avec l’article 8 de l’interception et du comptage de communications téléphoniques par les autorités britanniques.
67Quant aux interceptions, l’arrêt du 2 août 1984 conclut au non-respect de la condition de légalité fixée par l’article 8, § 2189. S’avançant néanmoins, de manière « somptuaire », sur le terrain de la nécessité dans une société démocratique de ce type d’ingérence, la Cour notera que l’exercice de pouvoirs de surveillance des communications « engendre, en raison de son caractère secret intrinsèque, le risque d’abus aisés à commettre dans des cas individuels et de nature à entraîner des conséquences préjudiciables pour la société démocratique tout entière (...). Partant, l’ingérence qui en résulte ne saurait passer pour “nécessaire”, “dans une société démocratique”, que si le système de surveillance adopté s’entoure de garanties suffisantes contre les excès »190. Cependant, et en dépit de l’argumentation du requérant sur ce point, la Cour estimera que sa conclusion au chapitre de la légalité de l’ingérence la dispensait de « déterminer plus avant en quoi consistent les autres garanties exigées par le paragraphe 2 de l’article 8 ni si le système litigieux les offrait en l’occurrence »191. Par une économie de motifs plus prononcée encore, l’arrêt du 2 août 1984 parvint à la même conclusion, s’agissant cette fois-ci du comptage des communications téléphoniques192.
68Pareille économie de procédure fut critiquée par le juge Pettiti193 au nom de « l’importance majeure »194 du problème soulevé par l’affaire : « Se référer dans l’arrêt simplement à la notion de société démocratique et à l’exigence de “garanties suffisantes” sans définir celles-ci dans les principes et principales modalités pourrait être insuffisant en vue de l’interprétation que l’État donnerait à la Convention et à l’arrêt »195.
69Le propos du juge Pettiti relayait au demeurant le regret formé par Μ. T. Opshal dans l’opinion séparée qu’il joignit au rapport rendu par la Commission, le 17 décembre 1982196, dans la même affaire. Plus pragmatique encore que l’arrêt de la Cour, ce rapport avait tout d’abord conclu à l’absence de légalité des interceptions téléphoniques. Forte de cette conclusion, la Commission avait estimé « qu’il n’(était) pas nécessaire, dans les circonstances de la cause, de rechercher si le « comptage » (avait) également porté atteinte aux droits du requérant »197. Se penchant sur ce passage du rapport, Μ. T. Opshal affirme que « certes, compte tenu de la conclusion de la Commission sur l’interception, on peut estimer moins nécessaire en l’espèce d’approfondir la question du “comptage” du téléphone, qui du reste serait sans doute très difficile. Malheureusement cependant, la difficulté est susceptible de resurgir à chaque affaire concernant cette question, et voilà qui, en soi, aurait pu inciter à examiner les aspects juridiques d’une telle situation »198. Pourrait-on livrer plaidoyer plus convaincant en faveur du rôle pédagogique assumé par les organes de la Convention ?
b.7) Les sauts logiques
70Les conditions de légalité, légitimité et proportionnalité, auxquelles est subordonnée la licéité des ingérences dans les droits garantis par certaines dispositions conventionnelles, doivent en principe faire l’objet d’un examen en ordre subsidiaire199 ; telle est du reste la démarche adoptée, dans l’immense majorité des cas, par la jurisprudence strasbourgeoise. Il arrive cependant que, s’autorisant de la même logique que celle qui inspire la technique d’économie de procédure visée ci-dessus, les organes de la Convention réalisent des « sauts » dans cette séquence subsidiaire en s’abstenant de trancher les questions épineuses de légalité200 et/ou légitimité201, au motif que, en toute hypothèse, la condition de proportionnalité n’est, quant à elle, pas satisfaite in casu. Si la finalité de court terme du litige strasbourgeois peut parfaitement s’accommoder de pareils « sauts logiques », force est de constater que ceux-ci menacent, une fois de plus, le rôle pédagogique attribué au juge européen.
71Tout d’abord, et comme l’a démontré H. Cullen202, le choix, par le juge européen, du « lieu » où il entend faire porter son contrôle, a des incidences directes quant à l’amplitude des effets de sa décision. En effet, si le constat de disproportion — refus de contrôle in abstracto oblige — s’enracine dans les circonstances de l’affaire et ne peut, à ce titre, revêtir qu’une portée précédentielle limitée, il apparaît en revanche qu’un constat d’absence de base légale de l’ingérence déploie ses effets bien au-delà du litige déterminé : en l’occurrence, il contraint l’État défendeur à modifier la norme même sur la base de laquelle l’ingérence litigieuse avait été adoptée.
72Ensuite et surtout, l’impasse réalisée, par exemple sur la condition de légalité de la mesure litigieuse, cantonne l’État condamné dans l’incertitude concernant la conventionnalité formelle des normes de son système juridique203.
b.8) Le laxisme dans l’admission du règlement amiable
73L’article 38, b) nouveau de la Convention dispose que « si la Cour déclare une requête recevable, elle (....) se met à la disposition des intéressés en vue de parvenir à un règlement amiable de l’affaire s’inspirant du respect des droits de l’Homme tels que les reconnaissent la Convention et ses protocoles ». Si un tel règlement amiable est atteint, l’article 39 nouveau prévoit alors que « (...) la Cour raye l’affaire du rôle par une décision qui se limite à un bref exposé des faits et de la solution adoptée ». Toutefois, et par exception à ce qui précède, l’article 37, § 1, al. 3 nouveau pose la règle générale204 selon laquelle « (...) la Cour poursuit l’examen de la requête si le respect des droits de l’Homme garanti par la Convention et ses protocoles l’exige ».
74Cette dernière réserve exprime clairement, dans le chef des auteurs de la Convention, tout à la fois la reconnaissance et le souci de préserver la double finalité du litige strasbourgeois. Sur ce point cependant, le protocole 11 n’innove en rien : il se limite en effet à conventionnaliser les enseignements de la pratique suivie sous l’ancienne procédure205.
75Les règlements d’ordre intérieur de la Cour, joints à l’interprétation que leur donnait cette dernière, traduisaient en effet l’idée selon laquelle l’éventualité d’une répétition de litiges semblables à celui qui préside à la requête et/ou l’intérêt, pour le développement du droit conventionnel, des questions soulevées par l’affaire, pouvaient et devaient justifier que la Cour poursuive l’examen de cette dernière, et ce, nonobstant la disparition de la finalité de court terme du litige, consécutive à l’intervention d’un accord entre parties206.
76Ainsi l’arrêt Ben Yaacoub c. La Belgique du 27 novembre 1987207 n’admitil la radiation du rôle qu’en considération du fait que les revirements de jurisprudence de la Cour de cassation, consécutifs à la condamnation de la Belgique dans les affaires Piersack208 et De Cubber209, écartaient pour l’avenir, en Belgique, le risque de cumuls de fonctions judiciaires contraires à l’exigence d’impartialité posée par l’article 6. De son côté, l’arrêt Lamguidaz c. Le RoyaumeUni du 28 juin 1993210 estima ne pas y avoir lieu à poursuite de l’examen de la requête au motif que la question soulevée par celle-ci compatibilité de l’expulsion d’un étranger avec l’article 8 — avait déjà reçu suffisamment de développements, en termes de principes généraux, dans la jurisprudence antérieure211.
77L’on peut toutefois légitimement se poser la question de savoir si la jurisprudence de la Cour européenne entend réellement et dans tous les cas mettre en pratique l’attachement à la finalité de long terme de son office qu’elle proclame de la sorte, sur le plan des principes. À dire vrai, on demeure relativement songeur face au fait qu’à notre connaissance, il n’existe, dans la jurisprudence, aucun précédent de poursuite d’une affaire, nonobstant le règlement amiable y intervenant, motif déduit du risque de répétition du litige et/ou de l’intérêt « doctrinal » de la question soulevée.
78Sans doute convient-il ici de ne pas verser dans l’excès. Il est en effet divers contentieux qui, s’inscrivant dans une jurisprudence stable sur le plan des principes et se nourrissant de litiges à dominante factuelle, se prêtent tout à fait à une radiation « légitime » du rôle de la Cour. L’on pense ici notamment aux affaires relatives au dépassement du « délai raisonnable », sous l’angle de l’article 6 ou sous l’angle de l’article 5, § 3212.
79Néanmoins, l’on ne peut s’empêcher de soupçonner que certains arrêts excèdent, pour reprendre l’expression de V. Berger, « le bon usage »213 du règlement amiable et de la radiation du rôle corrélative. Divers exemples étaieront une telle critique.
80L’affaire De Becker soulevait la question de la compatibilité avec l’article 10 des diverses déchéances dont l’article 123 sexies du Code pénal frappait autrefois les « inciviques ». Dans son rapport du 8 janvier 1960, la Commission conclut à la violation de la disposition conventionnelle en cause214. Le 30 juin 1961 fut cependant adoptée une loi modifiant l’article 123 sexies litigieux, non sans que la nouvelle version de ce texte maintienne encore certaines restrictions à la liberté d’expression des « inciviques ». Arguant de cette modification législative, le gouvernement belge invitait la Cour à déclarer le litige sans objet. Tout d’abord, un examen de la compatibilité de l’article 123 sexies ancien avec l’article 10 — question que le gouvernement belge résolvait de manière affirmative — ne présentait plus qu’une valeur historique. Ensuite, l’article 123 sexies nouveau permettait éventuellement à M. De Becker de retrouver la totalité de ses droits. Pour sa part, la Commission reconnaissait la conventionnalité de la nouvelle version de l’article 123 sexies, mais non celle de l’ancienne. Partant, elle invitait la Cour à entériner son point de vue sur ces deux points. Suite cependant à la réception d’une lettre par laquelle M. De Becker se déclarait « sans intérêt à poursuivre l’affaire », la Commission déclara ne plus s’opposer à la radiation du rôle. Prenant acte du « règlement amiable »215 intervenu, l’arrêt du 27 mars 1962216 prononcera effectivement la radiation du rôle. Ce faisant, la Cour s’abstint expressément de tout jugement sur la compatibilité avec l’article 10 de l’article 123 sexies, non seulement dans son ancienne version — la question ne présentant, selon la Cour, qu’un intérêt « historique »217 —, mais aussi dans la version révisée de 1961 — la Cour considérant qu’il s’agirait là d’un contrôle abstrait excédant ses compétences —. Fondamentalement, cette double prise de position aboutit à maintenir dans l’incertitude la portée de l’article 10 de la Convention. Une telle incertitude préjudicie l’État belge, lequel ne dispose, au sortir de l’arrêt, d’aucun point de repère propre à lui permettre de jauger la conventionnalité de sa législation pénale218. Cette incertitude préjudicie également le développement du droit de la Convention. Deuxième affaire déférée à la Cour, l’affaire De Becker s’inscrit dans une jurisprudence alors muette concernant l’article 10219. Ce mutisme, que prolonge l’arrêt du 27 mars 1962, ne sera rompu que 14 ans plus tard, à la faveur de l’arrêt Handyside c. Le Royaume-Uni du 7 décembre 1976.
81Le second exemple est issu de l’affaire Skoogström c. La Suède. Cette affaire soulevait, sous l’angle de l’article 5, § 3, de la Convention, la question de savoir si le requérant pouvait être réputé avoir « été traduit devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires », et ce, aux fins de prolongation de sa détention préventive, alors que le « magistrat » ayant in casu statué sur ladite prolongation n’était autre que le procureur qui, à ce moment, était chargé des poursuites. L’arrêt rendu le 2 octobre 1984220 décida — contre l’avis du délégué de la Commission — de radier l’affaire du rôle ensuite de la conclusion, entre l’État défendeur et le requérant, d’un règlement amiable. Afin, semble-t-il, de motiver cette décision de radiation, la Cour fit état de l’intention de l’État défendeur de modifier les dispositions procédurales dont l’application avait conduit au « cumul de fonctions » dénoncé par la requête. Une telle motivation suffisait-elle à démontrer l’absence d’intérêt général à la poursuite de l’examen de cette requête ? L’on peut en douter, pour deux raisons.
82Tout d’abord, et comme le firent remarquer, à la suite du délégué de la Commission, les Juges Wiarda, Ryssdal et Ganshof van der Meersch221, le règlement amiable intervenu n’indique « ni la nature des amendements au code de procédure judiciaire qui seront retenus, ni le délai dans lequel ils seront proposés ». Partant, le risque de répétition du litige n’était que très imparfaitement conjuré.
83Ensuite, les juges dissidents firent valoir qu’en statuant sur le fond du litige, la Cour aurait pu « éclairer le législateur suédois » dans les réformes à entreprendre. La remarque était d’autant plus pertinente que ce législateur ne pouvait précisément pas trouver un éclairage suffisant dans la jurisprudence anté rieure de la Cour222. Partant, l’affaire Skoogström soulevait une question d’interprétation de la Convention dont l’intérêt général eût exigé qu’elle soit tranchée223.
84Les derniers exemples sont issus d’affaires où la Cour admit la radiation du rôle consécutivement à l’intervention d’un règlement amiable, et ce, nonobstant le fait que les questions de droit soulevées l’étaient pour la première fois devant la Cour. Tel était tout d’abord le cas de l’affaire K. c. L’Autriche224, à l’occasion de laquelle la Commission225 avait entendu déduire de l’article 10 de la Convention un « droit au silence » au profit de l’accusé dans le cadre d’une procédure pénale. De même, la radiation du rôle intervenue dans l’affaire Diaz-Ruano c. L’Espagne226 évita à la Cour de se prononcer, pour la première fois, sur l’interprétation de l’article 2.
85Sans doute la démonstration devrait-elle être plus étoffée ; gageons cependant que l’échantillon livré ici suffira à convaincre du caractère relativement décevant227 de la pratique européenne du règlement amiable. Vouée en principe à être le lieu d’expression de l’attachement du juge européen à la finalité de long terme de son office, cette jurisprudence, en pratique, ne tient que très imparfaitement ses promesses.
b.9) Le diagnostic sans thérapie
86Le dernier symptôme d’une minoration, par le juge européen, du caractère pédagogique de son office, trouve son expression dans le refus de ce dernier d’indiquer à l’État défendeur les remèdes propres à redresser, pour l’avenir, les violations de la Convention que lui impute un arrêt de condamnation.
87Pareil refus prend diverses formes228 ; les exemples en sont au demeurant trop abondants pour qu’on ne doive ici se limiter aux quelques considérations suivantes.
88Parvenu notamment au constat de l’inconventionnalité de l’ancien régime successoral applicable aux enfants naturels en droit belge, l’arrêt Marckx c. La Belgique du 13 juin 1979229 rappelait que, « déclaratoire pour l’essentiel, [la décision de la Cour] laisse à l’État le choix des moyens à utiliser dans son ordre juridique interne pour s’acquitter de l’obligation qui découle pour lui de l’article 53 [article 46 nouveau] »230. Partant, la Cour estime qu’il n’entre pas dans sa fonction d’indiquer à l’État défendeur les mesures propres à remédier aux violations qu’elle constate231.
89Les fondements juridiques d’une telle autolimitation sont relativement fragiles232 ; les effets en sont assurément regrettables233. Ainsi que l’ont fait remarquer divers commentateurs, il n’est pas rare que les autorités étatiques ignorent réellement la manière de se conformer aux arrêts européens234. À cet égard, le juge Macdonald constatait le nombre croissant d’affaires dans lesquelles les agents du gouvernement sollicitaient de la Cour des directives sur la manière de satisfaire aux exigences conventionnelles235. Partant, est-ce saine politique jurisprudentielle que de décevoir ce légitime souci de sécurité juridique, en s’abstenant de fournir de telles directives et en reléguant par là-même l’exécution des obligations conventionnelles à un jeu de « colin-maillard juridique »236 ?
c) Synthèse
90« Les arrêts de la Cour servent non seulement à trancher les cas dont elle est saisie, mais plus largement à clarifier, sauvegarder et développer les normes de la Convention et à contribuer de la sorte au respect, par les Etats, des engagements qu’ils ont assumés en leur qualité de parties contractantes ». Entre cette déclaration d’intention et sa mise en oeuvre concrète, la proportionnalité de la fonction de juger du juge strasbourgeois semble avoir creusé un véritable abîme. Refus de doctrine, refus de contrôle abstrait, refus d’interprétation, économie de procédure, sauts logiques, diagnostics sans thérapie, admission laxiste de règlements amiables, dénégation d’effet précédentiel : autant de symptômes qui semblent trahir une focalisation exclusive de la fonction de juger sur sa finalité de court terme et une déréliction corrélative de sa finalité de long terme.
91Tiendra-t-on dès lors pour pure hypocrisie l’attachement proclamé par le juge européen à la fonction pédagogique de son office ? Le jugement serait assurément trop sévère et, plus encore, prématuré. Reste encore à entrevoir, par-delà les critiques qu’elle encourt, les justifications dont peut s’autoriser l’auto-soumission de l’office du juge européen à un impératif de proportionnalité.
§ 4. Les paradoxes temporels de la prudence
92Le « decisional minimalism » du juge européen est susceptible de diverses explications et justifications.
93En termes d’explications, l’on a souvent avancé l’idée que les instances strasbourgeoises sont en réalité un forum de cultures juridiques développant des conceptions distinctes, voire opposées, concernant l’aspect pédagogique de l’office du juge237. Or, de leur rencontre serait né un compromis au sein duquel l’on s’accorde, plus ou moins explicitement238, à reconnaître la prédominance d’un pragmatisme anglo-saxon sur un dogmatisme de type continental239. Dans un même ordre d’idées, mais à un niveau plus concret, le juge Donner affirmait que chacun, au sein de la formation de jugement, aurait naturellement tendance à vouloir puiser, dans son propre ordre juridique national, les règles générales et abstraites que la Cour européenne dans son ensemble estimerait devoir poser à l’occasion d’un litige particulier240. Les controverses générées par une telle démarche expliqueraient par conséquent que l’on s’en abstienne.
94En termes de justifications, le juge Martens241 avança l’idée qu’en énonçant des règles générales et abstraites, la Cour européenne serait amenée à « marcher sur les pieds » des législateurs nationaux, au risque de les froisser. L’on ne se prononcera pas ici sur le bien-fondé d’une telle justification. Tout juste posera-t-on, à la lumière de nos développements précédents, la question de savoir si les législateurs nationaux ne verront pas l’incertitude concernant la portée des standards conventionnels comme la source d’un agacement plus important que celui que pourrait générer l’activisme pédagogique propre à dissiper cette incertitude.
95Les développements qui suivent ne seront cependant consacrés qu’aux deux autres justifications dont se pare ou pourrait se parer un exercice proportionné de la fonction de juger strasbourgeoise. Au centre de ces deux justifications se trouve l’idée d’une nécessaire mais paradoxale prudence dans la gestion du temps.
a) Prudence dans la gestion du temps présent
96Telle que caractérisée cidessus, la décision « pédagogiquement idéale » revêt, à bien des égards, l’allure d’une apparente perte de temps. Or, de la part d’institutions dont « l’arriéré judiciaire » est devenu à ce point préoccupant qu’il en justifia la refonte d’ensemble, il aura pu et pourra encore paraître incongru, voire totalement déplacé, d’exiger autre chose qu’une méthode de travail aboutissant à la résolution la plus rapide possible du litige, et faisant par là même l’économie des apparents « gaspillages » de débats, d’audiences et de controverses que peut nécessiter la maximalisation, par une juridiction, de son rôle pédagogique.
97Mise en lumière par la doctrine242, cette tension existant entre le rôle pédagogique d’un juge et l’encombrement du rôle de la juridiction au sein de laquelle il siège fut parfois brandie par certains membres de la Cour aux fins de critiquer les « luxes » temporels qu’occasionnellement, celle-ci entendit s’offrir. Dans l’affaire Landborger c. La Suède243 était notamment soulevée, sous l’angle de l’article 6, la double question de l’impartialité et de l’indépendance de la juridiction interne ayant statué sur les intérêts du requérant. Ayant examiné la requête sous l’angle de ces deux garanties du procès équitable, l’arrêt du 22 juin 1989 encourut, pour cette raison, la critique du juge Martens244 : « Je crois, pour plusieurs raisons, que la Cour n’aurait pas dû examiner du tout la question de l’indépendance. L’une d’entre elles est que, devant la Cour, M. Landborger n’a pas attaqué ou essayé de réfuter la conclusion de la Commission selon laquelle rien ne permettait de douter de l’indépendance du tribunal des locations à l’égard de l’exécutif et des parties (...) Pour une Cour déjà surchargée, ces faits, à mon avis, auraient dû être décisifs »245.
98A y regarder de plus près cependant, cette tension entre pédagogie et encombrement du rôle n’existe que s’y l’on se place dans une perspective tempo relle réduite au seul présent. Envisager, par contre, une perspective plus large, dans le long terme, conduit non seulement à effacer une telle tension, mais bien plus à entrevoir pédagogie et réduction de l’arriéré judiciaire comme deux projets complémentaires et intrinsèquement liés. Comme le laisse explicitement entendre E. A. Alkema246, c’est précisément le « decisional minimalism » du juge européen qui, entre autres facteurs, contribuerait à sa surcharge de travail247. L’hypothèse rejoint au demeurant le constat, effectué à quelques reprises ci-dessus, selon lequel les diverses formes de « refus pédagogique » du juge européen alimentent d’une manière ou d’une autre le contentieux porté devant lui, les questions non tranchées étant presqu’immanquablement appelées à se poser à nouveau. Par contre, « (m)en kan zich namelijk voorstellen dat, wanneer het Hof inderdaad in abstracto toets en een niet tot de concrete casus beperkt uitleg geeft van Conventiebepalingen, het in de toekomst voor individuen minder noodzakelijk is naar Straatsburg te stappen. Nationale rechters weten dan beter waartoe de Conventie verplicht en zij kunnen zonodig een potentiële klager al op nationaal niveau genoegdoening bieden. Bovendien kan een eventuele klager zijn kans op succes in Straatsburg beter inschatten »248.
99Accréditer de telles hypothèses conduit alors à mesurer le caractère paradoxal de la prudence manifestée par le juge européen dans la gestion du temps présent : voulant résorber dans l’immédiat l’engorgement de son rôle, il aboutit, en réalité, à y contribuer dans le long terme.
b) Prudence dans la gestion du temps à venir
100« Il faut être prudent ; nous devons nous limiter à décider dans le cas d’espèce ». « Telles sont », selon le Juge Matscher, « les déclarations que l’on peut souvent entendre à l’occasion du délibéré de la Cour européenne des droits de l’Homme »249. Exaltée au sein des institutions strasbourgeoises250 et concrétisée par la proportionnalité de la fonction de juger, cette prudence est motivée par le constat que les réalités sociales, politiques ou économiques, dans lesquelles est appelé à intervenir le juge européen, sont éminemment fluctuantes et changeantes. De tels fluctuations et changements, que ce juge ne peut prévoir a priori, doivent nécessairement se répercuter sur l’interprétation de la Convention ; « La Cour a répété à maintes reprises que la Convention est un instrument vivant qui doit être interprété à la lumière des conditions actuelles »251. Partant, le refus du juge européen d’énoncer des règles générales et abstraites trouverait sa légitimité dans le souci d’assurer, en ne liant pas imprudemment l’avenir252, cette perméabilité au changement, cette adaptabilité aux circonstances253. Sans doute l’interprétation évolutive ne serait-elle pas, techniquement, entravée par l’édiction passée de telles normes ; le juge européen n’est en effet pas tenu juridiquement par ses propres précédents254. Il n’empêche cepen dant qu’en pareille hypothèse, la nécessaire adaptation aux circonstances devrait obligatoirement être recherchée au prix d’un revirement de jurisprudence, vecteur d’insécurité juridique255.
101L’on ne peut s’empêcher de déceler, au travers de ce raisonnement poussé jusqu’à son extrême, un double paradoxe.
102Premièrement, tout se passe comme si la Cour était définitivement placée sous le diktat de la réalité que ses jugements appréhendent. Au nom de la mouvance de cette réalité, le juge européen devrait, tant que faire se peut, s’abstenir d’y interférer, et ce, jusqu’à ce que cette réalité se soit enfin stabilisée : alors en effet se présentera le kairos, le moment propice256 de la consolidation de la réalité par une règle générale et abstraite. N’y a-t-il pas là cependant une con ception bien modeste de la fonction du Droit en général — lequel est normalement appelé à instituer le réel autant qu’il se trouve institué par lui —, et du rôle du juge européen des droits de l’Homme en particulier — lequel se réduirait à être le « notaire », et non le « promoteur » du développement du droit conventionnel — ? Comment ne pas voir, par ailleurs, que l’attente prudente du kairos subdécrit est vouée, logiquement, à se nourrir d’elle-même. Sauf à imaginer que celle-ci soit l’oeuvre d’une « main invisible », comment espérer que la stabilisation de la réalité dans laquelle se meut la Cour puisse un jour advenir si, dans un même temps, cette même Cour campe les acteurs de cette stabilisation dans l’incertitude concernant la forme ultime qu’elle doit revêtir ? En d’autres termes, il semble que le « decisional minimalism » s’engendre lui-même. Plus la réalité est fluctuante, moins on y interfère ; moins on y interfère, plus elle devient fluctuante...
103Deuxièmement, il n’est pas sans intérêt de constater qu’in fine, l’insécurité juridique créée par le refus d’édiction de normes générales et abstraites se trouve légitimée par le spectre du revirement de jurisprudence, c’est-à-dire, précisément, par un souci de sécurité juridique : au nom des inconvénients liés à un changement d’avis, il serait finalement préférable de ne jamais prendre position.
104Est-il cependant satisfaisant de laisser se jouer ainsi ce qui n’est rien d’autre qu’un suicide de la sécurité juridique ? L’enfermement dans un tel dilemme nous semble trahir un manque d’imagination juridique propre à réduire le « drame de sécurité juridique » que constitue le revirement de jurisprudence.
105Le « drame » du revirement de jurisprudence s’érige en effet sur un double constat. Au jour où il intervient, ce revirement déjoue tout d’abord les anticipations futures des autorités étatiques qui, à partir de ce moment, seront tenues d’adapter leur ordre juridique interne aux fins de satisfaire, pour l’avenir, aux standards conventionnels nouvellement définis. Plus dramatique encore est, ensuite, la rupture des anticipations passées des Etats parties : l’effet déclaratif attaché à toute interprétation jurisprudentielle a pour effet de réécrire le passé juridique. Conformes jusqu’alors aux standards conventionnels que la jurisprudence antérieure énonçait, les règles étatiques se voient rétrospectivement taxées d’inconventionnalité en raison du revirement de jurisprudence intervenu : la « confiance légitime » des Etats se trouve, par conséquent, déjouée.
106Un tel « drame » n’a cependant rien d’inéluctable, anticipations futures et passées des Etats pouvant être préservées moyennant la mise en place imaginative d’un véritable « droit transitoire du revirement jurisprudentiel »257. Les développements qui suivent n’ont au demeurant rien de révolutionnaire. Les germes d’un tel droit existent en effet dans la jurisprudence de la Cour ; tout juste convient-il de les cultiver davantage qu’ils ne l’ont été jusqu’à présent.
107Moneat judex priusquam feriat. Préserver les anticipations futures des Etats supposerait que l’éventualité du revirement de jurisprudence soit annoncée préalablement à son intervention même, ce qui en réduirait la « surprise ». Appelé à poser une règle générale et abstraite au sein d’une réalité qu’il sait mouvante, le jugement prendrait acte de cette mouvance et avertirait ses lecteurs de l’éventualité qu’il faille un jour, en raison de celle-ci, réviser la règle générale et abstraite posée à l’origine. Posant de la sorte des principes généraux dont la validité serait ouvertement indexée à l’évolution de la réalité qu’appréhendent leurs champs normatifs, la Cour européenne encouragerait les États à prendre les devants d’un revirement de jurisprudence qui, dès lors, ne leur apparaîtrait pas, ou moins, comme une mauvaise surprise. Quoique n’y ayant pas, jusqu’à présent, enregistré des résultats remarquables, cette technique, dite de « l’arrêt d’appel »258, pénètre d’ores et déjà le contentieux de la transsexualité mené devant la Cour européenne sous l’angle des obligations positives déduites de l’article 8. Ayant en effet refusé de déduire de cette disposition l’obligation générale, pour les États, d’accorder reconnaissance juridique pleine et entière aux changements de sexe subis par l’individu, l’arrêt Rees c. Le Royaume-Uni du 17 octobre 1986259 avait cependant affirmé que « la Cour n’en a(vait) pas moins conscience de la gravité des problèmes que rencontrent (les transsexuels), comme le désarroi qui est le leur. La Convention doit toujours s’interpréter à la lumière des circonstances actuelles (...). Partant, la nécessité de mesures juridiques appropriées doit donner lieu à un examen constant, eu égard, notamment, à l’évolution de la science et de la société »260. Il y a là, de toute évidence, une technique qui pourrait être transposée hors du seul contentieux particulier où, jusqu’à présent, elle est demeurée confinée.
108Le respect des anticipations passées des États, que le revirement jurispru dentiel met à néant, pourrait, quant à lui, passer par un tempérament de l’effet déclaratif de ce dernier. Une fois encore, il s’agit là d’une technique que la Cour européenne a déjà expérimentée, l’ayant au demeurant empruntée à la jurisprudence communautaire261. Consciente du lourd tribut potentiellement associé, en termes de sécurité juridique, à la condamnation des anciennes dispositions légales régissant le statut de l’enfant naturel en droit belge, l’arrêt Marckx du 13 juin 1979262 avait dispensé l’État belge de remettre en cause les situations et actes juridiques intervenus, sous l’empire de la loi condamnée, antérieurement au 13 juin 1979. Fruit paradoxal d’une « modération de politique judiciaire » s’exprimant avec « hardiesse sur le plan de la technique juridique »263, la limitation dans le temps de l’effet déclaratif de la règle jurisprudentielle, appliquée par l’arrêt Marckx, inspira à son tour l’imagination du juge constitutionnel belge lorsqu’il fut appelé à en tirer les conséquences264. Partant, l’on comprendrait mal qu’une telle technique — souvent baptisée de « prospective overruling »265 — ne soit pas plus systématiquement déployée par le juge strasbourgeois266 aux fins d’obvier, si et dans la mesure où le besoin s’en fait sentir, aux effets dévastateurs qu’un revirement de jurisprudence, non tempéré dans le temps, peut avoir vis-à-vis de la sécurité juridique et de la confiance légitime revendiquées par les Etats.
109Jurisprudence « d’appel » et limitation dans le temps de l’effet déclaratif de la règle jurisprudentielle : telles sont les deux techniques dont l’usage plus systématique serait propre, si ce n’est à neutraliser, du moins à réduire le « drame de sécurité juridique » qu’implique le revirement de jurisprudence. Ayant cessé d’être un spectre, le risque de revirement de jurisprudence ne pourrait plus, par conséquent, légitimer l’inhibition dont témoigne actuellement le juge européen dans l’édiction de normes générales et abstraites, ou, pour le dire en d’autres mots, dans l’assomption plus franche de son rôle pédagogique.
Conclusion
110L’on ne résistera pas à la tentation de conclure ces réflexions par un ultime paradoxe. Au nombre des « règles d’or de la jurisprudence européenne des droits de l’Homme », le juge Pettiti267 admettait, non seulement la proportionnalité, mais aussi la « sécurité juridique » et la « confiance légitime ».
111Qui ne percevra, à la lumière des développements qui précèdent, combien la promotion harmonieuse de chacune de ces « règles d’or » reflète davantage, à l’heure actuelle, un désir utopique qu’une réalité de la pratique strasbourgeoise ?
112« Sécurité juridique » et « confiance légitime » se nourrissent en effet de la finalité de long terme de la décision européenne et de la prise au sérieux, par son auteur, du rôle pédagogique que le système conventionnel lui assigne.
113Or, de cette finalité et de ce rôle, la proportionnalité comme règle d’adjudi cation du litige apparaît tout d’abord comme un bien piètre serviteur ; il y a là un espace de réflexion que nous nous sommes bornés ici à ouvrir.
114Plus encore, la transformation de la proportionnalité en discipline du juge européen emporte, dans une large mesure, la négation de la finalité de long terme de ses décisions et le renoncement à son rôle pédagogique.
115En soutien de cette négation et de ce renoncement apparaît notamment un impératif de prudence. Gageons cependant que, sans prétendre clore la problématique, les réflexions que nous y avons consacrées auront permis, à coup de paradoxes, de mettre en lumière le caractère, tantôt fallacieux, tantôt surmontable, des défis que tend un tel impératif.
Notes de bas de page
1 L.-E. PETTITI, Réflexions sur les principes et les mécanismes de la Convention. De l’idéal de 1950 à l’humble réalité d’aujourd’hui, in La Convention européenne des droits de l’Homme. Commentaire article par article, sous la direction de L.-E. PETTITI, E. DECAUX et P.-H. IMBERT, Paris. Economica, 1995, p. 33.
2 L’on ne dénombre plus les commentateurs qui reconnaissent à la proportionnalité le titre de « principe général du droit de la Convention ». Voy. notamment J.J. CREMONA, The proportionality principle in the jurisprudence of the European Court of Human Rights, in Recht zwischen Unbrucht und Bewarhung. Festschrift für Rudolph Bernhardt, Springer Verlag, Berlin-Heidelberg-New-York, 1995, p. 330 ; N. GEEHLAND, Belangenafweging in het huwelijksvermogensrecht. De belangen van de niet-contracterende echtgenoot versus de belangen van de derde medecontractant, Deel 1, Gand, Mys en Breesch, 1994, p. 50 ; G. GONZALES, La Convention européenne des droits de l’Homme et la liberté des religions, Paris, Economica, 1997, p. 197 ; J.-P. MARGUENAUD, La Cour européenne des droits de l’Homme, Paris, Dalloz, coll. Connaissance du droit, 1997, p. 51 ; P. van DIJK et G.J.H. van HOOF, Theory and practice of the European Convention on Human Rights, 3ème éd., Kluwer Law international, Londres-La Haye-Boston, 1998, p. 81 ; R. ERGEC, Les droits de l’Homme à l’épreuve des circonstances exceptionnelles. Etudes sur l’article 15 de la Convention européenne des droits de l’Homme, Bruxelles, Bruylant, 1987, p. 188 ; X. PHILIPPE, Le contrôle de proportionnalité dans les jurisprudences constitutionnelles et administratives françaises, PUAM-Economica, 1990, p. 54 ; M.-A. EISSEN, Le principe de proportionnalité dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, in Études et documents du Conseil d’État, no 41, 1989, p. 284.
3 Voy. sur ce point E. KASTANAS, Unité et diversité. Notions autonomes et marge d’appréciation des États dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 95.
4 Pour reprendre la définition de la proportionnalité donnée par G. XYNOPOULOS, Le contrôle de proportionnalité dans le contentieux de la constitutionnalité et de la légalité, en France, Allemagne et Angleterre, Paris, L.G.D.J., 1995, p. 3.
5 Voy. sur ce point M. DE SALVIA, La notion de proportionnalité dans la jurisprudence de la Commission et de la Cour européenne des droits de l’Homme, in Dirritto comunitario e degli scambi internazionali, 1978, p. 493 : « Le système de la Convention, en effet, se fonde sur l’idée d’équilibre et de limite. Equilibre et limite auxquels sont tenus tant les individus que les Etats, les deux assumant dans leurs sphères respectives des devoirs et des responsabilités. En d’autres termes, la proportion agit dans les deux sens, comme limite légitime à l’exercice d’un droit, comme équilibre à réaliser entre deux exigences, celle de l’individu et celle de l’État ». Et le même auteur d’ajouter que : « Dans ce contexte, la notion de proportionnalité peut être considérée comme étant un des principes généraux d’interprétation auquel les organes de la Convention doivent avoir égard, car elle touche à l’essence même des droits de l’Homme ».
6 Nos réflexions sur ce point doivent beaucoup à celles qu’O. De Schutter a consacrées à la « pluralité des objets du litige ». Voy. O. DE SCHUTTER, Fonction de juger et droits fondamentaux. Transformation du contrôle juridictionnel dans les ordres juridiques américain et européens, Bruxelles, Bruylant, 1999, spéc. p. 18 à 24 ; du même auteur, Les cadres du jugement juridique, in Ann. Dr. Lv., 1998/2, p. 182-183.
7 Cass. R. SUNSTEIN, Foreword. Leaving things undecided. The Supreme Court term 1995, in (101) Harvard Law Review, 1996, p. 6 : « We might describe the phenomenon of saying no more than necessary to justify an outcome, and leaving as much as possible undecided as “decisional minimalism” ». Et ce même auteur (p. 14) de caractériser les juges « minimalistes » comme ceux qui « seek to avoid broad rules and abstract theories, and attempt to focus their attention only on what is necessary to decide in particular cases », par opposition aux maximalistes, qui s’efforcent (p. 15) « to decide cases in a way that establishes broad rules for the future and [to give] deep theoretical justifications for the outcome ». Du même auteur, voy. One case at a time. Judicial minimalism at the Supreme Court, Harvard University Press, Cambridge/Londres, 1999.
8 G. MARTY, La distinction du fait et du droit. Essai sur le pouvoir de la Cour de cassation sur les juges dufait, thèse, Toulouse, 1928-1929, Paris, Sirey, 1929, cité par F. RIGAUX, La nature du contrôle de la Cour de cassation, Bruxelles, Bruylant, 1966, p. 363-368.
9 Selon que la chose jugée soit relative, dans le cas d’un contentieux subjectif classique, ou erga omnes, dans le cas d’un contentieux objectif de légalité ou de constitutionnalité.
10 Pour reprendre les termes de P. RICOEUR, Le Juste, Paris, éd. Esprit, 1995, p. 186-187. Signalons toutefois l’absence de parallélisme entre la distinction à laquelle nous nous livrons ici, d’une part, et la distinction opérée par P. Ricoeur entre « finalité courte » et « finalité longue » de l’acte de juger. La distinction à laquelle nous procédons pour notre part nous semble correspondre à la sousdistinction opérée par P. Ricoeur au sein de ce qu’il conçoit comme la « finalité courte de l’acte de juger ».
11 E. SERVERIN, Juridiction et jurisprudence : deux aspects des activités de justice, in Droit et Société, 1993, p. 339 et sv.
12 Compris comme la « somme de l’ensemble des décisions d’espèce, relevant de la statistique judiciaire ». M. van de KERCHOVE et F. OST, Le système juridique entre ordre et désordre, Paris, P.U.F., Les voies du droit, 1988, p. 146.
13 A. SÉRIAUX, Les enjeux éthiques de l’activité de jurisdiction, in R.R.J., 1998/2, p. 449 et sv.
14 Ibidem, p. 455 : « Le lointain, par opposition au prochain, c’est tout justiciable futur, soit qu’il se présente plus tard devant ce même juge qui a précédemment dit le droit pour un autre, soit qu’il prétende en découdre avec son adversaire devant le même juge ».
15 Pour reprendre la terminologie de F. Müller, lequel définit le « champ normatif » d’une norme comme « la portion de réalité sociale prise dans la structure fondamentale (de la norme considérée) ») F. MÜLLER, Discours de la méthode juridique, trad. de l’allemand par O. Jouanjan, Paris, P.U.F., Léviathan, 1996, p. 191.
16 Comprise comme l’« ensemble des règles juridiques qu’il est possible de déduire des décisions d’espèce ». M. van de KERCHOVE et F. OST, op. cit., p. 146.
17 Il est bien évident que l’articulation entre « finalité de court terme » et « finalité de long terme » de l’acte de juger ne se présente pas de façon identique selon que l’on se trouve devant une juridiction inférieure ou devant une Cour de cassation, dont Mme Liekendael et M. Marchai soulignaient encore récemment le rôle « quasi normatif » (Le statut constitutionnel de la Cour de cassation, Annexe au rapport fait au nom des Commissions réunies de révision de la Consitution et de la réforme des institutions et de la justice dans le cadre de la révision de l’article 151 de la Constitution, Doc. parl. Chambre. 19971998, no 1675/4, p. 59).
18 Voy. sur ce point les observations critiques de F. RIGAUX, La loi des juges, Paris, O. Jacob, 1997, p. 66.
19 Voy. sur ce point M. van QUICKENBORNE, La logique juridique et l’activité judiciaire. La portée logique de l’obligation de motiver, in Rapport au XIème Congrès international de droit comparé, Bruxelles, Bruylant, 1982, p. 158, qui affirme que la réduction du raisonnement judiciaire au syllogisme revient « à masquer tout le processus intellectuel du juriste ». Dans le même sens, voy. F. RIGAUX, La nature du contrôle de la Cour de cassation, op. cit., p. 72 et sv. Voy. enfin J. van COMPERNOLLE, Vers une nouvelle définition de la fonction de juger : du syllogisme à la pondération des intérêts, in Nouveaux itinéraires en droit. Mélanges offerts à F. Rigaux, Bruxelles, Bruylant, 1993, p. 496.
20 Pour reprendre l’expression utilisée par O. Jouanjan dans la présentation de l’ouvrage de F. MÜLLER (Discours de la méthode juridique, op. cit., p. 9).
21 Coureur. D.H., arrêt Irlande c. Le Royaume-Uni du 18 janvier 1978, Série A, no 25.
22 Ibidem, § 154.
23 Pour une réinterprétation de cette affirmation dans le cadre de la théorie des actes de language, voy. J.-D. MOUTON, Les arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme comme actes de discours : contribution à la méthodologie de la fonction juridictionnelle, in Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Mélanges offerts à C. Chaumont, Paris, Pedone, 1984, spéc. p. 422 et p. 430-431. À propos du passage précité de l’arrêt Irlande c. Le Royaume-Uni, cet auteur constate (p. 422) : « Dans cette affirmation, en dehors de la définition de la fonction juridictionnelle courante, explicite, il y a comme l’aveu d’une fonction plus large, implicite ». Cette seconde fonction (p. 431) consiste « en un véritable développement normatif et en une tentative de faire respecter les normes, c’est-à-dire d’affirmer leur caractère exécutoire ».
24 L’on aurait pu émettre l’idée que cette prise de position de l’arrêt Irlande c. Le Royaume-Uni était inhérente à l’abstraction spécifique de la procédure interétatique dans laquelle il intervenait, et ne pouvait être transposée comme telle dans le cadre plus concret du contentieux initié par requête individuelle (Voy. sur ce point les réflexions d’O. DE SCHUTTER, Fonction de juger et droits fondamentaux, op. cit., p. 893-894). Cette proposition est toutefois démentie par la jurisprudence ultérieure de la Cour, laquelle n’entend pas définir sa mission de manière distincte selon le mode de saisine qui l’initie. Voy. en effet, tout d’abord, Coureur. D.H., arrêt Guzzardi c. L’Italie du 6 novembre 1980, Série A, no 39, § 86, qui, quoique rendu sur une requête individuelle, réaffirme cependant l’enseignement de l’arrêt Irlande c. Le Royaume-Uni du 18 janvier 1978. Voy. également, quoique de manière plus implicite, Coureur. D.H., arrêt Gillow c. Le Royaume-Uni du 24 novembre 1986, Série A. no 109, § 45 et Coureur. D.H., arrêt Deweer c. La Belgique du 27 novembre 1980, Série A, vol. 35, §§ 37-38, renvoyant au § 154 de l’arrêt Irlande c. Le Royaume-Uni. Plus implicitement encore, voy. Cour eur. D.H., arrêt Rubinatc. L’Italie du 12 février 1985, Série A. no 89, § 16 et Coureur. D.H., arrêt Luedicke, Belkacem et Koç c. La République fédérale d’Allemagne du 28 novembre 1978, Série A, no 29, § 35 in fine.
25 Le terme est emprunté à V. BERGER, Le règlement amiable devant la Cour européenne des droits de l’Homme, in Protecting human rights : The european dimension. Mélanges offerts à G.J. Wiarda. Karl Heymans Verlag GMBH, Cologne, 1988, p. 59.
26 Voy. sur ce point H. PETZOLD, The Convention and the principle of subsidiarity, in The european system for the protection of human rights, sous la direction de F. MATSCHER, R.st.J. MACDONALD et H. PETZOLD, Martinus Nijhoff Publishers, Londres-La Haye-Boston, 1993, spéc. p. 44 à 49.
27 Articles 19 et 32 nouveaux de la Convention. Sur les difficultés et les enjeux de la qualification de la Cour européenne des droits de l’Homme comme « interprète authentique » de la Convention, voy. E. LAMBERT, Les effets des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme. Contribution à une approche pluraliste du droit européen des droits de l’Homme, thèse, éd. prov., Strasbourg, 1998, p. 329 à 335 et références citées.
28 M. SORENSEN, Les droits inscrits en 1950 dans la Convention européenne des droits de l’Homme ont-ils la même signification en 1975 ?, in Actes du quatrième colloque international sur la Convention européenne des droits de l’Homme, (Rome, 5-8 novembre 1975), Strasbourg. 1976, p. 93-94.
29 J. DE MEYER, Quelques aspects de l’action de la Cour européenne des droits de l’Homme, in Etudes et Documents du Conseil d’Etat, no 41, 1989, p. 269.
30 Voy. en ce sens les observations de J.-F. Burgelin, Procureur général près la Cour de cassation française, et A. Lalardrie, Secrétaire général du Parquet général de la Cour de cassation française, L’application de la Convention par le juge judiciaire français, in Mélanges en hommage à Louis-Edmond Pettiti, Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 149.
31 Les parenthèses sont incluses dans la citation.
32 Les parenthèses sont incluses dans la citation.
33 Opinion concordante jointe par le juge Martens à l’arrêt Fey c. L’Autriche du 24 février 1993, Série A, no 255-A, p. 16. Voy., dans le même sens, l’opinion dissidente jointe par le Juge Martens à l’arrêt Fischer c. L’Autriche du 26 avril 1995, Série A, no 312. Pour une conception radicalement différente et, à notre estime, critiquable, de la relation entre l’office du juge européen et la subsisdiarité de son contrôle, voy. P. ROLLAND, Existe-t-il un contrôle de l’opportunité ? Le contrôle de l’opportunité par la Cour européenne des droits de l’homme, in D. ROUSSEAU et F. SUDRE (sous la direction de), Conseil constitutionnel et Cour européenne des droits de l’Homme, Paris, éd. STH, coll. Les grands colloques, 1990, p. 54. : « La conséquence la plus importante [du principe de subsidiarité] du point de vue de la méthode de contrôle de la Cour est le refus de statuer in abstracto. Ne statuer sur une affaire que de façon concrète et particulière, c’est refuser à son tour de poser des normes générales, ce qui reviendrait pour le juge à s’ériger en législateur et à dicter un comportement aux Etats. Au contraire, le refus de statuer in abstracto montre que la Cour européenne se situe et se comporte, elle aussi, comme une autorité d’exécution de la Convention ».
34 L’idée est en effet que l’autorité de chose interprétée des arrêts de la Cour ne peut s’attacher qu’aux enseignements suffisamment abstraits développés par ceux-ci. Voy. sur ce point J. VELU et R. ERGEC, La Convention européenne des droits de l’Homme, Bruxelles, Bruylant, 1990, p. 1080, no 1238 : « Il convient de rechercher dans chaque arrêt si la Cour a entendu se prononcer par voie d’abstraction, préciser la portée d’une disposition ou si ses observations se limitent au cas d’espèce. Dans le premier cas, on est en présence de la majeure du syllogisme qui s’incorpore à la norme interprétée et jouit, à ce titre, de l’autorité de la chose interprétée ». Voy., dans le même sens, H. MOSLER, Supra-national judicial decisions and national courts, in Hastings international and comparative law review, 1980-1981, p. 468.
35 Voy. sur ce point C.J. STAAL, De vaststelling van de reikwijdte van de rechten van de mens, thèse, Nimègue, Ars aequi libri, 1995. Cet auteur rappelle en effet qu’au cours des travaux préparatoires de la Convention se sont affrontées, sur la question de la définition des droits garantis et des limitations qui leur sont associées, deux perspectives (p. 51 et sv.). La première militait pour une définition relativement précise desdits droits et limitations, et ce, dans un souci de clarification des obligations que les États étaient appelés à assumer. La seconde, inspirée de la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, se satisfaisait en revanche d’une énonciation plus sommaire. Le compromis finalement atteint sembla faire droit au souci de précision et de clarification propre à la première perspective en présence. Indirectement et implicitement, les organes d’application mis en place par la Convention se voyaient donc appelés, dans leur propre pratique, à prolonger les préoccupations initialement exprimées (Voy. sur ce point, p. 628 et sv.)
36 Cette notion est inspirée du concept d’« arrêt idéal » développé par H. RASMUSSEN, Le juge international, en évitant de statuer, obéit-il à un devoir judiciaire fondamental ?, in German Yearbook of international Law, vol. 29, 1986, p. 252 et sv. Cet auteur semble décrire cet « arrêt idéal » comme celui qui apporte, « en termes juridiques, une réponse définitive aux conflits sociaux, économiques et politiques soumis aux juges » (p. 253).
37 Pour une systématisation de la notion « d’ordre public européen » et des implications qui en découlent pour l’office du juge européen des droits de l’Homme, voy. F. SUDRE, Existe-t-il un ordre public européen ?, in P. TAVERNIER, Quelle Europe pouries droits de l’Homme ? La Cour de Strasbourg et la réalisation d’une « Union plus étroite ». 35 années de jurisprudence (1959-1994), Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 39 à 80. Voy. également, W.J. GANSHOF van der MEERSCH, L’ordre public et les droits de l’Homme, in J.T., 1968, spéc. p. 662 et note 95. Pour une mise en corrélation de la visée pédagogique des décisions strasbourgeoises avec l’édification d’un « ordre public euro péen », voy. l’opinion dissidente jointe par le juge Jambrek à l’arrêt Fischer c. L’Autriche du 26 avril 1995 (précité).
38 Voy. p. ex., Cour eur. D.H., arrêt Deweer c. La Belgique du 27 février 1980, Série A, no 35. Pour une mise en corrélation d’un tel phénomène avec le rôle pédagogique de la Cour, voy. G. MALINVERNI, La Convention européenne des droits de l’Homme et son interprète principal, in P. ZEN-RUFFINEN et A. AUER (sous la direction de), De la Constitution. Études en l’honneur de J.-F. Aubert, Helbing et Lichtenhähn, Bâle/Francfort-sur-le-Main, 1996, p. 412. Comp. cependant, Cour eur. D.H., arrêt Scherer c. La Suisse du 25 mars 1994, Série A, no 287 ; Cour eur. D.H., arrêt Baegen c. Les Pays-Bas du 27 octobre 1995, Série A, no 327-B.
39 Voy. Cour eur. D.H., arrêt Guzzardi c. L’Italie du 6 novembre 1980, op. cit., § 86 ; Cour eur. D.H., arrêt Deweer c. La Belgique du 27 février 1980, op. cit., §§ 37-38.
40 Voy. Cour eur. D.H., arrêt A c. Le Royaume-Uni du 23 septembre 1998, non encore publié, § 19 (où, nonobstant la reconnaissance par le gouvernement défendeur de l’incompatibilité de sa législation avec l’article 3, la Cour procéda à un examen de la question litigieuse) ; Cour eur. D.H., arrêt Irlande c. Le Royaume-Uni du 18 janvier 1978, précité ; Cour eur. D.H., arrêt Young, James et Webster du 13 août 1981, Série A, no 44 (où, nonobstant l’acquiescement du gouvernement britannique à la violation de l’article 11 et contrairement à la Commission dans son rapport du 14 décembre 1979, la Cour rechercha motu proprio la possibilité de légitimer le système de closed-shop autorisé par la législation britannique) ; Cour eur. D.H., arrêt Gillow c. Le Royaume-Uni du 24 novembre 1986, précité (où, nonobstant l’acquiescement du gouvernement britannique à la violation de l’article 8, la Cour rechercha motu proprio l’existence d’une justification à l’ingérence reprochée).
41 Sous l’empire de l’ancienne procédure, seule l’hypothèse d’un règlement amiable devant la Commission avait été envisagée par la Convention (article 28, b, ancien). Néanmoins, la pratique de règlements amiables s’était également imposée devant la Cour. En présence de pareil règlement amiable, la Cour radiait l’affaire de son rôle, conformément aux articles 49 du règlement A et 51 du règlement B. Toutefois, l’une et l’autre disposition prévoyaient la possibilité pour la Cour de refuser la radiation de l’affaire lorsque, en substance, l’intérêt des droits garantis par la Convention l’exigeait. Ici s’affirme le principe du « rôle pédagogique » de la Cour (Voy. sur ce point O. DE SCHUTTER, La réforme des mécanismes de contrôle de la Convention européenne des droits de l’Homme. États des lieux et perspectives d’avenir, in CH-Crisp, 1996, no 1512-1513, p. 12.). Le nouveau texte de la Convention européenne des droits de l’Homme consacre en son article 38 la possibilité d’un règlement amiable devant la Cour. En ce cas, la Cour raye l’affaire du rôle. Il faut néanmoins considérer que, par application de l’article 37 de la Convention et même en cas de règlement amiable, « (...) la Cour poursuit l’examen de la requête si le respect des droits de l’Homme garantis par la Convention et ses protocoles l’exige ». De la sorte, la nouvelle Convention assure une continuité par rapport à la solution antérieurement retenue (Voy. d’ailleurs, en ce sens, Cour eur. D.H., arrêt Tsavachidis c. La Grèce du 21 janvier 1999, non encore publié, .§§ 24 et 25). Nous verrons cependant par la suite (cfr infra, § 3, b. 8.) combien décevante fut, sous l’empire de l’ancienne procédure, la pratique pédagogique des organes de la Convention en présence d’un règlement amiable entre parties.
42 Voy. notamment, parmi beaucoup d’autres, Cour eur. D.H., arrêt Guerra c. L’Italie du 19 février 1998, Rec., 1998-I, p. 210 et sv., § 44 et références citées.
43 Voy., par exemple, Cour eur. D.H., arrêt Foti c. L’Italie du 10 décembre 1982, Série A, no 56.
44 Voy. notamment, Cour eur. D.H., arrêt Guzzardi c. L’Italie du 6 novembre 1980, Série A, no 39.
45 Voy. notamment, Cour eur. D.H., arrêt Larkos c. Chypre du 18 février 1999, non encore publié, § 21 (refus de déférer à la demande du gouvernement chypriote de n’examiner l’affaire que sous l’angle des articles 14 et 8 combinés, et non de l’article 14 combiné avec l’article 1 du premier protocole additionnel. L’élan pédagogique de la Cour est cependant contrebalancé par une attitude nettement plus pragmatique : ayant conclu à la violation de la Convention sous l’angle de la première question, elle n’estima pas nécessaire d’examiner la seconde (§36)...) ; Cour eur. D.H., arrêt Erdagöz c. La Turquie du 22 octobre 1997, Rec., 1997-VI, p. 2311, § 36. Sans que la justification fournie n’apparaisse convaincante, la Cour adopte une attitude différente lorsque les deux parties au litige demandent ou acceptent de limiter l’objet de celui-ci (Voy. en effet, Cour eur. D.H., arrêt Loizidou c. La Turquie du 23 mars 1995 (exceptions préliminaires), Série A, no 310, § 54, et Cour eur. D.H., arrêt Nsonsa c. Les Pays-Bas du 28 novembre 1996, Rec., 1996-V, p. 2007, § 115).
46 Voy. sur ce point F. RIGAUX, La loi des juges, op. cit., p. 131-132 et 226.
47 Une excellente illustration des dérives que présente, en termes « pédagogiques », la technique du « fatras de motifs », est offerte par l’affaire Gustafsson c. La Suède, laquelle donna lieu à deux arrêts de la Cour européenne datés respectivement des 25 avril 1996 (Rec., 1996-II, p. 637 et sv.) et 30 juillet 1998 (révision) (non encore publié). Très schématiquement, la requête initiale entendait dénoncer, sous l’angle, notamment, des obligations positives déduites de l’article 11, la passivité des autorités suédoises à l’égard des pressions syndicales exercées sur M. Gustafsson afin qu’il conclue une convention collective de travail. Devant la Commission, et aux fins de démontrer le caractère illégitime desdites pressions, le requérant avait notamment allégué que les conditions de travail qu’il offrait étaient plus favorables que celles prévues par la convention collective de travail. Ce n’est que devant la Cour européenne que le gouvernement défendeur entendit contester, à l’aide d’éléments nouveaux, cette donnée du litige. Confrontée à la question de la recevabilité de ces éléments, la Cour (arrêt du 25 avril 1996, § 51) estima que « Rien ne (l’) empêche de les prendre en considération pour évaluer quant au fond les griefs du requérant sur le terrain de la Convention ». L’arrêt du 25 avril 1996 parviendra finalement au constat de non violation de l’article 11, et ce, sur base de deux motifs apparemment aussi décisifs l’un que l’autre. Tout d’abord, le paragraphe 52 affirme qu’« (...) Une contrainte qui, comme en l’espèce, n’empiète pas de manière importante sur l’exercice (de la liberté d’association), même si elle provoque un préjudice économique, n’entraîne aucune obligation positive au titre de l’article 11 ». Ensuite, le paragraphe 53 affirme que « De plus, le requérant n’a pas fourni de preuves à l’appui de sa thèse selon laquelle les conditions de travail dans son restaurant étaient meilleures que celles imposées par une convention collective. (Partant), la Cour n’aperçoit aucune raison de douter de ce que les mesures du syndicat visaient des buts légitimes compatibles avec l’article 11 ». Contre cet arrêt, M. Gustafsson introduira cependant une demande de révision, motivée, notamment, par le fait qu'il était depuis lors en mesure de prouver avec certitude que les conditions qu'il pratiquait dans son restaurant, à l’époque, étaient effectivement plus favorables que ce que ne prévoyait la convention litigieuse. Conformément à l’article 60 B du règlement d’ordre intérieur de la Cour, l’arrêt du 30 juillet 1998 devait se prononcer sur le caractère « décisif »du second motif que l’arrêt du 25 avril 1996 avait retenu à l’appui de son constat de non-violation de l’article 11. Sur ce point, l’arrêt du 30 juillet 1998 (§ 29) affirme que les raisons énoncées au § 52 de l’arrêt du 25 avril 1996 étaient, en réalité, « suffisantes pour étayer la conclusion de la Cour selon laquelle (...) (L’État défendeur) n’avait pas failli à son obligation d’assurer au requérant les droits énoncés à l’article 11 de la Convention (....) ». Quant aux motifs énoncés au paragraphe 53 de l’arrêt du 25 avril 1996, l’arrêt du 30 juillet 1998 (§ 31) affirme qu’ils « (...) revêtaient un simple caractère accessoire par rapport (à ceux qui étaient énumérés au paragraphe 52 de l’arrêt du 25 avril 1996) ». Partant, l’arrêt du 30 juillet 1998 conclut que les éléments invoqués par le requérant à l’appui de sa demande en révision « (...) n’auraient pas eu une influence décisive sur l’arrêt rendu par la Cour le 25 avril 1996 (...) ». La conclusion laisse songeur : deux lectures de l’affaire Gustafsson sont possibles. Soit l’on conclut, avec le Juge Misfud Bonnici (opinion dissidente sous l’arrêt du 30 juillet 1998), que l’arrêt du 30 juillet 1998 modifie rétrospectivement la portée de celui du 25 avril 1996, en déclarant « accessoire »un motif que ce dernier tenait, en réalité, pour « décisif ». Soit Ton considère que les conditions de travail pratiquées dans le restaurant de M. Gustafsson étaient effectivement, depuis l’origine, un élément irrelevant du litige, mais Ton déplorera alors vivement le « manque de pédagogie »de l’arrêt du 25 avril 1996 qui, méthodologiquement, ne le présente pas comme tel et induit de ce fait en erreur ses commentateurs, les États parties, ainsi que certains juges de la Cour (Voy. en effet, l’opinion séparée jointe par le juge De Meyer à la décision rendue par le Comité de filtrage, le 13 octobre 1997, sur la recevabilité de la demande en révision de l’arrêt Gustafsson c. La Suède du 25 avril 1996, Rec., 1997-VI, p. 2152 et sv.).
48 Pour paraphraser P. MARTENS, L’irrésistible ascension du principe de proportionnalité, in Présence du droit public et des droits de l’Homme. Mélanges offerts à J. Velu, t. I, Bruxelles, Bruylant, 1992, p. 49.
49 Pour un repérage systématique des différents lieux d’apparition de la proportionnalité dans le droit de la Convention, voy. M.-A. EISSEN, Le principe de proportionnalité dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, op. cit., p. 65 à 81.
50 Par souci de simplification, la démarche adoptée ici sera purement nominaliste : ne seront recensés que les lieux où est apparu le terme même de « proportionnalité ».
51 L’on notera que le terme même de « proportionnalité » était déjà apparu, au niveau de l’article 17 (déchéance des droits et libertés à l’encontre des liberticides) dans le rapport rendu par la Commission dans l’affaire De Becker c. La Belgique (Comm. eur. D.H., req. no 214/96, rapport du 8 janvier 1960, § 279).
52 Cour eur. D. H., arrêt relatif à certains aspects du régime linguistique de l’enseignement en Belgique du 23 juillet 1968, Série A, no 6, § 10.
53 En ce qui concerne l’article 8, voy. notamment Cour eur. D.H., arrêt Dudgeon c. Le Royaume-Uni du 22 octobre 1981, Série A, no 45, § 53 ; en ce qui concerne l’article 9, voy. notamment Cour eur. D.H., arrêt Kokkinakis c. La Grèce du 25 mai 1993, Série A, no 260-A, § 47 ; en ce qui concerne l’article 10, voy. notamment Cour eur. D.H., arrêt Handyside c. Le Royaume-Uni du 7 décembre 1976, Série A, no 24, § 49 ; en ce qui concerne l’article 11, voy. notamment Cour eur. D.H., arrêt Young, James et Webster c. Le Royaume-Uni du 13 août 1981, Série A, no 44, § 63.
54 Cour eur. D.H., arrêt Raimondo c. L’Italie du 22 février 1994, série A, no 281-A, §39.
55 À ce niveau, le terme « proportionnalité » apparut pour la première fois dans Cour eur. D.H., arrêt Brannigan et Mc Bride c. Le Royaume-Uni du 26 mai 1993, Série A, no 258-B, § 54.
56 Cour eur. D.H., arrêt Mac Cann et autres c. Le Royaume-Uni du 27 septembre 1995, Série A, no 324, § 149.
57 Cour eur. D.H., arrêt F. c. La Suisse du 18 décembre 1987, Série A, no 128, § 40.
58 Voy. par exemple Cour eur. D.H., arrêt Mellacher c. L’Autriche du 19 décembre 1989, Série A, no 169, § 48.
59 Voy. notamment Cour eur. D.H., arrêt Ashingdane c. Le Royaume-Uni du 28 mai 1985, Série A, no 93, § 57.
60 Cour eur. D.H., arrêt Mathieu-Mohin et Clerfayt c. La Belgique du 2 mars 1987, Série A, no 113, §52.
61 Voy. notamment Cour eur. D.H., arrêt Gaskin c. Le Royaume-Uni du 7 juillet 1989, Série A, no 160, §49.
62 Voy. Cour eur. D.H., arrêt Van der Mussele c. La Belgique du 23 novembre 1983, Série A, no 70, § 37.
63 Voy. en effet Cour eur D.H., arrêt Soering c. Le Royaume-Uni du 7 juillet 1989, Série A, no 161, § 89 (qui introduit la notion de « balance des intérêts ») et §§ 104 et 110 (qui parlent expressément de « proportionnalité »). L’idée d’une « balance des intérêts en présence » au niveau de l’article 3 fut cependant, apparemment, abandonnée par la jurisprudence subséquente. Voy. en ce sens Cour eur. D.H., arrêt Chahal c. Le Royaume-Uni du 15 novembre 1996, Rec., 1996, §§ 80-81.
64 Voy. notamment Cour eur. D.H., arrêt Ribitsch c. L’Autriche du 4 décembre 1995, Série A, no 336, § 38 : « (....) à l’égard d’une personne privée de sa liberté, tout usage de la force physique qui n’est pas rendu strictement nécessaire par le comportement de ladite personne porte atteinte à la dignité humaine et constitue, en principe, une violation de l’article 3 » (C’est nous qui soulignons). Dans ses rapports Klaas c. L’Allemagne (req. no 15473/89, rapport du 21 mai 1992, Série A, no 269, §§ 100 et 104) et Hurtado c. La Suisse (req. no 17549/90, rapport du 8 juillet 1993, Série A, no 280-A, § 54), la Commission appréhende cette condition de « stricte nécessité » sous le terme de « proportionnalité ».
65 Voy. en ce sens, P. van DIJK et G.H.J. van HOOF, Theory and practice..., op. cit., p. 81.
66 Rares, voire introuvables, sont en effet les décisions qui, méthodiquement, auront appliqué chacun des trois tests visés ci-dessous.
67 Ne sera pas discutée ici la question de savoir si le manquement limité à une seule de ces exigences constitue, en soi, un motif suffisant de constat de disproportion de la limitation aux droits garantis. (Voy. sur cette difficile question, les thèses développées par J.G.C. SCHOKKENBROECK, Toetsing aan de vrijheidsrechten van het Europees Verdrag tot bescherming van de rechten van de Mens, W.E.J., Tjeenk Willink, Zwolle, 1996, p. 197 à 201). Ne seront pas examinés non plus les prolongements d’ordre, non plus substantiel, mais bien procédural, que la jurisprudence strasbourgeoise, essentiel lement récente, associe au principe de proportionnalité (Voy. sur ce point, par exemple, Cour eur. D.H., arrêt Camenzind c. La Suisse du 16 décembre 1997, Rec., 1997-VIII, p. 2880 et sv., §§ 45 et sv.).
68 Voy. en ce sens, explicitement, Cour eur. D.H., arrêt James c. Le Royaume-Uni du 21 février 1986, Série A, no 98, § 50.
69 Voy. par exemple, Cour eur. D.H., arrêt Campbell c. Le Royaume-Uni du 25 juin 1992, Série A, no 233, §§ 48 et sv. ; Cour eur. D.H., arrêt Tinnely & sons ltd et autres et Mc Edulff et autres c. Le Royaume-Uni du 10 juillet 1998, Rec., 1998-1V, p. 1633 et sv., §78.
70 Voy., pour une bonne illustration de la spécificité de cette troisième exigence par rapport aux deux premières, Cour eur. D.H., arrêt Goodwin c. Le Royaume-Uni du 27 mars 1996, Rec., 1996-II, p. 483 et sv., §§ 45 et 46.
71 Voy. en ce sens, récemment, l’opinion concordante jointe par le juge Bonello à l’arrêt Van Geyseghem c. La Belgique du 21 janvier 1999, non encore publié : « Au mieux, une mise en balance est subjective et donc arbitraire ».
72 Voy. en ce sens, parmi beaucoup d’autres, V. FABRE-ALIBERT, La notion de « société démocratique » dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, in Rev. trim.dr. homme, 1998, p. 491 et sv. et références citées ; E. KASTANAS, Unité et diversité..., op. cit., p. 218 ; G. GONZALES, La Convention européenne des droits de l’Homme..., op. cit., p. 215. De manière plus générale, voy. D. LOSCHAK, Les bornes de la liberté, in Pouvoirs, no 84, 1997, p. 23 et sv.
73 Voy. sur ce point F. MATSCHER, Les contraintes de l’interprétation juridictionnelle. Les méthodes d’interprétation de la Convention européenne, in L’interprétation de la Convention européenne des droits de l’Homme, Actes du Colloque des 13 et 14 mars 1998 organisé par l’Institut de droit européen des droits de l’Homme de l’Université de Montpellier 1, Bruxelles, Bruylant-Nemesis, 1998, p. 34.
74 Voy. sur ce point M. van de PUTTE, Als een lot uit een loterij ?, note sous Cour eur. D.H., arrêt C. c. La Belgique du 7 août 1996, in Jaarboek Mensenrechten 1996-1997, 1998, spéc. p. 269-270 ; A. SHERLOCK, Deportation of aliens and article 8 ECHR, in European Law Review. Human rights survey 1998, 1998, spéc. p. 70-72 ; M. LEVINET, L’éloignement des étrangers délinquants et l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, in Rev.trim.dr.Homme Numéro spécial. La police des étrangers et la Convention européenne des droits de l’Homme, 1999, spéc. p. 108.
75 Voy. en ce sens l’opinion dissidente jointe par le Juge S.K. Martens à l’arrêt Boughanemi c. La France (Cour eur D.H., arrêt Boughanemi c. La France du 24 avril 1996, Rec., 1996-II, p. 593 et sv.) ; dans un sens identique, voy. l’opinion dissidente jointe par MM. les juges van Dijk et Baka à l’arrêt Boujlifa c. La France du 21 octobre 1997, Rec., 1997-VI, p. 2250 et sv.
76 Voy. en ce sens P. MAC FADDEN, The halancing test, in Boston College Law Review, (59), 1988, p. 646.
77 Sur la distinction entre règles et principes, voy., parmi beaucoup d’autres, A. SCALIA, The Rule of law as a law of rules, in The University of Chicago law review, (56) 1989-4, p. 1175 à 1189.
78 Voy., pour une comparaison entre l’adjudication « par règles » (modèle du syllogisme) et l’adjudication « par principes » (modèle de la balance des intérêts), C.-A. MORAND, Vers une méthodologie de la pesée des valeurs constitutionnelles, in P. ZENRUFFINEN et A. AUER (sous la direction de), De la Constitution. Études en l’honneur de J.-F. Aubert, op. cit., p. 75 et sv. Adde R. DE LANGE (Publiekrechtelijke rechtsvinding, W.E.J., Tjeenk Willink, Zwolle, 1990, p. 7 et sv.) qui, en s’inspirant des travaux de Hirsch BALLIN (Onafhankelijke rechtsvorming. Staatsrechtelijke aantekeningen over de plaats en functie van de Hoge Raad in de Nederlandse rechtsorde, in De plaats van de Hoge Raad in de huidige staatsbestel, Tjeenk Willink, Zwolle, 1988, p. 211-237), décrit le passage du syllogisme à la balance des intérêts comme le passage d’une « toepassingsjurisdictie » à une « afwegingsjurisdictie ».
79 Voy. sur ce point les réflexions de G. REES, Die « Einzelfallbezogenheit » in der Rechtsprechung des Europäischen Gerichtshofs für Mensenrechte, in Völkerrecht als Rechtsordnung. Internationale Gerichtsbarkeit. Mensenrechte. Festschrift für Hermann Mosler, Springer Verlag, Berlin/Heidelberg/New-York, 1983, p. 721, qui parle d’« (...) Abwägung mittels und nur für den konkreten Einzelfall (...) ».
80 L’on ne traitera pas ici de la question de l’appropriation de l’office du juge européen par rapport aux objectifs qu’il poursuit. L’on se bornera simplement à relever que cette question fut explicitement soulevée dans les opinions dissidentes et commentaires doctrinaux dont fit l’objet l’affaire Loizidou c. La Turquie, tranchée par trois arrêts de la Cour datés respectivement des 23 mars 1995 (Série A, no 310 : exceptions préliminaires), 18 décembre 1996 (Rec., 1996-VI, p. 2216 et sv. : fond) et 28 juillet 1998 (non encore publié : satisfaction équitable). Cette affaire prend son origine dans le déni d’accès à sa propriété dont la requérante eut à souffrir en raison de l’occupation par la Turquie de la partie Nord de Chypre. Les enjeux politiques et diplomatiques sous-jacents à l’affaire étaient évidents ; cela n’empêcha pas la Cour de la trancher. Néanmoins, certains juges dissidents émirent un doute quant à l’aptitude d’une juridiction internationale à prendre position dans une telle affaire. Ainsi les juges Bernhardt et Lopes Rocha (opinion dissidente sous l’arrêt du 18 décembre 1996) se demandaient-ils s’il était « (...) possible de donner une réponse précise (aux questions soulevées par l’affaire) et de parvenir à une conclusion claire d’un point de vue juridique ». Plus fondamentalement, le juge Jambrek (opinion dissidente sous l’arrêt du 18 décembre 1996) affirma qu’« Avant de décider d’agir ou de garder sa réserve, tout juge national ou international s’emploiera en règle générale à établir si l’affaire est présentée d’un seul point de vue uniquement, si elle est prête pour une décision, ou si elle n’est pas trop controversée ou politique ». Après avoir noté que « (les organes de la Convention) ne sont pas préparés pour connaître d’affaires complexes de grande échelle (....) », ce même juge affirme qu’il « porte un grand respect à l’opinion de principe selon laquelle la Cour a pour unique tâche de veiller au respect des droits fondamentaux des individus, quel que soit leur nombre. D’un autre côté, nombreuses sont (...) les raisons qui poussent à examiner sérieusement le problème tout aussi légitime de l’efficacité de la Cour à résoudre les problèmes de droits de l’Homme. Cette question est d’autant plus épineuse qu’elle concerne, comme en l’espèce, des affaires individuelles inextricablement liées à des conflits ethniques intercommunautaires et/ou politiques de grande échelle et dépendant de leur dénouement » (C’est nous qui soulignons). Dans un sens plus ou moins identique, voy. l’opinion dissidente jointe par le juge Gölcüklü à l’arrêt du 28 juillet 1998. Un tel scepticisme se retrouve également dans les commentaires doctrinaux de l’affaire. Voy. notamment J.-P. COT, La responsabilité de la Turquie et le respect de la Convention européenne dans la partie nord de Chypre, obs. sous Cour eur. D.H., arrêt Loizidou c. La Turquie du 18 décembre 1996, in Rev. trim. dr. Homme, 1998, spéc. p. 111 et 112 ; R.A. WHITE, Tackling political disputes through individual applications, in European human rights law review, 1998/1, p. 67 et sv.
81 W. Van Gerven parle à ce sujet de « effectgerichte interpretatie » (Creative rechtspraak, in RW., 1997-1998, p. 217-219). Voy. dans la doctrine germanique M. HENSCHE, Probleme einer folgenorienterten Rechtsanwendung, in Rechtstheorie, no 29, 1998, p. 103 à 120.
82 Voy. par exemple F. DELPÉRÉE, Quelques propos sur la justice et la politique, in J.T., 1997, p. 75.
83 P. MARTENS, Le métier de juge constitutionnel, in F. DELPÉRÉE et P. FOUCHER (sous la direction de), La saisine du juge constitutionnel. Aspects de droit comparé, Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 38.
84 Voy. sur ce point W. VAN GERVEN, Creative rechtsspraak, op. cit., p. 217-219 ; H. RASMUSSEN, Le juge international, en évitant de statuer, obéit-il à un devoir judiciaire fondamental ?, op. cit., p. 266 à 269. Pour un exemple récent, voy. C.J.C.E., C-415/93, arrêt Union royale des sociétés de football association ASBL e.a. c. Jean-Marc Bosman e. a. du 15 décembre 1995, Rec., 1995-12, p. 4921 et sv., ici pt. 77 : « Quant aux conséquences éventuelles du présent arrêt sur l’organisation du football dans son ensemble, il est de jurisprudence constante que, si les conséquences pratiques de toute décision juridictionnelle doivent être pesées avec soin, on ne saurait cependant aller jusqu’à infléchir l’objectivité du droit et compromettre son application en raison des répercussions qu’une décision de justice peut entraîner (...) ».
85 Cour eur. D.H., arrêt Marckx c. La Belgique du 13 mai 1979, Série A, no 31, § 58.
86 Voy. également Coureur. D.H., arrêt Norris c. L’Irlande du 16 octobre 1988, Série A, no 142, § 50.
87 Cour eur. D.H., arrêt Marckx c. La Belgique du 13 juin 1979, op. cit., § 58.
88 Ibidem.
89 Un tel conséquentialisme est cependant inhérent à la jurisprudence formée par la Cour à propos du statut des transsexuels. Voy. sur ce point, les pertinentes observations de J.G.C. SCHOKKENBROECK, Judicial review by the European Court of Human Rights : constitutionnalism at the european level, in Judicial control. Comparative essays on judicial review. Anvers-Bruxelles, Maklu-Bruylant, 1995, p. 164-165.
90 Voy. notamment l’opinion concordante jointe par le Juge Martens à l’arrêt Fey c. L’Autriche du 24 février 1993 (Série A, 255-A), laquelle traduit la crainte qu’une conception trop rigide de la garantie de l’impartialité inscrite à l’article 6, telle que celle qui prévalut dans les affaires Piersack c. La Belgique et De Cubber c. La Belgique, ne mette en péril le fonctionnement de certaines juridictions nationales : « En effet, pour juger si des craintes en matière d’impartialité se justifient objectivement, il faut se livrer à une pesée des intérêts : ce qui se trouve en jeu, ce n’est pas seulement la confiance que les Cours et tribunaux doivent inspirer, mais aussi l’intérêt public à voir un système judiciaire rationnel et fonctionnant bien ». Pour plus de détails concernant l’introduction de la démarche conséquentialiste dans la jurisprudence relative à l’impartialité, voy. S. VAN DROOGHENBROECK, obs. sous Cass., 23 janvier 1985, in O. DE SCHUTTER et S. VAN DROOGHENBROECK, Le droit international des droits de l’Homme, devant le juge national, Bruxelles, Larcier, coll. Les Grands Arrêts de la jurisprudence belge, 1999, pp. 59-60. La démarche conséquentialiste est par ailleurs tout à fait perceptible dans l’opinion dissidente jointe par le juge Jambrek à l’arrêt Loizidou c. La Turquie du 18 décembre 1996, op. cit. Voy. également l’opinion dissidente jointe par les juges Pettiti et Valticos à l’arrêt Burghartz c. La Suisse du 22 février 1994 (Série A, no 280B, p. 33, pt. 2).
91 Voy. en ce sens E. LAMBERT, op. cit., p. 312 : « La généralisation du contenu de l’arrêt de la Cour pourrait ainsi s’opérer au détriment de la considération des particularités des droits nationaux ».
92 F. RIGAUX, Interprétation consensuelle et interprétation évolutive, in L’interprétation de la Convention européenne des droits de l’Homme, op. cit., p. 59 à 62.
93 Ibidem, p. 61.
94 Cour eur. D.H., arrêt Marckx c. La Belgique du 13 juin 1979, précité.
95 Ibidem, §§ 20 et 21.
96 Cour eur. D.H., arrêt Dudgeon c. Le Royaume-Uni du 22 octobre 1981, Série A, no 45.
97 Ibidem, §§ 22 et sv.
98 Cour eur. D.H., arrêt Tyrer c. Le Royaume-Uni du 25 avril 1978, Série A, no 26.
99 Ibidem, § 15.
100 Voy., pour de tels cas exceptionnels, Cour eur. D.H., arrêt Thorgeir Thorgeirson c. L’Islande du 25 juin 1992 (Série A, no 239) où la Cour ne prit pas argument de la modification de la loi incriminée (§ 42) pour constater une violation de l’article 6 (§§ 48 et 52 et sv.) ; Cour eur. D.H., arrêt Petrovic c. L’Autriche du 27 mars 1998, Rec., 1998-II, p. 579 et sv. ; Cour eur.D.H., arrêt Rasmussen c. Le Danemark du 28 novembre 1984, Série A, no 87.
101 Voy. notamment, pour les cas où la Cour « saisit la perche » qui, d’une façon ou d’une autre, lui était tendue, Cour eur. D.H., arrêt Irlande c. le Royaume-Uni du 18 janvier 1978, op. cit., § 154 (acquiescement à l’existence d’une violation de l’article 3) ; Cour eur. D.H., arrêt A. c. Le Royaume-Uni du 23 septembre 1998, non encore publié, § 19 (acquiescement à l’existence d’une violation de l’article 3) ; Cour eur. D.H., arrêt Findlay c. Le Royaume-Uni du 25 février 1997, Rec., 1997-I, p. 263 et sv., §§ 66-67 (modification législative) ; Cour eur. D.H., arrêt Assenov c. La Bulgarie du 28 octobre 1998, non encore publié, § 163 (modification législative) ; Cour eur. D.H., arrêt Young, James et Webster du 13 août 1981, Série A, no 44 (acquiescement à l’existence d’une violation de l’article 11) ; Cour eur. D.H., arrêt Gillow c. le Royaume-Uni du 24 novembre 1986, op. cit. (acquiescement à l’existence d’une violation de l’article 8) ; Cour eur. D.H., arrêt Funke c. La France du 25 février 1993, Série A, no 256A, § 57 (modification législative) ; Cour eur. D.H., arrêt Valenzuela Contreras c. L’Espagne du 30 juillet 1998, non encore publié, § 31 et sv. (modification législative) ; Cour eur. D.H., arrêt Dombo Beheer N.V. c. Les Pays-Bas du 27 octobre 1993, Série A, no 274, §§ 27 et sv. et 31 ; Cour eur. D.H., arrêt Van den Hurk c. Les Pays-Bas du 19 avril 1994, Série A, no 288, § 39 (modification législative) ; Cour eur. D.H., arrêt Tolstoy Miloslavsky c. Le Royaume-Uni du 13 juillet 1995, Série A. no 316-B, §§ 27-28 et 50 (modification législative et mouvement de critique jurisprudentiel) ; Cour eur. D.H., arrêt Hentrich c. La France du 22 septembre 1994, Série A, no 296-A, §§ 20 à 23 et § 42 (modification législative et évolution jurisprudentielle) ; Cour eur. D.H., arrêt Inze c. L’Autriche du 28 octobre 1987, Série A, no 127-A (modification législative) ; Coureur. D.H., arrêt Vacher c. la France d 17 décembre 1996, Rec., 1996-VI, p. 2138 et sv., §§ 13 et 29.
102 Voy. infra, notes infrapaginales no 179 et 186.
103 Voy. de manière tout à fait générale, M.-A. EISSEN, La Cour européenne des droits de l’Homme, in R.D P., 1986, p. 1582 qui observe, dans le chef de la Cour, « la préoccupation (...) de s’en tenir en principe à l’examen du cas d’espèce, surtout dans les causes issues d’une requête individuelle (...), sans renoncer pour autant, bien entendu, à interpréter la Convention in abstracto si cela se révèle indispensable pour résoudre le litige » (C’est nous qui soulignons) ; J. CALLEWAERT, Article 45, in La Convention européenne des droits de l’Homme. Commentaire article par article, op. cit., p. 775, qui constate « le soin que met la Cour à limiter autant que possible les effets de ses décisions au cas d’espèce soumis » (C’est nous qui soulignons) ; Y.S. KLERK, Het E.C.R.M. Toezichtmechanisme. Verleden, heden en toekomst, Ars Aequi libri, Nimègue. 1995, p. 231 : « Het Hof is namelijk weinig bereid conventiebepaligen verder te interpreteren dan voor de hem voorliggende zaak noodzakelijk is » (C’est nous qui soulignons) ; R MAHONEY, Judicial activism and judicial self-restraint in the European Court of Human Rights : two sides of the same coin, in H.R.L.J., (11) 1990, p. 87 : « (...) as the Court has repeatedly stressed, its judgements may only enunciate interpretations, including evolutive interpretations, to the extend strictly necessary for the decision in the particular case ». (C’est nous qui soulignons). Voy. enfin F. MATSCHER, Les contraintes de l’interprétation juridictionnelle. Les méthodes d’interprétation de la Convention européenne, in L’interprétation de la Convention européenne des droits de l’Homme, op. cit., p. 16 ; du même auteur, Die Begründung der Entscheidungen des EGRM, in Recht zwischen Umbruch und Bewharung. Mélanges offerts à R. Bernhardt, Springer Verlag, Berlin/Heidelberg/New-York, 1995, p. 505 et sv.
104 Nous n’ambitionnons pas ici d’examiner, si par delà les refus originels, la juris prudence entendit par la suite éclairer les doctrines dont question.
105 Cour eur. D.H., arrêt Golder c. Le Royaume-Uni du 21 février 1975, Série A, n°18, § 39.
106 Dans l’arrêt Deweer c. La Belgique du 27 février 1980, Série A, no 35, § 49, ce refus fut étendu, de manière plus générale, à la mise sur pied d’une théorie des limitations du droit d’accès à un tribunal.
107 Cour eur. D.H., arrêt Plattform « Ärtze für das Leben » c. L’Autriche du 21 juin 1988, Série A, no 139, § 31.
108 Ce même arrêt se refusait par ailleurs à fournir une théorie générale de la notion de « défendabilité », telle qu’impliquée par l’article 13 de la Convention (§ 27). Voir également Cour eur. D.H., arrêt Boyle et Rice c. Le Royaume-Uni du 27 avril 1988, Série A, 131 §52.
109 Un tel raisonnement consiste à ne pas trancher la question de la validité substantielle de la renonciation, en constatant que, de toute façon, les conditions formelles de validité du consentement du de cujus ne sont pas réunies. Voy., à propos du droit de prendre part à l’audience implicitement consacré par l’article 6, Cour eur. D.H., arrêt Colozza c. L’Italie du 12 février 1985, Série A, no 89, § 28 : « En l’espèce, la Cour n’a pas besoin de décider si et à quelles conditions un prévenu peut renoncer à pareille comparution car en tout cas, selon sa jurisprudence constante, la renonciation à l’exercice d’un droit garanti doit se trouver établie de manière non équivoque (quod non, in casu) » ; Cour eur. D.H., arrêt T. c. L’Italie du 12 octobre 1992, Série A, no 245-C, § 27. Voy. également, pour un raisonnement plus ou moins identique. Cour eur. D.H., arrêt Barbera, Messegué et Jabardo c. L’Espagne du 6 décembre 1988, Série A, no 146, § 82. Dans l’arrêt Pfeifer et Plankl c. L’Autriche du 25 février 1992 (Série A, no 227, §§ 37 et 39), la Cour utilisa cette même technique de raisonnement pour éviter de se prononcer sur la validité substantielle d’une renonciation à la garantie d’impartialité. Quoique non dépourvu de toute ambiguïté (comp. en effet les §§ 30 et 34), il semble que l’arrêt Bulut c. L’Autriche du 22 février 1996 (Rec., 1996II, p 346 et sv.) ait répondu à cette question de manière affirmative. Enfin, l’on notera que l’arrêt M.S. c. La Suède du 27 août 1997 (Rec., 1997-IV, p. 1437 et sv.) laisse pareillement sans réponse la question de la validité substantielle d’une renonciation au droit au respect de la vie privée garanti par l’article 8, en se bornant à constater qu’en toute hypothèse, ladite renonciation était in casu non équivoque.
110 Tout juste ressort-il clairement que le droit à la publicité des débats, tel que déduit de l’article 6, est susceptible de faire l’objet d’une renonciation valable de la part de son titulaire (Voy. en ce sens Cour eur. D.H., arrêt Albert et Lecompte c. La Belgique du 10 février 1983, Série A, 58, § 35). Il en va de même du « droit à un tribunal » (Voy. Cour eur. D.H., arrêt Deweer c. La Belgique du 27 février 1980, Série A, no 35, § 49). Par contre, le droit à la sûreté ne saurait, quant à lui, faire l’objet d’une renonciation valable (Voy. en ce sens Cour eur. D.H., arrêt De Wilde, Ooms et Versyp du 18 juin 1971, Série A, no 12, § 65). Pour le reste, le seul enseignement que livre la jurisprudence strasbourgeoise est celui — peu éclairant ! —de l’arrêt Albert et Lecompte du 10 février 1983 (précité, § 35) : « Sans doute la nature de certains des droits garantis par la Convention exclut-elle un abandon de la faculté de les exercer (....). Mais il n’en va pas de même pour certains autres ». Pour une étude de la renonciation aux droits garantis par la Convention européenne des droits de l’Homme, voy. S. VAN DROOGHENBROECK, obs. sous Cass., 14 mars 1991, in Le droit international des droits de l’Homme, op. cit., pp. 132-137.
111 Voy., pour un constat identique, R. A. LAWSON et H.G. SCHERMERS, Leading Cases of the European Court of Human Rights, Ars Aequi Libri-Maklu, Anvers-Nimègue, 1996, p. 637 : « The European Court of Human Rights has never defined its position to waiver in general ».
112 Voy. en ce sens F. SUDRE, Le recours aux notions autonomes, in L’interprétation de la Convention européenne des droits de l’Homme, op. cit., p. 95
113 Voy. sur ce point M.-A. EISSEN, La présentation de la preuve dans la jurisprudence et la pratique de la Cour européenne des droits de l’Homme, in La présentation de la preuve et la sauvegarde des libertés individuelles, Bruxelles, Bruylant, 1977, p. 191. Quoique datant de 1977, le constat de M.-A. Eissen demeure encore, à l’heure actuelle, largement valide.
114 Cour eur. D.H., arrêt Benthem c. Les Pays-Bas du 23 octobre 1985, Série A, no 97, § 35.
115 Voy. en effet la position de MM. Danelius et Melchior, délégués de la Commission devant la Cour à l’occasion de l’arrêt Benthem précité.
116 Voy. en ce sens P. van DIJK, Access to court, in The european System for the protection of human rights, op. cit., p. 351.
117 Cour eur. D.H., arrêt Sigurdur Sigurjonsson c. L’Islande du 30 juin 1993, Série A, no 264.
118 Cour eur. D.H., arrêt Young, James et Webster c. Le Royaume-Uni du 13 août 1981, op. cit., § 52.
119 Cour eur. D.H., arrêt Sibson c. Le RoyaumeUni du 20 avril 1993, Série A, no 258-A.
120 Cour eur. D.H., arrêt Sigurdur Sigurjonsson c. L’Islande du 30 juin 1993, op. cit., § 35.
121 Ibidem, § 35.
122 Cour eur. D.H., arrêt Gustafsson c. La Suède du 25 avril 1996, op. cit., § 45.
123 Voy. en ce sens l’opinion dissidente du Juge Martens, à laquelle se rallie le Juge Matscher, jointe à l’arrêt Gustafsson c. la Suède du 25 avril 1996, op. cit., pt. 7.
124 Voy., concernant la notion de « vie privée », Cour eur. D.H., arrêt Niemetz c. L’Allemagne du 16 décembre 1992, Série A, no 251B, § 29. À propos de l’inclusion de la publicité dans le champ d’application de l’article 10, voy. Cour eur. D.H., arrêt Barthold c. La République fédérale d’Allemagne du 25 mars 1985, Série A, no 90, § 42, ainsi que la critique adressée à cet arrêt par le Juge Pettiti dans son opinion concordante. À propos de l’applicabilité de l’article 6, § 2, à d’autres autorités que le juge pénal. Cour eur. D.H., arrêt Sekanina c. L’Autriche du 25 août 1993, Série A, no 266-A, §§ 21 et 22. À propos de la validité du refus opposé à une partie de témoigner à son propre procès, Cour eur. D.H., arrêt Dombo Beheer N.V. c. Les Pays-Bas du 27 octobre 1993, Série A, no 274, § 31 : « La Cour note d’emblée qu’elle ne se trouve pas appelée à décider de manière générale s’il est licite d’empêcher de témoigner, dans sa propre affaire, une partie à un procès ». À propos des restrictions admissibles au « droit au silence », voy. Cour eur. D.H., arrêt Saunders c. Le Royaume-Uni du 17 décembre 1996, Rec., 1996VI, p. 2004, § 74.
125 Cf. § 1, a, à propos de la distinction entre « contentieux » et « jurisprudence ».
126 Cour eur. D.H., arrêt Kokkinakis c. La Grèce du 25 mai 1993, Série A, no 260-A.
127 Voy. sur ce point F. RIGAUX, L’incrimination du prosélytisme face à la liberté d’expression, obs. sous Cour eur. D.H., arrêt Kokkinakis c. La Grèce du 25 mai 1993, in Rev. trim. dr. Homme, 1994, spéc. p. 147.
128 Cour eur. D.H., arrêt Kokkinakis c. La Grèce du 25 mai 1993, op. cit., § 48.
129 Pour une critique d’un tel refus de définition, voy. l’opinion partiellement concordante jointe par le Juge Pettiti à cet arrêt, p. 27 et 28 ; l’opinion partiellement dissidente jointe par le juge Martens à cet arrêt, p. 38, pt. 16.
130 Pour une critique, voy. Y.S. KLERK, op. cit., p. 227.
131 Pour reprendre les termes de Me Liddy dans l’opinion partiellement concordante et partiellement dissidente jointe au rapport de la Commission du 12 septembre 1996 dans l’affaire Larissis et d’autres c. La Grèce (req. no 26377/94, 26378/94 et 23372/94, Rec., 19981, ici p. 407).
132 Voy. sur ce point S. PERRAKIS, Le juge grec et la Cour de Strasbourg, in P. TAVERNIER (sous la direction de), Quelle Europe pour les droits de l’Homme. La Cour de Strasbourg et ta réalisation d’une « Union plus étroite », Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 185-186 : « (...) toute critique de cette prise de position doit prendre en considération le fait que la Cour européenne de Strasbourg, bien que constatant une violation de l’article 9 en l’espèce, n’a pas voulu examiner le fond des dispositions législatives mises en cause dans l’affaire Kokkinakis, au regard de la Convention ».
133 Cour eur. D.H., arrêt Larissis et d’autres c. La Grèce du 24 février 1998, Rec., 1998-II, p. 362 et sv.
134 Cet article est libellé comme suit : « Les Hautes Parties contractantes s’engagent à organiser, à des intervalles raisonnables, des élections libres au scrutin secret, dans les conditions qui assurent la libre expression de l’opinion du peuple sur le choix du corps législatif ».
135 Comm. eur. D.H., req. no 8364/78, décision K. Lindsay c. Le Royaume-Uni du 8 mars 1979, D.R., no 15, p. 247 et sv.
136 Comm. eur. D.H., req. no 8612/79, décision Alliance des belges de la Communauté européenne c. la Belgique du 10 mai 1979, D.R., no 15, p. 259 et sv.
137 Comm. eur. D.H., req. no 11123/84, décision E. Tête c. La France du 9 décembre 1987, D R., no 54, p. 52 et sv.
138 Comm. eur. D.H., req. no 11406/85, décision M. Fournier c. La France du 10 mars 1988, D.R., no 55, p. 130 et sv.
139 Comm. eur. D.H., req. no 27759/95, décision André c. La France du 18 octobre 1995, non publiée.
140 Cour eur. D.H., arrêt Ahmed et autres c. Le Royaume-Uni du 2 septembre 1998, non encore publié.
141 Ibidem, §75.
142 Dans son rapport du 29 mai 1997, (req. no 22954/93), la Commission, tout en constatant que la décision Fournier c. La France du 18 octobre 1995 (précitée) laissait la question ouverte, avait résolu de partir de l’hypothèse de travail que l’article 3 du premier protocole s’appliquait au Parlement européen (§ 99 : « In the present case, the Commission will assume that Article 3 of Protocol n°l is applicable to elections to the European Parliament »).
143 Cour eur. D.H., arrêt Ahmed c. Le Royaume-Uni du 2 septembre 1998, op. cit., §76.
144 Organisant les élections au Parlement européen, la décision 76/787 du Conseil du 20 septembre 1976 comporte une Annexe II qui dispose que « le Royaume-Uni appliquera les dispositions du présent acte uniquement en ce qui concerne le Royaume-Uni ».
145 Comm. eur. D.H., req. no 24833/94, rapport Matthews c. Royaume-Uni du 29 octobre 1997, non encore publié.
146 Ibidem, § 61.
147 Ibidem, § 63.
148 Cour eur. D.H., arrêt Matthews c. Le Royaume-Uni du 18 février 1999, op. cit.
149 Le terme est utilisé par la Cour européenne des droits de l’Homme dans l’arrêt National & Provincial Building Society, the Leeds Permanent Building Society & the Yorkshire Building Society c. Le Royaume-Uni du 23 octobre 1997, Rec., 1997-VII, p. 2325 et sv., § 70.
150 Voy. en ce sens Comm. eur. D.H., req. no 11916/86, décision du 13 mars 1989, non publiée (question de l’existence d’une vie familiale dans le chef d’un étranger expulsé) ; Comm. eur. D.H., req. no 14751/89, décision du 12 décembre 1990, non publiée (applicabilité de l’article 8 à l’expulsion des occupants d’une caravane) ; Comm. eur. D.H., req. no 13366/87, décision du 3 décembre 1990, non publiée (consécration, par l’article 10, du droit pour un journaliste d’assister à un procès). Une telle technique de raisonnement semble particulièrement prisée dans la jurisprudence de la Commission relative à l’article 9 : elle permet de faire l’économie des embarrassantes questions liées au positionnement des « sectes » au regard de cette disposition conventionnelle. Voy. sur ce point les exemples et références citées par M.-Cl. FOBLETS et J. VELAERS, L’appréhension du fait religieux par le droit. À propos des minorités religieuses, in Rev. trim. dr. Homme, 1997, Numéro spécial, La protection des minorités, p. 279. Un même pragmatisme permit également à la Commission de s’abstenir, pendant longtemps, de prendre position sur la question de savoir si le risque de persécutions imputables à des groupements privés, dans l’État de destination, pouvait rendre une extradition ou une expulsion contraire à l’article 3. Voy. sur ce point la jurisprudence citée par S. KARAGIANNIS, Expulsions des étrangers et mauvais traitements imputables à l’Etat de destination ou à des particuliers. Vers une évolution de la jurisprudence européenne ?, in Rev. trim. dr. Homme, 1999, Numéro spécial. La police des étrangers et la Convention européenne des droits de l’Homme, p. 71-72 ainsi que la conclusion figurant à la p. 75.
151 Voy., précisément en rapport avec les dispositions de la Convention, les références citées par F. PICOD, Le Juge communautaire et l’interprétation européenne, in L’interprétation de la Convention européenne des droits de l’Homme, op. cit., p. 300 et références citées note 39. Voy. aussi C.J.C.E., aff. jts. 41, 121 et 796/79, arrêt Vittorio Testa et autres du 19 juin 1980, Rec., 1980-5, p. 1979 et sv., pt. 22.
152 Cour eur. D.H., arrêt Klass et autres c. L’Allemagne du 6 septembre 1978, Série A. no 28.
153 Ibidem, § 75. De manière substantiellement identique, quoique notablement plus sophistiquée, voy. Cour eur. D.H., arrêt Fayed c. Le Royaume-Uni du 21 septembre 1994, Série A, no 294B, § 67 et sv.
154 Voy. également arrêt National & Provincial Building Society, the Leeds Permanent Building Society & the Yorkshire Building Society c. Le Royaume-Uni du 23 octobre 1997, op. cit., § 70. Voy. également, quoique « l’hypothèse de travail » fut posée, non plus à propos de l’applicabilité de la disposition conventionnelle en cause, mais bien du régime de limitation qui s’y associe, Cour eur. D.H., arrêt Rekvényi c. La Hongrie du 20 mai 1999, non encore publié, § 61 (à propos des conditions de licéité des limitations spécifiques applicables, selon l’article 11, § 2, 2ème phrase, aux membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’État).
155 Comm. eur.D.H., req. no 8416/79, décision X. c. Le Royaume-Uni du 13 mai 1980, D R., 19, p. 244 et sv.
156 Voy., pour une analyse de cette jurisprudence, S. VAN DROOGHENBROECK, obs. sous Cass., 22 décembre 1992, in Le droit international des droits de l’Homme, op. cit., pp. 169-172 ; F. SUDRE, Les incertitudes du juge européen face au droit à la vie, in Mélanges C. Mouly, Paris, Litec., 1998, spéc. p. 376 à 381.
157 C.A., no 39/91, 19 décembre 1991, Mon. b., 24 janvier 1992, point 6.B.3.
158 Cass., 22 décembre 1992, Pas., I, 1402.
159 Voy. notamment Cour eur. D.H., arrêt Waite et Kennedy c. L’Allemagne du 18 février 1999, non encore publié (à propos de l’article 6) et comp. Cour eur. D.H., arrêt Deweer c. La Belgique du 27 février 1980, op. cit., § § 42 et sv. Voy. également Cour eur. D.H., arrêt Söderbäckc. La Suède du 28 octobre 1998, non encore publié, § 24 (à propos de l’existence d’une vie familiale au sens de l’article 8).
160 Cour eur. D.H., arrêt Laskey, Jaggard et Brown c. Le Royaume-Uni du 19 février 1997, Rev. trim. dr. Homme, 1997, p. 433 et sv.
161 Ibidem, § 36.
162 F. SUDRE, Chronique de droit de la Convention européenne des droits de l’Homme, in La Semaine juridique, 28 janvier 1998,1-107, no 32.
163 P. DE HERT, Artikel8 EVRM en het belgisch recht. De hescherming van privacy, gezin, woonst en communicatie, C.D.K.P. Libri 4, Gand, Mys en Breesch, 1998, p. 124.
164 Voy. également, outre les exemples cités ci-après, Comm. eur. D.H., req. no 22009/93, rapport Z. c. La Finlande du 2 décembre 1995, Rec., 1997-1, p. 323 et sv. (avis de la Commission), § 150 ; Comm. eur. D.H., req. no 25599/94, rapport A. c. Le RoyaumeUni du 18 septembre 1997, non encore publié, § 55.
165 Cour eur.D.H., arrêt Gaskin c. Le Royaume-Uni du 7 juillet 1989, Série A, no 160.
166 Ibidem, § 37.
167 Pour une critique de ce raisonnement, voy. C.J. STAAL, De vastelling van de reikwijdte van de rechten van de mens, op. cit., p. 202.
168 Cour eur. D.H., arrêt D. c. Le Royaume-Uni du 2 mai 1997, Rec., 1997-III, p. 793 et sv.
169 Ibidem, § 53 et § 54.
170 Voy. en ce sens S. KARAGIANIS, Expulsions des étrangers...., op. cit., p. 38.
171 Ibidem, § 54.
172 Cour eur. D.H., arrêt Les Saints Monastères c. La Grèce du 9 décembre 1994, Série A, no 301-A, § 55. Dans le même sens, voy. notamment Cour eur. D.H., arrêt Padovani c. L’Italie du 26 février 1993, Série A, no 257B, § 24 ; Cour eur. D.H., arrêt Thorgeir Thorgeirson c. L’Islande du 25 juin 1992, op. cit., § 48 ; Cour eur. D.H., arrêt Hauschildt c. Le Danemark du 24 mai 1989, Série A, no 154, §45 ; Cour eur. D.H., arrêt Deweer c. la Belgique du 27 février 1980, op. cit., § 40 ; Cour eur. D.H., arrêt Fey c. L’Autriche du 24 février 1993, op. cit., § 27 ; Cour eur. D.H., arrêt Dombo Beheer N.V. c. Les Pays-Bas du 27 octobre 1993, Série A, no 274, § 31 ; Cour eur. D.H., arrêt Fischer c. L’Autriche du 26 avril 1995, op. cit., § 33 ; Cour eur. D.H., arrêt Buckley c. Le Royaume-Uni du 25 septembre 1996, Rec., 1996-IV, p. 1271 et sv., § 59 ; Cour eur. D.H., arrêt A. c. Le Royaume-Uni du 23 septembre 1998, non encore publié, § 19. Pour d’autres références, voy. Y.S. KLERK, op. cit., p. 215 et sv.
173 Cour eur. D.H., arrêt Klass c. L’Allemagne du 6 septembre 1978, Série A, no 28, §33.
174 La logique consistant à déduire automatiquement de l’ancien article 25, l’obligation pour la Cour de refuser l’exercice d’un contrôle in abstracto, dans l’examen du fond du litige, a été critiquée, à raison, par le juge Martens. Voy. sur ce point S.K. MARTENS, Individual complaints under article 53 of the European Convention on Human Rights, in R.A. LAWSON et M. de BLOIS (sous la direction de), The dynamics of the protection of Human Rights in Europe. Essays in Honour of H.G. Schermers, vol. III, Martinus Nijhoff Publishers, Londres/La Haye/Boston, 1994, p. 266, note infrapaginale 31.
175 L’on ne manquera pas de signaler que la dénégation de contrôle abstrait est incompatible avec l’affirmation, par ailleurs assumée, d’un « contrôle européen portant à la fois sur la loi nationale et les décisions qui l’appliquent ». Voy., parmi beaucoup d’autres, Cour eur. D.H., arrêt Observer et Guardian c. Le Royaume-Uni du 26 novembre 1991, Série A, no 216, § 59.
176 Voy. par exemple J.-F. FLAUSS, Liberté contractuelle et contrôle des loyers à l’aune de la Convention européenne des droits de l’Homme, obs. sous Cour eur. D.H., arrêt Mellacher et autres c. L’Autriche du 19 décembre 1989, in Rev. trim. dr. Homme, 1990, p. 388 ; du même auteur, La Cour européenne des droits de l’Homme est-elle une Cour constitutionnelle ?, in La Convention européenne des droits de l’Homme : Développements récents et nouveaux défis, Actes de la journée d’études du 30 novembre 1996 organisée à l’Institut des hautes études européennes des droits de l’Homme de Strasbourg à la mémoire de M.-A. Eissen, Bruxelles, Bruylant-Nemesis, 1997, p. 82. ; O. DE SCHUTTER, Le droit à un mode de vie tsigane devant la Cour européenne des droits de l’Homme : droits culturels, droits des minorités, discriminations positives, obs. sous Cour eur. D.H., arrêt Buckley c. Le Royaume-Uni du 25 septembre 1996, in Rev. trim. dr. Homme, 1997, p. 83 ; voy. également l’opinion dissidente jointe par les juges Martens et Pettiti à l’arrêt Dombo Beheer N.V. c. Les Pays-Bas du 27 octobre 1993 (op. cit.)
177 Voy. notamment J.G.C. SCHOKKENBROECK, op. cit., spéc. p. 213 à 216 ; F. MATSCHER, Die Begründung..., op. cit., spéc. p. 510 et sv.
178 Pour une opinion défavorable à l’encontre du contrôle abstrait, voy. H. GOLSONG, The european court of human rights and the national law-maker : some general reflections, in Protecting human rights : the european dimension. Mélanges G.J. Wiarda, op. cit., p. 242 et sv.
179 Telle est la tendance qu’incarnait indubitablement le juge Martens. Voy. en effet les opinions séparées jointes par ce juge aux arrêts Brogan c. Le Royaume-Uni du 29 novembre 1988, (Série A, no 145-B) ; Borgers c. La Belgique du 30 octobre 1991 (Série A, no 214-A) ; Observer et Guardian c. Le Royaume-Uni du 26 novembre 1991 (op. cit.) ; Fischer c. L’Autriche du 26 avril 1995 (op. cit.) ; Fey. c. L’Autriche du 24 février 1993 (op. cit.), Manoussakis c. La Grèce du 26 septembre 1996 (Rec., 1996-IV, p. 1346 et sv.) et Van den Hurk c. Les Pays-Bas du 19 avril 1994 (Série A, no 288). À l’occasion de ce dernier arrêt cependant, la Cour s’était livrée à un contrôle purement abstrait de la législation en cause. L’exercice d’un tel contrôle surprendra moins si l’on se souvient que, dans cette affaire, l’ordre juridique hollandais « tendait » la perche (modification législative) aux organes de la Convention. Ceci tendrait à valider l’équation que nous posions ci-dessus (cfr. supra, § 3, a)
180 Telle semble être la catégorie de juges à laquelle appartient le juge Valticos. Voy. tout d’abord l’opinion dissidente jointe par ce juge à l’arrêt Bowman c. Le Royaume-Uni du 19 février 1998 (Rec., 1998-I, p. 175 et sv.). Voy. surtout N. VALTICOS, La Cour européenne des droits de l’Homme et sa spécificité judiciaire dans le cadre des différents systèmes de protection des droits de l’Homme, in Les Hommes et l’Environnement. En hommage à A. Kiss, Paris, éd. Frison-Roche, 1998, p. 211 et sv. et spéc. p. 217. Voy. également, au niveau de la Commission, l’opinion dissidente jointe par MM. Martinez et al. au rapport de la Commission du 11 avril 1997 dans l’affaire Valuenza Contreras c. L’Espagne.
181 Confronté à la question, l’arrêt Zumtobel c. LAutriche du 21 septembre 1993 (Série A, no 268-A, § 32) avait affirmé que « la Cour européenne doit se limiter autant que possible à traiter la question soulevée par le litige pendant devant elle. Dès lors, il lui faut seulement déterminer si, dans les circonstances de la cause, l’étendue des compétences de la Cour administrative remplissait les conditions de l’article 6 § 1 » (C’est nous qui soulignons). Faute d’avoir reçu une réponse définitive dans ce premier arrêt, la question fut soulevée une nouvelle fois dans l’arrêt Ortenberg c. L’Autriche du 25 novembre 1994 (Série A. no 295-B, §§ 32 et 33) ; elle n’y reçut cependant qu’une réponse circonstanciée. Quelques mois plus tard, la Cour refusa une nouvelle fois, et au grand dam des juges dissidents Martens et Jambrek, de se prononcer de manière générale et abstraite sur la compatibilité avec l’exigence de pleine juridiction des pouvoirs de la Cour administrative (Cour eur. D.H., arrêt Fischer c L’Autriche du 26 avril 1995, op. cit., § 33). L’arrêt Gradinger c. L’Autriche du 23 octobre 1995 (Série A. no 328-C) parvint — enfin — au constat d’une violation de l’article 6, eu égard au fait que la Cour administrative autrichienne ne disposait pas, en matière pénale, de la compétence de réformer en fait et en droit, la décision de l’autorité administrative inférieure (Pour un constat identique, voy. Cour eur. D.H., arrêt Mauer (1 et 2) c. L’Autriche du 18 février 1997, Rec., 1997-I, p. 76 et sv.). Un tel constat n’était-il cependant pas déjà possible, moyennant un contrôle abstrait, lors de l’arrêt Zumtobel c. L’Autriche précité ?
182 M.-A. EISSEN, La Cour européenne des droits de l’Homme, in R.D.P., 1986, p. 1582 et note 166.
183 J. CALLEWAERT, Article 45, op. cit., p. 775.
184 Voy. en ce sens Coureur. D.H., arrêt Quaranta c. La Suisse du 24 mai 1991. Série A, no 205. Voy. surtout Cour eur. D.H., arrêt Findlay c. Le Royaume-Uni du 25 février 1997, Rec.. 1997-I, p. 263 et sv., § 66 : « Dans ses mémoires et plaidoiries, le Gouvernement demande à la Cour de prendre acte dans son arrêt des modifications que la loi de 1996 sur les forces armées va opérer dans le système des cours martiales ». Et la Cour de répondre (§ 67) : « La Cour rappelle que le texte nouveau n’entrera en vigueur qu’en avril 1997 et qu’en conséquence, il ne s’appliquait pas lorsque M. Findlay a été traduit en Cour martiale. Elle n’a pas pour tâche de se prononcer in abstracto sur une législation et ne saurait donc exprimer un point de vue sur la compatibilité du texte nouveau avec la Convention ». De manière relativement énigmatique eu égard à ce qui précède, la Cour « relève cependant avec satisfaction que les autorités britanniques ont apporté au système des cours martiales des modifications destinées à garantir le respect de leurs engagements au regard de la Convention ». Cette finale est-elle un brevet de conventionnalité ? Voy. également, et quoique les voeux du gouvernement britannique aient été exprimés de manière contradictoire. Cour eur. D.H., arrêt Silver c. Le Royaume-Uni du 25 mars 1983, Série A, no 61, § 78-79.
185 Voy. en ce sens Cour eur. D.H., arrêt Vacher c. La France du 17 décembre 1996, Rec., 1996-VI, p. 2138 et sv., § 26. Voy. également Cour eur. D.H., arrêt Van Mechelen c. Les Pays-Bas du 23 avril 1997. L’arrêt concernait la compatibilité avec l’article 6 de la procédure suivie par les juridictions hollandaises en matière de témoignages anonymes. Au § 48 de l’arrêt, la Commission et le gouvernement hollandais affirmaient que « la procédure suivie aurait été celle fixée par la Cour de cassation néerlandaise dans sdh arrêt du 2 juillet 1990, consécutivement à l’arrêt Kostovski rendu par la Cour européenne le 20 novembre 1989 (...) ». Or, selon la Commission et le Gouvernement, « cette procédure aurait (...) été acceptée par la Cour de Strasbourg dans son arrêt Doorson c. Les Pays-Bas du 26 mars 1996 ».
186 Voy. par exemple Cour eur. D.H., arrêt Petra c. La Roumanie du 23 septembre 1998, non encore publié, § 40 ; Cour eur. D.H., arrêt A c. La France du 23 novembre 1993, Série A, no 277-B, §§ 39 et 40 ; Cour eur. D.H., arrêt Kruslin c. La France du 24 avril 1990, Série A, no 176-A, § 37 ; Cour eur. D.H., arrêt Herczegfalvy c. L’Autriche du 24 septembre 1992, Série A, no 244, § 92. Contra Cour eur. D.H., arrêt Hentrich c. La France du 22 septembre 1994, Série A, no 296-A. Cette pédagogie de l’arrêt Hentrich surprend moins si l’on se souvient que, dans cette affaire, l’ordre juridique français « tendait la perche » (modification législative) aux organes de la Convention. Ceci tendrait à valider l’équation que nous posions ci-dessus (cfr. Supra, § 3, a).
187 Voy. sur ce point E. KASTANAS, Unité et diversité..., op. cit., p. 65 et 66.
188 Cour eur. D.H., arrêt Malone c. Le Royaume-Uni du 2 août 1984, Série A, no 82.
189 Ibidem, § 80.
190 Ibidem, § 81.
191 Ibidem, § 83.
192 Ibidem, §§ 87-88.
193 Opinion concordante jointe à l’arrêt Malone c. Le Royaume-Uni du 2 août 1984, op. cit., p. 42 et sv.
194 Ibidem, p. 42.
195 Ibidem, p. 47.
196 Comm. eur. D.H., req. no 8691/79, rapport Malone c. Le Royaume-Uni du 17 décembre 1982, Série A, no 82, p. 50 et sv.
197 Ibidem, § 150. Poussant à son paroxysme l’économie de procédure, cette technique consistant à se dispenser complètement de l’examen de certains griefs en prenant argument du constat de violation atteint à l’égard de l’un d’entre eux, est très fréquente — mais non systématique — dans la jurisprudence des organes de la Convention (Voy. à ce sujet les exemples cités par Y.S. KLERK, Het ECRM..., op. cit., p. 246 à 258). Pareille forme d’économie de procédure peut, à notre estime, se justifier lorsque l’examen supplémentaire d’un ou plusieurs griefs ne présenterait aucun attrait pédagogique, soit que les questions soulevées ont déjà été rencontrées par une jurisprudence antérieure constante (questions résolues), soit qu’elles appellent des développements identiques à ceux que formule la Cour sous l’angle des griefs qu’elle se limite à examiner (questions absorbées) (voy. en ce sens M.-A. EISSEN, La Cour européenne des droits de l’Homme, op. cit., p. 1582.). Par contre, il faut regretter cette économie de procédure lorsqu’elle aboutit à faire l’impasse sur des questions, non résolues et non absorbées, présentant un intérêt plus ou moins fondamental pour le développement du droit de la Convention (voy. en ce sens les critiques émises par Y.S. KLERK, Het ECRM..., op. cit., р. 246 à 258). Pareil regret trouva parfois à s’exprimer sous la plume de certains juges dissidents (Voy. en ce sens l’opinion dissidente du Juge Matscher jointe à l’arrêt Dudgeon с. Le Royaume-Uni du 22 octobre 1981, Série A, no 45 ; l’opinion partiellement dissidente jointe par MM. les juges Pinheiro Farinha et Matscher à l’arrêt Malone c. Le Royaume-Uni du 2 août 1984, op. cit. ; l’opinion dissidente jointe par le Juge Bernhardt à l’arrêt Koendjbiharie c. Les Pays-Bas du 25 octobre 1990, Série A, no 185-B ; l’opinion dissidente commune jointe par les juges De Meyer et Pinheiro Farinha à l’arrêt W. c. Le Royaume-Uni du 8 juillet 1987, Série A, no 121-A. Plus récemment, mais plus implicitement, voy. l’opinion partiellement dissidente jointe par les juges Tulkens et Casavedall à l’arrêt Laino c. L’Italie du 18 février 1999, non encore publié, ainsi que l’opinion séparée jointe par le Juge Fischbach à l’arrêt Chassagnou c. La France du 29 avril 1999, non encore publié). Pour les critiques doctrinales, voy. notamment, à propos des « impasses » à l’examen de la violation de l’article 14, P. van DIJK et G.J.H. van HOOF, Theory and practice...., op. cit., p. 717 et 718 et références citées. Voy. aussi, s’agissant cette fois-ci des « impasses » à l’examen de l’article 13, G. MALINVERNI, Variations sur un thème encore méconnu : l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’Homme, obs. sous Cour eur. D.H., arrêt Camenzind c. La Suisse du 16 décembre 1997, in Rev. trim. dr. Homme, 1998, p. 650 et note 6. Voy. également A. BERTHE, Le Compte-rendu d’audience et l’« autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire », obs. sous Cour eur. D.H., arrêt Worm c. L’Autriche du 29 août 1997, in Rev. trim. dr. Homme, 1998, p. 633. Voy. enfin, de manière tout à fait fondamentale, V. BERGER, La nouvelle Cour européenne des droits de l’Homme : d’une jurisprudence à l’autre ?, in Mélanges en hommage à L.-E. Pettiti, Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 136 in fine et 137. Parfois, l’économie de procédure est recherchée par la Cour au détriment de sa logique même. En effet, la Cour ne peut logiquement se dispenser d’examiner un ou plusieurs des griefs soulevés par la requête, qu’à charge d’aboutir à un constat de violation sur le terrain d’un ou plusieurs autres griefs. Pareille logique ne fut cependant pas suivie dans l’arrêt Buckley c. Le Royaum-Uni du 25 septembre 1996 (comp. en effet les §§51, 55, 85 et 89), lequel essuya, pour cette raison notamment, les feux de la critique d’O. De Schutter (O. DE SCHUTTER, Le droit au mode de vie tsigane..., op. cit., p. 75 à 77).
198 Opinion séparée jointe par M. Opshal au rapport de la Commission dans l’affaire Malone c. Le Royaume-Uni, op. cit., p. 64 (C’est nous qui soulignons). Sur ce point, l’opinion de M. Opshal reçut l’approbation de MM. Melchior, Tenekides et Weitzel dans l’opinion dissidente qu’ils joignirent pour leur part au rapport Malone.
199 Voy. sur ce point F. RIGAUX, La loi des juges, op. cit., p. 223 ; Y.S. KLERK, Het ECRM..., op. cit., p. 167.
200 Voy. par exemple Cour eur. D.H., arrêt Funke c. La France du 25 février 1993, Série A, no 256-A, § 51 ; Cour eur. D.H., arrêt Manoussakis c. La Grèce du 26 septembre 1996, op. cit., § 38 ; Cour eur. D.H., arrêt Autronic A.G. c. La Suisse du 22 mai 1990, Série A, no 178, § 57 ; Cour eur. D.H., arrêt Sporrong et Lönnroth c. La Suède du 23 septembre 1982, Série A, no 52, § 68.
201 Voy. en ce sens, par exemple, Cour eur. D.H., arrêt Buscarini c. San Marin du 18 février 1999, non encore publié, § 38 ; Cour eur. D.H., arrêt Z. c. La Finlande du 25 février 1997, Rec., 1997-I, p. 323 et sv. § 78. Voy. également Cour eur. D.H., arrêt Open Door & Dublin Well woman c. L’Irlande du 29 octobre 1992, Série A. no 246-A, § 63 (où la Cour, jugeant que l’interdiction de diffusion d’information en matière d’avortement visait la « protection de la morale », au sens de l’article 10, § 2, n’estima pas nécessaire de déterminer de sucroît si une telle interdiction était légitimée par la « protection des droits d’autrui », au sens de la même disposition).
202 H. CULLEN, Article 911 ECHR in 1995 : “New Europe” approach to fundamental freedoms, in European Law Review, 1996, p. 30 et sv.
203 Voy. à ce sujet la critique adressée par Y.S. Klerk à l’encontre du raisonnement de la Cour dans l’affaire Autronic c. La Suisse du 22 mai 1990 (op. cit.) (Y.S. KLERK, Het ECRM..., op. cit., p. 168.). Voy. également la critique adressée par V. Berger à l’arrêt Funke c. La France du 25 février 1993 (op. cit.) (V. BERGER, La nouvelle Cour européenne op. cit., p. 137).
204 Cette réserve vise en effet toutes les hypothèses où ce même article 37 admet la radiation du rôle.
205 Voy. ci-avant note infrapaginale 41. L’on se limitera ici à traiter du seul règlement amiable devant la Cour, à l’exclusion du règlement amiable devant la Commis sion, seul à être expressément prévu par l’ancienne Convention (ancien article 28).
206 De manière approfondie sur ce point, voy. O. DE SCHUTTER, Fonction de juger et droits fondamentaux, op. cit., p. 840 et sv.
207 Cour eur. D.H., arrêt Ben Yaacoub c. La Belgique du 27 novembre 1987, Série A, no 127-A.
208 Cour eur. D.H., arrêt Piersack c. La Belgique du 1er octobre 1982, Série A, no 53.
209 Cour eur. D.H., arrêt De Cubber c. La Belgique du 26 octobre 1984, Série A, no 86.
210 Cour eur. D.H., arrêt Lamguidaz c. Le Royaume-Uni du 28 juin 1993, Série A, no 258-C.
211 Ce type de motivation, consistant pour la Cour à renvoyer à sa jurisprudence antérieure relative à des questions en tout ou partie semblables, fut critiquée, selon nous à mauvais escient, par les juges Matscher et Pineihro Farinha dans l’opinion dissidente qu’ils joignirent à l’arrêt Can c. L’Autriche du 30 septembre 1985 (Série A, no 96) : « (...) dans un arrêt de radiation du rôle il n’y a lieu d’inclure aucune considération sur ce qui aurait pu être l’opinion de la Cour dans l’hypothèse où elle aurait eu à décider du fond de l’affaire ou sur ce qui avait été l’opinion de la Cour dans des affaires analogues, l’existence d’une jurisprudence établie de la Cour à ce sujet étant une condition entièrement étrangère à une décision sur la radiation du rôle ».
212 Voy., à titre d’exemple, concernant le délai raisonnable de l’article 6, Cour eur. D.H., arrêt FM. c. L’Italie du 23 septembre 1992, Série A, no 245-A (Quoique la radiation du rôle ne soit pas intervenue ensuite d’un règlement amiable, mais bien en raison du décès du requérant, les principes applicables sont néanmoins les mêmes (voy. cidessus, note 204)) ; Cour eur. D.H., arrêt Clerc c. La France du 26 avril 1990, Série A, no 176C ; Cour eur. D.H., arrêt Mlynek c. L’Autriche du 27 février 1992, Série A, no 242-C). Concernant le délai raisonnable sous l’angle de l’article 5, § 3, voy. Cour eur. D.H., arrêt Birou c. La France du 27 février 1992, Série A, no 232-B.
213 Voy. V. BERGER, Le règlement amiable devant la Cour, in La Convention européenne des droits de l’Homme. Commentaire article par article, op. cit., p. 792.
214 Coram. eur. D.H., req. no 214/96, rapport De Becker c. La Belgique du 8 janvier 1960, Série B, p. 11 et sv.
215 À dire vrai, il ne s’agissait pas, à proprement parler, d’un règlement amiable (voy. en ce sens l’opinion dissidente jointe à l’arrêt par le juge A. Ross.), mais plutôt de la rencontre de deux demandes concordantes de radiation du rôle, émanant de chacune des parties litigeantes. Comp. sur ce point la position adoptée par la Cour dans l’affaire De Becker, d’une part, et dans l’affaire Tyrer c. Le Royaume-Uni du 25 avril 1978 (Série A, no 26), d’autre part.
216 Cour eur. D.H., arrêt De Becker c. La Belgique du 27 mars 1962, Série A, no 4.
217 Ibidem, § 13.
218 Pour une critique en ce sens, voy. P. van DIJK et G.H.J. van HOOF, Theory and practice op. cit., p. 222. Il est courant que l’État défendeur, suite à un arrêt de radia tion du rôle, ne puisse être assuré avec certitude de la conformité de son ordre juridique avec les exigences conventionnelles. Voy. par exemple Cour eur. D.H., arrêt Scherer c. La Suisse du 25 mars 1994, Série A, no 287. L’affaire prenait son origine dans la condamnation du requérant pour la projection d’un film pornographique dans un sex-shop. Le requérant étant décédé, la Cour décida — contre l’avis du délégué de la Commission — de radier l’affaire du rôle. Aux fins de motiver cette décision, l’arrêt du 25 mars 1994 affirme que « (...) postérieurement aux faits de la cause, la jurisprudence du tribunal fédéral et la législation suisse relatives aux “objets obscènes” ont subi de profonds changements » (§32). Ce faisant, la Cour ne décerne pas de brevet de conventionnalité auxdits « changements ».
219 Et, de manière générale, concernant l’ensemble des droits qui, à l’instar de l’article 10, sont soumis à « restriction ».
220 Cour eur. D.H., arrêt Skoogström c. La Suède du 2 octobre 1984, Série A, no 83-A.
221 Opinion dissidente jointe à l’arrêt Skoogstöm, précité.
222 Voy. l’analyse de cette jurisprudence dressée par J. VAILHÉ, L’apport des opinions individuelles des juges dans l’analyse de la jurisprudence de la Cour européenne. À propos de l’élaboration d’un principe de séparation des fonctions judiciaires dans l’une de ses manifestations, in Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, 1998, spéc. p. 86 et sv.
223 Voy., dans un sens identique, Cour eur. D.H., arrêt Y. c. Le Royaume-Uni du 29 octobre 1992, Série A, no 247-A. De manière générale, l’on constatera que, pour motiver une décision de radiation du rôle, la Cour entendit parfois se fonder sur l’existence, dans sa jurisprudence antérieure, de « précédents » relatifs à la question en litige, alors qu’en réalité, cette existence était plus que douteuse. Voy. en ce sens Cour eur. D.H., arrêt B.B. c. La France du 7 septembre 1998, non encore publié. Cette affaire concernait la compatibilité avec l’article 3 de l’expulsion du requérant, malade du SIDA, à destination du Zaïre, inapte à le soigner. Eu égard au fait que le requérant avait été finalement assigné à résidence, la Cour estima pouvoir radier l’affaire de son rôle. Elle n’aperçut aucune raison d’ordre public de poursuivre l’examen de l’affaire. À cet égard, l’arrêt rappelle que, dans son arrêt D. c. le Royaume-Uni du 2 mai 1997, la Cour « a eu l’occasion de se prononcer sur le risque encouru, en cas d’éloignement vers son pays d’origine, par un malade du sida qui ne pourrait bénéficier du traitement médical absolument nécessaire à son état de santé (...). Ce faisant, elle a précisé la nature et l’ampleur des obligations qui découlent de la Convention ». Une telle motivation laisse songeur. N’avons-nous pas vu, en effet (cfr. supra, § 3, b. 4) que l’arrêt D. c. Le Royaume-Uni s’était soigneusement employé à ne pas constituer un précédent dont se dégage « la nature et l’ampleur des obligations qui découlent de la Convention » ?
224 Cour eur. D.H., arrêt K. c. L’Autriche du 2 juin 1993, Série A, no 255-B. Nonobstant l’opposition du délégué de la Commission — lequel estimait que l’affaire soulevait « d’importantes questions de principe » (§ 13) —, la radiation du rôle fut en l’occurrence admise, eu égard à l’existence d’un projet de loi tendant à éviter la répétition de la même situation litigieuse. Pour une critique de cet arrêt, voy. F. SUDRE, Existe-t-il un ordre public op. cit., p. 69.
225 Comm. eur. D.H., req. no 16002/90, rapport du 13 octobre 1992, Série A, no 225B, p. 36 et sv.
226 Cour eur. D.H., arrêt Diaz-Ruano c. L’Espagne du 26 avril 1994, Série A, no 285B. Aux fins de motiver l’admission d’une telle radiation, la Cour se borna à relever « l’absence de motif d'ordre public » s’opposant à une telle radiation. Pour une critique de cet arrêt, voy. F. SUDRE, Chronique de jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme en 1994, in R.U.D.H., 1994, spéc. pp. 259 et 260.
227 Pour un constat identique, voy. F. SUDRE, Existe-t-il op. cit., p. 69.
228 Voy. sur ce point E. LAMBERT, Les effets...., op. cit., p. 128 et sv.
229 Cour eur. D.H.. arrêt Marckx c. La Belgique du 13 juin 1979, op. cit., § 58.
230 L’article 46 nouveau dispose que « Les Hautes parties contractantes s’engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties ».
231 Voy. Cour eur. D.H., arrêt Johnston c. L’Irlande du 18 décembre 1986, Série A, no 112, § 77 ; Cour eur. D.H., arrêt Airey c. L’Irlande du 9 octobre 1979, Série A, no 32, § 26 ; Cour eur. D.H., arrêt B. c. La France du 25 mars 1992, Série A, no 232C, § 63 ; Cour eur. D.H., arrêt Z. c. La Finlande du 25 février. 1997, Rec., 1997-1, p. 323 et sv., § 112. Comp. cependant Cour eur. D.H., arrêt Kruslin et Huvig c. La France du 24 octobre 1990, Série A, no 176-A et 176-B et Cour eur. D.H., arrêt X. et Y. c. Les Pays-Bas du 26 mars 1985, Série A, no 91, § 40. L’on notera enfin que l’affirmation de tels refus est inconsistante avec un recours parallèle à la proportionnalité comme « obligation de choisir la mesure la moins restrictive des droits en cause ». En effet, un manquement à la pro portionnalité comprise en ce sens ne peut être constaté par le juge européen qu’à charge, précisément, d’indiquer à l’État défendeur la mesure qui, tout aussi efficace pour parvenir à l’objectif souhaité, engendre cependant un moindre préjudice pour les droits en cause...
232 Voy. sur ce point l’analyse d’E. LAMBERT, Les effets..., op. cit., p. 132133. Adde H.G. SCHERMERS, Débats, in Actes du 5ème colloque international sur la Convention européenne des droits de l’Homme, Francfort, 1980, Paris, Pedone, 1982, p. 317. Pour une autre discussion approfondie sur ce thème, voy. S.K. MARTENS, Individual complaints..., op. cit., p. 269 et sv.
233 Pour une critique de cette autolimitation, voy. notamment F. SUDRE, Les obligations positives dans le jurisprudence européenne des droits de l’Homme, in Rev. trim. dr. Homme, 1995, p. 382-383.
234 Voy. E. LAMBERT, Les effets op. cit., p. 135 ; voy. également J.-P. MARGUÉNAUD, La Cour européenne des droits de l’Homme, op. cit., p. 121.
235 R.st.J. MACDONALD, Derogations under Article 15 of the European Convention on Human Rights, in Politics, values and functions : International Law in the 21 st Century. Essays in honor of Prof. L. Henkin, sous la direction de J.I. CHARNEY. D.K. ANTON et M.E. O’CONNELL, Kluwer, 1997, p. 241 et 242.
236 La métaphore apparaît sous la plume de J.-P. MARGUÉNAUD, La Cour européenne des droits de l’Homme, op. cit., p. 122.
237 Voy. sur ce point les éclairantes comparaisons effectuées par C. GREWE, Le juge constitutionnel et l’interprétation européenne, in L’interprétation de la Convention européenne des droits de l’Homme, op. cit., p. 214-215. Adde, du point de vue de l’Histoire du droit, R. JACOB, Le décision judiciaire en Europe dans la perspective de l’histroire comparée. Eléments de synthèse, in R. JACOB (sous la direction de), Le juge et le jugement dans les traditions juridiques européennes. Etudes d’histoire comparée, Droit et Société, no 17, 1996, Paris, L.G.D.J., p. 397-416.
238 Voy. sur ce point F. MATSCHER, Les contraintes de l interprétation juridictionnelle. Les méthodes d’interprétation de la Convention européenne, op. cit., p. 11-12. Ayant fait observer que « (...) la jurisprudence de la Cour est essentiellemenent casuistique » et que « (...) ses arrêts contiennent rarement des énonciations susceptibles d’une acception plus large », l’auteur constate qu’« on pourrait regretter cette situation, en particulier du point de vue d’un juriste formé dans les traditions de droit continental. Mais elle est compréhensible si l’on tient compte du fait que la Cour est appelée à appliquer la Convention à une variété potentiellement illimitée de cas provenant d’un grand nombre d’Etats possédant chacun des structures particulières, et que les juges sont originaires des différentes écoles juridiques qui caractérisent le droit des Etats européens ». Et le même auteur d’affirmer par ailleurs (p. 12) qu’« en interprétant la Convention, la Cour suit plutôt une méthode inductive, caractéristique du common law (...) ». Dans un sens identique, voy. C. LINDO, Onze straatshurgse rechter over het E.V.R.M., interview met S.K. Martens, in NJB, 1991, p. 468 (à propos du choix par la Cour d’un contrôle concret plutôt qu’abstrait) : « Allereerst is het een kwestie van traditie. Het Franse en ons eigen — [le juge Martens vise le système hollandais] — cassatiesysteem leiden meer tot het formuleren van abstracte regels dan het Engelse » ; Y.S. KLERK, Het ECRM..., op. cit., p. 235.
239 Voy., pour le point de vue d’un juriste de culture germanique, V. SCHELTE, Les interractions entre les jurisprudences de la Cour européenne des droits de l’Homme et de la Cour constitutionnelle fédérale, in R.F.D.C., 1996, p. 766 : « Tandis que la Cour constitutionnelle fédérale a tendance à des développements théoriques et généraux, allant parfois bien au-delà du cas d’espèce, la Cour européenne entend s’en tenir strictement à l’examen de la présente affaire ».
240 Voy. Interview met Donner, rechter in het europese Hof voor de rechten van de Mens, in N.J.C.M.-Bulletin, 1987 (12), p. 201 : « Wat in Straatsburg nog sterker dan in Luxemburg treft is dat men bijeen zit met rechters met een zeer uiteenloopende bagage van rechtsbegrippen, tradities en ideèën. Vraagt men hun om een algemene regel, dan is ieder geneigd on sterkt naar zijn eigen recht te kijken. Ook in de gelukkig vele gevallen waarin zulke juristen van uiteenlopende formatie toch tot eenzelfde conclusie komen zullen ze ver uiteenlopen in de berederering, waarom het zo is ».
241 C. LINDO, Onze straatsburgse rechter...., op. cit., p. 468-469.
242 Éloquente est sur ce point la conclusion que F. Sudre tire du bilan négatif qu’il dresse de la jurisprudence relative au règlement amiable (F. SUDRE, Existe-t-il un ordre public..., op. cit., p. 69) : « Il serait regrettable que la Cour sacrifie aux nécessités pratiques de son rôle la finalité du système de garantie ». Voy. aussi, sur un plan fondamental, C.R. SUNSTEIN, Leaving things undecided, op. cit., p. 16-17, qui, au titre des avantages du « decisional minimalism », envisage la réduction des « decision costs » : « Decision costs are the costs of reaching judgements (...). In the legal setting, decision costs are faced by both litigants and courts. If, for example, a judge in a case involving the “right to die” attempted to generate a rule that would cover all imaginable situations in which that right might exist, it is likely that the case would take a very long time to decide. Perharps these costs would be prohibitive. The high costs might arise from a sheer lack of information, or because of the pressures faced by a multi-member court consisting of people who are unsure or in disagreement about a range of subjects ».
243 Cour eur. D.H., arrêt Landborger c. La Suède du 22 juin 1989, Série A, no 155.
244 Opinion concordante jointe par le juge Martens à l’arrêt Landborger c. La Suède du 22 juin 1989, op. cit.
245 C’est nous qui soulignons.
246 E.A. ALKEMA, De Europese Conventie : begin van een europese constitutie ?, in 40 jaar Europees Verdrag voor de rechten van de Mens, sous la direction de A.W. HERINGA, J.G.C. SCHOKKENBROEK et J. van der VELDE, Leiden, 1990, p. 346, où l’auteur affirme notamment qu’un contrôle in abstracto des normes juridiques dont la conventionnalité est querellée « (...) geeft wat meer rechtszekerheid en reduceert het aantaal potentiële klachten over die regelgeving (...) ».
247 Dans ce sens, voy. la nuance introduite par C.R. SUNSTEIN (Leaving things undecided, op. cit., p. 17) dans son affirmation selon laquelle le « decisional minimalism » réduit les « decision costs » : « (...) an inquiry into decision costs will not always support minimalism. A court that economizes on decision costs for itself may in the process “export” decision costs to other people, including litigants and judges in subsequent cases who must give content to the law. The aggregate decision costs associated with the court’s narrow decision could be very high. When the law is uncertain, decisions costs can proliferate, as people invest in activities designed both to find out the content of law and to press the law’s content in certain directions ».
248 Y.S. KLERK, Het ECRM op. cit., p. 215. Voy., dans un sens tout à fait identique, V. BERGER, La nouvelle Cour européenne des droits de l’Homme : d’une jurisprudence à l’autre ?, op. cit., p. 131 in fine et 132.
249 F. MATSCHER, Die Begründung der Entscheidungen...., op. cit., p. 518-519 (traduction libre).
250 Voy., à propos de l’interprétation de certaines notions conventionnelles, M. MELCHIOR, Notions « vagues » ou « indéterminées » et « lacunes » dans la Convention européenne des droits de l’Homme, in Protecting the human rights : the european dimension. Mélanges G.J. Wiarda, Karl Heymans, Cologne, 1988, p. 412.
251 Cour eur. D.H., arrêt Matthewsc. Le Royaume-Uni du 18 février 1999, op. cit., § 39, citant lui-même Cour eur. D.H., arrêt Loizidou c. La Turquie du 23 mars 1995 (ex ceptions préliminaires), Série A, no 310, § 71.
252 Voy. J. CALLEWAERT, Article 45, op. cit., p. 775.
253 Voy. sur ce point F. MATSCHER, Les contraintes de l’interprétation op. cit., p. 16. Voy. également J.-P. COSTA, La Cour européenne des droits de l’Homme : vers un ordre juridique européen ?, op. cit., p. 204 : « La crédibilité de la future Cour, donc l’effectivité réelle de ses décisions, dépendra de leur qualité, c’est-à-dire en définitive d’une application nécessairement uniforme de stipulations rédigées il y a un demi-siècle à des situations à la fois modernes et très variables d’une société à l’autre. Cette exigence double, et d’une certaine manière contradictoire, d’affirmation de principes et d’adaptation à des problèmes concrets est si peu facile que l’on reproche souvent à la Cour de rendre des arrêts d’espèce, sans rédiger, ou rarement, des considérations de principe (...). En réalité, il lui faut s’accrocher au pragmatisme tout en tendant vers une sorte de normativité : on admettra que ce n’est pas tâche facile ! ».
254 Voy. en ce sens Cour eur. D.H., arrêt Cossey c. Le Royaume-Uni du 27 septembre 1990, Série A, no 184, § 35. Sur un plan procédural, l’absence de précédent obligatoire se déduit également, indirectement et a contrario, de l’article 30 nouveau de la Convention. Celui-ci prévoit en effet que si l’affaire pendante devant une chambre à 7 juges soulève une question dont la solution peut conduire à une contradiction avec un arrêt précédemment rendu par la Cour, cette chambre peut alors se dessaisir de l’affaire au profit de la Grande Chambre de 17 juges.
255 Voy. sur ce point C. LINDO, Onze straatsburgse rechter...., op. cit., p. 469. Inventoriant les raisons qui poussent la Cour à s’abstenir d’énoncer des règles générales et abstraites, le juge hollandais affirme : « Een (...) argument ligt waarschijnlijk in de grote belang dat de meeste rechters hechten aan consistentie van rechtspraak en rechtszekerheid. Als je abstracte regels moet geven op een zo moeilijk voorzienbaar terrein als dat waarop het Hof zich moet bewegen, dan kan het niet anders ofje gebruikt nu en dan formuleringen waarvan je later spijt zult krijgen. Gegeven het vernuft van de balies zou het Hof dan van tijd tot tijd gedwongen worden tot het bijstellen van zijn uitspraken en dat is iets wat het Hof niet graag doet (...) ».
256 La notion de « moment propice » est très présente dans les réflexions de V. BERGER. La nouvelle Cour européenne..., op. cit., p. 136. et p. 137.
257 Voy. sur ce point F. OST, L’heure du jugement. Sur la rétroactivité des décisions de justice. Vers un droit transitoire de la modification des règles jurisprudentielles, in F. OST et M. VAN HOECKE (sous la direction de), Temps et droit. Le droit a-t-il pour vocation de durer ? Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 91 et sv. et spéc. p. 97 pour la référence à l’imagination juridique. Voy. également C. MOULY, Comment rendre les revirements de jurisprudence davantage prévisibles, in Les Petites affiches, 1994, no 33, p. 15. Pour la discussion des thèses de ce dernier, voy. A. BOLZE, La norme jurisprudentielle et son revirement en droit privé, in R.R.J., 1997, p. 875-877.
258 Voy. sur ce point E. KASTANAS, Unité et diversité..., op. cit., p. 177-178 et les références à la doctrine constitutionnelle allemande citées note 630 ; A.W. HERINGA, Retrospective and prospective rulings, in Judicial control. Comparative essays onjudicial review, sous la direction de R. BAKKER, A.W. HERINGA et F. STROINK, Anvers, Maklu, 1995, p. 70, qui distingue, en droit constitutionnel allemand, deux versions de « Appell-Entscheidungen ».
259 Cour eur. D.H., arrêt Rees c. Le RoyaumeUni du 17 octobre 1986, Série A, no 106, § 47.
260 Voy. dans le même sens Cour eur. D.H., arrêt Cossey c. Le Royaume-Uni du 27 septembre 1990, Série A, no 184, § 42 ; Cour eur. D.H., arrêt K. Sheffield et R. Orsham c. Le Royaume-Uni du 30 juillet 1998, non encore publié, § 60.
261 Cfr. Supra, § 3, a.
262 Cour eur. D.H., arrêt Marckx c. La Belgique du 13 juin 1979, op. cit.
263 Les termes sont de M.-A. EISSEN, La Cour européenne des droits de l’Homme..., op. cit., p. 1583.
264 Voy. en effet C.A., no 18/91, 4 juillet 1991, Mon. b., 28 août 1991.
265 Nous ne rentrerons pas ici dans le détail des différentes modulations susceptibles d’affecter cette technique du « prospective overruling ». Voy., pour un examen détaillé, F. OST, L’heure du jugement..., op. cit., p. 114 et sv., ainsi que O. DE SCHUTTER, Fonction de juger et droits fondamentaux, op. cit., p. 510 et sv.
266 Voy. en ce sens le plaidoyer livré par le juge Storme à l’occasion du revirement de jurisprudence qu’impliquait l’arrêt Borgers c. La Belgique du 30 octobre 1991 (Série A, no 214-B) par rapport à l’arrêt Delcourt c. La Belgique du 17 janvier 1970 (Série A. no 11) (Opinion dissidente jointe par le Juge Storme à l’arrêt Borgers c. La Belgique du 30 octobre 1991).
267 L.E. PETTITI, Réflexions sur les principes et les mécanismes de la Convention. De l’idéal de 1950 à l’humble réalité d’aujourd’hui, op. cit., p. 33.
Auteur
Aspirant F.N.R.S. et assistant en droit constitutionnel auprès des Facultés universitaires Saint-Louis
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