Qui suis-je ? Faust ou le refus de vieillir
p. 51-77
Texte intégral
1Qui suis-je ? Rassurez-vous. Je ne vais pas vous parler de moi-même, mais de l’identité. La question « qui suis-je ? » est celle de l’identité. Question sans cesse relancée, que la littérature est à même de traiter en se livrant aux variations imaginatives que lui permet le récit. « La littérature s’avère consister en un vaste laboratoire pour des expériences de pensée où sont mises à l’épreuve du récit les ressources de variation de l’identité »1. Ces variations imaginatives, en imaginant effectivement ce que pourrait être l’homme, l’homme tel qu’il se rêve aux confins du possible et par-delà, permettent de réfléchir son identité.
2Cette question de l’identité de l’homme, telle qu’elle est travaillée narrativement, je voudrais l’aborder avec un mythe moderne, le mythe de Faust, en étudiant de plus près le refus de vieillir qui le caractérise. Ce refus du vieillissement, que dit-il sur le « vieillir » qui affecte l’identité sans l’anéantir ?
3On ne peut parler de Faust et du vieillissement, semble-t-il, que de manière indirecte, en évoquant la recherche de la jeunesse et du rajeunissement. Nous nous souvenons presque tous, au moins vaguement, que Faust aurait conclu un pacte avec le diable pour obtenir la jeunesse. C’est le cas dans l’opéra le plus joué au monde, le Faust de Gounod.
4Mais cette recherche de la jeunesse, et corrélativement, ce refus de vieillir, est à resituer dans l’ensemble du mythe de Faust, où le pacte ne se conclut pas nécessairement pour obtenir la jeunesse. Même si le thème de la quête de la jeunesse et du refus de vieillir n’est pas le fait de tous les Faust, nous verrons que ce thème s’inscrit bien dans le mythe de Faust dans son ensemble, qu’il reflète bien quelque chose de l’être même de tous les Faust, et ainsi, probablement, de tous les hommes.
5De tous les hommes, car le mythe, comme l’écrit Paul Ricœur, raconte l’histoire exemplaire d’un héros qui récapitule en lui l’humanité : Adam, tel que Ricœur l’a étudié dans La Symbolique du mal, ou Faust. Le mythe propose une interrogation ontologique et existentielle de l’humain, mais sous un autre mode que celui du concept : en racontant une histoire. Le mythe ancien, comme le mythe d’Adam et Eve, en situant l’histoire au origines, dans un temps précédant le temps, censé récapituler tous les temps. Le mythe moderne, littéraire ou culturel, en répétant d’œuvre en œuvre la structure dramatique d’une histoire2.
I. Historique du mythe de Faust3
6L’approche anthropologique du mythe de Faust que je propose se fonde sur la structure dramatique du mythe, laquelle ne peut être appréhendée qu’à travers son développement historique. Il convient donc d’en retracer d’abord à grands traits le parcours.
7L’histoire du mythe de Faust peut être scindée en trois étapes ou périodes : le Faust primitif, qui remonte au XVIe siècle ; le Faust romantique et le Faust contemporain.
8Faust, avant d’entrer dans les lettres, est un personnage qui a réellement existé. Des registres de l’époque et des témoignages de lettrés rapportent sa pauvreté, son errance à travers l’Allemagne, ses connaissances en astrologie (et peut-être en médecine) : mais c’était un charlatan plus qu’un homme de science, dont la réputation sulfureuse l’a à plusieurs reprises interdit de séjour ou expulsé de ses villes de passage. Encore de son vivant, la légende s’est emparée du personnage, pour raconter ses farces et prodiges : il aurait été capable de voler, de connaître tout Platon par cœur et d’accomplir des miracles plus prodigieux que ceux du Christ. Ces pouvoirs exceptionnels, d’où Faust pouvait-il bien les tenir ? D’où et de qui ? De qui, sinon du diable ? C’est ainsi que la légende évoque le pacte que Faust aurait conclu avec le diable, - mais aussi, et pour cause, sa fin tragique.
9La littérature s’empare de la légende en 1587, quand un auteur luthérien, demeuré anonyme, écrit le premier récit de l’histoire de Faust : on appelle ce récit Faustbuch, ou Volksbuch, Récit populaire de Faust4. Récit édifiant, dont la leçon est la suivante : quiconque, à l’instar de Faust, renie son créateur, par présomption et orgueil, pour se tourner vers la magie et l’idolâtrie, encourt la damnation éternelle. Mais quelle est son histoire, qui sera déterminante pour l’ensemble du mythe ?
10C’est l’histoire d’un docteur en théologie, qu’on appelle le Spéculateur. Spéculateur, car il « spécule sur les éléments », c’est-à-dire, dans le langage de l’époque, s’adonne à la magie ; spéculateur aussi, car il veut juger de tout à l’aune de la raison, dans un savoir à distance, sans être affecté par ce qu’il sait, sans engagement. Dans son désir de connaissance, il est déçu tant par Dieu, à la source du don, que par les capacités humaines. Il persiste néanmoins dans son désir de connaissance, et à cette fin, conclut un pacte avec le diable pour obtenir la connaissance, et par là, le pouvoir. Le pacte précise une clause importante, celle de la négation de toute altérité, celle de Dieu comme celle des êtres humains : « En foi de quoi, je renie tous les vivants, toutes les cohortes célestes, et tous les hommes »5. Après le pacte, on assiste à une déchéance du désir de Faust : loin de poursuivre sa quête de la connaissance, que Méphistophélès, le préposé du diable, s’avère incapable de satisfaire, il se complaît dans la jouissance et la débauche, taraudé toutefois, de temps en temps, par des velléités de repentir. Le texte se conclut pas sa mort violente et sa damnation éternelle.
11Cette histoire édifiante connut une diffusion extraordinaire, tant par les traductions que par les rééditions, mais entra véritablement dans la littérature avec Christopher Marlowe, vers 1590, qui fit du récit une véritable tragédie6. Le désir qui pousse ici Faust à signer le pacte est celui de la toute-puissance plus que celui de la connaissance. Dans cette tragédie, le rôle de Méphisto est avant tout de masquer le visage de grâce de Dieu : il s’attache à persuader Faust que Dieu, en tant que juste, ne peut que le condamner ( !), qu’« il est trop tard » - c’est son leitmotiv - pour se convertir. Il le mène ainsi au désespoir, en l’arrimant à un destin censé le mener inexorablement à la damnation. Le succès de Méphisto tient à ce qu’il réussit à fermer Faust à toute ouverture sur l’autre, que cet autre soit autrui ou Dieu : n’ayant plus personne à qui s’adresser, - et c’est là une des grandes différences d’avec Job-, Faust sombre dans le désespoir qui est déjà l’enfer.
12Le mythe de Faust entre alors dans un long intermède de 150 ans, qui ne verra poindre aucune œuvre d’envergure, mais qui mène Faust à la scène populaire, avec les marionnettes et le théâtre de foire. C’est le mouvement Sturm und Drang qui relance la création, avec Klinger7 et le jeune Goethe. On entre dans l’âge romantique de Faust, qui inversera le signe du personnage de Faust : loin d’être un paria condamné, Faust devient un héros, tragique, mais exalté, et parfois sauvé.
13Goethe8 introduit une innovation importante dans le mythe de Faust : la femme comme personnage majeur. Après lui, il ne sera plus possible d’écrire un Faust sans une Marguerite ou une Hélène. Dans le Premier Faust (1808), Faust, le vieux savant, conclut avec Méphisto, « l’esprit qui toujours nie » (v. 1338), un pacte, doublé d’un pari, pour obtenir la vie totale. Par le pacte, Faust épouse l’être de Méphisto et devient à son tour celui qui toujours nie, dans une négation qui ne demeure pas logique, mais qui mord sur le réel : il est celui qui toujours détruit (cf. v. 1608), à commencer par Marguerite. On se rappelle la clause du pacte du Récit populaire de Faust qui incluait la négation de toute altérité. Le Second Faust (1832) montre un Faust mû par le même Streben, le même désir et élan vital, toujours aussi destructeur ; il sera néanmoins sauvé.
14Commence alors l’âge d’or de Faust, avec les multiples traductions du Faust de Goethe, les créations comme celle de Grabbe (1829), ou de Nikolaus Lenau (1836), qui conduit son héros à l’abîme, à l’anéantissement, non plus de la damnation mais du suicide9. La musique s’empare du personnage, avec Berlioz, Schumann, Gounod10 ou Boïto. À la fin du siècle, Faust est porté à l’écran, avec Méliès.
15Au XXe siècle, Faust est difficile à appréhender, tant il se diffracte en mille éclats. Citons Marguerite de la nuit (1925) de Pierre Mac Orlan11, où Faust conclut le pacte pour obtenir la jeunesse. Pour échapper à son destin, il accepte que Marguerite se sacrifie pour lui. Il n’aura pas à donner son âme pour rester jeune : Marguerite donnera la sienne à sa place. Cette œuvre sera reprise au cinéma en 1955, dans un film de Claude Autant Lara, avec Michèle Morgan et Yves Montand.
16La famille Mann a été fort fascinée par le personnage de Faust ; Klaus Mann d’abord, en 1936, avec son roman Mephisto, qui raconte la pactisation d’un acteur avec les forces nazies pour réaliser sa percée au théâtre, quitte à « marcher sur des cadavres »12. Thomas Mann ensuite, son père, dans son célèbre roman Doktor Faustus (1947), où la figure de Faust est à la fois assumée par l’Allemagne nazie pactisant avec les forces du mal et par un musicien qui conclut un pacte avec le diable pour obtenir le génie de la création musicale. La clause primitive se retrouve, puisque le diable lui déclare : « L’enfer te servira si seulement tu renonces à tous ceux-là qui vivent, à toutes les milices célestes et à tous les humains, car il en doit aller ainsi. [...] Créature d’élite, tu nous est promis et fiancé. Il ne t’est pas permis d’aimer »13. Paul Valéry14, entre 1940 et 1945, reprend l'histoire à son compte, dans Mon Faust, composé de deux pièces inachevées, Lust ou la demoiselle de cristal, et Le Solitaire, où Faust témoigne de sa volonté d’accéder seul à la perfection de l’esprit, où il raconte son combat contre ce cœur qui « consiste à dépendre »15, comme dit Valéry, et où l’on comprend que son refus de l’altérité se fonde sur le refus d’être affecté. D’autres, jusqu’à nous, ont prolongé le sillage de Faust, Boulgakov, Ghelderode, Georges Thinès, ou encore, au cinéma, Josiane Balasko avec son film Ma vie est un enfer (1991) : une femme y conclut un pacte avec le diable pour obtenir la beauté de la jeunesse.
II. Structure du mythe de Faust16
17J’en termine avec l’historique du mythe pour esquisser la structure dramatique du mythe que l’on retrouve d’œuvre en œuvre. Le mythe de Faust présente deux pôles : le pôle du désir et celui du mal. Désir de toute sorte : désir de connaissance, de pouvoir, de jeunesse, de création, de vie totale ; désir, finalement, de sens, de plénitude, d’être soi et heureux. Ce désir est affronté à la limite, souvent signifiée par la présence de l’autre. Face à cette limite, le désir se crispe dans un désir de maîtrise et dans une peur d’être affecté par l’autre, qui signifierait la fin de la maîtrise : on ne pourrait plus être maître chez soi.
18C’est face à la limite que surgit le second pôle, celui du mal. Faust accepte de transgresser la limite, quelles que soient les conséquences pour lui-même (la damnation, le suicide, la folie), et pour autrui (la mort). C’est bien là l’idée du pacte, qui au départ revêtait un sens religieux, mais dont se dégage une signification anthropologique. Le pacte est la figure extrême où le sujet se choisit lui-même sans limite, c’est-à-dire sans le monde et sans les autres, voire contre le monde et contre les autres, dans une liberté qui se prend elle-même pour fin, dans un désir ou un conatus qui se posent en absolu. Faust, symbole de l’humanité, place l’homme devant un choix : devenir soi, accéder à la plénitude de son être sans les autres, voire contre les autres, en refusant d’être affecté ; ou devenir soi en se recevant des autres, en acceptant d’être affecté, en acceptant des limites. La plupart des Faust montrent que la première voie est sans issue ; la seconde voie, par conséquent, est peut-être le seul chemin du bonheur. N’était-ce pas déjà l’enseignement du Deutéronome, si présent dans le Récit populaire : « Je te propose aujourd’hui vie et bonheur, mort et malheur. Si tu écoutes les commandements de Yhwh ton Dieu que je te donne aujourd’hui, et que tu aimes Yhwh ton Dieu, que tu marches dans ses voies, que tu gardes ses commandements, ses lois et ses coutumes, tu vivras [...]. Je te propose la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie » (Dt 30,15-16.19). Sagesse qu’a retenue le livre de Ben Sira, ce livre de sagesse du IIe siècle avant Jésus-Christ : « Si tu le veux, tu garderas les commandements. [...] Devant toi, il [Dieu] a mis le feu et l’eau, selon ton désir étends la main. Devant les hommes sont la vie et la mort, à leur gré l’une ou l’autre leur est donnée » (Si 15,15-17).
III. Faust ou le refus de vieillir
19J’en viens enfin à notre sujet : Faust ou le refus de vieillir. À première vue, le thème de la vieillesse et du rajeunissement ne semble pas central dans le mythe de Faust. D’abord, le thème émerge tardivement dans le mythe, avec Goethe (1808). Et même le Premier Faust ne fait qu’évoquer le thème du rajeunissement : celui-ci est simplement nécessaire pour passer du drame du savant au drame de Marguerite, nécessaire pour que Faust, le vieux savant Faust, puisse entrer dans une relation amoureuse avec Marguerite. Il est ensuite repris dans l’opéra de Gounod (1856), où le pacte est explicitement conclu pour obtenir la jeunesse. Mac Orlan reprend l’idée en 1925 dans Marguerite de la nuit, ainsi que Josiane Balasko en 1991 dans son film.
20Le thème ne semble pas central non plus parce qu’il apparaît surtout dans la tradition française du mythe, à la suite de Gounod. Enfin, ce thème ne figure dans l’ensemble du mythe que comme un thème parmi d’autres : le retour à la jeunesse est une motivation parmi d’autres qui amène Faust à signer le pacte : certains Faust le concluront pour obtenir la connaissance, le pouvoir, ou la création.
21Un examen plus attentif amène cependant à revoir ce jugement qui demeure assez extérieur. Le thème, en fait, touche le cœur du mythe, dans la mesure où s’y trouve inscrit le refus d’être affecté. Qu’est-ce qu’être affecté, sinon être affecté par le temps, être affecté dans le temps par une extériorité, notamment celle d’autrui, mais aussi celle des événements ? Le refus de vieillir, qui se traduit dans certains Faust par un pacte pour obtenir un retour à la jeunesse, est un refus de l’affection - au sens de « être affecté »-, et à ce titre reflète bien le sens de l’ensemble du mythe. Comme affection, le « vieillir » est bien une mise en cause de l’identité. L’identité ne se saisit pas dans le seul instant : elle intègre le passé par la mémoire ou la rétention de soi ; elle s’ouvre à l’avenir dans l’anticipation de soi. Aussi, je procéderai en trois étapes. Je verrai quel regard le Faust vieilli jette rétrospectivement sur son passé ; quel regard il jette prospectivement vers ce qui lui reste d’avenir ; enfin, j’interrogerai le refus de l’affection qui exprime le fond de son refus de vieillir.
A. Le regard rétrospectif de l’homme âgé sur son existence : verdict
22Un jour ou l’autre, tout homme est appelé à porter un jugement sur sa vie, et pour ce faire, à la rassembler, comme nous le dit Ricœur17, sous forme de récit. Ce rassemblement de sa propre vie est la condition nécessaire pour que l’on puisse émettre un jugement sur sa vie : bonne ou mauvaise, heureuse ou malheureuse.
23Tous les Faust commencent en général par un tel regard rétrospectif, par un tel jugement sur son existence qui repose sur le rassemblement de cette vie. Ce verdict est posé avant le pacte. Il est négatif : il exprime une déception18.
24Dans Le Récit populaire de 1587, Faust est déçu dans son désir de connaissance. Chez Marlowe, Faust se déclare déçu par la philosophie, la médecine, le droit et la théologie19. Le but de la philosophie, cet art de « bien discuter », Faust l’a atteint : il est expert en logique et en disputationes. A-t-il pour autant étreint la vérité ? Non. Faust est déçu. Le but de la médecine, la guérison et la santé des corps, il l’a atteint : il a épargné la peste aux cités, soulagé mille maux dont on désespérait. Mais a-t-il pour autant pu rendre l’homme immortel ? A-t-il pu le ressusciter ? Non. Faust est déçu. Ne parlons pas du droit qui ne s’occupe que des héritages. Quant à la théologie, qui se réduit selon lui à une théorie de la rétribution, qui fixe le péché comme destin de l’homme et la mort comme le salaire du péché, comment ne pourrait-elle pas le décevoir ? Faust est déçu, car il s’est engagé dans des sciences qui, finalement, sont « un savoir de rien qui vaille » (v. 371), comme dirait Goethe. Une science non performative, impuissante à transformer le réel et l’humanité, impuissante à donner la vérité et l’immortalité - l’apanage de Dieu-, impuissante à le rendre égal à Dieu. Voilà pourquoi Faust se tourne vers la magie, censée l’égaler à Dieu, défini par la vérité et la toute-puissance. Déception. Mais, dira-t-on, cette déception n’était-elle pas inévitable, dans la mesure où elle est l’envers de la démesure du désir, du désir d’un galopin, d’un étudiant attardé et transi, d’un jeune docteur en théologie, médecine et autres sciences ?
25Les choses prennent une autre tournure avec Goethe, qui lie cette fois explicitement la déception de Faust à son âge : « Je suis trop vieux pour me borner à jouer, trop jeune pour être sans désir » (v. 1546-1547). Et Faust de se demander si la magie ne pourrait pas lui ôter 30 ans de ses épaules (v. 2341-2342).
26Faust, chez Goethe, doit avoir une soixantaine d’années. La déception de cet homme est tragique, car elle est celle d’un homme déjà enfoncé dans la maturité. Il est déçu par les mêmes sciences que dans la tragédie de Marlowe. Faust sait tout, mais d’un savoir poussiéreux et livresque, d’un savoir de rien qui vaille, d’un savoir sans vie et sans joie. Alors que connaître, pour lui, signifie entrer dans la révélation même de la vie, dans ses secrets, dans sa texture : c’est conaître, comme disait Claudel. La déception d’un homme âgé est tragique parce qu’elle porte sur l’ensemble de sa vie, dans laquelle il s’est véritablement engagé. Au terme, il peut dire seulement : « ce n’était que cela ».
27Dans l’opéra de Gounod, le premier mot de Faust, du Faust qui sera rajeuni, et qui est donc entré dans sa maturité, sinon dans sa vieillesse, est « rien » : mot qui récapitule toute sa vie. « Rien ! En vain j’interroge, en mon ardente veille, la nature et son Créateur [...]. Je ne vois rien ! Je ne sais rien, rien, rien »20.
28Dans Marguerite de la nuit de Mac Orlan, Faust est défini par la vieillesse. C’est « le vieux Faust »21, « le vieillard »22, « le vieux »23. Il a 82 ans et récapitule sa vie24 :
J’ai, pensa presque tout haut le vieil homme, quatre-vingt deux ans et trente sept jours. Je collectionne les jours comme autrefois je collectionnais les mots. [...] Mes années ressemblent à une collection de cartes postales, garnies chacune d’un timbre oblitéré. [...] Je possède également dans mon corps quatre-vingt deux almanachs. Je suis le gardien de cette bibliothèque et de ce musée, dont je suis en même temps le seul visiteur25.
29Sa vie est celle d'un musée, l’antichambre de la mort. Sa vie est celle d’un solitaire - il n’a qu’un chat et qu’une tortue-, un solitaire empaillé et sans vie. C’est un ancien universitaire, dont la « vie sentait le vélin pollué, le cuir râpé des reliures, l’odeur de poivre d'un monumental dictionnaire de Trévoux »26. Il n’est que regret par rapport à sa vie : regret de s’être adonné au seul savoir livresque qui l’a rendu solitaire ; regret d’avoir laissé échapper sa jeunesse et ses élans charnels de « célibataire lettré »27. Il est déçu par sa petite vie, petite dans le passé, petite dans le présent qui le recroqueville sur sa vieillesse.
30Chez Valéry, Faust récapitule tous les Faust en lui : il a fait le tour total des choses, et le poids total s’est avéré nul28.
31Voilà pour le regard rétrospectif que pose Faust sur sa vie avant le pacte. Ce regard rétrospectif, il le prolonge après le pacte. Après les années soumises aux règles du pacte, il conserve un regard négatif sur sa vie. Il regrette le pacte, qui n’a pas répondu à son attente : c’est vrai tant dans le Récit populaire que chez Marlowe, Goethe, Gounod ou Mac Orlan. Chez Goethe, ce retour sur soi amène Faust, très âgé au terme de la seconde partie de la tragédie, à renoncer à la magie : il se veut seulement homme face à la nature. Cette vie selon le pacte qui l’a fait sortir de sa condition humaine l’a déçu : il décide donc de rompre avec elle (v. 11404-11407).
B. Le regard prospectif de l’homme âgé : la mort, le possible et le pouvoir
32L’homme âgé tourne aussi son regard vers l’avenir. Dans un regard cette fois prospectif, il voit la mort.
1. L’angoisse pour la mort ?
33À première vue, Faust manifeste un refus de la mort ou une peur de la mort. C’est ainsi que l’approche du terme - les 24 années de « l’existence selon Méphisto »29, comme l’appelle Georges Thinès-, est vécue après le pacte dans l’angoisse. Dans la tragédie de Marlowe, le refus de la mort se manifeste, avant le pacte, dans les signes suivants : Faust se dit déçu de la médecine qui ne peut que guérir et non rendre immortel ; il rejette la théologie qui impose la mort comme seul destin à l’homme pécheur ; et il désire être comme Dieu, c’est-à-dire détenteur de l’immortalité. Chez Mac Orlan, Faust, âgé de 82 ans, sent la mort imminente : il entretient avec elle un rapport conflictuel.
34Mais un examen plus approfondi montrerait que le refus de vieillir chez Faust ne procède pas d’une peur de la mort. L’attrait pour le suicide présent dans plusieurs Faust en est l’un des signes. Chez Goethe et Gounod, suite à la déception enveloppant l’ensemble de sa vie, Faust s’apprête à se suicider :
Ô mort ! quand viendras-tu
M’abriter sous ton aile ?
Eh bien, puisque la mort me fuit
Pourquoi n’irais-je pas vers elle ?
(Il verse le contenu d’un flacon dans une coupe)
Salut ! ô mon dernier matin !
J’arrive sans terreur
Au terme du voyage ;
Et je suis, avec ce breuvage,
Le seul maître de mon destin30 !
35Dans le poème de Lenau, Faust se suicide effectivement à la fin de l’histoire, selon la logique d’enfermement en soi du pacte. Remarquons toutefois qu’il s’agit ici d’une mort choisie, et en ce sens en quelque sorte maîtrisée, et que celle-ci se distingue de la mort qui vient surprendre comme un voleur, d’une mort en tout temps imminente. Chez Valéry (Le Solitaire)31, Faust fait une chute vertigineuse du sommet des montagnes ; les fées (comme au début du Second Faust de Goethe), veulent rendre Faust à la vie et au goût de la vie. Mais ici, Faust refuse de revivre : vivre n’en vaut pas la peine.
36Si ce n’est pas tellement la peur de mourir qui tenaille Faust, c’est aussi parce que le désir posé comme absolu qui le caractérise implique l’acceptation de mourir. Plutôt mourir que de renoncer à son désir. Chez Marlowe, Faust dit : « Je veux conjurer ce soir, quand j’en devrais mourir »32.
37Chez Lenau :
« Je suis un homme, et ce que j’aime
Je l’aime de toute ma virilité,
Je l’aime à la vie, à la mort,
Pour mon salut et ma perdition éternelle »33.
38Ou encore
« Aussi longtemps que je ne serai pas omnipotent,
Je préférerais ne plus exister du tout »34.
39Deux interprétations de ces passages, significatifs de l’être même de Faust, sont possibles. On peut y voir l’expression hyperbolique du désir. Mais on peut aussi prendre Faust au pied de la lettre. Il est l’homme d’un désir fort d’une vie qui vaille. Conséquent avec lui-même, il refuse une vie qui n’en vaut pas le titre. Pour lui, la vie n’est pas une valeur absolue, pas plus celle des autres que la sienne : plutôt mourir que ne pas vivre une vie sensée, une vie de plénitude. Dans certains Faust, comme celui de Lenau, Faust passe à l’acte et se suicide.
40Bref, Faust ne connaît pas l’angoisse de l’être-pour-la mort, telle que la développe Heidegger. Malgré le décompte des années, des 24 années de l’existence selon le pacte, malgré le sablier qui lui rappelle l’imminence de sa mort, et sa certitude. Comme pour Levinas35, - mais différemment aussi-, la question première, pour Faust, n’est pas celle de la mort, de sa mort, pas plus que la question de l’être et du non-être. La question de Faust n’est pas celle de Hamlet : « être ou ne pas être ». La question pour Faust est : quelle vie ? qu’est ce qui mérite d’être une vie ?
2. Le vieillir comme perte de possibles
41Dans le regard prospectif porté en avant de lui-même, vers le futur, bien que Faust ne connaisse pas ou guère l’angoisse de l’imminence de la mort, il connaît les affres de l’angoisse et du désespoir : celles de la perte des possibles. Le désespoir comme perte des possibles n’est pas synonyme du rétrécissement de la durée de vie qui lui reste. Dans le Traité du désespoir, Kierkegaard définit une des formes du désespoir comme un enfermement dans la nécessité et un manque de possibilités : le désespéré manque de possible qui est au principe de la respiration36. Mais d’où vient ce possible ?
42Pour remonter aux sources du possible, qui fait tellement défaut au désespéré, il faut remonter à la structure de l’espérance. L’espérance37 présente une double articulation. Inscription dans le temps, et de manière plus précise, tension vers l’avenir : espérer est un mouvement de l’esprit vers une durée en avant de soi, un horizon de possibilités ou de projets. Articulation aussi à l’autre, - à autrui, ou à Dieu chez Kierkegaard. L’autre ne signifie pas seulement la limite, il est également celui qui, par le don de sa confiance, arrache à l’enfermement et ouvre un possible.
43Or, le désespoir de vieillir est souvent le désespoir de voir rétrécir son horizon, ses possibilités. Faust ne vit pas tellement le désespoir par manque d’horizon en tant que manque de temps, de durée, mais le désespoir par manque de l’autre, de celui qui pourrait lui ouvrir un horizon. Contrairement aux dires du personnage de Sartre38, dans Huis Clos, l’enfer, ce n’est pas les autres, c’est l’absence des autres. Le pacte avec le diable l’a arrimé à un destin qui lui fait dire « il est trop tard », non pas parce qu’il est vieux et qu’il va mourir, mais parce que Méphisto l’a convaincu qu’une fois le pacte signé, le visage de grâce de Dieu s’est à jamais retourné en masque de colère ; parce que Méphisto l’a convaincu qu’une fois le pacte signé, toute relation est barrée, tout amour interdit ou voué au néant. Faust est désespéré non par le rétrécissement des années de sa vie, mais par le rétrécissement de ses relations, par le fait que tout rapport à l’autre est barré. C’est la logique interne du pacte, qui inclut la négation d’autrui.
44Cette histoire suggère indirectement que le possible ne s’ouvre que dans la rencontre, qu’avec l’émergence du visage de l’autre, l’autre qui, desserrant la nécessité pour m’ouvrir au possible, me donne de respirer. Il suggère indirectement que si le vieillir amène souvent au désespoir, ce n’est pas seulement par le rétrécissement du temps, mais par l’isolement, la perte de l’accès à la relation. Il suggère indirectement que face à la mort prochaine, certaine, imminente, le visage d’autrui, ou de Dieu, peuvent seuls créer un espace, un horizon, et ainsi être source d’espérance.
3. Vieillir et ne plus pouvoir
45Vieillir implique aussi une diminution de certaines capacités, un « ne plus pouvoir », un déséquilibre entre l’agir et le pâtir au profit du pâtir, une perte de maîtrise. Or Faust est précisément celui qui refuse toute limitation à son pouvoir, celui qui veut restreindre au maximum le pâtir, sinon pour agir, du moins pour toujours être maître chez soi.
46Cette perte de pouvoir se fait sentir avant tout, pour Faust, dans le contexte de la différence sexuelle. Des indices nous le montrent. Ce n’est pas un hasard si le motif du rajeunissement n’intervient dans le mythe de Faust qu’à partir du moment où la femme devient l’interlocuteur majeur de Faust, avec Goethe. Ce n’est pas un hasard si le motif du rajeunissement apparaît quand le rapport à la femme et à la séduction est en jeu.
47Chez Goethe, Faust accepte le philtre magique de rajeunissement à la vue de Marguerite : c’est là le piège tendu par Méphisto. Dans l’opéra de Gounod39, Faust désire la jeunesse parce qu’elle contient selon lui tous les biens : la richesse, la gloire, la puissance, mais surtout l’ivresse des plaisirs, les maîtresses, la folle orgie du cœur et des sens. Faust a pourtant hésité au moment de signer le pacte et de boire le philtre de rajeunissement : il passe outre à son hésitation à la vue de Marguerite que Méphisto, astucieux, a fait apparaître. Chez Mac Orlan, l’image d’une jeune femme rousse poursuit le vieux Faust. Et encore une fois, Méphisto fait surgir Marguerite devant Faust qui, à sa vue, consent au pacte, pour célébrer « la fête des cinq sens »40.
48Le problème du vieillissement, dans le mythe de Faust, n’est probablement pas celui de la différenciation sexuelle, ni la question du désir sexuel - Faust le connaît toujours, même âgé-, ni même la question de l’impuissance sexuelle : on n’en parle pas. C’est pourtant la question d'une impuissance qui émerge, et donc celle d’un pouvoir, le pouvoir de séduire, d’induire le désir : comment Marguerite pourrait-elle s’éprendre de lui si Faust n’est pas jeune ? La jeunesse est ici synonyme de pouvoir d’induire le désir.
C. Vieillir et le refus de l’affection
49Faust, même s’il peut émettre le désir d’être immortel, ne connaît pas, ou peu, l’angoisse de mourir et d’être mort, mais il connaît l’angoisse de vieillir, et l’angoisse de l’altération de soi.
1. Le refus de l’affection par peur de la perte d’identité
50Le refus de vieillir, chez Faust, se présente souvent comme un refus de l’affection - au sens d’être affecté-, lui-même motivé par la peur de perdre son identité. Il est clair, tout d’abord, que vieillir implique des changements physiques. Mac Orlan rapporte ainsi que Faust, se contemplant dans le miroir, voit sa barbe blanche, « son visage cuit et recuit par quatre-vingt deux années de lumière solaire et artificielle »41, « la peau de son cou qui pendait comme une peau de dindon »42. Il s’aperçoit qu’il « sent le rat »43, qu’il toussote et crachote au long des jours. De ce portrait, il tire la conclusion suivante : « un homme serait-il assez bête pour refuser d’échanger son âme contre une nouvelle jeunesse ?... »44. C’est bien ce que lui propose Méphisto : « Je vous donne la jeunesse en échange de votre âme »45. Derrière cette symbolique de l’échange de la jeunesse contre l’âme se cache en fait, on le verra, le problème de l’identité.
51Car vieillir s’accompagne pour Faust de la peur de perdre son identité. Mais quelle identité ? Selon l’analyse de Paul Ricœur dans Soi-même comme un autre, on peut distinguer deux types d’identité : l’identité-mêmeté et l’identité-ipséité46. La langue française les distingue difficilement, puisqu’elle ne dispose que du terme « même » pour les exprimer. Mais d’autres langues les distinguent, self et same en anglais, ipse et idem en latin.
52L’identité-mêmeté correspond à l’anglais same ou au latin idem : je suis « la même ». La mêmeté intègre quatre composantes. Une composante numérique, ou identité numérique : une seule et même chose ; identité signifie ici unicité, par rapport à la pluralité. Je suis la même et la même que moi parce que je suis une. La mêmeté comprend une composante qualitative ou identité qualitative, qui est celle de la ressemblance allant jusqu’à l’interchangeabilité. La ressemblance sert à renforcer la présomption d’identité numérique. Quand on présume, par exemple, qu’une personne est l’agent de telle violence sur telle victime, on recourt au témoignage de la victime pour identifier son agresseur, c’est-à-dire pour attester que l’accusé est à ce point ressemblant à l’agresseur qu’ils sont interchangeables, qu’ils sont une seule et même personne, la même personne. Mais ce critère de la ressemblance ou identité qualitative s’avère précaire quand la distance temporelle se creuse. Si je sors de l’amphithéâtre et que je rentre dans cinq minutes, vous n’aurez pas de peine à me réidentifier comme la même personne. Mais si vous avez la patience d’attendre que je revienne dans trente ans, je ne garantis rien... Il faut donc faire intervenir une troisième composante de l’identité, celle qui établit une continuité temporelle ininterrompue entre le premier stade et le dernier stade d'un développement. Un arbre est « le même « depuis sa poussée hors de terre jusqu’au jour où il abrite tous les oiseaux du ciel sous ses branches. Mais pour que cette continuité temporelle soit fiable, encore faut-il trouver un critère ou un principe de permanence dans le temps - c’est la quatrième composante de l’identité. Principe de permanence dans le temps, invariant, ou structure. On peut par exemple trouver un tel invariant ou une telle structure dans le code génétique, qui permet à une personne d’être « la même », d’être identifiée et réidentifiée comme une seule et même personne à travers les aléas du temps.
53Cette identité-mêmeté est le « quoi » de l’identité. Elle correspond à la question « que suis-je ? ». Elle rassemble les traits distinctifs, corporels ou de caractère, par lesquels, par « quoi » on peut être reconnu. Mais il est clair que par la simple observation, le principe de permanence dans le temps n’est pas atteignable. Le code génétique ne s’observe ni dans la rue ni dans un miroir : personne n’entretient de rapport vécu avec son code génétique.
54L’identité-ipséité, quant à elle, correspond à l’anglais self, et au latin ipse : je suis « moi-même ». L'ipséité implique un autre type de permanence dans le temps, quels que soient les changements extérieurs. Il s’exprime par excellence dans le phénomène de la promesse, qui est un défi au temps : quand bien même mon désir changerait, et quels que soient les aléas de la vie, « je maintiendrai ». L’identité sous-jacente à la promesse est celle de l’ipséité, qui correspond à la question « qui suis-je ? ». Il s’agit de cette identité dont ne dit rien, ou presque, le miroir, l’identité du soi tel qu’autrui peut compter sur moi. Une identité plus cachée, plus intime, celle du soi vécu, du soi éthique et métaphysique, du soi qui n’est soi que dans le rapport à autrui.
55La peur de vieillir est peur de perdre son identité. Cette identité est pensée souvent comme mêmeté. Le temps est principe d’écart et de dissemblance, et ainsi, principe de vieillissement. Si bien que Faust signe le pacte pour redevenir jeune, c’est-à-dire pour remonter le temps, pour abolir le temps comme principe de dissemblance ou de vieillissement. Le pacte exprime en fait la volonté d’échanger une identité contre l’autre : « un homme serait-il assez bête pour refuser d’échanger son âme contre une nouvelle jeunesse ?... »47.
56Dans Marguerite de la nuit, Faust, par le pacte et le philtre magique de rajeunissement, retrouve son identité, c’est-à-dire sa mêmeté, surtout corporelle, non affectée par le temps, non altérée. Il reste un et un seul : identité numérique ; il doit ressembler à ce qu’il était 60 ans auparavant : identité qualitative. Rien n’est dit sur son code génétique, qui, dans le rapport au vécu, ne compte pas, puisqu’il ne s’observe ni ne s’éprouve : on suppose qu’il reste le même. Mais un doute subsiste quant à la continuité ininterrompue de Faust : le pacte n’est-il pas principe d’interruption, seuil entre deux séquences, l'avant du pacte, et l’après ? À moins que cette discontinuité ne relève déjà de l’ipséité ?
57En échange, Faust livre son âme au diable. L’âme n’est pas simplement une substance spirituelle immortelle et immuable qui serait soit damnée soit sauvée après la mort. L’âme est précisément l’ipséité, le soi le plus intime, qui s’éprouve dans la vie même.
58Chez Mac Orlan, Méphisto est censé rajeunir Laust de 60 ans. Faust en dit : « J’aurais donc soixante années, au minimum, à vivre sous les apparences d’un homme de vingt ans ? »48. Il s’agit donc ici d’une identité-mêmeté radicale, puisqu’elle ne sera plus affectée par aucun changement pendant soixante ans. Des questions se posent à nous : est-on contraint, comme l’imagine Faust, de penser la permanence de l'identité personnelle en termes de mêmeté ? Ne peut-on pas penser cette permanence de l’identité personnelle comme affectée par le temps ?
59Questions laissées en suspens par le récit, livrées à notre réflexion. Toujours est-il que la déception est grande après le pacte. Mac Orlan raconte que le Faust rajeuni mais déçu est entré dans une « dépression mentale »49. « Le professeur Laust promenait sa science inutile dans tous les endroits de Paris où son usage paraissait interdit. Les efforts de toute son ancienne existence ne pouvait plus lui servir maintenant qu’il avait changé d’apparence »50. Il faut distinguer deux modes d’identité, mêmeté et ipséité. Mais un lien les noue51. Com ment dissocier radicalement son visage et son caractère, qui nous donnent à connaître et à reconnaître, de son histoire vécue qui se rassemble dans le soi-même ? On ne peut pas, d’un côté, vouloir gommer les effets du temps dans son corps reconnaissable, dans son identité-mêmeté, et en même temps vouloir continuer à puiser dans les expériences du soi vécues au fil des ans. On ne peut effacer soixante ans d’identité-mêmeté, soixante ans de vieillissement cutané, vocal, corporel, sans porter atteinte à son soi le plus intime. Se pose alors la question toute simple : qui suis-je ? Question qui prend un tour singulier quand on se voit vieilli dans le miroir. Qu’est-ce qui importe vraiment dans mon identité ?
2. Le refus de la chair
60Le refus de l’affection dans le vieillissement qu’exprime Faust est, plus généralement, le refus du corps propre ou de la chair. Les philosophes distinguent le corps comme corps objectif, objectivé, corps parmi les corps, et le corps comme chair, comme corps propre ou corps vécu, le corps comme mon corps, ma manière d’être au monde.
61Faust est l’homme qui refuse son corps comme corps propre, qui refuse la chair en tant que pâtir, en tant que sujette au pâtir ou à l’affection. Il opère une dissociation entre les deux corps, et veut se vivre comme corps parmi les corps, sans être vraiment engagé dans son corps. Il refuse la chair en tant qu’elle l’engage, en tant qu’elle est exposition à l’affection.
62Ce refus de la chair, de l'ipséité inscrite dans sa chair, s’exprime par exemple dans la pratique de la débauche, où il traite son corps comme un corps parmi d’autres, un corps qu’il n’habite pas, qu’il envoie en ambassade en avant de lui-même sans lui-même. Il s’illustre aussi dans les déguisements et métamorphoses de Faust. La manière dont il joue avec son corps démultiplie à l’extrême les variations de la mêmeté, si bien qu’on ne peut le punir pour ses tours pendables, puisqu’on ne peut le reconnaître : il n’est jamais « le même ». Pourtant, il sera tenu pour responsable, dans son âme, c’est-à-dire dans son ipséité. Le refus de la chair s’exprime enfin clairement dans le philtre de rajeunissement, ce lifting magique qui a pour fin de lui donner belle apparence : paraître jeune, sans ride, l’œil vif et séducteur. Faust se réfugie dans le corps-objet, et par là-même refuse d’être chair affectée par le temps et les expériences. Mais malgré le lifting, le soi n’est pas pour autant rajeuni.
63Le refus de la chair et de l'ipséité à même le corps est motivé par le refus de l’affection. Refus de l’exposition à l’affection, de l’exposition à l’autre, au temps, au pâtir. L’affection, il est vrai, dénoyaute le moi, le fissure et le décentre, remet en cause sa maîtrise. La peau atteste de manière privilégiée ce caractère de la chair : peau nue, dont la nudité est offerte, vulnérable, au regard, à la caresse, aux blessures du temps. « Peau à rides », disait Levinas52, qui, au fils du temps, a engrangé dans ses sillons les marques du temps, des rires et des pleurs. L’affection est vécue comme une défection de la conscience et comme une contestation du pouvoir et de la maîtrise, parce qu’elle implique la présence de l’autre en soi, d’une extériorité, une présence qui est perçue comme une altération, au sens négatif du terme.
64Le mythe de Faust présente toutefois des signes qui peuvent être compris comme une réaffirmation indirecte de la chair, des indices qui inclinent à penser que le corps propre, que la chair, le soi, l'ipséité, sont une structure existentiale à laquelle nul ne peut échapper. Relevons-en quelques-uns53.
65Chez Goethe et Gounod, tout d’abord, on peut pointer le recours au philtre magique de rajeunissement. « Magique » : les narrateurs ne sont pas dupes. Le caractère magique du philtre de rajeunissement est une manière symbolique de dire que la chair est incontournable.
66Ensuite, dans le Second Faust de Goethe, malgré le rajeunissement, Faust vieillit. Faust, comme le Lazare ressuscité, retrouve sa chair marquée par le temps, chair comme trace d’un temps irrécupérable, comme peau à rides, chair affectée, promise à la mort : Faust, comme Lazare, mourra.
67Chez Mac Orlan enfin, Faust, après le rajeunissement, est censé rester jeune : il reste bloqué à l’âge de 20 ans pendant 60 ans. Mais à bien y regarder, le récit de Marguerite de la nuit s’arrête au bout d’un an. N’est-ce pas l’arrachement à la condition temporelle de l’homme qui empêche le récit de se poursuivre ? Peut-être n’est-il pas de récit possible pour raconter l’histoire d’un homme sortant totalement de sa condition d’homme, avec sa situation d’être dans le temps, affecté par le temps. Remarquons qu’il s’agit ici du cas inverse que celui traité par Ricœur dans Soi-même comme un autre. Ricœur y parle du roman moderne qui, avec par exemple L’Homme sans qualité de Robert Musil, perd ses qualités narratives à mesure que le récit s’approche du point nul du personnage, c’est-à-dire de l’anéantissement de son identité-mêmeté : homme sans qualité, c’est-à-dire sans qualité reconnaissable, sans mêmeté. Ces variations imaginatives sont comme des « mise[s] à nu de l’ipséité par perte de support de la mêmeté »54. Avec Faust, c’est l’ipséité qui est mise en cause ; mais quand celle-ci tend à s’asphyxier, le roman perd tellement, ici aussi, ses qualités narratives, que le récit s’interrompt. Mais, comme on l’a vu, ce refus de l’ipséité ne tient pas jusqu’au bout. Il demeure un socle d’ipséité indestructible. En ce sens, même s’il est illustré de manière inverse, le propos de Ricœur se confirme.
68Les fictions littéraires diffèrent fondamentalement des fictions technologiques en ce qu’elles restent des variations imaginatives autour d’un invariant, la condition corporelle vécue comme médiation existentielle entre soi et le monde. Les personnages de théâtre et de roman sont des humains comme nous. Dans la mesure où le corps propre est une dimension du soi, les variations imaginatives autour de la condition corporelle sont des variations sur le soi et son ipséité55.
69Car c’est bien de tentative d’arrachement ou d’échappement à la condition humaine dont il s’agit dans le mythe de Faust. Alors que Faust conserve toutes les apparences d’un être humain, Mac Orlan parle de « l’inhumaine transformation de son corps »56. Dans le drame de Marlowe, Faust souhaite d’abord devenir Dieu, puis, rétrécissant son désir, devenir un esprit ou un animal : il s’agit bien d’une répudiation de l’humanité57. Mais pour un homme, celle-ci est impossible. Même s’il est vrai que l’homme puisse souhaiter échapper à sa condition, l’homme ne le peut pas. Et le mythe de Faust présente effectivement des indices qui montrent que, quels que soient les refus de cette condition et les désirs d’y échapper, l’homme ne peut totalement s’y soustraire.
70Le refus de vieillir rejoint, dans le mythe de Faust, le refus de l’affection qui est refus de la condition humaine. C’est ainsi que le refus de vieillir rejoint le centre du mythe de Faust. Les expressions du refus de l’affection sont diverses. Les plus extrêmes sont le rejet de la naissance et de la création. Faust est l’homme qui, comme Job dans son monologue (Jb 3), maudit le jour de sa naissance, tant dans le Récit populaire (« Pourquoi suis-je né ?), chez Klinger58 que chez Goethe (« oh, pourquoi suis-je né ? » v. 4596). Le refus de la création, du statut de créature, relève de la même signification. Valéry fait dire à Faust : « Je suis excédé d’être une créature » (Le Solitaire)59 ; et Lenau : « Je n’ai en fait qu’un seul souci : oublier que je ne suis qu’une créature »60. Création et naissance signifient l’affection par excellence, la diachronie irrécupérable, qui empêche pour jamais l’auto-position, la récupération de soi sans résidu, la maîtrise totale de soi.
71Le vieillissement, lui aussi, rappelle, au jour le jour, cette affection par le temps, cette hétéronomie, cette non-maîtrise. Elle contraint l’homme à l’apprentissage de l’identité dans l’acceptation de l’hétéronomie, à l’apprentissage de soi dans l’acceptation et l’intégration de l’extériorité, dans la non-maîtrise. Vieillir exige que l’on apprenne à être soi en étant affecté, à comprendre que l’on peut être et rester soi (ipséité) malgré les changements de la mêmeté ; à comprendre que l’on ne perd pas son âme - son ipséité-, en, devenant vieux ; mais qu’au contraire, c’est en refusant le vieillissement, c’est-à-dire l’affection par le temps et par l’autre, que l’on perd son âme ; que se cramponner à sa mêmeté passée, à sa jeunesse, ou vouloir remonter le temps par quelque lifting magique ou autre, c’est prétendre renoncer à son âme, à son soi.
Conclusion
72La littérature, en se livrant à des variations imaginatives, s’interroge symboliquement et narrativement sur l’être de l’homme : elle est une réserve de sens et de possibles déjà travaillée par le langage et, à ce titre, un lieu philosophique privilégié.
73« Qui suis-je ? ». Telle était la question de départ, celle de l’identité, soumise aux variations imaginatives du mythe de Faust. Faust ne dit pas le tout de l'identité, ni le tout de cette affection de l’identité qu’est le vieillir. Il en dit quelques traits, que je voudrais rassembler ici en une gerbe.
74Faust dit que l’âge de l’homme vieilli est celui du bilan de sa propre vie, qui implique un rassemblement de sa vie. Il dit que la vie n’est pas bonne de manière absolue, que vivre à tout prix n’est pas un idéal absolu, que la question ultime n’est peut-être pas celle de la mort, celle d’être ou de ne pas être, mais celle d’une vie qui soit digne de ce nom. Il dit le rétrécissement de l’horizon, des possibles, le désespoir devant ce rétrécissement, qui n’est pas seulement dû au rétrécissement du temps et à l’imminence de la mort, mais dû à la perte des autres, des relations qui, seules, à l’heure où il n’est plus guère d’années, de jours et d’heures, permettent encore d’espérer et de respirer. Il dit la crainte, ou le refus, de ne plus pouvoir, de perdre ses capacités, et avant tout la capacité d’induire en l’autre le désir. Il dit la quête d’identité de celui qui ne reconnaît plus son visage d’adolescent, la crainte de perdre cette identité à mesure que filent les traits qui permettaient de l’identifier, un timbre de voix, un œil pétillant, une chevelure noire, une peau lisse et douce. Il dit la crainte de l’homme d’être affecté, de ne pas être maître chez lui. Il dit la peur de l’homme, voire le refus de l’homme d’être affecté par le temps, la difficulté de vivre dans le temps comme principe de vieillissement, principe d’écart dans l’identité. Il laisse entendre qu’il faut apprendre à devenir soi en acceptant d’être affecté, par le temps et par autrui, et que c’est à cette condition que l’on ne perdra pas son âme, et que l’on pourra puiser aux sources et ressources de l’espérance.
75Ce ne sont peut-être pas seulement les traits de l’homme âgé, mais celui de tout homme qui se sent affecté par le temps. Nous pouvons tous, probablement, peu ou prou, nous y reconnaître.
Notes de bas de page
1 Paul RICŒUR, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil (coll. L’ordre philosophique), p. 176.
2 Pour une approche théorique, voir Françoise MIES, « L’herméneutique du témoignage en philosophie. Littérature, mythe, Bible », dans Revue des sciences philosophiques et religieuses, 81, 1997, p. 3-20.
3 Pour l’historique du mythe de Faust, voir Françoise MIES, Faust ou l’autre en question. Dieu, la femme, le mal. Etude littéraire et philosophique de l’altérité dans le mythe de Faust, Namur, Presses Universitaires de Namur, 1994, p. 31-83, et André DABEZIES, Le Mythe de Faust, Paris, Colin (coll. U2), 1972, 400 p.
4 Historia von D. Johann Fausten. Text des Druckes von 1587, kritische Ausgabe, Stuttgart, Reclam (coll. Universal-Bibliothek, n°1516), 1988, 335 p. L’histoire du docteur Faust 1587, traduction, notes et glossaire de Joël Lefebvre, Paris, Les Belles Lettres, 1970, 250 p.
5 L'histoire du docteur Faust 1587, p. 79.
6 Christopher MARLOWE, Doctor Faustus, 1604-1616. Parallel texts ed. by W.-W. Greg, Oxford, Clarendon Press, 1950, 407 p. Christopher MARLOWE, La tragique histoire du Docteur Faust (trad. F. C. Danchin), Paris, Les Belles Lettres, 1935, 145 p.
7 Friedrich Maximilian KLINGER, Fausts Lehen, Taten und Höllenfahrt, Stuttgart, Reclam (coll. Universal-Bibliothek, no 3524), 269 p. Friedrich Maximilian VON KLINGER, Vie, exploits et descente aux enfers de Faust (trad. Henri Roger), Arles, Actes Sud, 1988, 387 p.
8 GOETHE, Goethes Faust, dans GOETHE, Gesamtausgabe, Francfort, Insel-Verlag, 1983,686 p. GOETHE, Faust (trad. Henri Lichtenberger), Paris, Montaigne (coll. bilingue des classiques étrangers), 1932, 2 vol.
9 Nikolaus LENAU, Faust. Ein Gedicht, Stuttgart, Reclam (coll. Universal-Bibliothek, no 1524), 1982, 212 p. LENAU, Faust (trad. Jean-Pierre Hammer), Paris, Aubier Montaigne (coll. bilingue des classiques étrangers), 1971, 299 p.
10 Charles GOUNOD, Margarete (Faust). Oper in fünf Akten. Klavierauszug, Francfort - Londres - New York, C. F. Peters, no 4402.
11 Pierre MAC ORLAN, Marguerite de la nuit, Paris, Grasset (coll. Les cahiers rouges), 1983, 177 p.
12 Klaus MANN, Mephisto. Roman einer Karriere, Hamburg, Rowohlt Reinbek, 1981. Klaus MANN, Mephisto (trad. Louise Servicen), Paris, Grasset (coll. Les cahiers rouges), 1993, p. 237, 259.
13 Thomas MANN, Doktor Faustus. Das Leben des deutschen Tonsetzers Adrian Leverkühn erzahlt von einem Freunde, Francfort, Fischer Verlag, 1980, 746 p. Thomas MANN, Le Docteur Faustus. La vie du compositeur allemand Adrian Leverkühn racontée par un ami (trad. Louise Servicen), Paris, Albin Michel, 1950, p. 336.
14 Paul VALÉRY, Mon Faust, dans Paul VALÉRY, Œuvres II, Paris, Gallimard (coll. Bibliothèque de la Pléiade), 1960, pp. 276-403.
15 Paul VALÉRY, Cahiers II, Paris, Gallimard (coll. Bibliothèque de la Pléiade), 1974, p. 389.
16 Voir Françoise MIES, Faust ou l'Autre en question, p. 83-85.
17 Paul RICŒUR, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil (coll. L’ordre philosophique), p. 187.
18 Voir L’histoire du docteur Faust 1587, p. 79.
19 Christopher MARLOWE, La tragique histoire du Docteur Faust, p. 9-11.
20 Charles GOUNOD, Margarete (Faust), p. 32.
21 Pierre MAC ORLAN, Marguerite de la nuit, p. 11.
22 Pierre MAC ORLAN, Marguerite de la nuit, p. 12.
23 Pierre MAC ORLAN, Marguerite de la nuit, p. 12.
24 Pierre MAC ORLAN, Marguerite de la nuit, p. 18.
25 Pierre MAC ORLAN, Marguerite de la nuit, p. 17.
26 Pierre MAC ORLAN, Marguerite de la nuit, p. 18.
27 Pierre MAC ORLAN, Marguerite de la nuit, p. 19.
28 Paul VALÉRY, Mon Faust, p. 321.
29 Georges THINÈS, Le mythe de Faust et la dialectique du temps, Lausanne, L’Âge d’homme, 1989.
30 Charles GOUNOD, Margarete (Faust), p. 32-34.
31 Paul VALÉRY, Mon Faust, p. 402-403.
32 Christopher MARLOWE, La tragique histoire du Docteur Faust, p. 19.
33 LENAU, Faust, p. 93.
34 LENAU, Faust, p. 289.
35 C’est une des leçons de La mort et le temps, dans Emmanuel LEVINAS, Dieu, la mort et le temps, Paris, Grasset, 1993, p. 15-134.
36 Søren KIERKEGAARD, La maladie à la mort, dans Søren KIERKEGAARD, Œuvres complètes (trad. P.-H. Tisseau, E.-M. Jacquet-Tisseau), Paris, Orante, 1971, p. 187-199.
37 Voir Françoise MIES, « Est-il sage d’espérer en Dieu ? L’énigme de Job », dans Toute la sagesse du monde. Hommage à Maurice Gilbert, Namur - Bruxelles, Presses Universitaires de Namur - Éditions Lessius, 1999, (à paraître).
38 Jean-Paul SARTRE, Huis-Clos, Paris, Gallimard, 1947, p. 75.
39 Charles GOUNOD, Margarete (Faust), p. 18-25.
40 Pierre MAC ORLAN, Marguerite de la nuit, p. 47.
41 Pierre MAC ORLAN, Marguerite de la nuit, p. 27-28.
42 Pierre MAC ORLAN, Marguerite de la nuit, p. 29.
43 Pierre MAC ORLAN, Marguerite de la nuit, p. 22.
44 Pierre MAC ORLAN, Marguerite de la nuit, p. 24.
45 Pierre MAC ORLAN, Marguerite de la nuit, p. 49.
46 Paul RICŒUR, Soi-même comme un autre, p. 140-150.
47 Pierre MAC ORLAN, Marguerite de la nuit, p. 24.
48 Pierre MAC ORLAN, Marguerite de la nuit, p. 50.
49 Pierre MAC ORLAN, Marguerite de la nuit, p. 63.
50 Pierre MAC ORLAN, Marguerite de la nuit, p. 62.
51 Paul Ricœur étudie les modes de recouvrement plus ou moins étendu de l’ipséité et de la mêmeté.
52 Emmanuel LEVINAS, Autrement qu'être ou au-delà de l’essence, La Haye, Martinus Nijhoff, 1974, p. 112.
53 On en trouvera d’autres signalés par Françoise MIES, « La corporéité dans le mythe de Faust », dans G. FLORIVAL (éd.), Dimensions de l’exister. Études d’anthropologie philosophique V, Louvain - Paris, Peeters (coll. Bibliothèque philosophique de Louvain, no 40), 1994, p. 202-205.
54 Paul RICŒUR, Soi-même comme un autre, p. 178.
55 Paul RICŒUR, Soi-même comme un autre, p. 178.
56 Pierre MAC ORLAN, Marguerite de la nuit, p. 58.
57 Christopher MARLOWE, La tragique histoire du Docteur Faust, p. 13, 45, 117.
58 Friedrich Maximilian VON KLINGER, Vie, exploits et descente aux enfers de Faust, p. 341.
59 Paul VALÉRY, Mon Faust, p. 402.
60 LENAU, Faust, p. 289.
Auteur
Philosophe, Chercheur qualifié au FNRS. Chargée d’enseignement et maître de conférences aux Facultés N.D. de la Paix à Namur.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Imaginaire et création historique
Philippe Caumières, Sophie Klimis et Laurent Van Eynde (dir.)
2006
Socialisme ou Barbarie aujourd’hui
Analyses et témoignages
Philippe Caumières, Sophie Klimis et Laurent Van Eynde (dir.)
2012
Le droit romain d’hier à aujourd’hui. Collationes et oblationes
Liber amicorum en l’honneur du professeur Gilbert Hanard
Annette Ruelle et Maxime Berlingin (dir.)
2009
Représenter à l’époque contemporaine
Pratiques littéraires, artistiques et philosophiques
Isabelle Ost, Pierre Piret et Laurent Van Eynde (dir.)
2010
Translatio in fabula
Enjeux d'une rencontre entre fictions et traductions
Sophie Klimis, Laurent Van Eynde et Isabelle Ost (dir.)
2010
Castoriadis et la question de la vérité
Philippe Caumières, Sophie Klimis et Laurent Van Eynde (dir.)
2010