Un chant d'amour ? Magritte, de Chirico, Breton
p. 135-157
Texte intégral
1. La patrie du mystère
1« Tout le mythe moderne, écrivait André Breton, encore en formation s'appuie à son origine sur les deux œuvres, dans leur esprit presque indiscernables d'Alberto Savinio et de son frère Giorgio de Chirico »1. Aux yeux de la figure de proue du mouvement surréaliste, la peinture de Giorgio de Chirico n'est nullement une peinture parmi d'autres ou après d'autres, c'est le lieu originaire même du « mythe moderne ». André Breton écrit encore à propos de la série des « Places d'Italie » :
C'est l'« Invitation à l'attente » que cette ville tout entière comme un rempart, que cette ville éclairée en plein jour de l'intérieur. Que de fois j'ai cherché à m'y orienter, à faire le tour impossible de ce bâtiment, à me figurer les levers et les couchers, nullement alternatifs, des soleils de l'esprit ! 2.
2C'est là que les surréalistes ont tenu, dit-il, leurs « assises invisibles ». L’œuvre de Chirico est, avec celle de Lautréamont, le point fixe du surréalisme et nombre d'artistes et d'écrivains ont raconté dans quelles curieuses circonstances ils découvrirent une œuvre qui marquerait toute leur vie. Pour Jean Cocteau, également, la bête noire des surréalistes, la peinture de Chirico est le lieu même de ce qu'il appelle le « mystère laïc ». Déni du temps, piège de l'espace, par-delà la vie et la mort, désertée mais lourde de présence, pleine d'un silence assourdissant, la peinture de Chirico est la Jérusalem de la poésie que Jean Cocteau définit comme une « religion sans espoir ».
3Or ce sentiment, Guillaume Apollinaire l’avait ressenti avec la même acuité dès les années 10. Il salua en Chirico l'un des peintres les plus étonnants de son temps dont l’œuvre parlait de tout autre chose que des innovations plastiques dont les avant-gardes rythmaient alors les jours et les saisons.
4La peinture de Chirico a marqué tellement à la fois d'artistes et d'écrivains que l'étude de son impact paraît relever aussi sûrement voire prioritairement d'une histoire générale de la culture que d'une histoire de l'art traditionnelle.
5C'est peut-être René Magritte, à l'occasion de sa fameuse conférence d'Anvers en 1938, qui a le mieux défini ce qui fut ressenti dès les années 10, soit au rythme frénétique de ces années, bien avant le surréalisme :
Cette poésie triomphante a remplacé l'effet stéréotypé de la peinture traditionnelle. C'est la rupture complète avec les habitudes mentales propres aux artistes prisonniers du talent, de la virtuosité et de toutes les petites spécialités esthétiques. Il s'agit d'une nouvelle vision où le spectateur retrouve son isolement et entend le silence du monde3.
6Aussi faut-il bien constater le porte-à-faux d'une certaine historiographie, notamment américaine, lorsqu'elle entend à toute force appréhender l’œuvre de Chirico et son influence comme elle aborderait celles de n'importe quel autre artiste. Que dire, par exemple, d'une remarque comme celle de David Sylvester dans son célèbre Magritte :
La chose la plus profondément révolutionnaire, peut-être, chez Chirico, ce n'est pas ce qu'il peint, mais la façon dont il le peint : dans un style sans cérémonie, un style aussi clair et net que celui des bandes dessinées4.
7Quoi que l'on pense par ailleurs de cette phrase, il est clair qu'elle aurait fait sursauter tous ceux, critiques, écrivains, ou artistes, qui jadis ont effectivement tenu l’œuvre de Chirico pour « révolutionnaire ».
8Ce qu'une histoire de la culture déprise un instant de ce genre de considérations rappelle, c'est qu'il y eut bien une mystique liée à la révélation de cette œuvre. C'est un monde en soi que prétendaient découvrir les « Témoins » de Chirico dans sa peinture et, pas un instruit, une nouvelle manière de peindre. Chirico les intéressait sous un angle éthique bien plutôt que sous un aspect esthétique ou plastique. Pour ces heimatlosen - pour reprendre l'expression de Nietzsche - pour ces « sans patrie » du « mythe moderne », la peinture de Chirico ne donna rien d'autre à voir que la patrie de l'invisible.
9Chirico avait écrit :
Dans le mot métaphysique, je ne vois rien de ténébreux. C'est cette même tranquille et absurde beauté de la matière qui me paraît « métaphysique » et les objets qui, grâce à la clarté de la couleur et grâce à l'exactitude des volumes, se trouvent placés aux antipodes de toute confusion et de toute obscurité me paraissent plus métaphysiques que d'autres objets5
10Le peintre de la Stimmung - mot : qu'il vaut mieux ne pas traduire que de le traduire par « atmosphère » - se voulut un philosophe en soi. On se serait évité bien des contusions et des déboires si l'on avait parlé de métaphysique picturale au lieu de peinture métaphysique.
11Pétrie de références philosophiques et inspiratrice des poètes, la peinture de Chirico n'en est pas pour autant ce que l'on appelle une peinture littéraire.
12Car l'effet qu'elle suscite tient à un système plastique très rigoureux constitué du jeu étroit qu'entretiennent les ombres et les architectures réduites à l'épure dans le cadre d'une perspective qui conspire contre la rigueur classique. Les règles qui président à ce monde déréglé, les principes de ce système implacable ont été eux aussi maintes fois décrits mais nous rappelons ce fait pour signaler cet autre contresens choquant de David Sylvester lorsqu'il parle de l'œuvre de Chirico comme apparentée à un « collage »6.
13Les recherches considérables de Maurizio Fagiolo dell'Arco et de Paolo Baldacci, notamment, l'ont montré et démontré : sa peinture est parsemée de références secrètes, d'allusions énigmatiques et de « calembours hautains » (Jean Cocteau). Beaucoup de ceux qui admirèrent Chirico ignoraient cette dimension et il ne faut certes pas la connaître pour ressentir l'efficacité de cette œuvre. Il reste que l'exploitation patiente des poèmes et des textes en lien avec les tableaux révèle une thématique longtemps insoupçonnée.
14On retrouve ces thèmes dépossédés de tout contexte dans la peinture de Carlo Carra. Ces découvertes donnent rétrospectivement raison à Giorgio de Chirico lorsqu'il parlait dans ses Mémoires de « tous ces motifs que Carra avait empruntés à mes tableaux sans jamais y comprendre quelque chose »7. Fagiolo dell'Arco confirme à la suite de ses travaux longs et patients :
Chez Carrà, tout rapport étroit avec le thème a naturellement disparu, puisqu'il s'inspire ouvertement de l'hermétisme de Giorgio de Chirico8
2. Le malentendu surréaliste
15Les surréalistes, on le sait, allaient s'enflammer pour la peinture de l'Italien. Le discours, pourtant, qu'ils allaient tenir sur son œuvre n'a pas le moindre rapport avec la véritable démarche chiricienne. Ils allaient en effet l'appréhender au nom de l'onirisme, du culte des rêves, et du dogme de l'inconscient. Ils ne tinrent pas le moindre compte des références de Chirico à Nietzsche et Schopenauer et ne voulurent le voir que sous l'autorité d'une référence radicalement étrangère au peintre italien : Sigmund Freud. Or, on connaît les réserves du maître de la psychanalyse à l'encontre du surréalisme. Le cas d'artistes traquant délibérément, consciemment, l'inconscient, l'avait plongé dans une certaine perplexité.
16Pour Breton, l’œuvre de Chirico trahit une obsession de la sexualité. Or, cette dimension érotique est non seulement explicite mais structurée9. Les calembours obscènes présents dans sa peinture peuvent être, en fonction notamment de cette référence avouée, dits parfaitement délibérés et il est absurde, aux dires mêmes de Freud, d'y aller chercher l'inconscient. L'aveu délibéré du sexuel empêche d'y réduire le tableau. Le monde chiricien témoigne d'un mystère qui transcende largement le problème érotique qu'il avoue. Parlant des investigations psychanalytiques des surréalistes, parfaitement inconcevables au demeurant aux yeux de la psychanalyse universitaire qui n'y verrait que psychanalyse sauvage, Serge Fauchereau écrit :
On allait ainsi à l'encontre des buts de cette peinture en remplaçant la rêverie poétique et la réflexion métaphysique qu'elle voulait susciter par le déchiffrement qui trop souvent tenait de la clef des songes et des enquêtes du Docteur Watson10
17C'est pourtant au nom d'une phrase de Chirico lui-même que les surréalistes et toute l'historiographie surréaliste à leur suite justifiaient leur propre vision :
Pour qu'une œuvre d'art soit vraiment immortelle, il faut qu'elle sorte complètement des limites de l'humain : le bon sens et la logique y feront défaut. De cette façon, elle s'approchera du rêve et de la mentalité infantile11.
18Mais cette phrase qui paraît tant abonder dans leur sens est systématiquement citée hors de son contexte ! Voici la suite du passage :
(...) l'œuvre a une étrangeté que peut avoir la sensation d'un enfant, mais on sent en même temps que celui qui la créa le fit sciemment (nous soulignons).
19Chirico avait également écrit :
Le primitif agit inconsciemment, il suit un vague instinct mystique, l’artiste moderne au contraire agit consciemment : il guide, charge même, il force et exploite avec ruse la capacité métaphysique découverte au cœur des objets12
20On ne saurait mieux réfuter par avance le thème de l'inconscient et de l'automatisme. Nul onirisme non plus : ce ne sont absolument pas des objets du « rêve » que nous donne à voir cette peinture.
21C'est pourtant, au moins dans un premier temps, sous la double bannière de Chirico et de l'automatisme que le Surréalisme allait s'engager dans la peinture. Ce choix donna lieu à un débat. Max Morise avait pourtant prévenu :
Tout autant certes, mais pas plus que le récit d'un rêve, un tableau de Chirico ne peut passer pour typique du surréalisme : les images sont surréalistes, l'expression ne l'est pas13
22Jean Clair14 tente d'appliquer à Chirico le concept freudien d'inquiétante étrangeté lorsque les objets les plus familiers frappent de stupeur au lieu d'être reconnus, lorsque l'on doute qu'un « être en apparence animé ne soit vivant, et, inversement, qu'un objet sans vie ne soit en quelque sorte animé ». C'est par excellence, écrit Freud, le cas des « figures de cire, des poupées savantes et des automates ». Chirico parle précisément de l'effet que donnent les objets les plus familiers lorsque, à l'occasion d'un déménagement, on les reconnaît sur la rue sans qu'ils nous reconnaissent. Or, pour Jean Clair, les girafes en feu de Dali ou les nymphes de Max Ernst ne relèvent pas de l'inquiétante étrangeté :
elles se manifestent dans un univers parfaitement clos sur lui-même qui ne concerne pas le monde où nous vivons.
23Jean Clair écrit dès lors :
On pourrait même avancer que le surréalisme, quoi qu'il en eût, n’eut jamais pour tâche que de conjurer l'effet d’inquiétante étrangeté que ses partisans avaient perçue dans l’œuvre de De Chirico en ramenant l'inconnu dans les limites aisément repérables du « merveilleux » et que, loin d'ouvrir les portes du mystère, il s'empressa de les refermer15.
24Ainsi, c’est bien vers un concept freudien qu’il aurait fallu se tourner mais pas à proprement parler celui du rêve ni de l’inconscient.
3. La légende du reniement
25A partir de 1918, Giorgio de Chirico renoua avec sa formation académique et se mit à peindre des pastiches de la peinture ancienne : Titien, Rubens, Renoir, etc. Il peignit encore des chevaux cabrés au bord de la mer. Dans le même moment, il créa de nouveaux thèmes métaphysiques : les « archéologues », les « meubles » métaphysiques, etc. Certes, on ne retrouve plus dans ces tableaux la même lumière, la même rigueur de l'espace : le mystère semble s'être mué en insolite mais c'est un insolite qui n'a rien à envier à nombre de peintures qui lurent défendues au cours de sa vie par André Breton.
26La complexité des relations entre les surréalistes et Chirico pendant les années 20 fut en réalité beaucoup plus grande que ce que les uns connue l'autre voulurent bien en dire mais le résultat fut le même : Chirico fut excommunié avec une terrible véhémence.
27C'est alors que fut créée la légende du « reniement » par Chirico de sa peinture des années 10. Non seulement Chirico n'a jamais renié sa peinture d'alors mais il a continué à peindre d'innombrables tableaux qui en reprennent la thématique sans être pour autant des répliques. Dans ses diatribes contre Chirico, Aragon écrivit notamment :
Si ce monsieur, car c'est un monsieur, vient nous dire aujourd'hui que ce n'est pas de cela dont il s’agissait, que voulez-vous mon cher que cela nous foute ?16
28La preuve, de l'aveu même d'Aragon, que Chirico n'avait rien renié c'est qu'il tenta d'expliquer encore et encore aux surréalistes leur méprise sur sa peinture.
29Malgré une production d'un éclectisme, d’une diversité telle qu'elle se dérobe aux classements et aux périodisations, le credo surréaliste fut bien exprimé par Raymond Queneau :
L'œuvre de Chirico se divise en deux périodes : la première et la mauvaise.
30L'interprétation surréaliste de cette revendication du droit à l’éclectisme comme un reniement en dit long sur leur propre phobie du mélange. Insulter l'homme d’aujourd'hui, c'était à leurs yeux être fidèle à la peinture d'hier.
31Roger Vitrac cependant et Paul Eluard refusèrent de s'associer à la curée. C'est pour ce dernier, que Chirico, à l’époque en relation étroite avec Gala Eluard, avait réalisé une réplique « avec une matière plus belle et une technique plus savante » du tableau Les Muses inquiétantes. Tout au long de sa vie - Chirico est mort en 1978 - le peintre a réalisé près d'une vingtaine d'Hector et Andromaque ou de Muses inquiétantes en testant de nouvelles techniques et de nouveaux pigments. Il fit en sorte, à la fin de sa vie, que toutes ces répliques figurent en bonne place, année après année, dans le catalogue général de son œuvre.
32Nous n'avons pas ici le temps de montrer comment la production de Chirico postérieure à 1918 fut réhabilitée après avoir été longtemps totalement occultée. Nous n'argumenterons pas davantage sur notre propre point de vue : les réhabilitations enthousiastes sont souvent aussi peu argumentées que l'occultation ancienne était simpliste et injuste. Réhabiliter purement et simplement le second Chirico, c'est inverser le problème tel qu'il a été posé, c'est lui enlever toute force subversive de contestation des catégories. La preuve que la production chiricienne plus récente est intéressante, c'est qu'elle ne cesse de nous parler de celle des années 10. Mais l'indice que ce n'est plus tout à fait la même chose, c’est qu'elle nous en parle avec nostalgie.
33Le plus extraordinaire est que l'historiographie surréaliste contemporaine ne tient le plus souvent absolument pas compte du renouvellement complet de la connaissance de Chirico. Elle se contente de répéter obstinément des jugements qui ne furent pas autre chose que des anathèmes. Ainsi héritiers de Breton et de Chirico demeurent fidèles aujourd'hui encore à une grande tradition de brouille.
34On assiste certes à de saisissantes conversions dont la plus spectaculaire et la plus précoce fut celle de Patrick Waldberg. Dans son Magritte de 1965, ce dernier résumait le grand credo surréaliste :
Tout s'est passé comme si Chirico, en ces années spirituellement fastes, avait été habité par un autre qui, tout d'un coup, l'aurait déserté. Il n'a cessé depuis de dénigrer l'inspiration de sa jeunesse, tout en diffamant les poètes, Apollinaire, Breton, Eluard qui, les premiers avaient exalté son génie. Dans le même temps, il tire fierté d’une œuvre devenue, dès 1920, accablante, où se succèdent de médiocres autoportraits et des Romains dérisoires17.
35Deux ans à peine après ce verdict, le même auteur écrit au terme d'un texte tout autrement argumenté où il critique l'arbitraire de Breton :
Chirico est le seul maître de l'art contemporain qui n'ait jamais eu d'exposition rétrospective où seraient représentés tous les aspects de son œuvre. Si cette monumentale injustice devait un jour prendre fin, l'on s'apercevrait que la période métaphysique de 1910 à 1918- où l'artiste semblait opérer dans un état second - n'est pas la seule à véhiculer l'or du rêve18
36Depuis, on le sait cette injustice a été largement réparée au risque parfois de marginaliser des tableaux sans lesquels personne n'aurait vraisemblablement jamais entendu parler de Chirico.
37Ainsi, Maurizio Fagiolo dell'Arco a-t-il consacré sa vie à montrer toute la complexité et toute la richesse de l'œuvre chiricienne enfin saisie dans sa complexité. On peut cependant parier qu'à la sortie du labyrinthe, il apparaîtra que l'artiste demeurera libre et le mystère intact.
4. « Mes yeux ont vu la pensée pour la première fois »19
38Patrick Waldberg note avec quelque lyrisme :
(...) dans la nuit inclémente où Magritte, errait, hésitant, sur des sentiers peu sûrs, le fanal de Chirico, soudain vint éclairer ses pas20.
39David Sylvester note avec plus de distance :
La découverte de Giorgio de Chirico par Magritte constitue l'une des épiphanies les plus célèbres dans l'hagiographie de la peinture moderne. Ses idées sur l'art subissent un changement définitif quand on lui montre une reproduction du Chant d'amour qui l'émeut jusqu'aux larmes21.
40Ce qui frappe dans la relation de Magritte à Chirico, c'est une compréhension très proche de ce que Chirico lui-même disait à propos de sa démarche. Magritte comprend parfaitement que la peinture de Chirico n'a rien à voir avec une nouvelle forme de « peinture-peinture ». Il ne parle pas d'inconscient à son propos mais d'une « nouvelle vision » qui donne à voir le « silence du monde ». Or, cette différence capitale entre son interprétation de Chirico et celle d'un Breton recoupe presque point par point la distinction qui existe entre sa propre démarche et celle des surréalistes parisiens. Magritte écrit en 1962 à propos de sa peinture :
Je veille à ne peindre que des images qui évoquent le mystère du monde. Pour que ce soit possible, je dois être bien éveillé, ce qui signifie cesser de m'identifier entièrement à des idées, des sentiments, des sensations (le rêve et la folie sont, au contraire, propices à une identification possible). Personne de sensé ne croit que la psychanalyse pourrait éclairer le mystère du monde22.
41On croirait lire Chirico lui-même. Exactement comme Chirico, Magritte nie peindre des rêves ; exactement comme Chirico, c'est en dépaysant, en décontextualisant des objets non pas issus de quelque monde fantastique mais bien directement du quotidien qu'il entend donner à voir ce que Jean Clair, à la suite de Freud, appelle l'inquiétante étrangeté. Pour expliciter le principe du « dépaysagement » des objets familiers, Magritte prend, tout comme de Chirico, l'exemple du mobilier en parlant d'une « table Louis-Philippe sur la banquise »23.
42Dans l'historiographie, on souligne parfois les différences entre la conception de Magritte et celle des autres surréalistes, écrit-on, comme par exemple de Chirico. C'est une pure aberration : c'est précisément parce qu'il était fidèle à la véritable démarche de Chirico que Magritte différait tant des autres surréalistes !
43Il importe de ne pas confondre les emprunts thématiques faits par Magritte à la peinture de Chirico avec la démarche d'un Carlo Carra. La période dite métaphysique de ce dernier n'a pas du tout le même caractère de révélation et de rupture. Elle constitue prioritairement un moment de réorientation plastique entre effervescence futuriste et problématique du « retour à Giotto ». Magritte, à l'inverse, est bien l'héritier de ce qu'il y a d'essentiel chez Chirico. Parler de « plagiat » serait proprement absurde. D'abord parce que Magritte a lui-même assez porté l'attention sur l'impact de Chirico sur son œuvre. Mais surtout parce que ce serait se situer dans la foulée d'une conception de la peinture et de l'histoire de l'art, avec ses impératifs de renouvellement et d'originalité, qui n'a rien à voir avec la démarche de nos deux artistes. Magritte est parti sur les pas de Chirico à la recherche du mystère du monde, il l'a suivi dans une aventure à propos de laquelle les historiens de l'art tout préoccupés de leurs raisonnements en termes de périodes, d'authenticité et de préséance n'ont rien à nous dire. Peu importe aux vrais chasseurs de savoir qui a vu le loup le premier.
44Il reste que cette notion de mystère, omniprésente dans la littérature sur Magritte, sur un mode allusif si pas incantatoire, trouve à notre sens une toute autre assise philosophique dans sa filiation chiricienne. Elle renvoie alors à toute une réflexion issue de Nietzsche où la mort de Dieu ne coïncide pas avec la fin de l'Enigme. L'hypothèse du fatum continue de limiter les consciences dans un état d'esprit se cherchant entre terreur et éblouissement, incompatible avec l'adhésion au mythe du progrès. Que Magritte, marqué à vie par Chirico, ait été par ailleurs un lecteur enthousiaste de La crise du monde moderne de René Guénon n’étonne guère. Il y a lieu par contre de s'interroger sur ses relations à l'optimisme historique de l'idéologie communiste. Cette étrange tentative de conciliation entre la mélancolie chiricienne des après-midis d'automne et la croyance tonitruante au grand soir mériterait examen.
45Insister trop lourdement sur la grande proximité de sa démarche avec celle de Chirico, c'était pour Magritte beaucoup plus qu'affirmer son originalité vis-à-vis de Breton, c'était carrément mettre en lumière tout l'arbitraire et tout le porte-à-faux de l'interprétation de ce dernier. Nous postulerons que vouloir être pleinement fidèle à Chirico et être pleinement reconnu de Breton et des surréalistes n'a cessé de placer Magritte dans une situation de double contrainte. Comment le jeune Magritte aurait-il pu aller violemment à l'encontre des préjugés du groupe dans lequel il cherchait une famille ? Aragon, on s'en souvient, avait déclaré : « Si ce monsieur, car c'est un monsieur, vient nous décimer aujourd'hui que ce n'est pas de cela dont il s'agissait, que voulez-vous que cela nous foute ? » Magritte qui surgissait dans la galaxie surréaliste parisienne au moment même de l'anathème définitif contre Chirico, en 1928, allait-il insister lourdement sur le fait qu'il s'agissait effectivement d'autre chose que d'onirisme et d'automatisme ?
46Tel est bien le point que nous voulons souligner ici auprès de quoi la réflexion en termes d’emprunts thématiques paraît secondaire. Ne donnons que deux exemples. Dans ses tableaux des années 10, Chirico associait le thème de l'énigme de l’horloge et celui du train en éternel passage ou en éternelle partance.
47Dans son tableau La Durée poignardée, Magritte ne « colle » pas par hasard le thème du train et celui de l'heure, c’est l’association, la structure entre ces deux thèmes qu’il reprend à Chirico tout en l’inscrivant avec humour non au sein d’une ville mais d’un intérieur.
48Il ne s'agit pas d'un emprunt mais bien plutôt d'un clin d’œil délibéré, d'un hommage ému autant que d'un calembour, d'un renouvellement autant qu’un retournement du mystère. Le lien à Chirico est aussi direct que subtil et il n'a rien à voir avec les influences thématiques ou stylistiques dont nous parlent les historiens de l'art à propos d'autres artistes.
49De même, dans Au Seuil de la Liberté, Magritte ne reprend pas simplement le thème du canon à Chirico (La conquête du Philosophe), il le reprend explicitement avec sa connotation sexuelle24.
50Dans un esprit proche du nôtre. José Vovelle parle à propos des liens évidents entre La Mémoire et Le Chant d'Amour d'un « hommage » délibéré bien plutôt que d'une « inspiration »25. Il convient de rapporter ce phénomène au goût ludique, de tradition dadaïste et surréaliste, pour les citations.
5. Le nouvel Hebdomeros
51Les relations entre Magritte et André Breton furent, on le sait, en dents de scie tout au long de leur tumultueuse amitié. Magritte avait été proche du dadaïsme de Picabia que Breton avilit prétendu « surmonter ». Nul doute que le Belge a été heureux et touché de sa reconnaissance par le groupe surréaliste en 1928. Une première brouille avec Breton se produit pourtant dès 1929 pour prendre fin en 1933.
52Si Magritte devait vraisemblablement marcher sur des œufs quand il parlait de Chirico avec Breton, il devait avoir une beaucoup plus grande liberté de parole avec Paul et Gala Eluard, ou avec Salvador Dali. Ces personnalités n'ont pas pu ne pas parler ensemble de Chirico, cet artiste qui les avait tant marqués personnellement et dont l'excommunication avait tant secoué le groupe surréaliste, au moment de leurs vacances communes à Cadaquès. Il n'est pas davantage impossible que Magritte ait été au courant de la réalisation par Chirico d'une réplique des Muses inquiétantes au profit d'Eluard. On sait qu'en 1935, Paul Eluard devait écrire un poème en hommage à Magritte qui donnera des dessins pour un recueil du poète en 1945. C'est Eluard encore qui devait s'opposer à Breton lors de la première tentative de mise à l'écart de Salvador Dali, un épisode qui tendit à se profiler comme un premier remake de l'affaire Chirico.
53C'est au même Paul Eluard que Magritte devait écrire en 1941 :
(...) Je suis parvenu à renouveler l'air de ma peinture, c'est un charme assez puissant qui remplace maintenant dans mes tableaux la poésie inquiétante que je m'étais évertué jadis d'atteindre. En gros, c'est le plaisir qui supprime toute une série de préoccupations que je voudrais ignorer de plus en plus26,
54Magritte aspire à tourner une page, il souhaite prendre ses distances avec l'inquiétude. Un tel aveu ne manque pas de mettre en perspective les déclarations où l'artiste paraîtra détourner les observateurs de cette poésie inquiétante par une prose rassurante.
55Quelques années plus tard, cette tentation allait s'incarner dans la fameuse période Renoir et la volonté de théoriser ce que Magritte appellera un « surréalisme solaire ». En 1946, Magritte « fait observer que, si l'on vise à semer les ténèbres et la panique, c'est là une chose que les nazis faisaient beaucoup mieux ». « Contre le pessimisme général », il entend opposer « la recherche de la joie, du plaisir » et rechercher « un nouveau sentiment qui peut affronter la lumière du feu du soleil »27.
56C'est à l'évolution de Chirico que va être comparée l'évolution inattendue de Magritte. Van Hecke écrit ainsi à Mesens en avril 1946 :
(...) Magritte, entêté, buté, accroché à ses erreurs (et horreurs !) actuelles, tiendra à exposer (...) ses œuvres récentes. Hélas, de plus en plus, son cas ressemble à celui de Chirico et sa suite de chevaux et gladiateurs quoique ces derniers Magritte soient encore bien plus mauvais. (...) Quel drame, nom de Dieu !28
57André Breton, dont Magritte défie plus qu'implicitement l'orthodoxie, le met solennellement en garde dans une lettre du 14 août 1946 :
Soyez assuré qu'aucune de vos dernières toiles ne me donne l'impression du soleil (Renoir, oui) : vraiment pas la plus petite illusion. Est-ce ma faute après tout ? J'objecte pourtant de toutes mes forces à être confiné dans la nuit (...) Contrairement à ce que vous pensez, je suis aussi amoureux de la lumière, mais seulement de la lumière créée. Le soleil ne fait d'ailleurs pas nécessairement l'heureux. Faites donc, à l'occasion, un tour en Haïti. Quitte à vous déplaire encore bien davantage - et je le regrette, ceci n'est pas une simple formule de politesse, je vous ferai souvenir de ce qu'il est advenu de Chirico, à partir de l'instant où pour des raisons après tout peut-être aussi valables que les vôtres, il est sorti délibérément de son époque nocturne - ou onirique, comme vous voudrez. (...) Un jour, il a cru sortir à l'air libre. Enfin, on respirait. Et je te campe deux chevaux piaffant d'aise. (...) Les voilà bien, les fantômes ces chevaux postiches, ce soleil qui n'en peut mais ! Je vous le dis sans crainte, à vous qui avez su tant de fois ‘trouver du nouveau' et le rendre sensible29.
58Le 20 août, Magritte répond à Breton et commente cette comparaison :
En comparant ceci aux intentions de Chirico, il y a ressemblance où Chirico voulait sortir d'une époque révolue, il y a totale différence là où Chirico faisait appel aux joies délaissées de la peinture italienne, revenant à l'école au lieu de faire l'école buissonnière30.
59Le manifeste d'octobre 1946 Le Surréalisme en plein soleil fait preuve d'une réelle virulence : tout se passe comme s'il s'agissait d'en finir, contre le surréalisme orthodoxe, avec les « ombres », les « ténèbres » et l’« inconnu » pour s'ouvrir au monde et à la lumière. Breton prendra vivement Magritte à partie dans un texte de 1947.
60Quoi qu'en dise Magritte, cet épisode marquant de la saga surréaliste rappelle étonnamment la version que donnait implicitement de Chirico de sa brouille avec les surréalistes dans le roman Hebdomeros publié un an après son excommunication (1929) mais néanmoins vivement salué par Aragon. Comment ne pas reconnaître Breton dans ce passage décisif :
(Hebdomeros) pensa avec tristesse à la stupidité et l'incommensurable égoïsme de cet homme qui pour satisfaire un désir de romantisme de mauvais aloi, voulait obliger des dizaines et des dizaines de personnes à rester dans l'obscurité sans penser que parmi tout ce monde, il y avait peut-être des photomanes, c'est-à-dire des individus aimant passionnément la lumière et peut-être aussi des scotophobes, c'est-à-dire des personnes craignant l'obscurité. C'était tout simplement révoltant31.
61Dali, également, au moment de sa brouille définitive avec les surréalistes s'était exclamé :
Fini de nier, fini le malaise surréaliste de l'angoisse existentielle32
62Contre l'opinion commune marquée par le verdict surréaliste, David Sylvester défend la sensualité, l'humour, de la période pseudo-impressionniste. Il y voit une étrangeté, une subversion délibérée. Il utilise ici exactement le même type d'arguments qui ont été utilisés pour réhabiliter la production maudite de Chirico. Il note d'ailleurs avec ironie :
Breton ira dans la tombe avec le sentiment fallacieux que Chirico n'a plus réalisé une seule peinture importante après 191933.
63Deux ans plus tard, c'est le fameux épisode de la période Vache. Lors de la seule exposition Magritte tenue à Paris, l'artiste défie brutalement le goût parisien avec des thèmes obscènes et drolatiques peints dans des couleurs violentes. Le tableau Le Psychologue, représente un homme nu de dos qui tient une rose. Il tourne cependant son visage grotesque au nez hypertrophié vers le spectateur. Ce personnage nous fait penser à la série des Gladiateurs de Chirico honnie par Breton. Si notre rapprochement est fondé, on pourrait y voir un indice de ce que Magritte ne cherche plus désormais à se démarquer de l'amalgame avec Chirico : il le brandit avec une ironie provocatrice comme une arme de guerre. « Les sbires de Breton » – l'expression est de D. Sylvester – réagissent très mal et contribuent à noircir d’insultes le carnet des visiteurs. Paul Eluard, définitivement brouillé à cette époque avec Breton, le même Eluard qui avait critiqué les exclusions de Chirico et de Dali, cet Eluard en compagnie de qui Magritte passait jadis ses vacances chez Dali, écrit cependant : « Rira bien qui rira le dernier ». Ici encore David Sylvester défend l'artiste belge dans un discours qui rappelle à nouveau celui des avocats du « second » Chirico :
Si les périodes pseudo-fauve et pseudo-impressionniste représentent un écart par rapport au style normal de Magritte, elles ne traduisent pas pour autant un abandon de son attitude générale à l'égard des styles34.
64On a quelquefois vu dans la période Vache une revanche du dadaïsme drolatique de Picabia et de Satie contre l'austère surréalisme. Il s’agirait de rendre ses droits à un humour festif, critique, capable de prendre distance. Ici encore, on songe à un passage d'Hebdomeros où nous reconnaissons Breton et Chirico. Il s'agit d'une étrange comédie où des acteurs jouent le rôle d'écoliers. Le comédien qui joue le maître d’école prend tout à coup la scène pour la réalité et réprimande son collègue qui jouait le rôle d'un élève indiscipliné :
'Monsieur, je trouve que vous exagérez’. A quoi l'autre répondit d'un ton non vexé :'Et vous monsieur, vous oubliez que nous sommes des acteurs sur une scène et que ce que nous représentons est une fiction. D'ailleurs ayant l'honneur de vous connaître depuis assez longtemps, je trouve que vous n'avez jamais compris la plaisanterie’. Cette réplique au fond très raisonnable mit le comble à la fureur de l'ex-consul, il perdit tout contrôle de ses actes et faisant un pas en avant fit le geste de gifler son interlocuteur35.
65Et puisque la référence à Nietzsche est chez Chirico omniprésente, on ne peut s'empêcher de penser à la bombe Carmen lancée par le philosophe du Gai Savoir à la tête des wagnériens fervents. Pour surmonter la crise du nihilisme, il faut pouvoir un jour renoncer au sublime pour célébrer le kitsch, avec une distance ironique. Le kitsch, n'est-il pas, aux dires de Kundera, le destin de toute chose ? Qu’y a-t-il de plus kitsch entre un billet de cinq cent francs à l'effigie du grand homme et un pseudo-Renoir honni par les magrittiens fervents ? Qu'y a-t-il de plus drôle ?
66Le Belge n'est donc pas simplement l'un des seuls véritables héritiers de Chirico, il semble un moment suivre un itinéraire aussi inattendu que le sien et qui invite ses contemporains et les critiques à le comparer à lui. Exactement comme Chirico, Magritte va encore se mettre à réaliser de nombreuses répliques et variantes de ses œuvres. Le nombre de répliques des Muses inquiétantes n'a d'égal que celui de L’Empire des Lumières ! Cette contestation implicite d'une certaine conception romantique de l'artiste et du fétichisme de l’œuvre unique a pu, dans l'un et l'autre cas, être comparée à la démarche d'un Duchamp ou d'un Warhol. Le débat reste ouvert : la duplication est-elle duplicité ? Et le cas échéant, cette duplicité n'est-elle pas hautement signifiante pour autant qu'elle se trouve assumée ?
67Suzi Gablik note :
C'est un trait caractéristique de Magritte et de sa propre relation équivoque avec les Surréalistes qu'il ne s'opposa jamais à Chirico ni à ses œuvres ultérieures et qu'il continua à les défendre pendant longtemps36.
68Fasciné par Chirico, Magritte va au début des minées cinquante franchir le Rubicon et tenter de prendre directement contact avec le maître italien. On ne peut imaginer pire hérésie aux yeux des surréalistes : s'adresser à ce traître, à ce mort-vivant ! Ce dernier lui répond avec une réelle amabilité le 14 février 1953, soit pas moins de vingt-cinq ans après l'anathème lancé contre lui par Breton et Aragon :
Cher Monsieur et Collègue, Excusez-moi si je réponds avec tant de retard à votre aimable lettre du 31 décembre dernier. J'ai été voir votre intéressante exposition et je vous en félicite. Vos tableaux contiennent beaucoup d'esprit et ne sont pas désagréables à regarder comme le sont beaucoup de peintres de ce genre qu'on appelle « Surréalistes ». J'espère (...) de vous connaître personnellement37.
69Mais dans ces mêmes minées cinquante, Magritte qui. dit-il, sous les instances de sa femme, en est revenu à son ancienne manière, a souci de se rapprocher d'André Breton. La réconciliation aura bien lieu, scellée par ce texte ému de Magritte au moment de la mort du poète en 1966, où évoquant la complicité de leurs échanges de regard, il écrit :
Sa pensée recherchait la vérité, par la poésie, l'amour et la liberté38
70Comment ne pas penser encore et toujours au tableau de Chirico Le Chant d'Amour lorsqu'on lit à nouveau ce témoignage de Magritte de 1938 à propos de sa propre peinture :
Je montrais dans mes tableaux des objets situés là où nous ne les rencontrons jamais. (...) Etant donné ma volonté de faire hurler les objets les plus familiers, ceux-ci devaient être disposés dans un ordre nouveau, et acquérir un sens bouleversant. (...) Quant au mystère, à l'énigme que mes tableaux étaient, je dirai que c'était la meilleure preuve de ma rupture avec l'ensemble des absurdes habitudes mentales qui tiennent généralement lieu d'un authentique sentiment de l’existence39.
71Dans ce texte, Magritte reprend à son compte l'expression même qu'il avait utilisée par ailleurs pour Chirico : rompre avec des « habitudes mentales ». La fidélité contrariée de Magritte à Chirico ne l'aura cependant jamais fait rompre définitivement avec André Breton.
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Notes de bas de page
1 « Cité par M. FAGIOLO DELL'ARCO », De Chirico e Savinio dalla metafisica al Surrealismo, dans Arte Italiana. Presenze, 1900-1945, catalogue d'exposition, Venise, 1989, p. 146.
2 A. BRETON, Le Surréalisme et la peinture, Paris. Gallimard, 1979, p. 13.
3 R. MAGRITTE, « La ligne de vie ». dans G., OLLINGER-ZINQUE et F. LEEN. (sous la direction de). René Magritte, Catalogue du Centenaire, Bruxelles, Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, Gand, Ludion, Paris, Flammarion, 1988, p. 44.
4 D. SYLVESTER, Magritte, Paris, Flammarion. 1992, p. 110.
5 Cité par C. SALA, Peinture métaphysique dans Encyclopaedia Universalis, vol. XXII, Paris, 1968, pp. 717-718.
6 D. SYLVESTER, Op. cit., p. 142.
7 G. de CHIRICO, Mémoires, Paris, Editions de la Table ronde, 1965, p. 121.
8 M. FAGIOLO DELL'ARCO, « Le rêve de Tobie », dans Cahiers du Musée National d'Art Moderne, no 7/8, 1981, p. 283.
9 Elle est vraisemblablement à relier à l’influence d’Apollinaire. Voir P. BALDACCI, Giorgio de Chirico. 1888-1919. La métaphysique, Paris, Flammarion, 1997, pp. 163-164, 178-193. (Selon cet auteur, toujours, la lecture de Sexe et Caractère d’Otto Weininger aurait été à la fois plus tardive et moins déterminante qu’on ne l’avait cru jusqu’ici).
10 S. FAUCHEREAU, « La peinture métaphysique et l'écrit chez Chirico et Savinio », dans Critique, no 403, décembre 1980, p. 1165.
11 « Le Carnet de de Chirico du Musée Picasso », dans Cahiers du Musée National d'Art Moderne, no 13, 1984, p. 55. Ce texte cité de façon presque systématiquement lacunaire a longtemps été en possession de Paul Eluard de sorte que l'interprétation surréaliste n'a longtemps pu être démentie. Dans le même passage daté de 1913, G. de Chirico chantait son amour de la Grèce : il serait donc particulièrement insensé et malhonnête de faire passer son hellénomanie future pour un reniement.
12 Cité dans Giorgio de Chirico, catalogue d'exposition, Musée National d'Art Moderne, Paris, 1983, p. 250.
13 Cité dans ibidem, p. 265.
14 J. CLAIR, Metafisica et Unheimlichkeit, dans Les Réalismes. 1919-1939, cat. d'expos., Musée National d'Art Moderne, Paris, 1980, pp. 26-34.
15 Ibidem, pp. 29-30.
16 L. ARAGON, « Le feuilleton change d'auteur » (1928), dans Ecrits sur l'Art Moderne, Paris, 1981, pp. 20-21.
17 P. WALDBERG, René Magritte. Bruxelles, André de Rache, 1965, p. 158.
18 P. WALDBERG, « Giorgio de Chirico : les jouets du prince », dans Preuves, no 202, 1967, p. 43. Ce virage à 180 ° n'est pas étranger aux démêlés contemporains de cet auteur avec A. Breton et les siens. Voir A. et O. VIRMAUX, André Breton. Qui êtes-vous ?, Lyon, La Manufacture, 1996. pp. 146-147. J.-P. CLEBERT, Dictionnaire du surréalisme, Paris, Seuil, 1996, p. 603. La légende du reniement est reprise dans ce dernier dictionnaire (p. 197) sur base d'une citation des Mémoires de Chirico où ce dernier se contente en fait de critiquer l'interprétation surréaliste de ses œuvres. Ainsi, soixante-dix ans après l'anathème d'Aragon, il existe encore une orthodoxie assez puissante pour amalgamer contestation du credo surréaliste et trahison de soi. J.-P. Clébert ajoute : « Ensuite, il affirmera que certains tableaux sont des faux ». Il semble que cet auteur soit malheureusement passé à côté de cet autre passage décisif des Mémoires : « Diverses légendes ont été forgées sur mon compte dont les principales sont : que j'ai renié ou répudié mes tableaux métaphysiques et que lorsque l'on me montre une toile métaphysique que j'ai peinte, je la déclare fausse » (op. cit., p. 223). Même son de cloche chez Gérard Durozoi qui va jusqu'à affirmer que dans la peinture postérieure au prétendu reniement, les « mannequins anonymes » laissent la place aux « héros mythologiques » (G. DUROZOI, Histoire du mouvement surréaliste, Paris, Hazan, 1997, p. 104). Quid des nombreux mannequins des années vingt ? De la mauvaise foi considérée comme l'un des Beaux-Arts...
19 R. MAGRITTE, Ecrits complets, Paris, Flammarion, 1979, p. 664.
20 P. WALDBERG, René Magritte, op. cit., p. 95.
21 D. SYLVESTER, Op. cit, p. 71.
22 Cité par G. OLLINGER-ZINQUE, « La culture des idées », dans G. OLLINGER-ZINQUE et F. LEEN, op. cit., p. 14.
23 R. MAGRITTE, « La ligne de vie », op. cit., p. 46. Dans un article intitulé Statues, meubles et généraux (dans Bulletin de l'Effort moderne, no 38, 1927), de Chirico avait parlé du déplacement des meubles « que nous sommes habitués à voir depuis notre enfance jusqu'au milieu de la rue - ce qui arrive pendant les déménagements - (...) de sorte qu'ils nous apparaissent dans une lumière nouvelle (...) revêtus d'une étrange solitude » (cité par J. CLAIR, Metafisica et Unheimlichkeit, op. cit., p. 32). Dans Le Mystère laïc écrit l'année suivante, Jean Cocteau écrivait : « Le vrai réalisme consiste à montrer les choses surprenantes que l'habitude cache sous une housse et nous empêche de voir. (...) Un fauteuil Louis XVI nous frappe devant le magasin de l'antiquaire, enchaîné sur le trottoir. Quel drôle de chien ! C'est un fauteuil Louis XVI. Dans un salon, on ne l'aurait pas vu. Chirico nous montre la réalité en la dépaysant. C'est un dépaysagiste. Les circonstances étonnantes où il place une bâtisse, un œuf, un gant de caoutchouc, une tête de plâtre, ôtent la housse de l'habitude, les font tomber du ciel comme un aéronaute chez les sauvages et leur confèrent l'importance d'une divinité » (repris dans J. COCTEAU, Essai de critique indirecte, Paris, Grasset, 1932, p. 56-57). Quatre ans plus tard, il note encore : « Il suffit de regarder les meubles du XVIIIe siècle que les gens du monde trouvent délicieux et de les regarder sans les lunettes de l'habitude, pour voir l'air effrayant qu'ils eurent à l'origine, l'air des macaques et des nains qu'on aimait alors » (« Des Beaux-Arts considérés comme un assassinat » dans J. COCTEAU, ibidem, p. 165). Dans sa conférence de 1938, Magritte écrivait encore : « Il convenait, comme on voit, que le choix des objets à dépayser fût porté sur des objets très familiers, afin de donner au dépaysagement son maximum d'efficacité ».
24 Comme chez Chirico, l'aveu délibéré, conscient de l'érotique, brouille les cartes des apprentis psychanalystes, puisque c'est l'artiste lui-même qui reste maître du jeu. Qui traquera les problèmes érotiques le fera parce que l'artiste l'aura bien voulu et ce sera autant de temps perdu pour s’ouvrir au véritable mystère. Là où nous insistons pour un tableau comme La durée poignardée sur la référence nuancée à Chirico, José Pierre écrit : « j'en suis convaincu, (ce tableau) est une figuration du coït - la locomotive fumante tenant le rôle du pénis en érection et la cheminée celui du sexe de la femme » (J. PIERRE, Magritte, Paris, France Loisirs, 1984, p. 102). Il est tentant de reprendre à son compte les critiques de Magritte contre les interprétations « psychanalytiques » lorsqu'elles prennent un tour aussi réductionniste et systématique.
25 J. VOVELLE, Le Surréalisme en Belgique, Bruxelles, André de Rache, 1972, p.87. Cet auteur parle à propos de la référence chiricienne et des thèmes métaphysiques chez Magritte de "prolifération explosive" et de "prospection délibérée".
26 D. SYLVESTER, Op. cit., p. 319
27 Ibidem, p. 253
28 Ibidem, p. 334-335.
29 A. BRETON, cité par J. PIERRE, Op. cit... p. 128.
30 R. MAGRITTE, Écrits complets, Op. cit., p. 202.
31 G. de CHIRICO, Hebdomeros, Paris, Editions Carrefour, 1929, p. 188.
32 Cité par S. DALI et A. PARINAUD, Comment on devient Dali ?, Paris, Robert Laffont, 1973, p. 266.
33 D. SYLVESTER, Op. cit., p. 253.
34 Ibidem, p. 351.
35 G. de CHIRICO. Hebdomeros, Op. cit., p. 33.
36 S. GABLIK. Magritte, Bruxelles, Cosmos Monographies, 1978, p. 72.
37 Ibidem, p. 73.
38 Cité par D. SYLVESTER. Op. cit., p. 255.
39 R. MAGRITTE, « La ligne de vie », op. cit., p. 46.
Auteur
Université catholique de Louvain
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