Chapitre III. La providence a-t-elle un sens en philsophie politique ?
p. 43-62
Texte intégral
1S'interroger sur la providence dans le cadre d'une réflexion en philosophie politique ne suppose pas d'emblée qu'un choix a été posé en faveur d'une approche compréhensive ou morale de la philosophie politique. Il ne s'agit a priori ni de tenir pour susceptible de vérité une vision substantielle du monde1, ni de prendre appui sur une typologie générale des registres de justification permettant de tester les prétentions à la validité d'un jeu de langage incorporant la signification de la providence2.
2Sans restreindre a priori l'objet de la philosophie politique par une théorie des principes, mais également sans vouloir souscrire d'emblée à l'idéalisation d'un cadre de référence posant des conditions de recevabilité, il nous a paru plus intéressant de nous en tenir à un certain usage de la raison politique en rapport à la notion de providence.
1. Un providentialisme politique ?
3De l’augustinisme politique au machiavélisme et du kantisme politique au républicanisme contemporain, on ne peut nier un certain intérêt pour la providence dans les réflexions sur l’art de gouverner. Ne présente-t-on pas habituellement le passage de la théologie politique médiévale à la philosophie politique profane de la Renaissance comme une rupture avec le providentialisme de la première ? L’intérêt positif pour la providence devient donc un intérêt négatif qui permet de construire l’autonomie de la réflexion politique à partir de la contingence du pouvoir comme nouvelle ontologie de l’ordre social. La tâche critique de la philosophie politique serait de sauvegarder ce rapport de contingence contre toutes les tentatives de restauration d’une forme de dépendance à l’égard d’un ordre absolu prédonné qui reléguerait le pouvoir d’institution sociale au rang de moyen. Même maître dans son registre (suprema in suo ordine3), une normativité politique qui ne se conçoit pas totalement à partir d’elle-même comme forme instituante en reste au niveau de l’économie stratégique des moyens. Il n’y aurait dès lors guère de différence sur le plan politique entre la soumission prônée par Paul ou Augustin et l’attitude dite plus moderne d’un Luther ou d’un Ignace de Loyola.
4Ignace de Loyola peut donner à penser à cet égard pour sa distinction si nette entre l'effort humain et le sens de la divine providence4. Pour agir, il faut d'abord se placer tout entier dans l'ordre des conditionnements humains, faire tout ce qui est apparemment possible, pour, ensuite, s'en remettre à Dieu5. On ne peut confondre sans préjudice les exigences sociales de l'action (moyens) et la portée réelle de tous nos actes à l'intérieur de l'économie salvifique (fin). Ainsi, par exemple, "l'Église, en tant que d'une manière ou d'une autre elle cristallise un pouvoir, est un moyen parmi les autres, non négligeable (...) ; mais l'Église en tant qu'elle est constituée, ou à constituer, des "fidèles" ou des "infidèles", selon le projet illimité de "la plus grande gloire de Dieu", telle est la fin ; et le Souverain Pontife, en tant qu’il est un pouvoir en particulière connivence avec cette fin, est un super-moyen, rien de moins, rien de plus"6. De même, Ignace remarque combien la théologie réformée est une "réalité offensive"7, alors que la théologie scolastique est devenue un "idéal stérilisant", une fin en soi8. En effet, "Le savoir qui se prend pour une fin (dans la scolastique ou l'humanisme) est par là même idéologique"9.
5Et, de ce point de vue, le mérite de Luther est sans doute d'avoir lutté pour le retour d'une "théologie-moyen" et contre une théologie d'auto-consécration du pouvoir de l'institution10 par le pouvoir de l'esprit. Dans l'esprit d'Ignace, aucune conscience spirituelle ne pourra jamais se substituer à la conscience de l'action. Il faut au contraire renverser le schème spiritualiste où l'on s'imagine agir comme Dieu agirait, pour apprendre à agir à partir des limites concrètes de l'expérience et à être capable de trouver encore dans cette action un signe de la Providence. Comme l'écrivait Erich Przywara, Ignace pense sa théologie de la mission à partir de la sécularité11.
6De Paul à Loyola, la théologie du pouvoir-moyen envisage donc de rompre avec le moyen qui se comporte comme une fin, mais à aucun moment, elle n’envisage que la finalité puisse être totalement reprise dans l’ordre politique comme un mode de détermination immanent du pouvoir : celui d’être le moyen d’imposer des fins, c'est-à-dire d’être la garantie de la cohésion sociale dans un univers d’apparences et de contradictions. La question de l’autonomie de la raison politique apparaît ainsi dans son opposition au schéma de dépendance du providentialisme comme le défi d’être à soi-même sa propre providence : une sorte d’immanentisme du pouvoir à l’égard du gouvernement du monde. L’autonomie n’est donc pas l’envers de la dépendance, mais bien son intériorisation comme l’a souligné à maintes reprises l'École de Francfort12.
7La normativité politique ne découvre donc pas d’abord le champ de ses possibles à partir d’un relativisme propre à la raison stratégique. Celle-ci était déjà compatible avec la théologie du pouvoir-moyen. Elle se découvre plutôt elle-même comme la manifestation de la volonté de pouvoir qui fonde la cohésion sociale. Mais la raison politique en tant que manifestation de la volonté de pouvoir n’est qu’une forme dérivée de celle-ci : elle repose sur le postulat pratique d’une volonté de cohésion sociale et est tenue en conséquence de justifier l’adhésion à sa forme d’effectuation. Son institution n’est donc qu’un moyen pour une forme de concrétisation de la cohésion sociale, une cohésion qui reste toujours à vouloir à nouveau. L’économie providentialiste reprend donc subrepticement ses droits, puisque le pouvoir demeure moyen à l’égard d’un ordre désormais voué au progrès plutôt qu’à la stabilité.
8M. Foucault a analysé avec beaucoup de finesse cette nouvelle forme d’auto-contrôle du pouvoir-moyen dans la société moderne. Loin de se contenter d’imposer une discipline collective, la raison politique moderne veut confirmer sa propre compréhension de soi comme institution contingente et travaille à rendre effectivement autonome la volonté de pouvoir. C’est pourquoi à côté d’un mécanicisme social aux allures totalitaires, la raison politique moderne n’a de cesse d’élaborer des processus d’apprentissage qui devraient rendre superflus ces mécanismes. Elle est donc traversée d’un élan paradoxal qui consiste à imposer sa vision combinatoire du champ des pratiques et à chercher les conditions qui permettront aux pratiques de s’auto-ajuster. Son éthique apparaît comme une science des conduites qui doit mener à la responsabilité, c'est-à-dire à une forme d’adhésion autonome à la cohésion sociale. D’un côté, "Avec l'éthique, la pratique sociale devient le lieu en fonction duquel s'élabore une théorie des conduites. Dans le même temps, la doctrine d'hier se mue en un fait de "croyance" : c'est une "conviction" (c'est-à-dire une opinion combinée à une passion), ou une "superstition", en somme l'objet d'une analyse articulée sur des critères autonomes. Autrement dit, l'éthique joue le rôle jadis alloué à la théologie. Une "science des mœurs" juge désormais l'idéologie religieuse et ses effets, là où la "science de la foi" classait les comportements dans une sous-section intitulée "théologie morale" et hiérarchisant les conduites selon les codes de la doctrine. D'un autre côté, la conscience de la réalité sociale doit se modifier pour donner une forme nouvelle à la responsabilité sociale ébranlée par l'éclatement des cadres traditionnels de référence : il faudrait désormais que la conscience puisse assumer à titre d'acteur collectif l'initiative d'une construction sociale, en se libérant par son action de l'ancienne conscience-esclave qui liait son salut à sa soumission et concevait le pouvoir comme l'exigence d'une "servitude volontaire"13.
9La raison politique se produit donc comme forme d’emprise provisoire en vue d’une intériorisation généralisée des exigences de la vie sociale par tous ses membres. C’est dans cet esprit que les Lumières ont cherché à éduquer le peuple, comme acteur collectif, pour l'affranchir de sa tutelle. "La légalité des Lumières, système particulier dans l'ensemble du XVIIIe siècle français, implique une contradiction interne qui lui fait à la fois prévenir les masses qu'elle domine mais qui lui restent étrangères, et attendre que l'essence cachée du peuple se révèle dans une société "transparente" — comme le veut le grand mythe contemporain créé par Rousseau ou l'expérience révolutionnaire. L'Éducation, en particulier, Croisade du XVIIIe siècle, est travaillée par cette insurmontable ambivalence. Elle colonise, certes, mais c'est aussi une quête eschatologique : elle attend que viennent la confirmation et l'effectivité de ce qu'elle énonce déjà"14.
10Ce paradoxe atteint son sommet chez Kant. Dans le même esprit, Kant attendait la majorité du peuple, sa sortie de la minorité. Dans son écrit de 1793 Sur l'expression courante : il se peut que ce soit juste en théorie, mais en pratique cela ne vaut rien, il s'oppose à la critique mendelssohnienne de L'Éducation du genre humain de Lessing. Selon lui, la pédagogie divine imaginée par Lessing n'est rien d'autre que la nature humaine orientée vers la réalisation de la loi morale15. Cette disposition morale en l'être humain justifie la confiance dans le progrès de l'humanité au plan pratique, parallèlement au progrès de la culture que l'on peut observer au plan théorique. Certes l'on peut envisager des moments d'interruption dans ce progrès, des points de stagnation, mais jamais des régressions qui obligeraient toujours à reprendre le même chemin16. Il n'existe pas de praxis absolue ou de méthode infaillible capables de garantir la réussite du Plan divin inscrit dans la nature humaine. Mais cette nature irréductible assure de la direction suivie par l'histoire des peuples, car les pratiques qui contredisent cette nature provoquent une accumulation de pression dans la conscience qui entraînent une rationalisation de l'ordre social visant à écarter les pratiques immorales17. Ainsi, écrit Kant, "je fais également confiance (in subsidium) à la nature des choses qui contraint d'aller où on ne veut pas aller de son plein gré (fata volentem ducunt nolentem trahunt). Car en cette nature des choses, c'est aussi la nature humaine qui est alors prise en compte : le respect du droit et du devoir demeurant en elle toujours vivant, je ne puis ni ne veux la tenir pour enfoncée dans le mal au point que n'en doive finalement triompher la raison morale pratique, après maints essais infructueux pour la présenter comme également digne d'être aimée"18.
11Si l'on en croit l'Anthropologie d'un point de vue pragmatique, l'action éducative est directement liée aux effets de pression provoqués dans la conscience par les actes perçus comme contredisant la nature humaine.
12"Car ce sont des hommes, c'est-à-dire des êtres d'un naturel méchant mais raisonnables, capables d'invention mais doués aussi d'une disposition morale, qui, dans l'accroissement de la culture, éprouvent d'autant plus vivement les maux qu'ils se font les uns aux autres par égoïsme ; (...)"19.
13Ainsi l'éducation, vecteur du progrès culturel, a pour fonction de cultiver en vue de la moralité, c'est-à-dire de rendre toujours plus intolérable pour la raison l'épreuve de la contradiction entre ce qui doit être et ce qui est. Elle a pour tâche d'instaurer une distance entre la conscience et les penchants naturels de la liberté, sa capacité à se laisser séduire par les attraits de la félicité20. À ce niveau, le progrès pratique est lié au progrès théorique, dans la mesure où ce dernier initie la conscience au sens formel de la légalité ou de la normativité. L'éducation de la raison théorique apprend l'effort, les sacrifices nécessaires pour analyser l'ordre des choses et se plier à ses lois. L'ascèse de l'esprit est une étape sur le chemin de l'ascèse morale. Plus l'esprit découvre la cohérence de l'ordre naturel, plus il se prépare à saisir la cohérence de l'ordre moral21.
14La science moderne élève l'esprit jusqu'au principe d'intelligibilité de toutes les lois de la nature, la logique de la représentation. Pour la conscience, représenter c'est ramener tous les phénomènes à l’unité synthétique a priori de l'aperception. La connaissance humaine est, de part en part, une déduction transcendantale issue du cogito. L'être du phénomène est entièrement construit par l'opération prédicative de l'entendement. L'originalité et la force de Kant est de montrer, au niveau de la raison pratique, les implications de cette théorie moderne de la connaissance fondée par Descartes.
15Parallèlement à l'ordre naturel, l'ordre moral, en tant qu'ordre rationnel, possède aussi un principe premier d'intelligibilité, qu'on pourrait nommer logique de l'action par analogie avec la logique de la représentation. Cette logique de l’action ramène toutes les sollicitations pratiques à l'unité synthétique a priori de l'action, le devoir. Agir par devoir c'est soumettre tous ses projets à l'autodétermination formelle de la liberté. Représenter suppose le pouvoir de représentation, c'est-à-dire le cogito ; agir par devoir suppose le pouvoir d'autodétermination, c'est-à-dire le "je peux" de la liberté, exprimé sous la forme du "tu dois" que seule la liberté peut s'adresser intérieurement. L'obligation des préceptes moraux est entièrement construite à partir de l'impératif catégorique qui fonde la liberté.
16Ainsi, l'éducation moderne à la construction rationnelle de l'ordre phénoménal comme unité intelligible prépare la connaissance pratique de l'ordre moral comme unique devoir rationnel de la liberté. Quant à la capacité effective de la raison de s'élever en chacun à une telle rigueur de connaissance, à une telle "Aufklärung", elle est l'objet d'une "croyance rationnelle"22, d'un postulat sur le développement du savoir et de la moralité : une confiance dans le pouvoir de s'accomplir du cogito et du "je peux". Cette confiance définit, pour les Aufklarer, les termes d'une religion philosophique axée sur le progrès de l'humanité vers l'archétype de la perfection intellectuelle et morale23. "La raison a dans son autre, hors de soi, ce qui indéfiniment la fait produire : économies des besoins, expansions scientifiques, stratégies scolaires, démocratisations jacobines et colonisations civilisatrices s'enracinent dans une culture élitiste indissolublement liée à son contraire"24.
17La finalité de la rédemption du corps social dans une cité des Fins oriente donc la politique d’émancipation progressive des consciences par la culture et la morale. Le pouvoir n’est qu’un instrument pour rendre possible ce perfectionnisme moral. Mais plus encore, le pouvoir n’a de légitimité qu’en fonction de la reconnaissance de son rôle médiateur à l’égard de la société bonne. La rationalité qu’il déploie est conditionnée par la sanction d’un comportement social dont la rationalité spécifique lui échappe. C’est ainsi que le rapport entre société juste et société bonne est loin d’échapper aux contradictions du schéma providentialiste. Comme l’a remarqué Rawls25, l’adhésion au processus de la raison publique dépend de convictions réfléchies. Même si l’on considère que c’est le pôle de rationalité des moyens qui joue le rôle de rationalisation des convictions par les questions qu’il met en avant comme prioritaires et accessibles à une action collective, il n’en reste pas moins que ce pôle n’a aucune garantie quant à sa capacité de contrôler le mécanisme d’adhésion. Il ne peut donc que compter sur le résultat de l’auto-transformation des convictions et sur l’hypothèse que ses injonctions auront l’effet recherché. Mais il ne dispose pas de certitude quant au processus réflexif qui s’engage et il ne peut donc y intervenir en l’éduquant. On en est donc en présence d’une situation d’extériorité similaire à celle vécue par le pouvoir politique dans le cadre de l’augustinisme politique. Le compromis social repose sur des dispositifs réflexifs d’adhésion que le pouvoir ne maîtrise pas et qui maintiennent une part d’incertitude irréductible26.
18Dès qu’il est question de “gouvernement du monde” et d’ordre du monde, une forme de “schématisation providentialiste” reparaît combinant la forme téléologique de l’organisation du réel et la détermination morale de la participation à cette organisation. Il suffit sur le plan méthodologique de s’intéresser à l’émergence de ce schéma pour entamer une réflexion sur son rôle dans le champ de la théorie politique et en tenter une critique.
19Considérée comme schéma mental, la providence relie une règle à la perception d’un état de fait et, dans ce cas plus précis, un ordre à son processus d’effectuation. Il est possible de relire dans ce cadre le contenu théologique de la notion de providence : elle schématise le rapport de Dieu avec l’achèvement de sa création en tant à la fois que cause finale et que cause exemplaire, c'est-à-dire qu’il y a communication de la plénitude de l’acte créateur au contenu de sa création. À l’orientation formelle de la règle correspond le processus concret d’assomption de la règle effectuée, vécue. Ainsi, vouloir le bien pour le Monarque (Empereur ou Prince), c’est non seulement produire des directives, mais aussi accroître l’adhésion aux vertus de son pouvoir et donc faire éprouver ce bien. La question ne fait que se renforcer lorsque le pouvoir se dépersonnalise et que ce sont des instances législatives qui doivent s’assurer du civisme que peuvent faire naître leurs orientations politiques.
20C’est donc ce rapport particulier entre un mode de programmation de l’ordre du monde et l’adhésion qu’il voudrait susciter que je tiendrai pour caractéristique du schème de providence tel qu’il peut apparaître dans les réflexions sur l’art de gouverner. C’est en cherchant à retracer l’histoire de ce schème qu’on essaiera de cerner les enjeux de son usage dans le champ de la philosophie politique. Ce sera l’occasion de se demander si des schémas directeurs de la théologie politique ne continuent pas d’opérer dans le champ des théories profanes du gouvernement aujourd’hui en particulier au niveau des modes d’adhésion au gouvernement que légitiment ces théories.
21Pour retracer cette histoire du schème de providence, je vais procéder en deux étapes, l’une de déconstruction, l’autre de construction. L’étape de déconstruction visera essentiellement à lever les ambiguïtés du rapport entre ce schème et les visions historicistes de l’ordre du monde : on tentera ainsi de dissocier conception historiciste et conception antihistoriciste de la providence. L’étape de construction cherchera pour sa part à tirer les conséquences d’une telle dissociation pour la réflexion en philosophie politique en dissociant à son tour l’illusion inhérente à ce type de schématisation, tout en précisant néanmoins sa validité objective sur un plan critique.
2. La Providence dans l’histoire
22L’achèvement de la création et le processus d’effectuation de l’ordre spirituel du monde renvoie inévitablement à l’histoire sainte et à l’eschatologie. Ces contenus théologiques sont soutenus par une compréhension de l'histoire qui oriente directement l’usage du schème de providence selon qu’on privilégie la destinée collective ou la destinée individuelle dans ses représentations.
23En lien à la destinée collective, la providence recouvre les thèmes classiques de la conservatio mundi et de la gubernatio mundi27. Mais le point crucial de ce rapport au monde se situe plus directement au plan de l’intervention divine dans le “cours des choses” : c’est la question du concursus Dei, le concours divin qui maintient en tout événement une relation entre la cause première et les causes secondes, relation qui peut aussi s’exprimer selon la métaphore spatiale des causes prochaines et lointaines28. Selon que ce concours divin est pensé dans une perspective de restitution ou d’accomplissement, on entre dans des dynamiques historiques très différentes.
24La restitution inscrit dans le cadre d’une œuvre de réparation et de réconciliation. Il s’agit d’apporter un correctif à l’errance de l’histoire, à la dispersion, grâce à un processus d’élévation et de purification qui rétablit l’unité avec la volonté divine. C’est le peuple infidèle ramené sur le droit chemin par le prophète.
25L’accomplissement entraîne dans une toute autre dynamique, celle de l’avènement d’un déjà là, d’une harmonie toujours déjà acquise qui surabonde dans une activité absolument gratuite, sans calcul rectificatif. Le processus qui correspond à cette dynamique est celui de la transfiguration où la gloire de Dieu resplendit dans sa puissance d’exemplarité.
26Un point commun relie néanmoins ces deux dynamiques : de part et d’autre, il est question d’un processus qui permet le passage. Qu’il s’agisse de dépassement, voire de dépouillement, ou de renaissance, voire de glorification, la sortie d’un état ancien et l’entrée dans un état nouveau reste la clé du destin collectif ouvrant sur la communion des saints, l’humanité régénérée.
27En lien à la destinée individuelle, le secours divin revêt la fameuse figure de la volonté de Dieu sur l’existence personnelle. La métaphysique a donné de cette volonté une interprétation essentiellement téléologique qui permettait d’inscrire la place de chacun dans le plan de Dieu et de lier la réalisation de cette attention particulière de Dieu à la vocation universelle à la sainteté. Le projet de Dieu à l’égard de l’existence personnelle est un appel à l’amour comme plénitude de cette existence. La mystique moderne a inversé les termes de la relation et part pour interpréter la providence du moi singulier dans son rapport à Dieu. Plutôt que de plan divin, il sera question de reconnaissance de la volonté divine, d’abandon à la providence. C’est dans un tel contexte que le conflit se portera sur la prédestination, où c’est toujours la figure du Dieu pour nous qui prévaut quelle que soit la position que l’on adopte. Dans cette perspective où l’ontogenèse est la clé de toute relation à Dieu, la conversion représente par excellence l’attitude d’incorporation de la vie du Messie et ce moment favorable relève moins de la dynamique du passage que de celle de la soumission à la règle, comparable à la prise d’habit religieuse en tant que symbole d’adoption d’un style de vie. C’est moins l’entrée dans une vie nouvelle qui importe ici que l'inhabitation de la grâce au sein d’une vie donnée comme un signe du secours divin.
28À travers ces figures théologiques de la providence, l’historicisme semble une donnée incontournable de la représentation du rapport à Dieu. Pourtant, une caractéristique majeure de la théologie du XXe siècle est d’avoir pensé la providence en rapport à la fin de l’historicisme.
3. Une Providence “sans histoire”
29De nouveau, la providence “sans histoire” peut se lire différemment selon qu’elle est appliquée à l’existence individuelle ou à l’existence collective.
30En lien à l’existence individuelle, elle va prendre la figure d’une disposition du coeur de l’homme. Elle exprime la réceptivité au don de Dieu, depuis la réceptivité à l’égard de ce qui arrive, les événements de la vie, jusqu’à la réceptivité à l’égard de la vie par laquelle les événements arrivent. Il est donc possible de suivre comme un approfondissement de la disposition réceptive d’un recevoir au premier degré, tourné vers ce qui advient, à un recevoir au deuxième degré, un recevoir du recevoir lui-même, comme une réceptivité plus originaire tournée vers le “présent vivant” de la vie, une forme de disposition existentiale à la providence.
31En lien à l’existence collective, la providence prend la figure de la théologie de l’impuissance de Dieu, que l’on retrouve tout autant dans le thème souffrance de Dieu que dans celui de la patricompassion. La pensée même d’un pur pâtir de Dieu n’a pu s’élaborer que par un travail patient de déconstruction des schèmes dominant la théologie de la toute-puissance. Les phases essentielles de ce travail s’enracinent dans le procès ouvert par Bultmann au profit d’une démythologisation de la théologie biblique. Mais l’on peut suivre jusqu’à aujourd’hui les effets de la phénoménologie heideggérienne sur la théologie chrétienne occidentale. La démythologisation a cédé la place à une entreprise de “désontothéologisation” de Dieu, suivant la promesse d’un “Dieu sans l’être”, dont la manifestation sature nos capacités représentatives. Plus radicalement encore, la déconstruction s’est attaquée à l’inanité du discours métaphysique sur Dieu quand il s’enferme dans les stratégies de l’apodictique là où seule peut convenir une apophantique. Il fallait, pour retrouver la voie des apophantiques, désémantiser les constructions apodictiques du divin pour recréer une authentique sémantique de l’Absolu.
32Pourtant quelles que soient les divergences et la radicalité des oppositions dans ces figures théologiques de la providence, le simple exercice d’une typologie permet de ressaisir un trait commun de ces figures qui explique la possibilité de leur mise en tableau. Si ces figures se partagent sur la question de l’histoire, il n’en est pas de même sur celle de la raison théologique comme processus de justification de la providence. On pourrait avancer l’hypothèse d’une communauté épistémologique de toutes ces figures théologiques. Non qu’elle s’accorderaient sur une signification de la rationalité en général, mais parce qu’elles peuvent se rassembler sous la bannière d’une histoire “rationaliste” de la providence, celle qui consiste à privilégier l’acceptabilité rationnelle de la providence selon le schéma d’une convenance anthropologique (pour l'homme) ou théologique (pour Dieu) de la providence. Celle-ci est ainsi considérée au plan épistémologique comme un attribut de Dieu, c.-à-d. comme un mode de connaissance de Dieu.
33Il me semble qu’on pourrait échapper à ce mode d’approche de la providence en déplaçant la question épistémologique de l’acceptabilité rationnelle de la providence à son acceptation pratique. L’enjeu serait de cesser de considérer la providence comme une affirmation rationnelle dont il faut tester la pertinence dans un mode de rapport entre deux significations — la providence comme règle ou norme d’un rapport —, pour envisager la manière dont effectivement un rapport providentialiste au réel est susceptible de s’effectuer et de marquer une culture. L’acceptation pratique pose donc la question de la traduction de la providence dans une “culture providentialiste” à la différence de l’acceptabilité rationnelle qui reste bloquée dans une sorte de holisme sémantique de la providence, au point de devenir hermétique dans une culture sécularisée.
4. Une anti-histoire de la Providence
34Jean Ladrière dit de l’acceptation pratique de la norme qu’elle est le moment essentiel de la normativité de la norme, “l’acte par lequel l’action se place délibérément sous la prescription indiquée par la norme, en tant précisément qu’elle lui prescrit ce qu’elle doit faire”29. Une “culture providentialiste” est précisément ce moment de normativité de la providence vécue dans l’acte qui s’y conforme en tant qu’attitude existentielle. Même si l’on peut refuser avec raison d’assimiler la providence à une norme de comportement, on ne peut ignorer son incidence sur la mentalité quand elle amène une théologie politique à se prononcer sur la légitimité de l’ordre établi. Mais ce n’est pas le procès d’une forme ou l’autre de théologie qui nous occupe ici. Pour nous, il s’agit bien plutôt de cerner des attitudes providentialiste à l’égard du pouvoir qui ont façonné et sans doute façonnent encore nos mentalités.
35La culture providentialiste nous semble avoir donné lieu à deux figures culturelles majeures qui sont comme l’envers l’une de l’autre parce qu’elles dénotent l’une la dimension religieuse du providentialisme, l’autre sa dimension séculière.
36La première figure correspond au modèle de l’augustinisme politique, mais s’est retrouvée dans toutes les formes de rapport légitimateur de la théologie avec l’ordre politique. Il s’agit de la culture religieuse du pouvoir comme instrument de la providence divine. Cette culture a sous-tendu de multiples formes d’accommodation de la religion à des régimes politiques totalitaires ou despotiques. C’est une culture de légitimation de l’ordre établi qui garde en réserve un savoir de la vanité des choses temporelles et joue sur cette distance pour composer avec l’ordre temporel en vue d’un “plus grand bien”. Blondel n’appréciait guère ce genre poussé à l’extrême dans le jésuitisme politique30. Cette culture religieuse du pouvoir est à l’origine de la doctrine de l’obéissance civique qui inculque la soumission à l’intérêt général et au bien commun.
37La deuxième figure constitue un complément souvent négligé de la doctrine de la raison d’État. Il s’agit de la culture politique du pouvoir comme providence humaine. Au gouvernement chargé de maintenir le bien commun par le monopole de la force et l’usage du secret d'État, il incombe aussi de distribuer des aides, de venir au secours des démunis, de garantir la sécurité des personnes et de la propriété. Du gouvernement peuvent donc descendre aussi bien la discipline que les bienfaits. C’est la formule définissant le pouvoir du Tsar : “faire le bien qui est possible et le mal qui est nécessaire”. Cette culture aboutit donc à une moralisation du pouvoir politique chargé à la fois du châtiment et de la rétribution. On trouve de cette manière comme un pendant de la culture civique de l’obéissance : la culture politique des valeurs, l’éthique du pouvoir.
38Aujourd’hui, bien entendu, face à ces deux figures de la culture providentialiste du pouvoir, on pourra toujours nous opposer que notre culture est à la fois déthéologisée et désidéologisée. Notre ère est autant celle de la sortie des religions que celle de la fin des idéologies. Faut-il en déduire qu’il n’y a plus dès lors ni de sacralisation du pouvoir ni de moralisation du pouvoir ? Même si l’on admettait une telle hypothèse en tenant certaines manifestations de ces tendances pour de simples reliquats d’une ère révolue, en passe de s’effacer définitivement, on ne pourrait pour autant franchir un dernier pas plus important que celui concernant les contenus de certaines manifestations prétendument anachroniques : ce dernier consisterait à défendre l’abolition de toute forme de providentialisme possible pour notre culture. Nous serions dès lors actuellement dans une culture publique “dé-providentialisée” !
39Je pense que cette dernière hypothèse est fausse car il me semble au contraire que de nouveaux schémas providentialistes se sont progressivement imposés à nous et ont de beaux jours devant eux. J’en parlerai en repérant deux types de croyance qui traversent notre culture politique occidentale contemporaine.
40Une première trace du providentialisme dans notre culture politique est la croyance en un ordre du monde (même s’il est relatif aux équilibres de pouvoir propres à notre époque). Cet ordre est celui qu’incarne l’hégémonie des États-Unis, une certaine idée de la démocratie et des Droits de l’Homme comme projet pour une société mondiale en paix. L’important est que l’on retrouve ici l’idée de la soumission à une forme déterminée de pouvoir temporel en tant qu’instrument historique d’un ordre idéal.
41Une deuxième trace de providentialisme dans notre culture est la croyance dans une fonction possible de bienfaisance du pouvoir. On rencontre sur ce plan tous les espoirs placés dans révolution du droit international pour consacrer l’avènement d’un droit humanitaire. Ce droit humanitaire me paraît significatif, du point de vue de cette analyse, en tant qu’il incarne la figure du bien possible compensant le mal nécessaire au maintien de l’hégémonie providentielle...
42Un providentialisme semble donc bien se maintenir dans la culture politique contemporaine selon les perspectives ouvertes par ses deux figures traditionnelles : celle du pouvoir temporel comme instrument d’un ordre supérieur et celle de la bienveillance du pouvoir comme compensation à son devoir de conservation.
5. Une providence sans providentialisme ?
43Des réflexions précédentes, je retiendrai deux points qui permettent de cerner les enjeux d’une conception de la providence sans providentialisme :
- La culture pratique de la providence survit dans nos attitudes politiques contemporaines en Occident et entretient l’illusion providentialiste en rapport à l’avenir ouvert par une forme d’exercice de l’hégémonie ;
- la culture rationaliste de la providence n’a rien à dire sur cette illusion, parce qu’elle s’enferme dans une justification de la providence soit historiciste soit existentialiste qui ne tient compte ni de l’usage culturel d’un schéma mental, ni de l’incomplétude de ce schéma.
44L’incomplétude du schéma providentialiste dans ses différentes versions historiciste et existentialiste signifie que ce schéma n’est satisfaisant sur aucun plan, qu’il s’agisse de la théologie, de l’anthropologie ou de la philosophie politique. Il ne convient d’une certaine façon ni à Dieu, ni à l’homme et encore moins à leur relation.
45Si l’on se contente d’un point de vue théologique de l’hypothèse minimale selon laquelle la providence concerne l’interprétation des signes des temps, les conséquences épistémologiques sont appréciables. Désormais, la providence porte sur ce que la raison peut dénombrer et passer en revue. Les signes des temps, la raison ne peut les transcender, ni en détenir la vérité absolue. L’interprétation de ces signes constitue une signification qui vaut en rapport au contexte d’interprétation. En soi, la signification atteste la force du signe, sa “performativité”. Mais cette force n’a pas de sens pour soi ; elle renvoie à un domaine de réalité où elle est perçue effectivement comme sens, où sa “performance” est vécue. Le signe n’est donc pas événement uniquement parce qu’il a la forme d’une signification, mais parce qu’il est perçu dans sa signifiance pour un vécu.
46Selon un tel point de vue, la providence a trait à l’objectivité de la foi religieuse plutôt qu’à la qualité d’un sujet, absolu ou relatif, voulant ou accueillant. Dieu ou l’homme.
47L’objectivité de la foi religieuse s’appuie sur des signes providentiels dont les caractéristiques épistémologiques sont :
- qu’ils sont interprétés selon le schéma donnant à une trace phénoménale ou existentielle un référent divin ;
- qu’ils sont vécus comme signifiant dans un contexte déterminé.
48Ce point de vue permet d’adopter une position critique à l’égard de l’illusion providentialiste. Il apparaît en effet que celle-ci consiste à tenir le signifiant dans un contexte comme corrélatif d’une forme d’interprétation qui lui donne une validité rationnelle. Dès lors, la croyance dans l’ordre du pouvoir comme instrument providentiel et la croyance dans le bien possible à partir de son hégémonie devient une raison ou une justification de ce pouvoir historiquement déterminé comme étape nécessaire dans l’histoire ou dans le perfectionnement de l’humanité. C’est alors la force de la résignation qui prend le dessus comme justifiée par la validité interne de l’ordre établi.
49Cette attitude me semble pouvoir tomber sous le coup de la critique radicale du pari proposée par H. Jonas. En transcendant son contexte de signification, l’illusion providentialiste entraîne la raison dans un véritable “pari providentialiste”. Or selon Jonas, devant tout pari sur l’avenir, il faut éviter une perte infinie, c’est-à-dire éviter de parier sur le rien dans les affaires qui concernent la survie de l’humanité31.
50Mon hypothèse est que préférer l’ordre meilleur promis par une “hégémonie providentielle” est de l’ordre d’un tel pari. De la même manière que Jonas se méfie de l’ordre naturel meilleur promis par l’hégémonie bénéfique de l’ordre technocratique, il faudrait se méfier de l’ordre démocratique promis par l’hégémonie bénéfique de quelque super-puissance économique. Il serait sans doute temps que la philosophie politique contemporaine sorte de ses schémas providentialistes pour arrêter de concevoir l’occidentalisation du monde comme un “bien providentiel”. C’est pensons-nous la condition première d’une réflexion renouvelée sur les modalités de la coopération sociale dans un ordre mondial en recomposition32.
51Si l’occidentalisation pouvait être située comme un contexte de signification déterminé avec ses croyances, il apparaîtrait que même une position dominante peut être interprétée et vécue selon d’autres contextes de signification qui constituent eux aussi des signes d’une mondialité désidéalisée demandant à leur tour une réinterprétation et un repositionnement. Le nœud de l’illusion providentialiste, c’est son monisme épistémique qui lui rend inaccessible, au-delà de l’éclatement des contextes de signification même en situation d’hégémonie de communication, les conditions effectives de la cohésion sociale, c’est-à-dire l’entrecroisement des formes de vie engageant la production de significations communes.
52La question essentielle que pose la persistance du providentialisme à la philosophie politique est de pouvoir distinguer entre l’adhésion à une signification reconnue comme rationnellement acceptable dans un contexte de croyance orienté vers la production du consensus et la fragmentation de cette adhésion dans la réinterprétation de cette signification selon différents contextes de croyance centrés sur leur propre cohérence33. C’est en quelque sorte la reproduction de l’échec du conventionnalisme au niveau d’un procéduralisme coupé de ses conditions d’application. La cohésion sociale suppose non seulement la reconstruction locale des formes d’adhésion collective, mais aussi l’intégration de l’asymétrie qui dirige ces modes de reconstruction, par rapport à l’illusion de symétrisation engendrée par des processus consensualistes de négociation.
Notes de bas de page
1 Comme le reproche Habermas à Rawls, La réconciliation grâce à l'usage public de la raison. Remarques sur le libéralisme politique de John Rawls, in Débat sur la justice politique, trad. par R. Rochlitz avec le concours de C. Audard, Paris, Cerf, 1997, p. 39.
2 Le cadre trop général d'une doctrine compréhensive, selon le reproche que Rawls renvoie à Habermas, Réponse à Habermas, ibidem, p. 55.
3 Cf. S. GOYARD-FABRE, Philosophie politique XVIe-XXe siècle, Paris, P.U.F., 1987, p. 100.
4 Voir, par exemple, le n° 814 des Constitutions de la Compagnie de Jésus, trad. par Fr. Courel, Paris, DDB, 1967. De manière générale, au sujet de la pensée politique d'Ignace de Loyola, le Père Gaston Fessard reste une référence incontournable. Nguyen Hog Giao a donné des enjeux de cette lecture une présentation magistrale dans Le Verbe dans l'Histoire, La philosophie de l'historicité du P. Gaston Fessard, Paris, Beauchesne, 1974.
5 C'est la dialectique des moyens et de la fin dont D. Bertrand a fait une trame mélodique de son étude sur La politique de saint Ignace de Loyola, Paris, Cerf, 1985, p. 162-168, 242-250 et 331-334.
6 D. BERTRAND, op. cit., p. 168.
7 Ibid., p. 502.
8 Ibid.
9 Ibid., p. 249.
10 Ibid., p. 502, n. 60. Voir aussi Y. CONGAR, Martin Luther, sa foi, sa réforme, Etudes de théologie historique, Paris, Cerf, 1983, p. 106-108.
11 Cf. E. PRZYWARA, Crucis Mysterium, Das Christliche Heute, Paderborn, Ferdinand Schöningh, 1939.
12 Cf., notamment, M. HORKHEIMER, Les débuts de la philosophie bourgeoise de l'histoire, trad. par D. Authier, Paris, 1980, Payot, p. 108. On verra aussi M. MAESSCHALCK, Politique et autonomie : la crise de la rationalité moderne, in Science et Esprit, 41 (1989), p. 207-230.
13 M. FOUCAULT, Le pouvoir, comment s’exerce-t-il ?, in H. DREYFUS et P. RABINOW, Michel Foucault, Un parcours philosophique, trad. par F. Durand-Bogaerd, Paris, Gallimard, 1984, p. 315.
14 M. de CERTEAU, L'écriture de l'histoire, Paris, Gallimard, 1975, p. 189.
15 Cf. E. KANT, Sur l'expression courante : il se peut que ce soit juste en théorie, mais en pratique cela ne vaut rien, trad. par L. Guillermit, Paris, Vrin, 1988, p. 55.
16 Cf. ibid., p. 53 : "Il me faudra par conséquent admettre que, puisque le genre humain est, au point de vue de la culture, qui est sa fin naturelle, en progrès constant, il faut le concevoir également en progrès vers le mieux au point de vue de la fin morale de son être, progrès qui peut bien connaître de temps à autre des interruptions, mais jamais une rupture définitive".
17 Cf. ibid., p. 56.
18 Ibid., p. 59. Voir aussi KANT E., La religion dans les limites de la simple raison, trad. par J. Gibelin, Vrin, Paris, 1952, p. 48.
19 E. KANT, Anthropologie d'un point de vue pragmatique, trad. par M. Foucault, Paris, Vrin, 1964, p. 167.
20 Cf. E. KANT, La religion, op. cit., p. 69, ainsi que p. 25, note 1.
21 De ce point de vue, l’architectonique de la raison pure est certainement plus proche des théories de l’auto-organisation que ne le laissent penser les théoriciens qui promeuvent ce mode d'approche systémique permettant d'intégrer subjectivité et structure, sans séparer l'ordre naturel des productions sociales. Cf. P. DUMOUCHEL et J.-P. DUPUY, L'auto-organisation : de la physique au politique, Colloque de Cerisy, Paris, Seuil, 1983. Pierre Livet, dans son article sur la réflexivité chez Fichte, signale déjà les rapprochements possibles entre les perspectives fichtéennes et les théories de l'auto-organisation. Cf. Intersubjectivité, réflexivité et récursivité chez Fichte, in Archives de Philosophie, 50 (1987), p. 581-619.
22 Cf. E. HUSSERL, Fichtes Menschheitsideal, Drei Vorlesungen, in Aufsätze und Vortrage (1911-1921), éd. Th. Nenon et H.R. Sepp, Husserliana, t. XXV, Dordrecht, Martinus Nijhoff, 1987, p. 274.
23 On verra, de manière générale, l'article de G. RAULET, L'idée d'éducation dans les lumières allemandes, in Archives de Philosophie, 42 (1979), p. 421 - 437, ainsi que notre article, M. MAESSCHALCK, Education et esthétique sociale selon la pensée de l'Aufklärung, in Science et Esprit, 43 (1991), p. 1-15.
24 M. de CERTEAU, L'écriture de l'histoire, op. cit., p. 190.
25 Cf. J. RAWLS, Le domaine du politique et le consensus par recoupement, trad. Par C. Audard, in Justice et démocratie, Paris, Seuil, 1993, p. 323-356.
26 La question se repose chez Habermas dans la mesure où le processus de la discussion argumentée en tant que décontextualisant et démotivant demeure précisément dans une extériorité abstraite par rapport aux contextes d’application et se contente de présupposer une éducabilité des personnes en situation, une fois le processus de consensus bouclé.
27 Cf. W. KLOSTERKÖTTER, Gottes Vorsehung, article 13 dans Die Antwort des Glaubens, Systematische théologie in 50 Artikeln, éd. H. Ott, 3e éd. revue et approfondie, Stuttgart/Berlin, Kreuz, 1981, p. 148.
28 Cf. G. THILS, En dialogue avec l’”entretien sur la foi”, Louvain-la-Neuve, 1986, p. 25.
29 J. LADRIERE, La déstabilisation de l’éthique, in Variations sur l’éthique. Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles, 1994, p. 67.
30 Cf. M. BLONDEL, L’Action (1893), Essai d’une critique de la vie et d’une science de la pratique, 3e éd., Paris, P.U.F., 1950, p. 9 : “... se pénétrer des exercices de saint Ignace tout en se jetant dans la mêlée des intrigues politiques, n’est-ce point la perfection et comme la sainteté de la perversion ?”.
31 Cf. H. JONAS, Das Prinzip Verantwortung, Frankfurt a. M., Insel, 1979, p. 82.
32 Cf. L’essai suggestif de S. LATOUCHE, L'occidentalisation du monde, Paris, La Découverte, 1989.
33 “We may depict the world System as that fluid of pattern of intégration and fragmentation deriving from the deepening, at times contradictory interconnections between world policy, world economy, and international civil society (...) none is able to shape the world System purely in its own image or according to its own logic” (J. CAMILLERI, Impoverishment and the National State, in Earthly Goods, Environmental Change and Social Justice, éd. F. O. Hampson and J. Reppy, Ithaca/London, Cornell University Press, 1996, p. 128-129).
Auteur
Philosophe, chercheur qualifié du F.N.R.S., professeur aux Facultés universitaires Saint-Louis et à l'Université catholique de Louvain
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