Le ministère public et ses fonctions en Italie, après l’unification (1861-1913)
p. 425-442
Texte intégral
I – MAGISTRATURE. ORGANISATION ET GARANTIES
1L’organisation institutionnelle de la magistrature italienne qui va de la période qui a immédiatement suivi l’unité d’Italie à celle qui voit l’avènement du régime fasciste ne se différencie pas beaucoup du système subalpin dont on peut constater la formation au cours de la période qui va de la promulgation du Statut Albertino, en 1848, à l’unification administrative et législative de 18651, qui comporta l’extension des normes concernant le système judiciaire à tout l’Etat unitaire. C’est la raison pour laquelle il a été question de "piémontisation" des structures judiciaires immédiatement après l’unité italienne.
2Pour comprendre l’absence de solution de continuité entre l’organisation judiciaire de l’Etat piémontais et celle de l’Etat italien, il est nécessaire d’examiner les dispositions concernant la magistrature qui sont contenues dans le Statut Albertino accordé par Carlo Alberto le 4 mars 1848. L’article 69 tentait de résoudre le problème de l’inamovibilité des juges ainsi :
3"Les juges nommés par le Roi, à l’exception des juges des circonscriptions judiciaires, sont inamovibles au bout de trois ans d’exercice".
4Etant donné que l’article 98 de la loi électorale de l’édit royal du 17 mars 1840 ne permettait l’élection au parlement qu’aux juges inamovibles, la question qui se posa immédiatement fut de savoir quand un juge pouvait se considérer inamovible : le calcul des trois années partait-il de la date à laquelle chaque juge était nommé ou bien de la date de l’entrée en vigueur du Statut ? Il s’agissait de choisir soit une interprétation extensive2 (qui défendait ainsi davantage les garanties concernant l’indépendance des juges), soit une interprétation quelque peu restrictive3 qui permettrait l’épuration de la magistrature des juges non alignés avec l’exécutif.
5L’essentiel du problème était justement là : accorder une qualification politico-idéologique à la fonction juridique dans le cadre de l’Etat parlementaire ou bien la rendre complètement indépendante du pouvoir exécutif4. Soutenue par la gauche, c’est-à-dire le "parti des Avocats", qui voulait l'épuration, surtout celle de la haute magistrature, c’est la thèse restrictive qui l’emporta : en mars 1851, plusieurs magistrats furent mis à la retraite et mutés. Il faut ajouter à cette mesure que le principe d’inamovibilité était sur le point d’être brouillé par une interprétation restrictive ultérieure qui garantissait l’inamovibilité de la charge mais non du siège.
6La naissance, à l’intérieur de ce tableau, d’un débat sur l’indépendance de la magistrature, donc sur l’indépendance du ministère public - problème qui prit de plus en plus d'importance et une signification se rapportant de façon très politisée au droit public - est pleinement justifiée.
7L’actualité surprenante de ce thème ne peut pas et ne doit pas faire oublier le contexte historique, politique, institutionnel et social, au lendemain de l’Unité.
8La période qui suivit l’unité fut marquée de graves problèmes économiques, d’intégration et d’homogénéité nationale. A une grande différence économique entre le nord et le sud correspondait un écart culturel tout aussi profond. Une donnée significative est que la citoyenneté active n’était accordée qu’à 2 % de la population italienne, ce qu’un absentéisme élevé aggravait encore. Les gouvernements qui se succédèrent eurent comme objectif principal de centraliser l’administration publique, de moderniser l’Etat, de construire des infrastructures, d’atteindre l’équilibre du budget et de libérer Rome et la Vénétie. Les années qui vont de 1861 à 1865 sont caractérisées, en ce qui concerne le domaine judiciaire et militaire, par la répression terrible du brigandage dans l’Italie du sud, qui sera vaincue d’une façon définitive seulement en 18705.
9C’est en 1861 que commence le gouvernement de la "droite historique" qui durera jusqu’en 1876, l’année de l’accession au gouvernement de la "gauche" avec Depretis. L’auteur principal du Risorgimento italien, Cavour, laisse à ses successeurs un héritage difficile. Et aucun homme politique, qu’il soit de droite ou de gauche, ne sera capable de répliquer ses résultats aussi bien dans le domaine de la politique intérieure qu’à l’étranger.
10La droite et la gauche présentent des objectifs très semblables ; le seul aspect qui les distingue réside dans leur conception politique différente de la réalisation de l’unité. C’est justement pour cette raison que l’avènement de la gauche au pouvoir ne représente pas le simple résultat d’une alternance politique, mais marque plutôt le début d’une politique de "transformisme", dont le but est la constitution, au sein du parlement, de majorités hétérogènes à l’occasion de chaque vote important.
11C’est dans ce contexte que s’insère le débat pour l’indépendance de la magistrature par rapport au pouvoir exécutif, et surtout du ministère public. Il s’agit d’un problème d’interprétation et de réalisation de la doctrine de séparation des pouvoirs, point de passage obligé pour tout Etat en voie de constitution.
II - CHRONOLOGIE LÉGISLATIVE DE L’INSTITUTION DU MINISTÈRE PUBLIC
12La continuité entre les organisations judiciaires piémontaises et italiennes que nous avons déjà remarquée en rappelle une autre, tout aussi évidente : la continuité entre les modèles français et piémontais des lois sur l’organisation judiciaire. Le Royaume de Sardaigne d’abord, puis le Royaume d’Italie, présentent une configuration de l’institution du ministère public égale en tout à celle de l’accusateur public français. D’où la définition du ministère public présentée dans la législation unitaire comme "agent du pouvoir exécutif". La dépendance à l’égard du ministre de la justice comporte plusieurs éléments : la garantie concernant l’inamovibilité n’est pas étendue aux fonctionnaires du ministère public ; des fonctions administratives et disciplinaires qui demandent le contrôle du pouvoir exécutif sont confiées au ministère public ; la carrière de la magistrature assise et celle de la magistrature debout sont distinctes. Un élément décisif différencie toutefois le système italien du système français : bien que le code de procédure pénale ne prévoie pas, d’une façon explicite, le principe selon lequel l’action pénale est obligatoire, la doctrine, presque unanime, s’accorde pour le déduire du principe de légalité, qui est expressément prévu par l’article 1 du code de procédure pénale de 18656.
13Les codes de procédure pénale et les lois qui réglementent le système judiciaire qui se sont succédés jusqu’au XIXe siècle confirment cette définition.
14Sa particularité explique que l’institution du ministère public ait pris, aussi bien au plan législatif que doctrinal, une importance telle que sa chronologie législative permet de suivre l’histoire de l’indépendance de la magistrature en Italie au lendemain de l’Unité.
15La loi Siccardi no 1186 du 19 mai 1851, qui étendait la garantie de l’inamovibilité non seulement au grade mais aussi au siège7, ajournait le problème du ministère public. Huit ans plus tard, par une manœuvre dont la constitutionnalité était douteuse8, Rattazzi9 approuva, le 13 novembre 1859, par le décret législatif no 3781, la loi d’organisation judiciaire, après avoir inutilement tenté de le faire approuver par voie ordinaire par les Chambres. Ce sera la première loi d'organisation judiciaire de l’Italie unifiée. Non seulement le décret abolit la garantie, pour les juges, de l’inamovibilité de leur siège10, mais encore il définit, à l’article 14611, le ministère public en tant que charge du pouvoir exécutif. En accordant au ministre de la Justice un important pouvoir de contrôle sur la magistrature dans tout son ensemble12, il met le ministère public, son agent, dans une position de supériorité à l’intérieur du pouvoir judiciaire. Dans le but de discipliner la carrière du ministère public, le décret établit que celle-ci devait être séparée et distincte de la carrière de la magistrature assise et que le passage de l’une à l’autre n’était possible qu’exceptionnellement13.
16Le décret Rattazzi revêt une importance significative car il est resté substantiellement en vigueur jusqu’à la Constituante de 1946.
17La politique du personnel judiciaire, dans la phase immédiatement postérieure à l’Unité de l’Italie, reflète et confirme l'importance accordée au ministère public dans le cadre de l’unification législative et judiciaire de l’Italie. En effet, comme Saraceno le remarque bien, les magistrats qui ont été mutés des vieilles provinces aux nouvelles sont presqu’exclusivement affectés au ministère public (16 sur 17). A la fin de l’année 1860, le gouvernement juge opportun de ne nommer, comme procureur du Roi, dans les provinces annexées ou en voie d’annexion, que des magistrats faisant partie du personnel judiciaire subalpin (décision prise par le ministre de la Justice Cassinis, au cours des deux derniers ministères Cavour). L’on veut apparemment doter les nouveaux centres judiciaires de personnel plus spécialisé en vue de l’extension, dans un avenir proche, à toute la péninsule, de la loi d’organisation judiciaire piémontaise de 1859. Mais le vrai but est de faire converger vers le personnel judiciaire d’origine piémontaise le contrôle de toute la magistrature italienne par les nominations aux plus hautes charges du ministère public. La substitution du personnel judiciaire dans les provinces annexées est aussi déterminée par la méfiance extrême envers les magistrats, surtout ceux de l’Etat pontifical et du Royaume des Deux-Siciles, qui s’étaient distingués par leur politique anti-Risorgimento en réprimant des mouvements d’indépendance14.
18La loi d’organisation judiciaire suivante, édictée le 6 décembre 1865 par le Décret Royal no 2626, ne change en aucune façon les dispositions concernant le ministère public15 : l’article 129 est la transposition exacte de l’article 146 de la loi d’organisation judiciaire de 185916 ; tandis que l’article 19917 confirme l’absence d’inamovibilité de la magistrature assise.
19La formule qui permettait de passer sur la garantie de l’inamovibilité pour les juges était contenue dans une incise de l’article 199 "pour l’utilité du service", cette incise était présente aussi dans l’article 103 de la loi d’organisation judiciaire de 1859. Les carrières des juges et des fonctionnaires du Parquet restent "parallèles et distinctes", selon les termes de l’article 152.
20Les fonctions de l’accusateur public, résumées dans l’article 139 de la loi d’organisation judiciaire de 1865, et restées pratiquement inchangées depuis la naissance de l’Etat italien, peuvent être subdivisées en fonctions administratives, judiciaires et disciplinaires. Les premières consistent à veiller sur l’exécution des lois, la sauvegarde des droits de l’Etat, des personnes morales et des personnes incapables, et enfin à faire observer les lois d’ordre public. La fonction judiciaire exercée, dans le domaine pénal, par le ministère public, consiste principalement à réprimer les délits au moyen de l’exercice de l’action pénale, dont il est le titulaire exclusif, et à faire exécuter les sentences ; dans les causes civiles le ministère public procède par action seulement dans certains cas, ou bien il donne son avis. Dans le domaine disciplinaire, le ministère public se voit confier un rôle d’une très grande importance, justifié par sa dépendance directe vis-à-vis de l’exécutif18 : les mesures disciplinaires et les sanctions à l’égard des juges sont engagées et infligées sur les instances du ministère public19.
21En ce qui concerne les forces de l’ordre, il faut remarquer que la police20, instituée en adoptant des modèles d’organisation et normatifs français, et reliée directement à l’exécutif, à travers le ministère de l’Intérieur, est placée au service du ministre, des préfets et des commissaires de police. Les rapports entre le ministère public et la police judiciaire sont réglés par la loi de 1865 concernant le système judiciaire, à l’article 146 :
22"Le procureur général auprès de la cour d’appel exerce, dans le ressort de celle-ci, une action directive et un contrôle supérieur sur les fonctionnaires. La direction de la police judiciaire est exercée, dans chaque circonscription, par le procureur du roi".
23Il faudra attendre la Constitution de 1948 (article 109) pour fixer le principe d’une dépendance directe de la police vis-à-vis de l’autorité judiciaire21.
24Au cours des années qui suivent l’unification législative et administrative de 1865, l’intolérance à l’égard des normes qui régissent le système judiciaire devient de plus en plus pressante et se concrétise en une intense activité de propositions dans les deux Chambres : de 1848 à 1897, cinquante-deux projets de loi sont présentés au Sénat22. L’ensemble des projets qui, au lendemain de l’entrée en vigueur de la loi d’organisation judiciaire de 1865, se succèdent à l’examen des Chambres présentent différentes orientations concernant la réforme fortement souhaitée du ministère public. Ces orientations se résument principalement en trois tendances, qui demandent :
la réforme de l’institution du ministère public, qui confère à l’accusateur public l’inamovibilité, donc l’indépendance vis-à-vis de l’exécutif23, en modifiant les dispositions aussi bien du code de procédure pénale que de la loi sur l’organisation judiciaire ;
le maintien de la structure actuelle du ministère public qui est l’"agent du pouvoir exécutif", considérée comme parfaitement appropriée à la réalité politique et judiciaire du pays24 ;
l’abolition du ministère public, aussi bien dans le domaine civil que dans le domaine pénal.
25Ce sera paradoxalement cette dernière tendance, tout à fait minoritaire, qui atteindra les résultats les plus concrets, tout au moins, comme nous le verrons, dans le domaine civil, avec la loi Vigliani de 1875.
26A partir de 1873, la situation devient plus pressante : la chronique judiciaire rapporte de plus en plus fréquemment, dans la presse, les ingérences et les interventions de l’exécutif dans le déroulement de chaque procès ayant la moindre importance politique.
27Le sénateur Giuseppe Musio dénonce durement cette situation au Parlement : il rappelle, dans ses discours, les principes des théories juridiques sur l’indépendance du pouvoir judiciaire professées par Hello, Ortolan, et Rey. Musio, éminent magistrat et auteur de nombreux écrits25 sur ce thème, divulgue les graves faiblesses de la loi organique d’organisation judiciaire de 185926 et de celle de 1865, surtout les articles 129 et 21627 qui empêchent la constitution d'un pouvoir judiciaire autonome et indépendant du pouvoir exécutif. Les défauts de la loi sur le système judiciaire sont de genres différents : l’inconstitutionnalité, aussi bien en ce qui concerne la forme qu’en ce qui concerne la substance28 ; l’acte arbitraire du ministre de la Justice lors des nominations, des mutations, des promotions et en ce qui concerne la discipline des juges ; enfin le rôle exercé par le ministère public, qui est l’agent du pouvoir exécutif. Tout cela enflamme les critiques les plus motivées, car le ministère public est l’intermédiaire grâce auquel le pouvoir exécutif intervient lourdement dans les affaires judiciaires italiennes ;
28"Cette institution tyrannique, qui, tout comme le cheval de Troie plein d’armes, de soldats armés, de perfides, d’arts et de duperies a été introduite d’une manière sacrilège dans le Temple de la Justice, bordée de velours à larges galons d’or, enfoncée comme une épine dans le cœur de la magistrature..."29.
29C’est en effet toujours le rôle du ministère public qui déchaîne les polémiques les plus enflammées et c’est justement pour cette raison que la réforme en est toujours laissée de côté ; même la loi no 2781 du 28 novembre 1875 ne s’en occupe que pour en limiter les ingérences dans les causes civiles30. Les critiques à la loi du système judiciaire s’adressaient justement aux pouvoirs attribués au ministère public et à la fonction prééminente que celui-ci exerçait sur toute la magistrature31.
30La coalition qui s’oppose à ce que soutient Musio trouve en Luigi Lucchini32 son plus tenace partisan33. Lucchini est tout à fait opposé à une organisation judiciaire qui serait indépendante du ministère public34 ainsi qu’à la fusion avec la magistrature assise, qui est une réalité inconcevable pour une personne qui, comme lui, théorisait le ministère public en tant qu’"agent du pouvoir exécutif", selon la formulation de l’article 129. La position du ministère public à l’intérieur de l’organisation judiciaire constitue un des motifs de désaccord à l’intérieur de l’école connue comme l’école classique du droit pénal, comme on peut le constater en observant les différences d’opinion entre Lucchini et Carrara, qui définit le ministère public comme un « Briarée qui étouffe tout mouvement de la justice »35.
31Le 8 juin 1890 intervient, à la suite de la proposition du ministre Zanardelli36, une nouvelle loi de réforme du système judiciaire (no 6878). Cette loi se limite toutefois à introduire la règle du recrutement par concours à la fois des juges et du ministère public. En effet, bien que les deux carrières restassent distinctes, elles sont égalisées quant aux augmentations des salaires et aux promotions. Il faut aussi se souvenir du nom de Zanardelli pour un projet de loi présenté en mars 1903 qui présente le ministère public avant tout comme une institution essentiellement et exclusivement judiciaire, et qui confie ses fonctions à des membres des mêmes corps judiciaires, placés en mission temporaire (théorie du ministère public aux fonctions amovibles). Lucchini, qui considérait cette réforme comme une régression, se souleva contre elle37. La crise ministérielle de juin 1903 et la mort soudaine de cet homme d’Etat empêchèrent qu’il y eût une suite. Si cette série de causes concomitantes n’avaient pas empêché la transformation en loi du projet, la réputation et la célébrité de Zanardelli, qui dérivent de la réforme substantielle du droit pénal de 1889, en auraient été grandement augmentées.
32Entre 1907 et 1908, Vittorio Emanuele Orlando réintroduit par la loi no 511 du 14 juillet 1907 et la loi no 438 du 24 juillet 1908 la garantie de l’inamovibilité du siège pour les juges, grâce à des mesures qui présentent toutefois quelques contradictions quant au rôle du ministère public38 : alors que les dispositions de 1907 poursuivaient le but d’égaliser les carrières et les règlements des juges et des représentants du ministère public, la loi de 1908 s’inspirait fortement à l’article 129 de la loi d’organisation judiciaire de 1865.
33Le débat sur le ministère public qui se déroula pendant les travaux préparatoires au code de procédure pénale de 1913 fut très animé et intéressant, même si, en fait, il ne déboucha sur aucune nouveauté. La commission instituée en 1898 par le ministre Finocchiaro-Aprile formula une série de principes qui furent l’objet d’observations et d’avis de la part des cours de cassation, de quelques tribunaux et des facultés de droit. Le principe no 439, relatif au caractère du ministère public, qui reprend sans l’innover l’article 129 de la loi d’organisation judiciaire de 1865, rencontra de vives oppositions de la part des cours de cassation de Florence, de Palerme et de Rome40.
34Le rapport ministériel qui accompagne, en 1905, le projet, résout le désaccord à propos du monopole du ministère public en insistant sur son caractère exclusif dans l’exercice de l'action pénale41. Au cours des discussions parlementaires sur le projet du code de procédure pénale de 1913, il n’y a que le député Pozzato qui affirmât que la réforme du ministère public ne peut plus être différée42. Mais son appel tombe à vide et il n’est repris par aucune autre intervention parlementaire.
35En synthétisant davantage les critiques à propos de l’institution du ministère public, nous pouvons distinguer celles qui s’adressent aux fonctions purement judiciaires, de celles qui s’adressent aux fonctions administratives et disciplinaires : les premières reprochent au ministère public son exclusivisme dans l’exercice de Faction pénale, son monopole substantiel, et proposent des actions pénales privées, subsidiaires ou en concurrence avec l’action pénale publique ; les autres visent les prérogatives importantes du ministère public dans le domaine des mesures disciplinaires. Il ne faut pas négliger cependant la présence de ceux qui demandent la suppression des compétences du ministère public dans le domaine civil, ratifiée par la loi de 1875, et, enfin, de ceux qui suggèrent l’attribution des fonctions de ministère public à des juges inamovibles, mais qui seront considérés "en mission révocable".
36Le fait que peu de lois aient répondu aux tentatives de réformes et de réorganisation du système judiciaire ne doit pas faire penser à un manque d’intérêt pour ce sujet.
37Au cours de la période qui suivit l’Unité nous n’enregistrons pas de changements radicaux dans cette organisation, mais, à cet immobilisme législatif correspond une multitude de travaux, de débats et surtout de polémiques, en particulier à propos du rôle du ministère public et de sa position. Il s’agit de problèmes qui occupent une place importante dans les revues juridiques, dans les discours inauguraux des universités, dans les discours d’ouverture de l’année judiciaire et dans les discussions parlementaires, surtout en commission. Les protagonistes du débat sont très souvent les mêmes : il n’y a que le siège des discussions qui change. Dans le domaine législatif, à un intérêt vif et croissant pour la définition de l’organisation de la magistrature, ne correspond pas un intérêt aussi productif quant à la définition exacte de la nature et des aspects fonctionnels de l’institution du ministère public43. C’est pour cette raison que les textes législatifs qui restent au stade de projet revêtent un intérêt beaucoup plus significatif que les lois formelles elles-mêmes ; et les projets de loi, qu’ils soient d’origine ministérielle ou parlementaire, prennent une importance toute particulière par leur quantité et leur contenu. Nous assistons malgré tout à un insuccès réformiste sans précédent. Une explication très convaincante de cette contradiction apparente nous est donnée par Pietro Saraceno : la classe dirigeante et la haute magistrature présentent un degré élevé d’intégration et d’osmose, ce qui implique une harmonie des points de vue sur les aspects les plus importants de la vie judiciaire du pays.
III - INTERPRÉTATIONS ET CONCLUSIONS
38Les heurts et les désaccords qui, de 1860 à 1913, justifient "d’intenses tentatives réformistes"44, naissent tout d’abord d’une formulation libérale du statut, dont le contenu subira très vite une interprétation restrictive.
39Nous assistons, au début du XXe siècle, à un renversement partiel de la tendance : « la diminution lente mais progressive de l’homogénéité sociale et politico-culturelle entre la classe politique et la magistrature pousse cette dernière à essayer de se sauvegarder davantage face aux interventions de la première »45.
40Une forte participation et des interventions d’un niveau scientifique élevé en faveur de l’indépendance du ministère public et, avec celui-ci, du pouvoir judiciaire tout entier ne sont pas suffisants pour modifier son régime juridique. Il faut en chercher les raisons dans la nécessité, fortement ressentie par la classe politique de l’Etat italien en cours de formation, d’une magistrature au service de l’exécutif, qui serait à même de faire rapidement face, et sans rechutes, aux problèmes graves comme le brigandage au sud, aux mouvements de révolte contre l’institution incessante de nouveaux impôts, aux désordres dans les campagnes du nord, et, enfin, aux premiers mouvements socialistes ; une magistrature qui serait surtout occupée à maintenir l’ordre public et la sauvegarde du droit de propriété.
41Il faut ajouter que la pratique du "transformisme" empêchait, l’adoption au parlement de toute réforme contraire aux forces gouvernementales, même si elle était largement réclamée.
42La tradition veut que la période qui va de 1861 aux premières années du XXe siècle soit appelée libérale : c’est un adjectif assez peu significatif pour décrire le débat sur le rôle et sur la configuration du ministère public. En effet, les courants autoritaires et conservateurs prévalurent de sorte que le régime fasciste hérita "d’un système judiciaire parfaitement conforme à ses nécessités et à son orientation. Dans un régime de pleins pouvoirs, le fascisme pourrait facilement transformer le système judiciaire tout entier. L’inutilité des retouches est un acte d’accusation contre le régime libéral qui l’avait précédé"46.
43Le problème de l’indépendance du ministère public n’a pas été résolu au cours du XIXe siècle, justement à cause de sa complexité politico-institutionnelle. Il faudra atteindre le siècle suivant, après la Deuxième Guerre mondiale, c’est-à-dire à une époque marquée par un grand effort visant à la formation démocratique de la République italienne, pour parvenir à une organisation rénovée de l’institution du ministère public.
44Les conséquences de l’expérience du régime fasciste ne se font pas attendre. L’année qui marque le changement de configuration du ministère public est 1946 : l’article 39 du Décret Royal no 511 du 31 mai "Garanties de la Magistrature" (décret Togliatti), qui modifie l’article 6947 de la loi d’organisation judiciaire de 1941, prévoit la surveillance des actions du ministère public, et non pas la direction de celles-ci. Le ministère public est ainsi libéré du rapport hiérarchique envers le ministre de la Justice ; ce décret concède, ce qui est l’élément le plus important, la garantie de l’inamovibilité48 même aux magistrats du parquet. C’est un tournant confirmé par l’épilogue constitutionnel grâce à la formulation des articles 107, 108 et 112, par lesquels, même s’il existe encore quelques ambiguïtés, la nature juridictionnelle du ministère public, son statut d’indépendance et le principe de l’obligation de l’exercice de l’action pénale est consacrée49. Le renversement de l’organisation antérieure du ministère public, l’unicité et la particularité de l’organisation judiciaire italienne sont déterminées par la volonté des Constituants de configurer un système politique fondé sur la position centrale du parlement, sur l’indépendance du corps judiciaire et sur la diminution du pouvoir exécutif, avec un seul but : conjurer le retour au passé.
SOURCES LÉGISLATIVES
45Camera dei deputati no 266, progetto del codice di procedura penale per il Regno d’Italia, presentato dal ministro Finocchiaro-Aprile nella seduta del 28/11/1905, Roma, Tipografia della Camera dei Deputati, 1905.
46Lavori preparatori del codice di procedura penale per il Regno d’Italia, Osservazioni e pareri richiesti con circolare 10 luglio 1900 dal ministro di Grazia e Giustizia e dei Culti (Gianturco), Roma, 1902, vol. IV.
47Lavori preparatori del codice di procedura penale per il Regno d’Italia, Discussioni parlamentari, Roma, 1912.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Cf. notamment A. AQUARONE, L’unificazione legislativa e i codici del 1865, Milano, 1960.
2 Les députés de la droite étaient de cet avis : "la droite et les conservateurs avaient, naturellement, une solution toute prête, désormais expérimentée et presque 'classique' : soutenir l’indépendance de la magistrature en faisant tout ce qui était raisonnablement possible pour augmenter le degré de participation avec le gouvernement" (P. PIASENZA, L’irresponsabilità politica della magistratura nello stato liberale. Il Piemonte e lo Statuto (1848-1851), Materiali per una storia della cultura giuridica, 1975, V, p. 631).
3 Soutenue par la gauche qui n’avait aucune confiance dans la majorité des membres de la magistrature, qui se recrutait en général dans l’aristocratie cadette piémontaise.
4 La tripartition des pouvoirs était destinée à céder le pas à la dictature virtuelle de la chambre élective (G. MARANINI, Storia del potere in Italia, 1842-1967, Firenze, 1967, p. 126).
5 Cf. sur le problème du brigandage dans l’Italie qui suivit l’unité, R. MARTUCCI, Emergenza e tutela dell'ordine pubblico nell'Italia liberale. Regime eccezionale e leggi di repressione dei reati di brigantaggio, Bologna, 1980.
6 Article 1 : "Tout délit donne lieu à une action pénale. Il peut aussi donner lieu à une action civile pour le dédommagement du dommage subi".
7 Article 1 : "Les juges qui, aux termes de l’article 69 du Statut ont acquis l’inamovibilité, ne peuvent pas être privés de leur charge, ni suspendus de l’exercice de leurs fonctions, ni mutés sans leur consentement ou mis en disponibilité ou à la retraite même en touchant leur solde ou une autre allocation, si ce n’est dans les cas prévus par cette même loi et selon les normes qu’elle prescrit".
8 Promulgué en vertu des pleins pouvoirs attribués en raison de la deuxième guerre d’indépendance par la loi du 25 avril 1859. C’est la reproduction fidèle du projet de loi que Rattazzi avait présenté le 17 décembre 1853, et qui n’avait pas été approuvé. Il faut dire que l’article 70 du Statut prévoyait que l’adoption de dispositions en matière de réglementation judiciaire devait se faire par voie législative : "Les magistrats, les tribunaux et les juges qui existent à l’heure actuelle sont conservés. On ne pourra pas déroger à l’organisation judiciaire sinon en vertu de la loi". Il s’agit d’un des principaux arguments des critiques de la loi.
9 Urbano Rattazzi (1808-1873). Il occupe la charge de ministre de l’Intérieur, puis celle de ministre de la Justice dans le gouvernement La Marmora, puis celle de Président du Conseil de 1862 à 1867.
10 Article 103 : "Les juges qui, aux termes de l’article 69 du Statut ont acquis l’inamovibilité, ne peuvent pas être privés de leur charge, ni suspendus de l’exercice de leurs fonctions, ni mutés sans leur consentement ou mis en disponibilité ou à la retraite même en touchant leur solde ou une autre allocation, si ce n’est dans les cas prévus par cette même loi et selon les normes qu’elle prescrit.
Ils peuvent, par contre, pour l’utilité du service, être mutés par une cour ou par un tribunal à une autre cour ou à un autre tribunal, avec le même grade et le même traitement".
11 Article 146 : "Le ministère public est le représentant du pouvoir exécutif auprès de l’autorité judiciaire et il est placé sous la direction du ministre de la Justice".
12 Article 120 : "Le ministre de la Justice exerce une haute surveillance sur toutes les cours, les tribunaux et les juges d’Etat”.
13 Article 154 : "Les fonctionnaires du ministère public peuvent, exceptionnellement et dans des circonstances particulières, être mutés dans la magistrature assise à condition que, quant au temps, ils répondent aux conditions de cette loi pour la nomination aux différents bureaux : à cet effet, il leur sera compté le temps passé dans les bureaux du ministère public. Les membres du corps assis peuvent, eux aussi, être mutés au ministère public. Chacun apporte dans son nouveau poste l’ancienneté de service qu’il avait au grade correspondant de la carrière de laquelle il sort : la correspondance du grade est déterminée par l’équivalence des salaires. Les mêmes dispositions ont lieu pour tous ceux qui, de la magistrature assise, ou du ministère public sont nommés ou affectés au ministère de la Justice, puisqu’ils rentrent dans la carrière judiciaire". Cette règle est aussi présente dans la loi d’organisation judiciaire, à l’article 137.
14 Voilà le rôle que l’on veut assigner à la magistrature debout grâce aux réformes de 1859 ; mais la tentative d’en faire un instrument de contrôle de la magistrature tout entière a été limitée par l'opposition de la magistrature assise. Cette politique du personnel qui, en maintenant les juges locaux aux présidences des tribunaux, tend à imposer des magistrats d’origine piémontaise à la direction de chaque parquet, est réalisée d’une façon très limitée et est distribuée, sur le territoire, d’une façon inégale. L’on peut distinguer trois zones : 1 - la première, qui comprend les territoires de Modène, Parme, les Marches et l’Ombrie, dans lesquels tous les procureurs du roi sont subalpins ; 2 - la seconde, qui comprend la Lombardie et le Royaume des Deux-Siciles, voit une application limitée de cette directive ; 3 - dans la troisième zone, que l’on peut identifier avec la Toscane, cette politique du personnel n’est aucunement appliquée. Cela dépend du degré de résistance à l’unification judiciaire, dans les différents territoires, ce que l’on peut démontrer par le fait que l'organisation judiciaire piémontaise est acceptée au cours de phases qui ne coïncident pas entre elles, et que, au fur et à mesure que le temps passe, une réaction à la "piémontisation" très diffuse se développe, ce qui fait que les normes décidées quelques années auparavant ne sont plus réalisables. De plus, il ne faut pas négliger l’insuffisance du personnel judiciaire piémontais et sa réticence à la mutation. Cf. P. SARACENO, Il rinnovamento del personale giudiziario negli anni dell’unificazione nazionale. I Presidenti di tribunale ed i Procuratori del Re, dans P. SARACENO, F. GRISPO, F. SCALAMBRINO (sous la direction de), I magistrati italiani dall'Unità al fascismo. Studi biografici e prosopografici, Roma, 1988, p. 13-120.
15 Article 129 : "Le ministère public est le représentant du pouvoir exécutif auprès de l’autorité judiciaire et il est placé sous la direction du ministre de la Justice".
16 Luigi Borsari, partisan de l’indépendance du ministère public de l’exécutif, note, d’une façon polémique, au lendemain de l’entrée en vigueur du code de 1865 : "Dans le tout nouveau code, la formule a été répétée : moi aussi, je ne ferai que me répéter" (Della azione penale, Torino, 1866, p. 208, nt. b Addiz.).
17 Article 199 : "Les fonctionnaires d’ordre judiciaire qui ont, aux termes de l’article 69 du statut, acquis l’inamovibilité, ne peuvent pas être privés de leur grade, ou suspendus, ni mis sans leur consentement en disponibilité, en congé d’inactivité ou à la retraite, même en touchant leur solde, si ce n’est dans les cas prévus par la loi, et selon les formes qu’elle prescrit. Ils peuvent par contre, être mutés pour l’utilité du service d’une cour ou d’un tribunal à une autre cour ou à un autre tribunal, avec le même grade et le même traitement".
18 Il existe aussi, sur le ministère public, un contrôle indirect exercé par l’entremise de l’organe qui constituait l’intermédiaire officiel de l’exécutif, le parquet général.
19 Article 245 : "Le siège ne peut exercer aucune censure sur les fonctionnaires du ministère public, sauf les attributions des présidents pour la police des audiences. Chaque fois que les fonctionnaires du ministère public s’écartent, au cours de l’exercice de leurs fonctions, des devoirs dus à leur charge, ou s’ils en compromettent l’honneur, la délicatesse et la dignité, les cours doivent le communiquer au ministre de la Justice, et les tribunaux au premier président et au procureur général auprès des cours d’appel".
20 Instituée en tant que corps en 1848, en tant qu’administration de la sécurité publique, et devenue en 1852 le corps des gardes de la sécurité publique. Cf. A. BERSELLI, Amministrazione e ordine pubblico dopo l’Unità, dans Amministrazione della giustizia e ordine pubblico e poteri di polizia dagli Stati preunitari alla caduta della Destra, Actes du LIIe Congrès d’histoire du Risorgimento italien, Roma, 1986, p. 165-213 ; M. SBRICCOLI, Polizia (dir. intermedio), dans Enciclopedia del diritto, XXXIV, Milano, 1985, p. 111-120.
21 Article 109 : "L’autorité judiciaire dispose directement de la police judiciaire". Cf. V. ZAGREBELSKY, Magistratura e polizia giudiziaria, Politica del diritto, VIII, 3, 1977, p. 229-259.
22 P. SARACENO, Alta magistratura e classe politica dalla integrazione alla separazione. Linee di un’analisi socio-politica del personale dell'alta magistratura italiana dall'Unità al fascismo, Roma, 1979, p. 42.
23 L’intervention la plus digne d’intérêt doit être attribuée à Francesco Canara (1805 - 1888), le principal criminaliste italien du XIXe siècle, inspirateur de l’école classique du droit pénal : "Il [le ministère public] est le fruit de la politique, que tout le monde connaît comme un pseudonyme de la tyrannie. Fruit de la politique, il est le pire ennemi de la justice, s’il a le pouvoir de lier, de façon directe ou indirecte, la conscience des juges" (II. I discorsi d’apertura (1873), dans Opuscoli di diritto criminale, IV, Lucca, 1874, p. 44-45).
24 « La solution des rapports entre le ministère public et la magistrature assise, en se référant aussi à la position du ministère public par rapport à l’exécutif, n’a jamais, semble-t-il, été sérieusement cherchée ailleurs que dans le développement d’une relation de plus en plus forte du ministère public à l’intérieur de l’ordre judiciaire. L’autre solution, à savoir celle de soustraire complètement la magistrature à son contrôle et de faire du ministère public un organe qui appartienne ouvertement au pouvoir politique, fut soutenue avec vigueur et efficacité mais, à ma connaissance, elle ne s’est jamais traduite en projet de loi ministériel » (G. BARTELLINI MOECH, Il Pubblico Ministero dallo Stato liberale allo Stato fascista : significato di un ordinamento (leggi e circolari 1865-1941), dans Natura e funzioni del pubblico ministero, lineamenti per una riforma, Roma, 1967, p. 38).
25 G. MUSIO, Sul riordinamento giudiziario. Studi, Ancona, 1862, p. 256 ; ID., Sulla legge organica giudiziaria del 6 dicembre 1865, Gazzetta dei Tribunali (Genova), 14 marzo 1868, XX, 11, p. 161-164 ; 21 marzo 1868, 12, p. 177-181 ; 28 marzo 1868, 13, p. 193-197 ; 4 aprile 1868, 14, p. 209-212 ; ID., Di una novella legge organica dell’Ordine giudiziario, Firenze, 1868 ; ID., Del pubblico ministero, lettera del Senatore Musio al Signore Avv. Assuero Tartufari, Firenze, 1869, p. 247 ; ID., Discorsi del senatore Giuseppe Musio intorno al progetto di legge di modificazioni all’ordinamento giudiziario nelle giornate dal 24 al 29 gennaio 1873, Roma, 1873.
26 Les critiques se reflètent presque toutes dans la loi organique de 1865, justement parce qu’elles sont totalement identiques.
27 Article 216 : "Le ministre de la Justice exerce un haut contrôle sur toutes les cours, les tribunaux et les juges de l’Etat".
28 En ce qui concerne la forme, la loi judiciaire est inconstitutionnelle du fait qu’elle n’a pas été approuvée par le Parlement (ainsi que son extension à Venise), mais promulguée en vertu de la loi du 25 avril 1859, loi qui donnait les pleins pouvoirs au Gouvernement ; en ce qui concerne la substance, Giuseppe Musio critique le plagiat de la loi consulaire française de l’an IX, et surtout la formulation des articles 129 et 216, qui violent explicitement le principe de séparation des pouvoirs.
29 G. MUSIO, Discorsi del senatore Giuseppe Musio..., p. 6.
30 Article I : "Le ministère public auprès des cours d’appel et des tribunaux n’est pas obligé de conclure dans les jugements civils, sauf dans les causes matrimoniales et dans le cas où, aux termes de la loi, il procède par voie d’action. Il n’est pas tenu à assister aux audiences civiles, sauf quand il s’agit de causes pour lesquelles il doit conclure".
31 Un des instruments auquel le ministère public avait souvent recours était celui des discours d’inauguration, prononcés au début de l’année judiciaire, par lesquels on pouvait orienter la jurisprudence du tribunal.
32 L. Lucchini (1847-1929), juriste et homme politique, fut député et sénateur à partir de 1908. Il est surtout connu comme le fondateur de la Rivista penale et pour ses critiques des principes exprimés par l’école positiviste.
33 Outre naturellement les ministres qui se succèdent au ministère de la Justice.
34 « Cette indépendance n’est pas nécessaire, ni utile, ni encore moins possible, et, du moment qu’il s’agit d’une mystification pure et simple, elle ne ferait que compromettre la vraie, la seule indépendance qui puisse intéresser la justice d’un pays libre et civil, celle de la magistrature du siège » (L. LUCCHINI, Riforma giudiziaria. Giudice unico - Promozioni e anzianità - Pubblico ministero, Rivista penale, 1903, 57, XXIX, p. 500).
35 F. CARRARA, XXV. Progressi della libertà civile (1873), dans Progresso e regresso del giure penale nel nuovo Regno d’Italia osservato nella dottrina, nella legislazione e nella giurisprudenza, I, Prato, 1874, p. 435 ; l’image de Briarée sera reprise ensuite par d’autres juristes.
36 G. Zanardelli (1826-1903), juriste et homme politique, représentant de la gauche, lie son nom au code pénal de 1889. Il assume la charge de ministre de la Justice de 1881 à 1883, et de 1887 à 1891, et celle du Président du Conseil de 1901 à 1903.
37 Cf. L. LUCCHINI, Ancora sul pubblico ministero nel progetto di riforma giudiziaria, La Ronda giudiziaria, (Revue vénitienne bimensuelle), 1903, 1, fasc. 9, col. 193-198 ; L. LUCCHINI, Riforma giudiziaria..., p. 480-506 ; L. LUCCHINI, La mistificazione del pubblico ministero, (Discorso tenuto alla Camera dei Deputati il 3 marzo 1903, discutendosi il progetto Zanardelli di riforma dell’ordine giudiziario) legislatura XXI, sessione II, discorsi, p. 6079 ; dans Archivio penale, 1969, XXV, parte I, p. 7-15.
38 Vittorio Emanuele Orlando (1860-1952) assume la charge de ministre de la Justice de 1907 à 1909, et celle de Président du Conseil de 1917 à 1919.
39 "La disposition de l’article 129 de la loi d’organisation judiciaire, qui détermine quelle est la fonction du ministère public placé sous la direction du ministre de la Justice, répond aux conditions juridiques et politiques actuelles et doit servir de guide à la Commission pour ses travaux".
40 Le jugement exprimé par la cour de cassation de Florence fut lapidaire : "Non seulement la disposition de l’article 129 ne répond pas aux conditions juridiques et politiques actuelles, mais elle n’a jamais été appliquée, et ne peut pas l’être, comme elle a été formulée" (Lavori preparatori del codice di procedura penale per il Regno d’Italia. Osservazioni e pareri richiesti con circolare 10 luglio 1900 dal ministro di Grazia e Giustizia e dei Culti (Gianturco), Roma, 1902, vol. IV, p. 37).
L’institution de la cassation unique ayant son siège à Rome a lieu en plusieurs étapes : en 1875, la compétence exclusive pour certaines matières est réservée à la cour de Rome ; en 1888, l’unification de la cassation pénale a lieu, et, en 1923, celle de la cassation civile.
41 Camera dei deputati no 266, Progetto de codice di procedura penale per il Regno d’ltalia, presentato dal ministro Finocchiaro-Aprile nella seduta del 28/11/1905, Roma, Tipografia della Camera dei Deputati, 1905, p. 36-37.
42 "Mais une réforme sérieuse et complète de la procédure pénale ne sera pas possible si un des premiers organes judiciaires, c’est-à-dire le ministère public, ne retrouve pas sa dignité, si on ne le soustrait pas complètement à sa dépendance à l’égard du pouvoir exécutif en lui conférant l’inamovibilité" (Discussioni parlamentari, Roma, 1912, 2a tornata del 4 giugno 1912, Camera dei Deputati, p. 398).
43 "Les interventions s’orientent par conséquent vers l’idée de laisser au ministère public la surveillance des juges, en rapprochant en même temps la position de ses fonctionnaires de celle des magistrats inamovibles. Mêler les carrières, initialement parallèles et distinctes ; diminuer et limiter les pouvoirs de contrôle du ministère public ; diminuer et limiter les pouvoirs de contrôle du ministre de la Justice : voilà la vraie voie que, avec des hauts et des bas, le législateur parcourut au cours des années qui vont de 1865 à la Première Guerre mondiale » (G. BARTELLINI MOECH, Il pubblico ministero..., p. 39).
44 P. SARACENO, Alta magistratura e classe politica..., p. 18.
45 C. GUARNIERI, Magistratura e politica. Pesi senza contrapesi, Bologna, 1992, p. 86.
46 G. MARANINI, Storia del potere in Italia..., p. 273-274.
47 Article 69 : "Le ministère public exerce, sous la surveillance du ministre de la Justice, les fonctions que la loi lui attribue".
48 Avec cette seule différence que, le ministre devait obligatoirement obtenir l’avis conforme du Conseil Supérieur de la Magistrature pour la mutation d’office d’un juge, alors que pour la mutation d'un fonctionnaire du ministère public, un avis simple est requis.
49 Les études sur ce sujet ne sont malheureusement pas aussi nombreuses que l’on pourrait s’y attendre, vu qu’il s’agit d’un thème si actuel et si controversé de nos jours encore. 11 y a de nombreux comptes rendus critiques périodiques sur ce sujet ainsi que des analyses concernant l’état de la magistrature, et en particulier de l’organisation de la magistrature debout ; il y a des propositions pour de nouvelles voies de recherche souhaitables. Un cas particulier est constitué par G. NEPPI MODONA, Libertà di stampa, potere politico e magistrature : passato e presente, Studi Storici, 1970, XI, 3, p. 551-571, tandis qu’une brillante et novatrice interprétation des rapports entre la politique et la magistrature au cours de la période qui suivit l’unité de l'Italie est offerte par Pietro Saraceno, historien, qui propose depuis toujours une perspective prosopographique pour l’étude de l’histoire de la magistrature dans la période qui précède l’unité de l’Italie et celle qui lui succède (Cf. P. SARACENO, Alta magistratura e classe politico...).
Auteur
Docteur de recherche en histoire du droit moderne à l'Université de Macerata (Italie). Sa thèse de doctorat a pour titre L'azione penale nel XIX° secolo. La titolarità soggettiva della funzione d'accusa. Ses recherches portent sur l'histoire et l'évolution du procès pénal et de la magistrature.
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