“Pathologia sacra” : les affects de l’écriture sainte
p. 243-261
Texte intégral
1Une légende tenace fait de Schleiermacher l’inventeur de l’herméneutique universelle. Comme toute légende, celle-ci aussi contient un grain de vérité, ne fût-ce que parce qu’elle peut se réclamer de la thèse de Schleiermacher lui-même, affirmant que l’herméneutique générale n’existant pas encore, elle reste à inventer : « L’herméneutique en tant qu’art de comprendre n’existe pas encore sous forme générale, seules existent plusieurs herméneutiques spéciales »1. Néanmoins, prise à la lettre, la thèse risque d’entraîner un malentendu grave concernant l’histoire antérieure de l’herméneutique2. Or, les recherches récentes sur l’herméneutique des Lumières confirment toujours plus clairement la mise en garde de Peter Szondi3 contre une surestimation du virage opéré par Schleiermacher et l’impossibilité de faire commencer l’universalisation du problème herméneutique avec ses célèbres Leçons d’herméneutique de Halle et de Berlin. Depuis plus d’une décennie, une nouvelle génération de chercheurs a entrepris l’étude systématique de l’herméneutique des Lumières, un âge qui, à bien des égards, loin de se réduire à une simple “préhistoire”, comme le suggère Gadamer, apparaît comme un véritable âge d’or de l’herméneutique. L’ouvrage collectif publié récemment par Axel Bühler4 sous le titre Unzeitgemässe Hermeneutik, offre un tableau impressionnant du paysage de l’herméneutique des Lumières. Cet ouvrage, qui annonce d’autres travaux en cours5, rappelle d’abord, ce qu’on oublie volontiers, que l’herméneutique est bel et bien un des thèmes centraux de cet âge. Le précieux catalogue chronologique des titres établi par Oliver R. Scholz à la fin de l’ouvrage recense rien que pour la période de 1605-1794, pas moins de 124 titres !
1. Actualité d’une “herméneutique intempestive”
2Pour le philosophe, le détour par cette “herméneutique intempestive” en vaut-il la peine, ou n’intéresse-t-il que les historiens des idées, voir les historiens des institutions ? De ce dernier point de vue, il faut d’abord souligner le rôle capital de l’université de Halle, fondée en 1694 et qui, pendant toute cette période, jouait un rôle phare dans la promotion d’une herméneutique générale, transcendant les clivages facultaires. Un colloque international qui s’est tenu en septembre 1994 à l’Institut de Philosophie de cette université à l’occasion du tricentenaire de sa fondation, a d’ailleurs permis d’honorer cette contribution6. Sans méconnaître le caractère intempestif de cette herméneutique, il n’est pas interdit de se laisser instruire par certains de ces thèmes, en particulier dans une nouvelle conjoncture théorique, marquée d’une part, par l’entrée en force des théories analytiques dans le débat autour de la notion d’interprétation, ainsi que, en Allemagne, face aux problèmes soulevés par les représentants de l’interprétationisme7.
3La conception de l’herméneutique qui prend forme à l’âge des Lumières est clairement ordonnée à une épistémologie générale et une philosophie du langage dont le cadre général a été fixé par Leibniz et par Wolff8. C’est grâce à Wolff — chassé en 1723 de l’université de Halle par le roi-sergent Frédéric Ier, avant d’y être réinstallé en triomphe en 1740 par le jeune Frédéric II — que l’herméneutique réussit à s’arrimer solidement dans les manuels de logique dont elle forme la quatrième partie. Cette inscription de l’herméneutique dans le cadre d’une épistémologie et d’une méthodologie générale représente un puissant facteur de libération : l’herméneutique n’est plus désormais un « produit d’importation imposé à la philosophie par les facultés supérieures de théologie et de jurisprudence, comme cela pouvait encore sembler être le cas au 17ème siècle », mais « elle connaît dans le rationalisme du 18e siècle une élaboration détaillée et lucide des problèmes qu’elle véhicule »9.
4La brillante étude que Luigi Cataldi Madonna consacre à l’herméneutique de Christian Wolff lui-même10, illustre sur quatre points décisifs le profil caractéristique de cette herméneutique rationaliste : l’insistance sur l’intention de l’auteur (investigatio mentis auctoris), le critère de l’authenticité de l’interprétation, comme finalité première de la compréhension et de l’interprétation, avec le souci de protéger le texte contre l’arrogance abusive de l’interprète, toujours tenté de trouver des interprétations qui l’arrangent (accomodatio) ; la mise en évidence du caractère simplement probabiliste et non apodictique des hypothèses interprétatives11 ; la possibilité, déjà reconnue par Wolff, que néanmoins dans certains cas l’interprète puisse comprendre l’auteur mieux qu’il ne s’est compris lui-même12 ; la distinction entre intelligere (comprendre) et interpretari, décisive pour conférer une portée générale, et en ce sens philosophique à l’herméneutique, ce qui oblige de renoncer à la légende du caractère purement “occasionnel” de l’herméneutique des Lumières13 ; et enfin, la maxime de l’équité herméneutique, dans laquelle les successeurs de Wolff reconnaîtront le principe qui permet de fonder l’herméneutique comme science rationnelle14.
5Rien ne montre mieux l’actualité possible d’une herméneutique aussi intempestive que l’étude que Oliver Scholz a consacré à l’herméneutique générale de Georg Friedrich Meier15. Le Précis d’herméneutique générale de Meier, paru à Halle en 175716, non seulement met à mal la légende qu’avant Schleiermacher il n’y aurait pas eu d’herméneutique générale, mais seulement des herméneutiques spéciales17. Dans son interprétation vigoureuse de cette ébauche d’une herméneutique générale qui est de fait une sémiotique générale, dont Gustav G. Spet avait discerné l’importance dès 191818, Scholz souligne l’intérêt qu’il y aurait à confronter le postulat de l’équité herméneutique (aequitas hermeneutica) aux théories contemporaines de Josef Pieper, de W. V. Quine et surtout le “principle of charity” développé par Donald Davidson19.
2. Le statut problématique de l’hermeneutica sacra dans la modernité
6Comment déterminer la place et le rôle de l’herméneutique piétiste de l’Écriture sainte dans ce type de chantier recherche ? Autant il paraît concevable de parier sur une possible actualité de l’herméneutique universelle des Lumières, autant l’herméneutique de l’Écriture sainte semble être irrévocablement intempestive. Cela ne vaut pourtant pas dire que le philosophe qui s’intéresse à la préhistoire de l’herméneutique philosophique devrait la passer sous silence.
7Avant d’examiner un de ses aspects les plus centraux, rappelons d’abord brièvement la toile de fond historique, telle que l’ont reconstruite Dilthey, Wach, et Gadamer. Ces trois auteurs rattachent la naissance de l’herméneutique moderne aux controverses théologiques de la réforme, c’est à dire à « l’expérience de la guerre civile confessionnelle » (Odo Marquard). Il est difficile de sous-estimer les conséquences à long terme de cette déchirure capitale de la chrétienté. Depuis l’époque de la Réforme le rapport du chrétien à son propre texte fondateur est un rapport brisé qui porte la marque d’un conflit des interprétations qui risque toujours d’engendrer une violence sanglante. Le texte qui devrait rassembler les chrétiens est maintenant devenu l’instance principale qui les divise. Dilthey, qui était très sensible à cette déchirure, déclarait en ce sens que la science herméneutique ne commence qu’avec le protestantisme. Cela ne veut pas nécessairement dire que l’herméneutique théologique traditionnelle, c’est-à-dire la théorie des quatre sens de l’Écriture, soit devenue complètement caduque. Avec l’avènement de la Réforme, ce n’est pas d’abord la théorie de l’interprétation de l’Écriture qui change de fond en comble, mais la situation dans laquelle on est obligé d’élaborer cette théorie. C’est une situation historique inédite qui produit dès le commencement des effets théoriques qui déterminent une nouvelle problématique herméneutique.
8La grave crise des fondements engendrée par la rupture de la Réforme, oppose deux conceptions à première vue incompatibles de l’interprétation du texte biblique. D’une part, la conception catholique qui estime que la tradition est un instrument indispensable de la compréhension. Hors de la tradition, point de salut de l’interprétation. D’autre part, la conception luthérienne qui estime que ce recours à la tradition comme instance d’interprétation fait écran au texte lui-même. La tradition fait parler le texte, mais elle ne laisse pas le texte parler de lui-même. Laisser le texte (ou la Parole) parler de lui-même, telle est la nouvelle maxime herméneutique de Luther, déclarant que l’Écriture est son propre interprète (Scriptura sui ipsius interpres).
9Nous pourrions dire qu’une lecture qui se laisse guider par un principe extra-scripturaire comme la tradition est fatalement “allégorique”, même si elle ne recourt pas à l’exégèse allégorique au sens étroit du mot. Elle est “allégorique” par le simple fait de soumettre le texte à une autre autorité que le texte lui-même. Pour Luther au contraire, la maxime Scriptura sui ipsius interpres impose le respect inconditionnel du sens littéral. La méthode allégorique n’intervient que là où le texte lui-même l’autorise ou l’impose, par exemple dans les récits paraboliques. Dans tous les autres cas, la lecture allégorique doit être évitée, en particulier à propos de l’Ancien Testament, qu’il faut respecter en lui-même, c’est-à-dire, pour Luther, en tant que règne de Loi auquel seule la grâce apportée par le Christ viendra mettre fin.
10La première tentative de dégager les implications herméneutiques de ces nouvelles positions théologiques se trouve formulée dans l’ouvrage de Flacius Illyricus (1520-1575) : Clavis Scripturae Sacrae (1567). C’est avec cet ouvrage que Dilthey fait commencer l’histoire proprement moderne de l’herméneutique. Mais contrairement à Dilthey, il faut éviter de tirer cette problématique trop rapidement dans le sens d’une critique historique qui n’existe pas encore. Le véritable problème se laisse formuler de la manière suivante : en dehors de toute caution magistérielle, comment comprendre encore l’unité du Livre des Livres ? Flacius montre que l’interprète qui veut établir le sens littéral d’un passage de l’Écriture, doit nécessairement replacer celui-ci dans le contexte plus vaste dont il fait partie et tenir également compte de la visée principale (scopus) du texte en question. « Dans le cas des Écritures Saintes, comme dans celui de tous les autres écrits, l’interprétation correcte dépend en grande partie de la prise en considération du contexte, de l’intention, de la proportionnalité et de la congruence mutuelle des parties, qui sont comme les membres de l’ensemble. Ainsi en est-il des diverses parties d’une totalité quelconque, qui se comprennent le mieux possible en fonction de la prise en considération de l’harmonie de l’ensemble ». Ce passage de la préface de l’ouvrage montre que l’herméneutique théologique de la Réforme est obligée de prêter une grande attention au cercle herméneutique du tout et de la partie, déjà connu par la rhétorique ancienne. Ce cercle, qui jusque-là n’était qu’une recette purement pragmatique, commence maintenant à avoir une grande importance théorique, étant donné les enjeux théologiques considérables qui s’y rattachent20.
11Ce qui est dorénavant en jeu, c’est le problème de l’unité interne et externe du canon des Écritures. En théologie la présupposition que la Bible constitue une unité joue un grand rôle, en particulier à partir du moment où l’instance magistérielle qui se porte garante de l’unité de ce corpus se trouve disqualifiée. Problème de l’unité interne et externe du livre des Livres : quels sont les livres qui en font partie, mais aussi, plus profondément, pour quelles raisons en font-ils partie ? Cette collection de livres, d’origine extraordinairement diverse, possède-t-elle quelque unité doctrinale (pour Luther, le critère interne d’unité est le Christum treiben) mais peut-être aussi une unité littéraire qui nous indique que ces écrits sont appelés à former un livre unique, ce que Northrop Frye, citant Blake, appelle : « le Grand Code » ?21.
12Pour Dilthey, l’héritier du siècle de l’histoire, il n’y a aucun doute que l’avenir de l’herméneutique passe par la remise en question de la présupposition que le sens littéral, référé à l’unité du Livre des Livres, est une donnée dogmatique en deçà de laquelle il est impossible de revenir. Une fois conquise la nouvelle problématique herméneutique, cette présupposition dogmatique était appelée à se dissoudre progressivement, à la faveur de la découverte que le sens littéral lui-même a besoin d’être compris par recours au contexte historique de chaque livre biblique. À partir de là, la différence entre l’herméneutique sacrée et l’herméneutique profane devient moins étanche. De part et d’autre, l’interprète affronte le même problème de replacer le sens littéral dans un contexte historique qui le rend compréhensible. Ce sera l’œuvre d’une nouvelle génération de théologiens-herméneutes, des hommes comme Johann Salomo Semler (1725-1791) et Johann August Ernesti (1707-1781) qui sont déjà en réaction contre Richard Simon (1638-1712) et Baruch Spinoza (1632-1677) d’avoir ouvert cette voie de l’enquête historique.
13Dans une optique philosophique, il faut bien entendu accorder une importance particulière au Tractatus theologico-politicus de Spinoza. Même s’il est vrai qu’en matière d’exégèse biblique critique, le travail de Richard Simon est infiniment supérieur à l’exégèse de Spinoza, le Tractatus de 1670 garde une valeur inégalée par la façon principielle dont il aborde la question du statut même du texte sacré et de son interprétation dans la société moderne. Un simple regard sur l’architecture d’ensemble de l’ouvrage montre déjà l’ampleur des problèmes abordés. Il s’ouvre sur six chapitres “théologiques” qui respectent la séquence traditionnelle de la théologie juive qui se répartit sur deux grands volets : traité de l’unité divine, traité de la justice divine, lui-même subdivisé en Prophétie, Loi et Providence (problème du miracle). A ces chapitres plus doctrinaux viennent s’ajouter des chapitres contenant des remarques exégétiques-critiques (chap. 8-11). Les chapitres 12-15 élargissent de nouveau la perspective en abordant la question du statut même du texte sacré, en particulier la question délicate entre toutes : en quel sens l’Écriture mérite-t-elle encore d’être appelée Sainte ? Le champ est alors libre pour une nouvelle détermination des rapports entre la philosophie et la religion (chap. 14-15) et pour une apologie de la paix civile, au-delà de la discorde confessionnelle et pour une apologie de la liberté de pensée (chap. 16-20).
14L’herméneutique du Tractatus est enfouie dans tous ces livres qui tracent un unique parcours, ayant sa cohérence propre. Mais elle devient plus thématique au chapitre 7 de l’ouvrage qui est explicitement consacré au problème de l’interprétation de l’Écriture. C’est ici que Spinoza énonce son principe herméneutique fondamental selon lequel la méthode de l’interprétation de l’Écriture ne doit différer en rien de celle que l’on suit dans l’interprétation de la nature, mais doit s’accorder en tout point avec celle-ci. « De même en effet que la méthode dans l’interprétation de la nature consiste essentiellement à considérer d’abord la nature en observateur, et après avoir ainsi réuni des données certaines, à en conclure les définitions des choses naturelles, de même, pour interpréter l’Écriture, il est nécessaire d’en acquérir une exacte connaissance historique et, une fois en possession de cette connaissance, c’est-à-dire de données et de principes certains, on peut en conclure par voie de légitime conséquence la pensée des auteurs de l’Écriture ».
15Se comporter face à l’Écriture d’abord en observateur : c’est de cela que toutes les lectures traditionnelles, qu’elles soient juives ou chrétiennes, se sont montré incapables. De l’exégèse rabbinique, Spinoza déclare quelle est « tout simplement délirante » (Rabbini plane delirant) ; mais nul doute qu’à ses yeux ce jugement sévère vaut pour beaucoup d’autres lectures religieuses de la Bible. Aussi ne faut-il pas se tromper sur la signification qu’il attache à un énoncé qui revient souvent tout au long du Tractatus : « la connaissance de presque tout le contenu de l’Écriture doit être tirée de l’Écriture elle-même, de même que la connaissance de la nature de la nature elle-même ». « Toute la connaissance de l’Écriture doit donc se tirer d’elle seule ». Tota itaque Scripturae cognitio ab ipsa sola peti debet. Si cet énoncé fait penser au Sola Scriptura luthérien, il prend évidemment dans la bouche de Spinoza une tout autre signification, qui la met à l’abri de toute controverse confessionnelle.
16Ce qui le montre, c’est la règle herméneutique fondamentale qu’énonce Spinoza : « La règle universelle à poser dans l’interprétation de l’Écriture est donc de ne lui attribuer aucun enseignement qui ne découlerait pas avec la plus grande clarté de l’enquête historique elle-même ». L’enquête historique dont il est question ici, recouvre trois choses. D’abord une histoire de la langue hébraïque ainsi que l’étude des hébraïsmes néo-testamentaires. Ensuite une reconstruction — more geometrico ? — des principaux énoncés dont se compose chaque livre biblique, triés selon des critères objectifs. Le but de cet inventaire est d’isoler les énoncés ambigus, obscurs ou contradictoires. La tâche herméneutique est ici de tracer une ligne aussi nette que possible entre le sens des textes et leur vérité. Ce sera seulement une fois que le sens aura été déterminé de façon aussi objective que possible qu’on pourra s’interroger sur la vérité d’un texte (c’est-à-dire se demander si ce qu’il dit est crédible). Le sens est une donnée linguistique objective sur laquelle il est facile de se mettre d’accord ; la vérité suppose l’introduction d’une instance critique supplémentaire : notre raison. Enfin, une histoire du texte, de ses auteurs, du milieu d’époque, du rassemblement des textes en canon des Écritures, etc.
17Aux yeux de Spinoza, cette méthode d’interprétation est la seule certaine, qu’on peut donc pratiquer entre gens raisonnables, sans aggraver encore le “conflit des interprétations” confessionnel ou interreligieux. Transcendant les particularismes confessionnels et les préjugés de la tradition, elle s’appuie sur la seule “tradition” qui soit à l’abri de la falsification et de l’arbitraire : la tradition de la langue elle-même ! Si Spinoza pense ainsi avoir écrit dans le Tractatus le discours de la méthode de l’herméneutique sacrée, son herméneutique est sous-tendue par l’aveu (lettre 21) que pour lui, la Bible, un livre qui a pour destinataire le peuple, est un livre doublement incompréhensible, accidentellement, à cause des circonstances de sa rédaction, essentiellement à cause des contenus qu’elle véhicule. C’est ce qui lui confère son statut exceptionnel, car de soi, Spinoza pense que les “vieux livres” ne sont dépositaires d’aucune vérité inaccessible autrement. Mais est-ce le cas ? Toute herméneutique ne vit-elle pas fondamentalement de la conviction contraire ? Dans ce cas nous sommes obligés de nous demander avec Leo Strauss22 si nous n’avons pas besoin d’une herméneutique exactement pour les mêmes raisons qui faisaient que Spinoza pensait ne pas en avoir besoin.
3. “Pathologia sacra”
18C’est précisément en rapport au double arrière-plan philosophico-théologique qui vient d’être rapidement évoqué que se pose la question du statut de l’herméneutique piétiste de l’Écriture sainte23. A bien des égards, elle apparaît encore plus intempestive que l’herméneutique philosophique des Wolff, Chladenius ou Meier. C’est peut-être pour cela que Chladenius, au moment même où il postulait la nécessité d’un « art d’interpréter universel, c’est-à-dire une science qui convient à toutes sortes de livres et qui suffit à chacun », excluait prudemment l’hermeneutica sacra de son projet. Cela vaut la peine d’examiner son argumentation : « Je considère l’interprétation de ce Livre divin et sacré comme un couronnement et un chef d’œuvre d’interprétation, pour l’achèvement duquel on doit appliquer non seulement tous les moyens et les avantages de l’art d’interpréter, philosophique et général, mais encore faire usage de règles particulières. L’Écriture sainte recèle des mystères, et son interprète doit interpréter des passages chargés de mystères. Mais tout le monde sera certainement d’accord avec moi pour dire que l’explication de passages dont la compréhension embrasse une chose que l’on a découverte grâce à l’esprit et à la raison de l’homme diffère complètement de l’élucidation de ces passages qui contiennent quelque chose de plus fort que la raison »24. C’est précisément cette hypothèse que l’herméneutique philosophique ne peut être au mieux qu’une propédeutique à l’hermeneutica sacra que Schleiermacher contestera formellement dès ses premiers enseignements d’herméneutique biblique à Halle : « Les livres saints sont-ils, en tant que tels, dans une autre situation que les [livres] profanes ? On ne sait qu’ils sont saints que parce qu’on les a compris... Les livres saints n’ont-ils pas, en vertu de leur nature particulière, aussi une herméneutique particulière ? En effet. Mais le particulier ne peut être compris que par l’universel. Sans quoi il n’est à nouveau qu’un agrégat. La confusion régnera toujours si “celui qui comprend” ne s’est pas lui-même élevé à l’herméneutique »25.
19Dans le même contexte (il s’agit de l’ébauche de l’herméneutique de 1805) Schleiermacher mentionne Ernesti. Par le fait même se trouve soulevé le problème du statut de l’herméneutique piétiste : a-t-elle été capable d’élever “celui qui comprend” à l’herméneutique, ou a-t-elle simplement entretenu les confusions ? Quoi qu’il en soit de la réponse, il paraît difficile de la passer sous silence, ne fût-ce que, comme Karl Barth l’a bien vu, piétisme et rationalisme, bien qu’étant ennemis, sont en réalité inséparables26. Pour étrange et déroutante qu’elle soit, l’herméneutique piétiste représente une tentative de trouver une réponse à la crise du texte sacré dans la société moderne, dont certains secteurs au moins échappent à la tutelle religieuse et confessionnelle. De nouveau, l’université de Halle qui fut fondée en 1684 et qui recevait l’empreinte durable de Spener et de August Hermann Francke (1663-1727) est un observatoire idéal.
20La principale originalité de l’herméneutique piétiste de la Bible consiste dans la tentative de centrer le problème de l’interprétation autour d’une doctrine des affects. Francke et Johann Jacob Rambach (1693-1735) partent du principe que la tâche de l’interprète n’est pas de découvrir dans l’Écriture un dogme, mais un état d’âme ou un affect. Rechercher systématiquement les passages bibliques dans lesquels se manifestent des états d’âme (de Dieu — par exemple la colère divine — ou des acteurs humains — par exemple la tristesse de l’apôtre accablé par les charges de sa mission) fut une des tâches que Francke, un des premiers organisateurs du mouvement piétiste, assignait à l’herméneutique biblique. Celle-ci devenait ainsi une théorie des affects scripturaires, une pathologia sacra. Le travail de compréhension consiste à faire communier l’état d’âme de l’interprète avec celui du rédacteur du texte.
21Cette conception, à première vue plus qu’étrange, de l’interprétation, trouve pourtant une justification théorique dans la thèse qu’à la base de tout discours se trouve toujours un affect qui est l’âme du discours. Le pari herméneutique de base de Francke est qu’il faut être converti pour comprendre de l’intérieur l’économie du salut qui donne sens à la Bible. Or, conçu de cette manière, le travail de la compréhension engage aussi bien la raison que le cœur, et même d’abord le cœur et ensuite seulement la raison. Comprendre veut dire retrouver la conjonction intime du discours et de l’affect. Évidemment, la ferveur piétiste part du principe que les affects qui ont donné naissance à l’Écriture Sainte ne sont pas quelconques. L’objet formel de l’herméneutique sacrée sera ainsi de décrire la différence spécifique entre les affects naturels et les affects spirituels. Les moyens techniques de cette investigation sont d’une part une exégèse typologique christocentrique et d’autre part la lecture emphatique des passages bibliques, car l’emphase, c’est la trace de l’affect dans le langage.
22Qu’il y ait ici largement matière à délire de l’interprétation est évident. En effet, tout le problème est celui de transformer en théorie cohérente une lecture cordiale et fervente des textes bibliques. Comment concilier les épanchements du cœur avec les rigueurs d’une théorie ? C’est précisément cela que tentait de faire Rambach dans ses Institutiones hermeneuticae sacrae (1723), un ouvrage qu’il faut considérer comme la tentative la plus élaborée de construire une herméneutique systématique sur la base du piétisme. Un bref passage de son commentaire de son propre ouvrage nous livre l’essentiel de sa pensée27.
231. Au départ, nous avons une conception déterminée du langage : Affectus enim est anima sermonis28. L’affect est l’âme du discours. Tant qu’on ne sait pas de quel affect émanent les paroles d’un auteur, on est incapable de les comprendre et de les interpréter à la perfection. Presque toujours les pensées se rattachent à des affects cachés. L’affect joue donc un rôle central dans la détermination du sens d’un message. Il fournit le ton qui fait la musique. Dans la terminologie de Austin, nous pourrions dire que c’est lui qui nous fait découvrir la force illocutionnaire et perlocutionnaire de nos messages. Ce n’est que grâce à l’affect que le discours devient un “discours vivant”29 ; or, c’est le discours dans ce qu’il a de plus vif, qui fait l’objet de l’interprétation.
24La doctrine du verbe intérieur qui est aux yeux de Gadamer et de Grondin le véritable fil conducteur de toute herméneutique30, trouve ici une expression typique dans la thèse que « nos pensées sont toujours associées à des affects secrets », de sorte qu’il « est impossible de comprendre et d’interpréter parfaitement les paroles d’un auteur, si on ne sait pas de quel affect elles sont issues »31. Au tenue d’une longue liste de passages scripturaires, Rambach établit « à quel point il est nécessaire, pour comprendre correctement un discours, de reconnaître l’affect d’où est issu le discours et qui anime les paroles ; et comment, par conséquent, un interprète ne doit pas seulement explorer les mots, mais également l’esprit intime de l’auteur (intimum animum auctoris) »32.
252. Sur cette thèse de philosophie du langage et d’herméneutique se greffe toutefois un axiome théologique capital : il y a des affects propres à l’Écriture Sainte. La tâche d’une pathologia sacra est de faire l’inventaire systématique des lieux scripturaires où ceux-ci se manifestent. Exemple : la tristesse spirituelle évoquée dans 2 Cor 7,11. Mais Rambach a conscience que cette approche soulève une difficulté théologique de taille. C’est celle du sujet véritable des affects spirituels : est-ce le psychisme humain ou est-ce l’Esprit Saint en personne ? La question peut paraître étrange, mais elle découle automatiquement de l’idée que les affects des rédacteurs bibliques ne sont pas quelconques. Étant “sanctifiés”, inspirés, ils peuvent également “inspirer” et “édifier” les lecteurs, c’est-à-dire susciter en eux des affects spirituels (c’est une transposition chrétienne de l’argument platonicien de la “chaîne sacrée” dans le Ion). Rambach récuse une conception fondamentaliste de la theopneusia, de l’inspiration. À ses yeux, l’Esprit Saint nous parle précisément à travers le tempérament mélancolique-colérique de Saint Paul. D’où la conséquence herméneutique : comprendre un discours requiert l’identification de l’affect qui est à son origine et qui continue à l’animer. La tâche de l’interprète est non seulement d’analyser la signification des mots, mais d’atteindre l’intimité psychique d’un auteur.
26Il est évident que la postérité ne pouvait pas s’accommoder très longtemps de la différence subtile entre les affects scripturaires et les affects profanes. Une fois que cette différence devenait caduque, le champ sera libre pour une herméneutique psychologique. Et de fait l’herméneutique piétiste a préparé le chemin à la psychologie empirique, comme le montre l’exemple de Karl Philip Moritz (1756-1793) qui, dans son roman autobiographique Anton Reiser33, publié en 1785, raconte les déboires de son enfance et de son adolescence piétiste et qui, devenu adulte et émancipé, éditera le premier journal de psychologie empirique intitulé Magazin zur Erfahrungsseelenkunde (1783-1795). Au terme d’une évolution complexe, cette herméneutique psychologisante qui se constitue sur le terrain du piétisme donnera naissance aux lectures psychologiques de la Bible elle-même, dont nos récents L’évangile au risque de la psychanalyse représentent sans doute l’ultime avatar.
273. Mais Rambach a également conscience de la difficulté proprement herméneutique liée à cette conception. En effet, s’il est vrai qu’il faut percevoir la jubilation du prophète qui proclame « Un enfant nous est né, un fils nous a été donné » (Is. 9,6), pour comprendre le sens de son message, on se trouve aussitôt confronté à la difficulté suivante : comment identifier la trace de l’affect dans la lettre ? C’est tout le problème de la différence entre la voix vive et l’écriture. Dans la voix vive, la présence des affects est facile à reconnaître. Elle s’y manifeste pour ainsi dire à ciel ouvert dans les inflexions de la voix, le débit des paroles, les gestes ou autres manifestations corporelles qui l’accompagnent, etc. Dans l’écrit par contre, l’identification des affects pose problème « propter defectum vivae vocis »34 ; ils sont pour ainsi dire enfouis ou enterrés sous la lettre. Leur identification pose donc problème.
28C’est précisément pour cela que la tâche centrale — en même temps que la difficulté centrale — de l’interprétation est une tâche d’application. Tout comme la compréhension (intellectio) du texte et son exégèse-explication (explicatio, Auslegung) requièrent une subtilitas, c’est-à-dire un esprit de finesse, l’application n’est pas affaire de mise en œuvre mécanique d’un certain nombre de règles, mais requiert elle aussi une subtilitas spécifique. En l’occurrence, la subtilité de l’application consiste à mobiliser dans l’âme de l’auditeur les affects qui permettent de retrouver le sens que l’écrit risque de faire perdre de vue. Le risque évident de cette stratégie herméneutique est celui d’une interprétation excessivement emphatique de l’Écriture, qui se laisse guider par les tropes bibliques. Ernesti mettait déjà en garde contre les aberrations des fanatici qui se livrent sans vergogne à cette emphase. Schleiermacher, lui emboîtant le pas, cherchera à définir le juste équilibre entre l’excès et le défaut, c’est-à-dire entre la froideur d’une lecture rationaliste qui voudrait systématiquement exclure les affects du travail de la compréhension et la surenchère de la ferveur piétiste qui trouve son expression dans l’exigence de Rambach de « prendre le plus possible de façon emphatique » : « La maxime qui nous invite à prendre le plus possible de façon tautologique est aussi fausse que celle qui nous invite à prendre le plus possible de façon emphatique »35.
29L’exemple de la “pathologia sacra” illustre de manière saisissante le caractère intempestif de l’herméneutique piétiste. Nous laisserons au théologien la question de savoir si, oui ou non, à une époque où se développent les mouvements charismatiques et les lectures cordiales-inspirées de l’Écriture, il n’aurait pas intérêt à méditer les textes théoriques de Francke et de Rambach. La question plus épineuse est celle de savoir quel intérêt systématique et non simplement historique la philosophie herméneutique contemporaine peut trouver dans ces théories étranges. Avant de répondre par la négative, il n’est pas inutile de jeter un regard sur Vérité et Méthode de Hans-Georg Gadamer, qui est incontestablement l’ouvrage princeps de l’herméneutique philosophique de notre siècle. On découvrira alors, peut-être avec une certaine surprise, que la référence à l’herméneutique piétiste occupe une place importante dans la conception philosophique de l’herméneutique que défend l’auteur. Le motif essentiel de cet intérêt apparaît très tôt dans le livre : s’il est vrai qu’une herméneutique philosophique a pour tâche de relégitimer les concepts fondateurs de la tradition humaniste-rhétorique contre l’idéal de la méthode (pour Gadamer il s’agit essentiellement des quatre concepts fondateurs de “culture”, “sensus communis”, “faculté de juger”, goût”36), “elle ne peut pas ignorer la contribution de l’herméneutique piétiste à l’élaboration de la doctrine du sensus communis. Gadamer attire en particulier l’attention sur le piétiste Oetinger qui représente à ses yeux la seule tentative d’acclimater la signification éthico-politique de la notion de “bon sens” dans la pensée allemande. Il le fait moyennant un changement de vocabulaire significatif : ce que Shaftesbury appelle “common sense”, Oetinger l’appelle “cœur”. Gadamer précise que cette version “cordiale” de la doctrine du sens commun s’associe étroitement à l’herméneutique de l’Écriture qui, à défaut de pouvoir se servir d’une méthode mathématique-démonsüative — ou d’un calculus metaphysicus à la manière de Leibniz — exige une méthode “générative”, capable d’implanter la vérité de la Parole de Dieu dans le cœur des fidèles, pour qu’elle puisse y croître et s’épanouir.
30Sens, goût, instinct : dans cette lecture cordiale, les affects jouent un rôle capital, car ils ne sont pas simplement des représentations confuses. En termes plus précisément herméneutiques, cela veut dire que le sens et le goût spirituel sont plus important que les règles herméneutiques codifiées : « Cyclus vitae centrum suum in corde habet, quod infinita simul percipit per sensum communem »37. Tout excès spiritualiste mis à part, cette thèse implique l’importance herméneutique du problème de l’application. On sait qu’elle est la thèse centrale de Gadamer à cet égard. La contribution essentielle du romantisme à la formulation du problème herméneutique fut d’avoir établi l’inséparabilité du binôme “Comprendre” (subtilitas intelligendi) et de l’“Interpréter” (au sens de l’Auslegung — “explicitation” : subtilitas explicandi)38. Le tournant ontologique accompli grâce à Heidegger ne fait que renforcer la solidité de ce lien, car on sait le lien étroit que l’analytique existentiale établit entre les structures existentiales co-originaire du “Comprendre” (Verstehen)39 et de l’“Explication” (Auslegung)40. Aux yeux de Gadamer, cette évolution comportait le risque soit de perdre de vue le moment de l’application, soit d’en faire une opération annexe et marginale du processus herméneutique. D’où la nécessité de reconquérir le problème herméneutique fondamental par une nouvelle méditation du phénomène de l’application41. L’herméneutique juridique, la doctrine aristotélicienne de la phronèsis, mais aussi la doctrine rambachienne de l’applicatio édifiante montrent la voie à une herméneutique qui veut penser l’application non comme bord externe, mais comme cœur d’une herméneutique qui « prend réellement au sérieux l’historicité de l’homme »42.
31Indépendamment même du problème de l’historicité, au sujet duquel on peut se demander s’il inquiétait déjà les piétistes, on trouve chez Gadamer un second motif qui plaide en faveur d’un réexamen de l’herméneutique piétiste : c’est la reprise de l’ancienne rhétorique et de sa théorie des affects43. À cet égard, il convient de se rappeler avec Heidegger et Martha Nussbaum44, que le lieu philosophique primordial d’élaboration d’une théorie des affects n’est pas la psychologie, mais la rhétorique. Heidegger affirme même que le traitement aristotélicien des pathè au second livre de la Rhétorique est « la première herméneutique systématique de la quotidienneté de l’être-l’un-avec-l’autre »45. Certains jugeront probablement abusif l’emploi de la notion d’herméneutique dans ce contexte. Face à l’herméneutique piétiste, quelque déroutante qu’elle puisse paraître par ailleurs, cette hésitation n’est plus permise : chez ses meilleurs théoriciens, « le vieux chapitre de la rhétorique classique que constitue la mobilisation des affects, est reconnu comme un principe herméneutique »46.
Notes de bas de page
1 F.D.E. SCHLEIERMACHER, Herméneutique, trad. franç. de Christian Berner, Paris, Ed. du Cerf, 1987, p. 113.
2 Pour une vigoureuse mise en garde contre ce malentendu, cfr J. GRONDIN, L’universalité de l’herméneutique, Paris, P.U.F., 1993, p. 88.
3 Cfr P. SZONDI, Introduction à l’herméneutique littéraire, trad. franç. de M. Bollack, Paris, Ed. du Cerf, 1975, p. 95.
4 A. BÜHLER (Ed.), Unzeitgemässe Hermeneutik. Verstehen und Interpretation im Denken der Aufldarung, Frankfurt, Klostermann, 1994.
5 Notamment la réédition par Luigi Cataldi Madonna du Versuch einer Allgemeinen Auslegungskunst de MEIER dans la Philosophische Bibliothek des Éditions Felix Meiner et un Cahier spécial de la Revue Aufldarung sur le thème Hermeneutik der Aufklärung, l’une et l’autre publication étant prévues pour 1994.
6 Familiarité et Étrangeté. L’herméneutique en contexte européen (Actes à paraître).
7 Cfr G. ABEL, Interpretationswelten. Gegenwartsphilosophie jenseits von Essentialismus und Relativismus, Frankfurt, Suhrkamp, 1993 ; H. LENK, Philosophie und Interpretation. Vorlesungen zur Entwicklung konstruktionistischer Interpretationsanssätze, Frankfurt, Surhkamp, 1993.
8 Cfr H.-W. ARNDT in Unzeitgemässe Hermeneutik, op. cit., p. 12-25.
9 Ibid., p. 25.
10 Ibid., chap. 2., p. 26-42.
11 Ibid., p. 33.
12 Ibid., p. 35.
13 Ibid., p. 38.
14 Ibid., p. 41.
15 Ibid., chap. 6, p. 158-191.
16 G. F. MEIER, Versuch einer allgemeinen Auslegungskunst, Halle 1757, réimpression avec une introduction de L. Geldsetzer, Düsseldorf, 1965.
17 Ibid., p. 166.
18 G. G. SPET, Die Hermeneutik und ihre Probleme (Moskau 1918), Freiburg, Alber, 1993, Coll. Orbis Phaenomenologicus, Abteilung V, Band 1, p. 110-112.
19 Ibid., p. 187-189.
20 Tout en reconnaissant l’importance de Flacius dans son histoire de l’herméneutique (op. cit., p. 65-82), Gustav G. Spet souligne ses déficits théoriques : en l’absence d’une analyse de l’acte de comprendre et d’une théorie des signes (p. 80), cette herméneutique reste purement pratique et devra le moment venu céder la place à la logique, seule capable d’effectuer une analyse proprement théorique. Ainsi se trouve désignée d’avance la contribution de Wolff, déjà évoquée plus haut.
21 Cfr N. FRYE, The Great Code. The Bible and Literature, London, Routledge & Kegan, 1982.
22 Cfr L. STRAUSS, How to study Spinoza’s Theological-Political Treatise, in Persecution and the Art of Writing, New York, 1952, p. 142-201. Pour une analyse plus détaillée du Tractatus cfr S. ZAC, Spinoza. L’interprétation de l’Écriture. Paris, 1965 ; S. BRETON, Spinoza, théologie et politique, Paris, Desclée, 1977, p. 29-48.
23 L’ouvrage de Axel Bühler mentionné plus haut comporte plusieurs études consacrées à l’herméneutique piétiste : chap. 3. une étude de Paolo Lombardi sur la dispute autour de l’intention de l’auteur relative au livre des Psaumes p. 43-68 ; chap. 5, une étude de l’herméneutique biblique de Siegmund Jacob Baumgarten de Lutz Danneberg p. 88-157 ; chap. 7, présentation de l’herméneutique théologique de Johann Salomo Sentier due à Gottfried Hornig p. 192-222.
24 J.M. CHALDENIUS, Einleitung zur richtigen Auslegung vernünfftiger Reden und Schrifften (Leipzig 1742), ed. Lutz Geldsetzer, Düsseldorf, 1969, Préface ; trad. franç. citée d’après P. SZONDI, Introduction à l’herméneutique littéraire, op. cit., p. 21-22.
25 F.D.E. SCHLEIERMACHER, Herméneutique, op. cit., p. 32.
26 K. BARTH, Die protestantische Theologie im 19. Jahrhundert, tome I, Hamburg, Siebenstern, 1975, p. 68.
27 Ce passage est reproduit dans l’anthologie de textes éditée par GADAMER et BOEHM sous le titre Seminar Philosophische Hermeneutik, Frankfurt, Suhrkamp, p. 62-68.
28 J. J. RAMBACH, Erlauterung über seine eigenen Institutiones Hermeneuticae Sacrae (1723), § 2, p. 124. (Gadamer-Boehm, op. cit., p. 65)
29 Rappelons que c’est sous ce titre que André Green présentait en 1970 son célèbre rapport sur la conception psychanalytique de l’affect cfr A. GREEN, Le discours vivant. La conception psychanalytique de l’affect, Paris, P.U.F., 1973.
30 Cfr J. GRONDIN, L’universalité de l’herméneutique, op. cit., p. V-XI.
31 J. J. RAMBACH, op. cit., § 1, p. 122. (Gadamer-Boehm, op. cit., p. 62).
32 Ibid., §1, p. 123, (Gadamer-Boehm, op. cit., p. 64).
33 K. P. MORITZ, Anton Reiser. Ein psychologischer Roman, ed. Wolfgang Martens, Stuttgart, Reclam, 1972.
34 J.J. RAMBACH, op. cit., § 2, p. 125, (Gadamer-Boehm, op. cit., p. 67).
35 F.D.E. SCHLEIERMACHER, Herméneutique, op. cit., p. 145.
36 G.S. 1, 15-46.
37 G.S. 1, 35.
38 Cfr A. LAKS & A. NESCHKE, La naissance du paradigme herméneutique, Lille, Presses Universitaires, 1992.
39 Être et Temps, § 31.
40 Ibid., § 32. Pour une analyse des enjeux de cette cooriginarité, je renvoie à mon ouvrage Ontologie et temporalité. Esquisse d’une interprétation intégrale de Sein und Zeit, Paris, P.U.F., 1994, p. 187-200.
41 G.S. 1, 312-345.
42 G. S. 2, 105.
43 G.S. 2, 283-284.
44 M. NUSSBAUM, The Therapy of Desire. Theory and Practice in Hellenistic Ethics, Princeton, Princeton University Press, 1994, p. 82.
45 M. HEIDEGGER, Sein und Zeit, § 29, p. 138, trad. franç. de E. Martinerau, p. 116.
46 H.G. GADAMER, G.S. 2, 284.
Auteur
Institut catholique de Paris
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