L’éthique à l’épreuve du marché mondial*
p. 731-747
Texte intégral
Avec sa situation géographique, son infrastructure et la qualité de sa main d’œuvre, la Wallonie est un réservoir de développement formidable dans notre Etat fédéral qui est déjà le plus grand exportateur d’Europe. Mieux : dans son dernier hit-parade, The Economist nous attribue désormais la troisième place en terme d’exportation par tête d’habitant, juste après Singapour et Hong-Kong.
Cela ne suffit pas. Il faut produire, vendre, exporter plus encore. C’est à cette seule condition que les jeunes Wallons auront du travail demain. Assurer la survie et la richesse de la Wallonie, sauver les entreprises, créer des emplois, voilà ce qui doit nous rassembler.
Ce qui nous unit aujourd’hui, c’est plutôt le business que la charity.
1... C’était une communication de la Présidence du gouvernement wallon publiée, sous la forme d’une publicité payante, dans Le Soir du 1er mars 1993. Parler de l’éthique à l’épreuve du marché mondial, c’est aborder la difficulté qui se dessine en filigrane dans un message comme celui-ci. Pour vous la faire comprendre à ma manière, je vais m’efforcer d’articuler d’une part un paradoxe et d’autre part une tendance lourde qui est en train de bouleverser la carte de ce qui est possible aujourd’hui pour nos sociétés.
1. Le paradoxe : ethique des ménages versus ethique des entreprises
2Le paradoxe d’abord : Alors que l’éthique des ménages conduit au triomphe de la vertu, l’éthique des entreprises conduit au triomphe du vice.
3Pour comprendre cette proposition, rappelez-vous la distinction élémentaire entre les ménages, qui fournissent aux entreprises des facteurs de production (travail et capital) et leur achètent des biens de consommation, et les entreprises, qui achètent aux ménages des facteurs de production et leur vendent des biens de consommation. Supposons que, en tant que ménage, vous vouliez vous conformer à certaines exigences éthiques. Par exemple, vous refusez de travailler ou d’investir dans une entreprise qui fabrique des armements ou pratique la vivisection, ou encore vous refusez d’acheter les produits d’une entreprise qui refuse la syndicalisation de ses travailleurs ou qui fabrique des produits polluants. Dans ce cas, le jeu même du marché va conduire au triomphe de la vertu, au sens où certains de ceux qui n’attachent aucune importance à ces considération éthiques vont cependant être amenés, par pur intérêt personnel, à adopter une conduite éthique.
4Si par exemple un nombre significatif de ménages refuse d’investir ou de travailler dans des entreprises où la vivisection est pratiquée, ces entreprises devront payer plus cher pour obtenir une même qualité de main d’œuvre ou un même volume d’investissement. Cette hausse des coûts de production va se répercuter sur les prix, et des consommateurs qui n’ont cure d’exigences éthiques mais sont sensibles aux prix vont ainsi être amenés à se tourner vers d’autres entreprises qui, se comportant de manière plus « éthique », ne voient pas leurs coûts de production augmentés par l’effet du comportement éthiquement discriminatoire des travailleurs-investisseurs. De même, dans l’autre sens, si un nombre significatif de ménages refuse d’acheter des produits polluants, les producteurs d’alternatives non polluantes vont prospérer et attirer vers eux des travailleurs et des investisseurs qui n’ont que faire d’éthique, mais se préoccupent seulement de gagner leur vie le mieux possible ou de maximiser le rendement de leurs placements.
5Tournons-nous maintenant vers les entreprises et demandons-nous ce qui se passe lorsque l’une d’entre elles, ou un certain nombre d’entre elles, s’efforce de faire prévaloir l’éthique sur la rentabilité, ses valeurs sur ses intérêts, là où il existe entre celles-là et ceux-ci un véritable conflit. Cette fois, non seulement le mécanisme du marché ne va pas conduire au triomphe de la vertu, à la moralisation de la conduite de ceux-là même qu’aucune morale n’inspire. Mais en raison de l’avantage concurrentiel dont jouissent les entreprises qui ne s’imposent aucune autre contrainte éthique que celle que motive la crainte de sanctions légales, il induit au contraire l’extermination systématique — éthique comprise — des entreprises qui tentent de se conformer, malgré leur coût, à des exigences éthiques plus fortes que le simple respect de la loi.
6On peut bien sûr souligner — comme aiment à le faire ceux qui s’efforcent de vendre l’« éthique des affaires » aux entreprises — qu’un peu d’éthique peut aider à faire du bon business. Traiter humainement son personnel peut le rendre plus performant, et verdir son blason peut aider à vendre ses marchandises1. Il reste que les frontières de l’harmonie entre éthique et profits sont vite franchies, et que dès qu’elles sont franchies, la main invisible du marché assure le triomphe du vice en érodant infatigablement les velléités de vertu auxquelles, de temps à autre, des entreprises se laissent aller. Ma thèse n’est donc pas du tout que les ménages ont une disposition « naturelle » plus prononcée que les entreprises à se conduire de manière éthique. Ma thèse est bien plutôt que, lorsqu’un effort est fait pour infléchir l’économie dans un sens plus éthique, la nature du mécanisme concurrentiel est telle que cet effort est contagieux lorsqu’il est le fait des ménages, mais qu’il s’autodétruit lorsqu’il est le fait des entreprises2.
2. La tendance lourde : les Etats se muent en entreprises
7Voilà pour le paradoxe, où il a certes été question d’éthique mais pas encore de marché mondial. J’en viens maintenant à la tendance lourde, qui permettra de faire le lien : Les Etats, aujourd’hui, se comportent toujours moins comme des ménages, toujours plus comme des entreprises, et ils ne peuvent pas faire autrement.
8Pourquoi ? Fondamentalement parce que les facteurs de production dont chaque Etat a besoin, comme du reste les débouchés pour les produits qu’il peut offrir, sont de moins en moins des choses dont il a la maîtrise, des choses dont il peut dire « c’est à nous » :« notre épargne », « nos entreprises », « notre main d’œuvre », « notre demande ». Ce sont au contraire des choses toujours plus mobiles, insaisissables qu’il faut constamment avoir le souci d’attirer et de retenir en assurant des conditions financières suffisamment attrayantes : des taux d’intérêt nets suffisamment élevés pour les placements financiers ; des législations fiscales, sociales et environnementales suffisamment amicales pour attirer les investissements industriels et les grandes administrations internationales ; des rémunérations nettes suffisamment élevées pour retenir la main d’œuvre hautement qualifiée ; des prix, et donc des coûts de production, suffisamment bas pour que les produits soient compétitifs3. Les évolutions qui sous-tendent cette tendance lourde sont diverses et complexes. Elles incluent notamment les progrès technologiques en matière de télécommunications et de transports et, dans le cas de l’Europe, la levée graduelle des obstacles directs et indirects à la libre circulation des personnes, des capitaux et des biens. Quelle qu’en soit la nature exacte, elles ont pour effet de plus en plus sensible qu’en tant qu’épargnants, en tant qu’investisseurs, en tant que travailleurs, en tant que consommateurs, nous jouissons d’une liberté de plus en plus grande d’échapper aux limites territoriales. Et c’est précisément en raison de cette liberté croissante de chacun d’entre nous que la communauté politique dont nous sommes membres voit sa marge de manœuvre graduellement réduite à celle d’une entreprise qui a à « mériter » l’offre de ses facteurs de production et la demande pour ses produits au lieu de pouvoir, à la manière d’un grand ménage, en disposer souverainement.4
9N’est-il pas d’emble manifeste que pareille assimilation est absurde ? N’est-il pas évident que la fonction de l’Etat est et reste fondamentalement différente de celle d’une entreprise, du fait que, par exemple, un Etat ne peut pas simplement voir dans le licenciement de travailleurs insuffisamment rentables une réduction de coût, puisque c’est lui qui doit payer les chômeurs ? Mais précisément, tout comme les entreprises ne vont continuer à payer des travailleurs non rentables que dans la mesure où soit elles ont tout de même, à terme, intérêt à les garder (que l’on pense à la thésaurisation de la main d’œuvre qualifiée en période de basse conjoncture), soit elles sont contraintes de le faire par la législation en vigueur (qui lui impose, par exemple, une obligation de préavis), de même les Etats sont graduellement conduits, à mesure que la tendance lourde s’accentue, à ne plus distribuer de revenus aux chômeurs que dans la mesure où soit il est rentable de le faire — notamment pour préserver l’employabilité physique et psychique des travailleurs entre deux périodes d’emploi —, soit il est obligatoire de le faire — en raison d’éventuelles dispositions de droit international.
10Cette tendance lourde, c’est donc la solide — et sordide — part de vérité dans le message de la présidence du gouvernement wallon. Et le paradoxe fait le joint avec mon sujet. Nous adhérons tous — j’ose le croire — à des valeurs, des idéaux, une éthique, qui ne se réduisent pas à la compétitivité ou à la rentabilité, et dont nous estimons qu’ils doivent avoir priorité sur elles. Mais à quoi bon ? Car si les Etats ne sont que des entreprises, et si l’éthique des entreprises conduit, comme on l’a vu, au triomphe du vice, alors tout ce que nous pouvons tenter de faire dans ce sens est voué à l’échec, et tous nos babillages sur les valeurs qui doivent inspirer nos politiques ne sont que temps absurdement perdu, vent destiné à se briser contre ces dures contraintes que l’on peut certes regretter mais qu’il serait suicidaire d’ignorer et qu’exprimait si bien le communiqué glacial mais lucide de la présidence du gouvernement wallon : « Ce qui doit nous unir aujourd’hui, ce n’est pas la charity mais le business ».
11La conjonction de cette tendance lourde et de ce paradoxe (présentés ici de manière trop schématique) est à mes yeux cruciale pour comprendre les limites dans lesquelles doit désormais se mouvoir notre prétention à infléchir nos sociétés dans le sens d’une solidarité plus généreuse ou de la réalisation de n’importe quel autre aspect de nos idéaux éthiques. Ces limites affectent notre politique sociale comme notre politique de santé, notre politique culturelle et notre politique des médias comme notre politique des transports ou notre politique de l’environnement. Etre lucide, c’est reconnaître que les problèmes que nous connaissons aujourd’hui quant au financement de l’enseignement, de l’opéra, de la télévision publique ou des hôpitaux, ce ne sont pas des problèmes de court ou moyen terme liés à une récession conjoncturelle, au plan de convergence des économies européennes ou aux avatars de la transformation de la Belgique en Etat fédéral, mais des problèmes structurels étroitement liés à la tendance lourde que je viens de décrire, au fait que les Etats n’ont guère d’autre choix que de se transformer en entreprises immergées dans le marché mondial.
3. Des interstices ?
12N’y a-t-il pas cependant dans l’argument qui précède, sinon des failles qui pourraient en provoquer l’effondrement, du moins des interstices dans lesquels nos espérances et nos politiques pourraient victorieusement se glisser. Trois pistes se présentent à nous.
13En premier lieu, il importe de noter que même si le paradoxe est vrai sans réserve — tout conflit entre éthique et rentabilité de l’entreprise se solde par l’élimination de l’éthique — et la tendance lourde pleinement réalisée — les Etat se comportent comme des entreprises —, il reste une place qui n’est ni négligeable ni méprisable pour nos valeurs, en l’occurrence là où valeurs et compétitivité vont la main dans la main. Tout comme il peut être bon à terme pour les profits d’une entreprise que celle-ci s’impose certaines exigences éthiques, par exemple celle d’instaurer un système équitable de promotion ou d’être d’une honnêteté scrupuleuse avec ses clients, de même il peut être dans l’intérêt de la compétitivité d’un Etat par exemple d’assurer à tous ses enfants (riches et pauvres, autochtones et immigrés) un accès gratuit à un enseignement de qualité, de manière à pouvoir assurer une formation de base à tous et sélectionner les plus doués, quelle que soit leur origine sociale, pour leur donner la formation approfondie que requiert un fonctionnement performant de l’économie.
14Mais il faut bien avouer qu’aujourd’hui, précisément en raison de l’accélération de la tendance lourde, cette voie rencontre rapidement ses limites. En particulier, on ne peut plus aujourd’hui, pour l’illustrer, évoquer le somptueux mariage de la justice sociale et de l’efficience économique qui a constitué le substrat du grand consensus social-démocratique de l’après-guerre. Augmenter les salaires et les revenus de remplacement en vue de soutenir la demande des biens de consommation et, par là, l’investissement et le progrès technique, est une politique qui pourrait se justifier pour chacune de nos économies si celles-ci étaient encore aussi tournées vers elles-mêmes que naguère, mais qui n’a plus de fondement dans le contexte que façonne une perméabilité toujours plus grande des frontières. Une majoration des salaires ou des allocations aujourd’hui, c’est par dessus tout un coût et un handicap du point de vue de la compétitivité et seulement de manière très secondaire un coup de main à la demande pour la production domestique5. Dans bien des domaines, l’alliance entre l’éthique et la compétitivité est donc bien trop précaire pour que la pleine vérité du paradoxe, jointe à la pleine force de la tendance lourde, soit compatible avec une action étatique durablement et significativement façonnée par des considérations éthiques.
15S’offre alors une deuxième piste, apparemment plus prometteuse. N’est-il pas évident, en effet, que le paradoxe n’est pas vrai sans réserve, que la discipline du marché n’est pas telle que les entreprises sont privées de toute marge de manœuvre. Il se peut bien par exemple qu’une manière plus ou moins équitable de répartir des bureaux ou d’organiser des licenciements ait un coût réel non négligeable pour une entreprise mais que celle-ci puisse néanmoins durablement l’adopter, la pression concurrentielle n’étant pas telle que seules soient viables les options qui maximisent les profits. Certes, l’entreprise aurait pu fonctionner à moindre coût ou investir davantage si elle avait fait un autre choix. Mais qu’elle ne l’ait pas fait ne lui est pas fatal. Par suite, même si la tendance lourde est pleinement réalisée — même si les Etats ne peuvent plus se conduire que comme des entreprises —, toute marge de manœuvre n’a pas disparu. Cela coûte sans doute en compétitivité, par exemple, de consacrer une part de ces recettes fiscales qu’il est si difficile de récolter à la subsidiation d’un enseignement pour handicapés coûteux pour la collectivité et sans justification en termes de rentabilité. Cela coûte aussi d’organiser un enseignement artistique et un certain nombre d’autres enseignements dont la valeur utilitaire est tout aussi problématique. Mais les Etats comme les entreprises, nous venons de le voir, peuvent se permettre durablement quelques petites folies au nom d’idéaux qui leur tiennent à cœur.
16Ou du moins ils le peuvent s’ils ne sont pas de ceux qui, empêtrés dans un endettement qu’ils ne contrôlent plus, ont le couteau sur la gorge. La situation, en effet, n’est pas la même selon que l’entreprise fait des pertes ou des profits. Pour un Etat en déficit chronique, comme pour une firme contrainte à s’endetter toujours plus, le paradoxe conserve toute sa force. Ce ne sont dès lors pas les réserves que l’on peut légitimement émettre quant à la dureté de la discipline à laquelle la concurrence soumet les entreprises qui peuvent nous permettre d’espérer que les « luxes éthiques » d’un Etat criblé de dettes cessent de passer à la trappe6.
17Reste alors la dernière piste, celle qui consiste à souligner que la tendance lourde n’est pas pleinement réalisée. Une entreprise (capitaliste) est de toutes parts confrontée au marché : au marché du travail, au marché du capital, au marché des produits. Sur chacun de ces fronts, le seul argument, ou du moins l’argument essentiel auquel elle peut faire appel est qu’elle offre plus, mieux, ou moins cher que les autres. Elle peut certes essayer de créer quelque chose comme une loyauté chez ses clients (les clubs Macintosh) ou chez ses travailleurs (les cercles de qualité), une fidélité qui prévaudra même si on leur offre mieux ailleurs. Mais ce patriotisme d’entreprise est un phénomène qui reste marginal et est sans doute destiné à le rester.
18Se demander si la tendance lourde est pleinement réalisée c’est, dans une large mesure, se demander si le patriotisme joue encore, ou peut encore jouer, un rôle important au niveau des Etats. Il y a patriotisme si, à l’instar de John Kennedy, les responsables d’un Etat peuvent se tourner vers les citoyens et dire, sans prêter à rire : « Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez faire pour votre pays ». Si un chef d’entreprise tenait pareil discours, par exemple face à un membre de son personnel venu lui présenter ses revendications, on s’accorderait sans doute pour trouver cela déplacé7. L’entreprise n’est généralement qu’un pur instrument pour le travailleur, un simple moyen d’obtenir son revenu et d’autres avantages, tout comme le travailleur est pour l’entreprise un simple facteur de production, un moyen de réaliser ses objectifs de profit. Et il serait dès lors malséant d’attendre du travailleur qu’il n’aille pas voir ailleurs si les conditions n’y sont pas plus favorables. La question est donc de savoir si aujourd’hui les Etats diffèrent significativement des entreprises sous ce rapport. Aux entreprises auxquelles le gouvernement wallon a accordé une subvention pour qu’elles s’installent ou se développent en Wallonie, on n’a manifestement pas dit : « Ne demandez pas ce que la Wallonie peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez faire pour la Wallonie ». Lorsque le ministre des finances émet un emprunt d’Etat, il est clair que le taux d’intérêt net qu’il est amené à proposer n’est pas déterminé par une idée élevée de ce qu’il serait équitable de payer à l’épargnant, mais par la stricte contrainte du taux d’intérêt net que l’épargnant belge pourra trouver à l’étranger pour un placement analogue. Plus grave encore, si divers pays, en réduisant la progressivité de l’imposition du revenu des personnes physiques, se sont mis à abaisser significativement les ponctions fiscales sur les revenus professionnels des travailleurs les plus qualifiés, c’est parce qu’ils avaient des raisons de craindre qu’un nombre croissant de leurs cadres supérieurs, de leurs chercheurs, de leurs ingénieurs les plus productifs ne se dirigent vers d’autres pays où la rémunération nette à laquelle leur qualification leur permettait de prétendre était plus avantageuse. Dans ce contexte, on ne peut même plus vraiment parler, comme le fait la présidence du gouvernement wallon dans son message, de « notre main d’œuvre »8.
19Ce phénomène, qui est à la racine de notre tendance lourde, peut-il être enrayé ? Et si oui, comment ? Pour réduire, sinon le désir, du moins la possibilité d’aller voir ailleurs, on pourrait par exemple songer à instaurer un visa de sortie sous des conditions prohibitives telles que le remboursement intégral des coûts de scolarité, ou encore, plus subtilement, à interdire en Belgique francophone l’usage et l’apprentissage de toute langue autre que le wallon. Mais chacune des stratégies auxquelles on pourrait ainsi songer présente, quant à sa désirabilité comme à sa faisabilité, des inconvénients décisifs, à l’exception — peut-être — de deux d’entre elles.
4. La globalisation
20La première de ces deux stratégies consiste bien entendu à transférer le pouvoir de décision dans les matières concernées à un niveau plus élevé, d’étendre l’espace territorial régi par les décisions pertinentes. Le niveau auquel nous pensons le plus spontanément est sans doute celui de l’Union européenne. Mais le passage à ce niveau serait sans doute loin de résoudre entièrement le problème, tant la mobilité du capital et, dans une certaine mesure, du travail qualifié, a désormais acquis une dimension transcontinentale, et la nécessité d’un passage à une échelle plus vaste encore ne peut être exclue. Pareille stratégie de globalisation soulève deux difficultés principales.
21D’abord, qui dit globalisation ou européanisation, dit centralisation. Les décisions ne sont plus prises à Dublin, Athènes, Copenhague ou Lisbonne, mais à Bruxelles. Comme toute centralisation, celle-ci présente des inconvénients importants. Elle accroît la distance administrative que doit parcourir l’information sur les problèmes à résoudre. Elle rend plus difficile le contrôle des décideurs par les personnes qu’affectent les décisions prises. Elle réduit la diversité des mesures adoptées et par là tant leur aptitude à se façonner en fonction de préférences qui peuvent varier d’une région à l’autre, que l’espace laissé à l’expérimentation de formules nouvelles. Bref, elle se heurte à toute la gamme des considérations qui motivent ce qui est aujourd’hui connu sous le nom de principe de subsidiarité.
22En deuxième lieu — et c’est la difficulté la plus fondamentale pour tout ce qui, dans le domaine de l’éthique, touche à la justice sociale —, n’est-il pas irréaliste de tenter d’instaurer une solidarité forte à l’échelle européenne, voire au-delà, alors qu’il est déjà si difficile de trouver les ressources morales pour en instaurer ou préserver une à une échelle bien plus modeste, comme la Belgique fédérale ou l’Allemagne unifiée ? Cette difficulté se manifeste, par exemple, dans l’énorme effort nécessaire à un ouvrier de la Ruhr ou à une commerçante écossaise pour s’identifier avec une paysanne andalouse ou un facteur sicilien (ou inversement) au point de pouvoir prononcer un « nous » qui les couvre tous et exprime leur solidarité. Elle se manifeste aussi dans l’immense difficulté qu’il y a, ne fût-ce qu’en raison d’obstacles linguistiques, à instaurer un débat sur l’ampleur et les formes de la solidarité qui aille au delà de conciliabules d’experts et de marchandages entre des politiciens dont la véritable audience n’est jamais que leur électorat national et dont la véritable référence n’est jamais que leur intérêt national, ou — au mieux — l’intérêt des plus démunis des « leurs ». Elle se manifeste encore dans les obstacles qui entravent l’émergence de personnalités politiques et autres susceptibles de symboliser et mobiliser des élans et des sentiments de solidarité qui, à travers l’adhésion à leur personne, vivifieraient et stabiliseraient une solidarité institutionnelle forte transcendant les frontières nationales.9
23Chacune de ces deux difficultés est bien réelle. Et si ni l’une ni l’autre ne prive de toute efficacité la stratégie de la globalisation, leur conjonction nous force certainement à ne pas faire trop vite de celle-ci une panacée et à interroger le potentiel de la seconde stratégie annoncée.
5. Le patriotisme solidariste
24Moins évidente que la première et plus suspecte aux yeux de beaucoup, cette seconde stratégie s’appuie elle aussi directement sur l’analyse esquissée plus haut. La tendance lourde qui y est évoquée consiste en effet en ceci que nos projets collectifs sont minés par notre propre propension individuelle à saisir l’occasion indéfiniment réitérée que nous offre notre économie ouverte d’acheter moins cher des biens produits ailleurs, d’épargner ou d’investir ailleurs avec un rendement meilleur, d’employer ailleurs nos qualifications et notre expérience pour une rémunération supérieure à celle que nous pouvons trouver chez nous. Pour bloquer ce processus, enrayer la tendance lourde et rendre par là au projet de réaliser nos valeurs la marge de manœuvre qu’il requiert, il suffit dès lors d’étouffer — ou du moins d’affaiblir notablement — cette propension en insufflant un sens patriotique qui porte les détenteurs de pouvoir d’achat et surtout de facteurs rares à ne pas faire usage des possibilités de gain individuel supérieur qui s’offrent grâce à l’ouverture des frontières.
25Cette stratégie patriotique peut être illustrée à l’aide d’une parabole très simple10. Une famille travaille la terre en utilisant des techniques et en distribuant travail et produits d’une manière qui permet à tous — y compris les enfants, les vieillards et les invalides — de faire bien mieux que subsister dans un environnement physique et humain agréable. Mais voilà que les plus vigoureux décident d’accepter la possibilité qui leur est offerte de travailler dans une autre ferme en échange d’une part plus importante du produit — ou même simplement qu’ils envisagent sérieusement de saisir cette possibilité si leur propre famille ne leur concède pas une part du produit total au moins égale à ce qu’ils pourraient trouver ailleurs. Il ne faudra alors pas attendre longtemps pour que la part du produit allouée aux plus faibles, aux moins productifs, décline rapidement, ni pour que l’environnement matériel et les relations humaines se dégradent. Mais si tous croient à l’importance de la famille, si les plus vigoureux subordonnent leur intérêt personnel étroitement conçu à la persistance et à l’épanouissement de la communauté familiale à laquelle ils sont profondément attachés, alors l’existence d’options aguichantes à l’extérieur cesse de constituer une menace pour la survie de la communauté familiale, pour la solidarité forte qui la soude, pour le mode de vie qui la caractérise.
26Comme la stratégie de la globalisation — l’extension de l’échelle —, la stratégie patriotique — l’intensification de l’allégeance —, si elle pouvait être poussée à l’extrême, résoudrait donc en principe notre problème et permettrait aux Etats de continuer à être tout autre chose que des entreprises. Mais comme la globalisation, elle soulève de multiples questions. Certaines concernent le choix du niveau auquel ce patriotisme doit se situer : s’agit-il par exemple de la Région, de l’Etat fédéral, de l’Union européenne, d’autre chose encore ? D’autres questions, plus cruciales encore, touchent au contenu de ce patriotisme.
27Pour commencer, il ne semble guère plausible aujourd’hui de prendre à la lettre l’analogie familiale que je viens d’utiliser et de faire appel à l’obscur désir de se sacrifier à ses frères de sang, à son peuple, à son ethnie. Et cela d’abord parce que les entités politiques aujourd’hui sont effroyablement hybrides ethniquement parlant et le sont du reste de plus en plus ; ensuite, parce que toute allusion à un patriotisme fondé sur la race évoque d’emblée et à juste titre d’abominables précédents. Peut-être alors ce patriotisme doit-il être fondé sur un projet, sur une certaine conception substantielle de la vie bonne, par exemple d’inspiration religieuse. Mais cette fois encore la route est vite barrée par la réalité du pluralisme de nos sociétés et l’impératif de le respecter. Aurions-nous alors pour seule option de nous résigner à suivre l’exhortation de la présidence du gouvernement wallon, en prenant acte que le seul projet qui ait sens aujourd’hui, le seul qui puisse nous unir et mériter nos sacrifices, c’est le business ? Mais d’abord, à supposer même que cette stratégie puisse réussir, elle détruit son propre objectif en prétendant le poursuivre : pour rendre une marge de manœuvre par rapport aux impératifs du business, elle ne trouve rien de mieux à faire que d’engendrer et exalter une adhésion volontaire à ces mêmes impératifs. En outre, il est hautement improbable que cette stratégie puisse donner naissance à un projet collectif mobilisateur : business pour business, autant aller là où notre intérêt individuel nous conduit.
28Sommes-nous donc dans l’impasse ? Je ne le crois pas. Certes, un patriotisme tenable aujourd’hui ne peut pas être fondé sur une ethnie plus ou moins fictive ni sur un passé plus ou moins mythifié, mais bien sur un projet. Certes aussi, le projet qui définit un patriotisme tenable aujourd’hui ne peut ni consister à promouvoir une conception particulière de l’existence, ni se réduire à l’exaltation du business. Pour reprendre en l’inversant la formule de la présidence du gouvernement wallon, ce qui peut et doit nous réunir aujourd’hui, c’est plutôt la charity que le business. Plus précisément, c’est un projet collectif qui ne soit pas axé sur la rentabilité, la compétitivité, la performance économiques — même s’il leur laisse une place et s’il n’oublie jamais que, quelle que soit la fin poursuivie, l’inefficacité, le gaspillage, l’irresponsabilité sont des handicaps, des plaies qu’il importe de combattre —, mais bien sur une conception de la justice sociale qui combine un égal respect pour une grande diversité de conceptions de la vie et une égale sollicitude pour tous les membres de la société, avec ce que cela implique comme divergence systématique par rapport à la distribution des ressources qu’instaurerait spontanément le libre jeu du marché.
29Rien n’empêche que des projets et des patriotismes de ce type s’emboîtent géographiquement en articulant, de l’entité la plus vaste à l’entité la plus réduite, des interprétations de plus en plus exigeantes de pareille conception solidariste de la justice. Un mot seulement, en guise d’illustration, sur ce que pourrait être, dans ce cadre, un projet sensé pour la Belgique, un projet digne de notre patriotisme — ou de l’un de nos patriotismes, à côté de ceux qui s’y emboîtent et dans lesquels il s’emboîte. La tâche de la Belgique est d’être, de rester, de devenir ce que l’ex-URSS, l’ex-Yougoslavie et l’ex-Tchécoslovaquie n’ont pas pu devenir : un Etat plurinational et démocratique, et en particulier un Etat qui parvienne à organiser viablement des transferts interindividuels substantiels passant au travers des frontières d’entités nationales essentiellement souveraines. Réussir cela ne sera pas simple. Mais pour la Belgique comme pour l’Europe et au delà, l’enjeu est d’une importance capitale. Car même si, à long terme, il n’y aura pas plus de solidarité entre les régons de Belgique et, par exemple, la Lorraine ou la Basse-Saxe qu’entre la Wallonie et la Flandre, le niveau auquel et la forme dans laquelle nous parviendrons à stabiliser la solidarité interpersonnelle dans le cadre belge sont susceptibles d’être déterminants quant au niveau et à la forme que des transferts interpersonnels pourront prendre, peu à peu, au niveau européen.11
6. Le plus vaste de nos rêves
30L’éthique, à cette lumière, est-elle en mesure de résister à l’épreuve de l’immersion dans un marché de plus en plus mondialisé ? Préserver ou reconquérir à son profit une marge de manœuvre importante n’est pas exclu, à condition de jouer de l’une ou l’autre, et sans doute de l’une et l’autre, des deux stratégies évoquées : hisser la citoyenneté à un niveau davantage soustrait aux contraintes engendrées par la mobilité des facteurs précieux — c’est la globalisation — et/ou muscler la citoyenneté par la mise en place d’une allégeance à un projet mobilisateur qui neutralise la menace de cette mobilité — c’est le patriotisme solidariste. Chacune de ces stratégies, je l’ai dit, soulève des difficultés et chacune peut susciter le scepticisme. Mais l’heure aujourd’hui n’est pas à la coquetterie. Elle est à l’urgence. Si nous voulons empêcher que les exigences les plus fondamentales de l’éthique sociale soient balayées par les impératifs de l’économie mondialisée, alors il n’y a pas d’autre option que de jouer de l’une et l’autre de ces deux stratégies, d’une manière certes toujours imparfaite et approximative.12
31La tâche sera rude et longue, à la fois intellectuellement et politiquement. Mais l’enjeu est de taille. Avec l’émergence de pressions migratoires et d’interdépendances écologiques d’une ampleur inédite — et du reste en interaction étroite avec elles —, l’instauration d’un marché mondial constitue peu à peu l’humanité en un seul peuple. D’un point de vue éthique, c’est là sans doute une chance inouïe à saisir, la possibilité de réaliser l’exigence éthique exaltante de non-discrimination, de solidarité mondiale apparue dans nos cultures avec les grandes religions universelles. Mais cette chance sans précédent a pour revers un péril sans précédent. Celui d’un ratatinement sur des solidarités toujours plus exiguës et plus ténues, sous la contrainte toujours plus pesante de l’impératif de compétitivité. Percevoir cet impératif, c’est sans doute avoir les yeux en face des trous. Mais laisser se construire un monde où ne puisse plus subsister que ce qui passe le filtre de la compétitivité, c’est accepter que se mue en cauchemar ce qui aurait aussi pu devenir la réalisation du plus vaste de tous nos rêves.
32Nous devons faire mieux que cela. Nous pouvons faire mieux que cela.
Bibliographie
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Van Parijs, Philippe. 1993b. « Solidarité et responsabilité : une contradiction insurmontable ? », Revue Nouvelle 11, novembre 1993, 58-64.
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Van Parijs, Philippe. 1994a. « Du juste partage d’une dette commune », Revue Nouvelle 5, mai 1994, 56-66.
Van Parijs, Philippe. 1994b. « Ethique et université dans un monde en crise », in L’Université catholique aujourd’hui. Liberté et engagement (P. Löwenthal ed.), Louvain-la-Neuve : Academia.
Van Parijs, Philippe. 1995. Real Freedom for All. What (if anything) can justify capitalism ?, Oxford : Oxford University Press.
Weidenbaum, Murray. 1992. « Le nouveau contexte économique », Dialogue 4, 5-12.
Notes de bas de page
1 On trouvera une analyse plus développée de cette instrumentalisation de l’éthique des affaires dans le dernier chapitre (« Les noces de l’éthique et du business ») de Lipovetsky (1992). J’explicite quelque peu les diverses figures de l’alliance entre éthique et profits dans Van Parijs (1993a).
2 Ce deuxième volet du paradoxe est bien analysé dans Baumol (1991 : chap. 1).
3 On pourra trouver une présentation plus développée et très lisible de certains aspects de cette tendance lourde et de ses implications dans Gérard (1993).
4 Cet asservissement des Etats aux contraintes du marché est parfois considéré comme un avantage. Ainsi, Murray Weidenbaum (1992 :12), président du Council of Economic Advisers sous Reagan, note que « les politologues et les économistes savent depuis longtemps déjà que les gens « votent avec leurs pieds » en abandonnant les régions ou les pays où les possibilités sont limitées au profit de ceux qui offrent un avenir plus souriant. A l’âge de l’informatique, du téléphone et de la télécopie, la mobilité des entreprises est encore bien plus grande. Aussi peut-on s’attendre à une refonte radicale de la politique intérieure par crainte d’un transfert de certaines activités économiques dans d’autres parties du monde. [...] Le gouvernement a un rôle constructif à jouer vis-à-vis de la mondialisation des marchés. Il consiste à renforcer la compétitivité et la productivité des entreprises opérant sous sa juridiction en réduisant le poids de sa fiscalité et de la réglementation et en diminuant le coût réel du capital par la réduction du déficit budgétaire. » Plus explicitement encore, l’économiste libertarien Deepak Lal (1992 : 103) reconnaît que la mobilité du capital « rend plus difficiles, voire impossibles, les politiques keynesiennes de soutien à la demande et la mise en ouvre d’une législation sociale, en matière de droit au travail par exemple. » Mais, dit-il, d’un point de vue libéral, « pareille intervention économique est pour une bonne part inappropriée, et il serait donc malvenu de déplorer sa disparition ou de réprouver l’agent de sa destruction ».
5 On trouvera des formulations paradigmatiques de ce consensus post-keynesien dans Boyer (1991) et Bowles (1993).
6 Pour une analyse économique édifiante des contraintes s’imposant à une petite économie endettée (avec une application au cas d’un Québec sécessionniste), les lecteurs économistes liront avec intérêt Green (1993).
7 Pas dans tous les cas sans doute : il existe des entreprises d’un caractère un peu particulier qui peuvent se permettre, à tout le moins quand le moral est bon, de tenir un tel discours. Confronté aux revendications matérielles de son personnel, il n’est pas exclu qu’un parti politique par exemple, voire une institution universitaire - ou peut-être seulement une institution universitaire catholique (voir Van Parijs 1994b) -, puisse s’en tirer en paraphrasant Kennedy !
8 Une enquête sur les étudiants belges francophones en économie et en gestion (publiée dans le supplément Eco-Soir du 26 mars 1993) révèle par exemple, sous le titre significatif « Que feront-ils ? Ils partiront à l’étranger », qu’à peine 14 % attachent une grande importance au fait de rester au pays.
9 Cette seconde difficulté ne pourra être résolue, ou du moins significativement atténuée, que si l’on prête la plus grande attention à l’« ingéniérie démocratique » de l’entité politique globale. Voir Van Parijs (1993c) pour une discussion de ce point.
10 Qui m’est suggérée par Gérard (1993), où elle est utilisée pour faire comprendre le mécanisme sous-tendant le phénomène que j’ai ici qualifié de « tendance lourde ».
11 Cet argument relatif à la tâche historique de la Belgique est développé dans Van Parijs (1993b et 1994a).
12 Cette double option constitue un complément indispensable au projet de mettre en place, au niveau le plus élevé qui soit soutenable, un revenu inconditionellement attribué à tout citoyen. Avec lui, elle constitue l’armature centrale de toute pensée progressiste à la mesure de notre temps. Ce point de vue est explicité et défendu dans Van Parijs (1995), en particulier la dernière section (« Steering clear of Penguins Island »).
Notes de fin
* Des versions antérieures de ce texte ont été présentées dans le cadre du colloque « Variations sur l’éthique » organisé par les Facultés Universitaires Saint Louis en l’honneur du professeur Jacques Dabin (Bruxelles, 21 avril 1994), d’une journée de formation continuée du Centre de documentation économique et sociale des Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix (Namur, 27 avril 1994), d’un cycle de conférences du Centre universitaire luxembourgeois (Luxembourg, 9 novembre 1993) et de l’Université d’été du Parti socialiste (La Marlagne, 31 août 1993). Une partie de l’argumentation figurait également dans les interventions plus brèves que j’ai faites lors du Forum enseignement organisé à l’initiative du mouvement ECOLO et de la Confédération Générale des Enseignants (Namur, mars 1993) et d’une réunion de présentation du mouvement Charte 91 (Bruxelles, novembre 1992). Aux publics très divers auxquels ces rencontres m’ont permis de m’adresser, je suis très reconnaissant pour de nombreuses questions, remarques et critiques, orales et écrites, dont la présente version s’est efforcée — très imparfaitement — de tirer profit.
Auteur
Professeur à l’Université catholique de Louvain, Chaire Hoover d’éthique économique et sociale, L’éthique à l’épreuve du marché mondial.
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